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Représentations et raisons d’action d’anciens responsables politiques concernant les changements climatiques MICHEL PIGEON étudiant au doctorat, Département de sociologie, professeur émérite, Département de génie civil, Université Laval Mai 2020

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Représentations et raisons d’action d’anciens responsables politiques concernant les changements climatiques

MICHEL PIGEONétudiant au doctorat, Département de sociologie,

professeur émérite, Département de génie civil, Université Laval

Mai

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Coordonnéesdel’InstitutEDSInstitutHydro-Québecenenvironnement,développementetsociétéPavillonAlexandre-Vachon,local20451045,avenuedelaMédecineUniversitéLaval,Québec,G1V0A6

Téléphone:(418)656-2723Télécopieur:(418)656-7330Courriel:[email protected]:www.ihqeds.ulaval.ca

Miseenpageetédition:Elise-KatrinaPerronJean

Réviseurs:LouisGuay,GuyFréchet

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| Table des matières

Résumé..............................................................................................................................................................6Introduction.....................................................................................................................................................7Cadrethéorique..............................................................................................................................................8

Contextesocialetpolitique...................................................................................................................................8Entrevuesetméthoded’analyse.........................................................................................................................9

Présentationdesrésultats.......................................................................................................................11Lesanciensministres...........................................................................................................................................11Aspirationsetambitions.....................................................................................................................................11Représentations......................................................................................................................................................12Représentationdescitoyens.............................................................................................................................14Raisonsd’action......................................................................................................................................................14Contraintesetconditionsd’action..................................................................................................................15Lefutur.......................................................................................................................................................................17

Analysedesrésultats.................................................................................................................................19Conclusion.....................................................................................................................................................22Références.....................................................................................................................................................23

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| Résumé

Afindecomprendrelesraisonsdeleuractionet les représentations qui les sous-tendent,nous avons interviewé douze anciensministres responsables des questionsenvironnementales.Cesministressontportésparuneformed’ambitionqu’onpeutqualifierdepositive:sefaireélirepourensuitesefairevaloir en faisantdubon travail au servicedeleurs concitoyens. Ils voient généralementl’environnement comme un enjeu concret,principalement de nature économique, mais,tant en France qu’au Québec, leur marge de

manœuvre est étroite. Ils ont tous tenté defaire au mieux pour la protection del’environnementetlebien-êtredeleursconci-toyens,maissanstropbousculerleurmodedevie ni l’ordre établi, tout en étant générale-ment très conscients que les défis à relevervont demander très bientôt des décisionsbeaucoup plus difficiles. La sociologie poli-tique explique que les décisions politiquesdans nos sociétés démocratiques sont desconstructionscollectivesd’acteurseninterac-tion.Nosrésultatsleconfirment.

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RédigéparMichelPigeon

Représentations et raisons d’action d’anciens responsables politiques concernant les changements climatiques

| Introduction

Lessociétésdéveloppéesontunmodedeviequi les amène, en quelque sorte, à vivre audessusdeleursmoyensmatériels,biologiqueset écologiques (Rockström et coll., 2009).Commentenest-onarrivé là?Et surtout,quidoit s’en occuper ? Il est facile de répondretoutsimplementquecesontlesresponsablesgouvernementaux, les élus. Mais cette ré-ponse néglige à notre avis un élément trèsimportant: la société elle-même. Dans lessociétésdémocratiquesactuelles, lescitoyenssont de plus en plus instruits et informés, etréclament de participer aux grandes déci-sions, ou à tout le moins d’être consultés.Dans un contexte où certaines de ces déci-sions risquent de bousculer quelque peu leshabitudes de vie des gens et ce que les ci-toyensperçoiventcommedescomportementssociauxnormaux,iln’estpastrèsétonnantdeconstater que les problèmes environnemen-taux sont loin de toujours faire l’objet desactions fortes et radicales qui seraientnécessaires (Baxter et Laffoley, 2016). Parailleurs,ilfautrappelerquedesgroupesbienorganisés, en particulier dans certains sec-teurs de l’industrie comme le pétrole et lecharbon, ont des intérêts qui vont dans ladirection opposée, bien qu’il soit intéressantde noter que, tout récemment, de nombreuxdirigeantsdegrandsgroupesindustrielsaientrappelé la nécessité de la transition vers lesénergies renouvelables (Agence France-Presse,2016).

Lessolutionsauxgrandsdéfisenvironnemen-taux sont, dans l’ensemble, assez bienconnues. Concernant en particulier leschangements climatiques, il faut réduire laconsommation d’énergie, et effectuer unetransition énergétique, c’est-à-dire réduireradicalement l’utilisation des carburants fos-siles et développer des sources d’énergierenouvelable, comme l’énergie solaire ou éo-lienne. Dans ces circonstances, il nous estapparu utile et intéressant d’étudier et demieux comprendre pourquoi les hommes etles femmes politiques, qui sont responsablesdu développement durable, et donc du futurde l’humanité, et qui doivent promouvoir leschangements nécessaires, ne semblent pasfairetoutcequiestnécessairepours’attaqueràcesgrandsdéfis.

Ce texte présente les résultats d’une séried’entrevues semi-dirigées avec une douzained’anciens responsables politiques del’environnement, tant au Québec (8) qu’enFrance(4).Celles-ciontétéeffectuéesdanslebut, en particulier, de comprendre leurévaluation des raisons pour lesquelles il n’apas été possible pour eux de faire plus(blocages réels ou appréhendés de naturepolitique ou sociale, impossibilité deconvaincre les citoyens, etc.). Le choix duQuébecetde laFrances’est imposépourdesraisons de facilité d’accès, l’auteur étantun ancien membre de l’Assemblée nationaleduQuébec.

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| Cadre théorique

ContextesocialetpolitiqueNous vivons à une époque où le lien social est affaibli. Pour Touraine (2013), le triomphe del’individualisme et la globalisation de l’économie, qui est maintenant hors d’atteinte desinstitutionssocialesetpolitiques,détruisentlesocialetl’idéemêmedesociété.Deplus,commelesouligneBeck(2009),nousnesommesplusgouvernésparlatoute-puissancedelascienceetde la raison et par la croyance au progrès. Nous avons, dit Beck, le devoir de modifier lefonctionnement de nos sociétés pour donner aux citoyens un rôle plus important. Celacommenceparledroità l’informationetparl’acceptationquelascienceet latechnologiesontdevenuesdesquestionspolitiques.

Dans lesdémocratiesparlementairesd’inspiration libéralecommec’est lecasauQuébecetauCanada,onpeutaffirmer,defaçonpeut-êtreunpeucaricaturale,quelepouvoirestmaintenanten quelque sorte partagé entre les hommes et les femmes politiques qui sont élus, et lesnombreusesorganisationsetassociationsdetravailleurs,d’employeurs,decitoyensconcernés,d’étudiants,deretraitésetdepersonnesprovenantdediversgroupessociaux(Fung,2003).Deplus, celles-ci sont traversées par une crise de confiance, non seulement envers lesgouvernements, mais aussi de façon générale envers toutes les institutions et toutes lesadministrations.

