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Progrès en urologie (2013) 23, 1318—1326 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Généralités de prescription des anti-infectieux en urologie Anti-infectious treatments in urology: General remarks F. Bruyère a,,b , G. Karsenty c,d , L. Guy e , C. Bastide c,f , L. Bernard b,g a Service d’urologie, CHRU Bretonneau, 2, boulevard Tonnellé, 37044 Tours cedex, France b PRES centre Val-de-Loire université, université Franc ¸ois-Rabelais de Tours, 37000 Tours, France c Aix Marseille université, 13284 Marseille, France d Service d’urologie et transplantation rénale, hôpital de la Conception, AP—HM, 13385 Marseille cedex 5, France e Service d’urologie, hôpital G.-Montpied, université d’Auvergne, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France f Service d’urologie, hôpital Nord, AP—HM, 13385 Marseille cedex 5, France g Service de maladies infectieuses, CHRU Bretonneau, 37044 Tours, France Rec ¸u le 28 aoˆ ut 2013 ; accepté le 29 aoˆ ut 2013 MOTS CLÉS Antibiotiques ; Recommandations ; Prescription ; Réévaluation ; Résistance antibiotique Résumé Objectif. Définir les généralités d’utilisation des anti-infectieux en urologie. Matériel et méthode. Une revue des recommandations nationales ainsi que des articles publiés sur le sujet dans la base de donnée Medline, sélectionnés par mots clés, en fonction de la pertinence scientifique a été effectué. Résultats. Alors que l’épidémiologie montre clairement la non diminution de la prescription d’anti-infectieux en France, les résistances augmentent jusqu’à mettre en exergue des germes toto-résistants. L’urologie n’échappe pas à ce constat et différents moyens sont énoncés afin d’améliorer les prescriptions faites par les urologues. Conclusion. Le constat épidémiologique confirme la nécessité absolue d’améliorer la pres- cription des anti-infectieux particulièrement en urologie. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Bruyère). 1166-7087/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.08.324

Généralités de prescription des anti-infectieux en urologieurofrance.org/fileadmin/documents/data/PU/2013/v23i15/S... · total (variable en fonction des espèces). Si on compare

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rogrès en urologie (2013) 23, 1318—1326

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

énéralités de prescription desnti-infectieux en urologie

nti-infectious treatments in urology: General remarks

F. Bruyèrea,∗,b, G. Karsentyc,d, L. Guye,C. Bastidec,f, L. Bernardb,g

a Service d’urologie, CHRU Bretonneau, 2, boulevard Tonnellé, 37044 Tours cedex, Franceb PRES centre Val-de-Loire université, université Francois-Rabelais de Tours, 37000 Tours,Francec Aix Marseille université, 13284 Marseille, Franced Service d’urologie et transplantation rénale, hôpital de la Conception, AP—HM, 13385Marseille cedex 5, Francee Service d’urologie, hôpital G.-Montpied, université d’Auvergne, 63003 Clermont-Ferrandcedex 1, Francef Service d’urologie, hôpital Nord, AP—HM, 13385 Marseille cedex 5, Franceg Service de maladies infectieuses, CHRU Bretonneau, 37044 Tours, France

Recu le 28 aout 2013 ; accepté le 29 aout 2013

MOTS CLÉSAntibiotiques ;Recommandations ;Prescription ;Réévaluation ;Résistanceantibiotique

RésuméObjectif. — Définir les généralités d’utilisation des anti-infectieux en urologie.Matériel et méthode. — Une revue des recommandations nationales ainsi que des articlespubliés sur le sujet dans la base de donnée Medline, sélectionnés par mots clés, en fonction dela pertinence scientifique a été effectué.Résultats. — Alors que l’épidémiologie montre clairement la non diminution de la prescriptiond’anti-infectieux en France, les résistances augmentent jusqu’à mettre en exergue des germestoto-résistants. L’urologie n’échappe pas à ce constat et différents moyens sont énoncés afind’améliorer les prescriptions faites par les urologues.

Conclusion. — Le constat épidémiologique confirme la nécessité absolue d’améliorer la pres-cription des anti-infectieux particulièrement en urologie.

