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Universit´ e Paul Sabatier Master Math RI Ann´ ee 2018–2019 Cours avanc´ e6 eom´ etrie des groupes et vari´ et´ es hyperboliques

G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

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Universite Paul Sabatier Master Math RIAnnee 2018–2019 Cours avance 6

Geometrie des groupes et varieteshyperboliques

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Introduction

Le but du cours est d’etudier l’interaction entre la topologie, la geometrie et l’algebre autour dutheme de la construction et de l’etude des groupes fondamentaux de varietes a courbure negative.

Dans le premier chapitre on introduit des notions de base sur les groupes (groupe libre, presentations,produits) et sur les liens entre groupes et certains espaces topologiques (espace classifiant, homolo-gie de groupes), ces derniers etant ceux etudies en topologie algebrique, c’est-a-dire les complexesCW. On finit par une courte presentation des groupes hyperboliques et quelques proprietes definitude.

Dans le deuxieme chapitre on presente de nombreux exemples de groupes fondamentaux devarietes a courbure negative, en se concentrant sur les dimensions 2 et 3.

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Table des matieres

1 Groupes et espaces 31.1 Actions propres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.2 Graphes et complexes CW . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.3 Groupes libres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.4 Presentation de groupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71.5 Espaces et varietes aspheriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101.6 Constructions algebriques de groupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131.7 Geometrie des groupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

2 Construction de varietes aspheriques et de groupes hyperboliques 252.1 Espaces homogenes et groupes discrets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252.2 Construction geometrique de reseaux uniformes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 312.3 Sous-groupes sans torsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 332.4 Rigidite des varietes hyperboliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352.5 Geometrisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

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Chapitre 1

Groupes et espaces

1.1 Actions propres

Soit Γ un groupe et X un espace topologique. Une action de Γ sur X est dite libre si g · x 6= xpour touts g ∈ Γ et x ∈ X. Elle est dite proprement discontinue si pour tout sous-ensemble compactK ⊂ X le sous-ensemble g ∈ Γ : gK ∩K 6= ∅ est fini.

Exercice 1.1Montrer que l’action de Z sur R2 \ (0, 0) via (x, y) 7→ (2x, y/2) est libre mais pas proprementdiscontinue. Que peut-on dire du quotient ?

Exercice 1.2(2.a) Montrer que si X est un espace compact et Γ y X est proprement discontinue alors Γ estfini.(2.b) Montrer que si X est un espace denombrable a l’infini et Γ y X est proprement discontinuealors Γ est denombrable.

Les actions libres et proprement disconinues donnent une construction “inverse” au revetementuniversel d’un espace localement simplement connexe (par exemple une variete). Par exemple laproposition demontree dans l’exercice suivant montre que le foncteur qui associe a une varietel’action de son groupe fondamental sur le revetement universel est une equivalence de categoriesentre les varietes et les actions de groupes libres et proprement discontinues.

Exercice 1.3(3.a) Montrer que si M est localement simplement connexe et localement compact alors l’action deπ1(M) sur le revetement universel est proprement discontinue.(3.b) [19, Proposition 3.5.7] Montrer que si X est une variete et Γ y X est une action libre etproprement discontinue alors Γ\X est une variete et X → Γ\X est un revetement.

1.2 Graphes et complexes CW

1.2.1 Graphes combinatoires

Un graphe sur un ensemble V (que l’on appelle ses sommets), muni d’aretes que l’on representepar une application symetrique m : V × V → 0, 1, 2, . . . (on autorise donc les boucles et aretes

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multiples). Si l’application m ne prend que 0 et 1 comme valeurs on peut identifier les aretes a unsous-ensemble symetrique E de V × V . Un morphisme entre deux graphes V,m et V ′,m′ est uneapplication f : V → V ′ telle que m′(f(u), f(v)) > 0 si m(u, v) > 0 (autrement dit les images dedeux sommets relies le sont elles aussi) ; si les multiplicites sont > 1 on ajoute la donnee d’unepartition de m(f(u)f(v)).

Un cycle dans un graphe G est un morphisme injectif de graphes du graphe circulaire (graphesur Z/n ou les aretes sont (i, i+ 1) et (i, i−1)) vers G. Un arbre est un graphe n’ayant aucun cycle.

La realisation topologique d’un graphe est l’espace obtenu en recollant des intervalles selon lesaretes du graphe. Autrement dit :

⋃u,v∈V

(u, v) ×m(u,v)⋃k=1

[0, 1]/ ∼

ou ∼ est la relation d’equivalence induite par ((u, v), t) ∼ ((v, u), 1− t) for all t ∈ [0, 1]. Si le graphea un nombre denombrable de sommets et les aretes n’ont pas de multiplicites on peut par exemplele representer dans R3.

Dans la suite on confondra un graphe et sa realisation topologique.

Exercice 1.4(4.a) Montrer qu’un action de groupe sur un graphe localement fini est proprement discontinue siet seulement si les stabilisateurs de sommets sont finis.(4.b) Montrer que si X est un graphe localement fini, Γ y X est une action libre alors Γ\X est ungraphe et X → Γ\X est un revetement.

Exercice 1.5Montrer qu’un graphe est simplement connexe si et seulement si c’est un arbre.

Exemple 1.6

i) Soit S un ensemble (dans la suite on n’utilisera que des ensembles au plus denonmbrables).L’arbre S-regulier est le graphe dont les sommets sont les mots sur S (c’est-a-dire les suites(s1, . . . , sn) avec si ∈ S et n un entier ≥ 0) ne contenant pas de repetition immediate (i.e.si+1 6= si pour 1 ≤ i ≤ n−1). Les aretes (simples) sont entre les paires de sommets (s1, . . . , sn)et (s1, . . . , sn, sn+1). On le note TS. Si S = 1, . . . , r on appelle TS l’arbre r-regulier.

ii) Le graphe a un sommet ayant une boucle pour chaque element de S est appele la rose sur S.On la note RS, et si S = 1, . . . , r on l’appelle la rose a r petales.

Lemme 1.7 Le revetement universel de la rose sur S est l’arbre S ∪ S-regulier.

Demonstration : Comme TS est simplement connexe il suffit d’exhibre un revetement TS∪S →RS . Pour ceci on envoie chaque sommet de TS sur l’unique de RS , et l’arete de (s1, . . . , sn) et(s1, . . . , sn, sn+1) sur la boucle de RS marquee par sn+1 dans le sens direct si sn+1 est dans lapremiere copie de S, et indirect s’il est dans la deuxieme.

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1.2.2 Complexes CW

Definition 1.8 Un complexe CW de dimension d est defini par recurrence de la maniere suivente.Un 0-complexe est un ensemble discret. Un (d+ 1)-complexe X est la donnee d’un d-complexe Xd

(le d-squelette de X) et d’un ensemble X(d+1) de boules Bα = Dd+1, α ∈ A (les (d+ 1)-cellules deX) rattachees au d-squelette par des applications continues ϕα : ∂Bα → Xd.

Exemple 1.9

i) Un graphe est un 1-complexe CW ; le 0-squelette est l’ennsemble des sommets et les 1-cellulessont les aretes.

ii) La realisation topologique d’un d-complexe simplicial est un d-complexe CW.

iii) Le complexe ayant une 0-cellule et une d-cellule (d ≥ 1) avec l’application de recollementconstante (la seule possible) est homeomorphe a la sphere de dimension d (c’est le compactified’Aexandrov de Dd).

iv) On considere le 2-complexe dont le 1-squelette est la rose a deux petales, ayant une seule 2-cellule que l’on recolle sur la rose suivant le schema suivant : on a ∂D2 = S1, que l’on identifieau 4-cycle de la rose obtenu en empruntant l’arete 1, puis l’arete 2 dans le sens direct, puisles memes dans le sens indirect. (cette construction revient a identifier les cotes opposes d’uncarre). Ce complexe CW est homoeomorphe au tore T2.

Exercice 1.10Soit d ≥ 3. Construire un complexe CW homeomophe au tore Td.

1.3 Groupes libres

Proposition 1.11 Soit S un ensemble. Il existe un unique (a isomorphisme canonique pres) groupeFS ayant la propriete suivante : S est contenu dans FS, et si G est un groupe et f : S → G uneapplication, il existe un unique morphisme ϕf : FS → G tel que ϕf (s) = f(s) pour s ∈ S.

Definition 1.12 Le groupe FS introduit dans l’enonce precedent est appele le groupe libre sur S.Si S = 1, . . . , r on appelle FS le groupe libre a r generateurs et on le note Fr.

Demonstration : On note s± = (s,±) pour s ∈ S, S+ = s+, s ∈ S et S− = s−, s ∈ S. SoitT = TS+∪S− ; on va definir FS comme un sous-groupe d’automorphismes de T . Pour s ∈ S on noteγs l’application definie par :

γs((s1, . . . , sn)) =

(s2, . . . , sn) si s1 = s−;

(s1, . . . , si, s±, . . . , sn) si s1 = s+, s2 = s−, . . . , si = s∓ et si+1 6= s±;

(s+, s1, . . . , sn) sinon.

Il est immediate de verifier que γs est une bijection sur les sommets de T , et qu’elle respecte larelation d’adjacence, γs est donc bien un automorphisme de T .

SoitFS = 〈γs, s ∈ S〉

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alors tout element de FS s’ecrit sous la forme ammaε1s1 · · · γεrsr avec εi ∈ ±1 et εi = εi+1 si si = si+1

l’application FS → T (0) definie par

γ = γε1s1 · · · γεrsr 7→ γ(∅) = (s1,ε1 , . . . , sr,εr)

est une bijection (elle est bien definie d’apres l’expression γ(∅), surjective d’apres l’expressionγε1s1 · · · γεrsr et clairement injective).

Si f : S → G est une application, on pose

ϕf (γε1s1 · · · γεrsr ) = f(s1)ε1 · · · f(sr)εr

qui est bien definie d’apres le paragraphe precedent. Il reste a verfier que c’est un morpisme degroupes...

L’enonce d’unicite est une consequence immediate de la propriete universelle.

Exercice 1.13(13.a) Soit E un ensemble ; on note S(E) le groupe des bijections sur E. Soient γ1, . . . , γr ∈ S(E)

tels qu’il existe E±1 , . . . , E±r ⊂ E deux a deux disjoints et verifiant :

γ±i

E∓i ∪⋃j 6=i

E+j ∪ E−j

⊂ Ei et γ±i E±i ⊂ E±i .

Montrer que le groupe 〈γ1, . . . , γr est libre de rang r (i.e. isomorphe a Fr).(13.b) Applications :

— Donner de tels Ei pour les γi definis plus haut comme iosomorphismes sur T2r ;

— avec la meme notation montrer que 〈γ21 , γ1γ2, γ

22〉 est libre de rang 3.

— [6, Ex. 25, page 26] Soient γ1 =

(1 20 1

), γ2 =

(1 02 1

), montrer que 〈γ1, γ2〉 est libre ;

— Meme question avec γ1 =

(2 11 1

)et γ2 =

(λ 00 λ−1

)pour λ 1.

Proposition 1.14 Soit S un ensemble au plus denombrable, on a π1(RS) ∼= FS.

Demonstration : D’apres la demonstration de la proposition 11 le groupe de Galois du revetementTS∪S → RS est le groupe libre tel qu’il y est decrit (le groupe agit librement transitivement sur lessommets).

Proposition 1.15 Soit G un graphe ayant un nombre au plus denombrable de sommets. Alorsπ1(G) est un groupe libre.

Demonstration : Si e est une arete entre deux sommets distincts de G l’application contractante sur ses extremites est une equivalence d’homotopie. Par une recurrence transfinie il suit que Gest equivalent en homotopie a une rose, donc en particulier que π1(G) est libre par la propositionprecedente.

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Si G est fini on peut facilement decrire une maniere plus explicite de calculer le groupe fon-damental : soit H un arbre couvrant de G (un sous-graphe qui est un arbre et contient tous lessommets), alors π1(G) est isomorphe au groupe libre sur les aretes de G hors de H (contracter Hsur un point donne une equivalence d’homotopie de G vers la rose dont les petales sont indexes parces aretes).

Exercice 1.16Soit G un graphe fini et χ sa caracteristique d’Euler (nombre de sommets moins nombre d’aretes).Montrer que le groupe fondamental de G est libre de rang χ+ 1.

Proposition 1.17

i) (Theoreme de Schreier) Un sous-groupe d’un groupe libre est libre ;

ii) Un groupe agissant librement sur un arbre est libre.

Demonstration : Le premier enonce est une consequence du second vu que les groupes libres (etdonc aussi leur sous-groupes) agissent librement sur des arbres par construction. Pour demontrerle second enonce on observe que si F agit librement sur un arbre T alors F\T est un graphe etT 7→ F\T est un revetement, et il suit donc que F est le groupe fiondamental d’un graphe donclibre.

1.4 Presentation de groupes

1.4.1 Presentations

Si G est un groupe et R un sous-ensemble de G on note ⟪R⟫ le sous-groupe normalementengendre par R, autrement dit

⟪R⟫ = 〈grg−1 : r ∈ R, g ∈ G〉.

C’est un sous-groupe distingue dans G.

Definition 1.18 Soit S un ensemble et R ⊂ FS tel que 1 6∈ R. Le sous-groupe de presentation〈S|R〉 est le groupe quotient FS/⟪R⟫. Si Γ est un groupe et Γ ∼= 〈S|R〉 on dit que 〈S|R〉 est unepresentation de Γ.

Exemple 1.19

i) 〈S|∅〉 est une presentation de FS.

ii) On note [x, y] = xyx−1y−1 le commutateur de deux elements x, y d’un groupe ; 〈x, y|[x, y]〉 estune presentation de Z2.

iii) 〈x, y|[x, [x, y]], [y, [x, y]]〉 est une presentation du groupe de matrices1 x z

0 1 y0 0 1

: x, y, z ∈ Z

.

iv)⟨s1, . . . , sn−1|s2

i , (sisi+1)2(1 ≤ i ≤ n− 2), [si, sj ](1 ≤ i < j − 1 ≤ n− 2)⟩

est une presentationdu groupe symetrique Sn.

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1.4.2 Graphe et complexe de Cayley

Definition 1.20 Soit Γ un groupe finiment engendre et S une famille generatrice finie de Γ. Legraphe de Cayley de Γ relativement a S est le graphe sur Γ dont les aretes (simples) sont les (g, gs)pour s ∈ S. On le note Cay(Γ;S).

Exemple 1.21 TODO dessins

i) Cay(FS ;S) est l’arbre S ∪ S-regulier.

ii) Cay(Z2; (1, 0), (0, 1))iii) Cay(Z2; (1, 0), (1, 1), (0, 1))iv) Cay(S3, (1 2), (2 3))

L’action de Γ sur lui-meme par multiplication a gauche (c’est-a-dire γ · x = γx) se prolobge enune action par automorphismes sur le graphe de Cayley ; en effet si x, y ∈ Γ = Cay(Γ;S)(0) on aque (x, y) est une arete si et seulement si y = xs pour un s ∈ S ∪S−1 et si γ ∈ Γ ceci est equivalenta γx = γys. Le resultat suivant est alors immediat d’apres la definition du graphe de Cayley.

Proposition 1.22 L’action de Γ sur Cay(Γ;S) est libre, et donc aussi proprement discontinue.

On peut construire le graphe de Cayley a partir d’une presentation.

Proposition 1.23 Soit Γ = 〈S|R〉. On a Cay(Γ;S) = ⟪R⟫\TS∪S.

Demonstration : Plus generalement, si ϕ : Γ → Λ est un morphisme de groupes surjectifs alorsCay(Λ;ϕ(S)) = ker(ϕ)\Cay(Γ;S). En effet ϕ est une bijection entre Λ et ker(ϕ)\Γ, et si x, y ∈ Λet s ∈ S on a y = xϕ(s) si et seulement s’il existe des preimages x, y telles que y = xs, donc lesaretes de Cay(Λ;ϕ(S)) sont bien les images de celles de Cay(Γ;S).

En appliquant ce resultat general au morphisme quotient FS → ⟪R⟫\FS ∼= Γ on obtient laproposition.

Definition 1.24 Soit Γ = 〈S|R〉 une presentation finie d’un groupe. Le complexe de Cayleyde Γ relativement a cette presentation est le complexe dont le 1-squelette est le graphe de CayleyCay(Γ;S) et auquel on ajoute, pour chaque conjugue grg−1 d’une relation r ∈ R, une 2-cellule Ddont le bord ∂D ∼= S1 est identifie au circuit g, gs1, gs1s2 . . . , gs1 · · · sn−1, gr = g si r = s1 · · · snavec si ∈ S ∪ S−1. On note ce 2-complexe Cay2(Γ;S,R).

Proposition 1.25 Le complexe de Cayley d’une presentation finie est simplement connexe.

