59
GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT Une énergie plus chère mais des revenus plus élevés JOSEPH SAVÈS

GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT

Une énergie plus chère mais

des revenus plus élevés

JOSEPH SAVÈS

Page 2: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 1 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

GAGNER PLUS ET SAUVER LE

CLIMAT

Introduction (p. 3)

1 Notre mode de vie en question (p. 9)

2 Illusions techniciennes (p. 17)

3 La guerre façon Churchill (p. 23)

4 Une taxe bienvenue sur les énergies (p. 26)

5 La vraie ville, la ville sans automobiles (p. 36)

6 Agir pour une vie plus humaine (p. 41)

Annexe 1 : le dérèglement climatique (p. 48)

Annexe 2 : la faute aux bébés ? (p.53)

Page 3: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 2 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Ceci n’est pas un énième essai sur le malheur du monde et l’urgence climatique mais un projet solidement argumenté en vue d’une réduction des consommations d’énergie dès l’année prochaine, en France comme dans tout autre pays développé. Avec la promesse d’une société épanouie et harmonieuse !

La planche ci-dessus est une création du dessinateur Dominique Rousseau pour Nosutopies.fr

Page 4: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 3 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT

Introduction : une énergie plus

chère mais des revenus plus élevés

Nous sommes pour la plupart d’entre nous convaincus de l’urgence de lutter contre le dérèglement climatique. Toutes les mesures que nous prenons dans ce sens ont leur utilité mais elles resteront vaines aussi longtemps que le prix de l’énergie sera à la baisse.

Si surprenant que cela paraisse, c’est le cas depuis 50 ans ! Les énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz) coûtent deux fois moins cher qu’en 1970 en proportion de nos revenus. C’est pourquoi notre intérêt nous guide en toutes choses vers les solutions les plus énergivores, même si nous les réprouvons.

La tendance peut être renversée en augmentant fortement le prix des énergies mais à condition qu’il ne nous en coûte rien ! Nous voulons montrer que c’est possible dans le respect de l’économie de marché, de la démocratie et de la liberté individuelle, en préservant la croissance économique et en améliorant le bien-être de chacun.

Une utopie pour tout de suite

Aujourd'hui, la crise climatique est abordée par les penseurs sous deux formes inconciliables : • Les « techniciens » et les « libéraux » (Jeremy Rifkin, James Boyce…) entendent corriger les méfaits de nos technologies par de nouvelles énergies « renouvelables », sans remettre en cause notre mode de vie, fondé sur la bougeotte et la déstructuration des villes, et en poursuivant même l’ambition de l’étendre à l’ensemble de la planète. C’est une illusion que d’espérer y arriver avant que le dérèglement climatique soit devenu irréversible. • Les « collapsologues » et les « révolutionnaires » (Greta Thunberg, Yves Cochet, Pierre Rabhi, Glenn Albrecht…) jugent la catastrophe inévitable et n’ont d’espoir que dans une rupture de civilisation, mais ils ne voient pas comment arriver à cette rupture si ce n’est par la contrainte.

Nous proposons pour notre part une révolution fiscale respectueuse de la liberté de chacun et de la liberté d'entreprendre qui surmonte ces contradictions : • Une taxe énergie élevée et croissante dans le temps pour augmenter rapidement le prix de toutes les énergies et convaincre chacun de se détourner des produits énergivores de façon à stopper le réchauffement climatique. • Une redistribution instantanée de la taxe sous la forme d’une allocation forfaitaire pour permettre à chacun d’entre nous de nous détourner des produits énergivores et changer de mode de vie sans altérer notre bien-être.

Préalable indispensable à la réduction des consommations énergétiques, la taxe énergie redistribuée sera complétée par des mesures législatives et réglementaires qui privilégieront la sobriété énergétique au détriment des options énergivores. Il s'agit que chacun soit guidé par une « main invisible » vers des choix respectueux de l’environnement. Nous listons pour cela différentes propositions dans l'aménagement du territoire, l'urbanisme, les transports, l'agriculture, le commerce... Elles sont l’ébauche d’une utopie heureuse, mais aussi réaliste, à notre portée et immédiatement accessible sans contrainte ni violence.

Page 5: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 4 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Notre mode de vie, premier responsable

Jamais les humains n'ont aussi bien vécu qu’aujourd'hui, au moins dans les classes moyennes et supérieures des pays développés : nourriture variée et surabondante, avancées médicales, loisirs innombrables, déplacements à bas coût... Nous ne sommes pas prêts à renoncer à ces éléments de confort et c'est pourquoi nous restons si timorés face au dérèglement climatique, en dépit de ses manifestations plus fréquentes et plus graves d'année en année : sécheresses, canicules, incendies, inondations, éboulements de terrains, fonte des glaces, recul des glaciers etc. Idem pour les autres maux qui affectent notre environnement : menaces sur la biodiversité, dégradation des sols, villes polluées etc. Ils sont le prix dont nous payons notre confort.

Nous voudrions nous convaincre qu’il suffit de quelques gestes appropriés pour tout arranger : trier nos déchets, nous équiper de panneaux photovoltaïques et de voitures électriques, voire pétitionner, mais nous savons au fond de nous-mêmes que le mal est plus profond et de nature politique. Il tient à nos choix sociétaux et ne peut se résoudre que par une action collective et non par l’addition de bonnes volontés individuelles.

Ce mal dérive d'un choix de société qui a émergé au XIXe siècle aux États-Unis. Convaincus d’avoir affaire à une Nature inépuisable, les Américains ont tourné le dos à la gestion parcimonieuse des ressources naturelles, comme la pratiquaient autrefois les paysans d'Europe et d'Asie. Ils ont associé la prédation façon chasseurs-cueilleurs du Paléolithique aux moyens techniques de l'ère industrielle, d’une capacité de destruction sans précédent.

Cet american way of life a conduit au développement de villes tentaculaires dévoreuses d’espace, avec des maisons remplies d’électroménager et une à deux voitures devant chaque porte. Depuis 1945, ce mode de vie n'est plus la propriété exclusive des Américains. Il fait aussi le bonheur d'une fraction croissante des Occidentaux et commence à séduire les populations d’Extrême-Orient et du sous-continent indien en dépit de densités humaines très élevées qui le rendent particulièrement inapproprié à ces régions.

Cela dit, ce mode de vie n'est pas généralisable à l'ensemble de l'humanité. Il supposerait pour le moins cinq milliards de voitures, soit cinq fois plus qu’aujourd’hui, avec les surfaces bitumées correspondantes ! Il n’est pas non plus durable. Le dérèglement climatique, plus rapide et violent que prévu, fait déjà sentir ses effets sur nos corps, nos sens et notre cadre de vie : villes transformées en fournaises, forêts en flammes, maladies respiratoires.

Panne d’imagination et de courage

Ne voulant pas remettre en cause des choix sociétaux qui font leur popularité, les gouvernants entretiennent la croyance en des énergies « renouvelables » qui rendraient « éco-compatibles » la multiplication des automobiles, l’artificialisation des sols, l’explosion du trafic aérien et maritime etc. Mais pour l’heure, ces énergies intermittentes fournies par le vent ou le soleil sont encore

très loin de la maturité et, on le verra plus loin (Illusions techniciennes), contribuent au

dérèglement climatique et à la dégradation des ressources naturelles plus qu’elles n’y remédient !

Le secteur capitaliste, quant à lui, reste fidèle à un raisonnement qui a fait sa fortune mais détruit les équilibres naturels : • Il propose de remédier à ces déséquilibres par de nouveaux investissements dans la science et la technologie. Mais devons-nous nous féliciter du remplacement prochain des abeilles par des pollinisateurs artificiels ? La PMA (procréation médicalement assistée) va-t-elle compenser les effets ravageurs des perturbateurs endocriniens et des particules fines sur la fertilité humaine ?

• Il propose aussi à chacun de s’adapter à la hausse des températures : climatiseurs, isolation thermique, véhicules électriques etc. C’est autant de nouveaux marchés et de profits en perspective. Et autant de ressources détournées de l’amélioration de notre bien-être (santé, éducation, loisirs, nourriture, logement…) pour simplement contenir notre mal-être !

Page 6: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 5 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Faute d’imaginer un modèle de société aussi séduisant mais plus sobre que l’actuel, nos gouvernants se résignent au dérèglement climatique et nous y préparent tant bien que mal.

- Menaces sur la démocratie et la solidarité :

Les cités les plus riches de la planète n’auront pas trop de mal à trouver les ressources nécessaires pour s’adapter à la nouvelle donne. C’est déjà le cas à Singapour où l’on érige à prix d’or des immeubles adaptés aux nouvelles conditions climatiques. Mais il en ira autrement dans les grands pays où les classes populaires ne supporteront pas la dégradation programmée de leurs conditions d’existence pour donner aux classes supérieures les moyens d’améliorer les leurs : d’un côté, accroissement de la charge fiscale et réduction des services publics ; de l’autre, verdissement des métropoles, électrification des transports, nourriture bio etc.

Provoqué par une augmentation de taxe sur le carburant automobile (2 à 6 centimes par litre), le mouvement des Gilets jaunes en France, en novembre 2018, a donné un premier aperçu des tensions sociales et politiques sur lesquelles risquent de déboucher les enjeux climatiques. À voir la violence avec laquelle a réagi le gouvernement français, la démocratie pourrait bientôt n’être plus que l’habillage cosmétique d’une dictature destinée à préserver le bien-être de l’oligarchie dans une société condamnée à l’appauvrissement.

Empêtrés dans nos habitudes de confort et aveuglés par nos présupposés politiques (il ne faudrait pas que des entraves au tout-automobile, au tout-aérien ou à la consommation de masse entravent « la croissance », « les emplois », « le tiers monde » !), nous n'imaginons plus d'alternative à notre mode de vie. Nous voulons nous persuader que la science et la technique remédieront miraculeusement aux maux dont elles ont été l’agent. Mais le réchauffement climatique est déjà à l’œuvre et la reconversion des technologies est encore pour l’essentiel au stade du laboratoire.

Au mieux, nous nous donnons bonne conscience avec des actions individuelles inspirées par le civisme et le dévouement à l’intérêt général, mais c’est se faire beaucoup d’illusions sur la nature humaine et sur nous-mêmes : dans le besoin et l’urgence, chacun trouve toujours de « bonnes » raisons pour s’affranchir des injonctions morales et des règles collectives.

- Faux alibi du trop de naissances :

Au pire, nous voudrions nous convaincre qu’une nouvelle baisse de la natalité soulagera la planète. Double illusion : • D'une part, au train où vont les choses, notre planète aura le temps de mourir bien avant que notre infécondité ne produise ses effets. Les pollueurs potentiels de 2060 sont en effet déjà nés... • D’autre part, par un singulier paradoxe, les habitants des pays les plus développés (Amérique, Europe, Extrême-Orient) polluent davantage d'année en année à mesure qu'ils font moins

d'enfants, comme nous le montrons en annexe (La faute aux bébés ?).

Soulignons cette vérité d’évidence que c’est le mode de vie prédateur partagé aujourd'hui par moins d’un quart de la population mondiale qui est tout entier responsable du dérèglement climatique et rien d’autre.

La preuve : • Si, par un tour de magie, disparaissaient les deux milliards d’humains qui ont accès à ce mode de vie ou sont en passe d’y accéder (Occident, mer de Chine, quelques régions de l’Asie du Sud), le réchauffement climatique serait immédiatement stoppé car l’industrie automobile, l’aéronautique et l’agro-industrie qui en sont la cause principale s’effondreraient en volume d’au moins 90%. • Si disparaissaient par contre les six autres milliards d’humains, le réchauffement climatique se poursuivrait au même rythme avec les deux milliards de survivants… et même plus vite du fait que les survivants des pays dits « développés » auraient l’impression, comme au début de la révolution industrielle, d’avoir un monde sans bornes !

Page 7: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 6 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

À la racine du drame climatique : une énergie devenue trop bon marché

Revenons au dérèglement climatique : pour le combattre, il faut d’abord le comprendre et identifier sans faux semblant les facteurs qui en sont à l’origine. Il n’y a plus de doute là-dessus : l’atmosphère se réchauffe du fait de la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz, schistes bitumineux…) qui ont été emmagasinées dans le sous-sol il y a quelques dizaines de millions d’années, bien avant l’apparition de l’Homme ; depuis deux siècles, nous extrayons ces énergies avec des techniques toujours plus performantes pour combler nos besoins en tous genres comme nous le rappelons en annexe (Le dérèglement climatique).

Nous en sommes arrivés à dépendre dans tous les moments de notre existence de ces énergies : déplacements personnels, transports de marchandises, agro-industrie, biens de consommation... Ce n’est pas le fruit d’une fatalité mais d’un choix collectif. En effet, depuis cinquante ans, le prix de l’énergie (carburants, fioul, électricité…) a plus ou moins diminué de moitié en valeur réelle par rapport à l’évolution générale des prix et des salaires, comme nous le verrons plus loin avec les relevés de l’INSEE (Notre mode de vie en question).

Par exemple, le litre de super est passé de 1,1 francs en 1970 à 1,5 euros en 2019, soit une multiplication par 9, tandis que dans le même temps, le SMIC horaire est passé de 3,3 francs à 10 euros, soit une multiplication par 20. En d’autres termes, le super a augmenté deux fois moins vite que le SMIC (salaire minimum) en dépit des différents « chocs pétroliers ». Cela surprendra tout un chacun car, par un travers très humain, nous nous plaignons régulièrement des prix qui augmentent mais ne voyons pas les salaires qui augmentent aussi !

Cette énergie toujours plus abondante et de moins en moins chère est à l’origine de notre addiction aux produits et services les plus énergivores. Nous sommes devenus « accros » au point de ne plus pouvoir nous passer de ces produits et services.

Pourtant, comme nous le montrerons plus loin (La vraie ville, une ville sans automobiles), nous pouvons consommer beaucoup moins d’énergie qu’aujourd’hui sans revenir pour autant à l’Âge de Pierre ! Il y a en effet mille et une façons d’entretenir la croissance économique et améliorer le bien-être de chacun sans détruire les ressources naturelles, brûler les énergies fossiles et piller les régions les plus pauvres de la planète.

En attendant, les États, les particuliers et les entreprises sont logiquement amenés à consommer toujours plus d’énergie et donc dégrader chaque jour un peu plus l’environnement… tout en affichant leur préférence pour les énergies dites « renouvelables ».

Il n’y a dans ce contexte de prix bas que deux mauvaises manières de détourner particuliers et entreprises des énergies fossiles : • Convaincre chacun de renoncer à des solutions plus avantageuses par civisme et dévouement à l’intérêt général, mais c’est se faire beaucoup d’illusions sur la nature humaine et sur nous-mêmes : dans le besoin et l’urgence, chacun trouve toujours de « bonnes » raisons pour s’affranchir des injonctions morales et des règles collectives. • Subventionner les énergies renouvelables pour que leur prix concurrence celui des énergies fossiles et multiplier les aides d’État dans les investissements à visée écologique.

Une « taxe énergie » intégralement redistribuée

Aussi longtemps que les énergies fossiles et en premier lieu le pétrole et le gaz de schiste seront abondants et bon marché, ne nous faisons pas d’illusions sur la « transition écologique ». Si nous voulons stopper le dérèglement climatique et non pas seulement nous y adapter, nous devons nous réorienter vers des solutions sobres en énergie (toutes les énergies sont concernées, la démonstration étant loin d’être faite de l’immunité écologique de l’une ou l’autre des énergies dites « renouvelables » comme on le verra plus loin).

Page 8: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 7 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Une fois posé le diagnostic, les remèdes en découlent d'eux-mêmes : • En premier lieu relever fortement le prix de l’énergie afin que les citoyens et les entreprises privilégient en toutes choses les alternatives économes en énergie. • En deuxième lieu, défaire toutes les législations qui encouragent la prédation et le gaspillage d’énergie : agro-industrie, étalement urbain ou « rurbanisation » etc. • Enfin, suggérer en remplacement de nos consommations énergivores des alternatives sobres et respectueuses de l’environnement mais non moins séduisantes et « fun », pour parler le langage du jour (Agir pour une vie plus humaine) !

Mais comment pouvez-vous songer à augmenter le prix de l’énergie ? nous direz-vous. De nouvelles taxes ? C’est la révolution assurée ! Les populations ne supportent plus d’être pressurées par le fisc !...

C’est tout à fait vrai. Aussi excluons-nous la démarche actuelle qui consiste à utiliser le produit des taxes sur l’énergie pour alléger la dette de l’État, aider certaines catégories sociales revendicatives ou encore subventionner des affairistes engagés dans la « transition énergétique » avec des résultats incertains. Les contribuables n’ont que faire par exemple de financer par leurs impôts et taxes la construction d’éoliennes, l’importation de panneaux photovoltaïques ou l’acquisition de véhicules électriques par des ménages aisés.

Au lieu de cela, nous préconisons une solution incitative et même populaire : une taxe sur les énergies primaires, payée par les producteurs d’énergie (EDF, compagnies pétrolières etc.) et toute entière redistribuée aux citoyens sous la forme d’une allocation forfaitaire mensuelle. Il s’agit que l’augmentation du prix de l’énergie et des produits énergivores soit toute entière compensée par cette allocation.

Ainsi chacun pourra-t-il librement arbitrer entre deux options sans altérer son niveau de vie : • Ne rien changer à son mode de vie en finançant avec l’allocation forfaitaire le surcoût de ses consommations induit par la taxe sur l’énergie : plus cher le carburant auto ? Pas grave, la différence de prix sera compensée par l’allocation mensuelle ! • Se réorienter vers des consommations moins énergivores et donc moins coûteuses et ainsi bénéficier d’un reliquat de revenu qui lui permettra d’augmenter son niveau de vie : plus cher le carburant auto ? Je laisse la voiture au garage pour les très petites distances et l’allocation mensuelle me laisse un reliquat pour des soirées au restaurant ou au spectacle, tant mieux !

Comme chaque être humain est en dernier ressort mû par la recherche de son intérêt personnel, soyons assurés que tous les gens sensés s’orienteront vers la deuxième option. Faisons donc confiance aux citoyens et à nous-mêmes et laissons chacun décider de consommer plus ou moins « vert » sans perte de revenu.

Nous verrons qu'une taxe énergie de 50 centimes pour 10 kWh ou un litre de fioul rapporte au fisc un minimum de 80 milliards d’euros (Une taxe bienvenue sur les énergies). C’est un montant certes élevé mais du même ordre de grandeur que les investissements projetés par le gouvernement français au titre de la « transition énergétique et climatique ».

Si, au lieu d’être noyé dans le budget de l’État (désendettement, administrations, subventions, investissements…), ce montant est intégralement redistribué par le fisc à chaque ménage, il s’ensuit une allocation forfaitaire de 110 euros par mois à chaque adulte et 60 euros par mois par enfant mineur !

Avec ce supplément de revenu, chaque ménage peut compenser le surcroît de dépenses occasionné par la taxe sur l’énergie et se réorienter autant qu’il le souhaite vers un mode de vie moins énergivore, pour le plus grand bénéfice de la planète. Grâce à l’allocation forfaitaire, ceux qui ont besoin d’une voiture du fait de l’éloignement de leur travail continueront de l’utiliser sans être pénalisé en termes de revenu. Mais dans de nombreux autres cas, les produits sobres en énergie deviendront plus attractifs…Si par exemple, la taxe sur le fioul enchérit de 50 centimes le kilo de tomates de serres, les tomates muries au soleil et en pleine terre apparaîtront plus abordables à beaucoup de consommateurs !

Page 9: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 8 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

La taxe énergie redistribuée relève d'une démarche opposée à la « transition énergétique et climatique » suggérée par les gouvernants français. Dans le cadre d'une économie de marché libre et soumise aux réglementations strictement nécessaires, elle s'en tient en effet à relever le prix de l'énergie et laisse les citoyens et les entreprises suivre leur intérêt personnel et « égoïste », quitte à ce que l’État intervienne en cas de concurrence déloyale de l’étranger.

Au final, le pays peut trouver le chemin d'une croissance économique vigoureuse mais décarbonée, avec l'avantage d'importer moins de produits énergétiques et d'améliorer ainsi spontanément sa balance commerciale. Son exemple peut très vite faire tache d'huile en Europe et dans le reste du monde en montrant que la croissance économique est parfaitement compatible avec une énergie chère et une décroissance des consommations énergivores. Au pire, si les autres pays sont réticents à comprendre le message porté par les Français, ceux-ci gagneront néanmoins de libérer leur pays de tous les mauvais côtés de la civilisation du pétrole : saturation automobile, bruit et pollution, alimentation frelatée issue de l'agro-industrie, recul de la biodiversité et des sols naturels...

Nous détaillerons plus loin les modalités d’application de la taxe (bien plus simples que pour une énième loi sur les véhicules polluants). Nous montrerons aussi comment cette taxe peut enclencher un processus vertueux en encourageant chacun à redoubler d’efforts d’une année sur l’autre, sans perte de revenu. Nous montrerons enfin comment son application dans un pays (la France) peut rapidement faire école sans compter qu’elle peut améliorer la balance commerciale et les performances économiques du pays pionnier.

Ne s'arrêtant pas à la mise en place de la taxe énergie redistribuée, l'État doit défaire les lois et règlements qui encouragent la prédation. Il doit réorienter la législation de façon à encourager les pratiques les plus sobres en énergie, sans entraver la croissance économique ni la compétitivité des entreprises.

La législation doit être en tous points incitative et non contraignante. Si un ménage souhaite une maison ouverte à tous les frimas, s’il ne se déplace qu’en voiture et ne rêve que de vacances aux antipodes, libre à lui. Mais telle une « main invisible » et bienveillante, la loi doit lui montrer des alternatives plus attirantes et surtout moins coûteuses. Elle doit inciter chacun à s’établir au plus près des villes, des bourgs et des bassins d’emploi. Elle doit aussi permettre aux paysans respectueux de l’environnement de concurrencer les agro-industriels et aux industriels nationaux de rivaliser avec les importations de l’autre bout du monde...

Les solutions sont à notre portée. De nature essentiellement fiscale, elles sont indolores et souriantes, même si cela peut surprendre. Elles sont porteuses d'espérance et de nature à rendre confiance en l'Homme et en la Nature. Elles peuvent être conduites pays par pays, avec un avantage concurrentiel et moral pour le pays qui ouvrira la voie aux autres. Un pays comme le nôtre a la taille et la capacité d’engager ce combat sans attendre le consentement de ses voisins européens. La France peut y gagner au minimum de rééquilibrer sa balance commerciale en réduisant ses importations énergétiques, au mieux d’améliorer notoirement les conditions de vie de ses habitants… et de convaincre ses voisins et le reste de la planète de suivre son exemple.

Il n'y manque que la volonté politique et pour les citoyens l'audace de s'engager dans ce combat par leur vote et par un soutien sans faille aux élus et aux gouvernants qui auront le courage d'affronter le vieux monde des corporations et des multinationales avides de profits à court terme.

Page 10: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 9 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT

1 Notre mode de vie en question

Le dérèglement climatique dont notre planète ressent les premiers effets résulte - on le sait - de la consommation sans frein des ressources naturelles et en particulier des énergies fossiles : charbon, pétrole et gaz

1. La dégradation accélérée des équilibres

naturels est la conséquence d'un modèle de société prédateur : délitement urbain et saturation de l'espace par l'automobile, pétrole trop bon marché (il est en 2017 deux fois moins cher qu'en 1970).

Cette prédation de type primitif (on prélève les ressources naturelles sans se soucier de les renouveler) a été rendue possible par l'affaiblissement des États au profit d'intérêts financiers et spéculatifs. Aucunement soucieux de l'intérêt général, ces derniers trouvent même dans les tragédies environnementales l'opportunité de nouveaux profits (climatiseurs, pollinisateurs artificiels, électrification des véhicules...).

Les plus belles résolutions des gouvernants et de la classe politique sont sans effet face à la pression des intérêts financiers quand une occasion de profit se fait jour ici ou là. Ainsi, jusqu'au début du XXIe siècle, le Canada, riche en énergie hydroélectrique renouvelable, mettait volontiers en avant son souci de l'environnement. Suite à la découverte de fabuleux gisements de schistes bitumineux dans l'Alberta, il a jeté aux orties sa vertu pour se vouer sans vergogne à leur exploitation.