. Tous droits réservés.

© 2013 Elsevier Masson SAS

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (F. Bruyère).

166-7087/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.08.324

Généralités de prescription des anti-infectieux en urologie 1319

KEYWORDSAntibiotics;Guidelines;Prescription;Reevaluation;Antibiotic resistance

SummaryObjective. — To define the general use of anti-infectious treatments in urology.Materials and methods. — A review of national guidelines and articles published on the subjectin the Medline database, selected by keywords, depending on the scientific relevance wasperformed.Results. — While the epidemiology clearly shows the non-reduction of the anti-infectious treat-ments use in France, the resistance increases to highlight foo-resistant germs. Urology is notan exception to this observation, and different means are set to improve the prescription madeby urologists.Conclusion. — The epidemiological observation confirms the urgent need to improve the pres-cription of anti-infectious treatments particularly in urology.© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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Introduction

La prescription des antibiotiques ne nécessite aucune spé-cialité, aucune compétence reconnue. Alors que des dérivesont été observées dans l’utilisation de ces médicaments, queleur efficacité diminue, il n’existe pas ou peu de nouvellesmolécules. La préoccupation médicale de nos aïeux se résu-mait aux infections et l’arrivée de la pénicilline a changé lepaysage épidémiologique. Mais le constat actuel péjoratifquant aux antibiotiques nous pousse à penser que les pré-occupations infectieuses vont resurgir. Sans tomber dans unalarmisme non fondé, il est dans notre devoir d’optimiser laprescription des antibiotiques et de promouvoir le dévelop-pement de nouvelles molécules.

Épidémiologie

Consommation et résistance

Il existe une corrélation forte entre l’utilisationd’antibiotiques et l’apparition de résistances bacté-riennes. Ce phénomène a été principalement validé pourla corrélation entre de l’utilisation de fluoroquinolone(Fig. 1) et l’émergence de Staphylococcus aureus résistantà la méthicilline (SARM), Escherichia coli et quinolones ouceftriaxone (Fig. 2), Enterobacter et cefotaxime (Fig. 3).Mais ces associations sont variables en fonction des anti-biotiques, on parle alors de pression de sélection. Lesassociations les plus fortes sont ceftriaxone et E. coliciprofloxacine-résistant ; ciprofloxacine ou ofloxacineet E. coli Cip-R, C3G-R, SARM, E. cloacae cefotaxime-R,P. aeruginosa Cip-R et Caz-R [1].

Consommation humaine

Au niveau national francais, la consommation humainedes antibiotiques est surveillée par le réseau ATB RAISINchaque année. Nous rapportons ici les données du dernierrapport sur les données de 2011 recueillies en 2012 [2].

Il existe un certain nombre de recommandations sur lasurveillance de la consommation des antibiotiques desétablissements de santé (ES) : l’ANDEM en 1996 [3], laconférence de consensus SPILF de mars 2002 [4], l’accord

mpm

adre national de bon usage des antibiotiques (DHOS 2006)t la circulaire du 23 mars 2006 sur le guide de recueil desonsommations [5]. Le réseau ATB RAISIN a été mis enlace en juillet 2009 avec une méthodologie harmoniséeu niveau national par les 5 CCLIN depuis 2007. L’unité deesure utilisée est celle préconisée par l’OMS : la dose défi-

ie journalière rapportée à l’activité (DDJ/1000 journées’hospitalisation). Les enquêtes réalisées par le réseauont rétrospectives et basées sur le volontariat des ES derance métropolitaine et outre mer à partir d’un recueiles données sur la consommation des antibiotiques, lesonnées administratives et d’activité et les résistancesactériennes. Les résistances bactériennes étudiées étaientes couples bactéries-antibiotiques ciblés dans les recom-andations (circulaire du 2 mai 2002 et plan national’alerte sur les antibiotiques 2011—2016) [6] : S. aureust oxacilline ; Enterobacter cloacae et céfotaxime ;. coli et ciprofloxacine, céfotaxime ou ceftriaxone ;seudomonas aeruginosa et ceftazidime, imipénème,iprofloxacine.

