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Le Sénégal, officiellement la République du Sénégal, est un pays d’Afrique de l’Ouest appartenant à l’Afrique subsaharienne. Il est bordé par l’océan Atlantique à l’ouest, la Mauritanie au nord et à l’est, le Mali à l’est et la Guinée et la Guinée-Bissau au sud. La Gambie forme une quasi-enclave dans le Sénégal, pénétrant à plus de 300 km à l’intérieur des terres. Les îles du Cap-Vert sont situées à 560 km de la côte sénégalaise. Le pays doit son nom au fleuve qui le borde à l’est et au nord et qui prend sa source dans le Fouta Djallon en Guinée. Le climat est tropical et sec avec deux saisons : la saison sèche et la saison des pluies. Pendant la période coloniale, plusieurs comptoirs appartenant à différents empires coloniaux s’établissent le long de la côte. La ville de Saint-Louis devient capitale de l’Afrique occidentale française puis ce sera la ville de Dakar en 1902 laquelle deviendra ensuite capitale de la république sénégalaise au moment de l’indépendance en 1960. Le pays fait partie de la CEDEAO 1 . Depuis le 25 mars 2012, Macky Sall est devenu le qua- trième président de la République du Séné- gal. La langue officielle est le français qui coexiste avec les langues nationales comme le diola, le sérère, le pular, le soninké, le wolof, etc. Intégré aux principales instances de la communauté internatinale, le Sénégal fait également partie de l’Union africaine LA GAZETTE Humains sur la même planète Lycée Pablo Neruda 35, rue Henri WALLON 38400 St MARTIN D’HERES - www.lycee-pabloneruda38.fr- rubrique vie lycéenne N°13 février 2013 « L’unité » © Marie Mathias B. Kodat Roc² juin 2010 Nous avons le grand plaisir de confier ce numéro à des collègues et des élèves du Lycée de Matam, au Sénégal. Notre collègue, Mamadou Lamine Diedhiou, professeur de français, présente son pays, ainsi que la région de Matam, son lycée et le CLAP (Club de Littérature, d’Art et de Philosophie). Mamadou Lamine Ly, professeur de philosophie, propose un article sur la question des origines de la philosophie. Et des élèves nous font découvrir certaines de leurs activités. Nous les remercions. Le groupe Humains sur la même planète s’est constitué le 21 mars 2009 (Journée mondiale contre le racisme). Il traite des diverses ques- tions nous concernant tous, humains, sur cette planète commune, de manière diverse et universelle. Il peut s’agir d’économie, de politique, de cuisine, d’écologie, d’art, de philosophie, de sport, il s’agira toujours, au bout du compte, de la question éthique et politique, probable- ment la plus difficile à traiter et à résoudre, nous plaçant au pied du mur de notre désir de vivre bien, ensemble. (UA) et de la Communauté des États sahélosa- hariens. La région de Matam Matam est une ville du Sénégal oriental, située à 653 km à l’est de Saint-Louis et à 693 km de Dakar la capitale du Sénégal. C’est le chef-lieu de la région de Matam. Matam a été fondée par Farba Boubou Samba Gaye vers 1512. Mamadou Mory Diaw est l’actuel maire de la commune de Matam. Matam alors département de la région de Saint-Louis a été érigée en ré- gion en 2001 avec Matam, Kanel, Ranérou comme départements. Le Lycée de Matam Le Lycée de Matam, qui était composé du premier et du second cycle et, qui était dans l’enceinte de l’actuel Collège d’Enseignement Moyen de Matam, s’est vu séparé de ce dernier à la rentrée scolaire 2005/2006. Il compte désor- mais vingt classes dont huit secondes L, une seconde S, deux premières L'1, deux premières L'2, une première S2, une première S1, une terminale L'1, deux terminales L2, une terminale S2 et une terminale S1. L’établissement a également une salle informatique qui permet aux élèves de faire leurs recherches et une salle polyvalente qui sert de cadre à diverses activités. Le CLAP Le Club de Littérature, d’Art et de Philosophie (CLAP) est l’un des clubs existants dans le lycée. Il participe à l’animation de l’établissement par l’entremise de ses activités. Il permet aux élèves d’éclore leur talent, de faire valoir leur expertise, de s’exprimer librement, de se forger, de bénéficier de l’enseignement extra muros. Les activités didactiques et celles ludiques concourent à la formation de tous ceux qui y prennent part. Le CLAP participe aussi à beaucoup de concours organisés à l’échelle nationale tels le Festival International des Journaux Lycéens (FIJL), le Festival Inter- Scolaire de Théâtre (FIST), etc. A l’interne, nous avons des activités comme le Concours Défi-Lecture, les Projections de films concernant les livres inscrits au programme, les conférences sur des thèmes actuels, les représentations théâtrales qui ne sont pas filmées. Le Journal Le Lycée Matam-Info est également dans le giron du CLAP, les articles qui y sont lus sont écrits par les élèves sous la supervision de leur encadreur. Mamadou Lamine Diedhiou, professeur de français 1. Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest Ci-contre, à gauche, la carte du Sénégal, à droite, une photographie du lycée de Matam. Ci-dessus : le drapeau du Sénégal. Le Lycée de Matam Matam

