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formation | parasitologie 12 OptionBio | Lundi 2 mai 2011 | n° 454 A ujourd’hui, la gale est considérée comme un problème de santé publique majeur dans les pays en développe- ment et le traitement des pédiculoses du cuir chevelu continue de poser des problèmes. La gale : un problème de santé publique majeur En effet, notamment dans les pays en voie de développement où il est actuellement admis que la majorité des glomérulo- néphrites post-streptococciques et des rhumatismes articu- laires aigus est liée aux complications streptococciques des lésions de gale de l’enfant. En France, dans les établissements de soins, la prévalence de la gale est difficile à apprécier, car sa déclaration n’est pas obligatoire (voir article page 10 : Détection des situations à risque infectieux : un dispositif d’alerte efficace). Une étude menée à partir de déclarations volontaires 1 rapporte une pré- valence d’environ 6,6 % dans les maisons de retraite et de 14 % dans les services de long séjour. Les facteurs favorisant les épidémies de gale institutionnelle sont triples : – facteurs liés à l’institution : type (long séjour plus à risque), taille de l’établissement, hôpitaux possédant à la fois des unités de soins aigus et de longs séjours, soins aux patients nécessi- tant un contact physique étroit ; – facteurs liés au patient : cas de gales profuses ou hyperkéra- tosiques dont le diagnostic est souvent retardé et la contagiosité élevée, patients déments (la mobilité sans assistance est un facteur de risque d’infestation par le sarcopte) ; – facteurs liés à la gestion inadéquate d’une épidémie : dia- gnostic retardé (les investigations commencent parfois quand une gale est diagnostiquée chez un membre du personnel), mauvaise appréciation du nombre de cas et de contacts à trai- ter, mesures d’isolement mal respectées, échecs thérapeuti- ques, surveillance trop courte après traitement. Prise en charge d’une épidémie de gale en institution En premier lieu, il faut définir les cas : cas certain : sujet présentant des symptômes caractéristi- ques de gale ± confirmation par examen parasitologique de prélèvements, ou sujet ayant un prurit cutané avec des lésions atypiques et examen parasitologique positif ; cas suspect : sujet présentant des symptômes évoquant une gale au cours de la période d’épidémie. Puis, il faut classer les sujets contacts : 1 er cercle : personnes ayant eu un contact cutané prolongé avec un cas (par exemple, entourage familial proche, relations sexuelles, soins infirmiers...) ; 2 e cercle : personnes vivant ou travaillant dans la collectivité ; 3 e cercle : personnes visitant occasionnellement la collectivité, entourage familial des personnes fréquentant régulièrement la collectivité. Pour contrôler une épidémie grave, il faut traiter jusqu’au 3 e cercle. Quel est le bon traitement de la gale ? Le traitement repose sur l’utilisation de l’ivermectine (AMM en France depuis 2001) en administrant systématiquement deux doses de 200 μg/kg, la seconde 15 jours après la 1 re prise, chez les patients et les sujets contacts 2 . Toutefois, l’efficacité n’est pas de 100 % et le niveau de preuve est encore discuté. Des résistances ont été décrites chez des sujets prenant de fortes doses, notamment en Australie (forte prévalence de la gale chez les Aborigènes). L’ivermectine doit donc être utilisée de manière raisonnable, uniquement si le diagnostic de gale est prouvé (pas de traitement d’épreuve). Elle sera combinée aux traitements topiques dans les gales les plus graves. La lotion antigale habituellement utilisée est le ben- zoate de benzyle (Ascabiol ® ). Elle est appliquée sur l’ensemble du corps sauf le visage et les muqueuses génitales, au pin- ceau, et laissée en place plusieurs heures, puis rincée par lavage (douche), selon deux protocoles : soit une application unique de 24 heures, puis rinçage, soit deux applications le soir espacées de 24 heures, le produit étant gardé durant la nuit, passée dans des draps lavés à 60 °C, puis rincé le lendemain matin. Pou de tête et Bartonella quintana Bartonella quintana, une bactérie proche des Rickettsies, est l’agent de la fièvre des tranchées porté par le pou de corps, qui a tué 1 million de personnes pendant la Première Guerre mon- diale. Deux découvertes récentes méritent d’être rapportées : Gale et poux sont toujours d’actualité Les épidémies de gale et de poux restent fréquentes et sont difficiles à circonscrire, car il faut identifier les cas et les sujets en contact afin d’optimiser le traitement et éviter les recontaminations. Le traitement de la gale ne peut être effectué que devant une infection documentée ; en dépit des nouvelles molécules disponibles : diméticone, ivermectine et malathion, la pédiculose reste toujours difficile à éradiquer.