L’hypothèse principale de notre travail est que l’action politique dans le domaine del’environnement,etparticulièrementencequiatraitàl’enjeudeschangementsclimatiques,esten bonnepartie fonctionde la perception que les élus ont des valeurs et des comportementssociauxdescitoyens.Onutiliseparfoisletermed’acceptabilitésocialepourdésignercetteformede contrainte à l’action politique, bien que cette notion n’ait pas de définition précise, ni enpolitique, ni en sociologie. On constate en fait que non seulement les problèmesenvironnementauxàlongtermenepréoccupentpasbeaucouplescitoyens,maisquemêmeceuxetcellesquisedisentinquietssemblentsouventpeuenclinsàaccepterleschangementssociauxquiseraientnécessaires.

Mêmelorsque lasensibilitéécologiqueestdéveloppéeauseind’ungroupesocial, le lienentreles valeurs, les attitudes et les comportements ne sont pas simples et directs (Leiserowitz etcoll.,2006).D’abord,lesvaleursn’ontpastouteslamêmepriorité,etilpeutyavoirdesconflitsàcet égard, par exemple entre la nécessité de l’action environnementale et l’impératif dudéveloppement économique. Il y a aussi souvent des obstacles qu’on qualifie de structuraux,comme certaines lois (et règlements), les technologies et les infrastructures disponibles, lesnormes sociales, etc. Les consommateurs n’agissent pas de manière isolée, mais commemembres d’une communauté (Bartiaux, 2012). Il y a interaction entre les technologies et lesinfrastructures,lesnormesetlesconventionssocialessurleconfort,lacommodité,lapropretéetlespratiquesjugéesadéquates,normalesetlégitimesdanslegroupesociald’appartenance.

Un peu à l’opposé, Rhodes et coll. (2014), qui s’appuient sur les résultats d’une enquête parinternet auprès de 475 citoyens de Colombie Britannique, constatent que la majorité descitoyens sont trèspeu informés,maisque celan’est pas important concernant leur appui auxpolitiquespubliques au sujet des changements climatiques. Les trois principauxdéterminants(predictors) de cet appui sont le niveau de préoccupation des effets des changementsclimatiques,laconfianceenverslesscientifiquesdesuniversitésetduGIEC,etlegenreféminin.Lavisibilitédescoûtsestaussiunfacteurimportant.

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Unedesgrandesdifficultésque leschercheursontobservéesestque lapopulationne faitpasconfianceauxautoritésgouvernementalesconcernant lesquestionsenvironnementales,etquecela nuit en particulier à la prise de conscience du problème du réchauffement climatique(Peretti-Watel et Hammer, 2006). Les citoyens font cependant confiance aux scientifiques (à90%, versus seulement 10% pour le gouvernement, selon cette enquête), mais ils necomprennentpasbien,enparticulier,l’effetdeserre.

Les résultats d’une autre enquête,menée par Aklin et Urpelainen (2014), confirment que lescitoyens font quasi spontanément confiance à la science, mais que la dissidence d’un petitnombre de scientifiques jette malheureusement un doute important dans la population etdiminuefortementl’appuiauxpolitiquesenvironnementales.Ilfautdoncmieuxinformercelle-ci sur la science et ses inévitables incertitudes. De plus, pourmotiver la population face auxchangementsclimatiques,ilfauts’appuyersurdesvaleurspositives.Lapeurnefonctionnepas,commel’expliquentSmithetLeiserowitz(2014).

Pour Steg (2016), différentes stratégies sont possibles pour encourager les comportementsbénéfiques pour l’environnement. Elle rappelle que les incitatifs financiers peuvent avoir deseffetspervers,parexempleendonnantl’impressionqu’onpeutacheterledroitdepollueretenactivantlesvaleurségoïstes.Lamiseenplacedeconditionsfacilitantesestimportante,maispastoujoursfacileousimple.Uneautrestratégieestderéduirel’effortcognitifquelespersonnesnesont pas toujours disposées à fournir, par exemple en donnant du «feed-back» visuel.L’information générale ne semble pas très utile. L’influence du groupe social peut égalementjouer un rôle. Mais quoiqu’il arrive, les politiques publiques pro-environnementales doiventavoir l’appui du public et apparaître justes (fair) pour tous. La justice environnementale etl’égalitésontdoncdesvaleursimportantes.

Nousn’avonspas trouvédepublicationsportantdirectementsur l’actionministérielledans ledomaine de l’environnement. Une équipe de recherche de l’UQAM s’est toutefois penchéerécemmentsurlaperceptionqu’ontlesélusdesquestionsenvironnementales(Gendronetcoll.,2013).Lesrésultatsindiquentquelaplupartd’entreeuxsontconscientsqu’ilyaunproblèmededégradationdel’environnementetqu’ilyadestensionsentrel’économieetl’environnement.Ils croient cependant que c’est possible de concilier le développement économique (et lesprofits) et la protection de l’environnement, et que cela relève principalement de laresponsabilitédugouvernement.

Entrevuesetméthoded’analysePouratteindrenosobjectifs,commenousl’avonsexpliquéenintroduction,nousavonschoisidemeneruneséried’entrevuessemi-structuréesavecdouzeanciensministresdel’environnementauQuébecetenFrance.Puisquelesgrandsproblèmesenvironnementaux,etenparticulier leschangementsclimatiques,nesontvéritablementdevenusdesenjeuxpolitiquesqu’aucoursdesannées 1990, le nombre de répondants qu’il était possible d’interviewer auQuébec était trèslimité, d’autant plus que les hommes et les femmes politiques qui sont encore en poste nesouhaitent pas nécessairement participer à ce type de travaux. C’est pourquoi nous avonségalement pris contact avec d’anciensministres de l’environnement en France. Au total, nousavonsinterrogéhuitpersonnesauQuébecetquatreenFrance.Chacunedecespersonnesaétéministreresponsabledesquestionsenvironnementales(lestitresexactsvarient,deministredel’environnement,àministredel’écologie,àministredudéveloppementdurable,etc.)pourunepériodevariantd’unpeumoinsd’unanàprèsdequatreans,de1994à2014.Pourdesraisonsde confidentialité, nous les avons tout simplement numérotées de 1 à 12. Leurs principalescaractéristiquesdémographiques,socialesetpolitiquessontdécritesdanslasectionsuivante.

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Lesentrevuessesontdérouléesdudébutdenovembre2015àlafindemai2016.Leurduréeavariédequaranteminutesàpresquedeuxheures,pourunemoyenned’unpeuplusd’uneheure.Chacuned’ellesaétéenregistréeetensuiteécoutéeattentivementàdeuxreprisespourentirertous les éléments considérés pertinents. Nous avons préparé pour chacune d’elles un longdocument écrit contenant toutes ces informations, que nous avons ensuite validé par unetroisièmeécoute.