GAZETTE n°13 MATAM · 2018-09-24 · Matam a été fondée par Farba Boubou Samba Gaye vers 1512. Mamadou Mory Diaw est l’actuel maire de la commune de Matam. Matam alors département

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Page 1: GAZETTE n°13 MATAM · 2018-09-24 · Matam a été fondée par Farba Boubou Samba Gaye vers 1512. Mamadou Mory Diaw est l’actuel maire de la commune de Matam. Matam alors département

Le Sénégal, officiellement la République du Sénégal, est un pays d’Afrique de l’Ouest appartenant à l’Afrique subsaharienne. Il est bordé par l’océan Atlantique à l’ouest, la Mauritanie au nord et à l’est, le Mali à l’est et la Guinée et la Guinée-Bissau au sud. La Gambie forme une quasi-enclave dans le Sénégal, pénétrant à plus de 300 km à l’intérieur des terres. Les îles du Cap-Vert sont situées à 560 km de la côte sénégalaise. Le pays doit son nom au fleuve qui le borde à l’est et au nord et qui prend sa source dans le Fouta Djallon en Guinée. Le climat est tropical et sec avec deux saisons : la saison sèche et la saison des pluies. Pendant la période coloniale, plusieurs comptoirs appartenant à différents empires coloniaux s’établissent le long de la côte. La ville de Saint-Louis devient capitale de l’Afrique occidentale française puis ce sera la ville de Dakar en 1902 laquelle deviendra ensuite capitale de la république sénégalaise au moment de l’indépendance en 1960. Le pays fait partie de la CEDEAO1. Depuis le 25 mars 2012, Macky Sall est devenu le qua-trième président de la République du Séné-gal. La langue officielle est le français qui coexiste avec les langues nationales comme le diola, le sérère, le pular, le soninké, le wolof, etc. Intégré aux principales instances de la communauté internatinale, le Sénégal fait également partie de l’Union africaine

LA GAZETTE Humains sur la même planète

Lycée Pablo Neruda 35, rue Henri WALLON 38400 St MARTIN D’HERES - www.lycee-pabloneruda38.fr- rubrique vie lycéenne

N°13 février 2013

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odat Roc² juin 2010

Nous avons le grand plaisir de confier ce numéro à des collègues et des élèves du Lycée de Matam, au Sénégal. Notre collègue, Mamadou Lamine Diedhiou, professeur de français, présente son pays, ainsi que la région de Matam, son lycée et le CLAP (Club de Littérature, d’Art et de Philosophie). Mamadou Lamine Ly, professeur de philosophie, propose un article sur la question des origines de la philosophie. Et des élèves nous font découvrir certaines de leurs activités. Nous les remercions. Le groupe Humains sur la même planète s’est constitué le 21 mars 2009 (Journée mondiale contre le racisme). Il traite des diverses ques-tions nous concernant tous, humains, sur cette planète commune, de manière diverse et universelle. Il peut s’agir d’économie, de politique, de cuisine, d’écologie, d’art, de philosophie, de sport, il s’agira toujours, au bout du compte, de la question éthique et politique, probable-ment la plus difficile à traiter et à résoudre, nous plaçant au pied du mur de notre désir de vivre bien, ensemble.

