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8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique
1/29
Gense de l'esthtique romantique: De la pense transcendantale de Fichte la posietranscendantale de SchlegelAuthor(s): Ives RadrizzaniSource: Revue de Mtaphysique et de Morale, 101e Anne, No. 4, PHILOSOPHIE ET POSIE(Octobre-Dcembre 1996), pp. 471-498Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40903500.Accessed: 23/09/2014 04:05
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2/29
Gense
de
l'esthtique
omantique
De la
pense
transcendantale
e Fichte
la posie transcendantale e Schlegel
La tche
assigne
par
Friedrich
chlegel
la
faction romantique
st
d'achever
l'entreprise
ranscendantale,
ntameavec succs
par
Fichte
dans le domaine de
la
philosophie,
n
largissant
otamment u domaine de
l'art le cadre
ug
trop
troitde la Doctrine
de la
Science.
Dans la ralisationde cette
tche,
Schlegel
reste de
part
en
part
tributaire
u
systme
ichten.
D'un
ct,
il
n'aborde
la
construction e
son
esthtique ue
par
le biais d'une
histoire
u
Beau construite
sur unephilosophiede l'histoiredont il trouve e modle thorique hez Fichte.
D'un autre
ct,
c'est sur le modle de
la
philosophie
transcendantale
e Fichte
qu'il dveloppe
on
concept
de
posie
transcendantale.
i,
pour
l'essentiel,
'ori-
ginalit
de
Schlegel
a consist dans
la
tentative
'exporter
e modle
transcen-
dantal hors du domaine de la
philosophie,
la
lgitimit
e
son
entreprise
este
toutefois uspendue
la
question
du statut d'une telle
exportation.
Die von F.
Schlegel
der
romantischen
aktion
zugeschriebene ufgabe
ist,
das
von
Fichte
m
Gebiet
der
Philosophie
erfolgreich egonnene
ranszendentale
Unternehmen urch die
Erweiterung
es
ihm
zu
eng
scheinendenRahmens der
Wissenschaftslehre
uf
das Gebiet der Kunst
zu
vollenden.Bei der
Ausfhrung
dieser
Aufgabe
bleibt
Schlegel
durchgngig
on Fichte
abhngig.
Einerseits
eht
er an denAufbau seinersthetiknurber eine Geschichte es Schnen heran,
die
sich
auf
eine
Geschichtsphilosophierndet,
dessen theoretisches odell er
bei Fichte
findet.
Andererseits ntwickelt r seinen
Begriff
er
Transzendental-
poesie
nach
dem Vorbild
von
Fichtes
Transzendentalphilosophie.
enn
Schlegels
Originalittauptschlich
n dem Versuch
esteht,
as
transzendentale
odell
auer-
halb des Gebietsder
Philosophie
u
bertragen,
leibtdie
Legitimitt
eines
Unter-
nehmens on der
Frage
nach der
Berechtigung
iner olchen
bertragungbhngig.
Le but de cet article est d'clairer
le modle
thorique exploit par
le jeune Schlegeldans la construction e son esthtique.Le titre aisse
apparatre 'angle d'approche
choisi
pour
aborder
e
sujet,
en mme
emps
Revue e
Mtaphysique
t de
Morale,
N
4/1996
471
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Ivs
Radrizzani
qu'il suggre
une thse
provoquante
qui,
autant
que
nous
sachions,
n'a
encore
amais
t
soutenue,
du moins sous
une forme aussi
outre,
savoir
que
la
potique chlglienne
erait a
transposition
ans le domaine
de
l'esthtique
de la
conception
fichtenne
e
la
pense
transcendantale.
Il
s'agira
d'examiner ce
qu'il
en est.
Prcisons d'emble
que
l'on
ne s'intressera
as
ici l'ensemble
de
la
production
e Friedrich
chlegel,qui reprsente
n
corpus
tout fait
considrable,
mais
que
l'on se
limitera ux crits
de
jeunesse
prenant
place
entre1795
et
1800,
ce
qui
correspond pproximativement
l'poque
ditedu premier rouperomantique, ontFriedrich era, avec son frre,
August
Wilhelm,
t
Novalis,
l'un des
principaux
nimateurs
t le turbu-
lent thoricien.Mme
si c'est incontestablement
ans ces
premiers
extes
que
Friedrich
chlegel
faitmontre
e la
plus
grandeoriginalit,
n
parti-
culier en matire
d'esthtique,
ela ne
signifie
nullement
u'il
faille,
nos
yeux,
tenir
pour quantit
ngligeable
a
production
ultrieure.
Au
contraire,
es articles
qu'il
livreradans la
revue
Europa
(fonde par
lui
en 1803 Paris
et
qui
parat
usqu'en
1805),
en
particulier
es fameuses
descriptions
es collections
de tableaux
du Louvre
et de
Cologne
dans
lesquelles
il
prescrit
omme
remde aux
maux de la
peinture
moderne
la redcouverte es primitifstaliens t surtoutdes primitifsllemands1,
puis
en
1806,
dans les
Lettres
d'un
voyage
en
Hollande,
Rhnanie,
Suisse et dans
le Nord de
la France
2,
o
il
prne
la
rvaluationde
l'architecture
othique,
peuvent
gitimement
tretaxs de
contributions
majeures
l'histoire e
l'art.
Toutefois,
mme
i le
Schlegel
ardif
largit
sa
perspective
ar
la
prise
en
compte
notamment
e la
peinture
t
de
l'architecture,
uxquelles
l n'avait
initialement
ure
ccord
d'attention,
et
si,
d'autre
part,
a
pense
prend
un tour
toujours
plus
nettement
atho-
lique,
au
point qu'il
se
lancera
dans une
entreprise
e
dprciation
yst-
matique
de toutes
es uvres
ne
correspondant
as
son canon
de l'art
catholique, l serait xagrde direque les fondements e son esthtique
soient
profondment
emis
en cause
par
ces
prolongements
t cet
infl-
chissement,
e sorte
que
la
limitation
u
premier
chlegel
a
paru
pleine-
ment
gitime.
On se
bornera
donc
pour
l'essentiel
traiter
de l'essai
1
Concernant
a
revue
Europa
et en
particulier
a
position
u'y
dfend
chlegel
n matire
de
peinture, f.
Henri
Cheln,
Friedrich
chlegels
Europa,
Francfort-sur-le-Main,
eter
Lang,
1981,
avant
tout les
p.
81-94.
2.
Briefe uf
einer
Reise durch
die
Niederlande,
Rheingegenden,
ie
Schweiz,
und einen
Teil von
Nordfrankreich
,
Kritische
riedrich-Schlegel-Ausgabe
=
KA],
d.
Ernst
Behler,
en collab. avec Jean- acquesAnstett t Hans Eichner,Paderborn,Munich, Schningh;
Zrich,
Thomas,
partir
de
1958,
IV,
153-204.