Au total 2692 ES ont participé soit un total de3 9604 lits d’hospitalisation et plus de 70 millions deournées d’hospitalisation. La consommation était de58 DDJ/1000 JH en CHU, 439 en CH et 665 en hôpitaux desrmées.

La distribution des familles d’antibiotiques consommésans les services de chirurgie (Fig. 4) montre une prépon-érance de consommation des bêtalactamines avec 66 % duotal. Notons que l’association amoxicilline—acide clavula-ique représente 31 % du total, prescription présentant peu’indication en urologie.

La consommation est inégale en fonction des régionsn France, résultat probablement biaisé par la méthodee recueil basée sur le volontariat. Néanmoins, remar-uons que le pourtour méditerranéen possède la plus grandeonsommation en carbapénème, peut être en partie lié à’incidence des résistances aux bêtalactamines dans cetteégion ; que l’est de la France est le plus gros consomma-eur de céphalosporines de 3e génération (C3G). Bien suru’il existe des différences entre les secteurs d’activitésvec plus de consommation en maladies infectieuses, réani-

ation et hématologie. Les fluoroquinolones largementrescrites en urologie sont finalement peu consommées enaladies infectieuses relativement aux autres spécialités. Si

1320 F. Bruyère et al.

Figure 1. Incidence des Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) et consommation de fluoroquinolones (n = 546).

Figure 2. Incidence des Escherichia coli résistants aux C3G et consommation de ceftriaxone.

F

igure 3. Incidence des Enterobacter cloacae résistants au cetotaxim e et consommation de C3G.

Généralités de prescription des anti-infectieux en urologie 1321

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2008 2009 2010 2011

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Figure 6. Évolution des consommations d’antibiotiques enDd

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Figure 4. Distribution des familles d’antibiotiques distribués dansles services de chirurgie.

une épargne de cette famille doit être préconisée, il semblequ’elle soit mieux initiée dans cette spécialité.

La consommation des différentes quinolones est variableselon les secteurs d’activité (Fig. 5).

La consommation en quinolones s’est stabilisée depuis2008 avec une hausse significative de consommation en

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Figure 5. Consommation des différentes quinolones en fonction du se

DJ/1000 JH (taux globaux) dans la cohorte de 614 établissementse santé (ES) ayant participé chaque année de 2008 à 2011.

evofloxacine (+18,7 %) contre −2,2 % pour la ciprofloxa-ine et −7,3 % pour l’ofloxacine. Parallèlement à l’arrivéees germes résistants aux quinolones, la consommation eneftriaxone a augmenté de 36,7 %. Quant à l’arrivée desermes porteurs de bêtalactamase à spectre étendu (BLSE),lle s’est accompagnée d’une augmentation de 25,7 % pour’imipenème jusqu’à 319 % pour le doripénème.

La consommation globale relative a augmenté depuis008 mais de facon moindre depuis 2010 (Fig. 6). La consom-ation a même diminué dans les ES des armées de −4,7 %

ontre une augmentation de 10,8 % en centre hospitalier.Un plan national d’alerte sur les antibiotiques est en

ours (2011—2016) [6] et vise à renforcer l’efficacité dea prise en charge des patients, de préserver l’efficacitées antibiotiques existants et de promouvoir la recherche.es nouvelles actions à venir sont le développement’outils informatiques d’aide à la prescription mais aussie surveillance au moyen d’indicateurs de qualité. Parallè-ement, un encadrement des prescriptions va être réaliséotamment par le développement de la formation desrescripteurs (coopération réseaux, journées d’échanges,entres de références pour l’utilisation des antibiotiques).

onsommation animale

’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) a ini-ié un suivi des ventes d’antibiotiques à usage animalier dès

cteur d’activité.

1322 F. Bruyère et al.

Tableau 1 Mode de résistances des principales classes d’antibiotiques.