(UA) et de la Communauté des États sahélosa-hariens.

La région de Matam Matam est une ville du Sénégal oriental, située à 653 km à l’est de Saint-Louis et à 693 km de Dakar la capitale du Sénégal. C’est le chef-lieu de la région de Matam. Matam a été fondée par Farba Boubou Samba Gaye vers 1512. Mamadou Mory Diaw est l’actuel maire de la commune de Matam. Matam alors département de la région de Saint-Louis a été érigée en ré-gion en 2001 avec Matam, Kanel, Ranérou comme départements.

Le Lycée de Matam Le Lycée de Matam, qui était composé du premier et du second cycle et, qui était dans l’enceinte de l’actuel Collège d’Enseignement Moyen de Matam, s’est vu séparé de ce dernier à la rentrée scolaire 2005/2006. Il compte désor-mais vingt classes dont huit secondes L, une seconde S, deux premières L'1, deux premières L'2, une première S2, une première S1, une terminale L'1, deux terminales L2, une terminale S2 et une terminale S1. L’établissement a également une salle informatique qui permet aux élèves de faire leurs recherches et une salle polyvalente qui sert de cadre à diverses activités.

Le CLAP Le Club de Littérature, d’Art et de Philosophie (CLAP) est l’un des clubs existants dans le lycée. Il participe à l’animation de l’établissement par l’entremise de ses activités. Il permet aux élèves d’éclore leur talent, de faire valoir leur expertise, de s’exprimer librement, de se forger, de bénéficier de l’enseignement extra muros. Les activités didactiques et celles ludiques concourent à la formation de tous ceux qui y prennent part. Le CLAP participe aussi à beaucoup de concours organisés à l’échelle nationale tels le Festival International des Journaux Lycéens (FIJL), le Festival Inter-Scolaire de Théâtre (FIST), etc. A l’interne, nous avons des activités comme le Concours Défi-Lecture, les Projections de films concernant les livres inscrits au programme, les conférences sur des thèmes actuels, les représentations théâtrales qui ne sont pas filmées. Le Journal Le Lycée Matam-Info est également dans le giron du CLAP, les articles qui y sont lus sont écrits par les élèves sous la supervision de leur encadreur. Mamadou Lamine Diedhiou, professeur de français

1. Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest

Ci-contre, à gauche, la carte du Sénégal, à droite, une photographie du lycée de Matam. Ci-dessus : le drapeau du Sénégal.

Le Lycée de Matam

Matam

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Conformément au règlement intérieur établi dans les établissements scolaires sénégalais, le lycée de Matam, comme la plupart des lycées du Séné-gal, respecte la levée et la descente des couleurs. La levée se fait chaque lundi à 7h55mn et la des-cente chaque vendredi à 13h. Le lycée avait pris l’initiative de la pratiquer avant même que le Prési-dent de la République et son ministre de l’éduca-tion décident de changer le foyer socio-éducatif en gouvernement scolaire (entrée en vigueur lors de la rentrée 2012-2013) qui réaménage le règlement intérieur des lycées sénégalais. Ce qui constitue un grand pas dans l’instruction des valeurs citoyennes aux élèves. J’ai commencé à assister à une levée des couleurs lorsque j’ai quitté le préscolaire pour rejoindre l’élémentaire. C’est là-bas que j’ai eu le privilège d’y prendre part du CI au CM2. Mais il convient de signaler que durant les quatre années passées au collège je n’y ai pas assisté une seule fois. Et voilà sept ans après (4 ans au collège et 3 ans au lycée) que je retrouve ce rituel si bien aimé. Tous les élèves étaient ravis et manifestaient une grande impatience pour l’arrivée du grand jour c’est-à-dire celui de la première levée du drapeau qui avait eu lieu le lundi 17 décembre 2012. Un calendrier est mis en place à partir duquel les clas-ses effectueront à tour de rôle la levée des couleurs pendant laquelle tout le monde doit rester debout et attentionné en récitant l’hymne national. Ce dernier qui, normalement, est maîtrisé par les élèves de-puis l’élémentaire plus précisément en troisième année (CE1), semble échapper à certains, et même