Laméthodedel’entrevuesemi-dirigéeestcellequinousestapparuelaplusappropriée,àlafoispourcetypederépondant,etpour lesrésultatsquenoussouhaitionsobtenir. Ils’agiteneffetd’uneméthodesuffisammentflexiblepours’adapteràdespersonnesquiontdespersonnalitésfortes,quiontdesmanièresd’êtreetde faire trèsdifférentes, etdont les souvenirs sontdanscertainscastrèsvifs,etdansd’autrescasbeaucouppluslointains.

Lagrilleétabliepourlesentrevuescomportaitcinqélémentsprincipaux:leprofilpersonneldurépondant,sonparcourspolitique,sonparcoursenvironnemental,sontravailàtitredeministre,et son avis sur la manière d’aborder les principaux défis que nous devons affronter, si nousvoulonspréparercorrectementl’avenirdenossociétés.Concernantletravailàtitredeministre,nousavonsenparticulierposéàchaquerépondantdesquestionssur lessuccèsobtenus,ainsiquesurleurévaluationdesraisonspourlesquellesiln’apasétépossiblepoureuxdefaireplus.

En nous inspirant de la méthode proposée par Braun et Clarke (2006) pour l’analysethématique, dans le but d’établir un certain classement de l’information pour en faciliter letraitement, et après nous être familiarisé avec les données, nous avons identifié, à partir del’ensemble du contenu des entrevues, une vingtaine de «codes» ou d’éléments de based’information qui nous ont paru pertinents et importants. Nous avons ensuite étudié trèsattentivement chaque entrevue, et, pour chacune d’elles, nous avons déterminé le contenuparticulier de chaque élément de base d’information (ou «code»). Ces éléments sont lessuivants:lapersonnalitédechaqueministre,sonparcours,sesaspirations,sesraisonsd’actiondans le domaine de l’environnement, ses représentations de la politique dans le domaine del’environnement, ses représentations de l’environnement (au sens large), ses représentationsdes changements climatiques, sa perception des conditions et des contraintes reliées auxchangements,sonopinionsurl’impactdeslobbies,sonopinionsurledegrédesensibilisationdela population aux questions environnementales, sa vision concernant l’éducation et lacommunication,sonexpérienceconcernantsesrelationsaveclesgroupesenvironnementalistes,ses principaux domaines de travail, son parcours de vie, les circonstances et les raisonsentourantsonchoixdefairedel’actionpolitique,sonopinionsurlacompétenceetletravaildela fonction publique, les autres principes et constats qui ont été soulevés et que nous avonsconsidéréssignificatifs,lesvaleursdesonmilieufamilial,lepouvoirqu’ilaexercéetlesblocagesqu’ilarencontrés,sesrelationsavecsescollègues,sesréflexionssurlefuturdelasociété,etsavisiondeladémocratie.

Note:danscedocument,pourdesconsidérationsreliéesà l’anonymatrequis,aucunementionn’estfaitedugenredesministresinterviewés.

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| Présentation des résultats

LesanciensministresLesanciensministresquenousavonsinterviewéssontenmajoritéissusdesclassesmoyennes,troisétantplutôtd’originepopulaireetdeuxprovenantdemilieuxplusaisés.D’unpointdevuesociodémographique, troissontnésdurant laguerre,cinqdurant lapériodedubaby-boom,etquatre sont de la génération X. À deux exceptions près, ils ont tous obtenu un diplômeuniversitaire,laplupartendroitouenscienceshumaines.

Lorsque nous les avons interrogés sur leurs valeurs familiales et leur éducation, c’estl’engagement social qui a été la seule valeur mentionnée par une majorité de répondants.L’importancedesétudesaétésoulignéeàcinqreprises,etlesvaleursdutravail,del’autonomie,de la liberté, de l’honnêteté, de l’ouverture et de l’ambition ont été chacunementionnées partroispersonnesoumoins.

La plupart de ces anciens ministres ont un profil de militant politique, ayant été actifspolitiquement dès le début de leur vie adulte. Quatre seulement ont commencé leur carrièrepolitiquevers35-40anssansavoirmilitéaupréalable.Onpeutnoterquetroisd’entreeux(tousfrançais) ont d’abord occupé des fonctions électives locales, et que quatre n’avaient occupé àtoutes fins utiles que des emplois liés au monde politique, avant de devenir ministre del’environnement. On peut grosso modo considérer que sept sont situés plutôt à gauche duspectrepolitiqueetcinqplutôtàdroite.

Concernant la sensibilisation aux enjeux environnementaux, leurs parcours sont très variés.Certainsontdéveloppéuneformed’attachementàlanaturedèsleurjeuneâge.D’autresontétéfrappés par certaines formes de pollution agricole ou industrielle. Trois ont mentionnéexplicitementl’impactdurapportBruntlanden1987etdelaConférencedeRioen1992,etunautreamentionnélesgrandescatastrophescommeBhopaletTchernobyl.Quelques-unsontprisvéritablementconsciencedecesenjeuxendevenantministreou,commeélusouresponsableslocaux,enétantconfrontésàdesproblèmesenvironnementaux.Deuxdesrépondantspeuventêtredécritscommeétantdevéritablesenvironnementalistes.

AspirationsetambitionsConsidérant toutes les difficultés et toutes les contraintes auxquelles elles ont à faire face, onpeutaffirmerquelespersonnesquifontdelapolitiquelefontnécessairementparchoix,parcequ’elles ont des aspirations et des ambitions. On ne devient pas candidat à une élection parhasard!Quelles sont ces aspirations et ces ambitions, quels sont les enseignementsquenouspouvonsdégageràcesujetdesentrevuesquenousavonsmenéesauprèsd’anciensministresdel’environnement?

Enpremier lieu,nosdonnées indiquentqu’ilsétaienttousportésparuneambitionqu’onpeutqualifier de positive: se faire élire, pour ensuite se faire valoir en faisant du bon travail auservicedeleursconcitoyens.C’estlàl’élémentessentielàlabasedeleurengagementpolitique.Un seul des répondants nous a dit très explicitement qu’il n’avait pas de véritable ambitionpolitiqueetquec’estuniquementladéfensedesesidéesquil’avaitguidé.

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«desvaleursquimeconditionnaientà l’époque,ellessontcellesquiont toujoursétélesmiennes,c’est-à-dirededonnerunsensàsavieparleservicedesautres,[…]etleservicedemonpays»(M4)

Onpeutnoterquequatredenosrépondantssontissusdefamillesqu’onpeutqualifierdetrèspolitisées,desconditionstoutesfavorablesaudéveloppementd’unecertaineambitionpolitique.