Demonstration : D’apres la proposition precedente le groupe fondamental π1(Cay(Γ;S), 1) estengendre par les circuits 1, . . . , g, gs1, . . . , gr = g, . . . , 1. Ceux-ci deviennent homotopes a zero quandon ajoute les 2-cellules de bord gs1, . . . , gr. TODO dessin

Exemple 1.26

i) Cay2(FS ;S) est l’arbre TS∪S vu que ce dernier n’a pas de circuit.

ii) Si S = a1, b1, . . . , ag, bg et R = [a1, b1] · · · [ag, bg] alors Cay2(π1(Σg);S,R) est la “pavage”de R2 par des 2g-gones (ou chaque sommet est adjacent a 2g d’entre eux). TODO dessin

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Proposition 1.27 L’action de Γ sur Cay(Γ;S) se prolonge en une action sur Cay2(Γ;S,R). Cettederniere est proprement discontinue, et elle est libre si Γ est sans torsion.

Demonstration : Il suit immediatement de la definition du 2-complexe que les circuits qui sontles bords de 2-cellules sont stables sous l’action de Γ, et celle-ci se prolonge donc naturellementau 2-complexe. L’action est proprement discontinue car le stabilisateur d’un sous-ensemble fini desommets est un sous-groupe et comme l’action sur les sommets est libre ce dernier doit etre fini.

L’action n’est pas libre si et seulement s’il existe une 2-cellule D et un element γ ∈ Γ, γ 6= 1 telsque γD = D. Soit grg−1 le conjugue d’une relation correspondant au bord de D ; pour simplifieron va supposer que g = 1 (en effet on a que g−1γg stabilise g−1D dont le bord est r). On a alorsγrγ−1 ∈ 〈r〉. Or dans un groupe libre on a xyx−1 ∈ 〈x〉 si et seulement s’il existe un z tel quex, y ∈〉z〈. Si r 6= 1 alors comme γ 6∈ 〈r〉 il existe un n > 1 tel que r = γn (quitte a remplacer γ parun element de la forme γlrm). On a donc que γ est un element de torsion dans Γ.

La preuve montre en fait que Γ agit librement sur son complexe de Cayley associe a unepresentation 〈S|R〉 si et seulement si aucune relation de R n’est une puissance > 1 d’un element deFS . Si on est dans ce dernier cas on peut ajouter des 2-cellules “paralleles” pour obtenir une actionlibre.

Corollaire 1.28 Si Γ est un groupe sans torsion ayant une presentation finie 〈S|R〉 alors Γ estle groupe fondamental du 2-complexe fini Cay2(Γ;S,R).

Si Γ a de la torsion alors on a le meme resultat en considerant le complexe modifie commeindique ci-dessus.

1.4.3 Abelianisation

Definition 1.29 Soit Γ un groupe. Son sous-groupe derive est le sous-groupe engendre par leselements de la forme [x, y] = xyx−1y−1 pour x, y ∈ Γ ; on le note Γ′. Vu que g[x, y]g−1 =[gxg−1, gyg−1] c’est un sous-groupe distingue. L’abelianisation de Γ est le groupe quotient Γ/Γ′ ; onle note Γab.

Par definition Γab est un groupe abelien. Si A est un groupe abelien quelconque et ϕ : Γ → Aun morphisme alors ϕ([x, y]) = 0 pour touts x, y ∈ Γ. Il suit que Γab est determine par la proprieteuniverselle suivante : pour tout groupe abeline A et tout morphisme ϕ : Γ→ A il existe un uniquemorphisme ψ : Γab → A tel que ϕ = ψ π ou π est le morphisme quotient Γ→ Γab.

Si Γ = 〈S|R〉 alors une presentation comme Z-module du groupe abelien Γab est obtenue commesuit : soit es, s ∈ S la base canonique du Z-module libre ZS . Pour w = sε11 · · · sεnn ∈ FS , si ∈ S,

εi ∈ ±1 on note vw le vecteur∑

s∈S

(∑i=1,...,nsi=s

εi

)es.

Lemme 1.30 On a Γab ∼= ZS/〈vr, r ∈ R〉.

Demonstration : C’est vrai pour R = ∅ : en effet si A est un groupe abelien et vs ∈ A, s ∈ S est unefamille d’elements de A indexes par S il existe un unique morphisme ZS → A tel que ϕ(es) = vs.Il suit que ZS verifie la propriete universelle definissant F ab

S . De plus l’image d’un w ∈ FS dans ZSest egale a vw.

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Comme l’image dans ZS de ⟪R⟫ est la meme que celle de 〈R〉 (vu que la conjugaison dansZS est triviale) il suit que cette image est engendree par les vecteurs vw. Si Γ = 〈S|R〉 on aΓab = ZS/π(⟪R⟫) par la propriete universelle et le resultat suit.

1.5 Espaces et varietes aspheriques

A la section precedente on a vu que pour tout groupe Γ de presentation fini il existe un 2-complexe fini dont Γ est le groupe fondamental. Ce complexe n’est pas unique a homotopie pres etpour etudier Γ par des methides topologiques on a donc besoin d’une notion plus precise.

1.5.1 Asphericite

Definition 1.31 Soit C un complexe CW. On dit qu’il est aspherique si son revetement universelC est contractile.

Exemple 1.32

i) Un graphe est aspherique.

ii) Toute surface de genre ≥ 1 est aspherique.

iii) Le tore Td est aspherique.

iv) Les spheres Sd ne sont pas spheriques pour d ≥ 2.

1.5.2 Asphericite et groupes

On admettra (les demonstrations utilisent la theorie de l’homotopie et le morphisme de Hure-wicz) les caracterisations alternatives suivantes de l’asphericite, que l’on utilisera dans la suite.

Proposition 1.33 Soit C un complexe CW. Il est aspherique si et seulement si l’une des conditionssuivantes est realisee :

i) On a πi(C) = 0 pour tout i ≥ 2 ;

ii) On a Hi(C) = 0 pour tout i ≥ 1.

On se contentera d’une esquisse de demonstration pour les deux resultats fondamentaux sui-vants.

Proposition 1.34 Soient C1, C2 des complexes CW aspheriques. Ils sont equivalents en homotopiesi et seulement si π1(C1) ∼= π1(C2).

Demonstration : (esquisse) A equivalence d’homotopie pres on peut supposer que Ci n’ont qu’uneseule 0-cellule. En subdivisant les 2-cellules on peut supposer que les 1-squelettes de C1 et C2 sontdes roses isomorphes, et que l’isomorphisme induit l’isomorphisme π1(C1) ∼= π1(C2).

On note Γ = π1(C1) et ϕ l’isomorphisme Γ → π1(C2). On a un isomorphisme F entre les

0-squelettes C1(0)

et C2(0)

qui est Γ-equivariant (c’est-a-dire que F (γ · x) = ϕ(γ) · F (x)—F est

defini en choisissant des 0-cellules x, y de C1, C2 et en posant F (γx) = ϕ(γ)y). Il se prolonge au

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1-squelette. La partie technique de la preuve est alors de verifier que l’asphericite implique qu’il seprolonge en une equivalence d’homotopie C1 → C2, and “bouchant les trous” des deux cotes.

Proposition 1.35 Soit Γ un groupe de presentation 〈S|R〉. Il existe un complexe CW X aspherique,sur lequel Γ agit librement et tel que X2 = Cay(Γ;S,R).

Demonstration : On construit Xk, k > 2, en attachant une k-cellule pour chaque generateur deπk−1(Xk−1) dont le bord est ce generateur.

Les deux propositions precedentes justifient la definition suivante.

Definition 1.36 Un espace d’Eilenberg-MacLane pour Γ est un complexe CW C tel que π1(C) ∼= Γet C est aspherique. Un tel C est aussi appele espace classifiant pour Γ ; on dit aussi que C est unK(Γ, 1) 1 et on note parfois C = BΓ (noter que C n’est bien defini qu’a equivalence d’homotopiepres).

Si C est un K(Γ, 1) et X son revetement universel, on voit que Γ est finiment engendre si Γ\X1

est fini, finiment presente si Γ\X2 est fini. Plus generalement on definit les conditions de finitudesuivantes.

Definition 1.37 Soit Γ un groupe ; on dit que :

— pour k ≥ 1, Γ est de type Fk s’il existe X un K(Γ, 1) tel que Γ\Xk est fini ;

— Γ est de type F∞ s’il est de type Fk pour tout k ≥ 1 ;

— Γ est de type F s’il existe un K(Γ, 1) compact.

Les inclusions donnees par cette hierarchie sont toutes strictes. Par exemple le groupe⟨a, r|r2, [r, akra−k], k ∈ Z

⟩n’est pas de presentation finie ; voir aussi [5, Exercise 2, p. 198].

1.5.3 Homologie de groupes

Definition 1.38 Soit Γ un groupe et C un K(Γ, 1). On definit :

H∗(Γ) = H∗(C), H∗(Γ) = H∗(C)

qui ne dependent pas du choix de C.

Plus generalement, si V est un ZΓ-module (un Z-module muni d’une action de Γ par automot-phismes lineaires) on peut definir des groupes de cohomologie et d’homologie comme suit. Soit Fle faisceau des sections du fibre induit par V , autrement dit les sections de F sur un ouvert U ⊂ Csont en bijection avec les applications Γ-equivariantes U → V . On definit alors H∗(Γ;V ) comme lacohomologie de Cech de F .

Une definition equivalente est que H∗(Γ;V ) est la cohomologie du complexe C∗(C)⊗ZΓ V . Onpeut ainsi aussi definir une homologie H∗(Γ;V ) comme celle du complexe C∗(C)⊗ZΓ V .

Proposition 1.39 On a H0(Γ) = Z et H1(Γ) ∼= Γab.

1. Le 1 dans la notation fait reference a ce que Γ est le premier groupe d’homotopie de C.

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Page 13: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

Demonstration : Soit C un K(Γ, 1). Comme il est connexe on a bien H0(C) = Z. Pour calculer H1

on utilise queH1(C) = H1(C2) = H1(Γ\Cay2(Γ;S,R))

ou 〈S|R〉 est une presentation de Γ. Les 2-cellules de C ′ = Γ\Cay2(Γ;S,R) sont en bijection avecR, et si on note Dr la cellule associee a r ∈ R on a que ∂Dr = vr avec la notation du lemme 30.Comme les 1-cellules de C ′ correspondent aux generateurs S de Γ et que chacune est une boucledonc un cycle, on voit que H1(C ′) ∼= ZS/〈vr, r ∈ R〉 qui est isomorphe a Γab d’apres le lemme 30.

1.5.4 Groupes fondamentaux de varietes

On rappelle qu’une variete fermee est une variete compacte sans bord. Dans la suite on travailleavec des varietes lisses uniquement.

Proposition 1.40 Soit Γ un groupe de presentation finie. Il existe une variete fermee M dedimension 4 telle que π1(M) ∼= Γ.

Demonstration : La demonstration se fait par recurrence sur le nombre de relations dans unepresentation finie de Γ. Si Γ est libre de rang r alors la somme connexe de r copies de S1 × S3 aΓ pour groupe fondamental. Pour finir la demonstration par recurrence le lemme suivant est alorssuffisant.

Lemme 1.41 Soit M une variete fermee de dimension d > 2 et r ∈ π1(M). Il existe une varieteM ′ de dimension d telle que π1(M ′) ∼= π1(M)/⟪r⟫.

Demonstration : Soit c une courbe fermee lisse representant r. Comme d > 2 on peut supposer quec est simple (sans auto-intersections). Comme c est compacte il existe un voisinage tubulaire T de cdans M , c’est-a dire que T est homeomorphe a S1×Dd−1 et c ⊂ T est une equivalence d’homotopie.Soit N = M \ T ; c’est une variete compacte a bord ∂N = ∂T ∼= S1 × S2. Soit T ′ = D2 × S2, on a∂T ′ = S1× S2 et on peut donc definir M ′ = N ∪∂N=∂T ′ T

′, qui est une variete fermee de dimensiond.

Comme T ′ est simplement connexe on a π1(M ′) = π1(M)/⟪π1(∂T )⟫. D’autre part, commec ⊂ T est une equivalence d’homotopie on a π1(T ) = 〈c〉 (si on choisit bien le point base, mais noterque ca n’a pas d’importance pour la demonstration). Par definition de c on a donc ⟪π1(∂T )⟫ = ⟪r⟫,ce qui finit la demonstration.

Ceci indique que les groupes fondamentaux de varietes fermees ne sont pas une classe distincteparmi les groupes discrets. Les deux questions suivantes sont beaucoup plus compliquees.

i) Quels groupes sont des groupes fondamentaux de 2– ou 3–varietes fermees ?

ii) Quels groupes sont des groupes fondamentaux de varietes aspheriques ?

La reponse a la premiere question pour la dimension 2 est connue depuis la classification dessurfaces fermees (qui remonte essentiellement au XIXeme siecle). Une reponse satisfaisante a cettequestion pour la dimension 3 est donnee par la conjecture de geometrisation de William Thurstondemontree par Grigori Perelman en 2003. On exposera (sans demonstration !) ces deux resultats auchapitre suivant.

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Page 14: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

Pour la seconde question aucune reponse satisfaisante n’est connue. Les deux conditions necessairessuivantes sont a peu pres immediates.

Proposition 1.42 Soit Γ un groupe isomorphe au groupe fondamental d’une variete fermeeaspherique. Alors

i) Γ est sans torsion ;

ii) il existe d ≥ 0 tel que Hk(Γ) = 0 = Hk(Γ) pour k > d et Hk(Γ) ∼= Hd−k(Γ) pour tout0 ≤ k ≤ d.

Demonstration : Le second point est une consequence des proprietes correspondantes pour lesvarietes. Le premier en decoule : en effet, si x est un element de torsion alors 〈x〉\M est unK(Z/mZ, 1) de dimension finie, ce qui est impossible car les groupes finis ne sont pas de type F.

Enfin, la conjecture suivante (encore ouverte mais connue pour etre vraie dans de nombreuxcas) impliquerait que dans le cas ou un groupe est groupe fondamental d’une variete aspheriquecette derniere est uniquement definie.

Conjecture 1.43 (Conjecture de Borel) Soient M,M ′ deux varietes aspheriques equivalentes l’unea l’autre en homotopie. Alors M est homeomorphe a M ′.

1.6 Constructions algebriques de groupes

1.6.1 Produit direct

Si Γ1,Γ2 sont deux groupes on rappelle que leur produit direct est l’ensemble Γ1 × Γ2 muni dela loi (g1, g2) · (h1, h2) = (g1h1, g2h2). Si C1, C2 sont respectivement des K(Γ1, 1) et K(Γ2, 1) alors

C1 × C2 est un K(Γ1 × Γ2) : en effet ce dernier est muni d’une structure CW naturelle, C1 × C2

est simplement connexe et l’application C1 × C2 → C1 ×C2 est un revetement galoisien de groupeΓ1 × Γ2.

En particulier, si Γ1,Γ2 sont tous deux de type Fk pour un k ∈ N ∪ ∞ ou de type F alorsΓ1 × Γ2 l’est aussi. De plus si Γ1,Γ2 sont des grpupes fondamentaux de varietes aspheriques alorsleur produit direct aussi. Une autre application est la formule de Kunneth pour les groupes.

1.6.2 Produit semi-direct

Definition 1.44 Si Γ, H sont deux groupes et ϕ : Γ → Aut(H) est un morphisme alors leurproduit direct est l’ensemble Γ×H muni de la loi definie par :

(γ, η) · (γ′, η′) = (γγ′, ηϕ(γ) · η′). (1.6.1)

On note ce groupe Γ nϕ H.

Si ϕ est trivial on retrouve le produit direct. Un exemple eclairant pour le cas general est lesuivant : soient K un corps, Γ = K× et H = K. On definit l’action ϕ par ϕ(a)(b) = ab. Alors leproduit semi-direct Γ nϕ H est isomorphe au groupe des transformations affines de K, c’est-a-dire

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Page 15: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

le sous-groupe des bijections de la forme x 7→ ax+ b pour A ∈ K× et b ∈ K. On peut faire la memeconstruction avec Γ = GLn(K) et H = Kn.

Pour construire un espace d’Eilenberg–MacLane pour Γ nϕ H on procede comme suit. Soient

C,D des K(Γ, 1) et K(H, 1) et C le revetement universel de C. On suppose qu’il existe un mor-phisme Φ : Γ → Homeo(D) tel que Φ(γ)∗ = ϕ(γ). On definit alors une action de Γ sur C × Dpar :

γ · (c, d) = (γ · c,Φ(γ) · d).

Alors le quotientC ×Φ D := Γ\(C ×D)

est un K(ΓnϕH, 1). En effet son revetement universel est C × D avec comme groupe de Galois lestransformations donnees par

(c, d) 7→ (γ · c, η · Φ(γ) · d), γ ∈ Γ, η ∈ Hqui donnent bien la loi de groupe (1.6.1). On admettra que l’on peut construire une structure CWsur C ×Φ D (la difficulte est que la structure CW naturelle sur C × D n’est pas invariante sousl’action de Γ nϕ H definie ci-dessus).

Une consequence de cette construction est que le produit semi-direct ΓnϕH herite des proprietesde finitude de Γ et H. De meme si Γ, H sont des groupes fondamentaux de varietes aspheriquesalors Γ nϕ H aussi. Il n’y a pas de “formule” generale pour les groupes d’homologie Hk(Γ nϕ H)pour k ≥ 2 mais une “suite spectrale” qui permet en principe de les calculer (cf. [5, Theorem 6.3p. 171]).