les élèves du secondaire. Ce qui reste désolant pour un citoyen qui doit toujours se soucier des choses qui concernent son pays. Symbole de la nation, et de manière plus détaillée, de la liberté, de l’indépendance, et de la fierté d’appartenir à un Etat libre, le drapeau reflète les réalités d’un pays. C’est-à-dire que chaque couleur, chaque signe a une symbolique particulière.

Essentielle dans le processus de formation d’un bon citoyen, la connaissance des cou-leurs nous permet de bien appréhender les principes fondateurs de notre Etat. Pour mieux comprendre cela, nous devons étaler notre entendement du groupe de mots citoyen modèle. Pour nous, c’est quelqu’un qui aime son pays, qui se soucie du présent et du devenir de ce dernier, qui privilégie l’intérêt du peuple au détriment du sien. Ce rituel de la montée et de la descente des cou-leurs développera chez les élèves l’esprit civique et les valeurs patriotiques. Il trouve sa raison d’être dans la formation des citoyens de type nouveau, préparés à servir courageu-sement, efficacement son pays. C’est un moyen de connaissance des principes de base de notre nation, de ce qu’elle était, de ce qu’elle est, et de ce qu’elle veut devenir. Fatimata Niang, élève de TS2

La couleur verte, par exemple, est vue comme étant celle de l’islam mais aussi de l’ensemble des forêts (verdure) se trouvant sur le territoire sénégalais. Elle est pour les chrétiens la couleur de l’espoir, et pour les animistes, elle représente la fécondité. La couleur jaune symbolise la prospérité, la richesse et l’abondance car se rapprochant de l’or. Elle est aussi le symbole de la culture, de l’esprit, des arts et des lettres. Le rouge rappelle la couleur du sang, cou-leur de la vie, donc du sacrifice consenti par toute une nation. Le drapeau porte éga-lement, en vert, au centre de la bande jaune, une étoile à cinq branches. Chaque bout de l’étoile vise un des cinq continents en signe d’ouverture. Beaucoup d’établissements prennent l’initiative de s’adonner à la prati-que de la levée et de la descente des cou-leurs mais rares sont ceux qui pérennisent l’acte. C’est le cas du lycée de Ourossogui, ou de l’école élémentaire Matam 1. D’au-tres la pratiquent occasionnellement (lors des visites d’une autorité scolaire ou d’un membre du gouvernement). C’est le cas du collège de Tiguéré, par exemple.