Dans les sociétésoccidentalesdémocratiques, lesministres sont choisispar leprésidentou lepremierministre.Celui-ci faitunesélectionen fonctiond’ungrandnombredecritèresdont laplupart sont politiques, et donc non directement reliés aux intérêts personnels ou auxcompétencesdirectesdeceuxetcellesqu’ilnomme.Saufexception,onnechoisitdoncpasdedevenirministredel’environnement,cequiexpliqueenbonnepartiepourquoilamajoritédesministresdel’environnementquenousavonsinterviewésnesontpasdesenvironnementalistes.

«etquandon est arrivéaupouvoir, onm’anomméministrede l’environnementtout de suite, […] c’était à peu près la dernière (possibilité) à laquelle j’auraispensé»(M10)

Deuxièmement,certainsd’entreeuxpoursuivaientaussiuneformed’idéal:pourquelques-uns,l’idéal souverainiste (au Québec), et, pour un plus petit nombre, l’idéal d’un développementécologiquementresponsabledelasociété.

Entroisièmelieu,mêmesitouslesrépondantsontagideleurmieuxpours’attaquerauxdiversproblèmes environnementaux auxquels ils étaient confrontés, à quelques exceptions près, ilsauraient tous souhaité faire plus, leur expérience ministérielle, en particulier, les ayantfortementsensibilisésàcesquestions.

ReprésentationsReprésentationdel’ensembledesquestionsenvironnementalesetreprésentationdeschangementsclimatiques

Unereprésentationsocialeest«unensembleorganiséd’informations,d’opinions,d’attitudesetde croyances à propos d’un objet donné» (Abric, 2001). Lorsque l’objet donné, icil’environnement, est entendu au sens large, il n’est pas étonnant que la représentation soitdifficileàcernerdefaçonpréciseetqu’ellesoitenoutrerelativementvariable.

Lorsqu’unepersonnedevientministre, et plus précisémentministre de l’environnement, c’estd’abord la tâche à accomplir qui lui apparaît. L’élément qui ressort le plus fréquemment desentrevues est donc l’aspect concret des questions environnementales. Il y a un ensemble deproblèmesàrégler,etcelaexigedessolutionspratiquesqueleministredoitmettreenœuvreleplusrapidementpossible.C’estparticulièrementlecas,parexemple,pourcequiestdelaqualitédel’eaufaceauxpollutionsd’origineagricole,unenjeuquepresquetouslesanciensministres,sinontous,onteuàconfronter.

L’environnementestégalement,pourplusieursrépondants,unenjeuprincipalementdenatureéconomique.Lessolutionsauxproblèmesonttoutesuncoûtqu’ilfautassumer.Lamajoritédesanciens ministres rencontrés se voyaient d’ailleurs un peu comme un obstacle à contournerpour leurs collègues. Certains ont toutefois une vision beaucoup plus positive des défisenvironnementaux. Ainsi, une des personnes interviewées y voit très clairement une

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opportunité de développement, d’innovation et d’emploi qui ne peut qu’être profitable à longtermeàlasociété.

L’environnementestaussipourquelques-uns,unenjeu importantd’éducationetunequestionsociale(rattachéeauxvaleursdescitoyensetautypedesociétédanslaquelleilsveulentvivre).Lescitoyensn’acceptentlescontraintesquileursontimposéesparlaloiques’ilscomprennentl’importancedel’enjeuetdudéfipourlefutur.Danscetteoptique,lerôledel’école(etaussidelacommunicationgouvernementale)estessentielcommeoutildesensibilisation.

Laquestiondesdroitsfondamentaux,enparticulierceluidevivredansunenvironnementsain,a également été soulevée par quelques-uns. L’aspect plus directement patrimonial del’environnement,celuid’unactifàprotéger,n’aétémentionnéqu’aucoursd’uneseuleentrevue.

Si l’environnement est une question technique, le défi plus proprement scientifique n’a étésoulevéqueparquatreanciensministres.Deuxontégalementmentionnélagestiondesrisquescommeundesélémentscentrauxdurôleduministre.Leproblèmedel’aménagementurbainaété soulevé par plusieurs, mais, en France comme au Québec, cet aspect relève d’un autreministère.Onpeutenfinnoterqueseulsunoudeuxrépondantsvoientl’environnementcommeunequestionfondamentalementidéologique,relevantdulienentrel’hommeetlanature.

On voit donc que la représentation de l’environnement pour les anciens ministres estessentiellement de nature concrète. En ce qui concerne plus particulièrement la question deschangements climatiques, tous (sauf un qui y voit un débat essentiellement idéologique) lavoient aussi comme un problème très important à régler, de nature plus économique quesociale,maisdontlasolutionseratrèsdifficileàmettreenœuvre.

Représentation de la démocratie et représentation du rôle des hommes politiques concernantl’environnementetleschangementsclimatiques

Sans renier l’importance de la discussion et du débat, les anciensministres interviewés, dansleurtrèsgrandemajorité,nousontindiquéqueladémocratieétaitavanttoutpoureuxaffairedereprésentation. Les hommes politiques sont élus (démocratiquement), représentent leursconcitoyensetdeviennentdecefaitresponsablesdeleurbien-être. Ilssontainsiresponsablesnonseulementd’élaboreretdemettreenœuvredessolutionsauxproblèmescollectifs,commela protection de l’environnement, mais responsables aussi de convaincre les citoyens de lajustesse de leurs décisions. Nous avons besoin, a expliqué un répondant, de politicienscompétents,déterminés, etquidécident.Cette représentationde ladémocratien’exclutpas lerespect et l’écoute des citoyens, que l’on veut, comme l’un d’eux l’a mentionné, instruits,critiques et mobilisés. Mais l’élément fondamental demeure ce que certains ont qualifié de«leadership»etd’autresdevolontépolitique.

D’ailleurs,lespersonnesquenousavonsinterviewéesontengénéraluneconceptiontrèsélevée,etenunsenstrèsnoble,durôledeshommespolitiques,mêmesitroisd’entreellesontindiquéquelecourttermeetlesintérêtsindividuelsontsouventtropd’importance.Lemotaltruismeamême été utilisé, dans le contexte où les bonnes décisions concernant l’environnement, etparticulièrementleschangementsclimatiques,neporterontsouventleursfruitsqu’àlongterme,etqu’ilneseradoncpaspossiblede lesutiliserdans lecadred’unecampagneélectoralepourfairevaloirlebontravailfaitparlesélus.

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ReprésentationdescitoyensSi les anciensministresontune conceptionplutôt élevéedu rôledeshommespolitiques, leurvisiondescitoyensestsouventplusterreàterre,particulièrementpourceuxquinefontplusdepolitique active. La majorité considère que les citoyens ne sont pas très sensibilisés auxquestions environnementales et voit comme tout à fait normal que ceux-ci recherchent leursécuritéetleurconfortavanttout.Pourpresquetousnosrépondants,lescitoyenssontsensiblesà ce qui les touche directement, comme l’implantation d’une usine dans leur voisinage, parexemple,maissepréoccupentpeudesenjeuxdelongterme.