En France, les déclarations grandiloquentes des gouvernants sont aussi de peu de poids quand il s'agit d'implanter un centre commercial sur 330 hectares de terres fertiles au nord de Paris ou d'exploiter un gisement aurifère dans la forêt guyanaise. C'est le signe que nous n'avons nullement renoncés à poursuivre la course au profit au détriment de l'intérêt général et du long terme, avec toujours le prétexte de la « création d'emplois » qui fait fi des commerces indépendants disparus en silence et des vies saccagées par la pollution, dans la forêt guyanaise comme autour du complexe pétrochimique de Berre-Marseille.

De l'économie paysanne à la prédation

1 Dérèglement climatique : à qui la faute ?

Le changement climatique est devenu une réalité sensible que personne ne nie plus. Toutefois, beaucoup de personnes contestent encore qu’il soit dû aux activités industrielles et humaines... Cette opinion a le double avantage de justifier leur inaction (« À quoi bon se priver si notre mode de vie n’a aucun effet sur le réchauffement ? ») et d’ouvrir de nouveaux marchés aux industriels car, si le réchauffement est

inéluctable, nous n’avons d’autre choix que de nous y préparer en climatisant nos habitations et en multipliant les investissements pour faire face à la dégradation de notre environnement naturel : nouvelles épidémies, épuisement des sols, incendies etc..). Nous n’accordons pour notre part aucun crédit aux faux savants qui contestent l’origine anthropique du réchauffement mais sont évidemment incapables d’en fournir une explication convaincante, encore moins aux assertions faussement historiques : depuis l'apparition de l'Homme, jamais l'atmosphère n'a connu d'aussi fortes amplitudes thermiques qu'en ces XXe-XXIe siècles. L'« optimum climatique médiéval » que relatent les chroniques s'est soldé par exemple par une élévation de température de seulement quelques dixièmes de degré, nous rappellent les scientifiques. Il n'a rien de comparable avec le réchauffement climatique en cours qui, lui, se soldera par une élévation de température de 2 à 7°C d'ici 2100. Nous préférons croire aux vertus de la mobilisation et nous croyons que de cette mobilisation peut sortir un monde plus beau que celui que nous avons connu.

Page 11: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 10 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Avant le XXe siècle, les Européens, en avance sur le reste du monde, avaient patiemment élaboré une économie de marché fondée sur l'État de droit et des relations de confiance.

Cette économie était encore imprégnée des principes hérités de la paysannerie, à savoir une exploitation prudente des ressources naturelles. Les mêmes principes se retrouvaient dans toutes les grandes civilisations : Méditerranée, Europe, Chine, Indes, Andes... Constamment exposées aux risques de disettes et de famines, toutes ces civilisations avaient pu s'épanouir en ménageant la nature et en gérant l'espace avec parcimonie et intelligence.

Ce modèle s'est enrayé au XXe siècle, d'une part avec d'une part l'apparition de techniques d'une efficacité ravageuse (machines agricoles, produits phytosanitaires, combustion du pétrole...), d'autre part avec l'émergence des États-Unis comme puissance dominante.

Les Européens ont regardé l'american way of life développé outre-Atlantique avec les yeux de Chimène et l'ont adopté sans hésiter après la Seconde Guerre mondiale, suivis à quelques décennies d'intervalle par les riverains de la mer de Chine.

Or, le « modèle » américain est foncièrement différent de tous les précédents. Il a été forgé il y a un à deux siècles en Amérique du nord par les colons européens quand ils se sont trouvés en présence de ressources naturelles apparemment inépuisables : des plaines infinies et (presque) vides d'hommes qui ne demandaient qu'à être défrichées, des rivières qui ne demandaient qu'à être domptées et des sous-sols à être exploités.

Oublieux de la sobriété de leurs ancêtres et libérés du risque de disette, les Américains ont exploité ces ressources sans souci du lendemain.

Ils se sont comportés non plus comme les paysans européens ou chinois soucieux de préserver année après année la fertilité de leur terre, mais comme les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique prélevant leur nourriture sur la nature environnante sans souci de son renouvellement. Il est vrai que les chasseurs-cueilleurs étaient très peu nombreux de sorte que leur prédation était sans conséquence sur le milieu. Rien de tel avec les Américains, en nombre croissant et équipés d'outils très efficaces...

Tandis que les villes d'Europe et d'Asie s'étaient peu à peu constituées de façon que tout un chacun puisse accéder à pied au centre, les nouvelles villes américaines se sont très vite écartées de ce modèle. Grâce à l'espace disponible et bon marché et grâce au développement du transport hippomobile puis de l'automobile, elles se sont étendues à l'extrême.

Au début, chacun a vu dans l’automobile une manifestation grisante de liberté et, dans l’après-guerre, elle est devenue le premier critère d’accession à la classe moyenne. Elle était déjà omniprésente dans le film La Fureur de vivre, avec James Dean (1955).

Mais plus les villes s'étendaient, plus elles ont rendu l'usage de l'automobile nécessaire et contraint. Et plus l'usage de l'automobile s’est généralisé, moins les aménageurs ont eu le souci de l'espace et des distances. Le climatiseur, inventé par Carrier dès 1902, a même permis aux Américains d'urbaniser les déserts du Nouveau-Mexique et de l'Arizona. Le commerce s'est adapté à la nouvelle donne avec des centres commerciaux isolés, accessibles seulement en voiture. C’est ainsi qu’aucun adulte américain ne conçoit plus de vivre sans sa voiture. Il est symptomatique que la comédie musicale La La Land (2016) débute par un ballet surréaliste au milieu d'un gigantesque embouteillage !

Les voyages en avion se sont à leur tour démocratisés et, pour accélérer leur développement, on s'est interdit dès 1944 de taxer le carburant des avions (kérosène) et les billets internationaux sous le fallacieux prétexte que la réglementation du transport aérien ne peut relever que d'une

Page 12: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 11 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

entente internationale. On en arrive de la sorte à cette absurdité qu'un voyage en avion Paris-New York peut coûter moins cher qu'un voyage en train Paris-Nice

2.

Aujourd'hui, de Brest à Taipeh, chacun aspire au même mode de vie, avec des villes tentaculaires dévoreuses d'espaces et soumises à l'emprise de l'automobile, des logements climatisés et surchauffés, une à deux voitures par foyer, des voyages en avion en veux-tu en voilà etc. Ce mode de vie concerne les quatre cinquièmes des habitants des pays riches (un quart environ de l'humanité) cependant que les classes supérieures des pays pauvres aspirent à le rejoindre aussi.

Tout cela a pu se faire grâce à l'extraction d'un pétrole abondant et bon marché par le forage intensif du sous-sol des États-Unis puis du Moyen-Orient, du Venezuela etc.

Plages du bout du monde

Est-il légitime que nous voyagions à tout propos avec du kérosène détaxé en avion « low cost » ? Une publicité parmi d'autres propose un aller-retour Paris-Montréal pour 370 euros seulement ! C'est un encouragement à prendre l'avion sous n'importe quel prétexte, juste pour se désennuyer pendant une semaine de vacances. En multipliant les opportunités de voyages intercontinentaux, le prix trop bas du kérosène contribue fortement au dérèglement du climat. Mais il débouche aussi sur un tourisme de masse qui sature et dégrade les sites les plus prisés, fait la fortune des grandes agences de voyages et aliène les populations locales sans véritablement les enrichir, tout en n’apportant aucun véritable profit spirituel ou culturel aux touristes. Tout cela n'a rien à voir avec un voyage initiatique comme un tour de France ou du monde à pied, en vélo, en bateau, en stop ou encore en train et en avion, voyage auquel on se prépare pendant plusieurs années en faisant des efforts financiers et dont on conserve toute la vie d'intenses souvenirs. Imaginons donc que demain augmente très fortement le prix du kérosène et des billets d'avion : chacun y réfléchira à deux fois avant de traverser l'océan. À un séjour dans une usine à touristes de Saint-Domingue, nous préférerons un séjour-découverte dans un château de notre pays. Mais nous ne nous priverons pas pour autant, à des moments clé de notre existence, d'un voyage dans des contrées lointaines libérées de la foule des touristes

3.

2 Transport aérien, distorsion de concurrence et dérèglement climatique

Le kérosène est détaxé dans l’aviation civile internationale en vertu de la convention de Chicago du 7 décembre 1944. Cette détaxation avait été réclamée par les constructeurs d’avions américains qui appréhendaient la baisse des commandes militaires avec la fin de la guerre et souhaitaient les compenser en encourageant le transport civil ! En vertu de la Convention de Chicago (1944), la plupart des États ont convenu de détaxer le carburant des avions au départ comme à l'arrivée, y compris sur les lignes intérieures. Ils ont aussi choisi, comme la France, de dispenser de TVA les billets internationaux et d'appliquer un taux réduit aux billets intérieurs. Ces dispositions constituent une distorsion de concurrence par rapport, par exemple, au transport ferroviaire qui doit, lui, supporter des taxes sur l’énergie. Elles sont surtout complètement inappropriées aujourd’hui avec la menace du réchauffement climatique. Distorsion de concurrence et réchauffement climatique sont deux motifs puissants qui nécessiteraient l’abrogation sans délai de la convention de Chicago, sachant que le passager aérien a une empreinte carbone de 145 g de CO2 par km et le passager ferroviaire de seulement 3 g de CO2 par km (40 fois moins)... En savoir plus

3 Tourisme de masse et fin du voyage

De l'explosion des offres low-cost aux menaces environnementales, le sociologue Rodolphe Christin livre dans son Manuel de l'anti-tourisme, une réflexion amère sur l'industrie touristique qui aliène chacun et menace l'équilibre de la planète. « Le voyage est une quête presque philosophique, la recherche d’une connaissance sur soi, les autres et le monde. Mais le tourisme peut difficilement y répondre, car il est devenu une industrie du divertissement. En partant, chacun tente de rentabiliser au maximum son temps libre. Surtout, on part pour oublier le monde plutôt que pour le découvrir », déclare-t-il à L'Obs (28 juillet 2018).

Page 13: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 12 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Le pétrole aujourd'hui deux fois moins cher qu'en 1970 !

Malgré les vœux pieux des gouvernants et des militants écologistes, rien ne semble arrêter la destruction des ressources naturelles. Au contraire, elle est appelée à s'accélérer en raison d'une baisse régulière du prix de l'énergie.

Si nos consommations de charbon, de pétrole, de pesticides et autres engrais chimiques paraissent vouées à une croissance irrésistible depuis plusieurs décennies déjà, cela tient non pas à une quelconque fatalité mais à un choix collectif en faveur d'une énergie bon marché.

En France, du fait d'une augmentation très modérée des taxes et des redevances et malgré les chocs pétroliers de 1973, 1978 et 2008, les produits pétroliers sont devenus deux fois moins chers (en valeur relative) qu'en 1970. En d’autres termes, leur prix a augmenté bien moins vite que nos revenus et bien moins vite relativement à la plupart des autres produits.

Cette réalité apparaît à la lecture des Tableaux de l’économie française (INSEE, 1970). Ainsi : • En 1970, en région parisienne, la baguette de pain valait 0,55 franc et le litre de super exactement le double, soit 1,1 franc. • En 2019, la baguette revient à 1 euro environ et le litre de super à 1,5 euro (l’écart n’est plus que 50%). Sachant qu’un euro équivaut à 6,5596 francs, le prix de la baguette a été multiplié par douze en près de cinquante ans et le prix du super par neuf.

Dans le même temps, le SMIC horaire a été multiplié par 20, de 3,3 francs à 10 euros. On peut donc dire que le litre de super vaut deux fois moins cher aujourd'hui qu'en 1970 dans la mesure où un salarié de base doit travailler deux fois moins de temps pour se l'acheter.

On note aussi que la carte de métro hebdomadaire à Paris coûtait 4,80 francs en 1970 contre 20 euros en 2019 (27 fois plus !), à comparer à l'évolution du super (ci-dessus) ou du gaz : les 10 thermies de gaz (12 kWh) coûtaient 1,1 franc en 1970, environ 0,9 euro aujourd'hui (5 fois plus).

Qu'est-ce à dire ? En 1970, l'échelle des prix guidait l'usager rationnel vers le métro ; en 2019, elle le guide vers la voiture individuelle ! Mieux (ou pire), la carte de métro a augmenté plus vite que le SMIC. Autrement dit, le salarié trop modeste pour s'offrir une voiture a moins de facilités à se déplacer en 2019 qu'en 1970 ! Nous résumons ces données dans le tableau ci-après :

1 euro = 6,5596 francs prix en 1969 (francs) prix en 2019 (euros) évolution

(x par)

SMIC horaire 3,3 10 20

baguette (250g) 0,55 1 12

carte de métro hebdomadaire 4,8 20 27

1 litre de super 1,1 1,5 9

10 thermies de gaz 1,1 0,9 5

Page 14: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 13 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

De la sorte, encouragés par une énergie de moins en moins chère, nous sommes devenus de plus en plus dépendants de l'automobile et des transports longue distance (allongement des distances domicile-travail, mondialisation des échanges etc.). Cette dépendance dont nous avons tant de mal à nous défaire n’est pas le fruit de notre liberté, mais le résultat d'un choix collectif ou d'un piège dans lequel nous nous sommes enfermés comme dans une addiction à la drogue.

Voulu par la classe dirigeante et entériné par les électeurs, ce choix collectif s’est traduit par une baisse relative de la fiscalité sur le pétrole et le gaz. En France, il a émergé sous le gouvernement et la présidence de Georges Pompidou, quand celui-ci s'est proposé de faire entrer le pays dans la modernité (autoroutes, lignes TGV, centrales nucléaires...). Pour « faire moderne », nous avons adopté le modèle étasunien, avec une voiture par adulte et l'hypermarché pour tous (le premier hypermarché français a été ouvert en 1963).

Au début, il y a cinquante ans, c’était un bonheur et un privilège de pouvoir s’équiper d’une voiture. Le gouvernement a voulu étendre ce bonheur et ce privilège à toute la population. Il y a été encouragé par les industriels qui y ont vu avec raison l’ouverture de marchés illimités. C’est ainsi que toutes nos existences se sont organisées autour de l’automobile et de l’énergie bon marché. Nous en sommes devenus dépendants et le bonheur s’est transformé en contrainte.

Imaginez où nous en serions si le prix de l’énergie était resté ce qu’il était en 1970 avec un prix du carburant, du fioul et de l’électricité au moins deux fois plus élevé qu’il n’est aujourd’hui ! Imaginez le litre de super à 3,25 euros, autrement dit au même prix relatif qu’en 1970 ! Nous ne vivrions pas moins bien mais nous serions organisés très différemment, avec une prime à la proximité et à la sobriété énergétique : villes et villages plus resserrés, agriculture raisonnée, recours limité à l’avion et à la voiture, échanges intercontinentaux réduits au nécessaire…

Au lieu de cela, la diminution du prix relatif de l’énergie, d’année en année, exerce une pression irrésistible en faveur des biens et services les plus énergivores. C’est un pousse-au-crime qui encourage la surconsommation et les gaspillages et que rien ne justifie. Non seulement les gouvernements sont complices de la baisse tendancielle du prix de l'énergie qui sert les milieux d'affaires et calme les colères populaires mais ils mènent aussi des politiques publiques qui favorisent l'extension indéfinie des villes, l'agro-industrie prédatrice et la délocalisation des activités

4.

Il ne faut pas attendre de miracle du côté des nouvelles énergies « renouvelables » (éoliennes, solaire, nucléaire…) pour une raison simplement économique. Ces énergies ont en effet des coûts de développement et de production encore très élevés qui ne leur permettent pas de concurrencer les énergies fossiles, à l’exception peut-être du nucléaire ! Leur mise en œuvre génère aussi des pollutions très importantes (affinage des terres rares et du silicium, recyclage des éoliennes, batteries et panneaux photovoltaïques en fin de vie…) sans parler des risques inhérents à l’énergie nucléaire.

Déjouant tous les pronostics, les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) se révèlent encore très abondantes. Tandis que l'exploitation du pétrole bitumineux canadien et du gaz de schiste américain bat son plein, le ralentissement de l'économie chinoise et la compétition entre pays

4 Vignette automobile et « cagnotte »

Bien que conscients des réalités, nos gouvernants sont trop souvent hélas enclins à céder à la pression de l’opinion publique plutôt qu’à expliquer et imposer des choix courageux. On l'a vu en 2000 quand un léger mieux budgétaire (la « cagnotte ») a conduit le Premier ministre socialiste Lionel Jospin à faire cadeau aux Français de la vignette automobile. Dommage, c'était le seul impôt véritablement écologique en ce sens qu'en relevant (légèrement) le coût d'usage de l'automobile, il encourageait la recherche d'alternatives plus écologiques !

Page 15: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 14 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

exportateurs de pétrole (Arabie, Iran, Russie...) font que le baril de 159 litres est à son prix le plus bas depuis un demi-siècle, aux environs de 60 dollars en 2019 (140 dollars en 2008).

Dans ces conditions, avec des énergies fossiles qui voient leur prix sans cesse tirés vers le bas, il est vain d'espérer que les États et les particuliers économisent l'énergie ou se rallient massivement et pour de bon à des énergies propres.

Un pétrole trop accessible

Il est habituel de dénoncer le poids de la fiscalité sur le pétrole. Refrain connu : « Le super ne coûte presque rien à produire, ce sont les taxes qui l'enchérissent, c'est un scandale ! » Mais si le pétrole coulait aussi abondamment que l'eau dans nos campagnes et à un coût quasi-nul, serait-on pour autant en droit de le brûler à satiété ? Pas plus que l'on n'est en droit de gaspiller, polluer et détruire l'eau, l'humus et l'air qui composent notre cadre de vie sous prétexte qu'ils sont disponibles gratuitement. Quand des ressources aussi cruciales que les énergies fossiles sont accessibles par tout un chacun à un coût d'extraction presque nul, la fiscalité devient le seul moyen d'en limiter l'abus. Elle est indispensable pour rétablir une cohérence économique dans les échelles de prix, encourager les usagers à se reporter vers des consommations plus économes en énergie et éviter ainsi les gaspillages nuisibles à l'environnement et au climat.

De Trump à Macron, tous s’accrochent à un modèle qui sombre

Ne nous étonnons pas des contradictions de nos gouvernants qui plaident pour la « transition écologique », reprochent à Trump son climato-scepticisme et à Bolsonaro les incendies en Amazonie et dans le même temps accélèrent l’artificialisation des sols, modernisent les centrales à charbon (Allemagne) et les centrales nucléaires (France) et promeuvent les achats de soja brésilien.

Ces contradictions ne sont qu’apparentes. Dans les faits, tous les gouvernants actuels sont mus par une commune ambition : préserver et étendre le modèle de société qui s’est développé autour de l’Atlantique nord après la Seconde Guerre mondiale et s’est élargi aux pays riverains de la mer de Chine.

Comme la plupart de leurs concitoyens, nos gouvernants n’imaginent pas de prospérité ni de croissance sans une énergie bon marché. Faute d’oser toucher au prix de l’énergie, ils se résignent au dérèglement climatique et s’y préparent chacun à leur façon, quoiqu’ils disent.

Les Étatsuniens, qui disposent d’hydrocarbures à satiété, ont choisi de brûler ceux-ci jusqu’à la dernière goutte. Ils considèrent qu’il sera toujours temps de pallier les conséquences du réchauffement par le biais de la science et de la technologie : on climatisera les villes, on consommera de la viande in vivo et l’on trouvera des remèdes-miracles pour soigner les nouvelles maladies nées de l’artificialisation de nos sociétés...

Les Européens, qui n’ont pas de pétrole, explorent toutes les alternatives pour satisfaire une demande d’énergie toujours croissante : les Allemands parient sur le gaz russe, plus « propre » que leur charbon, les Français restent fidèles au nucléaire et envisagent de « décarboner » leur énergie à grand coup d’éoliennes géantes, de batteries et de panneaux photovoltaïques.

Ainsi pourrons-nous toujours plus allonger nos trajets domicile-travail à bord de nos véhicules électriques et climatisés. Ainsi pourrons-nous toujours plus nous exténuer au travail pour inciter nos congénères à consommer toujours davantage de produits high tech (mobiles 5G et plus, sex-toys 3-D hypersensibles, vêtements hyper-glamour et connectés, croisières boréales super-cool,

Page 16: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 15 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

bébés génétiquement modifiés sur catalogue etc.). Ces perspectives nourrissent une fuite en avant plus dommageable que jamais

5.

Par une rare incohérence, les gouvernants maintiennent au plus bas le prix final des énergies (super, fioul, kérosène, électricité, gaz etc.) et encouragent de ce fait leur gaspillage. Mais dans le même temps, ils multiplient les aides aux entreprises et aux particuliers en vue de remédier tant bien que mal à ces gaspillages et financer une hypothétique « transition écologique ».

Subventions en tous genres et aides d’État reviennent très cher, ainsi que le montre pour la France le scénario national « bas carbone » (2016), de l’ordre de 32 à 85 milliards d’euros par an. Cela équivaut à une pression fiscale de l’ordre de 100 euros par habitant et par mois, qui frappe tous les ménages, y compris les plus modestes

6.

Autrement dit, plutôt que de dissuader les citoyens de gaspiller l’énergie en augmentant le prix de celle-ci, les gouvernements préfèrent maintenir celui-ci au plus bas, quitte à reprendre par l’impôt aux citoyens les économies qu’ils ont cru faire sur le prix de l’électricité, du super ou du fioul.

Cette folie n’aura heureusement qu’un temps. Car le modèle de société qui s’est mis en place

depuis le milieu du XXe siècle contient aussi en germe sa propre destruction. Il entraîne une

chute drastique de la fécondité avec à peine plus d’un enfant par femme en moyenne (peut-être

bientôt moins) et une division par deux des populations concernées à chaque génération ! Cela

dit, l’humanité ne disparaîtra pas pour autant et la Terre ne s’arrêtera pas de tourner7…

5 Fuite en avant

D’ores et déjà, nous payons d’un lourd tribut nos avantages matériels : burn-out au travail, éclatement des structures familiales, nouvelles inégalités. Une bonne part de ces phénomènes sont induits par la perte de sens de nos vies et de notre travail. Nous sommes entraînés dans une fuite en avant par la peur de dégringoler l’échelle sociale et nous acceptons pour cela des activités davantage tournées vers l’accumulation de profits que la satisfaction de nos semblables. Nous nous exténuons à produire, distribuer et promouvoir des biens et services à l’utilité discutable et nous en perdons le mobile premier de tous les êtres vivants : transmettre la vie et la beauté que nous avons reçus en héritage. Plus gravement, notre mode de vie en vient aujourd'hui à générer plus d'inconvénients que de gains : l'espérance de vie commence à reculer aux États-Unis et dans quelques autres pays « avancés » (du jamais vu depuis 200 ans) ; l'alimentation est source de nouvelles épidémies comme l'obésité ; l'agro-industrie et la pollution urbaine affectent nos organismes (asthme, diminution des spermatozoïdes...) ; les transports urbains et la compétition pour l'emploi sont sources de stress et ne nous laissent plus le temps de nous divertir et aimer ; nos campagnes et nos villes façonnées par quarante générations deviennent des capharnaüms où la laideur le dispute à l'insignifiance. Et ne parlons pas des dégâts sociaux et environnementaux causés dans les pays fragiles qui n'ont pas su prendre le train en marche (Afrique, Asie du sud, Amérique latine...).

6 Le scénario national « bas carbone » dans l’impasse

Le scénario national bas carbone (2016) propose aux Français de concentrer tous leurs efforts dans la « décarbonation » de leurs activités pour aboutir à la neutralité carbone en 2050 ! Il s'agit de porter de 32 milliards d'euros par an à 45/85 milliards d'euros par an les investissements dédiés à la « transition énergétique et climatique » (isolation des bâtiments, électrification des transports, financement des éoliennes et panneaux

photovoltaïques etc.). Cela fait la fortune des exploitants d’éoliennes ou encore des fabricants chinois de batteries mais les résultats ne sont guère probants : grâce à son parc nucléaire, la France se classe plutôt moins mal que les autres pays industrialisés en matière d’émissions carbone mais celles-ci n’en continuent pas moins de progresser comme partout dans le monde (source : Planetoscope). 7 Le scénario du pire

Sans un retournement encore incertain, la situation qui se profile à l’horizon du prochain siècle paraît sombre avec la conjugaison de trois phénomènes majeurs : choc démographique, hausse des températures et crise des ressources :

• Dans un premier temps, la compétition pour des ressources plus rares et plus coûteuses entraînera guerres

sociales et dictature des oligarchies. Elle pourrait conduire celles-ci à créer des îlots de bien-être et des bulles climatisées hors-sol, soit dans des cités-États comme Singapour, soit sur des îles flottantes artificielles dans les zones océaniques de faible profondeur… Le film de science-fiction Soleil vert (Richard Fleischer, 1973) reflète

Page 17: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 16 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

« C'est bon pour la croissance » ?