La levée et la descente des couleurs dans mon établissement

Elèves du CLAP à la bibliothèque du centre culturel de Matam

Deux tableaux de Hameth Fall Diop, élève de TL2B

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La philosophie est-elle vraiment née en Grèce ? A la question où est née la philosophie ? La plupart des penseurs et historiens de la philo-sophie répondent « la philosophie est née en Grèce ». La prédominance de la thèse des origines helléniques de la philosophie s’expliquerait éventuellement par la prééminence des documents historiques et épigraphiques attestant l’origine grecque de la philosophie sur ceux qui témoignent des origines préhelléniques de l’amour de la sagesse. Parmi ces penseurs qui soutiennent les origines grecques de la philosophie, nous citerons entre autres Aristote de Stagire (384-322 av. J. C.), Martin Heidegger (1889-1976), Edmund Husserl (1859-1938), Jean-Pierre Vernant (1914-2007)…Selon l’helléniste français Jean-Pierre Vernant, la naissance de la philosophie en Grèce est la résultante logique et mani-feste des mutations sociopolitiques de la Grèce antique. En effet, la Grèce réunissait les conditions nécessaires à une production intellectuelle florissante comme la citoyenneté des hommes libres, l’essor du secteur artistique, la montée en puissance de la démocratie favorisant la liberté d’expression et la place prépondérante accordée à la parole dans la gestion de la cité (agora). Cet ensemble de facteurs a favorisé la naissance de la philoso-phie en Ionie (actuelle Turquie) et plus exactement dans la province de Milet au sixième siècle avant Jésus-Christ. Les premiers philosophes seraient donc ceux que l’on a appelé les Milésiens de la nature. Ces derniers furent les premiers à substituer l’explication irra-tionnelle et surnaturelle du monde des mythes à l’explication rationnelle et physique du monde de la philosophie naissante. Ces philosophes chevronnés en physique soutenaient la thèse selon laquelle toute chose qui existe dans le cosmos proviendrait d’un seul élé-ment de la nature qu’ils ont appelé l’archê. Autrement dit, cet élément premier, selon ces précurseurs de la philosophie serait la cause de toute autre. Pour Thales de Milet (624-546 av. J. C.) l’archê est l’eau, selon Anaximandre (610- 546 av. J. C.) l’illimité et pour Anaximène (585-525 av. J. C.) l’air. Attribuant à la Grèce la maternité de la philosophie, l’existentialiste allemand Martin Heidegger (1889-1976) affirmait : « la locution rebattue philosophie occidentale est en vérité une tautologie. Pourquoi ? Parce que la philoso-phie est grecque dans son être même.». Cependant, la thèse soutenant les origines grec-ques de la philosophie fait-elle unanimité ? N’y a-t-il pas d’autres thèses qui remettent en question les origines helléniques de la philosophie ? Même si la thèse qui sous-tend les origines helléniques de la philosophie a fini par triompher, il est loisible de reconnaître qu’elle n’est pas universellement acceptée. Loin s’en faut ! En effet, aux antipodes des tenants de la thèse helléniste, d’autres penseurs tels que Isocrate (338-436 av. J. C.), Diogène Laërce ainsi que les panafricanistes, tel que Cheikh Anta Diop (1923-1986), réfutent l’origine occidentale de la philosophie en cher-chant les premiers balbutiements de cette forme de pensée rationnelle dans les civilisa-tions qui ont connu leur lustre avant la Grèce antique. Selon ces tenants de la thèse des origines préhelléniques, la philosophie serait née dans les civilisations mésopotamiennes, babyloniennes ou encore égyptiennes. Diogène Laërce a beaucoup insisté sur le fait que l’archê soit fruit de la pensée mésopotamienne avec notamment le poème de la création. A l’instar de Diogène Laërce, Isocrate réfute l’origine grecque de la philosophie. Pour ce penseur, les premiers philosophes grecs n’étaient que les disciples des prêtres égyptiens. Il affirmait d’ailleurs à juste titre : « Pythagore de Samos venu en Egypte et s’étant fait disciple des gens de là-bas fut le premier à rapporter en Grèce toute la philoso-

phie . » (…)