Dans la discussion sur le futur, «on a perdu la notion de projet collectif, […] lesgens sont beaucoup repliés sur leur bien-être personnel, l’hédonisme, personneveutvieillir»(M3)

Cette représentation rejoint donc celle du rôle des hommes politiques que nous venons dedécrire,etquifaitporterl’essentieldelaresponsabilitésurlesélusquidoiventprotéger,commel’und’euxl’adit,l’humblecitoyen.Ellerejointaussi,pourcertains,laquestiondel’éducationquidoit former les citoyens les plus instruits possibles des enjeux qui sont importants pour lasociété. Elle rejoint enfin leur vision de la démocratie, une démocratie beaucoup plusreprésentativequeparticipative,mêmesidesprocessusformelsetdesinstancesdeconsultationdescitoyensexistent,commeleBureaud’audiencespubliquessurl’environnementauQuébec.

Raisonsd’actionLesministres, commenous venons de le voir, ont des aspirations et des ambitions, ainsi quecertaines manières de se représenter l’environnement, la démocratie et la politique (enparticulier dans le domaine environnemental). Avant de considérer comment les dossiers surlesquels ils ont travaillé ont été déterminés, de même que ce qui les a motivés, nous allonsrappeler très brièvement l’ensemble des travaux effectués par les anciens ministres. Tous,même ceuxqui n’ont été enpostequ’un anouunpeumoins, ont expliqué, avecune certainefiertéouàtoutlemoinsaveclesentimentdudevoiraccompli,avoiragiavecdéterminationdansplusieursdossiers.

Dans le domainedes changements climatiques, il faut souligner, entre autres, que la France avotéuneloiimportantedetransitionénergétiqueetqueleQuébecacrééunFondsvertetmisenœuvreunsystèmedeplafonnementetd’échangededroitsd’émissiondeGES.Danslesautresdomainesreliésàlaprotectiondel’environnement,onpeutciter,entreautres,denombreusesloisetpolitiques,demêmequeplusieursrèglements,surlagestiondesmatièresrésiduelles,surlaqualitéetlaprotectiondel’eau,enparticulierlaprotectiondescoursd’eaumenacéspardesrejetsagricolesou industriels, et sur laprotectionde certainsespacesnaturels.Concernant lagestion des risques, différentes mesures ont été prises, dont des lois sur le contrôle despesticidesetsurlesrisquesindustrielsetnaturels.Notons,enfin,lamiseenœuvredestratégiesgénéralesetl’adoptiondeloisàcaractèreglobalconcernantledéveloppementdurable.

De façon très immédiate,deuxélémentsprincipauxressortentdenosentrevuesconcernant lechoix des dossiers sur lesquels lesministres ont travaillé. D’une part, il y a les directives du«grand patron», premierministre ou président, et, d’autre part, le contenu des programmespolitiquesdespartis.Àcesdeuxélémentss’ajoutentdesquestionsouenjeuxparticuliersqui,àcertains moments, font l’objet de débats dans l’opinion publique, et qui apparaissent alorscommeincontournables.

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Onvoitdoncquel’actionministérielleestenunsenstrèsencadrée,étantdictéesurtoutpardespriorités et des impératifs sur lesquels leministre a relativement peu de prise. En outre, lesprioritésquisontdéterminéesparlespartispolitiquesoulesgouvernementssontelles-mêmesissues des interactions et des discussions qui ont lieu dans les réseaux d’action publique, oudans les forums internationaux (pour les grands enjeux environnementaux comme leschangementsclimatiquesoulaprotectiondelabiodiversité).

Àunautreniveau, lesentrevuesfontressortirtoutelaquestiondel’éthiquedutravailetdelaresponsabilité,desvaleursquianimentlesministresetquisontissuesdeleuréducation,ainsiqueleurambitionpersonnelle.Defaçongénérale,parminosrépondants,cen’estpaslamiseenœuvredeleursidéesquilesamotivés,maisleursensdesresponsabilités.Ilyauntravailàfaire,etilfautdonclefaire,puisquec’estlaraisonpourlaquelleilsontétéélus.

Concernant la responsabilité du ministre, «si vous voulez pas agir, ou si vouspensez que vous allez déplaire, […] c’est ou faire le boulot, ou quitter legouvernement»(M5)

Leurgranderesponsabilité,commenous l’avonsvuplushaut,est lebien-êtreet lasécuritédeleurs concitoyens. Ceux-ci doivent pouvoir vivre dans un environnement sain, et c’est auxgouvernantsd’yvoir.Cetteconceptiondelaresponsabilitén’exclutévidemmentpasl’ambition,car fairedubontravailestundesmeilleursmoyens(maisnon leseul)dese fairevaloiretdemonterdans lahiérarchiegouvernementale.Ellen’exclutpasnonpluspourquelques-unsunemotivationunpeuplusfondamentaleetidéologique.

Contraintesetconditionsd’action

Lebilanquenousvenonsdedécrireà lasectionprécédentepourrait,àpremièrevue,paraîtreimpressionnant. Mais les anciensministres ont presque tous indiqué qu’ils auraient souhaitéfaire plus, en particulier concernant le grand enjeu des changements climatiques, mais aussiconcernantlapollutiond’origineagricoleetlaprotectiondel’eauetdecertainsterritoiresnonencoreaménagés.Enplusd’êtrefortementdéterminéeparlesprioritésgouvernementalesetlesquestionsd’actualité,l’actionministérielleestdoncégalementfortementcontraintepardiversesconditions qui en contrôlent le développement et lamise enœuvre et que nous devons biencomprendre. Pour cela, il fautmaintenant expliquer les différents éléments que les entrevuesontrévélésàcetégard.

Nousavonsdéjàmentionné l’importancede l’encadrementde l’actionministériellepardiversacteursetdifférentes instancespolitiques.À ce sujet, il fautpréciserque lespremiersacteursaveclesquelslesministressonteninteractionsontleurscollèguesduconseildesministres.Defaçonrégulière,ilsdoiventdoncnégocieravecceux-ci,carilsontdesimpératifsetdesprojetsdedéveloppement économique qui semblent souvent en opposition aux impératifsenvironnementaux. Un ancienministremême a indiqué que ses collègues voyaient l’écologiecommeunobstacleauprogrès.

À l’opposé, lesministresde l’environnementsontégalementen interaction fréquenteavecdesgroupesdepressionbienorganisésqui tententd’influencer l’actiongouvernementaledansunsensplus favorableà laprotectionde l’environnement.L’opiniondesanciensministresà leursujetestpartagée.Pourcertains,cesgroupes fontuntravail importantdesensibilisationde lapopulationauxgrandsenjeuxetjouentdoncunrôlepositif.Pourd’autres,cesgroupesnesontjamais satisfaits de l’action gouvernementale et jouent un rôle un peu négatif en refusant de

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reconnaître en quelque sorte les actions positives des gouvernements et des ministres del’environnement.