Un exemple important est quand Γ = Z. Dans ce cas l’action ϕ est determinee par un seulautomorphisme α, et de meme Φ est determinee par un homeomorphisme F . Le produit semi-direct Z nϕ H est alors appele extension HNN et note ∗αH ; le K(∗αH, 1) construit ci-dessus estappele suspension de F . On peut l’obtenir plus directement par la construction

(D × [0, 1])/(x, 1) = (F (x), 0).

Exercice 1.45(45.a) Definir les produits direct et semi-direct par des proprietes universelles.(45.b) Montrer que si 〈S|R〉 est une presentation de H et α un automorphisme alors l’extensionHNN ∗αH admet la presentation⟨

S ∪ t|R ∪ tst−1 = α(s), s ∈ S⟩.

Exercice 1.46

(46.a) Soit A =

(1 10 1

). Montrer que le produit semi-direct Z n1 Z2 est isomorphe au groupe

HZ =

1 x z

0 1 y0 0 1

: x, y, z ∈ Z

.

(46.b) Montrer que A definit un diffeomorphisme de T2 = R2/Z2. Montrer que le quotient HR/HZest diffeomorphe a S2 ×A T2.

Exercice 1.47Calculer l’abelianise de ∗αH puis de Γ nϕ H.

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Page 16: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

1.6.3 Produit libre

Definition 1.48 Soient Γ1 = 〈S1|R1〉 et Γ2 = 〈S2|R2〉. Le produit libre de Γ1 et Γ2 est le groupe〈S1 ∪ S2|R1 ∪R2〉, on le note Γ1 ∗ Γ2.

On note que pour i = 1, 2 l’inclusion Si ⊂ S1∪S2 donne un plongement ιi : Γi → Γ1∗Γ2. Il n’estpas clair a priori que le produit libre ne depende pas des presentations utilisees dans la definition.Une maniere alternative de le definir, qui supprime immediatement ce probleme, est donnee par lapropriete universelle suivante.

Exercice 1.49Montrer que Γ1 ∗ Γ2 est l’unique (a isomorphisme canonique pres) groupe verifiant la proprietesuivante : pour tout groupe G et touts morphismes ϕi : Γi → G il existe un unique morphismeϕ : Γ1 ∗ Γ2 → G tel que ϕi = ϕ ιi.

Exercice 1.50(Ping-Pong, II) Soit E un ensemble et Γ1,Γ2 ≤ S(E) des sous-groupes. On suppose qu’il existe dessous-ensembles E1, E2 ⊂ E non vides tels que γE2 ⊂ E1 pour tout γ ∈ Γ1 \ Id et γE1 ⊂ E2 pourtout γ ∈ Γ2 \ Id. Montrer que 〈Γ1,Γ2〉 ∼= Γ1 ∗ Γ2.

La construction d’un espace classifiant pour le produit libre est simple.

Proposition 1.51 Soit Ci un K(Γi, 1) et xi ∈ Ci, i = 1, 2. Alors C1∪x1=x2C2 est un K(Γ1∗Γ2, 1).

Demonstration : Si on choisit des 0-cellules pour x1, x2 il est clair que C = C1 ∪x1=x2 C2 a unestructure naturelle de complexe CW, et on peut toujours se ramener a ce cas sans changer le typed’homotopie en rajoutant une 1-cellule.

Soit Γ = Γ1 ∗ Γ2. Le theoreme de Van Kampen implique que π1(C) ∼= Γ. On va le demontrerdans ce cas. On choisit comme point base l’image x de x1 = x2 dans C. Alors une courbe fermeebasee en x est representee comme une concatenation a1b1 · · · anbn ou ai sont des courbes fermeesdans C1 basees en x, non-contractiles si i > 1 et bi des courbes fermees dans C2 en x non-contracilessi i < n. De plus les ai, bi sont determinee uniquement a homotopie pres. De meme les elementsde Γ1 ∗ Γ2 s’ecrivent de maniere unique sous la forme g1h1 · · · gnhn avec gi ∈ Γ1, hi ∈ Γ2 et gi 6= 1pour i > 1 et h1 6= 1 pour i < n. L’application Γ → π1(C, x) determinee par les morphismesΓi → π1(C, x) associes aux inclusions (Ci, xi) ⊂ (C, x) est donc une bijection.

Il reste a demontrer que C est aspherique. Le revetement universel C est construit comme suit :on choisit des preimages xi des xi dans les Ci et on recolle sur les orbites Γi · xi des copies des Ciindicees par Γ/Γi. On va montrer que Hi(C) = 0 pour i ≥ 1. Il suffit de le faire pour i ≥ 2 puisqueC est simplement connexe. De plus, une classe d’homologie est supportee sur un nombre fini decopies des Ci et comme ces derniers sont contractiles et leur intersection dans C aussi le resultatvoulu suit d’une recurrence immediate en utilisant le lemme suivant.

Lemme 1.52 Soient X1, X2 des complexes CW tels que Hk(Xi) = 0 pour i ≥ 1 et Y un sous-complexe commun au deux, tel que l’on ait aussi Hi(Y ) = 0 pour i ≥ 1. Alors Hi(X1 ∪Y X2) = 0pour i ≥ 1.

Demonstration : On n’a besoin que du cas i ≥ 2, le cas i ≥ 1 (un peu plus complique) est laisse enexercice. La suite exacte longue associee a la suite exacte de complexes cellulaires

0→ C∗(Y )→ C∗(X1)⊕ C∗(X2)→ C∗(X1 ∪Y X2)→ 0

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Page 17: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

(ou la premiere application est c 7→ (c,−c) et la seconde (c1, c2) 7→ c1 + c2) donne pour k ≥ 2 unisomorphisme Hk(X1 ∪Y X2) ∼= Hk(X1)⊕Hk(X2) vu que les termes Hk(Y ) et Hk−1(Y ) sont nuls.

Noter qu’une consequence de la proposition est que le type d’homotopie de C1 ∪x1=x2 C2 nedepend pas du choix de x1, x2.

Exercice 1.53Calculer H∗(Γ1 ∗ Γ2).

Exemple 1.54 Si Γ1 = Z/2Z et Γ2 = Z/3Z alors le graphe de Cayley de Γ1 ∗ Γ2 (pour la famillegeneratrice evidente) est obtenu comme suit : on remplace les sommets d’un arbre trivalent par destriangles (graphe ed Cayley de Z/3Z) et les aretes par des bigones (graphe de Cayley de Z/2Z).TODO dessin.

On remarque que si C1, C2 sont des varietes alors C1 ∪x1=x2 C2 n’en est pas une. Pour resterdans la categorie des varietes fermees on peut utiliser a la place l’operation de somme connexe :on identifie des boules fermees au lieu de points. En revanche le resultat n’est en general pasaspherique. Par exemple le groupe libre a > 1 generateurs n’est pas le groupe fondamental d’unevariete aspherique fermee.

Exercice 1.55(55.a) Montrer que Z/2Z ∗ Z/2Z ∼= Z/2Z n Z.(55.b) Montrer que Z/2Z ∗ Z/3Z contient un eous-groupe libre (non abelien) d’indice fini (utiliserle lemme du ping-pong sur le graphe de Cayley).

1.6.4 Produit amalgame

Definition 1.56 Soient Γ1 = 〈S1|R1〉, Γ2 = 〈S2|R2〉 des groupes. Soit H un troisieme groupe etϕi : H → Γi des morphismes. Le produit amalgame de Γ1 et Γ2 selon H est le groupe presente par〈S1 ∪ S2|R1 ∪R2 ∪A〉 ou A = ϕ1(h)−1ϕ2(h), h ∈ H. On le note Γ1 ∗H Γ2.

Le produit libre depend evidemment de la donnee des ϕi, meme si pour alleger on les omet dela notation. Comme pour le produit libre la non-dependance du choix des presentations suit d’unepropriete universelle.

Exercice 1.57Montrer que Γ1 ∗H Γ2 est l’unique (a isomorphisme canonique pres) groupe verifiant que pour toutgroupe G et tout diagramme commutatif

H

Γ1 ∗H Γ2 Γ1

Γ2 G

ooOO

//

$$ &&

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Page 18: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

il existe un unique morphisme ϕ : Γ1 ∗H Γ2 → G completant le diagramme.

Exercice 1.58Montrer que Z2 ∗Z Z2 ∼= (Z ∗ Z)× Z (on identifie Z ∼= Z · (1, 0) et Z · (0, 1) respectivement).

Exercice 1.59(Ping-Pong III ; [11, Proposition 12.4]) Soient E un ensemble, Γ1,Γ2 ≤ S(E) et H = Γ1 ∩ Γ2. Onsuppose qu’il existe E1, E2 ⊂ E non-vides tels que γE2 ⊂ E1 pour tout γ ∈ Γ1 \H et de meme pourΓ2. Montrer que 〈Γ1,Γ2〉 ∼= Γ1 ∗H Γ2.

Exercice 1.60(60.a) Soit Γ = Γ1 ∗H Γ2, ou H ⊂ Γi pour i = 1, 2. On identifie Γi/H avec une famille derepresentants des classes a gauche ; montrer que pour tout γ ∈ Γ il existe g1, . . . , gn ∈ Γ1/Havec gn 6= 1, h1, . . . , hn ∈ Γ2/H avec h1 6= 1 et f ∈ H tels que γ = fg1h1 · · · gnhn, et h, gi, hisont uniquement determines par γ. En deduire que les applications Γi → Γ sont injectives. [17,Theoreme 1, p. ? ?](60.b) En deduire que tout element d’ordre fini de Γ est conjugue a un element d’ordre fini de Γ1

ou Γ2. [17, Corollaire 1 p. 13]

La construction pour le produit libre se generalise au produit amalgame dans le cas ou H estun sous-groupe de chacun des Γi.

Proposition 1.61 On suppose que les applications ϕi sont injectives. Soient C1, C2, D des espacesclassifiants pour Γ1,Γ2, D respectivement, tels que l’on ait des inclusions D ⊂ Ci realisant ϕi. AlorsC1 ∪D C2 est un K(Γ1 ∗H Γ2, 1).

Demonstration : Soient C = C1 ∪D C2 et Γ = Γ1 ∗H Γ2. On voit immediatement que C a unestructure CW naturelle. Le theoreme de Van Kampen implique que π1(C) ∼= Γ ; la demonstrationest la meme que pour le produit libre (cf. [8, Theorem 1.20]).

Il suit de l’injectivite des ϕi que les applications naturelles Γi → Γ sont elles aussi injectives(voir l’exercice ci-dessus). En consequence les preimages de C1, C2, D dans C sont homeomorphes

a leurs revetements universels Ci, D. Le revetement universel de C1 ∪D C2 est donc obtenu de lamaiere suivante : on recolle suivant D des copies de Ci indicees par Γ/Γi. Par le meme argumentque pour le produit libre (vu que D est aspherique) on voit que Hk(C) = 0 pour k ≥ 1, c’est-a-direque C est aspherique.

Comme pour le produit libre cette construction ne donne jamais une variete fermee si C1, C2

en sont. En revanche si C1, C2 sont des varietes dont le bord est connexe et identifie a une memevariete D alors C1 ∪D C2 est une variete fermee (et aspherique).

Par exemple, on voit que le produit amalgame de deux groupes libres 〈a1, b1, . . . , ar, br〉 et〈ar+1, br+1, . . . , ag, bg〉 suivant les sous-groupes 〈[a1, b1] · · · [ar, br]〉 et 〈[ar+1, br+1] · · · [ag, bg]〉 (chacunisomorphe a Z) est le groupe fondamentale de la surface fermee S de genre g obtenue en recollantdeux surfaces compactes de genre r, g − r avec chacune une composante de bord.

Exercice 1.62On considere les plongements Z → Z, x 7→ 2x et Z →, y 7→ 3y, et le produit amalgame Γ = Z ∗Z Zassocie. Montrer que Γ est sans torsion et qu’il existe une suite exacte courte non-scindee 0→ Z→Γ→ Z/2 ∗ Z/3.

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1.7 Geometrie des groupes

1.7.1 Metriques sur les complexes CW

Soit X un espace connexe par arcs, muni d’une fonction “longueur” ` sur un sous-ensemble Cde ses courbes continues [0, 1]→ X. On demande que ce sous-ensemble soit “assez grand” au senssuivant : les courbes constantes sont dans C, toute paire de points x, y ∈ X est reliee par un elementde C, et si deux courbes sont dans C alors leurs inverses et concatenations sont dans C. On definitalors une fonction “distance” sur X par

d(x, y) = inf(`(c), c ∈ C, c(0) = x, c(1) = y).

Les conditions sur C impliquent que d verifie les axiomes pour une distance, sauf la positivite. Pourque cette derniere le soit aussi on doit l’imposer explicitement. On suppose donc que ` verifie lacondition :

∀x 6= y ∈ X inf(`(c), c ∈ C, c(0) = x, c(1) = y) > 0. (1.7.1)

Une maniere de definir une telle fonction ` est de definir une geometrie “locale” sur X. Unexemple fondamental est celui des varietes riemaniennes (ou l’on prend pour C l’ensemble descourbes lisses par morceaux, ou presque partout derivables). Pour definir des metriques sur uncomplexe CW on voudrait identifier les cellules a des sous-ensembles convexes de l’espace euclidien,de maniere a ce que les recollements soient lisses par morceaux. On peut alors definir la longueurd’une courbe lisse par morceaux en la calculant independamment dans l’interieur de chaque cellulequ’elle traverse. Si le complexe est localement fini (tout point n’appartient qu’a un nombre fini decellules) et on demande que les courbes de C ne traversent chacune qu’un nombre fini de cellules(par exemple si C est de dimension finie) il est clair que le fonction longueur ainsi definie satisfaita (1.7.1).

Il est naturel de demander que les applications de recollement des cellules soient des immersionsisometriques. Pour ceci on demande que le complexe soit polyedral, c’est-a-dire que les k-cellulessont identifiees a des unions de polyedres compacts de Rk et les applications de recollement sontdes isometries affines sur les faces.

Pour un graphe ceci se fait simplement en identifiant toutes les aretes a un intervalle de longueur1. En particulier ceci munit l’ensemble des sommets de la distance de graphe : la distance entredeux sommets est le plus petit nombre d’aretes dans un chemin de l’un a l’autre.

Pour un 2-complexe polyedral on peut identifier les 2-cellules a des polyedres reguliers de lon-gueur d’arete 1. En revanche en dimension superieure il n’y a en general pas d’identification naturelled’un polyedre abstrait a un polyedre de Rk, et il n’est meme pas assure qu’on puisse realiser lespolyedre metriques du bord comme le bord d’un poyedre euclidien. Un cas ou c’est possible est sitoutes les 2-cellules sont des cubes ou simplexes : on peut alors les prendre reguliers d’arete 1.

A partir de cette observation il y a plusieurs possibilites pour munir un complexe CW polyedrald’une metrique comme decrite ci-dessus, toutes dependant d’un choix supplementaire. On peut parexemple decomposer les cellules en simplexes que l’on identifie a des simplexes reguliers d’arete 1(il faut alors choisir la decomposition de chaque cellule), on peut aussi realiser le 2-squelette avecdes polygones reguliers, et identifier ensuite une cellule avec une union de cones sur ses faces (ilfaut alors choisir les rayon de ces cones). Les metriques ainsi obtenues ne sont pas isometriquesl’une a l’autre. La prochaine section explique quelle est la bonne categorie dans laquelle travaillerpour obtenir un objet bien defini.

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Page 20: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

1.7.2 Quasi-isometries et lemme de Milnor–Schwarz

Les quasi-isometries sont une version “a grande echelle” des applications bi-lipschitz : leurstructure locale est arbitraire (elles peuvent ne pas etre continues) mais pour des grandes distanceselles se comportent comme ces dernieres. Formellement on les definit comme suit.

Definition 1.63 Soient (X, dX) et (Y, dY ) des espaces metriques. Une application F : X → Y estun plongement quasi-isometrique s’il existe des constantes C ≥ 1, B ≥ 0 telles que

∀x1, x2 ∈ X :1

CdX(x1, x2)−B ≤ dY (F (x1), F (x2)) ≤ CdX(x1, x2) +B. (1.7.2)

On dit que c’est une quasi-isometrie s’il existe en plus D ≥ 0 tel que pour tout y ∈ Y il existex ∈ X tel que dY (y, F (x)) ≤ D.