Le génie créateur du peintre

J’avais 11ans, j’étais en classe de CM2 quand j’ai vu pour la première fois à la télévision des filles en train de pratiquer la gymnastique. J’étais avec mon père et je n’y comprenais rien, mais cela m’avait vraiment plu. J’étais fascinée par la pratique et j’ai demandé à mon papa ce que c’était. Il m’a dit que c’est de la gymnastique, c’est un art qui consiste à assouplir et à fortifier le corps par des exercices appropriés. A cet instant même, je me suis sentie évadée du monde réel dans lequel je vivais. J’éprouvais un puissant désir de faire la gymnastique comme ces filles. Malheureusement pour moi, il n’y avait pas de gym-nase à Matam, mais à chaque fois que je m’isolais, j’essayais de faire des roulades, en vain. C’est au lycée en 2011, quand j’étais en classe de seconde, que j’ai rencontré un professeur « super bien ». Il est un féru en exercices athlétiques. C’est avec lui que j’ai commencé à développer mes capaci-tés gymniques, dans un club qu’il avait mis sur pied au niveau de l’établissement. C’était vraiment merveilleux, nous faisions des pres-tations durant les activités du foyer socio-éducatif de notre établissement, et une fois nous avons participé à une compétition qui s’est tenue dans la région. Etant donné que le professeur nous incitait à croire davan-tage en nous, finalement nous avions remporté la victoire et c’était génial. Après deux ans de bonheur, le professeur était affecté dans une autre ville, mais cela n’empêche que je continuerai toujours à aimer la gymnastique, et mon rêve le plus cher est de devenir une grande gymnaste. Fatimata Bintou NDiaye, élève de TL2B

La gymnastique, ma passion

La peinture est ma passion, ma source d’imagination et de réflexion. Entre elle et moi, il s’agit d’une relation viscérale, d’un tandem peintre-peinture, ou mieux encore d’un amant et d’une amante. Mon génie de création artistique se réveille au milieu de la na-ture ; je m’inspire à travers les belles couleurs qui brillent aux rayons solaires. D’un coup de pinceau, mon imagination réfléchit sur la toile comme les sept couleurs de l’arc-en-ciel. J’hume l’odeur de la peinture qui se dégage des flacons et des pinceaux humectés. Les sensations émanant de cette odeur me suggèrent une autre façon de voir le monde. Je reste des heures et des heures dans un coin paisi- ble et tranquille de la maison, tournant de gauche à droite, dans tous les sens cherchant à appliquer mon esprit sur une image ou une idée précise. Une fois que tout devient clair, je commence tout natu- rellement à peindre. L’union de mes doigts me facilite la tâche ; le tableau si obéissant, si souple, si doux au toucher, prêt à être exposé ou fixé sur les murs des salons et des galeries, se laisse faire. Je fixe mes yeux sur cette toile, je suis émerveillé et mes canaux lacrymaux de mes peines sont bouchés ; le stress, la colère, la solitude me fuient quand je suis armé de mes panels et brosses. Les objets quotidiens me paraissent aussi si chers qu’ils ne sont pas négligeables chez moi, et à partir desquels je parviens à décrire, à décrypter les ima-ges qui se cachent à l’intérieur des choses, et même les traces laissées par l’éponge mouillée sur un tableau noir. La peinture me grandira. Hameth Fall Diop,

élève de TL2B

Tableau de Hameth Fall Diop

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Dans la plupart des régions du Sénégal, ce sont les assistantes ménagères, que l’on appelle communément les bonnes, qui effec-tuent les travaux domestiques. Matam fait exception à ce phénomène car ce sont les talibés qui y assurent la salubrité dans les domiciles. Véritables artisans de la propreté, ils jouent un rôle capital dans le bon fonc-tionnement des maisons. Un talibé, c’est un élève d’une école coranique ou un disciple d’un marabout. Dans le cas qui nous concerne, ce sont les deux acceptions du mot qui seront prises en compte, car des fois, même si le talibé a mémorisé les ver-sets du Coran, il lui reste l’apprentissage des arcanes de ce dernier. Dans tous les cas, il est sous la coupole d’un marabout. Les talibés, venus apprendre le Coran auprès du grand marabout Thierno Samassa ou de ses disciples, consacrent un peu de leur temps libre aux travaux domestiques. Ces apprenants sont très nombreux dans la ville, à telle enseigne qu’on ne manque pas de les apercevoir la nuit sous les lampadaires en train de mémoriser les versets du Coran. Ils font partie intégrante du décor de la localité. Ils viennent d’horizons divers tels le Mali, la Guinée Bissau, la Guinée Conakry, la Gam-bie, ou bien même de l’intérieur du pays. Presque toutes les ethnies y sont présentes. Cela fait de Matam l’un des foyers d’ap-prentissage du Coran les plus importants du pays, voire de la sous-région. Ainsi, la capi-tale de la onzième région du Sénégal est une ville religieuse, une université tant l’ensei-gnement coranique y occupe une place pri-mordiale. Aux heures qui ne sont pas consa-crées aux études, les talibés vaquent à leurs différentes occupations. C’est ainsi que certains d’entre eux s’attachent tout bonne-ment à monnayer leur temps dans les mai-sons en y effectuant des tâches ménagères. Ils balayent les cours des maisons, font le ménage, lavent la vaisselle, nettoient les toilettes, font certaines commissions, et parfois même donnent à manger et à boire aux animaux. C’est comme qui dirait qu’ils font presque tout dans les domiciles. « Les assistants ménagers » que sont les talibés sont de deux ordres : d’abord, ceux qui tra-vaillent trois fois dans la journée à des heu-res correspondant aux trois repas quoti-diens ; ensuite, ceux qui ne font qu’une seule apparition. Le premier groupe ne bé-néficie pas d’un paiement pécuniaire mais des trois repas de la journée alors que le second a droit à une somme exacte à la fin de chaque mois. Le travail requiert une cer-taine disponibilité. Si l’on doit s’absenter