472
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8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique
5/29
Ivs
Radrizzani
En
outre,
au cours de la
priode
qui
nous
intresse,
chlegel
a
privi-
lgi
dans son criture
ournalistique
a
technique
u
fragment,
out
comme
d'ailleurs,
la mme
poque,
son
grand
ami
Novalis. Le
fragment,
ont
on a fait la
quintessence
de
l'esprit
romantique,
la fois
marqu
du
sceau de la finitude
t
expression
microcosmique
e
l'univers,
a donn
lieu
une abondante ittrature.
e
stylepermettant
es notations nci-
sives et
ponctuelles,
chlegel
se l'tait si bien
appropri
qu'il
se
sentait
presque
incapable
d'crire
autrement,
u
grand
dam
de
son frre
qui
ne
prisait ure
ette
echnique.
Ce
que
l'on a moins
dit,
c'est
que
Schlegel
considrait ui-mme omme nfrieure etteformedans laquelle il excel-
lait et
qu'il
mesurait
l'aune d'une
forme
rigoureuse
. C'est ainsi
par
exemple qu'il
crit Novalis
en mai 97
:
Je me lie
toujours plus
d'amiti avec
Fichte. Je Taime
beaucoup
et
je
crois
que
c'est
rciproque.
Si
seulement
e pouvais
lui
montrer
out le bric--brac
(Plunder)
de mes cahiers
Hlas,
ce
qu'il
faut donc
tre
intelligent
5.
Le
fait
que
ses cahiers
se
prsentent
ous la
forme d'un
bric--brac
de
fragments,
chlegel
e ressentait
omme une dficience.
Ainsi,
en
99,
propos
des Ides parues dans VAthenum, il crira son ami Schleiermacher :
Que
Fichte
ise les 'Ides'
me
surprend
utant
que
cela me
rjouit.
La forme
ou
plutt
'absence
de forme
Unform['')
lui
rpugnera
rop.
Je
vais devoir ui
crire ce
sujet
6.
Et,
dans la lettre
Fichte
qu'il
crit
peu
aprs,
il
apporte
les
prcisions
suivantes
:
Cela
m'a
beaucoup
rjoui que
vous
ayez jug
digne
de lire avec
attention
mes Ides' sur a religion.
En
vrit,
e n'est
pas
vous
que j'avais
en
vue,
mais
des
jeunes
gens
anims de
dispositions
ssez
proches
des mienneset
qui
sont
comme moi
encore
en
pleine
ebullition;
amais
je
n'aurais
os vous
faire
part
de mes vues
autrement
ue
sous
une forme
rigoureuse
strenge
Form)
7.
5. Lettre
u 24 mai
1797,
KA
XXIII,
367
Novalis
Schriften
=NS],
IV,
d. Richard
amuel
en collab.
avec Hans-
Joachim
Mahl et Gerhard
chulz,
Stuttgart,
ohlhammer, 975,
p.
484
Fichte m
Gesprch
=
FG],
d.
Fuchs,
Stuttgart,
rommann-Holzboog,
978, I,
437).
6. Lettre
e Friedrich
chlegel
Friedrich
chieiermacher
e
septembre
799,
Aus bchleier-
macher's
Leben.
In
Briefen,
II,
d.
Ludwig
Jonas
et
Wilhelm
Dilthey,
1861,
p.
125
(FG II. 224).
7. JohannGottlieb ichte, Gesamtausgabe
er
Bayerischen
kademieder
Wissenschaften
[
=
GA],
d. Reinhard auth,Hans JacobetHans Gliwitzky,tuttgart,rommann-Holzboog,
partir
de
1962,
III, 4,
145.
474
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6/29
Gense de
l'esthtique romantique
Enfin
quelques
mois
plus
tard,
en aot
1800,
Schlegel
crit
Fichte
qu'il
a dsormais
'intention,
n matirede
science,
de s'attacher rieu-
sement
galement
la
forme,
t d'crire des cours8.
Effectivement,
n
voit
Schlegel
dlaisserds lors
la
technique
du
fragment
ce
qui
invite
prendre
rs
au
srieux es dclarations
ui
viennent
'tre
cites et
adopter
a formedu cours
qui,
sans atteindre e
degr
de finition 'une
uvre et tout en conservant insi un certain t
provisoire,
ffre vec
le
discours uivi
a
possibilit
'une forme
igoureuse, rgumentativement
labore. Pour la
priode qui
nous
intresse,
'est en revanche rs
nette-
ment e fragment ui prdomine.Ce n'est donc pas du tout sous une
forme
systmatique ue
les rflexions ur
l'esthtique
sont
prsentes,
mais
disperses
ans une
multiplicit
e
fragments,
ouvent
nigmatiques,
parfois
contradictoires,
ans une
langue
dlibrment
hiffre,
e sorte
que
c'est tout au
plus
une tentative
e reconstruction
ue
l'on
peut essayer
de
proposer.
Aprs
ces
longs prambules,
venons-enmaintenant u
vif
du
sujet.
Citons,
pour
commencer,
'un
des
fragments
e
Y
Athenum les
plus
connus
auquel
Friedrich tait
particulirement
ttach
La Rvolutionfranaise, a Doctrine de la Science de Fichte et le [Wilhelm]
Meisterde Goethe
sont es
plus grandes
endancesde
l'poque
(die
grten
Ten-
denzen
des
Zeitalters)
9.
Une
premire
ersionde ce
fragment
ue Schlegel
n'a
pas
retenue
pour
la
publication
t
qui figure
ans les
Philosophische
ragmente permet
de
prciser
n
quel
sens
il
faut
entendre e terme
de
Tendenz
traduit
ci-dessus
par
tendance :
Les trois
plus grandes
tendances de
notre
poque
sont
la
Doctrine
de la
Science [se. de Fichte],le Wilhelm Meisteret la Rvolutionfranaise.Toutes
trois
ne sont
cependant
que
des
tendances sans
ralisation
approfondie
ohne
grndliche
Ausfhrung)
10.
Le
termede
tendance
est
donc affect
d'une
connotation
ngative.
Il
lui
est
associ l'ide d'un
manque.
Il
ressort
d'ailleurs d'une
lettre
8.
Lettre
erdue
dont e
contenu st
conjectur
partir
e la
rponse
de Fichte
du 16
aot
1800
Je me
rjouis
de votredcision
de
vous attacher
rieusement
galement
la
forme,
en
matire e
science,
elon
es termes
ue
vous
utilisez, t,
cette
fin,
de tenir
des cours
(GA III, 4, 283).9. Fragmentn 216 de YAthenum,KA IL 198.
10. KA
XVIII, 85,
n
662.
475
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7/29
Ivs
Radrizzani
que
Friedrich
chlegel
dresse son frre
u'il
s'attendait
ce
que
celui-ci,
en tant
que
co-rdacteur e la
revue,
fasse
usage
de son droit de veto
et censure e
fragment
Je
regretteue
le
fragment
ur
Goethe,
ichte t a Rvolutionoit
mprim
et
que
tu
n'y
aies
pas
mis ton veto.
Il
est encore
possible
de
changer
n.