Classe Mode de résistance Germes Mécanisme

Bêtalactamines Bêtalactamase Staphylocoques BGN Plasmidique ouchromosomique

Modification des PLP StaphylocoquePneumocoqueEntérocoquesGonocoquesHaemophilusPseudomonas

MutationTransformationMutation

Imperméabilité Pseudomonas Mutation

Aminosides Enzymes d’inactivation CGP Plasmide

Macrolides — lincosamides —spectrogramines

Modification ribosome CGP Mutation

Imperméabilité Haemophilus MutationInactivation enzymatique Plasmide

Quinolones Modification gyraseImperméabilité

BGN Mutation

Tetracyclines Élimination PlasmideImperméabilité Mutation

Phénicoles Inactivation enzymatique Plasmide

Polypeptides Imperméabilité BGN Mutation

Rifampicine Transcriptase modifiée Mutation

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Glycopeptides

999 [7]. Il est basé sur une déclaration annuelle des ventesar les laboratoires qui les commercialisent.

En 2011, le volume total des ventes d’antibiotiques’élevait à 913, 6 tonnes qui est le tonnage le plus faiblenregistré depuis le début du suivi. Les résultats de l’année011 confirment la diminution enregistrée les années précé-entes : 31,2 % depuis 1999 ; 31,1 % sur les 5 dernières annéest 9,9 % entre 2010 et 2011.

Néanmoins, il faut apporter un certain nombre de pointsoins favorables à ces bons résultats.Tout d’abord les variations de consommation ont varié en

onction des espèces : −46,2 % pour les porcs et +26,8 % poures volailles sur la même période.

Parallèlement, les consommations ont varié en fonctione l’antibiotique.

Le niveau d’exposition des animaux aux fluoroquinolones quasiment été multiplié par 2 et l’exposition aux céphalo-porines a quant elle été multipliée par 2,5.

Les volailles sont quant à elles chaque année plus expo-ées aux fluoroquinolones (+6,9 % entre 2010 et 2011). Maise sont les bovins qui consommaient au total le plus de cettelasse d’antibiotique par voie parentérale et les volailles paroie orale.

La famille des tétracyclines représente à elle seule envi-on la moitié des ventes et les fluroquinolones environ 0,5 %u total (variable en fonction des espèces).

Si on compare à nos voisins européens et en pondérant la population animale, la France garde bien la premièrelace de la consommation avec 10 fois plus que les scandi-aves et majoritairement pour le bétail.

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Entérocoques Plasmide

Pour endiguer ces augmentations préoccupantes’exposition aux antibiotiques, le parlement de Strasbourg

adopté une résolution pour lutter contre la résistance auxntibiotiques lors de la réunion plénière du 11 décembre012. Même si l’impact réglementaire ou législatif resteaible, les eurodéputés ont affirmé le rôle du vétérinaire enermes de résistances aux antibiotiques.

Le ministre actuel de l’Agriculture a annoncé plusieursécisions intégrant le plan Ecoantibio 2017 [8]. Un certainombre de réflexions sont engagées pour ne pas lier pres-ription d’antibiotiques à des incitations commerciales.

Les axes principaux du Plan national de réduction desisques d’antibiorésistance en médecin vétérinaire sontésumés en Annexe 1.

es principes généraux de prescriptiones antibiotiques

énéralités

es principes généraux d’utilisation des antibiotiquesépassent la spécialité urologique et touche toutes lesisciplines utilisant les antibiotiques. Hélas, en dehorses maladies infectieuses, peu de formations sont dispen-ées aux jeunes générations de médecins pour prescrire

es traitements. Leur innocuité potentielle les font pres-rire à outrance et ce mésusage intègre la non nécessité’une antibiothérapie, le choix inadaptée de la molé-ule d’antibiotique, ainsi que la posologie et la durée

Généralités de prescription des anti-infectieux en urologie 1323

Tableau 2 Principales caractéristiques des bêtalactamases.

Pénicillinase deStaphylococcus aureus

Pénicillinasesdes gram−

Céphalosporinases BLSE

Extracellulaire + — — —Périplasmique — + + +Chromosomiques — — + —Plasmidique + + — +Inductible + — + —Constitutive — + + +Inhibée par acide clavulanique + + — +

BLSE : bêtalactamase à spectre étendu.