Confrontés à la dégradation de l'environnement, certains experts se font une raison en y voyant le corollaire inévitable de la croissance économique : « C’est le prix du progrès ! On ne peut pas rester figés dans le passé et la pauvreté ! »

Selon eux, les dommages à l'environnement concourent même à la croissance économique : les pompiers mobilisés contre les incendies de forêt et les secouristes au chevet des accidentés de la route ne contribuent-ils pas à l’accroissement du PIB (Produit Intérieur Brut) ? Cette idée est volontiers reprise par le grand public et les gouvernants.

Énorme sottise qu'un peu de réflexion suffit à dissiper... Les pompiers et secouristes évitent une dégradation de notre bien-être collectif et individuel. Mais sans les incendies et les accidents provoqués par notre rage prédatrice, ils pourraient s'employer à augmenter ce bien-être, par exemple en aménageant l'espace naturel pour nos promenades ou en assistant les personnes fragiles ou âgées. Leur contribution au PIB serait inchangée mais ce PIB se traduirait par une augmentation de notre bien-être collectif et individuel.

L’anomalie vient de ce que la comptabilité nationale, à la différence de la comptabilité d’entreprise, ignore les provisions pour risques et charges qui anticipent les coûts à venir induits par les dépréciations d’actifs (par exemple la dégradation d’un bâti, la sensibilité accrue d’une forêt aux incendies ou la désertification d’un terroir agricole).

Pour être pertinente, la comptabilité nationale devrait enregistrer les dépréciations d’actifs que les jeunes générations et les générations futures devront compenser à prix d'or ou dont elles devront supporter la perte : • Épuisement des sous-sols, • Usure des sols arables, • Destruction des forêts, • Appauvrissement du patrimoine génétique, • Irruption de maladies nouvelles, • Enlaidissement des paysages, • Dommages causés par les canicules...

Si nous inscrivions au passif du PIB toutes ces dépréciations d'actifs afin de les provisionner comme toute entreprise normale, nul doute que nos taux de croissance économique apparaîtraient plus modestes et sans doute négatifs.

assez bien ce scénario !

• Avec 1 à 1,5 enfants par femme, les populations « blanches » et « jaunes » des pays développés sont appelées

à très fortement diminuer et se marginaliser, cependant qu’avec 4 à 6 enfants par femme, les populations « noires » d’Afrique doublent et doubleront tous les quarante à cinquante ans au moins jusqu’au XXIIe siècle. Elles constituaient 7% de l’humanité en 1950 et en constitueront 40% vers 2100 avec 4 milliards d’individus (hypothèse moyenne des Nations Unis). Ces populations noires, mues par un exceptionnel appétit de vie et restées en marge de l’american way of life, pourraient être alors conduites à réinventer une nouvelle civilisation ou une nouvelle humanité.

• À terme, la hausse des températures pourrait rendre la vie insupportable aux êtres humains sur une grande

partie des terres émergées (125 millions de km2). On peut toutefois penser que 10 à 20 millions de km2 demeureront habitables (Sibérie, hauts plateaux africains et andins, bassin du Congo, Nouvelle-Zélande…). C’est assez pour dix milliards d’êtres humains vivant sobrement et se gardant de reproduire nos erreurs. Ce scénario s’inscrit de manière logique dans le prolongement des tendances de ces dernières décennies. Est-ce bien cela que nous voulons ? Ne vaut-il pas la peine, tant qu’il en est encore temps, de renverser la table du festin, où se gavent les auteurs de ce film d’horreur ?

Page 18: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 17 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT

2 Illusions techniciennes

Tels des pyromanes-pompiers, les ingénieurs à l'origine du dérèglement climatique proposent d'y remédier par la technique : « Ne changeons rien à notre mode de vie ; étendons-le même à l'ensemble de la planète mais apportons-lui quelques corrections à la marge », susurrent-ils. Et ils suggèrent aux États d'investir massivement dans le développement d'énergies renouvelables ou de techniques palliatives.

Dans tous les pays développés, les acteurs publics et privés envisagent désormais moins de stopper le réchauffement climatique que de s’y adapter, par exemple en développant la climatisation et les voitures électriques pour assainir l’air des métropoles…

L'approche technicienne a tout pour plaire ; c'est pour cela qu'on l'aime et qu'on s'y accroche sans discuter de sa pertinence : • Les citoyens ordinaires se rassurent à bon compte : pas besoin de revoir notre mode de vie ; il suffit de manifester notre civisme écologique en triant consciencieusement nos déchets et en achetant un véhicule hybride (mi-électrique, mi-combustion). • Pour les grands patrons de l'industrie, loin d'être une menace, le dérèglement du climat devient une « nouvelle frontière » pleine d'opportunités capitalistiques ; de quoi remédier à la panne d'investissements dans nos sociétés vieillissantes qui se meurent d'ennui. • Les gouvernants peuvent sans remords poursuivre leur politique d'affichage, si rentable d'un point de vue électoral : on lance de belles phrases sur l'écologie (« Make our planet great again ») et en même temps on poursuit les investissements dans des infrastructures aussi démesurées qu'énergivores (TGV, aéroports, centres commerciaux...) ; pourquoi se priver puisque les énergies renouvelables seront « bientôt » disponibles à gogo ?

Nous sommes tous conscients que notre mode de vie ne peut être généralisé à l'humanité entière et qu'il devra être réformé à plus ou moins brève échéance. Pourtant, nous nous comportons comme si la voiture particulière et les vols long-courriers étaient devenus des composantes inaliénables de notre identité... et lorsque nous cherchons des remèdes au dérèglement climatique, nous imaginons des voitures et des avions non-polluants mais jamais une existence (presque) sans voiture ni avion !

Or, dans le meilleur des cas, nous ne disposerons pas avant 2050 de technologies alternatives capables de concilier notre mode de vie avec la préservation des énergies fossiles. Ces technologies existent déjà (nucléaire, moteur à hydrogène, éolien, photovoltaïque, biocarburants...) mais elles sont encore très loin de pouvoir suppléer aux énergies fossiles et leur industrialisation bute sur des obstacles rédhibitoires comme le stockage de l'énergie (batteries).

Qui plus est, leur mise en œuvre requiert des procédés destructeurs de l'environnement : extraction de métaux spéciaux (terres rares, coltan, cobalt...) et eux-mêmes coûteux en énergie. C’est le cas des éoliennes et des panneaux photovoltaïques, très loin de l’innocence que leur prêtent les investisseurs et les organisations écologistes.

Mirages de la technologie

En attendant, nous nous faisons fort de trier les ordures ménagères, développer les véhicules électriques et les éoliennes ou encore procéder à des « compensations carbone » sans pousser

Page 19: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 18 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

plus avant l’analyse de ces démarches d’apparence sympathique. Quel est leur effet sur l'environnement, la biodiversité et le réchauffement climatique ?

- Tri et incinération des déchets :

Les professionnels du traitement des ordures ménagères promeuvent aujourd’hui le tri des déchets. Avec le concours des particuliers, ils recyclent en partie les emballages, les métaux, le papier, les plastiques et le verre. Mais ce recyclage a toujours un coût énergétique et il débouche sur un emploi dégradé. Le verre alimentaire est ainsi collecté en bris, refondu et transformé en vulgaire matériau de construction au lieu d’être réemployé au même usage selon le principe de la consigne.

Les professionnels incinèrent par ailleurs les déchets organiques (eaux usées et déchets de cuisine). Dans la novlangue actuelle, ce procédé est qualifié de « valorisation énergétique » pour laisser entendre que l’incinération permet d’économiser des énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole).

Dans les faits, l’incinération produit des cendres volantes hautement toxiques qui doivent être enfouies dans des décharges sous haute surveillance. D’autre part, le rendement énergétique de l’incinération est généralement très faible ou nul. Dans le meilleur des cas, les usines d’incinération sont reliées à un réseau de chaleur urbain qu’elles alimentent en vapeur pendant la saison froide. À la belle saison, elles n’ont d’autre solution que de dissiper la chaleur dans l’atmosphère. Le plus sûr effet de l’incinération des ordures ménagères est de détruire le carbone le plus utile à la vie, celui dont est composé l'humus à la surface du sol

8.

Le comble de l’absurdité est atteint dans les campagnes où, très souvent, les déchets organiques sont seuls collectés à demeure, en vue de leur incinération tandis que les emballages et les autres déchets doivent être transportés par les particuliers eux-mêmes dans des déchetteries agréées. Ce transport, généralement en voiture, alourdit le « bilan carbone » de ladite collecte. Pour ne rien arranger, les professionnels (agriculteurs, artisans et industriels) sont tenus de payer l’accès aux déchetteries. Beaucoup préfèrent, au mépris de la loi, brûler leurs déchets dans leurs champs ou derrière leur atelier, ou encore les jeter en bordure de forêt. Dans des territoires à l’économie fragile comme le Bordelais, la gendarmerie ferme les yeux sur ces infractions à la source de graves pollutions.

En matière de traitement des déchets, il serait plus pertinent : 1) de réduire à la source le volume des emballages, 2) de collecter en vrac tous les déchets ménagers et trier ce qui peut l’être sur des chaînes automatiques comme il en existe déjà, 3) de généraliser le compostage des déchets organiques ou au moins de les enfouir en récupérant le biogaz qui résulte de leur putréfaction.

Si ces solutions sont délaissées par la classe dirigeante, ce n'est pas par ignorance mais par un calcul financier non dénué de cynisme : • L'incinération et le traitement des cendres volantes réclament des investissements beaucoup plus lourds que le compostage ou l’enfouissement et, de ce fait, génèrent aussi beaucoup plus de profit pour les entreprises spécialisées auxquelles font appel les collectivités ! • D'autre part, en brûlant les déchets organiques au lieu de renvoyer ceux-ci dans les sols agricoles d’où ils proviennent, on appauvrit peu à peu ces sols de sorte que les agriculteurs

8 Coquillages et réchauffement climatique

Les fruits de mer (huîtres, moules, crevettes...) illustrent les méfaits de l'incinération. Les Français en consomment bon an mal dix kilogrammes par an et par personne, soit un total de 660 000 tonnes. Que s'ensuit-il quand les coquilles et carapaces sont incinérées après consommation ? Étant constituées de carbonate de calcium, elles se transforment comme suit à plus de 800°C : CaCO3=>CaO+CO2. À partir d'une masse molaire de 100g/mol, on obtient ainsi 44 g de CO2. Si l'on estime à 400 000 tonnes environ le poids des coquilles, c'est près de 200 000 tonnes de gaz carbonique qui partent chaque année dans l'atmosphère par les cheminées des usines d'incinération… Il eut été bien préférable de composter ces coquilles ou de les enfouir afin d'enrichir nos sols !

Page 20: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 19 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

doivent recourir à des engrais chimiques en quantité de plus en plus grande, avec là aussi de fructueux profits à la clé pour les fabricants d’engrais.

- Éoliennes et panneaux photovoltaïques :

Côté énergies renouvelables, cessons de nous illusionner. Si l’on met à part les énergies traditionnelles issues de la combustion du bois et de l’hydroélectricité, ces énergies sont encore très loin de répondre à nos attentes.

La fabrication des éoliennes et des panneaux photovoltaïques requiert des technologies très coûteuses en énergie comme la métallurgie du silicium ou des terres rares. Elle engendre aussi une pollution massive de l’air, de l’eau et des sols de sorte que les pays occidentaux ont abandonné le monopole de ces fabrications à la Chine, encore peu regardante sur les questions environnementales.

Les éoliennes se conçoivent pour fournir de l'électricité dans des situations particulières (régions isolées et dépourvues de réseau électrique, zones marines...). Mais il est illusoire d’y voir une alternative aux énergies fossiles. Par principe, elles tournent quand il y a du vent, autrement dit, le plus souvent, par temps frais et doux. Elles sont à l'arrêt pendant les périodes de grand gel, quand elles seraient vraiment nécessaires, et leur production intermittente impose de les associer à des centrales au charbon ou au gaz, sans bénéfice pour l'environnement. Sans la possibilité de stocker leur énergie et de l'exploiter au moment voulu, elles n'ont aucune utilité si ce n'est d'enrichir les fabricants, importateurs, installateurs et exploitants au détriment de l'intérêt général et de l'écologie

9.

Le problème est similaire pour les panneaux photovoltaïques. Ceux-ci voient qui plus est leur efficacité diminuer d’année en année. Tout bien considéré, il n’est pas sûr qu’ils empruntent au Soleil assez d’énergie pour compenser toute celle qu’ils ont volé à la Terre pendant l’étape de leur fabrication !

- Automobiles électriques :

En matière d'automobiles, d’aucuns rêvent d'un monde où ne rouleraient plus que des véhicules électriques. Il est certain que cela assainirait l’atmosphère des villes et soulagerait les poumons (et les oreilles) des citadins. Mais quel serait le profit pour le climat ?

Les véhicules électriques utilisent une énergie secondaire prête à l’emploi (électricité) à la différence des véhicules à moteur thermique qui doivent transformer une énergie primaire (carburant ou gaz) en travail et électricité. Cela dit, leur électricité vient nécessairement d’une centrale thermique (charbon, pétrole ou gaz) ou nucléaire. À puissance égale, les véhicules électriques requièrent davantage d’énergie primaire que les véhicules thermiques, compte tenu du poids et de la fabrication de leurs batteries ainsi que des pertes en ligne (transport de l’électricité).

L’enjeu climatique ne se limite pas à la consommation des véhicules, électriques ou non. Il s’étend à leur fabrication et à leur recyclage, autrement dit à tout leur « cycle de vie ». Une voiture, c’est une tonne de matériaux de haute technologie (terres rares, composites, aluminium, cuivre et aciers spéciaux) ; comme la voiture est destinée à être utilisée au grand maximum 5000 heures (pour 300 000 à 500 000 kilomètres parcourus), elle brûle dans sa vie active un total d’environ trente tonnes de carburant (ou l’équivalent en électricité), soit plus de cent tonnes

9 À quoi servent les éoliennes ?

Dans un essai corrosif (Éoliennes, la face noire de la transition écologique, Éditions du Rocher, 2019), Fabien

Bouglé démonte l’écheveau des complicités qui conduit certains gouvernements, dont le gouvernement français, à subventionner massivement l’installation d’éoliennes sans profit pour l’environnement (pollution, lignes haute tension etc.), la balance commerciale et le climat. Ces subventions, sous la forme d’un prix de rachat garanti, peuvent dépasser le double du prix de l’électricité sur le marché SPOT (environ 50 euros/MWh en 2019).

Page 21: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 20 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

équivalent-C02. Mais qui saura nous dire combien de tonnes équivalent-CO2 coûtent sa fabrication et son recyclage ?

Utiles pour limiter la pollution des villes par les particules fines et le bruit, les véhicules électriques sont cependant sans effet sur le réchauffement climatique, d’autant que la généralisation de l’american way of life à l’ensemble de l’Eurasie et du continent américain se solde par la croissance très rapide du parc automobile, aujourd’hui d’environ un milliard d’unités. Cette croissance annule très largement toutes les améliorations techniques que les constructeurs pourraient apporter à chaque véhicule, électrique ou non.

L'illusion des biocarburants

On veut se convaincre qu'avec les biocarburants, produits à partir de céréales ou de soja, le tout-automobile pourra continuer indéfiniment, même sans pétrole ! Mais le bilan écologique des cultures à usage énergétique s'avère très négatif, comme l’indique une étude publiée par Science (17 août 2007) et citée par Le Monde (19 août 2007). Les agro-carburants sont en effet excessivement gourmands en produits phytosanitaires et en investissements mécaniques. À ce titre, ils aggravent le dérèglement climatique. Qui plus est, ils gaspillent des étendues qui pourraient être vouées à la forêt, à la prairie ou à des cultures nourricières. Ils concourent en particulier à la déforestation de l’Amazonie. La hausse actuelle des prix des céréales, qui fait au moins le bonheur des céréaliers, résulte en partie de l'extension de ces cultures à usage énergétique. Il serait malheureux que notre hargne à vouloir préserver à tout prix le tout-automobile entraîne le retour à des disettes en sus du dérèglement climatique

10.

- « Compensation carbone » :

La dernière entourloupe du marché est la « compensation carbone » : des compagnies aériennes s'engagent par exemple à financer des opérations de reforestation ou « renaturalisation » pour piéger le carbone de l’atmosphère et ainsi compenser leurs propres émissions ! Dans les faits, elles ne compensent rien du tout car les arbres qu'elles replantent à grands frais ne remplacent pas, et de loin, le kérosène et les hydrocarbures qu’elles ont brûlés.

Au demeurant, la filière énergie bois reste de loin la principale source d’énergie « renouvelable » (et la plus ancienne), devant l’énergie hydroélectrique (barrages) et très loin devant l’éolien et le photovoltaïque, mais elle n’a plus qu’une une capacité d’extension limitée. Les espaces disponibles pour la reforestation se font rares et se réduisent même par endroits sous l’impact du réchauffement climatique, de l’érosion et de la sécheresse. Dans le même temps, on constate que beaucoup de forêts primaires sont abattues pour laisser la place à des plantations industrielles (soja, huile de palme…) ! Il est donc malsain de laisser croire que l’on peut « compenser » nos émissions de carbone simplement en créant ici et là des « puits de carbone » par la reforestation.

Insuffisances et incohérences des réglementations actuelles

10

Il est déjà arrivé que les États tolèrent l’intolérable pour le profit de quelques-uns

Notons que la promotion des biocarburants au détriment de l’environnement et du bien-être du plus grand nombre ne serait pas une première dans l'Histoire : au XVIIe siècle déjà, les gouvernants européens choisirent de privilégier dans leurs colonies du Nouveau Monde la culture du sucre, afin de satisfaire les caprices des Européens fortunés. Comme cette culture était néanmoins très risquée, les États accordèrent des privilèges fiscaux à des compagnies privées (« compagnies à charte ») pour les y encourager ! Cette entreprise

spéculatrice, motivée par un choix idéologique, se fit au détriment des cultures vivrières et surtout se solda par l'introduction de l'esclavage dans le Nouveau Monde. Olivier Grenouilleau a remarquablement décrit la manière dont les États européens du XVIIe siècle ont subventionné les compagnies à charte et toléré la traite négrière afin que les classes supérieures européennes soient approvisionnées en denrées coloniales de luxe. Voir Traites négrières (Gallimard, 2004).

Page 22: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 21 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Les réglementations pointilleuses, comme tel projet de directive européenne contre l'usage de

pailles en plastique ( !), sont non seulement inefficaces et dérisoires mais nuisibles : elles offrent

à bon compte aux gouvernants l’occasion de laisser croire à leur engagement en faveur de

l’écologie en leur évitant les sujets qui fâchent et en nous faisant oublier les véritables enjeux.

La surtaxation du diesel automobile, à l’origine de la crise des Gilets jaunes en France à

l’automne 2018, est non seulement inefficace mais obscène : elle frappe des catégories sociales

que les classes dirigeantes ont asservi à l’automobile à coup d’incitations fiscales et

réglementaires, tout en laissant dépérir dans les campagnes les services de proximité et les

lignes de bus. Au demeurant, si le diesel représente un risque pour la santé, c’est dans les

métropoles, du fait de la saturation de l’air en particules fines, pas dans les campagnes où ces

particules se dispersent assez aisément

Horreur du marché

Le plus grave tient dans l'extension accélérée de nos techniques et de nos pratiques à de

nouvelles populations (Inde, Chine intérieure, Indonésie, Brésil etc.). Aujourd'hui, un quart

environ de la population mondiale, soit deux milliards d'hommes, en bénéficient à plus ou moins

grande intensité. Avec les taux de croissance que connaissent les pays asiatiques, c'est la moitié

de l'humanité, soit cinq milliards d'hommes qui pourraient y accéder en 2100 à supposer que la

Terre le supporte.

Si importants que soient nos progrès en matière de performance énergétique sur la

consommation de nos véhicules comme sur l'isolation de nos logements, ils sont très largement

annulés par cet élargissement du cercle des consommateurs-prédateurs.

Ils sont aussi très largement annulés par un phénomène prégnant dans nos propres sociétés :

par le fait que l’énergie demeure accessible à bas prix, tous les gains énergétiques se soldent par

une extension des usages énergivores !

C’est ainsi que l’arrivée d’ampoules LED (diodes électroluminescentes) réputées durables et à

basse consommation a entraîné depuis le début du siècle une extension des éclairages pour des

raisons plus futiles les unes que les autres : allées de jardins, façades etc. De la même façon, on

assiste à une explosion des écrans vidéo publicitaires dans l’espace public, les couloirs du métro

et les vitrines de magasins. Dans les grandes villes françaises, la plupart des terrasses de cafés-

restaurants s’équipent aussi de « grille-pains » énergivores qui, par temps froid, chauffent l’air

extérieur ( !) pour le confort de quelques consommateurs.

Ces aberrations, toutes liées à une énergie trop bon marché, ne sont rien à côté du marché

automobile : les constructeurs s’efforcent à juste titre d’améliorer les performances énergétiques

de leurs véhicules. Dans les années 1980, déjà, ils se faisaient fort de produire des voitures qui

ne consommeraient que 3 litres aux cent kilomètres, le minimum techniquement envisageable.

Mais dans les faits, le marché et l’élévation générale du niveau de vie les ont conduits à des

véhicules plus gros, plus puissants et dotés de tous les raffinements techniques. On en vient

aujourd’hui à la mode des mastodontes SUV (sport utility vehicle), une aberration écologique

permise par le faible coût de l’énergie.

Même phénomène dans l’aviation : la consommation de kérosène par passager sur les nouveaux

appareils diminue bien moins vite que ne s’accroît le trafic aérien, porté là aussi par un coût très

bas du carburant.

Miracle du marché

Une fois écartées les illusions techniciennes, l'objectif ambitieux et nécessaire de diviser par quatre nos émissions de carbone implique une remise en question de notre mode de vie organisé autour de la voiture, de l'avion et de l'énergie (trop) bon marché. D'une manière générale, dans le

Page 23: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 22 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

tertiaire, l'industrie et le logement comme dans les transports, il est impératif que les entreprises et les particuliers engagent de très sérieuses économies d'énergie.

Cela ne se fera pas par l'amélioration de l'existant mais par une rupture technologique et sociétale. Il en est allé ainsi chaque fois que nos sociétés ont été confrontées à une impasse : au XVe siècle, quand les copistes n'arrivaient plus à fournir la demande, on a inventé l'imprimerie ; au XVIIIe siècle, quand s'aggravait la pénurie de bois, on a recouru au charbon... Si nous voulons conjurer l'emballement climatique, nous devrons réduire notre consommation globale d’énergie.

Les plus gros efforts seront requis dans le transport (automobiles, fret routier et avions), principal poste de consommation énergétique, mais aussi dans l'agro-industrie : • En remodelant les villes pour permettre à chacun de s'y épanouir sans l'obligation de posséder une voiture

11,

• En luttant contre l'étalement urbain, en incitant très fortement les employeurs à s'installer au plus près des villes et des bourgs et en dissuadant les jeunes ménages de s'installer dans des zones pavillonnaires isolées, coûteuses en frais d'exploitation et en déplacements, tant pour la collectivité que pour les habitants, • En renversant aussi la vapeur en ce qui concerne le tourisme aérien, • En réinventant une agriculture raisonnablement intensive et respectueuse de la biodiversité.

Sur tous les points ci-dessus, les excès viennent de l'illusion d'une énergie bon marché et disponible à gogo. Ce n'est pas parce que le pétrole, le gaz et le charbon ne coûtent presque rien à extraire que nous devons en abuser.

Comme, hélas, nos technologies permettent aujourd'hui de produire l'énergie à des coûts très bas, qu'il s'agisse d'électricité nucléaire ou d'énergie d'origine fossile, c'est seulement par des taxes dissuasives que nous pourrons élever son prix et encourager particuliers et entreprises à l'économiser. Disant cela, nous ne faisons qu'appliquer les enseignements les plus classiques de l'économie politique. Il s'agit que, confronté à une énergie devenue beaucoup plus chère, chacun, guidé par son intérêt égoïste, se porte vers des solutions alternatives économes en énergie.