Il
ressortdu reste de la lettre
ue
Friedrich
ne voulait
pas
causer de
tort son frre
ui
attachait e
plus grand prix
conserver 'excellentes
relations vec Goethe et qui pouvaitcraindre ue la connotationpjora-
tive
de
tendance n'affecte a
susceptibilit
u
tout-puissant
matre
de Weimar.
Quoi
qu'il
en
soit,
le
fragment
ut
publi
et
fitdate.
Ainsi,
en
1841,
soit
prs
de
cinquante
ans
plus
tard, Steffens,
voquant
dans
ses mmoires 'automne
98,
rappellera ue
PAthenum
rsenta
Goethe
et Fichte comme
marquant
e tournant aractrisant
e
passage
une
nouvelle
poque
12.
L'importance
de ce
fragment
ient
sa
porte programmatique
en
identifiantes trois
phnomnes
majeurs
de
l'poque, respectivement
n
matirede
philosophie
Fichte),
d'art
(Goethe)
et de
politique,
tout en
insinuant u'ils n'ontpas port leur comble es possibilits u'ils conte-
naient en
germe
et
qu'ils
sont
donc affects
'un
manque,
ce
fragment
dessine
la
perspective
ans
laquelle
s'inscrit
'entreprise
omantique
en
mme
temps
qu'il
lui
assigne
un
but,
celui de mener
son
plein
achve-
ment e
qui
ne se
manifeste ans les
trois
phnomnes
majeurs
de
l'poque
qu'
titre de
tendance
.
Ce
fragment
evt ux
yeux
de
Schlegel
ne
telle
mportance
u'il
sentira
le besoin
d'y
revenir
ubliquement,
eux
annes
plus
tard,
dans
un
bref
article
ntitul De
l'
nintelligibilit
,
paru
en 1800 dans
Y
Athenum13
Dans cet
article,
chlegel
recourt
un
dispositif
htorique
n
peu
lourd
pourattirer'attention e ses lecteurs ur a vraiesignificationu Ten-
denzfragment
et
pour
en
faire ressortir
a
porte
programmatique.
e
procd
est le suivant
Schlegel
commence
par
se
plaindre
des malen-
tendus suscits
par
le
fragment,
vant de se
plaindre
d'un
malentendu
qu'il
n'a
pas
suscit
et
qui
tait
pourtant
voulu
:
Personne
ne semble
11.
Lettre
du 25
mars
1798,
Friedrich
chlegels
Briefe
n
seinen
Bruder
August
Wilhelm,
Berlin,
d.
Oskar Walzel
[
=
Walzel],
1890,
p.
373
(FG
I,
485-486).
12. Hendrik
teffens,
Was
ch erlebte.
Aus der
Erinnerung
iedergeschrieben,
v, Breslau,
1844,
49
{FG I, 534).13. Friedrich chlegel, berdie Unverstndlichkeit, m : Athenum, ol. 111, econd
cahier,
cf.
KA
II,
363-372.
476
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Gense de
l'esthtique
romantique
avoir
remarqu
ce malentendu].
Pourquoi
donc m'vertuer offrir n
pture
des malentendus i
personne
ne veut s'en saisir 14. On
comprend
aisment
ue
c'est ce
que Schlegel appelle
trs
maladroitement malen-
tendu
qui, par
le
jeu
de
l'ironie,
constitue
n fait la seule
faon
de
le
bien entendre . Ce
prtendu
malentendu
ui
dvoile
ironiquement
le vrai sens du
fragment
onsiste
n'entendree
terme e
tendance
que
comme si
je
ne
considrais
par exemple
a Doctrine de la
Science
[se.
de
Fichte]
ue
comme
une
tendance,
n essai
provisoire,
elle a
Critique
de la raison
pure de Kant, et que mon dessein serait d'en donner une meilleure alisation
et
de
lui
apporter
'achvement,
u comme si
je
voulais
[...]
me
placer
sur
les
paules
de
Fichte,
de mme
que
celui-ci 'est
plac
sur
les
paules
de
Reinhold,
Reinhold sur les
paules
de
Kant,
celui-ci sur les
paules
de
Leibniz,
et ainsi
de suite
l'infini,
usqu'
ce
qu'on
remonte ux
paules
originaires
15.
Enfin,
pour
le cas o le
moindredoute
quant
l'interprtation
u
frag-
ment
pouvait malgr
tout
subsister,
chlegel ette
le
masque, quelques
lignes plus
loin :
Je aisse
'ironiefaire on travail
t je dclare ansdtours ue, dans laterminologiees fragments,e termede tendance]
signifie ue
tout n'est
encore
ue
tendance,
otre
poque
est
l'poque
des
tendances
16.
Et il
poursuit
Quant
savoir i
j'estime ue
toutes es
tendances,
'est moi
qui
les ferai
pleinement
boutir,
u
peut-tre
on
frre,
u
Tieck,
ou
quelqu'un
d'autre
de
notre
action,
u
seulement'un
de nos
fils,
oireun
petit-fils,
n
arrire-petit-
fils,
n
petit-fils
u
27e
degr
u
seulementu
Jugement
ernier,
oire
amais,
je
laisse au
lecteur e soin
de trancher17.
Si
je
me
suis
permis
de citerde si
larges
extraits e ce
texte,
c'est
qu'il
me
parat
trs riche
d'enseignements.
n
y
trouve
d'abord un
constat
l'poque
moderne
est
caractrise
par
des
tendances,
c'est une
poque
o tout
n'est
encore
que
tendance.
Ce
constat
ngatif
onduit
la fixa-
tion d'une
tche
ces
tendances,
l
convientde
les faire
aboutir,
de les
conduire
leur
pleine
ralisation.
L'ampleur
de la
tche
toutefois
14.
Ibid.,
KA
II,
367.
15. Ibid.16. Ibid.
17.
Ibid.
477
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9/29
8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique
10/29
Gense de
l'esthtique romantique
blement
dvelopp
le
systme
ranscendantal
tait,
leurs
yeux,
sans
contesteFichte.
De cet examendu
Tendenz-fragment
,
il
ressort
ue Schlegel
e
pose
en hritier t en
continuateur e Fichte.
Il
convientd'examinercela de
plus prs,
car
la chose
peut paratre
bien
paradoxale.
En
effet,
ds ses
premiers
crits,
chlegel
manifeste n
got
trs
prononcpour
les
ques-
tions
d'esthtique.
Or,
le moins
que
Ton
puisse
dire,
c'est
que
le Fichte
de
l'poque qui
nous
intresse este trs discret
ur tout ce
qui
a trait
ce domaine. Un
tel silence n'est d'ailleurs
pas
fortuit. elon une thse
d'Alexis Philonenko,reprise t dveloppe par Alain Renaut dans son
ouvrage
consacr
au
systme
du droit chez
Fichte,
c'est mme une
vritable
dvalorisation e
l'esthtique que
l'on assiste chez
Fichte,
en corrlation
vec
une
promotion
e la
thmatique
e
Pintersubjectivit
et du droit19.
Rappelons
brivement
'argumentation.
elon ces
auteurs,
la
problmatique
entrale de la
Critique
de la
facult
de
juger
serait
la
problmatique
e la
communication .