OXA pour hydrolysant l’oxacilline, PSA pour pseudomonasspecific enzyme. La même enzyme est parfois désignée pardes noms différents.

Les TEM sont surtout présentes chez les entérobactéries.Les BLSE sont des enzymes apparus à la suite de modi-fications survenues sur les plasmides qui codent pour lesTEM1, TEM2, SHV1 ou 2 et sont appelées TEM3 à 9 ou SHV3 à5. Elles hydrolysent les bêtalactamines jusqu’aux C3G maisrespectent les céphamycines et l’imipenème. Elles sontplasmidiques donc transférables et sensibles aux inhibiteursde bêtalactamases. Leur détection se fait in vitro en testantcote à cote une C3G et de l’acide clavulanique. On obtientainsi une image caractéristique en bouchon de champagne(Fig. 7) [9].

Mais pour être efficace il faut aussi que l’antibiotiquepénètre activement la cible de l’infection. Par exemple uneprostatite devra être traitée par un antibiotique qui pénètreassez la prostate pour atteindre des taux efficaces pourréduire la croissance bactérienne. Il faut donc parfaitementconnaître par site d’infection l’activité des antibiotiques.Les diffusions des antibiotiques dans les organes ciblesd’infections en urologie sont décrites dans Bruyere et al.(référence de l’article sur antibiotiques du rapport).

inadéquates. Le spectre large de certaines molécules lesrend aptes à être utilisé par des professionnels non formés.Les bonnes pratiques passent par l’apprentissage des prélè-vements à réaliser pour éviter les traitements empiriques,la connaissance des spectres naturels ou la prise en comptede l’écologie locale, la connaissance de l’interprétation desantibiogrammes et de la prise en considération des conceptsde réévaluation thérapeutique et de désescalade thérapeu-tique. L’utilisation de recommandations et de protocoles deservice doit être la référence. Les référents en antibiologiesont obligatoires dans les établissements de soins et peuventaider en cas de doute.

La cible, le germe et le terrain

Être efficace sur un germe nécessite une activité in vitrosur ce dit germe. Cette activité qui est notifié surl’antibiogramme par un S (sensible) est la réponsed’automates microbiologiques indiquant l’inhibition decroissance provoquée par l’antibiotique.

Principes des résistancesOn connaît des résistances naturelles programmées sur legénome bactérien et des résistances acquises consécutivesà des modifications chromosomiques ou plasmidiques (80 %).La résistance plasmidique concerne la plupart des anti-biotiques sauf les rifamycines, polypeptides, nitrofuranes,quinolones et les glycopeptides. Si une souche n’exprimeque des résistances naturelles on parle de phénotype sau-vage. Lorsque les souches peuvent croître en présencede faibles concentrations d’antibiotiques on parle de basniveau de résistance à l’opposé des hauts niveaux de résis-tance. Les mécanismes de résistances sont variables enfonction des antibiotiques : en se rendant imperméable àla pénétration, en produisant des enzymes capables de lesinactiver, en modifiant la structure de leur cible (Tableau 1).

Les enzymes qui inactivent les antibiotiques sont lesbêtalactamases : pénicillinases, céphalosporinases. Cer-taines sont inductibles (céphalosporinases des gram néga-tifs) d’autres sont constitutives (pénicillinases des gramnégatifs) (Tableau 2).

Considérant les bacilles gram négatifs (BGN) fréquem-ment rencontrés en urologie, les bêtalactamases portentdes noms variables : TEM du nom du malade chez quiavait été isolée la souche, SHV pour sulhydril variable,

Figure 7. Image en bouchon de champagne des bêtalactamasesà spectre étendu (BLSE).

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324

L’autre élément indispensable est la capacité poure malade de supporter le traitement. Malgré leurpparente innocuité les antibiotiques peuvent être res-onsables d’effets indésirables et présentent quelquesontre-indications. De plus, en fonction de la biodisponi-ilité et de la métabolisation hépatique ou de l’excrétionénale, le statut hépatique ou rénal des malades doit êtreonnu. Les cas de la femme enceinte [10] et de l’insuffisanténal sont typiques [11].

omment s’assurer de l’efficacité desntibiotiques

e principe d’une antibiothérapie vise à améliorer uneituation clinique le plus souvent associée à un élémentactériologique : hémocultures ou ECBU.

