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Pirey, Miserey, Pouilley et Ecole vers 1567-1572 Quelques observations à partir des notices du Ms 902 en cours d’édition par le groupe de paléographie de l’université Ouverte de Besançon Par Régis Baulard La lecture du Ms 902 nous apprend que tous les sujets sont mainmortables envers leur seigneur respectif. Nombre de feux (approximatif) : Pouilley = 60. Pirey = 56. Miserey = 40. Ecole = 14. Les coseigneurs de Pirey : « sr de Torpe le sr de Vecle » La tournure de phrase ne permet pas aisément de dire s’il y a un seul seigneur de Torpes et de Vescles ou un seigneur de Torpes et un seigneur de Vescles mais je pense plutôt qu’il s’agit de deux seigneurs différents : Le seigneur de Torpes Les seigneurs de Torpes sont une branche des Thoraise, elle même branche des Montferrand. D’après Louis Borne le seigneur de Torpes est seigneur « pour moitié » de Pirey (mais la moitié de quoi ?). Toujours d’après Louis Borne : Dame Claude de Thoraise (fille de Jean de Thoraise) décède en 1494, triple veuve et sans descendance: « avec elle s’éteignit la branche des seigneurs de Torpes, issue de la famille de Thoraise, et, par elle, de la famille de Montferrand ». Auparavant, elle avait fait donation entre vif le 25 octobre 1492 à Claudine de Quingey sa parente et

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Pirey, Miserey, Pouilley et Ecole vers 1567-1572

Quelques observations à partir des notices du Ms 902 en cours d’édition par le groupe de paléographie de l’université Ouverte de

Besançon

Par Régis Baulard

La lecture du Ms 902 nous apprend que tous les sujets sont mainmortables envers leur seigneur respectif.

Nombre de feux (approximatif) : Pouilley = 60. Pirey = 56. Miserey = 40. Ecole = 14.

Les coseigneurs de Pirey   :

«   sr de Torpe le sr de Vecle   »

La tournure de phrase ne permet pas aisément de dire s’il y a un seul seigneur de Torpes et de Vescles ou un seigneur de Torpes et un seigneur de Vescles mais je pense plutôt qu’il s’agit de deux seigneurs différents :

Le seigneur de Torpes

Les seigneurs de Torpes sont une branche des Thoraise, elle même branche des Montferrand.

D’après Louis Borne le seigneur de Torpes est seigneur « pour moitié » de Pirey (mais la moitié de quoi ?).

Toujours d’après Louis Borne : Dame Claude de Thoraise (fille de Jean de Thoraise) décède en 1494, triple veuve et sans descendance: « avec elle s’éteignit la branche des seigneurs de Torpes, issue de la famille de Thoraise, et, par elle, de la famille de Montferrand ». Auparavant, elle avait fait donation entre vif le 25 octobre 1492 à Claudine de Quingey sa parente et filleule, de ses seigneuries de Torpes, Pirey, Velesmes, Boussières et Fleurey. Après le décès de Claudine de Quingey en 1496, c’est son père Simon de Quingey seigneur dudit lieu et de Montboillon, qui rentra en possession des seigneuries de Torpes et Pirey, seigneuire qui « qui passa successivement aux mains des familles de Saux, de Thomassin et du Châtelet ».

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A l’époque du MS 902, je pense que le seigneur de Torpes est Alexandre de Saulx (avec un faible niveau de preuve néanmoins).

Cette seigneurie de Torpes sera intégrée un peu plus tard dans la baronnie de Montboillon, Torpes, Pirey (et d’autres lieux), baronnie érigé en 1608 par lettres patentes des archiducs Albert et Isabelle (sources : Dictionnaire de la noblesse, Nobiliaire des Pays-Bas et du Comté de Bourgogne 1868). La famille Thomassin d’origine brabançonne est installée en Franche Comté en 1393.