Or, si,
dans
l'analyse
du
juge-
ment
sthtique,
ant met
en vidence a structure
'une communication
directe ntre es
sujets,
conditionnant
outes es formes
ndirectes e la
communication
que
ce soit au
travers
'un
concept
dans
la
connaissance
ou de la loi morale dans l'action), cettecommunication sthtiquen'a
toutefois
e valeur
que regulative
t non
constitutive,
e sorte
que
l'uni-
ficationentre
thorie et
praxis
serait
plus
exige
que
rellement
fonde
,
ce
qui,
aux
yeux
de
Fichte,
ne
suffirait
as20.
L'innovation
de
Fichte aurait
consist tenterde
confrer la
mdiation entre
es
deux
parties
de la
philosophie
une valeur
constitutive,
out en
conservant
l'ide de
communication a
place
centrale
ue
lui
avait
assigne
Kant,
ce
qui
d'une
part
se serait
traduit
par
la
promotion
de la
thmatique
de
Pintersubjectivit,
usceptible,
ses
yeux,
de
dpasser
rellement e
dualisme
kantien des
phnomnes
t
des
noumnes,
de
produire
donc
une solutionnon rflchissanteu problmede l'accord entre ibert t
nature,et,
d'autre
part,
aurait eu
pour
rpercussion
a
marginalisation
de
l'esthtique21.
Alors
que
dans la
Critique
de la
facult
de
juger,
l'esthtique
vait
pour
fonction
de relier
deux
parties
du
systme,
lle
19.
Alexis
Philonenko,
La libert
humaine
dans la
philosophie
de
Fichte
[=
La libert
humaine],
Paris,
Vrin, 1966,
19802,
p.
38-42
(cf.
galement
on
introduction la
traduc-
tion
de
Kant,
Critique
de la
facult
de
juger,
Paris, Vrin,
1965,
p. 15);
Alain
Renaut,
Le
Systme
du
droit
Philosophie
et
droit dans
la
pense
de
Fichte,
Paris,
PUF,
1986,
cf.
en
part,
e
chapitre
I de
la
premire
artie,
De
l'esthtique
u
droit
,
et
plus spcifi-
quement
e
troisime
lina
:
La
dvalorisationfichtenne e l'esthtique , p. 99 sa.20. Alexis Philonenko, La liberthumaine, 38-40; Renaut, op. cit., 99.
21.
Cf.
Alexis
Philonenko,
La
libert
humaine,
40-42;
Renaut,
op.
cit.,
99-100.
479
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11/29
Ivs
Radrizzani
n'a
plus,
chez
Fichte,
qu'une
fonction
pdagogique,
celle de conduire
au
systme,
e
relier e
point
de vue commun t le
point
de vue
transcen-
dantal,
la
non-philosophie
t la
philosophie22.
Cette dvalorisation e
l'esthtique,
ment tteste
ar
exemple
dans
le
plan
des diverses
ubdivisionsde la Doctrine
de la Science
figurant
la
fin
de la Doctrine
de la Science Nova
Methodo23,
tait
dj
contenue n nucleo dans
un article
rdig
en 1795 et
paru
en 1800 dans
le
Philosophisches
Journal,
ntitul
Sur
l'esprit
t la lettre ans
la
phi-
losophie
24. Dans cet
article,
dirig plus
directement ontre Schiller
et
les Lettres url* ducationesthtique e l'hommeque contreKant,Fichte
s'tait
dj
attach faire
pparatre
out e caractre
roblmatique
'un
passage esthtique
ntre
'ordre
thorique
t
l'ordre
pratique
n
critiquant
notammenta thse chillrienne
elon
aquelle
'ducation
sthtique
erait
une ducation la libert.Comme
le montre ien
Renaut,
Fichte
oppose
cette thse deux
arguments
1)
Dans Tordre
pratique,
a dtermination
ibre d'une
reprsentation
'inter-
vient
u'avec
l'exigence
...]
d"
engendrer
ans le monde sensible
un
produit
qui
lui
corresponde'25
...]; 2)
*
L'artiste
inspir
ne
s'adresse nullement
notre
libert'; en fait,dans l'motionesthtique, ous sommes charms' par l'uvre
qui peut
bien
nous lever
par
instantsdans
une
sphre plus
leve'
que
celle
du
monde
sensible,
mais 'sans
que
nous
y
soyons pour
rien'
et sans
que
nous
devenions en rien
meilleurs'26.
n
d'autres
termes,
'exprience
n'est
pas
une
exprience
de
la libert
...].
Et Renaut conclut
ainsi son
commentaire
:
Bien loin
par
consquent
que
l'esthtiquepermette
e
passage
de l'instinct
thorique
l'instinct
pratique
et rende
possible
l'unit de
l'esprit
corrlative-
ment,
celle de
la
philosophie),
elle se
borne,
en nous
accoutumant
u libre
eu
de reprsentationsans dtermination ar une quelconque chose quoi elles
devraient e
conformer,
prparer
e
passage
de la
simple
reprsentation
l'auto-
activit
de
l'esprit
telle
qu'elle
s'accomplira
pleinement
ans
la
philosophie
27.
22.
Cf.
Alain
Renaut,
op.
cit.,
104.
23.
Fichte,
La
Doctrine de
la Science
Nova
Methodo,
trad. Ives
Radrizzani,
Lausanne,
L'Age
d'homme,
1989,
p.
308-309
Wissenschaftslehre
ova
methodo-Kollegnachschrift
.
Chr. Fr.
Krause
1798/1799,
d.
Erich
Fuchs,
Hambourg,
Meiner,
1982,
p.
243-244).
24.
Sur
l'esprit
et
la lettre
dans la
philosophie
,
trad.
Luc
Ferry,
n
Fichte,
Essais
philosophiques
choisis,
Paris,
Vrin,
1984,
p.
79
sq.
(GA
I
6,
p.
333
sq.).
25.
Ibid., p.
91
GA
I, 6,
280.
26. Ibid., p. 109; GA 1,6, 300.
27.
Alain
Renaut,
op.
cit.,
112-113.
480
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Gense de
l'esthtique romantique
Revenons-en
maintenant
Schlegel.
N'est-il
pas pour
le
moins
para-
doxal
que
celui-ci,
dont l'intention ffirme s
les
premiers
crits est
de fonder ne nouvelle
esthtique, evendique 'hritage
d'un
philosophe
qui procdait rcisment
une telledvalorisation e la
thmatique
sth-
tique
et
qui,
apparemment,
ffraitmoins
que
tout autre un cadre
tho-
rique correspondant
son dessein. Et
pourtant,
ds
1795,
l'influence e
Fichte est clairement celable.
Ainsi,
Wilhelm von
Humboldt
note,
propos
de Sur l'tude
de la
posie grecque
dont
Schlegel
ui avait
envoy
le
manuscrit,
ue
celui-cin'est d'accord
ni
avec
l'esthtique
de
Schiller,
ni avec celle de Kant, mais entend en tablir une propre,et il ajoute :
Les ides fichtennes
emblent
galement
ui
trotter ans la tte
28.