Exemple 1.64

i) Si C = 1, B = 0 une telle application est un plongement isometrique de X dans Y , et si deplus D = 0 c’est une isometrie entre X et Y .

ii) Si B = 0 c’est un plongement bi-lipschitz, et si de plus D = 0 c’est une bijection bi-lipschitz.

iii) L’inclusion Zd ⊂ Rd est une quasi-isometrie si on munit par example Rd de sa metriqueeuclidienne et Zd de sa metrique de graphe (pour la famille generetrice standard). Ceci suitpar example du fait que les normes euclidiennes et L1 sur Rd sont equivalentes, et que lametrique de graphe de Zd est isometrique a cette derniere.

iv) L’application Rd → Zd definie par (x1, . . . , xd) 7→ (bx1c, . . . , bxdc) est un exemple de quasiisometrie non-continue.

v) Si X est une espace metrique borne (c’est-a-dire que diam(X) := sup(d(x1, x2), x1, x2 ∈ X)est fini) alors toute application constante de X vers un espace metrique est un plongementquasi-isometrique. C’est une quasi-isometrie si et seulement si l’espace cible est lui aussiborne.

Les proprietes suivantes sont des consequences immediates de la definition.

Proposition 1.65

i) Si F1, F2 sont des quasi isometries X → Y → Z alors F2 F1 est une quasi-isometrie.

ii) Si F : X → Y est une quasi-isometrie elle admet un quasi-inverse, c’est-a-dire une quasi-isometrie J : Y → X telle qu’il existe K > 0 tel que dX(J F (x), x) < K et dY (F J(y), y) <K pour touts x ∈ X et y ∈ Y .

On dit que deux espace sont quasi-isometriques l’un a l’autre s’il existe une quasi-isometrieentre eux. Il suit des deux proprietes ci-dessus que cette notion definit une relation d’equivalencesur les espaces metriques.

Exemple 1.66

i) Zd est isometrique a Rd (voir les exemples de quasi-isometries ci-dessus) ;

ii) les espaces bornes forment une seule classe de quasi-isometrie.

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Page 21: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

iii) L’exercice ci-dessous montre que sur un complexe CW polyedral n’ayant qu’un nombre fini detypes de cellules (par exemple s’il est de dimension finie et que le nombre de faces d’une celluleest borne) la classe de quasi-isometrie des metriques construites a la section precedente nedepend pas du choix de polyedres realisant les cellules.

Exercice 1.67Soit X un complexe CW polyedral n’ayant qu’un nombre fini de types de cellules. Montrer que sion remplace chaque cellule de X par un poledre de Rd qui lui est isomorphe et on munit X dela metrique de longueur associee, alors il est bi-lipschitz a son 1-squelette muni de sa distance degraphe.

Exercice 1.68Soient c > 0, d > 2 deux entiers. Trouver une quasi-isometrie de l’arbre d-regulier Td dans Tcd. Endeduire que deux arbres reguliers (chacun de valence > 2) sont quasi-isometriques l’un a l’autre.

Exercice 1.69Montrer que R n’est pas quasi-isometrique a R2 (cf. [3, p. 23]).

Le resultat fondamental de la theorie geometrique des groupes est le suivant. On rappelle qu’unespace metrique X est propre si toute boule fermee BX(x,R) est compacte (de maniere equivalente,X est localement compact). Un espace est geodesique si pour toute paire de points x, y il existeune geodesique entre x et y, c’est-a-dire une application continue c : [0, 1]→ X telle que d(x, y) =sup (

∑i d(c(ti), c(ti+1)), 0 ≤ t1 ≤ · · · ≤ tn ≤ 1).

Theoreme 1.70 (Milnor–Schwarz) Soit Γ un groupe. On suppose que Γ agit par isometries etproprement discontinument sur un espace metrique geodesique propre X, et que le quotient Γ\Xest compact. Alors :

i) Le groupe Γ est finiment engendre ;

ii) Pour toute partie generatrice finie S de Γ le graphe de Cayley Cay(Γ;S) est quasi-isometriquea X.

Demonstration : SoitR = diam(Γ\X) + 1.

Comme Γ\X est compact on a R < +∞. On fixe un point o ∈ X. Soit

SR = γ ∈ Γ \ 1 : d(o, γo) ≤ R

qui est un sous-ensemble fini vu que BX(o,R) est compacte et Γ agit proprement discontinument.On va montrer que SR engendre Γ.

Pour ceci on fixe un γ ∈ Γ, que l’on veut exprimer comme produit d’elements de SR (noterque SR = S−1

R vu que d(x, γx) = d(γ−1x, x) par l’isometrie de l’action). On choisit une geodesiqued’image c reliant o a γo. D’apres la definition de R on a

X = ∪γ∈ΓBX(γo,R/2)

et il existe donc des elements γ1, . . . , γ` ∈ Γ tels que γ1 = 1, C ⊂ ⋃`i=1BX(γio,R/2), BX(γio,R/2)∩

BX(γi+1o,R/2) 6= ∅ pour i = 1, . . . , `− 1 et γ` = γ. On a alors que(γ−1i γi+1BX(o,R) ∩BX(o,R)

)= γ−1

i (BX(γio,R) ∩BX(γi+1o,R)) 6= ∅

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Page 22: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

donc si := γ−1i γi+1 ∈ R. On a immediatement que γi = s1 · · · si et il suit en particulier que

γ = s1 · · · s`. Ceci demontre que SR engendre Γ.On va maintenant demontrer que X est quasi-isometrique a Cay(Γ;SR) ; on indiquera ensuite

comment modifier l’argument pour traiter une partie generatrice finie S quelconque. On va en faitmontrer que l’application F : Γ → X definie par γ 7→ γo est une quasi-isometrie. La proprietede “quasi-surjectivite” a deja ete montree vu que X =

⋃γ BX(γo,R). Il reste a voir que F est

un plongement quasi-isometrique ; pour ceci, comme Γ opere transitivement par isometries surCay(Γ;SR) et sur l’image de F il suffit de demontrer qu’il existe C,B telles que

∀γ ∈ Γ, C−1dSR(1, γ)−B ≤ dX(o, γo) ≤ CdSR(1, γ) (1.7.3)

ou dSR est la distance dans Cay(Γ;SR) (noter que vu que Γ, dSR est discret il n’y a pas besoin deconstante additive a droite).

Soit `, γi tels que γ−1i γi+1 ∈ SR et γ` = γ. On observe d’abord que R` ≥ dX(o, γo) : en effet on

a d(γio, γi+1o) ≤ R et il suit que

dX(o, γo) ≤∑i=1

d(γio, γi+1o) ≤ `R.

En choisissant les γi tels que ` = dSR(o, γ) on obtient une premiere partie de (1.7.3) : on adX(o, γo) ≤ RdSR(1, γ).

On choisit maintenant les γi de la maniere suivante : on prend des x1 = o, x2, . . . , xl ∈ c tels quedX(xi, xi+1) = R/2 pour 1 ≤ i ≤ l−1, de sorte que la longueur de c soit au moins lR/2−R/2. Soientγi ∈ Γ tels que dX(γio, xi) ≤ R/2. Alors les γi satisfont aux conditions du paragraphe ci-dessus etil suit que dSR(1, γ) ≤ l. Il vient

d(o, γo) ≥ lR/2−R/2 ≥ R/2dSR(1, γ)−R/2

ce qui termine la demonstration de (1.7.3).Si S est une partie generatrice finie il existe des entiers m,n tels que S ⊂ SnR et SR ⊂ Sm. On

a alors dSR ≤ ndS et dS ≤ mdSR et avec (1.7.3) ceci montre que l’application orbitale F est aussiune quasi-isometrie pour dS .

Le resultat suivant est une consequence formelle du theoreme, mais on l’a en fait directementdemontre dans le dernier paragraphe de la preuve ci-dessus.

Corollaire 1.71 Si Γ est un groupe finiment engendre alors la classe d’isometrie du graphe deCayley Cay(Γ;S) ne depend pas du choix d’une partie generatrice finie S de Γ.

On peut donc parler sans ambiguıte de la classe de quasi-isometrie d’un groupe finiment en-gendre. Une autre application du theoreme de Milnor–Schwarz, que l’on peut aussi demontrerdirectement, est alors la suivante.

Corollaire 1.72 Soit Γ un groupe finiment engendre et Γ′ un sous-groupe d’indice fini de Γ. AlorsΓ′ est finiment engendre et quasi-isometrique a Γ.

Demonstration : Soit S une partie generatrice finie de Γ. L’action de Γ′ sur Cay(Γ;S) est proprementdiscontinue (car celle de Γ l’est) et cococompacte (le quotient est un graphe de degre borne surl’ensemble fini Γ/Γ′). Il suffit alors d’appliquer le theoreme.

Les problemes qui se posent naturellement sont alors, grossierement, les suivants.

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Page 23: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

i) Donner de “bons” modeles geometriques pour la classes de quasi-isometrie d’un groupe.

ii) Deduire des proprietes geometriques de ces modeles des proprietes algebriques de Γ.

Par exemple, le probleme de la rigidite quasi-isometrique est le suivant. Etant donne un groupefiniment engendre Γ, est-ce que pour tout groupe finiment engendre Λ quasi-isometrique a Γ il existeun sous-groupe d’indice fini commun aux deux ? La reponse est negative en general mais il n’estpas facile d’exhiber des exemples. Des groupes pour lesquels la reponse est positive sont les groupesabeliens, les groupes libres et les groupes de surfaces mais la demonstration est extremement difficiledans chacun des cas.

Exercice 1.73(73.a) Montrer que Z nϕ Z (ou ϕ(1)(x) = −x) est quasi-isometrique a Z2.(73.b) Montrer que

⟨x, y|xy2x−1y2, yx2y−1x2

⟩est quasi-isometrique a Z3.

Exercice 1.74(74.a) Soient X,Y deux espaces metriques ou la distance ne prend que des valeurs entieres. Onsuppose qu’ils sont quasi-isometriques l’un a l’autre. Soient x ∈ X, y ∈ Y , montrer qu’il existeC,D tels que

∀r > 0 |B(x,C−1r)| ≤ |B(y, r)| ≤ |B(x,Cr)|.(74.b) Montrer que si d 6= d′ alors Zd n’est pas quasi-isometrique a Zd′.

Exercice 1.75(75.a) Montrer que pour toute famille generatrice S de Zd et pour tout x ∈ Zd il existe C(x) telque ‖nx‖S ≥ C(x)n.(75.b) Soient

x =

1 1 00 1 00 0 1

, y =

1 0 00 1 10 0 1

, z ==

1 0 10 1 00 0 1

.

Montrer que S = x, y engendre HZ, puis que ‖zn‖S ≤ C√n pour un C > 0.

(75.c) Montrer que HZ n’est pas quasi-isometrique a Zd.

1.7.3 Groupes hyperboliques

Definition 1.76 Soit X un espace metrique geodesique. On dit que X est Gromov-hyperboliques’il existe une constante δ > 0 telle que tout point d’un cote d’un triangle geodesique de X est adistance au plus δ de l’un des deux autres cotes.

Une demonstration du resultat suivant est donnee dans [3, Theorem 6.19] et une autre dans [7,Theoreme 12, p. 88]. La difficulte est que les geodesiques ne sont pas stables par quasi-isometries ;il faut introduire une notion de “quasi-geodesque” et montrer que ces dernieres peuvent etre ap-prochees par des vraies geodesiques. On reviendra sur ce point au deuxieme chapitre.

Proposition 1.77 Si X,Y sont des espace metriques avec X hyperbolique et Y quasi-isometriquea X alors Y est hyperbolique.

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Page 24: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

On peut donc definir sans ambiguıte la notion d’hyperbolicite au sens de Gromov pour lesgroupes finiment engendres.

Definition 1.78 Soit Γ un groupe. On dit qu’il est hyperbolique au sens de Gromov si Cay(Γ;S)est un espace hyperbolique pour une partie genratrice S de Γ.

Des exemples d’espaces hyperboliques, ou non, sont :

i) Un arbre est hyperbolique (avec δ = 0).

ii) Un espace metrique borne est hyperbolique.

iii) Si κ < 0 un espace CAT(κ) est hyperbolique.

iv) L’espace euclidien Rd est CAT(0) mais pas hyperbolique (si d > 1).

Pour les groupes on a les exemples suivants.

i) Les groupes finis sont hyperboliques.

ii) Les groupes libres sont hyperboliques.

iii) Z2 n’est pas hyperbolique, en fait tout groupe contenant Z2 n’est pas hyperbolique.

En general les groupes hyperboliques ont des proprietes de finitude. Pour les demontrer on vautiliser la construction suivante.

Definition 1.79 Si X est un espace metrique et R > 0 le complexe de Rips est le complexesimplicial dont les sommets sont les points de X et des points x1, . . . , xd forment un (d−1)-simplexesi et seulement si d(xi, xj) ≤ R pour touts i, j.

On a alors la propriete suivante des espaces hyperboliques [4, Proposition 3.23 p. 469]

Proposition 1.80 Si X est un espace hyperbolique tel que dX ne prend que des valeurs entieresalors il existe R tel que PR(X) est contractile.

Demonstration : On va voir que l’on peut prendre R = 6δ + 3 ou δ est la constante apparaissantle la definition d’un espace hyperbolique. Il suffit de montrer que tout sous-complexe simplicial finiL de PR(X) est contractile. Pour ceci on va proceder par recurrence sur la distance maximale d’unsommet de L a une origine (choisie arbitrairement) et le nombre de sommets la realisant. Si L estde diametre au plus R alors il est contenu dans un simplexe de PR(X) et donc contractile. Dans lasuite on suppose donc que L est de diametre > R.

Soit donc x0 un sommet de L et v ∈ L un sommet tel que d(u, x0) ≤ d(v, x0) pour tout u ∈ L ;en particulier, d(x0, v) > R/2 puisque L est de diametre > R. Il existe donc un point v′ de Xtel que v′ appartienne a une geodesique [x0, v] et |d(v′, v) − R/2| < 1. On va demontrer que pourtout u ∈ L tel que d(u, v) ≤ R on a aussi d(u, v′) ≤ R : ceci permet de conclure pousqu’alors toutsimplexe de L contenant v est contenu dans un simplexe de PR(X) contenant v et v′, et on peutdonc effectuer une homotopie de L a un complexe ayant comme sommets ceux de L, moins v, et v′.Comme d(x0, v

′) on a donc baisse soit la distance maximale dans L a x0, soit le nombre de pointsla realisant.

Soit u ∈ L, u 6= v un sommet tel que d(u, v) ≤ R et v′ defini comme ci-dessus. Par l’hyperbolicitede X le point v′ ∈ [x0, v] est a distance au plus δ de [x0, u]∪ [u, v]. On est donc dans l’un des deuxcas suivants :

i) Il existe u′ ∈ [x0, u] tel que d(u′, v′) ≤ δ ;

ii) il existe w ∈ [u, v] tel que d(w, v′) ≤ δ.

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Page 25: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

Dans le premier cas on a d(u, v′) ≤ d(u, u′) +d(u′, v′) et on veut donc montrer que d(u, u′) ≤ R− δ.Pour ceci on note que d(u, u′) = d(u, x0)− d(u′, x0) puisque u′ ∈ [u, x0]. D’autre part on a

|d(v′, x0)− d(u′, x0)| ≤ d(u′, v′) ≤ δ

etd(v′, x0) = d(v, x0)− d(v, v′) ≥ d(u, x0)−R/2− 1

et il suit que

d(u, u′) ≤ δ + d(u, x0)− d(u′, x0)

≤ 2δ + d(u, x0)− (d(u, x0)−R/2− 1)

= R/2 + 2δ + 1 < R− δ

vu que 3δ + 1 < R/2.On suppose maintenant que l’on est dans le second cas. On a de meme que d(u, v′) ≤ d(u,w) +

d(w, v′) ≤ d(u,w) + δ et on veut donc montrer que d(u,w) ≤ R− δ. On a

d(u,w) = d(u, v)− d(w, v)

≤ R− (d(v′, w)− d(v, v′))

≤ R− (R/2− 1− δ) = R/2 + 1 + δ

et donc d(u,w) ≤ R/2 + 1 + 2δ qui est < R− δ par le meme argument que ci-dessus.

Si X est localement fini (les boules sont de cardinal borne) et Γ agit sur X par isometriesproprement discontinument et cocompactement alors Γ agit de meme sur le complexe de Rips. Enappliquant ceci au graphe de Cayley on obtient le resultat suivant.

Corollaire 1.81 Soit Γ un groupe Gromov-hyperbolique. Il est finiment presente, et s’il est sanstorsion alors il est de type F.

Dans le second chapitre on donnera de nombreux autres exemples de groupes hyperboliquesen utilisant la geometrie riemannienne et les groupes de matrices. En particulier on verra que lesgroupes de surface sont hyperboliques. Il existe de nombreuses autres constructions de groupeshyperboliques de nature plus combinatoire, en utilisant des conditions sur une presentation, maison n’en parlera pas plus ici.

Exercice 1.82(82.a) Montrer que si X,Y sont des espaces geodesiques hyperboliques et x, y ∈ X alors X ∪x=y Yest aussi hyperbolique (muni de la metrique de longueur naturelle).(82.b) Montrer que si Γ1,Γ2 sont des groupes hyperboliques alors Γ1 ∗Γ2 est aussi un groupe hyper-bolique.

Exercice 1.83Montrer qu’un groupe hyperbolique ne peut pas contenir un groupe admettant une presentation dela forme :

B(m,n) = 〈x, y|xmy = yxn〉(“groupe de Baumslag–Solitar”) pour m,n ≥ 1.