Dictionnaire des Fiefs, seigneuries, châtellenies, etc. de l’ancienne France 1862 :

Nobiliaire des pays bas et du Comté de Bourgogne 1760 :

Dictionnaire de la noblesse, page 282 :

Nobiliaire des pays bas et du Comté de Bourgogne 1868 :

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Ce qui me reste difficile à comprendre c’est qu’il peut y avoir plusieurs seigneurs de Torpes (ou de Thoraise) en même temps ( ?) : membres d’une même famille ou fratrie ? Vassaux ?

Le seigneur de Vescles

Le seigneur de Vescles est plus facile à identifier : il s’agit de Pierre de Bussy, seigneur de Vescles (Jura), dont la seigneurie sur Pirey provient de son épouse Claude Despotots.

Claude Despotots possède cette portion de seigneurie par héritage de son ancêtre Pierre Despotots qui l’acheta le 26 février 1478 à Hugues de Chalon-Chatelguyon, seigneur de Pirey, « prisonnier es mains des gens du roi de France et détenu par messire Gaston de Lyon » qui vendit cette terre, entre autres biens, pour payer sa rançon, moyennant le versement de 55 marcs d’argent : 49 pièces d’orfèvrerie dont « un petit lingot de 8 marcs et une aiguière garnie de six gobelets tant verés que goderonés ».

Il s’agit d’un fief « mouvant d’Arguel ».

Les habitants de Pirey seront en procédure contre leur seigneur au sujet de leur droit de s’assembler en corps de communauté, en 1585-1589 :

« En la cause pendant devant bons monsieur le bally d'Amont en comté lieutenant au siège de Vesoul entre les manants et habitans de Pyrei Impetrants en matiere de nouvelletey contre messeigneurs Pierre de Busy chevalier et Dame Claude Despontots sa demme et compagne soeur et ladame de Miseré Sauçoy dessus Pirey en partie opposans a la part desditsImpetrans lon dit et remonstre ce qui s'ensuyt » (ADD 88 BB 1).

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Ce document confirme l’information donnée par le Ms 902 : le couple De Bussy – Despotots est aussi seigneur haut-justicier sur Miserey : « Audit Miserey les heritiers de Gaspard Despoutot qu'est au present le sr de Vecle ». 

Pierre de Bussy et Claude Despotots auront une fille, Hélène de Bussy qui deviendra Hélène de la Tour Saint Quentin.

Il y a là une équivoque quant à son mariage : avec François ou Cleriadus de la Tour Saint Quentin ?

Elle est en tout cas l’« héritière bénéficiaire » de « feu généreux seigneur Cleriadus Comte de la Tour » (décédé en 1642 ; source : internet site de M. Hervé Démoly…) dans une reconnaissance de seigneurie de Pirey datant de 1648 (ADD 91 FF9, document partiellement transcris que je vous joins).

Dans ce document, Thérèse de la Tour a conjointement la haute justice avec Charles de Thomassin, baron de Montboillon, Torpes, Pirey.

«   le sr de la Rouchelle  

Il s’agit de Jean de la Rochelle (Jean V ou le jeune, fils de Jean IV de la Rochelle), « seigneur d’Echenoz-le-sec, Vellefaux et Pirey en 1562 » (source internet : site Hervé Démoly).

Le seigneur de la Rochelle est coseigneur de Pirey pendant la rédaction du Ms 902 mais seulement jusqu’en 1575, date de la « reprise de fief » sur Pirey en faveur de Marguerite Perrenod, Dame de Thoraise, épouse (ou plutôt veuve ?) de Jean d’Achey, et des leurs descendants.

Là encore je ne sais pas interpréter le terme « reprise  de fief » puisque la famille d’Achey est seigneur de Thoraise même avant cette date = rachat ? Vassalité ?

Voici les informations que j’ai tirées de la pochette du dictionnaire du Doubs aux AD :

Dénombrement et reprise d’un fief à Pirey, par Jean de la Rochelle le jeune, écuyer, 1571.