Lesgroupesd’intérêt(ou lobbies)sontaussidesacteurs importantsavec lesquelsunministreinteragit assez fréquemment. Contrairement à ce qui est parfois véhiculé dans l’opinionpublique,laplupartdesanciensministresn’ontpaseutropdedifficultésavecceux-cietnelesont pas vus comme des adversaires systématiques de la protection de l’environnement. Ilsdéfendent certes des intérêts industriels, ce sont des interlocuteurs déterminés et instruits,mais,particulièrementlorsquelesenjeuxsontclairsetlavolontépolitiquefortementaffirmée,ils sont généralement prêts à discuter et à rechercher des terrains d’entente plutôt que deprovoquer et de vivre des affrontements. Un des répondants a souligné que, depuis unevingtained’années, lesplusgrandesréductionsd’émissiondeGESauQuébecontétéobtenuesdansledomaineindustriel.

«les groupes corporatifs […] viennent défendre leurs intérêts, […] la plupartessaientd’éviterlesaffrontementsaveclegouvernement,[…]cesontbeaucoupdesprofessionnels, entre guillemets, derrière ça, donc ils peuvent pas dire trop defolies»(M3)

Mais quelques-uns de nos répondants ont une opinionmoins positive. Ils ont affirmé que leministre devait leur tenir tête très fortement, le lobby agricole étant souvent explicitementmentionnécommeparticulièrementfortetexigeantets’inquiétantparfoisrelativementpeudesdéfisenvironnementaux.

Auquotidien,unministretravailleetpréparesesdossiersaveclesprofessionnelset leshauts-fonctionnairesdesonministère.Leconsensusdenosrépondantsàcetégardesttrès large.EnFranceetauQuébec,lesfonctionnairessonttrèscompétentsetdévoués,etnereprésententpasunfreinàl’actionministérielledansledomainedel’environnement.

Lescitoyens,commenousl’avonsvu,sontnormalementlapréoccupationpremièreduministre,car il est responsable de leur sécurité et de leur bien-être dans le domaine environnemental.Mais lescitoyensontunemanièredevivre,deshabitudes,desfaçonsdefaire,desaspirations,desbesoins,descroyances,desopinions,desreprésentations,descomportementssociaux,etc.Leministredoitentenircomptedanssesdécisionsetsesactionsetcelareprésenteenunsenslapluslourde,lapluscomplexeetlaplusdifficiledescontraintesqu’ilsubit.Celan’apasétéditde façon parfaitement explicite, mais l’ensemble des propos concernant l’action ministériellel’indiquetrèsnettement.

«lapopulationaimebien lesdiscours,maisquandarrive lemomentde changersescomportements,c’estuneautrehistoire»(M9)

Dans lesentrevues, commenous l’avonségalementdéjàvu, lesanciensministresontpresquetous indiquéque les citoyens sont relativementpeu sensibles aux enjeuxde long terme,maisqu’ils sepréoccupentbeaucoupde tout cequi les touchedeprès. Il estdonc toujoursdifficilepourunministredeproposeruneloiouunrèglementquirestreintdequelquefaçonlalibertéd’actiondescitoyensetsurtoutquileurimposedescontraintesdenatureéconomique,surtoutlorsqueleproblèmeestlointainetqueceux-ciontl’impressionquelefardeauestinégalementréparti. L’exempledu recyclagea souvent été citédans les entrevuespour indiquerqu’il étaitpossibledemodifierlescomportementsetleshabitudes,maisquecelanécessitaitbeaucoupdetemps (une génération dans le cas précis du recyclage), et que les diversesmesures devaientêtremisesenplacegraduellementpourfavoriserl’adaptationdescitoyens.

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Peut-onréconciliercequenousvenonsd’exposeraveclesentimentqu’ontlesanciensministresd’avoir fait leur devoir et pris leurs responsabilités? Nous le pensons. Êtreministre, commenotreexpériencepersonnellenousapermisde levérifier, impliqueunesommedetravail trèsconsidérableetbienpeudetempslibre.Danscesconditions,ilestnormald’avoirlesentimentdu devoir accompli, et cela d’autant plus que des progrès réels, bien qu’insuffisants, ont étéaccomplisdepuisquelquesdécenniesdans ledomaineenvironnemental.Nousverronsunpeuplus lointoutcequi,selonnosrépondants,resteà faire,comment le faire,etmêmesicelaestpossibledelefaire.Maisilrestequeceux-civoientmal,mêmeàpostériori,commentilsauraientpufairebeaucoupplus,considéranttouteslescontraintesettouteslesconditionsquiencadrentl’action d’un ministre. À ce sujet, un élément additionnel a été souligné par certains de nosrépondants. Il s’agitduniveauadministratif local, formédesmairesetdedivers responsablesd’organisationslocales.Ceux-ciétanttrèsprèsdescitoyens, leurspréoccupationssontsouventsimilaires.

Nousavonsrecueillitrèspeudecommentairessurl’actionetl’impactdesmédias.Certainsnousont indiquéque l’informationvéhiculéepar lesmédiasn’estpastoujourscellequipermettraitauxcitoyensdeprendrelesdécisionslespluséclairées.

LefuturSelon tous nos répondants, à une exception près, les défis environnementaux, etparticulièrementceuxrattachésauxchangementsclimatiques,sontextrêmementimportantsetpréoccupants,et ilsvontexigerdeschangementssociaux,deschangementsdecomportement,deschangementsdemodedevietrèssignificatifs.Orlescontraintesàl’actionministérielledansce domaine (que nous venons de décrire) sont grandes. Les comportements sociaux, enparticulier,nesemodifientquelentement;ilsuffitpourlecomprendred’imaginer,parexemple,que l’habitudedemangerde la viandepuissedevenir sujette àdes restrictions. Il ne fautpasoubliernonplusquedenombreuxintervenantsn’ontpas,dansl’immédiat,d’intérêtàcequeleschoseschangent.Onpeut rappelerenfinque le consensusscientifiqueestà l’effetqu’il faudracesser complètement d’utiliser des carburants fossiles avant la fin du siècle pour limiter lahaussedestempératuresàdeuxoutroisdegrésCelcius.Considérantnotremodedevieactuel,ils’agitlàd’undéficonsidérable.Examinonsdoncmaintenantcequenosrépondantsproposentàcesujet.

Lesanciensministres lesplusoptimistesàcesujetconsidèrentque les incitatifs financiers,enparticulier l’éco-fiscalité, sont le principal instrument à utiliser.Mais ils sont tous convaincusque ces incitatifs nedoivent pas avoir une connotationnégative.Ainsi, toute taxeparticulièrepour favoriser un certain comportement devrait être accompagnée d’une réductioncorrespondanted’unautretypedeprélèvementafinquel’impactfiscalglobalsoitneutre.