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Page 26: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

Chapitre 2

Construction de varietes aspheriqueset de groupes hyperboliques

Le but de ce chapitre est de decrire des constructions de varietes compactes a courbure negativeconstante. Ces dernieres sont aspheriques et leurs groupes fondamentaux sont donc des exemplesde groupes hyperboliques.

2.1 Espaces homogenes et groupes discrets

2.1.1 Espaces homogenes riemanniens

On commence par decrire un cadre general pour construire des varietes munies d’actions degroupes.

Definition 2.1 Soit X une variete riemanienne et Isom(X) son groupe d’isometries. On dit queX est homogene, ou que c’est un espace homogene riemannien, si Isom(X) agit transitivement.

Definition 2.2 Un groupe de Lie est une variete lisse G munie d’une structure de groupe telleque les application (g, h) 7→ gh et g 7→ g−1 soient lisses.

Une propriete importante de ces groupes est la suivante, que l’on ne demontrera pas (voir [18,Theorem 15, p. 391]).

Theoreme 2.3 Soit G un groupe de Lie et H un sous-groupe ferme de G. Alors H est unesous-variete lisse de G.

On peut alors donner une definition plus descriptive des espaces homogenes, que l’on resumedans la proposition suivante.

Proposition 2.4 Soit G un groupe de Lie et K un sous-groupe compact de G. Alors X = G/Ka une structure lisse naturelle et il existe une metrique riemannienne G-invariante sur X ; enparticulier il est homogene pour cette metrique.

Reciproquement, si X est homogene il existe G,K comme ci dessus et une metrique G-invariantesur G/K telle que X soit isometrique a G/K.

Demonstration : On va commencer par la construction d’une structure lisse et d’une metriqueriemannienne sur X = G/K, pour laquelle on se contentera d’expliquer rapidement certains points

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Page 27: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

techniques ; une demonstration complete est donnee dans [9, Theorem 4.2, p. 123]. Par le theoremeci-dessus on a que K est lisse. Soit x = gK ∈ G/K. Soient n = dim(G) et m = dim(K). Il existe, parlissite de K et de son action, un voisinage U de x dans G et un diffeomorphisme φg : (U, x)→ (Rn, 0)tel que φg(hK) ⊂ xh×Rm pour tout h ∈ U et x ∈ Rn−m×0 (qui ne depend alors que de hK).On definit une carte ψg sur le voisinage UK de x dans G/K par ψg(hK) = xh. Comme l’action adroite de K est lisse on a que ψg′ψ

−1g est lisse si gK = g′K ; on peut donc fixer une unique carte

lisse θx qui ne depend que de x ∈ G/K. Comme l’action a gauche de G est aussi lisse on a queψxψ

−1y est lisse pour touts x, y.Si g ∈ G on note Rg, Lg les applications de G dans lui meme donnees par h 7→ hg et h 7→ gh

respectivement, et LXg l’application induites sur X = G/K. Soit x0 = Id ·K ∈ X. Pour munirX d’une metrique riemannienne on commence par remarquer que le groupe K agit sur TIdG park 7→ Ad(k) = DId(Lk Rk−1). Soit 〈·, ·〉x0 un produit scalaire invariant par les sous-groupe compactAd(K) ⊂ GL(Tx0X). On identifie Tx0X a l’orthogonal (pour 〈·, ·〉x0) V dans TIdG de TIdK, muni

de la restriction de 〈·, ·〉x0 , qui est Ad(K)-invariant. Alors la differentielle Dx0RXk est identifiee a

Ad(k)|V (...). On peut donc definir, pour x = gK ∈ X, le produit scalaire 〈·, ·〉x = (Dx0LXg )∗〈·, ·〉x0 ,

qui ne depend pas du choix de g. Celui-ci definit une metrique riemannienne sur X, qui est G-invariante par definition.

Soit maintenant X une variete riemannienne homogene, que l’on supposera connexe pour com-mencer. Soient x0 ∈ X choisi arbitrairement, G = Isom(X) et K = StabG(x0) et soit 〈·, ·〉x0la metrique sur Tx0X, qui est invariante par les differentielles des elements de K (puisque K ≤Isom(X)). On va montrer que K est un groupe de Lie compact et en deduire que G est un groupe deLie ; il suit alors que X est diffeomorphe a G/K et (comme G agit par isometries) que la metriqueriemannienne sur X est obtenue par la construction ci-dessus appliquee a 〈·, ·〉x0 .

Soient V = Tx0X et ι l’application K → GL(V ), k 7→ Dx0k. Alors K ⊂ O(E) et le fait que Kest un groupe de Lie compact suit donc des proprietes suivantes.

Lemme 2.5

i) L’application ι est injective ;

ii) l’image ι(K) est fermee.

Demonstration : Le premiere propriete se reformule comme suit : si g ∈ G et x ∈ X verifientgx = x et Dxg = IdTxG alors g = Id. Pour ceci on montre que l’ensemble

Y = y ∈ X : gx = x et Dxg = IdTxG

est ouvert et ferme dans X ; comme x ∈ Y et X est connexe il suit alors que Y = X, c’est-a-direg = Id. La fermeture de Y est une consequence immediate de ce que g est continue. Pour l’ouvertureon note expy l’application exponentielle en y, definie sur un voisinage ωy de 0 dans TyX. On a pourtout v ∈ Ωy que Dyg · v ∈ Ωgy et

expgy(Dyg · v) = g exp(v) (2.1.1)

et pour y ∈ Y il suit que y = gy, donc g est triviale sur le voisinage exp(Ωy) de Y et il suit que Yest ouvert.

Pour demontrer le second point on suppose que Ad(kn)→ l dans O(E) avec kn ∈ K et on veutmontre qu’il existe un k ∈ K tel que l = Ad(k). Soit Z le sous-ensemble des z ∈ X tels que la limite

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limn→+∞(knz) existe ; on veut voir que Z = X et qu’il existe un k ∈ K tel que kz = limn→+∞(knz)pour tout z ∈ Z. Pour demontrer le premier point on utilise encore un argument de connexite :Z est ferme par un argument diagonal et le fait que les kn sont des isometries. On demontre qu’ilest ouvert en utilisant (2.1.1) pour prolonger k a un voisinage d’un point ou il est deja defini.Cet argument permet aussi de demontrer que limn→+∞Dzkn existe, et le second point est alorsautomatique par simple continuite de la metrique.

On munit maintenant un voisinage de Id dans G d’une structure lisse, qui se prolonge ensuitea tout G de maniere naturelle (ce que l’on ne verifiera pas en detail). Pour ceci il faut trouverun moyen d’identifier localement G a K × X, ce pour quoi on va utiliser le flot geodesique. Soitx0 = Id ·K et t0 tel que expx0 soit un diffeomorphisme des vecteurs tangents de norme < t0 versla boule de rayon t0 autour de x0. Pour x = expx0(tv), 0 < t < t0 on choisit l’unique 1 g ∈ G telque gx0 = x et ‖Dx0g − P‖ est minimal ou P est le transport parallele le long de la geodesiquet 7→ expx0(tv).

Exemple 2.6 Pour la suite du cours l’exemple qui nous interessera seront les espaces hyperboliquesreels Hd, pour d ≥ 2, que l’on obtient par la construction ci-dessus avec G = PO(d, 1) et K = O(d)

(plonge dans G via k ∈ O(d) 7→(g 00 1

)). Comme O(d) agit sans sous-espace stables sur TIdHd

(cette representation est identifiee a l’action lineaire de O(d) sur Rd) il n’existe a un facteur > 0pres qu’un seul produit scalaire invariant sur cet espace. On a donc une metrique riemanniennecanonique a un facteur pres sur Hd.

La normalisation que l’on utilise habituellement est d’identifier, via l’action sur une composanteconnexe de l’hyperboloıde puis la projection stereographique depuis un vecteur isotrope, Hd au demi-espace Rd−1×]0,+∞[ muni de la metrique riemannienne (dx2

1 + . . . + dx2d)/x

2d. On observe en

particulier que Hd est homeomorphe a Rd et donc contractile. On peut aussi utiliser ce modele pourdemontrer facilement le lemme suivant.

Lemme 2.7 L’espace hyperbolique Hd est hyperbolique au sens de Gromov.

Demonstration : En utilisant le modele hyperboloıde on verifie immediatement que trois pointssont contenus dans une sous-variete totalement geodesique isometrique a H2 (il suffit de prendre lesous-espace vectoriel engendre par ces points vus comme vecteurs de Rd,1). On demontre donc leresultat dans H2. Pour ce faire on observe que tout triangle y est contenu dans un “triangle ideal”forme par trois geodesiques bi-infinies ayant les memes extremites (dans le “bord” R ∪ ∞). Deplus tous ces triangles ideaux sont isometriques l’un a l’autre, en effet ils correspondent aux droitesisotropes et PO(2, 1) agit transitivement sur les triplets de ces dernieres (exercice). Il suffit doncde demontrer que la propriete des triangles minces est verifiee par le triangle ideal forme des demi-droites ]1,∞[ et ]0,∞[ et du demi-cercle de 0 a 1. Pour ce faire, vu que le groupe d’isometrie agittransitivement sur les paires (point, cote) il suffit de demontrer que pour tout ε > 0 la distance d’unpoint de la forme (1, y) au cote ]0,∞[ reste bornee quand on a y ≥ ε > 0. Ceci suit immediatementen estimant cette distance avec le chemin t 7→ (1 − t, y) qui relie (1, y) a (0, y) : on calcule que lalongueur de ce chemin vaut 1/y.

Exercice 2.8

1. Ceci merite une demonstration

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Page 29: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

Montrer que PO(2, 1) ∼= PGL2(R) et que PO(3, 1)0 ∼= PGL2(C). Donner l’action correspondante dePGL2(R) sur le demi-plan R×]0,+∞[. En deduire que l’action sur le bord est 3-transitive.

Exercice 2.9Montrer que Isom(Hd) = PO(d, 1).

Exercice 2.10Montrer que les triangles dans Hd sont log(3)-minces ; on pourra utiliser la formule suivante pourla distance dans le demi-plan :

d((x, y), (x′, y′)) = argcosh

((x− x′)2 + (y − y′)2

yy′

),

cf. [13, Theorem 4.6.1].

(remarques sur les espaces symetriques et CAT(0), CAT(-1)...)

2.1.2 Sous-groupes discrets

Si X est un espace topologique separe a base denombrable d’ouverts (par example localementcompact et denombrable a l’infini) on definit sur le groupe Homeo(X) la topologie compacte-ouvertecomme celle engendree par les sous-ensembles :

M(U,C) = g ∈ Homeo(X) : gK ⊂ U

ou U est un ouvert et C un compact (cf. [8, p. 429]). (Les hypotheses sur X ne sont pas necessairesmais sans elle la topologie n’a pas de bonnes proprietes).

Exercice 2.11(11.a) Montrer que cette topologie est metrisable si X est metrique, localement compacte si X l’est.(11.b) Montrer que Γ ≤ Homeo(X) agit proprement discontinument sur X si et seulement s’il estdiscret pour cette topologie.

Pour les espaces homogenes on a la reformulation suivante.

Lemme 2.12 Soit G un groupe de Lie 2 et K un sous-groupe compact malnormal (c’est-a-dire que⋂g∈G gKg

−1 = Id). Alors G ≤ Homeo(G/K) (ou g ∈ G agit par x 7→ gx) et la topologie induitesur G par la topologie compacte-ouverte est celle de G.

Demonstration : L’hypothese de malnormalite revient a dire que l’action est fidele (l’intersection desstabilisatuers est triviale). De plus, par definition d’un groupe de Lie les applications x ∈ G 7→ gxsont continues, donc descendent au quotient en des applications continues.

Dans le case des groupes de Lie un argument de dimension montre que la malnormalite impliquequ’il existe g1, . . . , gk ∈ G tels que

⋂i giKg

−1i = Id. Soient U et V les topologies de G et induite.

On a V ⊂ U : en effet, si U est un ouvert de G et g ∈ U alors U =⋂iM(g, UgiK).

L’inclusion reciproque est plus simple : si V est un ouvert de G/K et C un compact on aM(C, V ) ⊃ CKUK qui est un ouvert de G.

2. Le lemme est valide pour tous les groupes localement compacts denombrables a l’infini, sous des hypothesesadditionnelles sur K (qu’il soit ouvert ou que son treillis de sous-groupes fermes soit Noetherien, ou un melange desdeux) souvent verifiees.

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Page 30: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

Lemme 2.13 Si G est un groupe de Lie, K un sous-groupe compact, X = G/K est contractile etΓ ≤ G est discret alors Γ agit librement sur X si et seulement s’il est sans torsion.

Demonstration : Si l’action est libre alors Γ\X est un espace classifiant pour Γ donc Γ est dedimension cohomologique finie et donc sans torsion.

Reciproquement, supposons que Γ soit sans torsion et soient γ ∈ Γ, x ∈ X tels que γx = x. Enecrivant x = gK on obtient que γ ∈ gKg−1. Donc le sous-groupe cyclique 〈γ〉 est un sous-groupe dugroupe compact gKg−1 ; comme il y est discret il doit donc etre fini, c’est-a-dire que γ est d’ordrefini. Comme Γ est sans torsion on obtient finalement que γ = Id.

Les resultats de cette section impliquent la proposition suivante (avec la remarque que si G estun groupe topologique, K un sous-groupe compact et Γ un sous-groupe ferme alors H\G/K estcompact si et seulement si H\G l’est).

Proposition 2.14 L’application Γ 7→ Γ\Hd induit une bijection des classes de conjugaison desous-groupes discrets, sans torsion et cocompacts de PO(d, 1) vers les classes d’isometrie varietesriemanniennes compactes de dimension d qui sont des quotients de Hd.

2.1.3 Varietes hyperboliques et holonomie

Definition 2.15 Soit M une variete riemannienne compacte. On dit que M est une varietehyperbolique compacte si pour tout x ∈ M il existe un voisinage ouvert U de x dans M et unouvert V ⊂ Hd (d = dim(M)) tels que U soit isometrique a V .

i) Le theoreme de Killing–Hopf (ref ? ?) implique que M est hyperbolique (en ce sens) si etseulement si toutes ses courbures sectionnelles sont egales a −1.

ii) Les resultats de ce chapitre se generalisent aux varietes completes mais les demonstrationssont plus techniques

iii) Le groupe fondamental d’une variete hyperbolique compacte est quasi-isometrique a Hd parle lemme de Milnor–Schwarz, donc c’est en particulier un groupe hyperbolique.

Le resultat fondamental sur les structures hyperboliques est le suivant (voir [19, Definition 3.4.2et Proposition 3.4.10]).

Proposition 2.16 Soit M une variete hyperbolique compacte. Alors son revetement universel Mest isometrique a Hd.

Demonstration : On va definir une application F : M → Hd telle que F est une isometrie locale.On montre ensuite que F est un revetement, d’ou le resultat suit vu que M et Hd sont tous lesdeux simplement connexes.

Pour construire F on commence par recouvrir M par un nombre fini d’ouverts Uα, α ∈ Adont chacun est isometrique a une boule ouverte Vα de Hd, via une isometrie ϕα. On choisitarbitrairement un point x0 ∈ M et un α0 ∈ A tel que π(x0) ∈ Uα0 ; on note U0 le releve de Uα0

a M tel que x0 ∈ Uα. On definit alors F par recurrence comme suit : on pose F |Uα

= ϕα0 π. Si

x ∈ Hd on choisit α1, α2, . . . , αr ∈ A verifiant les proprietes suivantes : pour 1 ≤ i ≤ r il existe Uiun ouvert de M tel que π(Ui) = Uαi , et on a Ui ∩ Ui−1 6= ∅. Supposant F definie sur U1, . . . , Uk−1

29

Page 31: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

il existe alors une unique isometrie ψk ∈ PO(d, 1) telle que F (ϕαk π)−1 ψk soit l’identite enrestriction a Uk ∩Uk−1. On pose alors F |Uk = ψ−1

k (ϕαk π), ce qui pour k = r definit bien F (x).On va verifier que le resultat F (x) ne depend pas des choix de U1, . . . , Ur faits ci-dessus. Ceci

est equivalent a demontrer que si x = x0 alors F est egale a ϕα0 π. Pour ceci procede par recursion,

comme suit : comme M est simplement connexe il existe une suite W1, . . . ,Wm d’ouverts tels quepour tout 1 ≤ i ≤ m une suite U0,Wj1i , . . . ,Wjkii

,Wi, U0, pour des 1 ≤ j1i < · · · < jkii < i, satisfaitles conditions dans la construction ci-dessus, et au plus un indice ji est retranche a chaque etape.Enfin on demande que Wj1m , . . . ,Wjkmm

,Wm = U1, . . . , Ur. On definit une image Fi(x) pour tout x

en utilisant U0,Wj1i , . . . ,Wjkii,Wi, U0 ; on a F0 = ϕα0 π et Fm = F , on va verifier que Fi+1 = Fi.