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Procuration donnée par Marguerite Perrenod, dame de Thoraise, épouse de Jean D’Achey, à Jean de Galorix, seigneur de Bonneveaux, 1572 : reprise par de dernier au nom de Marguerite, du fief de Pirey, provenant de Jean de la Rochelle.

Dénombrement par le même, veuve de Jean d’Achey et ses fils, François et Jérôme, 1575.

Fol. 36 v° : par Marguerite Perrenot, dame de Thoraise, François et Jérôme d’Achey, ses fils, de la seigneurie de Pirey, acquise au prix de 4200 fr., de Jean de la Rochelle, 5 novembre.

En tout cas la seigneurie de Pirey est dite « d’Achey et de Montboillon » le 12 mars 1750 lorsque Claude Etienne Libry Maitre Particulier de la Maitrise des Eaux et Forêts de Besançon « fait hommage » pour ce fief à Louis de Gand Prince d’Ysenghien, « Baron et seigneur d’Arguel et autres terres en Franche Comté » (document transcris ci-joint) : la terre d’Arguel est elle en rapport avec les anciennes possessions des Chalon ?

Libry est le frère de la défunte femme d’Etienne Nicolas, Procureur du Roi au baillage de Besançon, ce dernier ayant racheté cette portion de seigneurie à Marguerite-Ferdinande de Thomassin (épouse de Marc Alexandre Joseph de Visemal Comte de Frontenay) le 17 décembre 1693. Etienne Nicolas décède en 1718, sa succession étant partagé entre son beau-frère Libry et sa fille Jeanne Nicolas qui décédera elle-même le 21 juillet 1769 à l’âge de 96 ans.

«   le viconte de Courcondray   »

Il s’agit de François de Gorrevod, Vicomte de Salins, Baron de Corcondray dans un dénombrement de 1584.

« Corcondray. Dénombrement donné par François de Gorrevod, vicomte de Salins, baron et seigneur de Corcondray, de la terre de Corcondray et de ses dépendances à l’Etang, Gerard-le-Grand, Boismurie, Corcelles, Pagney, Vitreux, Lavernay, Villersbuzon, Pouilley-Français, Dannemarie, Pirey, Chaucenne, Beausse, Narboz, Ferrieres, Recologne, Château et maison forte. » B (ch. des c.) 2432 – (1584) (source : Pochette du Dictionnaire des Communes)

La seigneurie de Corcondray (dont de l’ancien bourg castral ne subsiste malheureusement plus qu’un donjon en état de ruine avancé, dans l’indifférence générale) était aussi une branche des Thoraise, elle même branche des Montferrand, seigneur « pour partie » de Pirey (d’après Louis Borne).

Le contentieux évoqué dans le MS 902 et portant sur le droit de haute justice entre les seigneurs de Torpes et Vescles et le seigneur de Corcondray est évoqué dans un autre document d’archive (ADD 89 FF 2) :

« lesqueulx y ont justice et seigneurie a scavoir lesdits srs de Torpes et de Vecle qui sont sr audit lieu en haulte [justice] comme aussi le pretend ledit sr viconte qui pour ce en est en contentieux avec les susdits srs et quant aux susdits aultres srs ils n’ont que moyenne et basse justice sur les subjectz. »

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Malheureusement je dois vous avouer que je n’ai pas lu (pour cause de non transcription associative) ce document.

La reconnaissance de 1648 nous apprend que la haute justice sur Pirey est partagée entre le baron de Montboillon et Thérèse de la Tour, ce qui laisse à penser que le vicomte de Corcondray n’a pas vu ses prétentions confirmées.

En revanche, le libellé du 89 FF 2 fait apparaitre un problème épineux : la présence d’un autre seigneur haut justicier sur Pirey, non mentionné dans le MS902, et dont je ne sais rien par ailleurs : Thomas Nardin (???) : bilan : une couche de complexité supplémentaire…

Pour le reste, d’après ce que j’ai saisi, les descendants de Gorrevod deviendront les marquis de Marnay.