Le
fait
est suffisamment
trangepour qu'il
faille examinerde
plus prs
pourquoi
c'est
justement
de
la
Doctrine de la Science
que Schlegel
se
voulait
e continuateur t en
quoi
celle-ci
onstituait,
son
avis,
la forme
la
plus
aboutie de
la
tendance de
l'poque
en matire de
philosophie.
Disons-le tout de suite
ce
n'est
pas
une
esthtique ue Schlegel
cher-
chaitchez Fichte.
l
tait
en
effet
arfaitement
onscient
ue
les
proccu-
pations
de Fichte taient fort
loignes
des
problmes
d'esthtique29.
C'est ainsi
qu'il
crit,
dans
ses
notes sur la Doctrine
de la Science
Tout born
ue
Ton soitdans sa
sphre,
n a tout
de mme
ar
moments
des
chappes
ur e reste u monde.
C'est e cas de Fichte
veccertains
ressen-
timents
Ahnungen)
ur
l'esthtique
30.
Mme si
Schlegel
concde
que
Fichte
n'est
pas
dnu de tout sens
pour
les
questions
d'esthtique,
l
constate
que
l'art est
tranger
sa
sphre
d'intrt Fichte est
trop
born
pour
l'intgrer
ritablement
ans
sa
philosophie. Schlegel
reproche
en
particulier
Fichte de ne
pas
en
avoir
produit
une
dduction t
de ne
pas
lui avoir
accord
de
place
dans
28.
Schillers
Werke,
Nationalausgabe,
XXXVI,
d. N.
llers, Weimar,
1972,
73
(FG,
VI-1,
189).
29. Il
semble
que
les
frres
chlegel
n'aient
pas mnag
eurs efforts
our
attirer ichte
sur le terrain e
l'art. C'est ainsi
qu'en
octobre
98,
lorsque plusieurs
membres
du
groupe
romantique
e rendirent
Dresde
pour y
visiter
a fameuse
galerie
de
peintures,
es
Schlegel
surent
onvaincreFichte
de se
joindre
eux.
Une lettre
de
Dorothea Stock
Charlotte
Schiller
nous en a
conservun
tmoignage
ocasse
:
Les
Schlegel
taient ci
[
=
Dresde]
[...],
ils
ont
pris possession
de la
galerie
t
y
ont
pass
presque
chaque
matin
vec
Schelling
et Gries
[...].
Ils ont
galement
niti
Fichte aux
secretsde
l'art. Tu
aurais
d
rire si tu
avais
vu
les
Schlegel
avec
lui,
la
faon
dont ils
le tranaient
artout
et
lui
assenaient eur
conviction.
(Charlotte
von
Schillerund ihreFreunde,d. LudwigUrlichs, II, Stuttgart,1865. 24: TOIL 10.
30. KA
XVIII, 32,
n
139.
481
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Ivs
Radrizzani
Parchitectonique
e son
systme31.
La Doctrine de la Science
est
trop
troite
zu eng)
[...].
Il
et t
lgitime ue
[...]
l'art
y
ft
galement
dduit >>.32 'absence d'une
esthtique
hez
Fichte lui semble donc un
manque,
la
marque
d'une
trop grande
troitesse,
t c'est
combler ce
manque qu'il
entend
s'atteler.
Il
nous reste
toujours
expliquerpourquoi,
si
Schlegel
avait l'inten-
tion
de
fonderune nouvelle
esthtique,
l
s'est attach
un
systme
ui
se
prtait pparemment
i mal
ce dessein?
Nous avons vu ce
que Schlegel
n'y
trouvait
pas.
Examinons maintenant e
qu'il
y
trouve. La
premire
chose qu'il y trouve,c'est une philosophiede l'histoire,dont on verra
bientt
'importance u'elle
a
dans
l'laboration
e son
esthtique. chlegel
sera enthousiasm
ar
la
lecture
des
Confrences
ur la destinationdu
savant.
C'est
ainsi
qu'il
crit en aot 95 son frre
Compare
'entranante
loquence
de
cet
homme
=
Fichte,
qu'il
vientde
qua-
lifierde
'plus grand mtaphysicien
ivant
actuellement']
dans les
Confrences
sur la
destination
u savant aux exercicesdclamatoires
e Schiller. C'est
aprs
un tel homme
que
Hamlet
soupirait
en
vain :
chaque
trait de sa
vie
publique
semble dire voil
un homme33.
Le
passage
le
plus important
e ces
Confrences
ur la destinationdu
savant
figure
ans la
cinquime
onfrence,
onsacre
1'
Examen
des
thses
de Rousseau sur
l'influencedes arts et des sciences
sur la bont
de l'humanit
34. Fichte s'en
prend
la thse rousseauiste
de l'tat de
nature. Contre
Rousseau
qui,
partant
de la
prmisse
que
la marche
en avant de
la culture st
l'unique
cause
de toute
corruption
umaine
,
en viendrait considrer
ue
le retour
st un
progrs
et
que
l'tat
de nature
est
le but dernier
uquel
doit finalement
arvenir
'huma-
nit
35,
Fichte tient
soulignerque
c'est devant nous
que
se
place
ce que Rousseau sous le nom d'tatde nature t ces potessous le vocable
31. Le
reproche
oit dit en
passant
n'est
pas justifi,puisque
Fichte accordait
une
place
l'esthtique
dans
la
Dduction
des
subdivisions e la
Doctrine de la Science
;
toute-
fois,
il
convientde
noter
que
Schlegel
ne
pouvait
pas
connatrece
texte.
32. KA
XVIII, 32,
n
143.
33. Lettre du
17 aot
1795, Walzel,
235-236
(FG
I,
297).
34.
Confrences
ur la destination u
savant
[
=
DS],
trad. Jean-Louis
Vieillard-Baron,
Paris, Vrin, 1980, p.
SO
sq.;
GA
I,
3,
59 sa.
35.
DS
S;
GA
I, 3,
60. Sur
l'interprtation
ue
Fichte
propose
de Rousseau
dans ce
texte,
f.
le
chapitre
Fichte
et
Rousseau
du
Commentaire
aisonn
que
Vieillard-
Baron a
joint
en
annexe
sa
traduction,
rad,
cit., p.
141
sq. ; cf.
en
particulier .
146 :
Fichtefausse le point de vue de Rousseau en prtendant, omme les contemporains,
que
celui-ci
prche
un retour
T'tat
de nature'
.
482
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14/29
Gensede
l'esthtique
omantique
d'ge
d'or ont
situ
derrire ous
36. Fichte
s'appuye
sur
un
argument
connotationfortement
iblique,
savoir
que
Rousseau oublie
que
l'humanit
ne
peut
et ne doit
s'approcher
de cet tat
que par
le
souci,
la
peine
et le travail
37,
doubl d'une considration ur l'essence de
l'homme
l'homme,
aussi srement
u'il
est hommeet
non
bte,
n'est
pas
destin rester
l'tat
de
nature]
,
ce
qui
reviendrait
supprimer
en mme
temps que
le vice
la vertu
et
la
raison
en
gnral
,
bref
ce
qui
fait
spcifiquement
'humanit
de
l'homme,
et
il
n'y
aurait
plus
qu'une
bte sans raison
38.