Pour ceci il suffit de remarquer que c’est le cas si on n’enleve aucun Wjki , et que ans le cas contraireon a que Wi+1 intersecte le Wjki retranche et que le resultat suit dans ce cas.

En particulier, l’action par transformations de revetements de π1(M) sur M donne un mor-

phisme π1(M)→ Isom(M) ∼= PO(d, 1). Avec la section precedente on obtient le resultat suivant.

Proposition 2.17 L’application Γ 7→ Γ\Hd induit une bijection des classes de conjugaison desous-groupes discrets, sans torsion et cocompacts de PO(d, 1) vers les classes d’isometrie de varietescompactes.

La nomenclature suivante est utile ; on remarque qu’en general on definit un reseau en rem-placant la cocompacite par une condition de finitude par rapport a la mesure de Haar de G.

Definition 2.18 Si G est un groupe topologique localement compact un reseau uniforme (oucocompact) de G est un sous-groupe discret de G tel que G/Γ est compact.

2.1.4 Orbifolds hyperboliques

Il sera utile de disposer d’une notion de geometrie riemannienne correspondant aux sous-groupesdiscrets de Isom(X) dont l’action n’est pas forcement libre (c’est-a-dire qui peuvent contenir deselements de torsion). Pour ceci il faut donner un sens a “localement isomorphe a un quotient del’espace hyperbolique par un groupe fini”. On peut le faire avec des atlas sur des espaces topologiquesmais on peut aussi utiliser des espaces metriques (voir [13, 13.2], [10, Chapter 6]) pour lesquels ladefinition se simplifie grandement.

Definition 2.19 Soit O un espace metrique connexe. On dit que c’est une orbifold hyperboliquesi tout point a un voisinage isometrique a un Πx\Vx ou Vx ⊂ Hd (pour un d qui doit etre le memepour tout x, par connexite) et Πx un sous-groupe fini de PO(d, 1) tel que ΠxVx = Vx.

Une orbifold (hyperbolique !) compacte est forcement bonne, c’est-a-dire qu’elle est en faitisometrique a Π\M ou M est une variete hyperbolique compacte et Π un sous-groupe fini deIsom(M). Voir [10, Proposition 6.9]. La theorie des sections precedentes s’applique donc pour don-ner le resultat suivant.

Proposition 2.20 L’application Γ 7→ Γ\Hd induit une bijection des classes de conjugaison dereseaux hyperboliques vers les classes d’isometrie d’orbifolds hyperboliques compactes.

30

Page 32: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

2.2 Construction geometrique de reseaux uniformes

2.2.1 Theoreme de Poincare abstrait

Si P est un polyedre dans Hd un appariement de ses faces est une collection d’isometries Φab ∈PO(d, 1) ou a, b sont des faces de P , Φab(a) = b et chaque face apparaıt dans exactement un desΦab (on peutr avoir a = b, auquel cas on demande que Φab 6= Id).

Theoreme 2.21 Soit P un polyedre dans Hd, F l’ensemble de ses faces et Φab un appariement deses faces. Si le quotient O = P/(x = Φab(x)) est une orbifold alors :

i) Le sous-groupe Γ = 〈Φab〉 est discret ;

ii) Le quotient Γ\Hd est isometrique a O ;

iii) Les relations entre les Φab sont donnees par les (Φa1b1 · · ·Φarbr)k ou Φa1b1 · · ·Φarbr fixe une

face de codimension 2 de P et Φa1b1 · · ·ΦaibiP ∩ P 6= ∅ pour tout 1 ≤ i ≤ r.

Demonstration : ...

Voir aussi [13, 6.8, Theorem 11.2.2 et Theorem 13.5.3].

2.2.2 Groupes de reflexion dans PO(2, 1)

Lemme 2.22 Soit P un polygone compact dans H2. C’est une orbifold si et seulement si tous sesangles sont de la forme π/n pour un n ∈ N.

Demonstration : Les sous-groupes finis de O2(R) sont les sous-groupes cycliques engendres par desrotations d’angle 2π/n et les groupes diedraux. Les modeles locaux pour les 2-orbifolds hyperbo-liques sont donc des cones d’angle 2π/n ou des secteurs d’angle π/n ; en particulier on obtient leresultat.

D’apres le theoreme de Poincare, une riche source de reseaux cocompacts dans PO(2, 1) estdonc donnee par le theoreme suivant (admis mais pas difficile, voir [13, Theorem 3.5.9] pour le casdes triangles).

Theoreme 2.23 Soit r ≥ 3. Pour touts p1, . . . , pr tels que∑

iπpi< (n− 2)π il existe un polygone

dont les angles sont π/pi. L’aire d’un tel polyedre est egale a (n− 2)π −∑iπpi

.

Si r ≥ 4 le polygone n’est pas unique. On peut construire des exemples particulierementinteressants ; par exemple d’apres le theoreme il existe un triangle dont les angles sont 2π/5, π/4, π/4.En recollant cinq copies autour du sommet d’angle 2π/5 on obtient un pentagone regulier a anglesdroits (un tel hexagone est unique). Le groupe de reflexion de ce pentagone contient un sous-groupeΓ d’indice 4 sans torsion (...) et le quotient Γ\H2 est diffeomorphe a la surface non-orientableS−1 = P2]P2]P2 (l’unique surface fermee de caracteristique d’Euler -1). Comme toute surface decaracteristique d’Euler negative est un revetement de S−1 il suit que tout groupe de surface agitlibrement, proprement discontinument et cocompactement sur H2, en particulier il est hyperbolique.

Exercice 2.24Construire (en utilisant le theoreme d’existence de triangles) pour tout g ≥ 2 un 4g-gone regulierd’angles π/2g. En utilisant le theoreme de Poincare, en deduire que la surface fermee S de genreg admet une metrique hyperbolique. Retrouver la presentation de π1(S).

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Page 33: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

Exercice 2.25(25.a) Soit T le triangle de H2 d’angles π/4, π/4, π/4. Montrer que Isom(T ) = S3. Donner unepresentation pour le groupe de reflexion ΓT .(25.b) Donner un domaine fondamental et une presentation pour le sous-groupe d’indice 2 ΓT ∩Isom+(H2).(25.c) Donner un morphisme surjectif ΓT → D16 (le groupe diedral d’ordre 16) et montrer que sonnoyau Γ est sans torsion. Est-ce-qu’il preserve l’orientation ? Identifier le quotient Γ\H2.

2.2.3 Groupes de reflexion dans PO(3, 1)

Definition 2.26 Soit X une variete riemannienne et H1, H2 des sous-varietes de codimension 1transverses l’une a l’autre. Si x ∈ H1 ∩H2 l’angle diedre entre H1 et H2 en x est l’unique α ∈]0, π[determine par cosα = 〈v1, v2〉x ou vi ∈ TxX est un vecteur unitaire orthogonal a Hi.

Si X = Hd et H1, H2 sont totalement geodesiques alors StabPO(d,1)(H1) ∩ StabPO(d,1)(H2) agittransitivement sur H1 ∩H2 et on peut donc parler de l’angle diedre entre H1 et H2.

Lemme 2.27 Soit P ⊂ Hd un polyedre compact. C’est une orbifold si et seulement si tous sesangles diedres sont de la forme π/n, n ≥ 1.

Demonstration : Ceci se demontre par recurrence, en demontrant en parallele l’enonce similairepour Sd. En effet, le fait que les angles diedres soient de cette forme mmontre que P est un orbifoldau voisinage de tous les points interieurs de ses faces de codimension 1. Sur l’intersection d’uncertain nombre de telles faces la voisinage est un cone sur un polyedre spherique de dimensiond − 1, dont les angles diedres sont ceux entres les faces concernees. Par l’hypothese de recurrencece dernier est une orbifold spherique, et il suit que P est une orbifold au voisinage de ses faces decodimension 2.

Il est beaucoup plus delicat de construire des polyedres compacts avec des angles diedres donnesdans Hd pour d ≥ 3, que dans H2. En fait, les polyedres de Coxeter (ceux dont les angles diedressont de la forme π/n) compacts n’existent pas pour d ≥ 30 ; on connaıt des exemples jusqu’a d = 8(voir [21, Section 2.5, p. 210]). En dimension 3 on peut completement caracteriser les polyedrescompacts. Si P est un polyedre de dimension 3 et k ≥ 1 un k-circuit prismatique dans P est unesuite d’aretes e1, . . . , ek telles que ei et ei+1 sont sur une meme face (avec la convention k+ 1 = 1),mais ne partagent pas un sommet, et toutes ces faces sont distinctes l’une de l’autre.

Theoreme 2.28 (Theoreme d’Andreev) Soit P un polyedre de dimension 3 et αe ∈]0, π/2] unecollection d’angles indices par les aretes de P . On suppose que P a au moins six faces. Il existe unpolyedre compact P ⊂ H3 isomorphe a P et dont les angles diedres sont les αe si et seulement si

i) Pour toutes aretes e1, e2, e3 partageant un sommet on a αe1 + αe2 + αe3 > π ;

ii) Si k = 3, 4 et e1, . . . , ek est un k-circuit prismatique alors∑k

i=1 ααe1 < (k − 2)π.

De plus ce polyedre est alors unique a isometrie pres.

Une demonstration est donnees dans [15]. Si P a cinq faces c’est un prisme a base triangulaireet le theoreme d’Andreev est encore valide si on lui ajoute une quatrieme condition (voir loc. cit.).Pour les tetraedres on a le resultat suivant [14].

Theoreme 2.29 (Roeder) Si P est un tetraedre alors il existe un tetraedre hyperbolique compactdont les angles diedres sont les αe si et seulement si 2.2.i) est verifiee, et si de plus les angles de

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Page 34: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

faces determines, pour une paire (e, x) ou x est un sommet, e une arete adjacente et on note e1, e2

les deux autres aretes adjacentes, par :

βe,x =cos(αe) + cos(αe1) cos(αe2)

sin(αe1) sin(αe2)(2.2.1)

verifient∑

i βei,xi < π si x1, x2, x3 sont les sommets d’une meme face et ei l’arete adjacente a xien-dehors de cette face. Ce tetraedre est unique a isometrie pres.

Un exemple ou les conditions du theoreme d’Andreev sont faciles a verifier est le suivant : soitP un dodecaedre, pour lequel on pose αe = π/2 pour toute arete e. La condition 2.2.i) est bienverifiee, et comme P n’a pas de k-circuit prismatique pour k < 5 la deuxieme condition est vide. Ilexiste donc un unique dodecaedre a angle droits dans H3.

Exercice 2.30[20] Soit P le dodecaedre a angles droits dans H3. Construire un morphisme ΓP → (Z/2Z)3 dontle noyau est sans torsion.

Un exemple de tetraedre est donne par le schema suivant. (...)

Exercice 2.31Soit T le tetraedre ci-dessus. Montrer que S5 ≤ ΓP et en deduire que T triangule le dodecaedre P .

Exercice 2.32Soient

Γ =⟨a, b, c, d|a2, b2, c2, d2, (ab)5, (bc)3, (bd)3, (ac)2, (ad)2, (cd)2

⟩Γ′ =

⟨a′, b′, c′, d′|(a′)2, (b′)2, (c′)2, (d′)2, (a′b′)5, (b′c′)3, (b′d′)2, (a′c′)2, (a′d′)2, (c′d′)4

⟩En utilisant T ci-dessus et le theoreme de Poincare montrer que Γ′ est isomorphe a un sous-grouped’indice 2 de Γ (donner des formules pour les a′, etc. en fonction de a, b, c, d).

2.3 Sous-groupes sans torsion

Il est souvent plus facile de construire des orbifolds que des varietes, comme par exemple pourles groupes de reflexion ou l’on doit travailler pour obtenir un sous-groupe sans torsion d’indice fini.La question de savoir si tout groupe hyperbolique (au sens de Gromov) contient un sous-grouped’indice fini sans torsion est completement ouverte ; par contre on a une reponse positive pour lesreseaux cocompacts de PO(d, 1), comme consequence du resultat beaucoup plus general suivant.

Theoreme 2.33 (Lemme de Selberg) Soient F un corps de caracteristique 0, d ≥ 1 et Γ un sous-groupe de GLd(F ) finiment engendre. Il existe un sous-groupe Γ′ ≤ Γ tel que Γ′ est sans torsion et|Γ/Γ′| < +∞.

On va en donner une demonstration similaire a celle de [1]. Le resultat est encore valide si F estde caracteristique positive mais la demonstration doit etre modifiee (on saute la premiere etape).

Exercice 2.34(Theoreme de Minkowski) Soit Γ un sous-groupe de GLd(Z). Montrer que Γ ∩ ker(GLd(Z) →GLd(F3)) est sans torsion.

33

Page 35: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

2.3.1 Anneaux de type fini

Soient B ⊂ A des anneaux. On suppose que A est de type fini sur B, c’est-a-dire qu’il existem > 1 et un morphisme surjectif B[X1, . . . , Xm]→ A. On dit que l’extension B ⊂ A est purementtranscendante si c’est un isomorphisme. Si B est integre et F est son corps de fractions on dit quel’extension est finie si A⊗B F est un espace de dimension finie sur F .

Une extension B ⊂ A est dite entiere si pour tout a ∈ A il existe f ∈ B[X] unitaire tel quef(a) = 0.

Lemme 2.35 (Normalisation de Noether) Soient B ⊂ A des anneaux integres tel que A est detype fini sur B. Il existe B ⊂ C ⊂ A tel que B ⊂ C est purement transcendante et C ⊂ A est finieet entiere.

Demonstration : Soit π : B[X1, . . . , Xm] → A surjectif et I son noyau. Soient i1, . . . , ir tels queB[Xi1 , . . . , Xir ]∩I = 0 et i1, . . . , ir est maximal avec cette propriete. Soit C0 = π(B[Xi1 , . . . , Xir ]),alors B ⊂ C0 est purement transcendante. De plus, si j 6∈ i1, . . . , ir on a que C0 ⊂ C0[Xj ] estfinie (vu que tout quotient d’un anneau de polynomes en une variable sur F est de dimension finie).Donc C ⊂ A est finie.

Il faut montrer que l’on peut remplacer l’extension finie C0 ⊂ C0[Xj ] par une extension entiere.Pour ceci on ecrit la relation de dependance

feXej + · · ·+ f1Xj + f0 = 0, fk ∈ C0.

On supprime alors un par un les monomes du coefficient dominant en remplacant les Xik l’un apresl’autre par des Yk = Xik +Xek

j ou ek est choisi tel qu’un seul des fhXhj ait un coefficient de degre

maximal en Xj (qui ne comporte alors pas de terme en Yk). On arrive au final a une extensionB ⊂ C = B[Y1, . . . , Yr] purement transcendante, et C[Xj ] = C0[Xj ] est entiere.

2.3.2 Demonstration du lemme de Selberg

Soient A1, . . . , Am ∈ GLd(F ) des generateurs de Γ et soit A l’anneau engendre par leurs coeffi-cients.

Etape 1

On commence par traiter le cas ou Γ ⊂ GLd(Q). On a alors A = Z[1/r] pour un r ∈ N. Onnote Φn le polynome cyclotomique de degre n. Si p > r est un nombre premier on note πp lemorphisme Z[1/r] → Fp defini par a/rk 7→ auk ou ur = 1, et Πp : GLd(Z[1/r]) → GLd(Fp) definipar Πp((aij)) = (πp(aij)).

Lemme 2.36 Soit N = max(n,deg Φn ≤ d). Soit p un nombre premier, p > N, r, alors le noyaude Πp est sans torsion.

Demonstration : Soit g ∈ GLd(Z[1/r]) un element d’ordre fini. Alors son polynome minimal fg apour facteurs premiers des polynomes cyclotomiques Φk avec k ≤ N . On fixe un tel facteur Φk.Si g ∈ ker(Πp) alors fg n’a que 1 comme racine modulo p. Mais comme k ≤ p le polynome Φk

est a racines simples, en particulier il a au moins deux racines distinctes si k ≥ 1. Donc k = 1, etfg = X − 1, c’est-a-dire que g = Id.

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Page 36: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

Etape 2

On traite maintement le cas ou Γ ⊂ GLd(Q[X1, . . . , Xm]). Il suit du cas precdent et du lemmesuivant. Soit ψ le morphisme Q[X1, . . . , Xm]→ Q defini par Xi 7→ 0 pour tpout i, et Ψ le morphismeGLd(Q[X1, . . . , Xm])→ GLd(Q) defini par Ψ((aij)) = (ψ(aij)).

Lemme 2.37 Le noyau ker(Ψ) est sans torsion.

Demonstration : Soit g ∈ ker(Ψ). On ecrit g = Id +X1g1+· · ·+Xmgm avec gi ∈Md(Q[X1, . . . , Xm]).Il vient gn = Id +nX1g1 + · · · + nXmgm + . . . ou le reste est compose de monomes de degre ≥ 2.En particulier gn 6= Id pour tout n si l’un des gi est non-nul ; c’est-a-dire que si g est d’ordre finialors g = Id.