La reconnaissance de 1648 fait ainsi apparaitre dans le village de Pirey un groupe d’habitants sujets du baron de Montboillon et du Comte (ou la Dame) de la Tour et un autre groupe sujets du marquis de Marnay : cette différence fera apparaitre un petit litige sur la marque seigneuriale à apposer sur les mesures de vente de vin au détail (cf. infra). On note la présence de seulement deux habitants sujets du baron d’Achey (par lettre d’habitandage de 1646, étant de la famille du curé de l’époque).

«   Le sr prebandié dudit lieu, le sr du Sainct Esperit de Besancon   »

La encore je considère qu’il s’agit de deux seigneurs différents ?

1. Le seigneur prébendier = Chapitre Métropolitain de la cathédrale St Jean (ou St Etienne à l’époque ?) ? (le chapitre de Besançon qui semble prééminent car il est coseigneur sur les 4 villages, le haut doyen étant haut justicier à Pouilley et Ecole et les chanoines pouvant nommer un maire à Pouilley ?)

2. Le seigneur du Saint-Esprit : là encore je suis incapable de le nommer.

D’après la « Notice sur l’hôpital du St Esprit » de Castan, la contenance de prés sur Pirey est de 67 ares, ce qui parait très peu, mais sans compter les surfaces de vignes (non précisées).

Les surfaces foncières du Saint Esprit proviennent de cession dont certaines sont décrites dans la Pochette du Dictionnaire des Communes de Pirey :

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1340 : cession de l’ensemble des droits fonciers et seigneuriaux possédés par Jean de Chalon, sire d’Arlay : Jean de Chalon-Arlay abandonne à l’hôpital du Saint-Esprit tous ses droits sur le village « à la réserve de la haute justice au dit lieu ».

1344 : l’hôpital du Saint-esprit achète deux champs à Pirey.

1361 : Guillaume de Thoraise fait des dons en terres en faveur du Saint-Esprit.

(Louis Borne)

Le Saint Esprit possédait aussi d’importante surfaces à Ecole (et à Valentin) (source : Dictionnaire des Communes du Doubs)

A Ecole existe encore un château dit « du St Esprit » que vous devez connaitre, daté du XVIe et classé MH, qui peut se visiter (je connais le propriétaire).

Les fours banaux.

A Pirey est notée la présence de deux fours banaux, l’un au seigneur de Torpes, le second au seigneur de la Rochelle.

Le four banal du seigneur de Torpes devient celui du baron de Montboillon dans la reconnaissance de 1648. Il est vendu le 3 décembre 1692 car un charpentier venu de Savoie obtient l’habitandage et le droit de construire une maison : « les

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susnommés habitans ont permis audit Payn de construire la mayson qu’il pretend faire dans le fourg qu’il a acquit de madame de Frontenay »

Pour le four banal du seigneur de la Rochelle, le Ms 902 est la seule référence du que je connaisse. Peut être peut correspond-il au four banal décrit en 1750 dans la déclaration du seigneur Claude Etienne Libry ?

Impossible de savoir où se trouvaient ces deux fours dans le village actuel.

Je n’en connais rien de plus pour les fours des autres villages mais on peut encore noter à ce sujet dans le Ms 902 la prééminence du Chapitre sous différentes formes :

A Miserey : « les subjectz de chappitre ont chacun leur fourt en leur maison qu'ilz tiennent franchement ».

A Pouilley : « les fours sont bannaulx appartiennent aux srs de chappitre ».

A Ecole ? : « Chacun a son fourt et en doibvent chacun une quarte froment chacun an ».

Les bois

C’est la même chose pour les 4 villages :

Pirey : « les bois appartiennent ausdits habitans lesqueulx ne doibvent dismes ».