Gale et poux sont toujours d’actualité

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formation | parasitologie

12 OptionBio | Lundi 2 mai 2011 | n° 454

Aujourd’hui, la gale est considérée comme un problème de santé publique majeur dans les pays en développe-ment et le traitement des pédiculoses du cuir chevelu

continue de poser des problèmes.

La gale : un problème de santé publique majeurEn effet, notamment dans les pays en voie de développement où il est actuellement admis que la majorité des glomérulo-néphrites post-streptococciques et des rhumatismes articu-laires aigus est liée aux complications streptococciques des lésions de gale de l’enfant.En France, dans les établissements de soins, la prévalence de la gale est difficile à apprécier, car sa déclaration n’est pas obligatoire (voir article page 10 : Détection des situations à risque infectieux : un dispositif d’alerte efficace). Une étude menée à partir de déclarations volontaires1 rapporte une pré-valence d’environ 6,6 % dans les maisons de retraite et de 14 % dans les services de long séjour. Les facteurs favorisant les épidémies de gale institutionnelle sont triples :– facteurs liés à l’institution : type (long séjour plus à risque), taille de l’établissement, hôpitaux possédant à la fois des unités de soins aigus et de longs séjours, soins aux patients nécessi-tant un contact physique étroit ;– facteurs liés au patient : cas de gales profuses ou hyperkéra-tosiques dont le diagnostic est souvent retardé et la contagiosité élevée, patients déments (la mobilité sans assistance est un facteur de risque d’infestation par le sarcopte) ;– facteurs liés à la gestion inadéquate d’une épidémie : dia-gnostic retardé (les investigations commencent parfois quand une gale est diagnostiquée chez un membre du personnel), mauvaise appréciation du nombre de cas et de contacts à trai-ter, mesures d’isolement mal respectées, échecs thérapeuti-ques, surveillance trop courte après traitement.

Prise en charge d’une épidémie de gale en institutionEn premier lieu, il faut définir les cas :– cas certain : sujet présentant des symptômes caractéristi-ques de gale ± confirmation par examen parasitologique de prélèvements, ou sujet ayant un prurit cutané avec des lésions atypiques et examen parasitologique positif ;

– cas suspect : sujet présentant des symptômes évoquant une gale au cours de la période d’épidémie.Puis, il faut classer les sujets contacts :– 1er cercle : personnes ayant eu un contact cutané prolongé avec un cas (par exemple, entourage familial proche, relations sexuelles, soins infirmiers...) ;– 2e cercle : personnes vivant ou travaillant dans la collectivité ;– 3e cercle : personnes visitant occasionnellement la collectivité, entourage familial des personnes fréquentant régulièrement la collectivité.Pour contrôler une épidémie grave, il faut traiter jusqu’au 3e cercle.

Quel est le bon traitement de la gale ?Le traitement repose sur l’utilisation de l’ivermectine (AMM en France depuis 2001) en administrant systématiquement deux doses de 200 μg/kg, la seconde 15 jours après la 1re prise, chez les patients et les sujets contacts2. Toutefois, l’efficacité n’est pas de 100 % et le niveau de preuve est encore discuté. Des résistances ont été décrites chez des sujets prenant de fortes doses, notamment en Australie (forte prévalence de la gale chez les Aborigènes). L’ivermectine doit donc être utilisée de manière raisonnable, uniquement si le diagnostic de gale est prouvé (pas de traitement d’épreuve).Elle sera combinée aux traitements topiques dans les gales les plus graves. La lotion antigale habituellement utilisée est le ben-zoate de benzyle (Ascabiol®). Elle est appliquée sur l’ensemble du corps sauf le visage et les muqueuses génitales, au pin-ceau, et laissée en place plusieurs heures, puis rincée par lavage (douche), selon deux protocoles : soit une application unique de 24 heures, puis rinçage, soit deux applications le soir espacées de 24 heures, le produit étant gardé durant la nuit, passée dans des draps lavés à 60 °C, puis rincé le lendemain matin.