Fichte restera fidle cette
conception
d'un ge d'or devantnous,dans le Caractre e l'poque actuelle, orsqu'il
crira
que
l'humanit
se construit lle-mme
on
Paradis,
l'image
de celui
qu'elle
a
perdu
39
et
que
le chemin entier
parcouru
ici-bas
par
l'humanit
...]
ne vise
rien d'autre
que
le
retour son
origine
40,
la
diffrence
u'elle
doit
parvenir
recrer
ibrement,
la sueur
de son
front
,
ce
qu'elle
tait
par
nature
,
l'poque
de la domina-
tion
nconditionne
e
l'instinct,
e sorte
que
le Paradis ultime st
quali-
tativement iffrent
u
Paradis
originaire
t
que
l'histoire obit un
modle
dialectique
dont le moteur est la libert.
Chez
Schlegel,
on retrouveune
structure
nalogue.
Contrairement
ce que l'on croit habituellement n raison des clichsprvalantsur le
romantisme,
'ge
d'or,
chez
lui,
n'est
pas
situ derrire
ous,
mais bien
devant
nous,
et
l'histoire 'inscrit ans le cadre d'un
dveloppement
ia-
lectique.
Cette structure ernaire
rvaut
en
particulier
ans le
domaine
de l'art. C'est
l'ide fondamentale
veloppe
dans l'essai intitul ur
l'tude
de la
posie
grecque, qui
constitue e
premier
ouvrage
fonda-
mental de
Schlegel
en
matire
d'esthtique.
Dans
cet essai o l'art est
abord sous
l'angle
de
l'histoire,
on
discernenettement
rois
moments,
correspondant
espectivement
la
thse,
'antithse t
la
synthse
'une
structure
ialectique,
rsultant
omme chez Fichtede
l'antagonisme
ntre
nature et libert.
Que
ce
soit Fichte
que Schlegel
emprunte
e modle de
philosophie
de
l'histoire
ui
constitue a
vritable
rame
ur
aquelle
il
va
difier oute
son histoire u
Beau semble
difficilement
ontestable
t,
comme 'a trs
justement
emarqu
Ernst
Behler,
'un des
diteursde la
monumentale
36.
DSSl;
GA
I, 3,
65.
37.
DSSS;
GA
I,
3,
65.
38. DSS6: GA
I, 3,
64.
39.
Caractre de l'poque actuelle [
=
CEA], trad. Ivs Radrizzani, Paris, Vrin, 1990,29; GA I, 8, 202.
40.
CEA
28;
GA
I, 8,
201.
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15/29
Ivs
Radrizzani
dition
ritique
des uvresde
Schlegel, pparat usque
dans l'utilisation
d'une
terminologie
ypiquement
ichtenne41. 'est ainsi
que Schlegel
parle
de
dtermination
ciproque
(Wechselbestimmung)
t d'
action
rciproque (Wechselwirkung)
ntre nature
et
libert42,
t
caractrise
l'acte
potique
comme
expression
'une
libre auto-activit
(Selbstt-
tigkeit)*.
La
transposition
ans le domaine
de
l'esthtique
e la structure ialec-
tique
de
l'histoire
marquepar
l'antagonisme
ntre
ature t libert onduit
distinguer
ne
poque
caractrise
ar
la dominationde
la
nature et
que, par analogie avec la philosophiede l'histoire,on pourrait ppeler
tat de naturedu Beau
;
une seconde
poque, place
sous
la domina-
tion de la
libert,
st caractrise
la fois
par
l'affranchissement
e ce
lien
naturel
u Beau
ou,
si l'on
veut,
par
la
perte
du Paradis
du
Beau,
et
par
l'effort
de reconstruireibrement
e Paradis
perdu.
Enfin,
une
troisime
poque,
synthse
e nature
et de
libert,
devrait
permettre
l'humanit
de retrouver e Beau tel
qu'il
existaitdans
l'ordre
rgi par
la
nature,
mais
qui
serait
dsormais
un
produit
de la libert.
Ces
grandes tapes
de l'histoire
du
Beau,
ainsi
que
les
diffrentesub-
divisions
ue
l'on
peut
distinguer
u sein de chacune
d'elles,
sont
explici-
tement onues par Schlegelcommeautant de momentsde l'histoirede
la
conscience,
hse
qui
rvle nouveau 'troit
pparentement
e l'esth-
tique schleglienne
u transcendantalisme
ichten.
Comme
exemple
de
phases
dans cette histoire
de la
conscience,
Schlegel
cite ses
distinctions
de
l'ionien,
du
dorien,
de
l'attique,
ainsi
que
les
diverses
poques
de
la culture
44.
Or,
si les
divers moments
de l'histoire
du Beau se lais-
sent
nterprter
omme
phases
de l'histoire
de la
conscience,
'est
qu'ils
ne se succdent
pas
dans un
ordre
arbitraire,
mais
qu'ils
sont
inscrits
a
priori
dans la structure
e
la conscience. C'est
l nouveau
une ide
que Schlegel
a trouve chez
Fichte,
soit
dans les Contributions
ur la
Rvolutionfranaise,ouvrage qu'il prisaitfort45,oit dans les Conf-
rences ur la destination
u
savant.
Rappelons
par exemple
e texte
bien
connu de
la
Prface
des
Contributions
41.
KA
I,
LXXVI-LXXVII.
42. Sur V tude de
la
posie grecque,
KA
I,
230.
43.
Ibid.,
KA
I,
290.
44. KA
XV,
Studien
des
Altertums,
n 2.
45.
Cf.
la lettre u
17
aot
1795 de
Friedrich
chlegel
son frre
August
Wilhelm,
ite
ci-dessus,
ans
laquelle,
avant
de faire
'loge
des
Confrences
ur a destination
e
l'homme,
il crivait
Le plus grandmtaphysicienui
vive actuellement
st
un crivain
rs
popu-laire. Tu peux le voir aux fameusesContributionssur a Rvolutionfranaise],dans les-
quelles
Rehberg
se fait
massacrer
.
484
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16/29
Gense
de
l'esthtique
romantique
Tous les vnements e ce monde me
paraissent
des
tableaux nstructifs
ue
le
grand
Instituteur e l'humanit
expose
devant elle afin
qu'elle y apprenne
ce
qu'elle
a besoin de savoir. Non
qu'elle
l'apprenne
d'eux : nous ne trouverons
jamais
dans
l'histoire
ue
ce
que
nous
y
aurons d'abord mis
nous-mmes;
mais
en
s'appliquant
juger
les vnements
els,
elle
tire
plus
aismentd'elle-mme
les
trsors
qu'elle
recle
46.
Schlegel
urait
pu recopier
e texte t le mettre n
exergue
de son histoire
du
Beau.