Ecole : « Les bois et les brussaille appartiennent ausdits habitans, ne doibvent aulcungs dismes».

Miserey : « Les bois et communaulx appartiennent ausdits habitans ».

Pouilley : « Les bois dudit lieu appartiennent ausdits habitants ».

Pourtant, la propriété et l’usage des habitants de Pirey sur « leurs » bois apparait plus restrictive (?) dans des documents ultérieurs :

La reconnaissance des seigneuries de Montboillon / de la Tour sur Pirey en 1648

« Lesquels habitants ne peuvent essarter leurs bois communaux selon Qu’il est dit par traité sur ce fait entre lesdits seigneurs et lesdits habitants Et selon la forme d’iceluy auquel il se rapportent ; Auxquels bois communaux personne ne doit abattre, couper ny Prendre pommiers, poiriers ny cerisiers sur peine de l’amende de Soixante sols etevenants applicalble audit seigneur de torpes et a ladite Demoiselle therese de la tour et des interrests des habitants dudit pirey Lesquels seigneurs et dame y peuvent prendre touts bois propices et necessaires pour leur commodités quand ils se tiennent ausit pirey sans le mener autre part qu’audit pirey. »

La déclaration de Claude Etienne Libry en 1750 :

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« Quant au chauffage dudit fourg ledit seigneur avoit droit de faire prendre ledit bois nécessaires sur les communaux de Pirey excepté dans les Grands Bois Bannaux Et jurez dudit lieu »

Les   moulins

Le «   Moulin du seigneur   » à Pirey

Sur ce point, le Ms 902 fourni une indication importante : il n’y a pas de moulin à Pirey en 1567-1572.

Il me faut d’ailleurs corriger une erreur qui se trouve dans le dictionnaire des communes du Doubs : il y est écrit que, en 1334, la fratrie de Thoraise se partage « les biens qu’ils possédaient au village [de Pirey], et, notamment, le moulin d’Autechambe » : le moulin d’Autechambe est un moulin de Besançon, sur le Doubs, et le MS 902 tend à prouver qu’il n’y avait pas de moulin à Pirey à cette époque.

Le MS 902 précise qu’il n’y a pas de rivière à Ecole et Pirey : en réalité on y trouve un petit ruisseau qui prend source par une résurgence à Ecole et se perd peu de temps après dans un entonnoir à Pirey, puis circule en souterrain pour se jeter dans le Doubs à hauteur du moulin d’Avanne.

Sur cet entonnoir sera construit un moulin qui sera détruit par un incendie au début du XXe siècle.

La construction de ce moulin est donc postérieure à la rédaction du MS 902 : un meunier est présent au village en 1647 : il s’agit du meunier Grosjean, originaire d’Etalans, reçu par lettre d’habitandage en 1647. 

En revanche et étonnement, ce moulin banal ne figure pas dans la reconnaissance de 1648, alors qu’il sera précisé dans des documents ultérieurs que c’est bien le baron de Montboillon qui en détient les droits (peut être la création de ce moulin est encore trop récente en 1648 ?

En tout cas le caractère banal de ce moulin sera confirmé par son nom, le « moulin du seigneur », qui perdurera jusque sur une carte d’Etat-Major de 1892 :

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Cadastre 1828 Carte d’Etat-Major 1892

Les autres moulins

D’après le MS 902, il n’y a pas de moulin à Ecole et Miserey.

Ce point n’est pas précisée pour Pouilley : un moulin exista cependant à l’entré du village du coté de Miserey, sur un cours d’eau qui devient plus loin la Lanterne et se jette dans l’Ognon : ce moulin est sans doute aussi une création postérieure au MS 902. Un document privé de la famille Pretet (après 1840) fait allusion à sa date de création, liée à la famille d’Orival :

Les mesures

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« Aux assises de Chastillon tenues le XVIIe decembre mil IIIIc dix sept [1417] les habitans dudit Miserey et de Poilley [Pouilley-les-Vignes] furent condampnez d'adjouster leur mesures de bled et vin ou il appertiendront et pour ne l'avoir fait condampnez à certaine emende ».