N'oublions pas, à la suite d'Adam Smith, que c'est l'intérêt qui fait marcher les hommes : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais plutôt du soin qu’ils apportent à la recherche de leur propre intérêt. Nous ne nous en remettons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme » (Adam Smith, La Richesse des Nations).

La contrainte et l'incantation morale ne peuvent remplacer l'intérêt égoïste que très imparfaitement et jamais de façon définitive... Les bonnes résolutions ne suffisent pas ! Si pleins de bonne volonté que nous soyons, nous devons jour après jour faire des arbitrages budgétaires et ces arbitrages sont orientés par les prix. Quel écologiste militant peut jurer qu'il ne se résoudra pas un jour à acheter une voiture si le contexte lui rend la vie impossible en transports en commun ou bicyclette ? Comment renoncer aux plats préparés de la grande distribution pour des produits frais vendus beaucoup plus cher et qui nécessitent une préparation culinaire ? Comment résister à un adolescent attiré par un séjour linguistique aux États-Unis quand celui-ci est moins cher qu'une colo dans le Jura ?...

11

Les leçons du réchauffement

Le professeur américain Steve Chu, Prix Nobel de Physique, donnait en 2007 ce conseil aux dirigeants chinois et indiens : « Que la Chine et l'Inde ne refassent pas les mêmes erreurs que les États-Unis qui gaspillent l'énergie. La Chine va au cours des trente prochaines années construire 600 millions de nouveaux logements pour accueillir ses paysans dans des villes nouvelles. C'est une occasion unique pour faire en sorte que les gens vivent et travaillent sur le même lieu, économisant les coûts de transports. » (Le Figaro, 26 janvier 2007, page 22). Une décennie plus tard, on peut regretter qu'il n'ait pas été davantage écouté.

Page 24: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 23 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT

3 La guerre façon Churchill

Comme le dérèglement climatique n'attendra pas encore plusieurs décennies pour se manifester dans toute son ampleur, nous devons inventer de nouveaux modes de vie fondés sur un usage limité de la voiture et de l'avion, une agriculture durable et un habitat sobre en énergie. Cela dépasse la compétence des chercheurs et des constructeurs aéronautiques ou automobiles mais relève de choix politiques, économiques et urbanistiques. Notre responsabilité de consommateurs, de citoyens et d’électeurs est directement engagée. Et nous ne pourrons plus dire : « Je n’y pouvais rien ».

Si l'on convient que le dérèglement climatique est un défi comparable à une guerre mondiale, il faut le combattre à la manière dont Clemenceau en 1917 ou Churchill en 1940 ont combattu leurs ennemis, avec un programme politique en trois points, pas un de plus : « 1) je fais la guerre ; 2) je fais la guerre ; 3) je fais la guerre ! »

Ce programme professé par des hommes d'État déterminés est l'antithèse de la politique du compromis : « Et en même temps... », comme de la gestion comptable des chefs d'entreprise : « Nous allons investir dans la rénovation thermique des bâtiments… mais par étapes car il faut nous laisser le temps de nous adapter, recruter et former le personnel etc. »

Ce programme signifie concrètement que les politiques sociale, économique, éducative... doivent être subordonnées à l’effort de guerre, sans délai ni limite. Dès maintenant, par exemple : • On dissuade de construire hors des villes et des bourgs si l'on veut éviter aux habitants un usage quotidien de l'automobile dans les décennies à venir, • On n'investit plus dans de nouvelles autoroutes ou de nouveaux aéroports si l'on admet que, dans deux décennies, on roulera et volera beaucoup moins qu'aujourd'hui. • On ne subventionne plus les cultures de céréales à des fins énergétiques (biocarburants) si l'on croit réellement à une réduction prochaine de l'usage de l'automobile.

En d'autres termes, 1) aucune mesure n'est opportune si elle ne s'intègre pas dans la prévention du dérèglement climatique, 2) toute mesure qui contredit un tant soit peu cet effort de guerre est importune.

Cette guerre-là peut-elle être engagée au niveau d'un pays et d'un seul ? Oui, dans un premier temps, de même que l'Angleterre de Churchill a combattu Hitler seule pendant un an (1940-1941), préparant le terrain aux Américains et aux Soviétiques.

Agir dès maintenant au niveau national !

Il vaut mieux partir seul qu'attendre un illusoire consensus européen ou planétaire. À ceux qui, malgré tout, ne jurent que par la concertation internationale, le fameux protocole signé à Kyoto en 1997 en montre les limites : l'Inde et la Chine ont été dispensées de l'appliquer ; les États-Unis l'ont boudé et les Européens qui l'ont, eux, ratifié ne l'ont pas mieux respecté que les autres ! Quant à l'accord de Paris en 2015 (COP 21), on voit comment l'élection de Donald Trump a suffi à l'étrangler. Au demeurant, aucun des accords internationaux n’a jusqu’à présent infléchi la croissance de nos consommations énergétiques.

Une action au niveau européen demeure improbable à moins d’une mobilisation exceptionnelle du Parlement de Strasbourg : depuis que la classe dirigeante a fait le choix, il y a vingt-cinq

Page 25: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 24 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

ans, de la monnaie unique et de l'ouverture des frontières, aucun projet collectif n'a succédé à tous ceux qui avaient fait la fierté des citoyens (Airbus, Arianespace, Erasmus, Schengen...).

Toute l'énergie de l'Union européenne est vouée à la préservation de l'euro et à l'extension du libre-échange (traité CETA avec le Canada). Ces politiques ont accru comme jamais les dissensions entre les États. Par exemple, il est exclu que l'Union européenne taxe un jour les GAFA (géants américains de l'internet) simplement parce que l'Allemagne craint des mesures de rétorsion contre ses exportations d'automobiles aux États-Unis. Chaque État protège aussi son pré-carré et c’est ainsi que l’Allemagne et la France ont respectivement obtenu en 2020 que leurs centrales au gaz et leurs centrales nucléaires soient réputées conformes à la « transition énergétique » !

Le cadre national demeure le cadre le plus approprié pour une initiative pionnière contre le dérèglement climatique car c’est à ce niveau que s'exerce la seule véritable souveraineté démocratique.

Pour le pays qui aura l'audace d'engager la guerre contre le dérèglement climatique sans attendre un illusoire consensus européen ou mondial, il n'y aura - on le verra - que des avantages à en attendre : • En premier lieu des économies notables sur les importations de combustibles (charbon, gaz, pétrole), • En deuxième lieu, moins de tensions sur le pouvoir d'achat du fait de la réduction des besoins énergétiques, • En troisième lieu, moins de pollutions et de stress et un environnement plus agréable et plus attractif, donc une société plus sereine, confiante et productive !

Par sa taille et sa situation centrale au cœur de l'Union européenne, la France a tous les atouts pour montrer la voie à ses partenaires européens.

Pivot historique de la construction européenne, placée qui plus est au centre géographique de la partie la plus active du continent (entre le nord et le sud, entre l'Allemagne, la péninsule ibérique et les îles britanniques, la France est indispensable à l'Union. L'Union peut admettre de se séparer de la petite Grèce ou de l'Angleterre périphérique, pas de la France.

Les dirigeants européens ne pourraient prendre le risque de contrarier la volonté souveraine de la France si celle-ci décidait d'engager la révolution écologique en usant de son droit à l'expérimentation, inscrit dans les traités européens. L'éventualité d'un référendum sur une sortie de l'Union (Frexit) devrait faire taire les menaces de représailles à l'encontre du peuple français. La France serait donc bien avisée de jouer cette carte, de la même façon que l'Allemagne use et abuse de sa puissance économique pour faire plier les gouvernements et les peuples hostiles à sa vision en matière de monnaie et de comptes publics…

La guerre contre le dérèglement climatique implique sans doute de prendre des libertés avec les injonctions néolibérales de Bruxelles (Commission européenne) et Francfort (Banque centrale européenne). Ces libertés sont légitimes dès lors qu'elles sont voulues par le peuple souverain et n'induisent pas de discriminations entre firmes nationales et firmes européennes.

La France peut s'engager à un retour dans le rang au bout d'une législature (cinq ans) si d'aventure, sa révolution écologique s'avérait inefficace et contre-productive. Dans le cas contraire, les autres peuples européens ne se feraient pas faute de l'adopter, à leur tour suivis par les Asiatiques et les Américains.

Il n'a fallu que cinq mois à Clemenceau et une année à Churchill pour faire basculer le sort de la guerre en 1917-1918 et 1940-1941. Leur ambition était folle. C'est pour cela qu'elle a réussi...

Des incitations à agir dans le sens de l'intérêt général

Page 26: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 25 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Mais n'avons-nous pas déjà tout essayé en matière d'environnement ?... Non. Nous avons multiplié les lignes Maginot et les défilés martiaux mais nous n'avons encore rien fait pour réorienter notre mode de vie dans le sens d'une plus grande sobriété énergétique !

- Je vous voir venir. Vous voulez réintroduire le rationnement ? Militariser l'économie et la société ? Généraliser le « modèle » cubain ? - Bien au contraire, je propose un retour au libéralisme des « Lumières », fondé sur l'incitation positive : l'État définit l'intérêt général et fait en sorte, par une fiscalité et des lois bien orientées, que l'intérêt égoïste de chacun, particulier ou entreprise, rejoigne l'intérêt général. Cette démarche est à l'opposé du néolibéralisme contemporain, avec des États qui lâchent la bride aux prédateurs et jouent la mouche du coche.

La guerre contre le dérèglement climatique doit ainsi passer par des mécanismes législatifs, réglementaires et fiscaux qui ne lèsent personne mais convainquent chacun de son intérêt à modérer sa consommation d'énergie et à réformer ses choix de vie. L'objectif central est une réduction drastique de toutes les consommations d'énergie qui 1) ne sacrifie pas notre bien-être et 2) ne lèse pas les populations pauvres de la planète.

Corrélativement, cet objectif énergétique doit se doubler d'une refonte de nos villes et de leur système de transport, les villes modernes étant saturées en énergie, stress, bruit, pollution, encombrement etc. Autre champ d'action : l'agro-industrie, qui a aussi atteint ses limites : l'excès de produits phytosanitaires et de moyens mécaniques en vient à dégrader la qualité des sols, la productivité à l'hectare et la qualité des produits agricoles et alimentaires eux-mêmes.

Nous verrons ci-après qu'il existe à notre boulimie d'énergie une alternative indolore et même stimulante. Conforme à l'économie de marché, elle consiste à faire payer l'énergie à son « juste prix » sans léser personne

12.

Faut-il craindre qu’une énergie plus chère entraîne une récession économique ?

Cela se pourrait si le produit des taxes sur l’énergie était dédié par l’État à ses besoins propres et à la réduction de son déficit budgétaire. Il s’ensuivrait une sévère diminution de pouvoir d’achat pour les consommateurs, donc une baisse généralisée de leurs achats et au final…des fermetures d’entreprises, une flambée du chômage et l’obligation pour l’État d’accroître ses budgets sociaux ! C’est le serpent qui se mord la queue.

Mais comme nous le verrons, si l’État redistribue la taxe énergie entre tous les citoyens, il s’ensuit pour ceux-ci une réorientation progressive vers les consommations les moins énergivores. Au lieu d’être portée par les secteurs liés à l’énergie (automobile, aviation, agro-industrie), la croissance économique est dès lors portée par les autres secteurs : loisirs de plein air, sports et activités de nature, loisirs culturels, livres, spectacles, vidéos et cinéma, soins de beauté, hygiène et soins de santé, habillement, éducation des enfants et des adolescents, confort et aménagement de la maison, jardinage, alimentation de qualité etc. etc.

12

Rareté, prix élevé et rupture technologique : le précédent du charbon Toutes les ruptures technologiques antérieures se sont faites sous la pression des prix. Ainsi, la révolution du charbon s’est produite au XVIIIe siècle parce que les ressources forestières ne suffisaient plus aux besoins de l’industrie naissante. L’exploitation du charbon a pu se développer dans un contexte où le bois et le charbon de bois, de plus en plus rares, se faisaient aussi de plus en plus cher. Même chose au siècle suivant avec le pétrole. Il est arrivé à point nommé pour remplacer… les bougies et chandelles, devenues inabordables.

Page 27: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 26 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT

4 Une taxe bienvenue sur les

énergies

La fiscalité est l'outil le plus efficace contre le dérèglement climatique. C'est elle qui permettra de réorienter chacun vers une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre et de toutes les consommations d'énergie, avec l'espoir de stabiliser enfin les températures. Nous proposons une fiscalité qui ne soit pas punitive mais au contraire accroisse les revenus des citoyens !

Pas la peine pour cela de subventions, de campagnes de presse et d'oukases !

La solution, encore jamais mise en œuvre, n'a rien à voir avec un impôt supplémentaire ! Elle consiste en une taxe payée par les producteurs et distributeurs d’énergie (EDF, importateurs de pétrole, de charbon et de gaz etc.). C’est une taxe élevée mais intégralement compensée par une allocation forfaitaire reversée par le fisc aux citoyens de tous âges et de toutes conditions

13.

Il s’agit de nous détourner d’un mode de vie fondé sur la prédation des ressources naturelles et énergétiques. Cela suppose de taxer toutes les sources d’énergie sans faire de distinction entre énergies « carbonées » et énergies « propres » afin d’aboutir à une baisse de la demande globale d’énergie. Il est dès lors facile de décider au cas par cas des capacités qui devront être réduites : ici une centrale au charbon polluante, là une centrale nucléaire en bordure d’un fleuve dont le débit sera devenu trop faible pour refroidir les réacteurs, ailleurs un champ d’éoliennes en fin de vie…

En cela, nous nous démarquons des promoteurs de la « taxe carbone » ou des « droits à polluer » qui visent à sanctionner seulement les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) et les remplacer par des énergies « propres ». On a vu précédemment le caractère illusoire de cette « transition énergétique » qui vise à prolonger notre mode de vie énergivore et même l’étendre à l’ensemble de la planète… Qui plus est, toutes les tentatives de « taxe carbone » et « droits à polluer » débouchent régulièrement sur des complications infinies, des querelles interminables et des soupçons de prévarication.

Une « taxe énergie » dissuasive sur les énergies primaires

13

Une idée prometteuse

D'autres avant nous ont montré la nécessité d’une taxe pour réduire les émissions de C02 (« taxe carbone ») mais ne sont pas allés jusqu'à imaginer de la redistribuer aux citoyens. C’est le cas de Jean-Marc Jancovici qui plaide pour une affectation de la taxe à la « transition écologique », en complément ou en remplacement des subventions qui existent déjà (Le plein s'il vous plaît ! Seuil, 2006). La Fondation pour la Nature et l’Homme présidée par Nicolas Hulot a pour sa part inscrit parmi les mesures d’urgence « une fiscalité qui encourage les choix écologiques sans mettre les ménages en difficulté ». Aux États-Unis, aujourd’hui, des économistes comme William Nordhaus et des savants comme James Hansen plaident pour une taxe carbone redistribuée sous forme de « dividendes » aux citoyens les plus modestes… Voir à ce propos le Petit manuel de justice climatique à l’usage des citoyens (James Boyce, LLL, 2020). Mais leurs propositions ne remettent pas en cause le mode de vie moderne fondé sur une consommation d’énergie toujours à la hausse. Elles visent seulement à remplacer les énergies fossiles par des énergies supposées « propres » ou « renouvelables », un objectif illusoire et de toute façon inatteignable dans un délai raisonnable.

Page 28: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 27 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

La « taxe énergie redistribuée » doit concerner toutes les importations d'énergies primaires ainsi que la production d'électricité et de chaleur : • Énergies fossiles : pétrole, gaz, charbon, • Énergies organiques : biocarburants, • Incinération de déchets et centrales à bois et biomasse, • Électricité hydraulique, géothermique, éolienne ou nucléaire.

La taxe doit s’appliquer à toutes les sources d’énergie. Qui peut dire en effet que telle source d'énergie est immune ? Comment arbitrer entre l’électricité nucléaire, l’électricité photovoltaïque fournie à partir de panneaux chinois aux conditions de fabrication douteuses, l’électricité éolienne intermittente et aux rendements très incertains ?... Dès lors que l’on arrivera grâce à la taxe à faire baisser la consommation globale d’énergie, il sera toujours temps de choisir quelles centrales l’on mettra à l’arrêt et quel type d’énergie l’on conservera.

La taxe n'est payée qu'une fois, à la source de l'énergie, par les raffineurs qui reçoivent le pétrole brut (Exon, Total...) comme par le producteur qui envoie de l'électricité dans le réseau public (EDF).

Son montant doit être simplement proportionné au pouvoir calorifique des sources énergies considérées. Il doit être suffisamment élevé pour convaincre un maximum de particuliers et d’entreprises de réviser à la baisse leur consommation d’énergie. Il ne doit pas l’être trop, au moins la première année, pour ne pas désorganiser les circuits d’échanges et les comptes des entreprises.

On verra qu’ensuite, simplement pour maintenir l’allocation forfaitaire à son niveau initial, la taxe pourra très vite augmenter d’année en année jusqu’à entraîner le doublement du coût de l'énergie primaire ou de l'électricité (ce ne sera jamais qu'un rattrapage de la situation qui prévalait dans les années 1960).

À quel montant initial fixer la taxe énergie ? Observons que le carburant aviation de type kérosène a un pouvoir calorifique d'environ 10 kWh (kilowattheure) par litre, ces 10kWh se soldant par l'émission d'environ 3 à 4 kg de CO2. 10 kWh, c’est aussi l’équivalent calorifique d’environ 1m3 de gaz naturel, 1 kg de charbon, 1l de fioul lourd, 2 kg de bois etc.

Comme le kérosène, sur lequel ne pèse aucune taxe, est vendu environ 45 centimes d'euros le litre (2018), on peut concevoir une « taxe énergie » du même ordre de grandeur, soit 50 centimes pour 10 kWh, Cela revient à doubler le prix du kérosène et à augmenter de 33 à 50% le prix des autres sources d’énergie : fioul domestique (prix actuel : 1 €/litre), carburant automobile (1,4 €/litre), électricité : (0,14 €/kWh) etc.

- Une collecte sans difficulté particulière :

Le prélèvement de la nouvelle « taxe énergie » ne présente aucune difficulté. Le montant de la taxe est établi par rapport à chaque unité de produit : kWh d’électricité, m3 de gaz, tonne de charbon, de pétrole, de bois ou de déchets combustibles. Sont ensuite taxés les producteurs à la source.

Le nombre de ces contribuables est limité et leur identification aisée (deux mille au maximum dans toute la France) : • Quais de débarquement du pétrole, du charbon et du gaz dans les ports et les gares, • Producteurs de bois de chauffage, • Usines d’incinération de déchets, • Centrales électriques (centrales nucléaires, centrales thermiques, barrages, éoliennes et centrales photovoltaïques).

L'État peut maintenir par ailleurs les taxes spécifiques sur l'électricité, par exemple la TICPE (taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques) sur les produits pétroliers et les biocarburants, indispensable à l’équilibre des finances publiques.

Page 29: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 28 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Mais il peut supprimer certaines taxes et charges, par exemple les charges sur le service public de l'électricité (CSPE) qui financent l'énergie éolienne entre autres choses. Celles-ci deviennent sans objet car il n’est pas question de privilégier une énergie plutôt qu’une autre, l’objectif étant une réduction des consommations énergétiques globales.

- Des entreprises incitées à plus de sobriété :

Comme la taxe enchérit le prix du fioul et des carburants et entraîne aussi des coûts supplémentaires pour les entreprises consommatrices d’électricité, de chaleur ou de matières premières énergétiques (plastiques), les entreprises seront amenées à réduire leurs achats d'énergie primaire et d'électricité par l'adoption de procédés et de pratiques plus sobres.

Par des comparaisons de coûts, elles s'orienteront naturellement vers des produits à moindre contenu énergétique. C'est une démarche à laquelle elles sont habituées. Par exemple, tel fabricant de friandises suit au jour le jour le cours de ses matières premières et modifie ses recettes en conséquence ; si l'huile de colza enchérit, il la remplace par l'huile de palme. Il appliquera la même démarche d'optimisation au fioul et à l'électricité.

Après avoir fait de leur mieux pour réduire leur consommation d’énergie, les entreprises répercuteront le surcoût résiduel sur leurs prix de vente. Le carburant auto, le chauffage et la climatisation ainsi que les voyages en avion, les produits électroniques et les produits alimentaires liés à l'agriculture intensive de type industriel verront naturellement leur prix augmenter plus nettement que des produits et services moins énergivores...

À quel niveau doit se situer le montant de la taxe ? Dans notre simulation, nous avons choisi pour seuil de lancement 50 centimes pour 10 kWh

14. C’est à peu près équivalent au coût brut de

l’énergie, avant frais de distribution et de transformation. Il importe que ce montant ne soit pas trop élevé pour ne pas déséquilibrer les échanges marchands par sa brutalité. Il importe aussi qu’il soit assez élevé pour convaincre entreprises et particuliers de réduire leurs consommations énergétiques.

Une taxe intégralement compensée pour tous les habitants

Ce qui est maintenant très important, c’est le sort fait au produit de la taxe. Il ne s’agit pas que l’effort de la communauté nationale profite seulement à une fraction privilégiée. L’État voudrait-il alléger le fardeau de « la dette qui pèsera sur les générations futures » ? Ce sont les générations actuelles qui se sentiront lésées. Voudrait-il « financer la transition écologique » ? Les chômeurs, retraités et travailleurs modestes qui peinent à boucler le mois n’en ont rien à faire. L’État voudrait-il affecter tout le produit de la taxe aux prestations sociales ? On risque bien évidemment un blocage de la part des classes moyennes et supérieures mais aussi un effet contre-productif : les ménages les plus modestes, qui consomment aujourd’hui peu de carburant ou de fioul faute de moyens financiers, pourraient devenir subitement plus énergivores du fait d’une allocation trop généreuse !

Nous arrivons à la seule issue réaliste : le produit de la taxe doit être intégralement redistribué à l’ensemble des citoyens, à défaut de quoi il n’y a aucune chance que ceux-ci acceptent l’augmentation du prix de l’énergie. C’est ainsi que dans le même temps où il collecte la nouvelle taxe auprès des importateurs d'énergies primaires et des producteurs d'électricité, le fisc rétrocède son exact montant aux citoyens sous la forme d’une allocation forfaitaire, avec un acompte dès le mois, voire le jour d'introduction de la taxe.

14

Une « taxe carbone » exceptionnelle La combustion d’un litre de fioul ou de super émet 3 à 4 kilogrammes de CO2. Il s’ensuit qu’une taxe de 50 centimes par litre équivaut à une « taxe carbone » d’environ 170 euros par tonne d’équivalent CO2 émis. C’est beaucoup plus que toutes les « taxes carbone » imaginées à ce jour en vue de réorienter les citoyens vers des consommations et des investissements moins énergivores.

Page 30: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 29 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

On évalue à 2500 milliards de kWh la consommation énergétique globale de la France en une année (c’est environ 40 000 kWh par an et par habitant). En théorie, c’est donc 125 milliards d’euros que devrait rapporter la nouvelle taxe en une année à raison de 50 centimes pour 10 kWh (nous n’incluons pas dans ce montant les 10 milliards d’euros de l’actuelle TICPE).

Prenant en considération les incertitudes de mesure et les imperfections de la collecte, ramenons ce montant à 80 milliards d’euros. Ce montant est intégralement redistribué à l’ensemble des 66 millions de Français, ce qui fait environ 1200 euros par habitant et par an, ou encore 100 euros par habitant et par mois.

On peut admettre une modulation selon l’âge : 110 euros par adulte, 60 euros par mineur (les mineurs représentent environ 20% de la population). Pour le reste, on n’admet aucune divergence. C’est la même somme qui est redistribuée par le fisc à tous les Français, à celui qui n’utilise pas de voiture comme à celui qui ne jure que par son SUV et sa moto. Il s’agit tout à la fois de récompenser la vertu écologique du premier et d’inciter le second à des choix plus judicieux.

L’allocation forfaitaire financée par la taxe énergie peut représenter une somme très conséquente pour un ménage avec deux enfants : 340 euros par mois ! C’est aussi un supplément de revenu appréciable pour les retraités modestes et les chômeurs.

De nature strictement universelle, cette allocation doit être aussi versée aux milliardaires tout comme aux personnes sans domicile fixe - à la seule condition qu’on les enregistre auprès du fisc.