Maintenant
ue
nous avons mis d'une
faon gnrale
en vidence e
modle
thorique xploit par Schlegel
dans la construction e son his-
toiredu
Beau,
examinonsde
faon
plus approfondie
es trois
principaux
momentsde cette histoire.
a)
La
culture
grco-romaine
omme
tat de nature du Beau
L'tat de nature
du Beau s'est
trouv
historiquement
ncarn,
selon
Schlegel,
dans
l'Antiquit.
L'Antiquit
aurait t
caractrise,
elon
lui,
par
une
culture
naturelle
(natrliche
Bildung).
Cette
culture natu-
relle,entirementoumise l'instinctnaturel,dont Schlegelcritqu'il
est un
guide aveugle
47,
devait,
comme
tout
produit
naturel,
obir
la loi
des
cycles
qui
rgne
dans la
nature
et
connatre a
dchance.
Le
cycle
une telle
prpondrance
ans
'ensemble
e la
posie
antique ue [...]
celle-ci
n'apparat
pas
comme un
produit
de
l'art dont
les
mouvements
eraient
ordonns une
fin,
sous la
directionde
la
raison,
mais
comme un
produit
de
la
nature
qui,
conformmentux
lois de
toutes es
forces
vivantes,
e
structure-
rait
et
s'articulerait
ar
sparation
et
runiondu
semblable et du
dissemblable,
crotrait,
clorait,
parviendrait
maturit,
e
reproduirait,
'endurcirait,
t
fina-
lement se
dcomposerait.
48
Toutefois,
en raison
de
circonstances
articulirement
avorables
dues
la
situation
privilgie
de la
Grce49,
a
culture
grecque parvint
au
cours de
son
cycle
naturel la
perfection
maximale
que peut
atteindre
une
culture
naturelle.
L'histoire de
la
posie
grecque
est
une
histoire
46.
Fichte,
Considrations ur la
Rvolution
ranaise,
trad.
Jules
Barai,
Payot,
1974
(repr.
de la
trad, de Barai
parue
en
1859),
p.
79;
GA
I,
1,
203.
Cf.
galement
a
quatrime
des
Confrences
ur
la
destinationdu
savant,
passim.
47.
Sur l tude de la posie grecque. KA I. 316.48. Histoire de la posie des Grecs et des Romains, KA I, 503-504.
49.
Sur
Vtude de la
posie
grecque,
KA
I,
276.
485
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17/29
Ivs
Radrizzani
naturelle
omplte
du
Beau
et de l'art
50. Elle
prsente
le maximum
et
le canon de
la
posie
naturelle t chacune de ses
productions
st la
plus parfaite
en son
genre
51. Le secret de cette beaut
naturelle
est
qu'elle
n'est
soumise
aucun
intrt
ui
lui
soit
tranger, idactique,
historique
u
philosophique,
t
qu'elle
ne sert
pas
la
promotion
ndivi-
duelle de
l'artiste;
c'est une
beaut
idalise,
dans
laquelle
l'artiste
ait
s'effacer t
reprsenter
e
typique
t
l'universel. a culture
naturelle ffre
le tableau de l'closion
quasi
vgtale
d'une
multiplicit
e
genres
artistiques.
Ceux-ci
ne sauraient
n effet tre e
produit
des
artistes,
ar
cela supposeraitune intervention e la libert ui n'a pas sa place dans
cette culture.
Bref,
sous la totale
dpendance
des lois
de la
nature,
a
culture naturelle
parvint
dans
l'Antiquit
un sommet du
Beau.
La culture
recque
t romaine
atteint n maximum
non
pas
un
maximum
absolu,
qui
est
e but de l'histoire
moderne,
mais
qui
ne
peut
se
prsenter
n
aucunehistoiret
en aucun
temps,
mais e maximum
uprme ossible
ans e
systmeyclique,
n maximum
e a culture
aturelle,
onc
un maximumelatif.
Cette
notion d'un
maximum
relatif est encore
prcise
L'art st
nfiniment
erfectible
il luiest
mpossible
e
parvenir
un maximum
absolu
u coursde
son
dveloppement
ontinu;
l
peut
par
contre
tteindre
n
maximum
elatif
onditionn,
n
proximum
ixe t
indpassable
52.
b)
La culture
moderne et
la
promotion
de
l'intressant,
du
caractristique
t de
l'original
Venons-en
maintenant
la seconde
tape
de cette
histoire
du
Beau,
marque
par
la domination
de
la libert t
la dissolution
du
lien imm-
diat la beaut. Cette secondetape, dont Schlegelcroitdj percevoir
des
signes
prcurseurs
ans
l'Antiquit,
n
particulier
ans la
philosophie
platonicienne53,
st
globalement
identifie
avec
l'poque
moderne.
50. Lettre
de
Friedrich son
frre
du 5 avril
1794,
Walzel, 173;
la
posie
grecque
est
galement
ualifie
d' histoire
naturelle
omplte
de l'art et
du
got
(Sur
l'tude de
la
posie grecque,
KA
I,
318),
d' histoire
naturelle
universelle
e la
posie
(Ibid.).
51.
Sur l'tude
de
la
posie grecque,
KA
I,
307.
52. Sur
la valeur
de
l'tude des
Grecs
et des
Romains,
KA
I,
634.
53. Sur
l'tude
de la
posie grecque,
KA
I, 332;
dans
l'essai
intitul ur
l'tude
de la
posie
grecque,
dans
un
passage
o
Schlegel
suggre
u'il
ne faut
pas
considrer
es deux
cultures omme isoles et
spares,
il
envisage
a
possibilit
de faire
remonter
Socrate,
voiremme
Pythagore,
a tentative e conformera moraleet la politiqueaux
ides de
la raison
pure
(KA
I,
636).
486
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18/29
Gense
de
l'esthtique
omantique
L'humanit 'est dtache
du
proximum
ixe t
indpassable
du
Beau,
atteint
ar
la culture
ntique
en obissance
veugle
ux
prescriptions
mp-
rieuses
de la
nature,
ds
qu'elle
a voulu s'affranchir e cette tutelleet
s'en remettreu libre-arbitre. Le meilleur
ot
des modernes 'est
[plus]
cens tre un don de la
nature,
mais l'uvre autonome de leur
libert
54. La
culture moderne n'est
plus
naturelle
,
mais
artifi-
cielle
(knstliche
Bildung).
L'artificialitde la
modernit
st lie
l'mancipation
de l'entendement55.'entendement
rend
e relais de la
nature c'est lui dsormais
qui opre
les divisions
l'entendement
ui
isole commencepar sparer t diviser a totalitde la nature n lments
isols
56
et
qui,
partir
de ces
lments
sols,
recompose
des touts
arbitraires,
ui
ne
possdent
pas
la
cohsion
organique
du tout naturel.
C'est
pourquoi Schlegel
qualifie galement
a
modernit '
poque
chi-
mique
.
L'activit
chimique
de l'entendement eu
pour
effetde
dtruire
es
rapports
naturels
rvalant
ans
l'Antiquit,
a
navet
bjec-
tive des
Grecs,
la
cohsion d'un monde
dans
lequel chaque
chose tait
sa
place
et faisait
partie ntgrante
'un bel
arrangement,
'un
cosmos.