Etape 3

Pour le cas general on note A le sous-anneau de F engendre sur Q par les coefficients desgenerateurs de Γ et B = Q. Comme A est de type fini, par le lemme de Noether il existe met C ∼= Q[X1, . . . , Xm] tel que C ⊂ A et C ⊂ A est finie et entiere. On a alors que A est unmodule libre de rang fini e sur C, ce qui donne une inclusion d’anneaux A ⊂Me(C) et de groupesGLd(A) ⊂ GLed(C). Le resultat suit donc de l’etape 2.

Exercice 2.38(38.a) Demontrer le theoreme de Maltsev : si Γ ≤ GLd(F ) alors Γ est residuellement fini, c’est-adire que pour tout g ∈ Γ, g 6= Id il existe un groupe fini Q et un morphisme π : Γ → Q tel queπ(g) 6= Id.(38.b) Montrer que Γ est residuellement fini si et seulement s’il existe une suite de sous-groupesd’indice fini Γn ≤ Γ tels que Γn ⊂ Γn+1 et

⋂n Γn = Id (commencer par demontrer que l’on peut

supposer que Γn / Γ).

2.4 Rigidite des varietes hyperboliques

2.4.1 Rigidite de Mostow

Theoreme 2.39 Soient d ≥ 3, Γ1 un reseau cocompact dans PO(d, 1). Soient d′ ∈ N et Γ2 unreseau cocompact dans PO(d′, 1). Si Γ1 et Γ2 sont isomorphes alors d = d′ et il existe g ∈ PO(d, 1)tel que Γ2 = gΓ1g

−1.

La version geometrique est la suivante.

Theoreme 2.40 Soient M1,M2 des varietes hyperboliques compactes, dim(M1) ≥ 3. Si π1(M1) ∼=π2(M2) alors M1 et M2 sont isometriques l’une a l’autre.

Quelques remarques :

i) Ce resultat implique la conjecture de Borel pour les varietes hyperboliques entre elles (elleest facilement verifiee pour les surfaces).

ii) Le resultat est faux en dimension 2 ; il reste vrai pour les varietes non-compactes en dimension≥ 3.

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Page 37: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

Egalite des dimensions

On suppose que Γi preservent l’orientation et sont sans torsion. On a alors

d = max(k : Hk(Γ1) 6= 0) = max(k : Hk(Γ2) 6= 0) = d′.

En general il existe des sous-groupes Γ′i ≤ Γi d’indice fini satisfaisant a ces conditions (par le lemmede Selberg). On peut alors appliquer le raisonnement precedent a ϕ−1(Γ′2) ∩ Γ′1.

Demonstration du theoreme de Mostow : partie geometrique

On suppose maintenant que Γi sont des reseaux cocompacts isomorphes dans PO(d, 1). On noteΓ = Γ1 et on fixe un isomorphisme ϕ : Γ → Γ2. On dit qu’une application F : Hd → Hd estΓ-equivariante si F (γx) = ϕ(γ)F (x) pour touts x ∈ Hd et γ ∈ Γ.

Lemme 2.41 Il existe une quasi-isometrie Γ-equivariante de Hd dans lui-meme.

Demonstration : Soit D un domaine fondamental compact pour Γ dans Hd. Soit D′ ⊂ D n’intersec-tant qu’une seule fois chaque Γ-orbite 3. Si x ∈ Hd il existe donc un unique γx ∈ Γ tel que γ−1

x x ∈ D′.On fixe un x0 ∈ D′ arbitraire et on pose F (x) = ϕ(γx)x0. Il suit du lemme de Milnor–Schwarz queF est une quasi-isometrie en restriction a l’orbite de x0, et comme on a d(γ−1

x x, x0) ≤ C (avec Cle diametre de D) et ϕ(γx) est une isometrie il suit que F est une quasi-isometrie sur Hd (on nechange la constante additive que d’au plus C).

On va maintenant utiliser le bord de l’espace hyperbolique. Celui-ci peut etre defini pour Hd dela maniere simple suivante : dans le modele du demi-espaceRd−1×]0,+∞[ c’est le bord topologiqueRd−1 × 0 auquel on ajoute un point ∞. La topologie est definie de maniere naturelle.

En general, si X est un espace metrique geodesique on dit que deux rayons geodesiques c1, c2 :[0,+∞[→ X (parametres par longueur d’arc) sont asymptotes l’un a l’autre si supt>0 d(c1(t), c2(t)) <+∞. C’est une relation d’equivalence, et on definit le bord visuel ∂X de X comme l’ensemble detels rayons modulo cette relation. Il est topologise de la maniere naturelle (une base de voisinagesd’un point ξ du bord est donnee, en fixant une zone d’origine compacte pour les rayons, par lesextremites des rayons intersectants aux voisinages des sous-rayons c([R,+∞[ ou c est fixe avecc(+∞) = ξ et R ∈ [0,+∞[), voir [4, p. 429].

Exercice 2.42Montrer que le bord de Hd est le meme pour ces deux definitions, et qu’il est homeomorphe a Sd−1.

Le point fondamental est alors le suivant (voir [4, Lemma 3.1, p. 427]

Theoreme 2.43 Si X est hyperbolique, propre et c : [0,+∞[→ X est un rayon quasi-geodesiqueil existe un rayon geodesique c0 a distance bornee de c.

Exercice 2.44Deduire ce theoreme de l’enonce suivant [4, Theorem 1.7, p. 401] : pour touts p, q ∈ X et toutequasi-geodesique c de p a q il existe une geodesique a distance ≤ C de c, ou C ne depend que de Xet des constantes de quasi-isometrie de c (utiliser le theoreme d’Arzela–Ascoli).

3. Un tel D′ existe par l’axiome du choix ; si D est un polyedre (ce qu’on peut supposer) on peut le construireface par face, et en general des considerations topologiques suffisent a eviter le recours a l’AC.

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Page 38: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

Si F : X → Y est une quasi-isometrie entre espaces hyperboliques ona donc une application∂F : ∂X → ∂Y definie par ∂F (c(∞) = (F c)(∞).

Definition 2.45 Soit Z un espace metrique et K ≥ 1. On dit qu’une application f : Z → Z estK-quasi-conforme si c’est un homeomorphisme et si de plus

∀x ∈ X : Kf (x) := lim supε→0

supd(y,x)=ε d(f(y), f(x))

infd(z,x)=ε d(f(z), f(x))≤ K. (2.4.1)

Si K = 1 on dit que f est conforme

Exercice 2.46Si Z est une variete riemannienne et f un diffeomorphisme montrer que Kf (x) ≤ ‖Dxf‖·‖Dxf‖−1.En deduire que tout diffeomorphisme d’une variete compact est quasi-conforme.

Montrer que f est conforme si et seulement si Dxf est une similitude pour tout x ∈ Z.

On a alors le resultat suivant qui va permettre d’appliquer des methodes analytiques.

Proposition 2.47 Si X est hyperbolique et F : X → X est une quasi-isometrie alors ∂F estquasi-conforme.

Demonstration : Il suffit de demontrer que ∂F est continue et verifie (2.4.1) (le meme raisonnements’applique alors a ∂E ou E est un quasi-inverse de F pour demontrer que c’est un homeomorphisme).On va demontrer les deux proprietes en meme temps.

Pour ceci on va utiliser le lemme suivant.

Lemme 2.48 Soit X un espace hyperbolique et c : R→ X une (A,B)-quasi-geodesique. Pour toutE > 0 il existe une constante K (dependant de X et de A,B) telle que si x ∈ X, y0 est un pointverifiant d(x, y0) ≤ d(x, c) + E alors pour tout y ∈ c verifiant d(y, x) ≤ d(x, c) on a d(y0, y) ≤ K.

Demonstration : Pour simplifier on considere le cas ou c est une geodesique ; pour en deduire lecas general il suffit d’approximer c par une geodesique c0 et d’ajouter la distance entre c et c0 (quine depend que de X,A,B) aux constantes obtenues.

Considerons un triangle geodesique de sommets x, y0, y dont l’arete [y0, y] repose sur c. Suppo-sons que d(y, y0) > 2δ + E et soit z ∈ [y, y0] tel que d(y0, z) = E + 2δ. Alors d(z, [x, y]) ≤ δ : eneffet il ne peut pas etre a distance ≤ δ de y0, sinon il serait a distance ≤ δ d’un point w ∈ [x, y0]avec d(w, y0) > E + δ et on aurait donc d(x, z) < d(x, y0) − d(w, y0) < d(x, c). Si w′ est un pointde [x, y] a distance ≤ δ de z alors on a par le meme raisonnement que d(w′, y) < E + δ. Donc

d(y, y0) = d(y0, z) + d(z, y) ≤ E + 2δ + δ + E + δ

ce qui termine la demonstration.

Pour conclure on suppose que ∂F (0) = 0 et ∂F (∞) =∞ (on peut toujours se ramener a cettesituation en composant par un element de PO(d, 1)), autrement dit l’image de la geodesique ]0,∞[par F est une quasi-geodesique c entre 0 et ∞. Si ξ ∈ ∂Hd on considere alors un rayon geodesiquecξ orthogonal a ]0,∞[ et d’extremite ξ. On considere aussi l’application π : Hd →]0,∞[ donnee parla projection orthogonale, de sorte que d(x, ]0,∞[) = d(x, π(x)).

L’image F cξ est une quasi-geodesique, et il suit qu’il existe E (dependant de F ) tel qued(F (x), F (π(x))) ≤ d(F (x), c) + E pour tout x ∈ H3. Comme c est a distance bornee de ]0,∞[ on

37

Page 39: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

a aussi d(F (x), F (π(x))) ≤ d(F (x), ]0,∞[) + E′. Il suit alors du lemme ci-dessus que pour tout ξl’image de F cξ est contenue entre des hyperplans Hr et HR, R ≥ r > 0 avec Hr∩]0,∞[= (0, r)et HR∩]0,∞[= (0, R), ou le rapport R/r est borne independamment de ξ. De plus R → 0 quandξ → 0 vu que F (x) → 0 quand x → 0 dans Hd ∪ ∂Hd. Ceci montre que ∂F est continue en 0 etqu’elle verifie (2.4.1) avec K = R/r. On peut appliquer ce raisonnement en tout point et on conclutdonc que ∂F est quasi-conforme.

Demonstration du theoreme de Mostow : partie analytique

La demonstration du theoreme de Mostow est alors achevee par les deux resultats suivants ([10,p. 122] et [10, Theorem 8.34]).

Theoreme 2.49 Si e ≥ 2 une application quasi-conforme de Se → Se est presque partoutdifferentiable.

Theoreme 2.50 Si e ≥ 2, f : Se → Se est quasi-conforme, fixe un point ξ, y est differentiable etde plus fΓf−1 ⊂ PO(d, 1) alors f est conforme en ξ (c’est-a-dire que Kf (x) = 1).

Pour d = 3 ceci finit la demonstration car les applications conformes de la sphere de RiemannS2 sont exactement les elements de PO(3, 1). Pour d ≥ 4 il existe beaucoup plus d’applicationsconformes mais un argument supplementaire avec un raisonnement similaire a celui utilise pourdemontrer le second theoreme permet de conclure que l’on a quand meme f ∈ PO(d, 1).

2.4.2 Rigidite locale

Theoreme 2.51 Soit d ≥ 3 et Γ un reseau cocompact dans PO(d, 1). Si Γ′ est un sous-groupediscret “proche” de Γ alors il existe g ∈ PO(d, 1) tel que Γ′ = gΓg−1

On peut prendre “proche” dans deux sens differents : on note ‖ · ‖ la norme euclidienne surGLd+1(R) ;

i) Soit S une famille generatrice finie pour Γ ; il existe ε > 0 (dependant de S) tel que pour toutmorphisme ϕ : Γ→ PO(d, 1) tel que pour tout s ∈ S on ait ‖ϕ(s)− s‖ ≤ ε on a ϕ = g · g−1.

ii) Il existe ε > 0, R > 0 (dependant de Γ) tel que pour tout g ∈ Γ, si ‖g‖ ≤ R alors il existeg′ ∈ Γ′ avec ‖g − g′‖ ≤ ε, et vice-versa.

Ces deux notions ne sont pas equivalentes ; la premiere concerne l’ensemble Hom(Γ,PO(d, 1)) qui estune variete algebrique affine (la “variete des representations”) munie de sa topologie analytique. Ladeuxieme concerne l’ensembole des sous-groupes discrets (ou plus generalement fermes) de PO(d, 1)munis de la “topologie de Chabauty”. Ce dernier espace n’est pas du tout une variete.

On ne donnera pas la demonstration complete des theoremes de rigidite locale, mais on vadonner une idee de celui de Calabi–Weil en suivant [10, pp. 69–70]. La variete des representationsest une sous-variete algebrique d’un espace affine et il suffit donc de demontrer que toute applicationlisse [−ε, ε]→ Hom(Γ,PO(d, 1)), t 7→ ρt avec ρ0 = Id, pour t assez petit la representation ρt s’ecritgtρ Id g−1

t . Soit g l’espace tangent en l’identite a G, une deformation ρt peut alors s’ecrire

ρt(γ) = γ + tc(γ)γ + o(t)

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Page 40: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

avec c(γ) ∈ g (ceci et les calculs suivants se justifie rigourousement par exemple en plogeant G dansun GLn(R)). On a alors

ρt(γ)ρt(η) = γη + t(c(γ)γη + γc(η)η) + o(t)

= γη + t(c(γ) + γc(η)γ−1)γη + o(t)

d’ou il suit quec(γη) = c(γ) + γc(η)γ−1.

On note Z1(Γ, g) l’espace des applications Γ → g verifiant cette condition. Si ρt = gt Id g−1t on

calcule que c(γ) = v + γvγ−1 ou gt = Id +tv + o(t). On note B1(Γ, g) l’espace des applicationsobtenues ainsi en variant v ∈ g. On voit alors que la rigidite est une consequence des deux enoncessuivants :

i) la variete affine Hom(Γ, G) est lisse en Id ;

ii) On a Z1(Γ, g) = B1(Γ, g)

(en effet, un sous-ensemble d’une variete differentielle contenant un chemin tangent a tout vecteurtangent en un point contient un voisinage de ce point). Ces deux proprietes sont verifiees pourG = PO(d, 1) et Γ un reseau de G ; voir [10, Theorem 4.21] pour le premier. Le second pointest equivalent a l’annulation du groupe de cohomologie H1(Γ, g), voir [10, Theorem 8.55] pour cedernier resultat.

Finitude de varietes hyperboliques

Une application d’une version plus generale de la rigidite locale (avec un resultat de Kazhdan–Margulis) est le theoreme de finitude de Wang. L’enonce est le suivant.

Theoreme 2.52 Soit d ≥ 4. Pour tout V > 0 il existe au plus un nombre fini de varieteshyperboliques compactes de volume riemannien ≤ V .

Le resultat est faux en dimension 3 ; ceci est du au fait que les reseaux non-cocompacts sontdes points d’accumulation de reseaux compacts (en topologie de leur variete des representations ouen topologie de Chabauty). Avec plus de conditions geometrique on obtient un resultat valide entoute dimension ≥ 3 et plus facile a demontrer.

Exercice 2.53[12] Si M est une variete riemannienne on note sys(M) la plus petite longueur d’une geodesiquefermee sur M ; pour x ∈ M on note injx(M) la borne superieure des r > 0 tels que expx est undiffeomorphisme sur v ∈ TxM : ‖v‖x < r.(53.a) Montrer que si M est hyperbolique et compacte alors pour tout x ∈M on a injx(M) ≥ sys(M)(on pourra utiliser le fait que toute courbe fermee non-triviale en homotopie est homotope a unegeodesique fermee, et que cette derniere realise la longueur minimale dans sa classe d’homotopie).(53.b) En utilisant la question precedente montrer que l’on a

sys(M) · diam(M) ≤ Cvol(M) (2.4.2)

ou C ne depend que de la dimension.(53.c) Montrer que pour touts V, ε > 0 il existe un sous-ensemble compact C ⊂ PO(d, 1) tel que siΓ est un reseau cocompact avec sys(Γ\Hd) > ε et vol(Γ\Hd) < V alors ΓC = PO(d, 1).

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Page 41: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

(53.d) Montrer que si C ⊂ PO(d, 1) est compact alors Γ ∈ SubdPO(d,1) : ΓC = PO(d, 1) estcompact pour la topologie de Chabauty (etudier les parties generatrices de tels Γ).(53.e) Conclure (on pourra utiliser la rigidite locale) que si d ≥ 3 alors pour touts V, ε l’ensembledes varietes hyperboliques fermees M avec vol(M) ≤ V et sys(M) > ε est fini.

Une consequence des theoremes de rigidite est qu’en restriction aux reseaux cocompacts l’espacede Chabauty et la variete de representations sont homeomorphes. L’exercice suivant (voir [10, p.174]) montre que pour des groupes discrets non-cocompacts ce n’est pas le cas.

Exercice 2.54Soient

zn =iπ

n+

1

n2, gn =

(ezn n(ezn − e−zn)0 e−zn

).

Calculer limn→+∞ gn et limn→+∞ gnn, en deduire que le limite en topologie de Chabauty (sur les sous-

groupes de SL2(C)) de 〈gn〉 contient strictement l’image de la representation limite de Z→ SL2(C)donnee par 1 7→ gn.