Problème toujours d’actualité pour les mesures de vente de vin au détail à Pirey en 1648 :

«  Auquel lieu de pirey personne ne doit vendre vin en detail qui ne Soit taxé selon les edits, lequel doit estre vendu a la mesure de laquelle On use audit pirey, auquel lieu il n’y a sinon aucune sorte de mesure laquelle comme disent les sujets desdits seigneurs de monboillon et de la tour doivent estre marqués des armes desdits seigneur et dame. Baptiste gonin, charles denisot Estienne falouey cy presents sujets mainmortables de Monseigneur le marquis de Marnay et claude Thomas et claude jannot sujets mainmortables de Monseigneur le Baron d’Achey disants pouvoir faire marquer a la marque chacun de leur seigneur originel les mesures desquelles ils vendent vin en detail en leur maison lesquelles toutes fois doivent estre semblables aux autres de mesme contenance ; Sur quoy ledit jacquinot procureur special dudit seigneur Baron de monboillon a dit qu’elles ne doivent estre marquées qu’aux armes desdits seigneur de monboillon et dame de la tour protestant de leur faire reconnoitre en temps et lieu, les avant nommés sujets desdits seigneurs de marnay et d’achey disants ne pouvoir en cet endroit rien faire au prejudice de leurs seigneurs originels s’en rapportant au droit et a ce qu’en a eté fait du passé. ».

Les signes patibulaires

Pirey et Ecole n’avait pas de signe patibulaire à l’entrée de leur teritoire. Ecole a l’air réputé pour sa faible criminalité : « Il n’y a singne pathibulaire au finage dudit lieu et n’a l’on veu en la justice d’illec faire condempnation pour actes meritant punition courporelles ou peinne de mort. »

Miserey

Il y avait un signe patibulaire à Miserey, érigé en 1532, de la haute justice du seigneur de Bussy/Despotots.

« La seigneurie que y ont lesdits prebendiers de Besancon est seullement basse et moyenne et celle desdits Despoutot en haulte justice que en l'an XVc XXXII [1532] obtindrent advis des  officiers du baillage d'amont pour y pouvoir eriger et dresser signe patibulaire que y est presentement erigie ».

J’ai réussi à le localiser approximativement (ADD 90 FF 7 et 89 DD 3), le long du « chemin d’Auxon » aujourd’hui disparu : « patureront aussi jusques a un chesne brulé qu’est a l’endoit du signe patibulaire dudit miserey ».

Signe patibulaire de Miserey

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Pouilley

D’après le Ms 902, Pouilley en compte un qui relève de la haute justice du haut doyen du chapitre de Besançon : je n’en connais pas la localisation. Des documents (ADD 4482 S1, famille Prétet) font allusion à un lieudit Pilori qui n’est pas retrouvé sur l’ancien cadastre.

Gardes et retraits

Les habitants d’Ecole « ne doibvent guet ny garde ».

Pouilley et Miserey sont sujet aux « gardes, guets, retraits et menus emparements » au château de Chatillon le Duc :

Pouilley : « Aux assises de Chastillon tenues le VIIe mars mil Vc et ung [1501] les habitants dudit Poilley par Jehan Chognard[4] leur eschevin confessarent estre subjectz au retraict de Chastillon et pour mestre la maison tenable furent renvoyés de la poursuitte contre eulx dressee par le procureur et depuis fut certiffie estre du guet et garde et de faire les charroye. »

Miserey : « Les habitans dudit Miserey aux assises de Chastillon de l'an mil IIIIc

LVI [1456] confessarent estre du retrait et contribuables aux menuz emparemens de Chastillon. »

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Pour Pirey, les sujets respectifs doivent le guet, la garde et les menus emparements aux châteaux de Torpes et Corcondray, ce qui est déjà décrit par Louis Borne.