(…) Il est important de savoir que le père du vocable philosophie, Pythagore, était l’élève du prêtre kamite égyptien Enuphis l’Héliopolitain. D’autres chercheurs, à l’instar des panafricanistes comme Cheikh Anta Diop, soucieux de rétablir la vérité historique long-temps occultée par l’eurocentrisme occidental, ont refusé la maternité grecque de la philo-sophie. Selon ce savant et égyptologue sénégalais, l’amour de la sagesse (philosophie) dont parle Pythagore n’est qu’une reprise de l’amour de la vérité (mrwt-n-maat) qu’ensei-gnaient les prêtres kamites (noirs) égyptiens. Au total, il est important de savoir que ni la thèse des origines helléniques, ni celle qui soutient les origines préhelléniques ne sont imperméables aux critiques. Le fait que la question des origines de la philosophie soit controversée, loin de jeter du discrédit sur sa validité et son importance, l’enrichit en ai-guisant l’esprit critique de ses pratiquants. Mamadou Lamine Ly, professeur de philosophie

A Matam, quand les talibés effectuent les tâches ménagères

Les membres du personnel du lycée

pour une période allant d’une semaine à un mois, l’on doit se faire remplacer par un ami ou un frère qui assure le service le temps que l’on revienne. Il s’agit là d’une manière sûre, ou mieux encore d’un subterfuge permettant de garder son poste, car il n’est pas aisé d’en trou-ver une fois qu’on le perd. Le mieux c’est que quand on doit s’absenter on recourt illico aux services de quelqu’un sans quoi, à son retour, ce sera purement et simplement l’oisiveté la plus absolue en dehors des heures consacrées à l’apprentissage du Coran. Moussa est un talibé qui a la chance de trouver du boulot. Il explique les travaux auxquels il s’adonne journelle-ment : « Balayer, faire le ménage du couloir, nettoyer les toilettes, nettoyer une chambre ». Il dit que le travail est plus ou moins dur, et que cela ne l’empêche pas de suivre normalement ses cours, il est dans l’obligation de le faire. Il ne peut s’abstenir de travailler : « Si je ne le fais pas, cela ne va pas m’arranger. Ce qu’on me paye, c’est bon parce que c’est ce qui me permet d’acheter des habits, des chaussures. Je ne demande de l’argent à personne. Je suis avec mon petit frère et je lui en donne pour son petit déjeuner ». Moussa ne peut s’empêcher d’être un « assistant ménager » ; il relève donc d’une nécessité pour lui le fait de ne pas tomber dans le désœuvrement. Il reçoit à la fin de chaque mois une somme qui lui permet de subvenir à certains de ses besoins. Quant à ses repas, il les prend chez son « Ndiatigué » (sorte de tuteur ou de protecteur) auprès de qui il ne bénéficie pas d’émoluments. Il s’en explique : « Il ne me paye pas une somme exacte, mais il me donne de l’argent de temps en temps. Il me prend comme son fils. Tout ce qu’il amène à la mai-son, on se le partage. Je me lave chez lui. En plus de cela, il me donne du savon pour laver mes habits. Je fais tout là-bas. Il arrive même que je passe la nuit là-bas ». C’est là une ma-nière comme une autre de dire que les rapports entre employeur et employé dépassent le sim-ple cadre du travail pour avoir une forte ramifi-cation sur le social. D’ores et déjà, il s’est agi de rapports entre un « père » et son enfant. Monsieur K.Diop, informaticien à la Direction Régionale des Postes de Matam, est l’em-ployeur de Moussa et dit l’avoir recruté pour le nettoiement de sa chambre car il est tout le temps occupé par son travail : « Je n’ai pas le temps de m’occuper de ma chambre, et ici il y a beaucoup de poussière, c’est pourquoi j’ai re-cruté un talibé pour qu’il fasse le ménage au niveau de ma chambre ». Apparemment, c’est par manque de temps qu’il recourt aux services d’un talibé qui va nettoyer la chambre pour qu’elle puisse être bien ordonnée et propre dès qu’il rentre du travail. Il dit que parfois il n’est