Cela dit, l’équité (même montant pour tout le monde) peut fort bien s’accommoder de la justice sociale. Il suffit que l’avantage alloué aux plus riches soit tempéré par l’impôt. Si l’allocation forfaire est en effet imposée à l’égal des autres revenus, ces personnes devront en rétrocéder au fisc une partie égale à la tranche maximale de l’IRPP (impôt sur le revenu des personnes physiques), soit 45% en 2019. Là où le sans-domicile touchera 110 euros net, le cadre supérieur ou le millionnaire ne touchera au final que 60 euros…

Un principe politique essentiel : l'universalité

L'universalité de l'« allocation énergie » (même montant à tous les citoyens sans condition d'âge ni de ressources) est très importante pour une raison essentiellement politique. Supposons que l'on établisse un seuil de revenu au-delà duquel on n'aurait plus droit à l'allocation énergie, par exemple 6 000 euros par mois. Cela concerne 10% des familles. La plupart de ces familles vont s'opposer à la taxe énergie car elles y verront à juste titre une baisse de leur pouvoir d'achat sans compensation. Elles prêteront dès lors l'oreille à tous les lobbies (pétroliers, industriels, financiers, importateurs, voyagistes...) qui ne manqueront pas de crier à la « soviétisation » de l'économie, selon un discours bien rodé : « taux record de prélèvements obligatoires, classes moyennes pressurées, exil fiscal des chefs d’entreprise... ». Comme ces lobbies ont la haute main sur les médias, leur opposition à la réforme garantit l'échec de celle-ci ! Considérant l'enjeu, qui est de stopper le réchauffement climatique, vaut-il la peine de le compromettre pour la seule satisfaction symbolique de priver les plus riches d’une aumône de quelques euros mensuels ?

Une taxe énergie somme toute redistributive et très sociale (mais chut !...)

La redistribution de la taxe énergie ne doit faire aucune difficulté pratique : chaque foyer s’enregistre auprès du fisc, même s’il n’est pas contribuable, et le fisc verse sur son compte, mois

Page 31: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 30 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

après mois, la somme promise. Ainsi sera gommé le choc causé par la hausse des prix sur les consommations les plus énergivores (transports, électricité domestique et chauffage)

15.

- Considérons une personne qui fait chaque jour près de 100 km en voiture pour se rendre à son travail et roule au total 20 000 km par an, soit très au-dessus de la moyenne nationale. Elle consomme environ mille litres de carburant par an pour un montant d’environ 1500 euros. Avec la taxe énergie, elle dépensera environ 500 euros de plus. C’est moins de la moitié de ce qu’elle recevra du fisc, sans compter ce que recevront de leur côté son conjoint et ses enfants. Autant dire qu’elle n’aura pas à pâtir de l’augmentation du prix du carburant !

- Considérons maintenant un ménage avec deux enfants, dans une maison à la campagne. Année après année, il dépense 2000 litres de fioul pour le chauffage et 5000 kWh d’électricité (moyenne nationale). Les deux adultes effectuent chacun 20 000 km en voiture. Avec la taxe énergie, le ménage dépensera 2250 euros de plus sur ses principaux postes énergie (1000 euros pour le fioul, 250 euros pour l’électricité et 1000 euros pour le carburant) mais l’allocation forfaitaire lui en ramènera 4080 !

- Considérons enfin un couple privilégié qui habite Neuilly-sur-Seine, roule en SUV, moto et autres engins, effectue aussi chaque année au moins deux voyages intercontinentaux en avion. Ses dépenses de chauffage, d’électricité et de carburant automobile sont équivalentes à celles du ménage ci-dessus. Mais il faut y ajouter ses dépenses d’avion. Si l’on aligne le prix du kérosène sur celui des autres énergies et qu’on le porte donc à 2 euros au lieu de 0,45 euro le litre, il s’ensuit pour ce couple un supplément de dépenses d’environ 1200 euros, sachant qu’un passager brûle 100 litres de kérosène sur un Paris-New York. Au total, ce couple va payer un supplément de 3450 euros pour ses principaux postes énergie tandis que l’allocation forfaitaire lui ramènera 2640 euros brut… et 1452 euros net une fois qu’aura été prélevé l’impôt (tranche supérieure).

En résumé : • Les personnes les plus déshéritées (SDF), sans voiture ni dépenses de chauffage, recevront chaque mois un supplément net de 110 euros. • Les familles moyennes bénéficieront chaque mois d’un supplément net de l’ordre de 200 euros, une fois payées les principales dépenses d’énergie. • Les personnes des classes supérieures supporteront chaque mois une perte de revenu nette d’au moins une centaine d’euros (mais chut, ne le disons pas trop fort pour ne pas les effaroucher).

La taxe énergie affectera aussi les produits manufacturés et alimentaires car les procédés de fabrication utilisent eux-mêmes de l’énergie. Il s’ensuivra une hausse du prix de ces produits.

Cette hausse sera tempérée et parfois même annulée par le fait que les industriels rivaliseront d’ingéniosité pour optimiser leurs procédés et les rendre plus sobres en énergie ! Ainsi font-ils quotidiennement pour s’adapter aux aléas du marché : variations des taux de change, enchérissement des matières premières, perte d’un fournisseur etc. L’augmentation du prix de l’énergie ne sera pour beaucoup d’industriels qu’un aléa parmi d’autres.

Quoi qu’il en soit, la taxe énergie se soldera par une augmentation des prix variable selon les produits. Cela dit, sauf exception rarissime (équipements électroniques très sophistiqués produits en France), elle ne dépassera jamais 10% sur les produits manufacturés ou alimentaires.

En agriculture par exemple, selon l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), l’énergie représente en moyenne 9% des charges variables. La taxe de 50 centimes

15

Une collecte fiable La collecte et la redistribution de la taxe énergie peuvent sans souci être confiées par la loi au service des impôts. Rien à craindre de ce côté-là car, en France, le fisc bénéficie d’une réputation justifiée de rigueur et d’honnêteté.

Page 32: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 31 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

par litre de fioul accroîtrait sa part dans les charges d’environ 3 à 5%. Au final, elle se solderait par une augmentation de quelques centimes sur les produits alimentaires en magasin et quelques euros de plus dans le budget mensuel consacré par les Français à leur alimentation.

D’une manière générale, grâce à l’allocation forfaitaire mensuelle, la plupart des citoyens (à l’exception des plus riches… et des plus « énergivoraces ») retrouveront dans leur porte-monnaie l'équivalent du surcoût provoqué par la taxe sur les produits à forte imprégnation énergétique : • Soit ils continueront de consommer ces produits comme auparavant sans voir la différence en termes de satisfactions, • Soit ils réajusteront leurs consommations et délaisseront les produits énergivores au profit de produits moins énergivores, aussi satisfaisants et moins coûteux, avec au bilan une satisfaction globale accrue.

Il va sans dire qu'avec un pouvoir d'achat à peu près identique à celui de la période antérieure, la plupart des citoyens verront par eux-mêmes qu'il est de leur intérêt de réorienter leurs consommations dans le deuxième sens, vers moins de déplacements oiseux, moins de climatisation, davantage d'isolation, une formule de covoiturage ou un logement plus proche du lieu de travail etc.

Tel ménage ne voit pas aujourd’hui d’intérêt à isoler sa maison car il lui en coûterait 4500 euros pour économiser tout juste 1000 euros d’énergie par an ; mais si l’an prochain, sa dépense d’énergie bondit à 1500 euros, l’isolation sera amortissable en 3 ans et non plus en 4 ans et demi. De quoi y réfléchir.

Tel salarié prend la voiture pour aller à son travail, à deux ou trois kilomètres de son domicile ; aujourd’hui un cas très répandu selon l’INSEE

16. Si l’an prochain, le prix du super passe de 1,5

euro à 2 euros, ce salarié se dira peut-être qu’il vaut mieux y aller à pied ou en bicyclette, pour le bien de son portefeuille… et de sa santé.

S’il fait des trajets plus importants, il comprendra très vite l’intérêt de réduire ses dépenses de trajet domicile-travail par le covoiturage ou d’autres solutions de transport, de façon à pouvoir affecter la « taxe redistribuée » à des usages plus profitables, comme d’inviter l’élue de son cœur au restaurant ou d’offrir des vacances à ses enfants ! Et pour lui rendre l'alternative plus facile, la SNCF et les collectivités locales relieront par des navettes de bus les villages et hameaux à la gare la plus proche, une solution autrement plus pertinente et somme toute moins coûteuse que les « cars Macron » de long cours (d’ores et déjà, des départements comme l’Hérault arrivent à financer des liaisons régulières par autocars entre les villages du département et le chef-lieu).

Sur le long terme, l'automobiliste et sa famille réévalueront leurs choix de vie et, plutôt qu’une maison isolée, avec les dépenses de transport et de chauffage afférentes, ils choisiront un appartement ou une maison bien calfeutrée, proche de leurs lieux de travail et de vie. Ainsi pourront-ils faire l’économie d’une ou deux voitures et s'épargner de nombreuses heures de trajet, avec la faculté d’employer le produit de la taxe (un à plusieurs milliers d’euros par an selon la taille de la famille) en partie au surcoût du logement, en partie à de nouvelles satisfactions.

L’avion devenant relativement plus cher que le train du fait de la taxe énergie, les Français privilégieront pour leurs vacances leur environnement proche : plutôt un hôtel de charme à la campagne qu'une usine à touristes à Saint-Domingue ! Les porte-conteneurs maritimes étant astreints à payer leur fioul à son juste prix, les babioles de Chine et des antipodes coûteront un peu plus cher à l'arrivée et ce sera tant mieux pour les industriels et artisans de l'Hexagone, tant mieux aussi pour l'emploi local...

16

Partir de bon matin, à bicyclette… La voiture demeure le moyen de transport le plus utilisé pour aller travailler. Ainsi, sur des trajets très courts, inférieurs à un kilomètre, 58 % des actifs y auraient recours (INSEE, janvier 2017).

Page 33: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 32 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Au final, chacun améliorera son bien-être tout en réduisant son « empreinte écologique », sans se torturer l'esprit ni se poser de cas de conscience, simplement en agissant dans le sens de son intérêt personnel, en disciple d'Adam Smith et de sa « main invisible » !

L’avion à un prix raisonnable

Un avion long-courrier brûle environ 40 tonnes de carburant pour transporter 400 personnes d’une rive à l’autre de l’Atlantique (aller simple). C’est 100 litres par passager, soit une dépense en carburant d’une cinquantaine d’euros, qui serait doublée avec l’introduction de la « taxe redistribuée » (50 centimes par litre). Un supplément de 50 euros par passager sur un voyage transatlantique n'a rien d'excessif mais peut conduire certains ménages à faire d'autres choix. On peut aussi envisager d'aligner le prix du kérosène sur celui du carburant automobile et de l'électricité en prélevant un euro de plus par litre et, bien sûr, en le redistribuant à l'ensemble des citoyens. Cela signifie par exemple un supplément de 150 euros sur chaque voyage transatlantique. L'augmentation n'est pas de nature à décourager les personnes qui ont besoin ou sérieusement envie de voyager. Mais elle doit être suffisante pour nous guérir de la bougeotte qui nous pousse à chercher sur les plages des antipodes un remède au mal de vivre et au stress de nos villes et de nos professions. Soulignons-le, dans l'aviation commerciale, la vérité des coûts par la taxation du kérosène sera salutaire à plusieurs titres : • Voyages aériens moins nombreux mais plus enrichissants : plutôt qu'un voyage annuel sur des sites saturés de visiteurs, les jeunes gens pourront s'offrir un grand voyage initiatique avec la satisfaction de ne plus se heurter à des charters de touristes grisonnants, • Coup d'arrêt à la massification du tourisme et à ses effets nocifs sur les sites et leurs habitants, • Last but not least, réduction des émissions de gaz à effet de serre. La même démarche peut s'appliquer au milieu maritime, avec une taxation plus normale du carburant des bateaux de croisière et des porte-conteneurs... Si l'augmentation des coûts de transport contribue à rétablir une concurrence plus équitable entre les produits manufacturés produits en Europe et les produits fabriqués en Chine ou au Bangladesh, qui s'en plaindra ?

Réévaluation à la hausse de la taxe sur l'énergie d’année en année

L’aspect le plus décisif sans doute de la « taxe redistribuée » est son autocorrection à la hausse suivant les attentes des citoyens eux-mêmes !

Si la taxe conduit les ménages et les entreprises à réduire leur consommation énergétique selon l’objectif recherché, il s’ensuivra au bout de la première année une diminution de la consommation nationale d’énergie.

Moins d’énergie consommée signifiera moins d’argent collecté et donc, en principe, moins d’argent redistribué aux citoyens dans la deuxième année ! Or, tous autant que nous sommes, nous avons horreur de voir nos revenus baisser. Nous n’apprécierions pas que l’État annonce au bout d’un an une diminution de l’allocation forfaitaire sous prétexte que nous aurions consommé moins d’énergie…

Pour maintenir à son niveau le montant de l’allocation forfaitaire mensuelle, le gouvernement augmentera donc le taux de la taxe. Ainsi répondra-t-il à l’attente des citoyens… tout en comblant l’objectif sous-jacent : rendre l’énergie toujours plus chère et moins désirable.

Reprenons l’hypothèse initiale d’une « taxe énergie » de 50 centimes d’euro pour 10 kWh d’énergie primaire (sont taxés les importateurs d’énergie fossile et les centrales de production d’électricité ou de chaleur).

Dans sa première année de mise en œuvre, nous avons estimé le produit de cette taxe à 80 milliards d’euros. Le tout est redistribué à l’ensemble des citoyens sous la forme d’une allocation forfaitaire moyenne de 100 euros par mois.

Page 34: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 33 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Dans la même année, supposons que les arbitrages des citoyens en matière de consommations plus ou moins énergivores conduisent à une baisse de 10% de la consommation d’énergie… et du produit de la « taxe énergie ». Il reste 72 milliards d’euros à redistribuer aux 66 millions de Français, soit en moyenne 90 euros par mois et par Français.

Pour éviter aux citoyens la déconvenue d’une allocation en baisse, plus visible qu’une hausse de quelques centimes sur les produits à forte densité énergétique, l’État va pouvoir augmenter la « taxe énergie » de 50 à 56 centimes d’euros pour 10 kWh. Ainsi les citoyens continueront-ils à percevoir 100 euros/mois en moyenne… et à réduire leur consommation d’énergie.

Soyons sûrs que la plupart des citoyens se laisseront très vite séduire par cette démarche qui ménage leur liberté de choix et n’altère en rien leur pouvoir d’achat. Ils accepteront d'année en année une inflation des prix énergétiques dès lors qu'elle sera compensée par une augmentation concomitante de leur budget.

La « taxe énergie » sera ainsi vouée à augmenter plus ou moins vite, jusqu’au moment où elle ne conduira à aucune nouvelle baisse de la consommation d’énergie. Ce sera le signe que les citoyens n’auront plus d’alternative satisfaisante à l’augmentation de prix des produits énergivores. L’énergie aura atteint son prix d’équilibre (ou « juste prix ») par rapport à l’ensemble des autres biens et services.

À ce stade, les économies d’énergie pourront encore se poursuivre mais à condition que se dégagent de nouvelles alternatives aussi sobres que satisfaisantes. L'État peut y contribuer comme nous le verrons plus loin, par exemple en améliorant les transports publics sobres (trains, tramways…) et en recentrant les services publics et les entreprises au cœur des villes et des bourgs de façon à réduire la nécessité d'une automobile...

Ainsi, sans contrainte ni appel à la morale civique, il est possible d'engager très vite un processus vertueux de réduction rapide de la consommation d'énergie, simplement par le biais de la « taxe redistribuée ».

Des contraintes réglementaires devenues inutiles

Avec l’introduction de la « taxe redistribuée », l’État pourra sans regret supprimer l'arsenal d'organismes, de décrets et de subventions qui prétendent agir sur les consommations d'énergie par l’interdiction ou la subvention. En effet, si le prix du carburant à la pompe et le prix du fioul de la chaudière augmentent de façon conséquente, il n'y aura plus besoin de subventions à l’achat de véhicules « propres » ou d'aides à la rénovation thermique des bâtiments : les ménages verront d’eux-mêmes qu’il est de leur intérêt d’isoler leur logement et brûler moins d’essence.

Des aides ciblées non pertinentes

Soulignons-le, les aides publiques dans le cadre de la « transition énergétique » ont davantage d’inconvénients que d’avantages. Les inconvénients sont de trois ordres : • Les aides publiques conduisent à des dépenses superfétatoires, par exemple quand un ménage vivant seul dans une grande maison choisit d’isoler toutes les pièces, y compris celles où il ne séjourne jamais, sous le simple motif que la dépense est remboursée par l’État (autrement dit l’ensemble des contribuables). • Les entreprises augmentent leurs prix en faisant valoir à leurs clients potentiels la remise potentielle apportée par les collectivités publiques ; c’est le cas par exemple avec les vélos électriques ou encore les équipements sanitaires pour personnes âgées. • Les aides publiques suscitent un effet d’aubaine et ouvrent la voie à des entreprises mafieuses qui profitent des trous de la réglementation ; c’est le cas en particulier avec le marché des éoliennes qui profite en France d’un prix garanti d’environ 140 euros/Mwh quand le prix de l’électricité sur le marché libre, dit Spot, tourne autour de 45 euros/MWh. La suppression de tout ou partie de ces aides ciblées peut être utilement contrebalancée par la mise en œuvre et le financement de politiques publiques destinées à libérer les citoyens de

Page 35: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 34 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

l’emprise énergétique ainsi que nous le montrons plus loin (mobilité, resserrement des villes, agriculture etc.).

La baisse spontanée de la consommation d'énergie profitera à l'environnement mais aussi à l'économie nationale, grâce à une diminution des importations d'énergies fossiles et donc une amélioration de la balance commerciale.

Allégé d’une grande partie de ses dépenses au titre de la « transition énergétique et climatique », par exemple des subventions aux importateurs d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques, l’État verra naturellement ses comptes s’améliorer et pourra du coup alléger les impôts qui pèsent sur les entreprises, en premier lieu les entreprises manufacturières et agricoles qui sont confrontées à la concurrence étrangère et pourraient pâtir de l’augmentation du prix de l’énergie.

Les industriels feront eux-mêmes des efforts pour réduire la part de l'énergie dans leurs coûts. Ceux qui n'y arriveront pas devront augmenter le prix de leurs produits au risque de voir leurs ventes baisser.

Au final, la « taxe redistribuée » agira sans douleur sur la consommation et l'importation d'énergies fossiles, en engageant le pays dans un processus vertueux qui concilie sobriété énergétique, bien-être et préservation de l'environnement.

Les débats actuels sur les énergies « renouvelables » et les autres n'auront plus lieu d'être. Plus besoin de choisir entre centrales au charbon et centrales nucléaires. Dès lors que la consommation énergétique sera fortement orientée à la baisse, il suffira d'ajuster la capacité de production en fermant à mesure les centrales les plus désuètes et/ou les plus polluantes.

Garde-fou vis-à-vis de la concurrence étrangère

Dans le cas exceptionnel où, du fait de la « taxe énergie », des entreprises manufacturières seraient pénalisées par rapport à leurs concurrentes étrangères, elles seraient en droit d'adresser une réclamation à l'État. Dans l'hypothèse d'un surcoût d'au moins 5% sur le prix de vente final de leurs produits, l'État se donnerait le droit de taxer les importateurs et distributeurs des produits concurrents. Cette entorse aux règles de l'Union européenne pourrait se justifier par le droit d'expérimentation dont bénéficient les États et par son caractère temporaire (en attendant que soit validée - ou invalidée - la stratégie française). L’État a aussi la faculté de pénaliser les produits de provenance étrangère ou lointaine en instaurant une taxe spécifique sur les bateaux qui accostent dans les ports nationaux et les camions et trains de marchandises qui franchissent la frontière. La taxe serait proportionnelle à leur tonnage Mais cette démarche a tout lieu de rester exceptionnelle. Pour des professions spécifiques comme les chauffeurs de taxis, l’État peut mettre en place une dotation spéciale à titre temporaire tout en veillant à ce que ces professionnels paient leur carburant au même prix que tous les autres. Cette règle d’équité est essentielle pour prévenir les pressions politiques et les passe-droits et les encourager à réduire leurs consommations.

Exemplaire !

Si la « taxe redistribuée » conduit les Français à réduire d'un tiers ou de moitié leur consommation d'énergie en quelques années, quel effet cela aura-t-il sur le dérèglement climatique ? À première vue aucun. La France compte pour environ 3% de l'économie mondiale et des émissions de gaz à effet de serre et ses efforts n'arrêteront pas la catastrophe en cours. Sauf qu'ils auront valeur d'exemple...

Avec une mise en œuvre rapide de la taxe énergie, sans violence faite aux citoyens, avec des résultats instantanés et un processus vertueux d'auto-incitation à la sobriété, avec au final de meilleures conditions de vie pour les habitants (et les touristes) : moins de pollution par les particules, moins de stress par le bruit et les encombrements routiers, moins d'accidents etc.,

Page 36: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 35 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

avec de meilleurs indicateurs économiques : moins d'importations énergétiques, nul doute que l'initiative fera école, d'abord auprès des autres États de l'Union européenne, ensuite auprès des nations d'Asie...

Attendons-nous toutefois à ce que les États-Unis, attachés hors de raison à leur mode de vie, résistent encore longtemps à la vague ou tentent de lui faire obstacle. Raison de plus pour avancer sans attendre leur bon vouloir.

Les palinodies des rencontres au sommet telle la Cop 21 ne permettent pas de croire à une concertation internationale pour sauver notre écosystème. Trop de financiers et industriels cupides s'y opposent et n'hésitent pas pour cela à acheter les gouvernants et les médias. C'est évident aux États-Unis où le pétrole et l'automobile occupent une place de premier plan. Ça l'est aussi en Allemagne où les constructeurs automobiles et l'agrochimie (Bayer-Monsanto) sont prêts à tous les coups bas, genre « Dieselgate » (mensonge éhonté de Volskwagen sur les performances de ses véhicules diesel) pour faire capoter les initiatives européennes.

Pour sortir de l'impasse et rendre l'espoir aux hommes, il appartient à des démocraties souveraines comme la France ou, pourquoi pas ? la Suisse de montrer la voie. La « taxe redistribuée » est la première étape indispensable pour raréfier l'énergie en la rendant plus chère et moins désirable. Dans la foulée peuvent venir d'autres mesures pour recréer des villes à la mesure de l'homme, réinventer une agriculture saine et moderne à la fois, offrir à chacun des perspectives de vie séduisantes et sobres à la fois...

Page 37: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 36 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT

5 La vraie ville, c’est la ville sans

automobiles

L'automobile est au cœur de notre mode de vie et en première ligne dans le dérèglement climatique par sa consommation de carburant et plus encore par l'industrie qui tourne autour d'elle. Elle est aussi à l'origine de l'éclatement des villes, de la dispersion des activités et de l'allongement des transports, toutes choses consommatrices d'énergie. En matière urbaine, toutefois, des solutions sans automobiles (ou presque) sont à notre portée. Elles concilient bien-être individuel, harmonie sociale et lutte contre le réchauffement climatique.

Il y a un demi-siècle, l'économiste et démographe Alfred Sauvy avait déjà entrevu l'impasse du tout-automobile (Mythologie de notre temps, 1965) : saccage des villes et des campagnes, ruine de l'urbanisme, pression sur les budgets des ménages, importations de pétrole. Et il ne connaissait rien du réchauffement climatique ! Un peu plus tard, le philosophe Ivan Illich avait relancé la critique de la société automobile dans un petit livre à succès (La convivialité, Seuil 1973). Mais l’automobile est aussi le chef d'œuvre du XXe siècle comme la cathédrale le fut des XIIe-XIIIe siècles. Elle réunit le meilleur de nos savoir-faire en matière de technologie, de design et de marketing. Elle est au centre de notre culture comme l'a brillamment exprimé le sémiologue Roland Barthes dès 1956 (Mythologies, Seuil).

L’automobile représente le nec plus ultra de la technologie, avec plus d'une tonne d'alliages spéciaux, de matériaux composites, de composants électroniques dont la mise en œuvre a nécessité une énergie considérable. Avec le moteur à explosion, elle convertit elle-même l'énergie primaire (carburant) en travail et en électricité. Elle roule jusqu'à près de 200 km/h avec quatre ou cinq personnes confortablement installées. On peut comprendre dans ces conditions qu'il nous soit difficile d'imaginer un avenir prospère et heureux sans elle.