Le principe de base pourrait consister à s’assurer de laonne amélioration clinique : disparition de la fièvre et designes qui ont motivé la consultation : douleurs lombaires,ignes fonctionnels urinaires. Le tout devant être associé àne disparition du germe en cause par de nouveaux prélè-ements rendus stériles.

Mais cette prise ne charge pourrait paraître ‘légère’.n effet certaines améliorations initiales de l’état cli-ique peuvent s’accompagner d’une non guérison. Prenons’exemple d’une prostatite aiguë bactérienne traitée paruoroquinolones qui s’améliore rapidement. Si la durée de

’antibiothérapie n’est pas optimale alors des rechutes oues récidives peuvent apparaître.

Le meilleur témoin de l’efficacité d’un traitement anti-iotique est la disparition persistante d’un état clinique qui

motivé la prescription avec confirmation bactériologiquee la disparition du germe. Dans des soucis souvent écono-iques la confirmation de la stérilité des prélèvements n’estas toujours recommandée : par exemple après une cystiteiguë il n’est pas recommandé de faire d’ECBU de contrôle.

L’infectiologie urinaire est le plus souvent de diagnosticlinique et le contrôle de l’efficacité des traitements restee plus souvent clinique.

Mais on ne peut évaluer l’efficacité d’un traitement sansérifier les effets secondaires potentiels du dit traitement.

Ce contrôle de la sécurité du médicament est souventégligé en ce qui concerne les antibiotiques parce que laimple disparition de la fièvre rassure le plus souvent.

Les antibiotiques ont des contre-indications de prescrip-ion qu’il faut vérifier avant de débuter un traitement maisussi un certain nombre d’effets indésirables propres auédicament et parfois lié au terrain du malade.

rincipe de réévaluation

e principe de réévaluation est un élément indispensable àa bonne mise en place d’un traitement antibiotique [12].

Il vise, dans un délai de 48 à 72 heures à :s’assurer de la bonne efficacité clinique et bactériolo-gique du traitement ;s’assurer de la sensibilité du germe à la molécule choisie

(antibiogramme) ;vérifier l’observance ;potentiellement modifier le traitement pour une moléculeaussi efficace et à moindre pression de sélection ;

cIl

F. Bruyère et al.

décider de la durée optimale ;s’assurer de la sécurité médicamenteuse c’est-à-direl’absence de contre indication initiale et d’effets secon-daires liés au traitement.

es schémas optimaux de prescriptionntibiotique

l existe un certain nombre de règles de base dont certainesont à rapprocher des grilles d’évaluation des pratiques pro-essionnelles de la HAS parues en 2008 nommées « Stratégie’antibiothérapie et prévention des résistances bacté-iennes en établissement de santé » : Ces règles peuvent êtretilisées comme une check list lors de la prescription [12].

ssurer une prescription des antibiotiquesonforme aux bonnes pratiquesa prescription d’un antibiotique est nominative, datée etignée, mentionnant le nom du malade.

La prescription initiale de l’antibiothérapie est inscriteans le dossier patient.

La réévaluation de l’antibiothérapie entre la 24e heuret la 72e heure est inscrite dans le dossier patient.

La poursuite de l’antibiothérapie au-delà de 3—4 jours até soumise à l’avis d’un médecin senior.

La poursuite d’une antibiothérapie probabiliste au-delàe 3—4 jours est motivée.

La durée d’une antibiothérapie ne dépasse pas uneemaine sans justification.

ssurer une antibiothérapie curative conforme auxonnes pratiques’origine bactérienne documentée ou probable de’infection est identifiable dans le dossier.

L’antibiothérapie prescrite est conforme au protocoletilisé dans le service ou aux recommandations de la spé-ialité.

L’antibiothérapie tient compte des résultats microbiolo-iques.