«lafiscalitéverte,elleestunlevierd’incitation[…]àlaconditionbiensûrqueçasoitàvolumeconstantdefiscalité»(M6)

Ils sont également convaincus qu’il faut proposer aux citoyens une vision positive, une «offrealléchante» a déclaré l’un d’eux, une vision d’amélioration du bien-être, entre autres par lacréationd’emploisgrâceà la transitionénergétiqueetaudéveloppementdenouvelles formesd’énergie.

Encelad’ailleurs, lesanciensministresrejoignent lesrésultatsdeSmithetLeiserowitz(2014)quidémontrentquelesdiscoursdecatastrophe,quelesdiscoursnégatifsouvisantàsemerlacrainte,n’ontpasd’impactdurablesurlescomportements.L’êtrehumaintendnaturellementà

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chasserdesonesprit lesdifficultéslointainessurlesquellesilnesentpasqu’ilpuisseavoiruneffetsignificatif.Àl’opposé,cesmêmesétudesontdémontréquelesdiscourspositifs,baséssurl’espoir, et visant à susciter l’intérêt pour les questions environnementales, augmentaient defaçon significative l’appui donné par les citoyens aux politiques visant à mieux protégerl’environnement.

Trois de nos répondant sont toutefois carrément pessimistes. Ils sont d’avis qu’il seraextrêmementdifficiledemodifierlemodedevieindividualisteactuel,de«renonceràunmodede vie qui nous amène à être très individualiste» pour citer l’un d’eux. Un ancienministre amêmeexpliquéquelescitoyensneréagirontqu’aumomentoùdescatastrophessurviendront.Pour plusieurs répondants d’ailleurs, les «réfugiés climatiques» vont bientôt commencer àarriverenEuropeouenAmériqueduNord.

Sanssurprise,l’ensembledesrépondantsconsidèrequelaresponsabilitéprincipaleconcernantleschangementsclimatiquesrevientauxhommespolitiquesquidevrontconvaincre,agir,et,sinécessaireditl’und’eux,contraindre.

«ou on a des gens qui politiquement sont compétents , efficaces, et surtoutdéterminés,etauquelcasondonnedesgrandscoupsdepieddanslafourmilière,parce que ça ne se fera que comme ça, […] dans l’environnement, ceux qui neveulentpasaccepter,onimpose»(M5)

Lessolutionsexistent.Tousensontconvaincus.Mais ladifficultéestdansleurmiseenœuvre,car il faut aupréalable avoir amené les citoyens à en comprendre lanécessité, et il faut aussiproposerdessolutionsquisoientsocialement justes.Lapremièreétape, lepremiertravaildesélus,estdonclacommunication,quidoitpermettre,petitàpetit,derejoindrelamajoritédelapopulation. L’éducation apparaît aussi à plusieurs des anciens ministres comme unincontournable. Mais si l’un d’eux a souligné à quel point les jeunes étaient maintenantsensibilisésauxgrandsenjeuxenvironnementaux,grâceàl’actiondesécoles,unautreaindiquéquecelaétaitinsuffisantetquelanécessitéd’utiliserdesincitatifsallaitdemeurer.

Très peu d’anciensministres croient que l’innovation et la technologie représentent une parttrèssignificativedelasolutionauxgrandsdéfisenvironnementaux.Unseuls’estvéritablementmontréoptimisteconcernantl’apportdelascience.

En résumé, ce qui ressort clairement en tout premier lieu de nos entrevues concernant lesréponsesauxgrandsdéfisenvironnementauxetauxchangementsclimatiques,c’estlanécessitédelavolontépolitiqueetduleadership.

«unesociétéabesoindeleardership»(M9)

Les hommes politiques que nous avons interviewés sont très conscients de l’immenseresponsabilité des élus. En second lieu, il apparaît clairement que les réponses sontprincipalement économiques et sociales. Ce sont d’abord les comportements qui doiventchangeret,pourcela,lesinstrumentséconomiquesontungrandrôleàjouer,ainsique,dansunemoindre mesure, le travail de d’éducation et de communication et la mise en place d’autrestypesd’incitatifscommelesenvironnementsfacilitants.

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| Analyse des résultats

Les aspirations et les ambitions de nos répondants anciensministres peuvent être résuméessimplementcommesuit:sefairevaloirenfaisantdubontravailauservicedeleursconcitoyens.Leurperceptionestqu’ilsontagideleurmieuxpourprotégerl’environnementetpermettreauxcitoyensdevivredansunenvironnementsain.

Pournosrépondants,lesystèmedémocratiqueimposedirectementauxéluslaresponsabilitédeprendrelesdécisionsqu’ilsconsidèrentnécessairesetdelesexpliquerauxcitoyens.Ilsontfaitlescompromisqu’ilsestimaientnécessaires,enparticulieravecleurscollèguesministres,ainsiqu’aveclesintervenantsdumondeindustrieletdumondeagricole.Encequiatraitauxenjeuxdelongterme,commeleschangementsclimatiques,ilsn’ontpasagidefaçonaussifortequecequiseraitrequisselonleconsensusscientifique.D’unepart,ilsestimaientnepasavoirunappuisuffisant des citoyens qui sont généralement peu conscients de ces enjeux et dont ils nesouhaitaientpas tropbousculer leshabitudes et les comportements.D’autrepart, ils faisaientface à l’opposition de certains de leurs collègues ministres, qui avaient d’autres priorités, etaussiàcelledecertainsgroupesd’intérêt.

Il est possible de construire un schéma qui permet de bien visualiser tous les acteurs aveclesquels lesministres de l’environnement interagissent (Figure1). Celui-ci montre bien toutel’intensité de l’encadrement de l’action ministérielle dans le domaine de l’environnement etnousamènedirectementauconceptderéseaud’actionpubliqueensociologiepolitique.

Le concept de réseau d’action publique est basé sur un certain nombre de constats dont lesprincipauxsontlessuivants:

• L’actionpubliqueestuneconstructioncollectived’acteurseninteraction.• L’étatn’apluslepouvoird’agirdefaçonautonome.• Cetteconstructioncollectiverésultedeconflitsentredessystèmesdecroyancesoude

représentation.• Lesacteurssontsurtoutcollectifs.• Les acteurs défendent des intérêts économiques, des intérêts de pouvoir, et aussi des

intérêtsliésauxvaleursouàl’identité.• Les interactionstendentàs’institutionnaliseretdoncà imposerdescontraintesetdes

manièresdefaireauxacteurs.• La conjoncture et le contexte (social, économique, politique, etc.) ont une très grande

influence.

Onpeutégalementajouterlesdeuxconstatssuivantsconcernantlesacteurspolitiques.

• Lesacteurspolitiquesontunpouvoirparticulierquitienttantàleurlégitimitéd’élusquidoivent défendre l’intérêt général qu’aux positions exécutives et législatives qu’ilsoccupent.