Pour l’automobile, nous mobilisons des moyens exceptionnels, que ce soit dans l'extraction de pétrole et de métaux, le raffinage du carburant, la production métallurgique et électronique, le montage des véhicules, leur promotion et leur vente, l'entretien des chaussées et la construction des autoroutes et des infrastructures, les agences de publicité, les garages etc. Au total, dans nos pays avancés, un cinquième à un tiers des actifs consacrent leur vie et leur énergie à la production de ces monstres sacrés. En France même, l'industrie automobile au sens strict (constructeurs et équipementiers) représente à elle seule environ 200 milliards d'euros en 2018, près de 10% du PIB.

En 2018, les pays développés ont un taux d'équipement en automobiles et véhicules légers de l'ordre de 600 pour mille habitants (enfants et vieillards inclus). Les États-Unis caracolent en tête avec 800, talonnés de près par... l'Italie (700). Les pays émergents tels que la Chine, la Turquie, le Brésil ou l'Afrique du Sud sont derrière avec un taux d'équipement de l'ordre de 100 pour mille habitants mais une croissance très rapide. On a fabriqué en 2017 environ 90 millions d'automobiles dans le monde et la production croît de 4% par an (Observatoire Cetelem de l'automobile) !

Le tout-automobile ne suscite plus aucun débat dans les pays développés. Personne ou presque n'imagine plus de pouvoir vivre sans voiture, avec en prime la faculté de s'évader chaque année en avion vers des paradis factices. Chacun se voit sur quatre roues et au cinéma, on ne connaît

Page 38: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 37 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

pas de films dont les héros ne se déplacent pas au volant de leur voiture. Même parmi les intellectuels qui plastronnent sur les plateaux télé, il s’en trouve très peu qui osent mettre en question l’idée que chaque adulte ait vocation à posséder une voiture.

Un choix politique universel

Comment en sommes-nous arrivés là ? Dans un premier temps, à l’époque de Barthes, Sauvy et Illich, le dynamisme de l’industrie automobile a incité des entrepreneurs visionnaires à créer de grandes surfaces commerciales à l'écart des villes et accessibles seulement en voiture. Ce fut le cas en France de Marcel Fournier et Denis Defforey qui ouvrirent le premier Carrefour en 1963. Dans un deuxième temps, l'attrait de ces hypermarchés a conduit les chalands à délaisser les commerces traditionnels qui participaient à l'animation des villes.

Simultanément, la classe politique s'est fait un devoir d’accélérer la motorisation, sur le modèle américain. « Il faut adapter la ville à la voiture », répétait inlassablement le président Pompidou au début des années 1970, suggérant que le modèle urbain européen hérité du Moyen Âge avait fait son temps. On a donc multiplié les voies autoroutières et les parkings, y compris dans les centres historiques comme à Tours, Amiens ou Reims.

Depuis les années 1990, l'éclatement des villes traditionnelles s'accélère. Choisissant la facilité, les pouvoirs publics et les patrons n'ont de cesse de « délocaliser » services publics et entreprises à l'écart des villes et des villages. Ils y sont encouragés par la disponibilité de terres agricoles à bas prix. Les citoyens, devenus dépendants de leur automobile, s'en accommodent et n'y trouvent rien à redire.

Ainsi l'ex-Région Poitou-Charentes s’est flattée d'inaugurer en plein champ un lycée « aux normes environnementales » mais les élèves et les enseignants ne peuvent y accéder qu'en véhicule motorisé ! Le constructeur automobile Renault a ouvert un Technocentre ultramoderne à 30 km de Paris au milieu des champs de betteraves… et chacun de s'étonner ensuite de l'épidémie de suicides au sein de ce bijou sinistre de verre et de métal. Au nord de Paris, on annonce sur plusieurs centaines d'hectares de riches terres agricoles la création d'un centre commercial géant, Europa-City, et l'on fait valoir les emplois qui seront créés... mais sans s'interroger sur tous ceux qui seront détruits dans les commerces traditionnels des alentours. Dans les villages, les maires investissent à tour de bras dans des salles des fêtes, des écoles ou des maisons de santé et les implantent sur le premier terrain disponible, tel que les usagers sont obligés de s’y rendre en voiture.

Pas plus dans les grandes villes que dans les villages, on ne réfléchit désormais à une politique urbanistique de long terme. Tout au plus confie-t-on à quelques architectes, à Paris par exemple, le soin de remodeler tel ou tel espace, sans vision globale sur l'avenir de la ville et de ses habitants. C'est l'aboutissement du « rêve » américain : un espace déstructuré et des individus livrés au seul appétit des marchands : promoteurs, constructeurs automobiles, fournisseurs - américains - de services en ligne (Uber, Amazon...).

Nous touchons aujourd'hui aux limites de cet anti-modèle avec la désintégration des solidarités sociales et de l’État-providence et, plus grave que tout, l'imminence d'une catastrophe écologique.

L'automobile pour quoi faire ?

L’automobile est sans rivale quand il s'agit de désenclaver des habitats isolés et des villages. Elle est aussi une sérieuse concurrente du train dans les liaisons de ville à ville. Par contre, elle perd tous ses moyens à l'intérieur des petites et grandes agglomérations. Pourtant, c'est là qu'elle est le plus utilisée et cause le plus de dommages environnementaux (émission de gaz à effet de serre et de particules fines).

Page 39: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 38 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Pour ses besoins propres (voirie et parkings), elle mobilise près de la moitié de l'espace public dans les villes. Avec les deux-roues motorisés, elle est le principal facteur de saturation des villes (espace, bruit, pollution de l'air). Une ville comme Paris (20 000 hab/km2) serait un havre de paix et de tranquillité sans ce bijou d'une tonne qui transporte à peine plus d’une personne en moyenne à une vitesse légèrement supérieure à celle d'un piéton ou d'un cycliste. Il faut souvent plus de temps en voiture qu'en métro pour traverser la capitale. Et c'est sans compter le temps de trouver une place de parking !

Il n’y a pas que Paris. Les vieux centres urbains et les villages, fruits d'une lente maturation historique, ont été au cours du dernier demi-siècle étranglés par des zones pavillonnaires, commerciales, industrielles et routières qui ne ressemblent plus à rien. Le mitage périurbain aura mis moins d'une génération à détruire les campagnes modelées par quarante générations de paysans précautionneux.

Pour ne rien arranger, on lotit aujourd'hui les campagnes françaises par lots d'une surface minimale réglementaire de 2 500 m2. À raison de quatre maisons par hectare, cela signifie une densité moyenne d'environ 1 200 habitants/km2, ce qui conduit à transformer tout le territoire national en un immense lotissement tissé de voies de communication et de zones d'activité et de commerces !

Des milliers de chefs-lieux de canton, en France, ont aujourd’hui l’allure de villes-fantômes, avec un cœur historique et commercial à l’abandon - vitrines brisées, squats de chômeurs et d’immigrés pauvres -, ceinturé par des ronds-points, entrepôts, terrains vagues et maisons isolées, centres commerciaux, écoles et collèges, maisons de santé et lotissements, dans un rayon qui peut dépasser deux kilomètres pour des agglomérations d’à peine trois mille habitants. Sortir de chez soi à pied et se rendre à la boulangerie la plus proche devient une opération de tous les dangers pour les adultes et plus encore les enfants.

L'éclatement urbain est l'une des principales causes du gaspillage d'énergie à l'origine du dérèglement climatique : • Il rend nécessaire de longs trajets quotidiens en voiture, • Il entraîne les jeunes ménages dans une fuite en avant, toujours plus loin, vers les derniers lieux encore épargnés par la saturation automobile, le bruit et la pollution, • Il accroît les coûts d'infrastructures (réseaux routiers, électriques...) et les nuisances ordinaires (bruit, pollution, maladies respiratoires, gâchis visuel, saccage de paysages ancestraux...).

- Se loger à moindre prix ? Illusion

La première justification apportée à ce phénomène est l'impossibilité de se loger à un prix raisonnable dans les villes. Attirés à la campagne par le moindre coût du foncier, les néo-ruraux ou « rurbains » (ni ruraux ni citadins) sont devenus de plus en plus dépendants de l'automobile, que ce soit pour les courses, pour le travail, pour l'école ou pour les loisirs.

Plus grave, les économies que les néo-ruraux ont cru faire dans le logement se sont converties en dépenses contraintes supplémentaires. Aujourd’hui, d'après l'Agence de l'Environnement (ADEME), le coût d'utilisation d'une petite voiture revient en effet à 500 euros par mois dont un tiers pour l'amortissement. Considérant que le revenu médian des ménages est de l'ordre de 1800 euros par mois (la moitié des ménages est au-dessus, l'autre moitié au-dessous), considérant que les ménages, même les plus modestes, sont souvent contraints d'avoir deux voitures pour les trajets domicile-travail, c'est plus d'un tiers des revenus familiaux qui sont mangés par l'automobile, autant que le logement.

En se logeant en centre-ville, au plus près de leur emploi et de toutes les commodités urbaines, beaucoup de familles pourraient faire l'économie d'une ou deux voitures, ce qui compenserait en général le surcoût de leur loyer. Encore faudrait-il que les gouvernants orientent les citoyens dans cette voie comme nous le verrons plus loin.

- Vivre à la campagne : rêve ou cauchemar ?

Page 40: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 39 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

L’autre justification de l’éclatement urbain est la prétendue aspiration des Français à « vivre à la campagne ». Cette « aspiration » n’a rien d’une préférence pour la vie bucolique dans la solitude des champs. Elle résulte plus sûrement du refus de vivre dans des agglomérations inhumaines, polluées, bruyantes et stressantes. Au final, elle aboutit à passer plus de temps au volant de sa voiture qu’à se divertir avec ses enfants et se retrouver dans un lotissement environné d’échangeurs, d’entrepôts et de lignes haute tension.

Engageons une politique urbaine volontariste, comme autrefois Napoléon III et le baron Haussmann ou, plus près de nous, de Gaulle et Paul Delouvrier. Faisons de nos villes et de nos bourgs des havres de paix et nous allons voir ce qui restera de ladite aspiration de nos concitoyens à vivre au milieu des champs !...

Cités du futur, cités humaines

Nos médias se plaisent à nous montrer en Extrême-Orient et sur le Golfe des projets révolutionnaires de gratte-ciel végétalisés. Reste que ces immeubles de grande hauteur demeurent beaucoup plus énergivores et coûteux que des immeubles de petite taille, ne serait-ce qu'en raison des équipements supplémentaires qui leur sont indispensables : climatisation, sécurité incendie, batteries d'ascenseurs... Ils s'insèrent aussi dans des espaces immenses où l'emploi de l'automobile est impératif.

En matière d'urbanisme écologique, on a fait mieux et l’on peut espérer bien mieux…

Il suffit de considérer le centre de Paris, conçu il y a cent cinquante ans par le baron Haussmann et Napoléon III ! Avec des transports en commun diversifiés, de nombreux commerces et emplois de proximité et une grande mixité sociale, la ville haussmannienne offre un cadre de vie plutôt convivial sur un espace restreint. Le VIIe arrondissement de Paris, par exemple, avec ses esplanades et ses avenues, a un aspect très riant malgré une densité élevée de 15 000 habitants au km2.

Les inconditionnels de la chlorophylle peuvent quant à eux revisiter les cités-jardins, un modèle inventé en Angleterre il y a un siècle et théorisé par l'urbaniste Ebenezer Howard dans son essai : Les cités-jardins de demain (1902).

Il s'agit d'unités urbaines d'environ 30 000 habitants et un kilomètre de rayon (10 000 hab/km2), avec un habitat essentiellement pavillonnaire, un large éventail de services et d'emplois, une ceinture verte pour les loisirs et l'approvisionnement en produits frais.

Ces unités urbaines sont dédiées à la marche (on va en un quart d'heure du centre à la périphérie).

L’automobile reste néanmoins présente pour les nécessités des services publics. Les particuliers peuvent eux-mêmes rouler en voiture dès lors qu’ils en ressentent la nécessité mais cela ne concerne qu’une petite fraction de la population.

La voirie automobile peut être de ce fait limitée au minimum : des voies généralement à sens unique, pas de stationnement sur les bas-côtés mais des trottoirs élargis et arborés.

Ces unités urbaines peuvent par ailleurs être reliées entre elles par des transports en site propre (trains ou tramways) de façon à constituer des grappes urbaines (clusters) de plusieurs centaines

Page 41: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 40 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

de milliers d'habitants, avec une grande diversité d'emplois facilement accessibles en train ou en tram.

Les Anglais en ont construit quelques-unes dans le Grand Londres (Letchworth, Welwyn). Les cités-jardins ont aussi commencé de s'implanter sur le Continent avant d'être éradiquées par l'american way of life avec ses zones pavillonnaires organisées autour de l'automobile.

Il doit être possible aux gouvernants et aux édiles locaux de restaurer des villes à taille humaine,

conviviales et non-polluées, autrement dit débarrassées de l'automobile. Ils y arriveront en

mettant leurs concitoyens en condition de s’orienter tout naturellement vers le mode de vie le

moins énergivore qui soit.

La ville de Paris offre déjà un timide aperçu d'une vie sans automobile ! Dans la capitale française, la moitié des ménages ne possèdent pas de voiture. Chacun ou presque peut en effet aller à son travail en métro ou en bus, voire en vélo, et la plupart des services et des loisirs sont partout accessibles à pied. Pour les sorties dominicales et les vacances, c'est le train ou la voiture de location. D'après la mairie, moins d'un quart des automobilistes parisiens sont dans la nécessité d'utiliser la voiture ; les autres pourraient aussi bien utiliser des moyens alternatifs : métro, bus ou marche à pied. Leur préférence pour l'automobile tient à des préjugés (appréhension de la promiscuité ou de la saleté) plus qu'à la raison (il est plus rapide et plus sûr de traverser la capitale en métro qu'en voiture).

D'autres villes ont commencé à se dégager de l'emprise automobile. C'est le cas de Strasbourg et Montpellier, ou du moins de leur centre historique, où l'on se surprend à flâner sans stress, du fait de l'absence de bruit et de pollution. C'est aussi le cas de Turin qui privilégie le piéton dans le très vaste quadrilatère de son centre historique.

En matière de relations interurbaines, la Suisse montre l'exemple. Dans ce pays, tous les villages, y compris les plus reculés, sont accessibles dans de bonnes conditions par les transports publics, train, tramway, bus, avec d'excellentes correspondances entre les uns et les autres.

Ainsi peut-on concevoir des sociétés modernes libérées de la pression automobile, où chacun peut combler ses besoins physiologiques, affectifs, éducatifs, culturels... avec un minimum de contraintes de transport et dans de bien meilleures conditions qu'aujourd'hui.

Un urbanisme du possible

Imaginons les cités-jardins de demain. Dans ces villes du futur, la voirie automobile sera limitée aux besoins prioritaires (services publics, urgences…) et l’essentiel de l’espace réservé aux humains. Avec une voirie automobile réduite au minimum, une majorité de maisons individuelles, une profusion d’espaces verts, un ou plusieurs centres urbains équipés en services et commerces aisément accessibles à pied, on pourra néanmoins s’autoriser des densités relativement élevées de 10 000 hab/km2 (contre moins de 1000 hab/km2 aujourd’hui dans nos métropoles et nos bourgades ceinturées de ronds-points et d’espaces vagues). C’est ainsi que dans un rayon d’un kilomètre à peine, il sera loisible d’aménager une cité harmonieuse de vingt à trente mille habitants dotée de tous les agréments de la modernité. Qui plus est, grâce à des liaisons interurbaines rapides (trains, tramways, autocars) avec les villes environnantes, chacun bénéficiera à bon compte d’un bassin d’emploi et de loisirs équivalent à celui d’une grande métropole. N’est-ce pas mieux que les cités futuristes type « Cinquième dimension » que nous promettent Bahreïn, Shanghai et Singapour ? .

Page 42: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 41 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT

6 Agir pour une vie plus humaine

On a vu comment éteindre notre soif d'énergie par une « taxe énergie redistribuée » : elle peut conduire chacun de nous, sans contrainte et sans douleur, à arbitrer le plus naturellement du monde en faveur des solutions les plus sobres en énergie.

Reste à développer ces solutions et en premier lieu lever les obstacles juridiques, réglementaires ou fiscaux qui les entravent pour qu’année après année, les citoyens puissent convertir leur allocation forfaitaire énergie en nouvelles économies d’énergie.

Depuis plusieurs décennies, méthodiquement ou sans y penser, nous organisons notre société et nos vies autour de l'automobile et de l'énergie à bas prix. Ainsi allongeons-nous nos déplacements sans réel profit, au détriment de notre temps libre et de notre revenu disponible. Ainsi faisons-nous venir des produits de l'autre bout du monde, au détriment de l'emploi de nos voisins et de nos enfants. Ainsi nous alimentons-nous en concentrés agro-chimiques au détriment de notre santé...

Ces non-sens ont débouché une crise environnementale comme la planète n'en a jamais connu depuis l'apparition du genre Homo. Mais ils ne sont pas irréversibles ni fatals. Nous proposons de nous en défaire par des incitations positives, sans contrainte et sans surcoût pour quiconque.

Cette politique peut tirer parti de la suppression des aides ciblées relatives à la « transition énergétique » (subvention de l’électricité éolienne ou photovoltaïque, achat de véhicules réputés « propres », aides à l’isolation thermique etc.). Ces aides, qui représentent plusieurs dizaines de milliards d’euros par an rien qu’en France, sont pour la plupart d’une efficacité médiocre, sinon nulle. Elles deviennent inutiles avec la mise en place de la taxe énergie redistribuée et peuvent dès lors être réorientées vers des incitations à vivre mieux et sobrement.

Ambition collective et courage politique

Énumérons ces incitations et chacun constatera qu’elles sont à notre portée. Il y faut seulement de l’audace, du courage et de la volonté… comme en ont eu nos ancêtres chaque fois qu’ils ont été confrontés à de graves crises.

-Stopper le mitage des campagnes :

L’aménagement du territoire doit redevenir une priorité politique. Il a cessé de l’être à la fin des années 1980, quand les classes dirigeantes se sont vouées au néolibéralisme.

En France, sous prétexte de décentralisation, on a confié aux 36 000 maires les permis de construire et la pleine gestion de leur budget (recettes et dépenses). Tous les impératifs en matière d’aménagement se sont alors effacés devant le souci primordial de complaire à l’électeur. Quel élu prendrait le risque de se fâcher avec un électeur en lui refusant un permis de construire ? Au nom du « marché » - et en fait grâce à la chute du prix des terrains agricoles -, on ne s’est donc plus privé de bétonner à qui mieux mieux les espaces ruraux et de détruire le subtil ordonnancement multiséculaire de nos villes et villages.

Page 43: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 42 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Plus grave encore, la décentralisation a livré les maires à la merci des grands groupes financiers. C’est que 31 000 communes ont moins de 2 000 habitants et seulement 1 000 en ont plus de dix mille. Dans les communes rurales, les maires sont dans leur immense majorité des hommes et des femmes honnêtes et pleins de bonne volonté, mais sans expérience en matière de gestion et sans vision politique. Retraités de l’agriculture, de l’Éducation nationale ou de l’administration, ils sont incapables de résister au sourire carnassier des jeunes « requins » qui les démarchent de la part des grands groupes (Vinci, Eiffage, Leclerc, Carrefour etc.) et les convainquent de lâcher une fraction de leur territoire en échange d’un supplément de recettes fiscales et de la promesse de quelques emplois.

Stopper ces dérives suppose qu’aucun maire ne puisse plus signer de permis s’il n’a pas d’abord été validé par les services d’urbanisme de l’État ; qu’aucune construction ne soit plus autorisée hors des agglomérations, villages et hameaux (sauf obligation de service public) ; qu’aucun sol naturel ne soit imperméabilisé sans qu’une surface au moins égale ne soit rendue à la nature ou à l’agriculture (cela concerne aussi la construction de parkings, routes et infrastructures).

Enfin on peut attribuer aux propriétaires agricoles et forestiers une allocation forfaitaire à l’hectare sous la seule condition que leur sol ne fasse l’objet d’aucun apport de produits phytosanitaires ! Sur le même principe que la taxe énergie redistribuée, cette allocation peut être alimentée par une taxe sur les sols imperméabilisés, y compris les routes et parkings. C’est d’un côté un encouragement à conserver les sols à l’état naturel, de l’autre côté une incitation à optimiser les sols artificialisés, quitte à en « renaturaliser » une partie.

- Réunir les communes rurales autour d'un chef-lieu bien équipé :

Dans les campagnes françaises, la plupart des communes traditionnelles n'ont plus aujourd'hui que quelques dizaines ou quelques centaines d'habitants permanents, généralement des retraités ou d'anciens agriculteurs. De la taille d'un immeuble parisien, elles sont trop dépeuplées pour pouvoir constituer des centres de vie décents et se gérer correctement. À cette petite échelle, leurs maires ne peuvent rien ambitionner de mieux que de construire une salle des fêtes ou goudronner les chemins vicinaux.

On peut maintenir symboliquement en place les petites communes - ainsi que leur maire et son indemnité -, tout en les regroupant sous forme de municipalités de quelques milliers d'habitants- les cantons actuels -, avec un seul budget et un chef-lieu où, dans un rayon de quelques centaines de mètres, seront regroupés les services publics et attirés les commerces.

Il est essentiel d'avoir pour l'ensemble de la municipalité un seul budget et un décideur unique afin de ne pas reproduire les inconvénients des intercommunalités actuelles : dans celles-ci, chaque commune conserve son budget et son pouvoir de décision, avec au bilan des dépenses redondantes, des conflits de personnes et des surcoûts parfois phénoménaux.

On peut ainsi concevoir en France, en sus des agglomérations existantes, cinq mille municipalités à dominante rurale de trois à dix mille habitants environ, avec un chef-lieu bien équipé et quasiment réservé aux piétons, les automobiles étant reléguées à la périphérie comme dans les villages de Kaysersberg (Alsace) ou Cucugnan (Languedoc).

Ces cinq mille municipalités doivent être dotées de tous les services publics indispensables à la vie d’une collectivité : poste, écoles, collège, maison de santé, commissariat... Elles peuvent avoir aussi l’obligation d’accueillir un minimum de commerces de proximité (tabac-presse, café-restaurant, boulangerie, épicerie, boucherie-charcuterie…) quitte à les subventionner si les volontaires se font désirer. Le législateur peut enfin leur demander d’organiser en leur chef-lieu un marché hebdomadaire ou quotidien où les producteurs locaux pourront vendre leurs produits sans autre charge qu’une TVA à taux réduit et un loyer symbolique pour leur emplacement.

Dans le même temps, il serait essentiel de renforcer les départements comme échelon intermédiaire de proximité avec des préfets et des conseils départementaux bien outillés pour

Page 44: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 43 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

assister les municipalités rurales et coordonner leurs efforts (on peut dans le même temps supprimer les sous-préfectures et les Régions).

À la différence des treize Régions actuelles, artificielles et ridiculement trop grandes (la Nouvelle Aquitaine a 500 km de long), les départements, qui ont en moyenne la taille de deux cantons suisses, se prêtent à une gestion sage et démocratique. On les a critiqués parce qu'ils avaient été adaptés, il y a deux cents ans, à des déplacements à cheval ou en carriole. Mais ce qui apparaissait comme un archaïsme au temps du président Pompidou et de la « bagnole » devient un avantage dès que l'on veut favoriser la proximité et limiter les déplacements !

- Donner à la SNCF mission de relier les ruraux au chef-lieu du département :

Aux habitants des campagnes qui n'ont pas l'envie ni la possibilité de se rapprocher d'un centre urbain, offrons une liaison aisée avec le reste du monde sans qu’elles aient besoin d’une voiture particulière !

Relions par une navette d’autocars les communes et les hameaux au chef-lieu de la municipalité ainsi qu'à la gare ferroviaire la plus proche. Ces navettes doivent être adaptées aux horaires des trains de façon à permettre à quiconque un aller-retour au chef-lieu du département ou à la grande ville la plus proche dans la demi-journée.