pas satisfait des prestations de son em-ployé : « Des fois, il ne vient pas ; des fois, il nettoie mal la chambre. Il ne dépoussière pas les portes. Il astique uniquement les carreaux. Des fois, je ne suis pas satisfait ». Il apparaît clairement qu’il relativise sur le service rendu par le talibé, mais il dit n’a-voir pas le choix car il est difficile d’enga-ger une jeune fille qui ne saurait accepter la modique somme payée au talibé. Hormis ces quelques considérations, il soutient avoir entièrement confiance en ces talibés : « J’ai eu à recruter deux talibés depuis que je suis à Matam. Ils n’ont jamais volé quoi que ce soit dans la chambre. Franchement, je n’ai pas encore rencontré un talibé vo-leur. Celui avec qui je suis présentement est très sympa, très propre ; dès que tu le vois, tu ne croiras pas que c’est un talibé ». Il ressort qu’à défaut d’avoir une jeune fille à sa disposition, la solution c’est de s’offrir les services d’un talibé en qui on a confiance. Par ailleurs, il y a des gens qui ont à la fois une bonne et un talibé. Une dame, sous le couvert de l’anonymat, que nous avons trouvée dans une maison sise à Tantadji et faisant face au cimetière du dit quartier, fait partie de ceux-là. Assise sur une natte en train de dorloter sa fille, elle nous livre avec beaucoup d’aisance les secrets de ce phénomène qui est monnaie courante dans la ville : « J’ai une bonne à ma disposition mais les travaux domesti-ques sont très costauds pour les bonnes. Et les bonnes veulent être aidées par les tali-bés. Si tu n’as pas de talibé, elles vont quit-ter la maison. Presque dans chaque maison il y a un talibé pour aider la maman ou la bonne ». Cela semble s’être érigé en règle, ou mieux encore en tradition. Le talibé « doit » être présent dans la maison. On voit de façon permanente les talibés pointer dans les maisons pour chercher un « ndiatigué » qui va leur assurer les repas moyennant un service rendu. Notre interlocutrice est satisfaite du travail effec-tué par le talibé qu’elle a recruté : « Je suis satisfaite de ses prestations. Il lave les as-siettes, il balaye la cour de la maison, il donne de l’herbe aux moutons, il aime ça ». Après les services rendus, elle ne donne pas de l’argent. Elle s’en explique : « Ici on ne paye pas mais tu dois lui assurer les trois repas : le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. C’est ça qu’on donne aux talibés. On ne donne pas de l’argent ». Mamadou Lamine Diedhiou, professeur de français