« Le XXIe mars 1456 par sentence du bailly d’Amont fut declaire les habitans dudit Pirey estre subjectz au guet garde et menuz enparement du chastel et forteresse de Torpes par temps de guerre et declare ledit Pirey estre du ressort et basty et nonobstant du bailliage d’Amont. »

« Subjectz au guet et garde tant audit Torpes, quant au regard de ses subjectz et audit Courcondray, quant au regard aussi des subjectz dudit sr vicomte et quant aux aultres ils deut ny estre subjectz. »

En revanche je ne comprends pas la phrase « furent abonnez pour le fait de retrait à Chatillon-le-Duc » (le terme « abonnez » notamment) : le retrait est-il traité différemment du guet et des travaux ? Est-ce parce que le château de Chatillon-le-Duc est plus proche ?

« Aux assises de Chastillon, tenues le XXIXe janvier 1458 lesdits habitans de Pirey furent abonnez* pour le fait de retrait de Chastillon. »

La situation n’a pas l’air de s’être clarifiée en 1580 puisque les habitants de Pirey s’opposent au guet et à la garde à Chatillon le Duc (document non exploité) :

Pourtant, d’après André Bouvard, il ne reste plus grand-chose du château qui a subi de gros dommages durant les guerres de Bourgogne et dont le bourg castral a disparu au profit du village actuel : « en 1580, le château se signale encore par deux hautes tours sans couverture, mais toute la plateforme de la butte est désertée ».

Une dernière disgression   : le château «   d’Orange   »

Selon le Dictionnaire des Communes, Jean de Chalon aurait fait construire un château sur la crête du Mont de Pouilley en 1258 pour s’opposer au pouvoir de l’archevêque, un château qui sera détruit l’année suivante. Il n’en reste que quelques rares vestiges de surface et une « porte » naturelle ou taillée dans une arche de rocher, que tout le monde continue d’appeller « la porte d’Orange » :

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Cette « porte » est située sur le versant nord-ouest du Mont et son utilité aurait été -selon la tradition- de permettre une exfiltration vers Pelousey.

Ces fortifications peuvent-elles à relier aux phrases suivantes du MS 902 ?

«  Ilz doibvent tous les habitants susdits à sr prince d’Oranges chacun an ne scaivent pourquoi dix bichotz d'avenne le bichot pour six quartes. » et « En l’an mil IIIIC XLV [1445] fut dit que le prince d’Orenges ne feroit lever sur les habitants dudit Poilley pour la garde que ce que d’anciennetté avoient accoustumer lever ses predecesseurs et que ne pourroit mectre qu’ung sergent pour exploiter audit lieu comme sergent de gardiens[3] peut et doibz faire et non aultrement. »

Le lieudit « A Porte Orenge » (sic) existe toujours sur les cadastres anciens et récents. Curieusement il est situé sur le versant sud-est du Mont ( ?) :

A noter un lieudit adjacent s’appellant « Aux Etranglebots » : ce toponyme pourrait-il remonter à des évènements dramatiques survenus un peu après la rédaction du MS 902, pendant la « surprise » de 1575 par exemple ?

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Références bibliographiques :

Dictionnaire des Communes du Doubs. Cêtre & Pochette du Dictionnaire des Communes sur Pirey, aux AD.

Les sires de Montferrand, Thoraise, Torpes et Corcondray au 13 e , 14 e et 15 e siècles. Louis Borne. Imprimerie Jacques et Demontrond, Besançon, 1924.

La Franche Comté à la charnière du Moyen Age et de la Renaissance 1450-1550, Acte du colloque, sous la direction de Paul Delsalle et Laurence Delobette. Annales Littéraires de l’université de Franche Comté, vol. 759. Presses Universitaires de Franche-Comté, 2003.

Site internet de Rémy Démoly.