L'État peut mobiliser la SNCF sur cet objectif en la ramenant à sa vocation de service public « à la française ». Le coût de ce service (un à trois autocars avec chauffeur par municipalité) est à mettre en rapport avec les avantages de toutes natures : revitalisation des campagnes ; fin des embouteillages automobiles avec le stress, la pollution et les pertes de temps que cela engendre ; hausse du revenu disponible pour les habitants qui n'ont plus besoin d'une voiture etc.

Et tant pis pour la direction actuelle de la SNCF qui rêve d'aligner la compagnie ferroviaire sur l'anti-modèle des compagnies aériennes à bas coût type Ryanair ! Tant pis pour les compagnies de cars « Macron » qui défient le bon sens : elles sont réservées aux longues distances, là où le train a toute sa pertinence, et affichent des déficits qui vaudraient la corde à leurs dirigeants s'ils étaient à la tête de la SNCF et non de sociétés à capitaux privés.

- Des villes et des bourgs conçus pour les piétons :

Nous devons privilégier des structures urbaines autonomes et de taille modeste d'un kilomètre de rayon et vingt à trente mille habitants, avec des équipements et services de proximité, en nous inspirant des cités-jardins interconnectées d'Ebenezer Howard.

Il faut en finir avec le big is better et les « économies d'échelle » illusoires qui nous font préférer les unités géantes (hôpitaux, fermes des mille vaches, hypermarchés, lycées de plusieurs milliers d’élèves...) aux unités de petite taille et plus proches des usagers. Cela vaut pour les villes existantes, en relocalisant les services publics et les établissements scolaires à proximité des usagers de façon que chacun y accède à pied ou en vélo.

Cela vaut aussi pour les grandes villes, y compris les agglomérations comme Lyon ou Marseille, où l'on peut concevoir des quartiers autonomes avec leurs rues commerçantes, leur centre affecté aux loisirs et leurs services publics de proximité, y compris mairie, impôts et commissariat. Rien de plus que ce qui existe déjà à Paris ! Toutes ces agglomérations, y compris Paris, sont en mesure de quasiment chasser l'automobile de l'espace public en améliorant la qualité de leurs réseaux de transports en commun

17.

17

Transports en commun : qualité ne rime pas avec gratuité

Gardons-nous de faire rimer qualité avec gratuité : on ne respecte que ce que l’on paie et cela vaut en particulier avec les transports en commun. Il est important que chaque usager paie un écot, même modeste, pour garder à l’esprit que le transport est un service public qui se mérite.

Page 45: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 44 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

- Inciter entreprises, commerces et administrations à se rapprocher de leur public :

Les entreprises, commerces et administrations doivent être impliqués dans la politique de « recentrement » pour qu'elle ne reste pas cantonnée à un slogan de campagne :

• La loi peut obliger tous les établissements recevant du public (administrations et commerces) à être accessibles à pied par 80% au moins de leur public habituel, autrement dit que 80% de leurs habitués résident dans un rayon de deux kilomètres au maximum ; à défaut, ces établissements seront astreints dans un délai de cinq ans à payer une taxe et participer au financement de transports ad hoc.

• Une astreinte du même type peut s'appliquer aux entreprises avec une taxe proportionnée à l'éloignement de leurs salariés.

Sur le même principe que la taxe énergie redistribuée, ces taxes sur l'éloignement pourront être entièrement redistribuées aux administrations et commerces en proportion de leurs salariés, clients et usagers qui habitent dans un rayon de deux kilomètres au maximum.

- Louer ou acheter un logement proche de son lieu de travail :

Les citoyens, quels qu'ils soient, doivent avoir toutes facilités pour changer de logement et se rapprocher de leur lieu de travail s’ils le souhaitent. S’ils ont l’opportunité de changer de travail, ils ne doivent pas en être dissuadés par la difficulté de vendre leur logement et se rapprocher de leur nouveau lieu de travail.

Trois anomalies les en dissuadent aujourd'hui et freinent la mobilité du marché immobilier :

• Les transactions immobilières sont imposées sur la totalité de leur montant : il s’ensuit que les acheteurs sont dissuadés de revendre leur bien aussi longtemps que sa valeur ne se sera pas au moins accrue du montant de l'impôt (si j’achète un bien cent mille euros et paie là-dessus cinq mille euros de droits de mutation, j’hésiterai à le revendre à moins de cent cinq mille euros).

Nous préconisons au lieu de cela une taxe de 20% (ou davantage) sur la valeur ajoutée (différence entre le prix d'achat initial et le prix de vente). Dès lors, l’acheteur n’a plus d’hésitation à revendre son bien ; il peut le céder à prix coûtant sans perdre d’argent et cela peut l’encourager à se rapprocher de son lieu de travail habituel. D’un autre côté, notons-le, la taxe sur la valeur ajoutée est de nature à limiter les trop fortes augmentations de prix et la spéculation immobilière…

• Les locations sont raréfiées du fait que les bailleurs craignent les mauvais payeurs : les bailleurs multiplient les demandes de garanties avant de louer un logement car, en cas de non-paiement du loyer, ils peuvent être astreint à des procédures juridiques sans fin et très coûteuses.

Le bon sens voudrait que tout ménage empêché de payer son loyer puisse communiquer ses raisons à la mairie de sa ville : si ses raisons sont valides (accident de la vie), la mairie s'oblige à payer sans délai le loyer à sa place ou à le reloger ; si ses raisons ne sont pas valides (grivèlerie), le bailleur est habilité à le faire expulser dans un délai de trois ou quatre semaines sans qu’il soit besoin d’un jugement. Ainsi les mauvais payeurs ne pourraient plus compter sur les lenteurs de la justice et les bailleurs n'auraient plus de réticences à louer et investir dans le secteur locatif, y compris à des ménages en situation de précarité ! Cette démarche serait somme toute bien moins coûteuse que le financement du secteur social, à l’adresse des ménages modestes.

• Les prêts bonifiés ne s'appliquent pas aux logements des quartiers anciens : il s'agit d'en finir avec une anomalie héritée de la Libération, quand les industriels du bâtiment voulaient à tout prix encourager les constructions neuves.

Page 46: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 45 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

La priorité est aujourd’hui la reconquête des centres urbains (villes ou villages) et la rénovation de leur patrimoine immobilier. Les jeunes ménages qui désirent acquérir un logement au milieu d’un bourg doivent pouvoir bénéficier de prêts bonifiés pour son achat comme pour les travaux de restauration.

- Promouvoir une agriculture raisonnée :

D'autres actions du même ordre sont envisageables pour restaurer une concurrence loyale à l'égard des agriculteurs raisonnés et casser l'agro-industrie :

L’agriculture française génère un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 60 milliards d’euros (hors viticulture), dont 9 milliards d’aides européennes (PAC, politique agricole commune). Les aides représentent environ 22 500 euros pour chacun des 400 000 exploitants agricoles en activité. Pour la plupart de ceux-ci, elles constituent la majeure part du revenu ! Ces aides sont indispensables et néanmoins perverses car les clients - essentiellement les cinq géants de la grande distribution - en tirent argument pour exiger des prix d’achat très bas.

Les agriculteurs français s’en tirent en augmentant leur productivité à coup de produits phytosanitaires (pesticides), engrais, matériels et engins, eau d’irrigation etc. Leur niveau de vie n’est pas plus élevé pour autant : la plupart s’accommodent de revenus inférieurs au minimum salarial. Les consommateurs eux-mêmes ne gagnent rien à l’affaire car ils financent les aides aux agriculteurs par leurs impôts ; c’est la contrepartie des prix bas sur leurs achats alimentaires. En dernier ressort, les bénéficiaires des aides (PAC) sont d’une part les cinq géants de la grande distribution alimentaire qui peuvent négocier au plus bas leurs achats, d’autre part les fournisseurs des agriculteurs (fabricants d’engrais, de pesticides et de matériels) qui empochent une partie des aides aux agriculteurs.

Enfin, les agriculteurs qui désirent échapper à cette impasse sont lourdement pénalisés car, s’ils veulent développer une agriculture raisonnée ou « biologique », ils doivent s’accommoder de rendements à l’hectare et à l’heure beaucoup plus faibles.

Il est possible de défaire ce nœud gordien si l'État augmente fortement les aides aux agriculteurs mais en soustrayant de ces aides tous leurs « intrants », c'est-à-dire leurs achats extérieurs (cinq ou six milliards d’euros ?), y compris les produits destinés à l’alimentation des animaux, en particulier le soja d’importation.

Ainsi les agriculteurs pourront-ils faire eux-mêmes le choix soit de développer des pratiques qui n'utilisent rien d'autre que leur terre, leur ingéniosité et leurs bras, avec des rendements plus faibles mais des aides plus élevées, soit de poursuivre dans la voie de l’agro-industrie, avec des rendements plus élevés mais des aides plus faibles du fait de leurs achats de produits phytosanitaires, matériels lourds, énergie, eau d’irrigation, soja transgénique etc.

- Promouvoir le commerce local et les circuits courts :

La TVA (taxe sur la valeur ajoutée) peut être également mise à profit pour soutenir l’agriculture raisonnée, les productions locales et les circuits courts de distribution. Il s’agit que l’État remplace les cinq taux actuels de TVA (0%, 2,1%, 5,5%, 10% et 20%) par un taux normal de 20% et un taux réduit de 5%.

Le taux normal de 20% concernerait, sauf exceptions, toutes les transactions de biens et de services, y compris assurances automobiles, timbres, transactions immobilières etc.

Les exceptions auxquelles s’appliquerait le taux réduit de 5% seraient :

• Les ventes de produits alimentaires frais à l’exclusion des ventes en libre-service et des produits préconditionnés.

Page 47: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 46 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Cette restriction est destinée à favoriser le commerce indépendant de proximité et pénaliser (sans trop le dire) la grande distribution alimentaire, championne des prix bas mais aussi et surtout des produits agro-industriels d’importation (généralement préemballés).

• La restauration collective (restaurants et cantines) sous réserve que les établissements utilisent des produits frais à l’exclusion de produits surgelés. L’appellation « restaurant » peut être réservée à ces établissements, les autres, qui ne font rien d’autre que décongeler des produits industriels, seront astreints à l’appellation « débit d’alimentation » et soumis au taux normal de 20%. Cette distinction permettra aux touristes de repérer plus facilement les bonnes tables.

• Les prestations au domicile des particuliers, pour encourager l’artisanat et limiter la fraude à la TVA

18.

- Sortir de la « consommation à tout va » :

On a vu tout au long de ce parcours la part de responsabilité de la grande distribution (hypermarchés) dans l’éclatement des villes et le développement du tout-automobile. Pourtant, à qualité égale, ses produits alimentaires (poulets fermiers, œufs…) ne sont guère moins chers que sur les marchés locaux. Ses atouts tiennent à sa force de frappe et par exemple à la faculté d’ouvrir ses surfaces en continu 7 jours sur 7. Il s’agit là d’une distorsion de concurrence par rapport à des commerces indépendants avec un ou deux salariés seulement, incapables de rester ouverts toute la semaine. Cette distorsion de concurrence pourrait être corrigée par l’obligation pour tous les établissements recevant des clients ou des usagers de fermer au moins un jour par semaine. Libre à chacun de choisir son jour de fermeture, avec la réserve que, si un établissement reste ouvert le dimanche ou un jour férié, les salariés doivent avoir double rémunération…

Élargissons le débat. Le philosophe Ivan Illich, que nous avons déjà croisé, a dénoncé il y a un demi-siècle la « société de consommation » et les excès de la publicité. Ses critiques sont depuis longtemps oubliées et plus personne ou presque ne conteste le bien-fondé de la publicité pour soutenir la croissance économique et donc l’emploi ! Ce sophisme reste à démontrer : la publicité oriente les choix des consommateurs mais elle ne les détermine pas. Si j’ai envie d’aller au cinéma, je vais me laisser guider par telle affiche plus accrocheuse qu’une autre mais si je n’en ai aucune envie, les plus belles affiches du monde ne suffiront pas à m’entraîner dans une salle obscure… La même chose vaut pour l’achat d’une voiture, d’une paire de chaussures ou d’un yaourt.

La grande distribution joue de ce phénomène en usant de sa force de frappe pour orienter les consommateurs vers ses enseignes au détriment des commerces indépendants. Pour introduire davantage d’équité, l’État serait bien avisé d’interdire les « promotions » sur les prix (« trois pour le prix de deux »), au moins en-dehors des périodes officielles de soldes. Ce serait un retournement radical de l’idéologie consumériste promue depuis le début du XXe siècle.

- Des emballages pour tous les goûts… et pour la poubelle :

Le règne du marketing a conduit à pléthore d’emballages (carton, verres, plastiques…) avec pour conséquence de saturer les poubelles et les décharges ainsi que de brûler tant et plus de carbone.

18 Taux réduit de TVA sur les prestations à domicile

Le taux réduit de TVA sur les prestations de services à domicile ne devrait pas s’appliquer aux fournitures comme c’est le cas aujourd’hui. Il s’agit là d’une aberration de la part de l’administration et du législateur : les artisans bénéficient en effet sur leurs achats de fournitures d’une TVA à taux réduit (5%) cependant que les particuliers assument sur les mêmes fournitures une TVA à taux plein (20%). Un entrepreneur astucieux pourrait bien tirer profit de cette aberration en revendant frauduleusement aux particuliers des fournitures diverses !

Page 48: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 47 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Les préoccupations environnementales de ces dernières années n’en ralentissent pas le flux. Au contraire, les marques rivalisent d’ingéniosité pour diversifier leurs emballages (matériaux, contenances, couleur etc.). Aujourd’hui, par exemple, il est devenu difficile de trouver deux marques de confitures avec des pots de contenance et de forme identiques ! Cette extrême variabilité complique le recyclage et rend impossible le réemploi des emballages.

Dans une perspective résolument écologique et sans pénaliser les consommateurs, il serait loisible à l’État de demander aux producteurs de différents produits alimentaires (laitages, eaux et boissons, confitures et compotes etc.) de se mettre d’accord sur des contenants de référence interchangeables d’une marque à l’autre (même volume, même forme, même matériau).

Après usage, les consommateurs ramènent ces contenants chez n’importe quel vendeur type épicerie ou grande surface et reçoivent en contrepartie une rémunération (20 centimes pour les récipients de moins de 50 cl, 30 centimes pour les autres). Le vendeur renvoie à l’un ou l’autre de ses fournisseurs lesdits récipients rangés dans des bacs à leurs dimensions. Il est rémunéré en retour. Ainsi serait optimisée la consigne avec un minimum de coûts et de manutentions !

Cela dit, les marques garderaient la liberté de distribuer leurs produits dans des emballages à leur goût. Ils seraient dans ce cas soumis à une taxe spéciale qui en élèverait le prix (20 centimes pour les récipients de moins de 50 cl, 30 centimes pour les autres). Il est probable que les producteurs de champagnes et grands vins s’en tiendraient à cela tandis que les producteurs d’eaux minérales ou de sodas à petits prix s’orienteraient vers la consigne, avec des effets immédiats sur la consommation de plastiques et de verre (des matériaux très gourmands en énergies fossiles).

Urbanisme, transport, agriculture, marketing… Les suggestions fiscales, législatives et réglementaires ci-dessus montrent qu’il est possible de rapidement changer nos comportements sans heurt ni violence. Il s'agit qu'à terme, la plupart d'entre nous n'aient plus besoin de prendre la voiture sous tout prétexte. Il s'agit aussi que nos villes et nos campagnes, apaisées et libérées de la pollution, nous invitent à la détente et nous dissuadent de chercher des remèdes à notre stress urbain dans des vacances aux antipodes.

Ces scénarios ont pour objectif de stopper le réchauffement climatique en nous mettant en situation de réduire année après année nos consommations d’énergie sans réduire pour autant notre bien-être. Ils supposent que nous ayons le courage de prévenir le danger avant qu'il ne se manifeste. Dans le passé, cela n'a jamais été le cas (souvenons-nous des années 1930). Pourrons-nous cette fois faire mentir l'Histoire et nous ressaisir avant qu'il ne soit trop tard ?

Page 49: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 48 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT

Annexe 1 : le dérèglement

climatique

Le réchauffement est une réalité sensible depuis la fin du XXe siècle. Les années les plus récentes (2014-2019) se sont révélées par exemple les plus chaudes depuis plus d'un siècle. C’est sans précédent dans l’Histoire. Même l’optimum climatique du « beau Moyen Âge » (XIe-XIIIe siècles) était en-deçà des températures actuelles… Il faut remonter à 120 000 ans en arrière pour observer des températures comparables à celles du XXIe siècle.

Les dernières glaciations, il y a 30 000 à 16 000 ans, illustrent l’ampleur des changements occasionnés par une variation de température. À cette époque, la température de la Terre était de 4 à 7°C inférieure à sa valeur actuelle, et le niveau de l'océan plus bas de 120 mètres. L'Amérique du Nord et l'Eurasie étaient recouvertes d'une couche de glace qui atteignait 1 à 2 km d'épaisseur et s'étendait jusqu'à New York et au nord de l'Allemagne…

Le défi climatique actuel, avec la perspective d’une hausse moyenne des températures de 4 à 7°C d’ici 2100, a déjà suscité beaucoup de controverses et de gesticulations politiques. Elles sont restées jusqu'à ce jour sans résultat. Chaque avancée (par exemple dans la chasse aux CFC ou le développement de véhicules plus sobres) a été plus que compensée par des facteurs aggravants comme l'extension des villes, l'artificialisation des sols, la croissance des transports ou encore l'exploitation des gaz de schiste.

Les canicules qui ont frappé l'hémisphère nord en 2018 et 2019 traduisent un risque d'emballement. Tout s'accélère. Les climatologues craignent maintenant plus que jamais des rétroactions positives telles que le réchauffement ne pourrait plus être ralenti : absorption accrue du rayonnement solaire par les eaux polaires du fait de la fonte de la banquise, accroissement des émissions de gaz carbonique par la libération du permafrost sibérien, saturation des océans en gaz carbonique ; acidification des océans qui absorbent 22% de nos émissions de CO2 etc.

Les scientifiques alertent l'opinion

En 1988, James Hansen a mis en évidence le fameux « effet de serre » et la relation entre le réchauffement de l'atmosphère et les émissions de gaz issues de la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz). À partir de là, les études scientifiques collationnées par le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) ont laissé peu de doutes sur l'origine anthropique des émissions de gaz à effet de serre responsables de l'actuel réchauffement climatique.

Il a fallu toutefois attendre près de trois décennies pour que cette menace arrive au premier plan de l'actualité avec le film d’Al Gore, Une vérité qui dérange (2006), et des plaidoyers vibrants comme celui de Nicolas Hulot, Pour un pacte écologique (Calmann-Lévy, 2006). Là-dessus, patatras, en 2008, la crise des subprimes est arrivée ! Dans le même temps, les Étasuniens et les Canadiens se sont lancés avec fougue dans l'exploitation du pétrole de schiste et des

Page 50: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 49 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

schistes bitumineux. De la sorte, le prix du baril est passé de plus de 100 dollars à moins de 50 en 2017

19.

Il n'a plus été question de faire de l'écologie un impératif collectif et planétaire. Elle est devenue un sujet de débat parmi d'autres (inégalités, libre-échange…). Les partis écologistes eux-mêmes se sont trouvés mal à l'aise face au réchauffement climatique car ils voudraient le combattre en réduisant les émissions de gaz à effet de serre mais en même temps fermer les centrales nucléaires, ce qui revient à ouvrir des centrales thermiques, au charbon ou au gaz, génératrices de gaz à effet de serre !... La seule manière de dénouer cette contradiction consisterait à promouvoir une baisse générale des consommations énergétiques et l’on a vu que celle-ci passe impérativement par une forte taxation de toutes les énergies.

En attendant, les modèles prévisionnels des climatologues se trouvent dépassés par la réalité : en consumant plus vite que prévu les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), le boum des économies asiatiques bouleverse tous les pronostics des scientifiques (la Chine est devenue en 2009 le premier émetteur de gaz à effet de serre devant les États-Unis).

La machine climatique est peut-être déjà en train de s'emballer comme le montre la fonte accélérée du permafrost sibérien, de la banquise et des glaces du Groenland et de l'Antarctique. Sans parler des anomalies climatiques comme la multiplication des ouragans et des périodes caniculaires.

Aucun scientifique n'imaginait il y a vingt ans que ces phénomènes pussent se produire avant un siècle. Maintenant, certains se demandent s'il ne faudra pas en passer par la chirurgie lourde pour sauver notre écosystème : par exemple immerger du fer dans les océans pour accélérer la croissance du phytoplancton et piéger ainsi le gaz carbonique ; cultiver en masse du colza qui serait ensuite lyophilisé et enfoui dans le sous-sol pour recréer le charbon que nous avons brûlé (!) ; envoyer de grandes quantités de soufre dans la haute atmosphère pour réfléchir la lumière du soleil ! Autant de solutions périlleuses qui reviendraient à placer la Terre sous assistance respiratoire permanente.

- Les causes du réchauffement climatique

Les causes du réchauffement sont assez clairement identifiées :

• Au vu du tableau ci-après, les gaz à effet de serre à l'origine du réchauffement actuel sont émis en premier lieu par les transports (automobile et avion) autour desquels s'est organisé le mode de vie contemporain, en deuxième lieu par l’agriculture

20.

Ces gaz à effet de serre viennent de la combustion du carbone fossile (charbon, gaz, pétrole, schistes). Les techniques actuelles permettent d'obtenir de cette façon de l'énergie à un coût très

19

Il n'y a pas que le réchauffement climatique !

Malgré les démonstrations de James Hansen et quelques autres et la concordance entre le réchauffement climatique et la révolution industrielle, des scientifiques marginaux doutent encore que celui-ci puisse être le résultat de l'activité humaine (voir sur internet « Le site des climato-réalistes »). Ne serait-il pas plus simplement dû à une suractivité du Soleil ou à un cycle naturel alternant refroidissement et réchauffement sur quelques décennies ? Si c'était le cas, nous n'aurions rien d'autre à faire que de prendre notre mal en patience... Si improbable qu'elle soit, cette hypothèse ne nous dispense pas de lutter contre la surexploitation des ressources de la planète. En effet, indépendamment du dérèglement climatique, cette surexploitation est aussi à l'origine de profonds déséquilibres : paysanneries en crise, inégalités sociales et géopolitiques, atteintes à la biodiversité, mal-être urbain etc.

20 Les transports sur la sellette

En France, selon les chiffres de l’ADEME, les transports participent pour 39% (2015) aux émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour transporter un passager sur un kilomètre, il faut 144,6 grammes de CO2 en avion, contre 85,5 en voiture, 58,5 en autocar et 3,2 en TGV. En ville, les voitures émettent 206 gCO2/passager/km.

Page 51: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 50 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

bas, d'où l'usage inconsidéré qui en est fait, sans considération des dégâts pour la planète. Notons que si une technique encore plus avantageuse permettait de produire de l'énergie à partir de l'oxygène de l'air, nul doute qu'il se trouverait des lobbies pour justifier la décomposition de l'air au risque de nous priver d'atmosphère à moyen terme !...

• Nos sociétés postindustrielles agissent en prédatrices. Elles épuisent les ressources naturelles du sol et du sous-sol, dévastent les forêts primaires et les sols arables, exterminent la faune sauvage des forêts et des océans sans leur laisser le temps de se régénérer

21.

Nos sociétés gaspillent les ressources de la planète pour leur satisfaction immédiate, sans se soucier (et pour cause) des générations futures. Elles représentent au total moins de deux milliards d'humains sur près de huit milliards. Caractérisées par une très faible fécondité (1 à 1,5 enfants par femme), elles semblent résignées à briser la chaîne des générations et disparaître.

Les Européens peuvent se targuer d’être plus vertueux que les grands pays pollueurs que sont les États-Unis et surtout la Chine. Cela vient surtout de ce que les produits manufacturés qu’ils consomment en masse sont pour l’essentiel importés d’Asie. En délocalisant leur industrie, ils ont aussi délocalisé la pollution et une bonne partie de leurs émissions de gaz à effet de serre

22 !

• Les paysans du tiers monde (Brésil, Asie du Sud-Est, Afrique équatoriale...) ont leur part dans la dégradation de l'environnement.

À la différence des anciens paysans chinois ou européens, ils pratiquent une agriculture itinérante sur brûlis pour un profit dérisoire et par manque de savoir-faire et il est possible que celle-ci contribue à l’effet de serre

23. D'autres détruisent les forêts primaires afin de vendre les

essences rares, planter des palmiers à huile ou exploiter le minerai du sous-sol, pour le seul bénéfice de quelques compagnies sans scrupules.