• Leslogiquesélectoralessonttriples.Ilyalalogiquedel’intérêtgénéral(«goodpolicy»),la logiqueducréditque l’on s’attribue («creditclaiming») et la logiquedublâmequel’onchercheàéviter(«blameavoidance»).

Le schéma présenté à laFigure1 confirme que l’action politique (en environnement) est uneconstructioncollectiveetquelesgouvernementsn’agissentplusdefaçontotalementautonome.

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Premièrement,cesontfréquemmentlesgroupesenvironnementauxqui,avecl’aidedesmédiasetdesscientifiquesconcernés,attirentl’attentiondesélussurlesquestionsenvironnementales.Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les grands enjeux comme les changementsclimatiques que les groupes environnementaux ont beaucoup contribué à faire connaître.Deuxièmement,lamajoritédenosrépondantsontconfirmé,parfoisdefaçontrèsexplicite,queles citoyens et les groupes constitués (lobbies, associations environnementalistes) étaienttoujoursconsultésetparticipaientgénéralementàladiscussion,parexemplelorsdesaudiencesduBAPE(Bureaud’audiencespubliquessurl’environnement)auQuébec.

Laquestiondesconflitsentresystèmesdecroyancesoudereprésentationsressortrelativementpeudesentrevuesquenousavonsmenées.Lesgroupesenvironnementalistes,enparticulierauQuébec, sont généralement perçus plutôt positivement par les personnes que nous avonsinterrogéesetleursystèmedereprésentationsdesquestionsenvironnementalesdiffèreplusenintensitéqu’ensubstancedeceluidesministresdel’environnement.EnFrance,lasituationestcependantquelquepeudifférente.Ontendplusàopposerdirectementéconomieetécologie,etlecombatenvironnementalapparaîtplusdur,pluscampé.

Dans cette construction collective qu’est l’action publique, les acteurs, généralement pluscollectifsqu’individuels,défendentnonseulementdesintérêtséconomiquesetdepouvoir,maisaussidesvaleursetdesenjeux identitaires.CeconstatquefaitHassenteufel(2008)neressorttoutefois pas trèsnettementdenos entrevues avec les anciensministres.Bien sûr, les enjeuxéconomiques sont au cœur des débats environnementaux, mais la question des intérêts depouvoirestrelativementpeuabordéedanslesentrevues.Ilestcependantencoreplusétonnantdeconstaterquelaquestiondesvaleurs,tantpourlescitoyensquelesgroupesécologistes,nesoit pas non plus abordée explicitement, sauf quelques fois, surtout en ce qui concernepersonnellementlesministres.

LeBAPEestuntrèsbonexempleduphénomènedel’institutionnalisationdesinteractionsentreles acteurs collectifs qui déterminent les politiques publiques. En outre, les rencontres desministres avec les lobbies et les groupes constitués sont chose courante, et les mécanismeslégislatifs comportent une phase importante de consultations. Les propos de nos répondants,sansnécessairementquecelasoit trèsexplicite,mettentdoncbienenévidencecephénomènedel’institutionnalisationdesinteractionsquisontàlabasedel’actionpublique.

Le pouvoir particulier des acteurs politiques (grâce à leur légitimité d’élu et leurs positionsexécutives et législatives) est, selon nos répondants, bien réel, mais leur avis diffère surl’importancedecepouvoir.Pourquatred’entreeux, ilest faibleetsoumisprincipalementauximpératifs économiques. Pour les huit autres, il est très significatif,même s’il s’agit beaucoupplusd’unpouvoirdeleadership,etd’unpouvoird’influence,quiimpliquedesconsultations,desnégociationsetdescompromis.

Quantauxlogiquesélectorales,ilnefautpass’ensurprendre,lesanciensministresmettentplusen avant le «goodpolicy»,même si l’acceptabilité sociale (et donc le «credit claiming» et le«blame avoidance») joue un rôle très significatif et conditionne l’action publique. Un desrépondantsaexpliquéque lesenjeuxde long termenepermettentpas facilementauxélusdefaire état de leur bon travail. Un autre a clairement indiqué que les élus pensent trop à leurréélection. Toutefois, dans l’ensemble, on peut considérer que ces trois logiques s’appliquent,dansdesproportionsquisontvariablesselonlescirconstances,etquelebien-êtredescitoyensestunepréoccupationdebasedesministresdel’environnement.

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Valeurspersonnelles,parcours

MINISTRE

Partipolitique

Collègues Premierministre

Science

Ministère

(fonction publique) Élusetacteurslocaux

Autresjuridictions

Autresparties prenantes

Groupesmilitants

Groupes industriels

Intérêts,habitudes,normessociales

CITOYENS

Médias

Caucus

Enrésumé,lesrésultatsdenosentrevuestendentàconfirmerlavaliditéglobaleduconceptderéseaud’actionpubliqueetdecertainsélémentsquilesoustendent,enparticulierquel’actionpubliqueestuneconstructionpardesacteurscollectifseninteraction,etquel’étatnepeutplusvéritablementagirseul,mêmedansledomainedelaprotectiondel’environnement.

FIGURE1–SCHÉMAINTERACTIONNISTEPOURLESDÉCISIONSPOLITIQUESSURLESCHANGEMENTSCLIMATIQUES

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| Conclusion

L’analysedenosrésultatsà l’aidedecertainséléments de sociologie politique permet demieux comprendre les principaux constatsque nous avons faits concernant l’action desanciensministresdel’environnement.Ceux-ciont agi au mieux dans l’intérêt de leursconcitoyens pour leur permettre de vivredans un environnement sain, mais ils ontgénéralement tous fait les compromisconsidérés nécessaires avec les différentsintervenants (groupesdepression, collègues,etc.), tout en évitant de tropbousculer la viedes gens, en particulier en ce qui a trait auxchangements climatiques, un problème quisemblepeutoucherlapopulationengénéral.

La sociologie politique, selon Hassenteufel(2008),expliquequel’actionpubliqueestuneconstruction collective d’acteurs en interac-tionetquelesgouvernementsn’agissentplus

totalement de façon autonome. De plus, leslogiques électorales font que les hommes etlesfemmespolitiquesadoptentdescomporte-mentsquileurpermettentàlafoisd’éviterdetropdéplaireauxélecteurs,etd’agirdefaçonresponsablepourassurerleurbien-être.

D’une certaine manière, et comme nousl’avons déjà souligné, on peut en conclureglobalement que les conditions danslesquelles agissent les ministres del’environnementenFranceetauQuébec leurlaisse relativement peu de marge de ma-nœuvre. La structure sociale, telle quereprésentée à la Figure1, semble avoir plusd’importance que les acteurs eux-mêmes neleressentent.

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INSTITUT HYDRO-QUÉBEC EN ENVIRONNEMENT, DÉVELOPPEMENT ET SOCIÉTÉ (INSTITUT EDS)