2.5 Geometrisation

2.5.1 Panorama des varietes de dimension 3

Les espaces homogenes de dimension 3 sont classifies par le theoreme suivant, du a W. Thurston(voir [16] pour une demonstration et une description plus en profondeur de ces espaces).

Theoreme 2.55 Soit X une variete riemannienne homogene, simplement connexe de dimension3. Alors Isom(X) a pour composante connexe de l’identite l’un des groupes de Lie suivants :

i) SO(4) et X = S3 ;

ii) SO(3) nR3 et X = R3 ;

iii) SO(3, 1)0 et X = H3 ;

iv) SO(3)× R et X = S2 × R ;

v) SO(2, 1)0 × R et X = H2 × R ;

vi) Une extension non-scindee de SO(2, 1)0 par R et X est le groupe de Lie SL2(R) (muni d’unemetrique invariante) ;

vii) Une extension non-scindee de SO(2) par Nil = R nA R2 ou A =

(1 10 1

)et X est le groupe

Nil ;

viii) Sol = RnB R2 ou B =

(2 11 1

)et X est le groupe Sol.

Le fait marquant en dimension 3, conjecture (et demontre dans des cas particulier) par Thurstonet finalement demontre par G. Perelman en 2003, est que toutes les varietes de dimension 3 peuventetre decrites, en un sens precis, a partir de ces huit geometries. On se contentera ici de l’enoncesuivant.

Theoreme 2.56 (Thurston, Perelman) Soit M une variete aspherique fermee de dimension 3. Si

M n’est pas un quotient compact de l’un des espaces R3,H3,H2 × R, SL2(R), Nil ou Sol alors il

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Page 42: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

existe une collection de tores plonges T2 ∼= Ti ⊂ M , 1 ≤ i ≤ m (uniques a isotopie pres), tels que

chaque composante de M \⋃mi=1 Ti soit un quotient de volume fini de H3, H2 × R ou SL2(R).

Le resultat general inclut toutes les varietes fermees, et implique en particulier a conjecture dePoincare (une variete fermee simplement connexe est homeomorphe a la sphere S3).

2.5.2 Varietes hyperboliques fibrees

Un cas particulier du theoreme de geometrisation est l’enonce suivant.

Theoreme 2.57 Soit M une 3–variete aspherique compacte. Si π1(M) ne contient pas de sous-groupe isomorphe a Z2 alors M est hyperbolique.

Un exemple d’application de ce resultat a la construction, par des methodes purement topolo-giques, de varietes hyperboliques fermees est le resultat suivant, qui avait ete demontre auparavant(par des methodes completement differentes) par Thurston.

Corollaire 2.58 Soit S une surface fermee de genre ≥ 2 et f un diffeomorphisme de S. La varieteM × [0, 1]/(x, 1) = (f(x), 0) est hyperbolique si et seulement si aucune puissance non-triviale de fne preserve (a isotopie pres) une courbe fermee simple de S non-triviale en homotopie.

Demonstration : Soit f∗ l’automorphisme de π1(S) induit par f . Il est equivalent que fn ne preservepas de classe d’isotopie de courbe simple et que fn∗ ne preserve pas de classe de conjugaison.

On rappelle que π1(M) ∼=⟨t, π1(S)|tγt−1 = f∗γ

⟩(ou il y a une relation pour chaque element de

π1(S), on peut aussi se limiter a un sous-ensemble generateur). On suppose que taγ, tbη commutent.Si ab 6= 0 les elements tbη et γ′ = (tbη)−a(taγ)b commutent encore et on a γ′ ∈ π1(S) ; on peut doncsupposer que a = 0. On tire alors de tbηγ = γtbη l’egalite ηγη−1 = t−bγtb = f−b∗ γ, c’est-a-dire quef b∗ preserve la classe de conjugaison de γ. On remarque que cette egelite est triviale si et seulementsi b = 0 (auquel cas η et γ commutent l’un a l’autre, donc engenddrent un groupe isomorphe a Z) ousi γ est trivial. On a donc demontre que si les puissances de f ne preservent pas de classe d’isotopienon-triviale alors π1(M) ne contient pas de paires d’elements commutant qui n’appartiennent pasa un meme sous-groupe cyclique, autrement dit il ne contient pas Z2 et M est hyperbolique par letheoreme de geometrisation.

Reciproquement, si fa∗ γ = ηγη−1 on voit que γ et taη commutent l’un a l’autre et M n’est doncpas hyperbolique.

La reciproque du theoreme d’hyperbolisation des varietes fibrees est vraie en un sens affaibli.

Theoreme 2.59 (I. Agol, D. Wise) Soit M une 3–variete hyperbolique fermee. Il existe unrevetement fini de M de la forme Mf .

2.5.3 Quelques varietes fibrees non-hyperboliques

Soit M une 3-variete ; on dit que M est :

i) euclidienne si c’est un quotient de R3 par un sous-groupe discret de Isom(R3) :

ii) une nilvariete si c’est un quotient de Nil par un sous-groupe discret de Isom(Nil) ;

iii) unesolvariete si c’est un quotient de Sol par un sous-groupe discret de Isom(Sol) ;

Lemme 2.60 Soit A ∈ SL2(Z), la variete MA est :

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Page 43: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

i) euclidienne si A est d’ordre fini ;

ii) une nilvariete si A est unipotent (tr(A) = ±2 et A 6= ± Id)

iii) une solvariete si | tr(A)| > 2

Demonstration : On utilisera la consequence suivante du theoreme de geometrisation (dans cecase on n’en a pas essentiellement besoin mais elle raccourcit les arguments) : si un revetementfini de M est euclidien, sol- ou nilvariete alors M elle-meme l’est. En effet, dans le cas contraireson groupe fondamental contiendrait un sous-groupe libre non abelien (d’apres le theoreme degeometrisation et un peu d’algebre), ce qui n’est pas possible pour le groupe fondamental d’unetelle variete. On utilisera aussi la remarque suivante : MAm est un revetement cyclique de degre mde MA (correspondant au morphisme π1(MA) = Z nA π1(T2)→ Z→ Z/m).

Dans le premier cas, si Am = Id on voit donc que T3 est un revetement fini de MA, donc MA

est euclidienne par les remarques ci-dessus.

Dans le second cas on voit que A2 est conjuguee dans SL2(Z) a une matrice de la forme

(1 k0 1

).

On voit que MA2 = Γ\N ou N est le groupe de Lie R nA2 R2 et Γ le sous-groupe Z nA2 Z2. Soit

g =

(k 00 1

), on a alors g

(1 k0 1

)g−1 =

(1 10 1

)et l’application

(t, v) 7→ (t, gv)

definit alors un isomorphisme entre les groupes de Lie N et Nil ; MA2 , donc aussi MA, est doncbien une nilvariete.

On procede de meme dans le troisieme cas, en remarquant que comme A est diagonalisablesur R (la condition sur la trace equivaut a ce que le polynome caracteristique soit a racines reelles

simples) il existe un c > 0 tel que (A2)c est conjuguee (disons par g ∈ GL2(R)) a

(2 11 1

), et

l’application(t, v) 7→ (ct, gv)

definit alors un isomorphisme de RnA2R2 vers Sol.

On a le meme resultat (avec une demonstration beaucoup plus abordable) pour ces geometriesque pour les varietes hyperboliques.

Proposition 2.61 Soit M une variete euclidienne, ou une nil- ou solvariete. Il existe un revetementfini de M de la forme MA pour une A ∈ SL2(Z).

Le cas euclidien

Ce cas est une consequence immediate d’un theoreme classique du a L. Bieverbach, qui estplus precis s’applique a toutes les dimensions. On va en presenter une demonstration en suivantessentiellement [2].

Theoreme 2.62 (Bieberbach) Soit Γ un sous-groupe cocompact de Isom(Rd) = O(d) n Rd. AlorsIsom(Rd) ∩ Rd ∼= Zd est d’indice fini dans Γ.

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Page 44: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

Demonstration : D’apres l’exercice ci-dessous il suffit de montrer que Isom(Rd) ∩ Rd est d’indicefini dans Γ (il suit qu’il est cocompact dans Rd, donc comme il y est aussi discret vu que Γ l’est ilest engendre par une base de Rd et donc isomorphe a Zd).

Pour ceci il faut montrer que l’image Π de Γ dans O(d) est finie ; ceci se fait en deux etapes :

i) On montre que Π a un sous-groupe abelien d’indice fini ;

ii) puis on montre que ce dernier doit etre fini.

Commencons par demontrer 2.5.i). On montre en fait que la composante de l’identite dans l’adherenceP de Π dans O(d) est abelienne, ce qui suffit vu que O(d) est comlpact et tout sous-groupe ferme n’ya donc qu’un nombre fini de composantes connexes. En effet, soient g1 = k1+v1 et g2 = k2+v2 deuxelements suffisament proches de l’identite ; on suppose que k1, k2 ne commutent pas l’un a l’autreet on va arriver a une contradiction. On definit alors une suite hn, n ≥ 1 comme suit : h1 = g1,et hn+1 = [g2, hn]. On va demontrer ci-dessous les deux proprietes suivantes : hn est bornee (dansIsom(Rd)), et l’image kn de hn dans O(d) qui tend vers Id. Ceci implique que gn commute a g2,en particulier kn commute a k2 : on verra enfin que ce dernier point contredit le fait que k1, k2 necommutent pas l’un a l’autre.

On notera ‖·‖ la norme euclidienne sur Rd et sur Md(R). On a alors ‖kv‖ = ‖v‖ et ‖kgk′‖ = ‖g‖pour touts v ∈ Rd, g ∈ GLd(R) et k, k′ ∈ O(d). On a :

kn+1 = [k2, kn] + v2 + k2vn − k2knk−12 v2 − k2knk

−12 k−1

n vn

= [k2, kn] + (Id−k2knk−12 )v2 + k2(Id−knk2k

−1n )vn.

Si k2, kn sont assez proche de Id alors ‖(Id−k2knk−12 )v‖ ≤ 1/2‖v‖ et ‖(Id−knk2k

−1n )v‖ ≤ 1/2‖v‖

pour tout v ∈ Rd, en particulier vn+1 ≤ vn et donc hn est bornee. Comme on peut prendrek2 arbitrairement proche de Id il suffit donc de montrer que kn → Id. Pour ceci on note quekn+1 = [k2, kn] et si on ecrit k2 = Id +εX2 (avec ‖X2‖ = 1) on a k−1

2 = Id−εX2 + O(ε2) (ou le Oest pour ε→ 0) et de meme en ecrivant kn = Id +Xn

kn+1 = 1 + ε(X2 − knX2k−1n ) +O(ε2) = 1 + ε(XnX2 −X2Xn) +O(ε2 + ‖Xn‖2)

ou le O ne depend pas de n. On a ‖XnX2−X2Xn‖ ≤ C‖Xn‖ (ou C ne depend que de X2 et de d)et pour ε assez petit on a donc ‖Xn+1 ≤ 1/2‖Xn‖ d’ou il suit que ‖kn − Id ‖ → 0. Comme hn ∈ Γet Γ est discret on doit avoir kn = Id pour n assez grand (sinon, vu que vn est bornee, on auraitune infinite d’elements distincts a distance bornee de Id). Mais un argument elementaire d’algebrelineaire montre que si kn ne commute pas a k2 alors kn+1 non plus.

Passons maintenant a la demonstration de 2.5.ii). D’apres le lemme de Selberg, si P est infinialors il contient un element d’ordre infini. Soit k cet element ; si v ∈ Γ ∩Rd alors on a kv ∈ Γ ∩Rd(ceci est vrai pour k dans l’image de Γ et reste vrai en passant a la limite). En prenant unepuissance de k on peut supposer qu’il n’a que 1 comme valeur propre racine de l’unite. l suit queΓ ∩ Rd ⊂ ker(k − Id) ( Rd ; dans le cas contraire on aurait en effet une infinite de vecteurs deux adeux distincts et de norme constante appartenant a Γ∩Rd. Ceci contredit la cocompacite de Γ : enefft, toute orbite de Γ dans Rd reste alors a distance bornee de ker(k− Id) ce qui n’est pas possible(les images de tout compact ne peuvent alors pas couvrir Rd).

On doit donc avoir P = Id. Autrement dit l’image de Γ dans O(d) est finie.

Exercice 2.63Montrer qu’un sous-groupe de Rd est discret si et seulement s’il est engendre par une famille libre,et qu’un sous-groupe ferme est cocompact si et seulemen s’il contient une base.

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Page 45: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

Le cas nilpotent

Le cas nilpotent repose sur le cas abelien et des arguments par recurrence.Si N est un groupe de Lie nilpotent muni d’une metrique invariante a gauche alors toute

isometrie de cette metrique fixant l’identite est un automorphisme de groupe de N (c’est vrai pourles groupes abeliens, et se demontre par recursion pour les groupes nilpotents—il suffit de voirque les isometries preservent le sous-sespace tangent au groupe derive). On a donc Isom(N) ⊂Aut(N) n N . Si N est simplement connexe un automorphisme interieur ne peut pas etre uneisometrie (il fixe un point mais ses orbites ne sont pas bornees) et il suit (avec un peu de travail)que l’on a Isom(N) ⊂ O(V ) nN ou V est l’abelianise de N .

Proposition 2.64 Soit N un groupe de Lie nilpotent, simplement connexe, muni d’une metriqueinvariante et Γ ≤ Isom(N) un sous-groupe discretet cocompact. Alors Γ∩N est cocompact dans N .

Demonstration : Soient V = N/[N,N ] et Λ = (Γ∩N)[N,N ]. Comme l’image de Γ dans O(V )nVest un reseau, on a que Λ est cocompact par le theoreme de Bieberbach et il suit que Γ ∩ N estcocompact par le lemme suivant.

Lemme 2.65 Soit N un groupe de Lie nilpotent et H un sous-groupe ferme. Alors H est cocompactsi et seulement si L = H[N,N ] est cocompact dans V = N/[N,N ].

Demonstration : Si C est un compact de N tel que HC = N alors C ′ = C[N,N ] est un compact telque C ′+L = V . Reciproquement, siH est cocompact alors il contient une base de V . En notantN2 =[N,N ] on voit que les commutateurs [n1, n2] pour n1, n2 dans un releve de cette base engendrentN2/[N2, N2] (en effet tout element de N s’ecrit modulo N2 comme une combinaison lineaire des niet tout element de N2 s’ecrit modulo [N2, N2] comme combinaison lineaire de commutateurs). Leresultat suit par recurrence.

Il reste a voir que pour N = Nil, toute variete de la forme Γ\N ou Γ ≤ N est un sous-groupecocompact, est virtuellement de la forme indiquee (c’est vrai pour N plus generalement de la formeci-dessus). Pour ceci on choisit n1, n2 ∈ Γ tels que n1[N,N ], n2[N,N ] formest une base du reseauΓ[N,N ] ≤ N/[N,N ] ∼= R2. On peut alors conjuguer (par un automorphisme de N) simultanemrntn1, n2 a des matrices de la forme

n′1 =

1 a 00 1 00 0 1

,

1 0 00 1 b0 0 1

et la condition que Γ est discret donne a/b ∈ Q, on peut donc supposer que a = b = 1 en prenantun sous-groupe d’indice fini, et (en prenant encore un sous-groupe d’indice fini) que ces matricesengendrent Γ. Le resultatest alors immediat.

Le cas resoluble

Dans ce cas Isom(Sol) contient Sol comme sous-groupe d’indice fini. Le sous-groupe derive d’ungroupe cocompact est non-trivial et il suit (...) qu’un sous-groupe discret est de la forme Z nA Z2

pour une A ∈ SL2(Z).

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Page 46: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

2.5.4 Varietes non-commensurables

La demonstration de la proposition montre que si Γ,Γ′ sont les groupes fondamentaux de deuxnilvarietes compactes ou de deux varietes euclidiennes compactes alors il existe un groupe qui estisomorphe a un sous-groupe d’indice fini dans chacun d’entre eux ; en d’autres termes ils sontcommensurables.

Ce n’est pas le cas pour les solvarietes : en effet, si Z nA Z2 et Z nB Z2 sont commensurablesalors il existe n,m ≥ 1 tels que An et Bm soient conjuguees (dans SL2(R)) l’une a l’autre. Or il

est facile de trouver des matrices pour lesquelles ce n’est pas le cas : par exemple A =

(2 11 1

)et B =

(3 −11 0

)(ceci se voit immediatement vu que les valeurs propres engendrent des corps

quadratiques distincts). Les groupes Z nA Z2 et Z nB Z2 sont alors quasi-isometriques mais non-commensurables.

Il est plus difficile de construire de tels exemplesavec des varietes hyperboliques. Le theoremede rigidite de Mostow indique qu’il suffit de construire une paire de groupes ne contenenant pas desous-groupes d’indice fini conjugues (dans PGL2(C) l’un a l’autre. Pour verifier cette condition ilfaut employer des invariants algebriques, par exemple les corps de traces.

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Page 47: G eom etrie des groupes et vari et es hyperboliques

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