Si l’hypothèse diagnostique à l’admission est celle dehoc septique, l’antibiothérapie est débutée dans la 1re

eure après le début du choc septique.Si lors de la réévaluation à la 48e heure—72e heure, la

oursuite de l’antibiothérapie est décidée, la durée prévi-ionnelle de l’antibiothérapie est précisée.

La durée d’une antibiothérapie ne dépasse pas uneemaine sans justification.

En cas d’association d’antibiotiques, la prolongation deette association au-delà de 3 jours est justifiée dans le dos-ier.

Lorsqu’une désescalade est possible, elle a été réalisée.Lorsqu’une désescalade est possible et n’a pas été réali-

ée, la justification de la décision est précisée.

ettre en place une bonne organisation généralee la prescription antibiotique à l’hôpital : la

ommission des anti-infectieux (CAI)

l doit exister un comité des anti-infectieux dans’établissement ou l’établissement fait partie d’un réseau.

Le CAI doit se réunir au moins 3 fois par an.

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Généralités de prescription des anti-infectieux en urologie

Le CLIN et la COMEDIMS sont représentés dans la CAI.Le CAI est consulté par la COMEDIMS.Il existe une liste des anti-infectieux disponible dans

l’établissement établie par la COMEDIMS.Il existe une liste des antibiotiques à distribution contrô-

lée.Les modalités de contrôle de la dispensation de ces anti-

biotiques sont connues.

Place des référents et des correspondants locauxen antibiothérapieL’établissement dispose d’au moins un référent en antibio-thérapie.

Le(s) référent(s) en antibiothérapie sont membre(s) dela CAI.

Le(s) référent(s) a(ont) une activité totale ou partielledédiée.

Il existe des correspondants locaux connus de la CAI danschaque service ou pôle.

S’assurer que le laboratoire de microbiologie joueson rôle dans le bon usage des antibiotiquesDes procédures internes de contrôle de qualité des tech-niques de détection des résistances bactériennes sont misesen place au sein du laboratoire de microbiologie.

Des procédures externes de contrôle de qualité des tech-niques de détection des résistances bactériennes sont misesen place au sein du laboratoire de microbiologie.

Le système informatique implanté au sein du laboratoirede microbiologie permet une surveillance épidémiologique.

Le laboratoire de microbiologie dispose d’un systèmeopérationnel d’alerte capable de prévenir l’EOHH et les ser-vices cliniques, en cas de phénomène épidémique et deprofil de résistances particulier (avec définition de seuilsd’alerte).

Il existe un échange permanent de données entre la phar-macie et le laboratoire de microbiologie permettant le suivides antibiotiques à dispensation contrôlée.

Les données de la surveillance de la résistance des princi-pales bactéries sont présentées à la CAI et au CLIN au moinsune fois par an.

Les données de la surveillance de la résistance des prin-cipales bactéries sont transmises aux services cliniques aumoins une fois par an.

S’assurer que la pharmacie à usage intérieur joueson rôle dans le bon usage des antibiotiquesL’organisation de la pharmacie doit permettre d’assurer enpermanence la mise à disposition aux prescripteurs des anti-biotiques admis par la COMEDIMS/le CAI/le CLIN.

La tracabilité des unités d’antibiotiques délivrées et nonadministrées est assurée.

La pharmacie valide les prescriptions nominatives desantibiotiques, par au moins l’identification du patient,l’identification du prescripteur et la date de la prescription.

Pour les antibiotiques à dispensation contrôlée, la phar-macie dispose d’une procédure interne de vérification de laconformité de la prescription antibiotique avec les recom-mandations de le CAI, voire avec l’avis du référent.

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1325

Il existe un système d’information notamment acces-ible aux professionnels de santé de l’établissement, sura liste actualisée des antibiotiques disponibles à la phar-acie, avec des recommandations de bonnes pratiques’administration et les coûts de traitement journalier.

Les consommations des antibiotiques sont exprimées sousorme de DDJ/1000 journées d’hospitalisation.

Les données sur le suivi et l’analyse des consomma-ions des antibiotiques, selon les principaux types d’activitésédicales ou centres de responsabilité de l’établissemente santé, sont transmises au moins une fois par an à la COME-IMS, au CLIN, au CAI, à la CME, aux services cliniques et auxôles.