Pou de tête et Bartonella quintanaBartonella quintana, une bactérie proche des Rickettsies, est l’agent de la fièvre des tranchées porté par le pou de corps, qui a tué 1 million de personnes pendant la Première Guerre mon-diale. Deux découvertes récentes méritent d’être rapportées :

Gale et poux sont toujours d’actualité

Les épidémies de gale et de poux restent fréquentes et sont difficiles à circonscrire, car il faut identifier les cas et les sujets en contact afin d’optimiser le traitement et éviter les recontaminations. Le traitement de la gale ne peut être effectué que devant une infection documentée ; en dépit des nouvelles molécules disponibles : diméticone, ivermectine et malathion, la pédiculose reste toujours difficile à éradiquer.

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OptionBio | Lundi 2 mai 2011 | n° 454 13

parasitologie|foooooooooooooooorrrrrrrrrrrrmmmmmmmmmmmmmmmmmattiiiiioooooooooooooooooooonnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn

– Pediculus humanus humanus (pou de corps) et P. h. capitis (pou de tête) sont morphologiquement et génétiquement non distinguables ;– une étude menée chez 138 sans domicile fixe (SDF) à San Francisco en 2007-2008 a montré que 33,3 % des individus avec des poux de corps et 25 % de ceux avec des poux de tête avaient des poux infectés par B. quintana.

La pédiculose du cuir chevelu reste difficile à traiterDe nouveaux traitements ont été mis à disposition, notamment la diméticone à 4 %. Jusqu’à présent, il était admis qu’elle “asphyxiait” les poux. En réalité, elle interfère avec le système d’évacuation d’eau entre le pou et le milieu extérieur : le pou explose par rupture osmotique.Un essai thérapeutique a été mené chez des patients ayant une pédiculose active démontrée par la présence de poux vivants et en échec de traitement insecticide local dans les 2 à 6 semaines précédentes3. Cet essai ayant inclus 812 patients, randomisé, en double insu, en cluster (cas index + famille trai-tés), a comparé l’ivermectine per os 400 μg/kg à J1 et J8 au malathion en lotion à 0,5 % (traitement insecticide encore de référence). Le critère principal d’évaluation était la présence ou non de poux vivants 15 jours après le traitement et l’analyse, en intention de traiter. Dans cette étude, l’ivermectine s’est révélée plus efficace que le malathion (taux d’efficacité 95 % versus 85 %). Toutefois, la dose utilisée était double de celle habituellement prescrite pour le traitement d’autres parasito-

ses (onchocercose, filariose lymphatique) et des résistances ont d’ores et déjà été décrites. De fait, il est recommandé, pour préserver l’efficacité de cette molécule dans la pédicu-lose du cuir chevelu, de ne la prescrire qu’en deuxième ou troisème intention, après échec des insecticides locaux (et/ou dispositifs).

ConclusionLes ectoparasitoses représentent un enjeu important à la fois économique et de santé publique. La gale reste un problème majeur dans les pays en voie de développement. |

ESTHER SACOUN

Journaliste scientifique, Paris

Sarcoptes. |© P

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SourceCommunication d’Olivier Chosidow, lors des Journées dermatologiques de Paris,

décembre 2009.

Références1. Ancelle T, Morice J, Tourte-Schaffer C. Investigation d’une épidémie de gale dans un

centre de long et moyen séjours pour personnes âgées de la région parisienne, 1995-

1996. Rappel clinique. Mesures d’hygiène en présence de cas de gale dans un éta-

blissement d’hébergement ou de soins pour personnes âgées. BEH. 1997 ; 6 : 23-6.

2. Chosidow O. Clinical practices. Scabies. NEJM. 2006 ; 354 : 1718-27.

3. Chosidow O, Giraudeau B, Cottrell J, et al. Journées dermatologiques de Paris,

2008.