C'est l'ignorance et la soumission aux multinationales qui poussent des paysans à brûler les dernières forêts primaires au Brésil, à Madagascar, Haïti ou Bornéo. Sait-on que 80% du charbon de bois que brûlent les ménages français dans leurs barbecues dominicaux vient d'Afrique subsaharienne ?

21 Combien de planètes nous « consommons »

Selon les chiffres de la Banque mondiale, les 8 milliards d’humains émettent en moyenne 5 tonnes équiv.C02/habitant/an (2014). En Afrique subsaharienne, on s’en tient à 0,8 ; en France à 4,6 (grâce à l’énergie nucléaire) et aux États-Unis à 16,5. Pour laisser à la Terre la capacité de se régénérer, nous ne devrions pas dépasser 3 tonnes équiv.C02/habitant/an (ce seuil est appelé à diminuer à mesure qu’augmente la population mondiale). Comme la combustion d'une tonne de charbon ou de fioul génère environ 3 tonnes de CO2, du fait d'une combinaison du carbone (C) avec l'oxygène de l'air (O2), il s'ensuit qu'un couple vivant dans une maison chauffée au fioul (2000 litres par an) et parcourant 15000 km par an en voiture (1000 litres de super) émet un minimum de 9 tonnes de CO2 par an, 4,5 tonnes par personne et par an, soit « une planète et demi ».

22 Quand l’Europe délocalise sa pollution…

La Chine bat tous les records en matière d’émissions de gaz à effet de serre avec 9,3 milliards de tonnes en 2018, soit près du double des États-Unis et du tiers de l’Union européenne, selon les chiffres de l’IEA (Agence Internationale de l’Énergie). Mais « les émissions par habitant de l’Union européenne sont plus élevées que celles de la Chine » note l’ONU dans son rapport de 2019 sur l’environnement. Les émissions de gaz à effet de

serre par habitant sont dans l’Union européenne de 8,1 tonnes équiv.C02/habitant/an contre 7,5 en Chine. Mais si l’on intègre le carbone incorporé dans les produits chinois importés et consommés par les Européens, la différence est bien plus importante. 23

Culture itinérante sur brûlis et effet de serre

Les scientifiques se disputent encore sur le fait de savoir si la culture sur brûlis pratiqué dans les régions équatoriales, principalement en Afrique, aggrave l’effet de serre. Certains suggèrent qu’elle pourrait au contraire contribuer à la fixation du carbone dans le sol (voir Notre planète info, 2008).

Page 52: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 51 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Les transports et l'industrie, principaux coupables

Le graphique ci-après décrit la répartition des émissions de gaz à effet de serre dans les 28 États de l'Union européenne en 2014.On observe la part prédominante des industries de l'énergie (production d'électricité) ainsi que des transports (automobiles, avions, bateaux). Le fret maritime intercontinental n'est pas ici pris en compte.

Il ressort des chiffres clé du climat (France et monde, 2017) que l'objectif de diviser par quatre les émissions de carbone ne peut s'obtenir sans de sévères économies d'énergie et une remise en cause des postes tertiaire et résidentiel et transports.

Dans les faits, nous en prenons la direction opposée, dans l'illusion d'étendre à l'ensemble de l'humanité notre vision du confort : une voiture par adulte, pas de logement sans climatisation, des vacances en avion aux antipodes etc. La Chine et l'Asie du sud ayant, après l'Europe, adopté cet anti-modèle de développement, nous assistons à un emballement de tous les indicateurs écologiques.

Jamais à court de tromperie, industriels et lobbies en quête de profits nous font croire à une conversion quasi-complète de nos sociétés à des énergies « propres » avant l'inéluctable, soit d'ici le milieu du XXIe siècle ! Ainsi pourrions-nous poursuivre notre rêve sans souci de quoi que ce soit. Mais qui peut sérieusement le croire ? Le miracle est hors de portée, ne serait-ce qu'en raison de nos difficultés à stocker l'énergie produite par le vent ou le soleil. D’autre part, les énergies réputées « propres » comme l’éolien ou le photovoltaïque s’avèrent extrêmement polluantes et même énergivores si l’on prend en compte tout leur cycle de vie, en ajoutant la fabrication et le recyclage 25 ans d’exploitation. Enfin, l'industrialisation des batteries, passée aux mains de la Chine, est encore très loin de répondre aux attentes et il s'écoulera au minimum plusieurs décennies avant que soient généralisées les énergies renouvelables.

D'ici là, avec une hausse moyenne des températures très probablement supérieure à 3°C, l'humanité aura basculé dans un autre univers. À moins d'avoir fait le choix d'un autre modèle de société...

- Les conséquences

D'ici dix ou vingt ans, si l'on en croit les experts, peut-être sera-t-il trop tard pour enrayer le réchauffement climatique ou du moins s'y adapter sans trop d'à-coups. En attendant, ses conséquences pourraient, à l'échelle de la planète, se révéler plus dramatiques que les dernières

Page 53: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 52 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

guerres mondiales : sécheresses et famines, migrations massives, crises économiques et conflits, maladies liées aux pollutions

24…

Des groupes de travail, en France et dans le reste du monde, estiment que, pour contenir la catastrophe et limiter l'élévation moyenne de la température à 2°C d'ici 2050, il faudrait dans un pays comme la France rapidement diviser par quatre le total des émissions de carbone. Pareil objectif implique non des incantations pieuses et des forums à grand spectacle mais une politique déterminée et audacieuse (Une taxe bienvenue sur les énergies), celle-là même que nous avons détaillée dans les chapitres précédents.

24

Nicolas Stern et le coût du réchauffement

Dans les années 1990, un économiste britannique, Nicolas Stern, a tenté de chiffrer le coût du réchauffement climatique dans un rapport au gouvernement de Tony Blair : 5 500 milliards d'euros d'ici 2050, soit autant que les deux guerres mondiales ou la crise de 1929 (notons qu'il n'a pas pris en compte les éventuels bénéfices du réchauffement comme la mise en valeur de déserts glacés) ! Pour Nick Stern, le choix n'est plus entre la protection de l'environnement et la croissance économique mais : soit on se mobilise contre le réchauffement, soit on n'en fait rien et l'on doit se préparer à une récession de grande ampleur. Cette approche s'inscrit dans une démarche monétaire et comptable, la seule que comprennent les élites néolibérales qui nous gouvernent. C'est aussi sa limite car, pour l'immense majorité des gens sensés, nos existences individuelles et collectives ne se résument pas à un calcul de rentabilité. Elles sont aussi et avant tout faites de satisfactions affectives, esthétiques et spirituelles dont ne rendent pas compte les taux de croissance du PIB d’une année sur l’autre, avec ou sans dérèglement climatique.

Page 54: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 53 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT

Annexe 2 : la faute aux bébés ?

Dans un document de 2009, des démographes mandatés par l'ONU (UNFPA) ont cru identifier la cause du réchauffement climatique qui menace l'humanité. Serait-ce notre frénésie de consommation, qui a épuisé en moins d'un siècle des combustibles fossiles accumulés dans le sous-sol pendant 60 millions d'années ? Pas du tout. Selon les experts onusiens, la faute en reviendrait principalement aux bébés nés ou à naître, autant de

consommateurs-pollueurs en puissance. En 2017, des scientifiques suédois récidivent dans

une étude publiée dans Environmental Research Letters : d'emblée, ils énoncent les quatre

mesures les mieux appropriées à leurs yeux pour enrayer le réchauffement climatique, la

principale étant de renoncer à avoir un enfant25

.

Ces rapports et l'écho qu'ils ont reçu dans la bonne presse tournent le dos aux enjeux

démographiques. Pour faire bref, rappelons d'abord que la bombe P (comme

population) annoncée par le prophète Paul Ehrlich en 1968 n'explosera pas.

La population mondiale a franchi le seuil du milliard au milieu du XIXe siècle. En 1969, la Terre comptait 3,6 milliards d'habitants ; 40 ans plus tard, à la date du rapport onusien, elle en comptait 6,8 milliards (+84%) et si nous sautons encore 40 ans, vers 2050 donc, elle en comptera environ 9,8 selon les estimations de l'ONU. Cet accroissement à venir peut sembler important en valeur absolue. Il ne sera que de +38%, soit deux fois moins rapide que dans la période qui est derrière nous. Sur la tendance actuelle, en 2100, toute la croissance viendra de l'Afrique subsaharienne qui aura alors 3 à 4 milliards d’habitants.

Les « pollueurs » déjà en voie de diminution !

Contre toute apparence, la population mondiale est en voie de stabilisation rapide (hors Afrique subsaharienne) avec un indice de fécondité qui n'est déjà plus que de 2,1 enfants par femme en moyenne. Les démographes sont à peu près d'accord pour considérer qu’elle devrait se tenir entre dix et onze milliards à la fin du siècle, voire diminuer sous l’effet de l’infécondité des populations les plus riches… et les plus polluantes.

25

Haro sur les bébés

Voici ce que l'on peut lire en introduction de l’étude publiée en 2017 par deux universitaires de Lund (Suède) dans la revue Environmental Research Letters : «Nous recommandons quatre actions prioritaires pour réduire notre impact sur le climat : avoir un enfant de moins (pour une économie moyenne de 58,6 tonnes/an d'équivalent carbone dans les pays développés), ne plus utiliser de voiture (2,4 tec/an économisées), éviter de voyager en avion (1,6 tec économisée pour un vol transatlantique) et manger bio et végétarien (0,8 tec/an économisées). » Cette assertion prudhommesque souligne le fait que le dérèglement climatique est la conséquence des choix de vie des peuples riches (avion, voiture, alimentation industrielle…) et dans le même temps apporte une justification éthique à leur refus d'engendrer, lequel va de pair avec leur âpreté à consommer. Il fallait l’oser ! Bien évidemment, si les plus riches font le choix de disparaître par dénatalité, la planète s'en portera mieux, mais est-ce bien un objectif sensé que celui de « mourir guéri » ? L'objectif de toute société humaine saine d'esprit et de cœur n'est-il pas plutôt de se perpétuer de la meilleure des façons, dans un environnement social et écologique aussi harmonieux et aussi beau que possible ?

Page 55: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 54 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

De l'Amérique du nord à la mer de Chine en passant par l'Europe, les « privilégiés » sont déjà en voie de diminution avec un indice de fécondité qui varie généralement de 1 à 1,5 enfants par femme. Dès lors, préconiser dans ces populations un enfant de moins par femme revient à quasiment annoncer leur disparition physique à l'horizon d'une ou deux générations (un demi-siècle) !

Faut-il s'en réjouir ? D'ores et déjà, la fécondité très faible des pays développés pose de graves problèmes sociaux (poids des personnes âgées, non-transmission des connaissances etc.). L'immigration ne résout en rien ces problèmes et les aggrave plutôt, du fait que les pays d'accueil ont de moins en moins la capacité humaine d'intégrer et former les nouveaux-venus (on ne peut à la fois demander aux jeunes générations de relayer leurs aînés dans les usines et les entreprises, s'occuper des personnes âgées et assurer la formation des nouveaux arrivants de façon à ce qu'ils puissent un jour prendre leur relève).

Cette fécondité, qui n'assure plus du tout le simple renouvellement des générations, n'est pas elle-même la conséquence d'un choix librement assumé par les couples mais de notre mode de vie : baisse de la fertilité des hommes et des femmes due à la pollution et à l'agro-industrie, stress des transports, difficultés de logement, pression sociale, chantage à l'emploi sur les travailleuses etc. Les enquêtes d'opinion montrent de façon concordante dans nos pays que les couples ont en général moins d'enfants au final qu'ils n'en auraient souhaité (de l'ordre de 2,3 en moyenne).

Au demeurant, à supposer que les populations riches renoncent complètement à enfanter, les effets sur leur consommation ne commenceront à se faire sentir que dans vingt, trente ou quarante ans. D'ici là, ces populations continueront à consommer tant et plus les ressources de la planète et, qui plus est, elles seront rejointes dans cette frénésie de consommation par les habitants des pays émergents. Or, le réchauffement climatique est déjà en marche et pourrait s'auto-entretenir bien avant cette échéance. C'est dès aujourd'hui qu'il importe de renverser la tendance et donc de réformer notre mode de vie.

Les peuples inféconds sont aussi ceux qui polluent le plus

Depuis la fin du XXe siècle, la dégradation de l'environnement, les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique s’accélèrent alors que leur fécondité continue de baisser ! Au contraire de ce qu'écrivent les experts onusiens et les universitaires suédois, on a une corrélation négative entre croissance démographique et réchauffement climatique, à rebours du sens commun : plus baisse la fécondité des pays développés, plus ceux-ci tendent à polluer la planète ! Il importe de s’interroger sur ce paradoxe qui heurte le sens commun.

À revenu égal, en effet, un couple sans enfant a généralement un « bilan carbone » plus calamiteux qu’une famille de trois ou quatre enfants. C’est aussi le cas de nombreux retraités aisés car, nous le verrons, une énergie trop peu chère incite les personnes bénéficiant de revenus et de loisirs en surnombre à multiplier les croisières et les voyages à l’autre bout du monde !

Enrichissons-nous et jouissons tant et plus !... Tel est le guide de vie des golden boy new-yorkais. À quelques lieues de leurs tours de verre climatisées, la petite communauté des Amish fait la preuve qu'il est possible de vivre décemment dans un profond respect de l'environnement et avec des familles de huit à dix enfants ! Sans aller jusqu'à ces extrémités, on voit qu'il est possible de combiner bien-être, amour de la vie et respect de la nature...

Au sein même des pays développés, le refus d'enfant ou l'absence d'enfant, pour quelque raison que ce soit, n'est pas corrélé à un comportement plus vertueux du point de vue de l'écologie. Tout au contraire, il semblerait que les familles avec enfants polluent en général moins que les célibataires, les couples sans enfant et les retraités aisés ! Ces familles voyagent moins en avion,

Page 56: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 55 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

se montrent plus chiches en matière de consommation, apprennent à leur progéniture à maîtriser leurs désirs, enfin se montrent davantage soucieuses de l'état du monde après leur mort

26.

Notre lutte contre le dérèglement climatique ne vise pas à « sauver la Planète » car celle-ci nous survivra toujours. Elle a pour unique objectif de laisser à nos descendants un monde aussi beau et harmonieux que possible. Si notre groupe humain est voué à s’éteindre, cette lutte perd tout son sens et il ne nous reste plus qu’à jouir du moment présent sans souci du lendemain, en reprenant à notre compte l'expression attribuée à la Pompadour : « Après nous le déluge ! ».

Pourquoi faire (ou ne pas faire) des enfants ?

Avoir ou non des enfants relève d'un choix individuel ou d'un parcours propre à chacun, dans le secret de son cœur, et il serait indécent de juger quiconque là-dessus. Mais il serait tout aussi indécent de se justifier de n’avoir pas d’enfants au nom d'enjeux collectifs et de vouloir ainsi se donner bonne conscience.

« Je veux profiter du moment présent, ne pas m'embarrasser de contraintes ni m'interroger sur le sens de ma vie. Je ne veux pas d'enfants... Mais c'est pour la bonne cause, c'est pour sauver la planète ! » dit un tel. C'est souvent aussi la même personne qui s'épuise au travail et s'enivre dans la consommation, pour le plus grand bénéfice du système productiviste qui détruit la planète

27.

Le rejet de la maternité est sous-tendu par la question : « Pourquoi faire des enfants ? »28

. À quoi nous pouvons répondre par une autre question : « Pourquoi vivons-nous ? » Notre confort d’urbain occidental n’est pas le fruit de nos mérites personnel mais de la quête de bien-être, beauté et harmonie par la chaîne des générations qui nous ont précédées. Bien-être, beauté et harmonie n’ont de sens qu’à la condition de perdurer après nous avec des personnes à même d’en apprécier la valeur, dans notre lignée ou notre communauté de civilisation.

Battons-nous donc contre le dérèglement climatique sans compromettre pour autant la survie de notre espèce ou de notre groupe humain. Ne faisons pas comme Gribouille, qui se jetait dans la rivière pour ne pas être mouillé par la pluie.

Les pollueurs sont les voitures, pas les bébés !

26

Vertueux et sans enfant ? Peut-être existe-t-il des couples aisés et sans enfant, avec une très faible empreinte écologique, qui ne se soucient ni de voyager, ni de consommer à tout va ? Avouons-le, nous n’avons encore pas rencontré ce genre de « licorne » (être mythique).

27 L'argent contre les enfants

Dans un reportage sur l'effondrement de la natalité aux États-Unis (France 2, 30 octobre 2019), une jeune Américaine explique : « J'ai tout simplement décidé que les enfants, ce n'était pas pour moi. J'étais concentrée sur ma carrière, passionnée par mon métier, je ne voyais pas comment des enfants pouvaient s'insérer là-dedans. Avec mon compagnon, voyager, partir à la retraite plus tôt, tout cela est plus facile sans enfants »... Tel autre couple, mieux disposé, explique ne pas avoir les moyens financiers d'accueillir un deuxième enfant : « Ici, dès qu'on est enceinte, il faut enclencher un plan d'épargne pour les futures études du bébé. C'est un coût pharamineux ». Ainsi va notre monde dit développé, qui sacrifie l'avenir et la vie à la consommation et au standing.

28 Grève des ventres pour le climat

Aux États-Unis, dans certains cercles urbains, jeunes et diplômés, émerge en ce début du XXIe siècle le rejet de la maternité pour des motivations écologiques. Ce phénomène n’est pas inédit : « Déjà, en 1892, la Française Marie Huot en appelait à la grève des ventres jusqu’au bouleversement révolutionnaire de la société » (Léa Ducré, Manière de voir 167, La Bombe humaine, août-septembre 2019).

Page 57: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 56 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Nous avons rappelé que les habitants des pays industrialisés sont les plus inféconds et également, de très loin, les principaux pollueurs de la planète. A contrario, les peuples africains sont de loin les plus féconds du monde actuel ; ce sont aussi les seuls dont l'empreinte écologique (sur le climat et la biodiversité) est négligeable. Cette observation élémentaire nous permet de rappeler que c'est le mode de vie, davantage que le nombre d'enfants, qui détermine l'empreinte écologique.

On voit par-là que, derrière ses imprécations malthusiennes, le rapport de l'ONU cache le secret désir de prolonger envers et contre tout un mode de vie fondé sur le gaspillage d'espace et l'énergie bon marché. Ce mode de vie plébiscité par les nouveaux riches d'Europe et d'Extrême-Orient est de toute façon condamné à terme par l'épuisement inéluctable des ressources. Le nombre d'enfants à naître n'y changera rien

29.

Le tableau ci-après met en évidence les contrastes entre des régions très riches, à faible fécondité et très forte « empreinte écologique » (contribution au réchauffement climatique) et des régions pauvres ou très pauvres, à fécondité modérée ou très forte et à très faible empreinte écologique.

Émissions de CO2 par habitant selon les régions de la planète (PRB, ONU, 2019)

Grandes régions Population

(milliards)

enfants/femme tonnes

CO2/hab/an

total CO2

(mds t/an)

Monde

Afrique

Moyen-Orient et Asie centrale

Asie du Sud (monde indien)

Sud-Est asiatique

Amérique latine

Total des pays pauvres

Chine

Extrême-Orient (Japon, Corée…)

Amérique du Nord et Australasie

Europe

Total des pays riches

transports internationaux

7,6

1,3

0,4

1,9

0,7

0,6

4,9

1,4

0,2

0,4

0,7

1,3

2,5

4,6

2,8

2,4

2,3

2,1

3

1,8

1,4

1,8

1,6

1,6

4,7

0,5

3

2

3

3

2

10

10

15

7

10

38

10

13

13

2

• Les pays plus ou moins pauvres du premier groupe représentent les deux tiers de l'humanité, avec une croissance modérée ou forte. Mais ils contribuent aux émissions de C02 pour un quart tout au plus.

29

Trop d’humains ou trop peu d’humanité ? « Même si le Niger voyait sa population décupler, sa participation à l’effet de serre resterait négligeable. Le développement des pays pauvres – qui passe par une maîtrise de leur natalité – ne sera soutenable qu’en prenant d’autres chemins que l’explosion des émissions de carbone, mais c’est leur réduction dans les pays riches qui constitue l’urgence. Le principal défi de l’heure reste le découplage entre l’accession du plus grand nombre à une vie décente et la consommation d’énergie fossile » (Philippe Descamps, Manière de voir 167, La Bombe humaine, août-septembre 2019).

Page 58: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 57 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

• La Chine, devenue « l’atelier du monde », est dans une situation intermédiaire : la plus grande partie de sa population vit encore très pauvrement et s'apparente au premier groupe. La population des métropoles riveraines de la mer de Chine et du fleuve Jangze, environ 300 millions de personnes, a déjà atteint un niveau de vie de type occidental et émet pour son compte propre au moins autant de CO2. C'est le cas aussi d'une centaine de millions d'Indiens.

• Le troisième groupe (Amérique du Nord, Europe, Extrême-Orient...) représente seulement 1,3 milliards d'habitants, soit à peine un sixième de l'humanité. Mais il contribue directement au tiers des émissions de gaz à effet de serre (C02) responsables du réchauffement climatique. Sa contribution au réchauffement climatique est dans les faits bien supérieure car il faut y ajouter la majeure part des émissions de la Chine et du Sud-Est asiatique ainsi que des transports internationaux (fret maritime et aérien). En effet, si les usines chinoises émettent du CO2, c'est en bonne partie pour fabriquer avec des techniques énergivores (métallurgie des terres rares...) des appareils électroniques comme nos portables ou nos téléviseurs qui contourneront ensuite l'Afrique à destination de nos ports et de nos hypermarchés. Les émissions de CO2 très élevées des pays exportateurs de pétrole sont aussi liées à notre frénésie de consommation.

Retenons de ce qui précède que c'est notre mode de vie, exceptionnellement énergivore, qui est la première cause du réchauffement climatique en cours. Les populations concernées par cette boulimie, en Eurasie et aux Amériques, seront moins nombreuses en 2100 qu'aujourd'hui et même si leur déclin démographique devait s'accélérer, ce déclin viendrait trop tard pour éviter que les températures ne s'emballent.

Certes, la croissance démographique très rapide de l'Afrique subsaharienne va par ailleurs poser des problèmes très graves dans les décennies à venir mais ils seront avant tout d'ordre géopolitique et social. Cette croissance démographique se soldera aussi par un désastre écologique (disparition du couvert forestier etc.) mais cela ne viendra qu’en complément du reste.

« Supprimons un ou deux milliards d'hommes et tout ira mieux ! »

La crise climatique ne sera pas résolue en évitant de nouvelles naissances : les enfants à naître en 2020 et dans les années suivantes n'auront d'impact significatif sur le climat qu'à leur arrivée à l'âge adulte (automobile, voyages etc.) à partir de 2040 ou 2050. À ce moment-là, il sera sans doute déjà trop tard pour infléchir le cours des choses. S'il y a des gens en trop, ce ne sont donc pas les enfants à naître mais les adultes des pays riches (nous-mêmes) qui persistent dans un mode de vie énergivore !

Illustration par l'absurde. Imaginons que disparaisse instantanément le cinquième le plus riche de l'humanité : riverains de la mer de Chine, Nord-Américains et Européens (y compris nous-mêmes). Le réchauffement climatique serait stoppé car les quatre cinquièmes survivants de l'humanité ont, pour le moment au moins, une empreinte écologique tout à fait modérée. Mais est-ce bien cela que nous souhaitons ?

Maintenant, imaginons que disparaissent au contraire les quatre cinquièmes les plus pauvres de l'humanité et que subsiste le cinquième le plus énergivore : cela ne freinera pas le réchauffement climatique et à la catastrophe écologique s'ajoutera deux ou trois générations plus tard une catastrophe démographique avec la disparition de l'humanité faute de renouvellement ! Cette alternative pourrait nous déprimer s'il n'y avait une issue plus appétissante. Elle est politique et collective. Elle consiste à réformer au plus vite notre mode de vie, qui associe la puissance des techniques modernes à une économie de prédation façon Paléolithique. Comme nous nous sommes efforcés de le démontrer au fil de ce livre, cela est possible sans douleur mais avec courage et imagination.

Page 59: GAGNER PLUS ET SAUVER LE CLIMAT - nosutopies.fr

_________________________ Gagner plus et sauver le climat 58 © Nosutopies.fr 2019 droits réservés

Joseph Savès,

Paris, 6 février 2020