Les données de consommation des antibiotiques sont pré-entées au CAI et au CLIN au moins une fois par an.

Les données des consommations des antibiotiques sontransmises aux services cliniques au moins une fois par an ?

rganiser les acteurs hospitaliers dans le bonsage des antibiotiques : les services cliniques

l existe des protocoles écrits (papier, intranet)’antibiothérapie dans les principales situations cli-iques tenant compte des résistances locales : protocolee l’établissement ; protocoles spécifiques de servicesédicaux, services chirurgicaux, urgences, long et moyen

éjour.Il existe des protocoles écrits (papier, intranet) de moda-

ités d’administration des antibiotiques. Les protocolescrits sont validés par le CAI.

Il existe des audits de conformité (avec restitutiones résultats) aux protocoles écrits (papier, intranet)’antibiothérapie.

Il existe des correspondants locaux connus du CAI danshaque service clinique ou pôle.

nformation et formationl existe une procédure d’informations des nouveaux pres-ripteurs sur le bon usage des antibiotiques.

Il existe des protocoles écrits (papier, intranet)’antibiothérapie dans les principales situations cliniquesenant compte des résistances locales : protocole de’établissement ; protocoles spécifiques de services médi-aux, services chirurgicaux, urgences, long et moyen séjour.

En cas d’introduction d’un nouvel antibiotique dans’établissement, des rencontres avec des représentantse l’industrie pharmaceutique ont lieu au sein de laAI.

Au cours de l’année écoulée, il a été réalisé au moinsne enquête de pratique ou un audit sur le bon usage desntibiotiques et les résultats de ces interventions ont fait’objet d’une communication.

Tous ces éléments font partie de la V10 du manuel deertification des établissements de santé.

ègles générales

a présence d’une fièvre n’implique pas nécessairementa prescription d’un antibiotique. L’antibiothérapie doitépondre à une situation clinique, un cadre nosologique pré-is.

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[naires et antibiothérapie chez l’insuffisant rénal. Prog Urol

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Il faut privilégier la voie orale lorsque cela est possible.es infections sur voie veineuse sont une des principalesauses d’infections nosocomiales, et peuvent avoir desonséquences graves (bactériémies, endocardites, abcèsecondaires. . .).

Les antibiotiques sont le plus souvent inefficaces sur desésions abcédées. Le drainage chirurgical est souvent plusfficace.

Une infection sur matériel impose le plus souvent’ablation du matériel (sonde urinaire, voie veineuse cen-rale ou périphérique, prothèse. . .).

Une fièvre chez un patient valvulaire doit faire recher-her une endocardite.

Il faut toujours se poser la question de la nécessité ouon d’isoler le patient (une infection nosocomiale ouvertempose un isolement de contact, la présence d’une touxmpose un isolement respiratoire jusqu’à identification duroblème). Les protocoles d’isolement sont disponibles auiveau des CLIN (ex. : http://clin.ap-hm.fr/).

a recherche en antibiologie

es nouvelles molécules d’antibiotiques bien qu’attenduesmpatiemment n’apparaissent pas. Les laboratoires phar-aceutiques n’investissent que peu dans ce domaine qui

este peu rémunérateurs et concurrencés par les géné-iques soulignait le journal Les Échos récemment. Le nombree nouveaux produits ne cessent de s’infléchir alors quees résistances augmentent. Les maladies voire les traite-ents qu’ils soient médicaux ou chirurgicaux affaiblissent

’immunité, l’intérêt potentiel des antibiotiques est par-out, quotidien et pluridisciplinaire. On estime à 25 000 casar an de décès résultant d’infections résistantes aux anti-iotiques en Europe soit environ 900 millions d’euros deurcoûts hospitaliers.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

nnexe 1. Matériel complémentaire

e matériel complémentaire (Annexe 1) accompagnant laersion en ligne de cet article est disponible sur http://

[

F. Bruyère et al.

ww.sciencedirect.com et doi:10.1016/j.purol.2013.08.24.

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