L'essence de la
modernit
st
le
chaos,
le
morcellement,
'miettement
des
perspectives,
e
qui
conduit
une valorisation
xcessivede
l'indivi-
dualit et, dans le domaine de l'art, la recherche e l'originalit il
faut
dsormais tre
original
tout
prix.
La nature
analytico-chimique
de
l'entendement
xplique
l'orientation
onstante,
sous sa
direction,
de l'art
vers l'imitation
fidle du
particulier
57.
L'mancipation
moderne e
l'entendement eu
pour
consquence
ue
la
posie
moderne
a tout
naturellement
ris pour
but
l'individualit
originale
et
intres-
sante
58.
La
posie
moderne,
contrairement la
posie
antique,
est
mise au
service
d'intrts
trangers
u
Beau;
elle
doit avoir
une valeur
didactique,
philosophique,
bref,
lle doit
tre
intressante . En
outre,
tandis
que
l'art
antique
visait e
Beau
idalis,
le
typique
et
l'universel,l'artmoderne, n raisonprcismente cetobjectif ' tre ntressant,
doit
se tenir
beaucoup plus
prs
de
la
ralit
objective
et viser e
caract-
ristique.
Enfin,
l
convientde
souligner
une dernire
iffrence
majeure
entre a culture
naturelle t la
culture
rtificielle.
andis
que
la
premire,
54. Sur
l'tude de
la
posie
grecque,
KA
I,
259.
55.
Cf. par exemple
ur les
limites u
Beau,
KA
I,
35
sq.
:
Nous
n'avons
pas
envier
[les
Anciens],
omme
s'ils taient
favoriss
ar
une
fortune
rbitraire.Nos
manques
mmes
sont nos
espoirs,
car
ils
naissent
prcisment
e la
suprmatie
e
l'entendement,
ont le
perfectionnement,
ent
il
est
vrai,
ne
connat
aucune
borne .
56. ur l'tude de la posie grecque,KA I, 245.57. Ibid.
58.
Ibid.
487
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19/29
Ivs
Radrizzani
en tant
u'elle
est
prcisment
oumise
la
nature,
'inscrit
ans une struc-
ture
cyclique,
a seconde est caractrise
ar
une
conception
de l'histoire
admettantomme
rmisse
a
perfectibilit
nfinie e l'homme.Cette
oncep-
tion d'une
ralisation
e l'humanit
lace
sous
le
signe
du
progrs
st ie
la confiance
lace
dans
l'entendement dont
e
perfectionnement,
ent
il
est
vrai,
ne
connat ucune borne
59.
Or,
comme
e
Mieux
est 'ennemi
du
Bien,
e Beau
suprme
e la culture
aturelle st
relgu
ans
un absolu
l'infini
natteignable
t ne fonctionne
lus
ds
lors
qu'
titre 'ide
regu-
lative.La modernitvec son culte
du
progrs
st
engage
dans un
processus
d'approximationnfinie u maximum bsolu du Beau, qui, selon une
citation aite
i-dessus,
st
le but de l'histoire
moderne,
mais
qui
ne
peut
se
prsenter
n
aucune histoire
t en aucun
temps
. Par
consquent,
a
modernit
e
peut
vivre
que
sur le mode
du
manque
et
de la tendance.
On trouve
dj
contenue
ci
in nucleo l'ide
qui
sous-tendra
e fameux
Tendenzfragment
que
nous
avons cit au dbut
de cet
article,
savoir
que
notre
poque
est
l'poque
des
tendances
.
A
la lumire
de cette
histoiredu
Beau,
on
comprend
mieux la
place que
Schlegel
assigne
Fichte en faisant
de la Doctrine
de la Science
l'archtype
e la
philoso-
phie
moderne.
En
effet,
mme
si,
avec la
Doctrine de
la
Science,
Fichte
est parvenu,aux yeux de Schlegel, achever e systmede la pense
transcendantale,
a
philosophie,
n
tant
que
philosophie
de la
finitude,
reste
profondment
marque
du sceau de
la
modernit,
ar elle
ne
par-
vient
pas
oprer
a rconciliation
ntre
nature et
libert ur
un mode
autre
que
celui
d'une ide
regulative.
l
convient
une
nouvelle
fois de
se
reporter
ux
Confrences
ur
a destination
u savant.
Dans cet
ouvrage,
Fichtefaitde
la
perfectibilit
l'infini
e caractre
ssentiel e
l'humanit
L'humanit
peut
se
passer
de
tout,
on
peut
tout ui
ravir,
mais
pas
la
possi-
bilit de
se
perfectionner
60.
La fin ultime t suprmede la socitest l'unittotale et l'unanimit ntre
tous es
membres
ossibles
de cette
ocit.
Cependant,
l
est
mpossible
'atteindre
cette
fin,
d'atteindre
a destination
e l'homme
n
gnral
ce
qui
suppose qu'on
atteigne
a
perfection
bsolue;
but
inaccessible
n tant
que
tel
-
aussi
longtemps
que
l'hommene
doit
pas
cesserd'tre
homme
t
ne doit
pas
devenir
ieu. L'union
entre ous les
individus
st
par
consquent
a
fin
ultime,
mais non
la destination
de l'homme
dans
la socit.
Mais
approcher
t
s'approcher
ndfiniment
e cette
fin,
c'est l
ce
qui peut
et
ce
qui
doit
tre fait
par
l'homme.
61
59. KA I, 35.60. DS12' GA I, 3, 54.
61.
DS
53;
GA
I,
3,
40
{cf.
galement
DS
69;
GA
I,
3,
52).
488
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20/29
Gense de
l'esthtique romantique
Dans
la
mesure
o la
pense
fichtenne
este
ndpassablement
ou-
tenue
par
la tension ntre a finitude t
l'infinitude t
se
refuse
oprer
la
synthse
u rel et
de l'idal autrement
ue
sur le mode de
l'ide,
elle relvede la
modernit,
u sens dfini
par Schlegel,
savoir comme
poque
o tout n'est encore
que
tendance.
Or,
dans
la
mesure
,
comme
nous avons cherch
l'tablir,
e modle
thorique xploitpar Schlegel
dans sa construction
e
l'histoire
du Beau est
emprunt
Fichte,
dans
la
mesure
n outre o la
pense
de Fichte se rvle
tre
ntrinsquement
marque
du sceau de
la
modernit,
l
s'avre
que
Schlegel,
dans son his-
toiredu Beau, du moinspource qui concernea partie xamineusqu'ici,
reste
profondment
tributaire d'une
conception
fondamentalement
moderne
,
y compris
dans son
investigation
e
l'Antiquit ).
Or,
comme on l'a
vu
dans le
Tendenzfragment
,
Schlegel assigne
la
faction
romantique
a
tche de
dpasser
a
modernit.
Nous
devrons
donc attacher
e
plus
grand
soin
l'examen de la
troisime
poque
de
l'histoire u
Beau
qui,
tant ense
proposer
un
modle
de
synthse
ntre
les deux
premires,
evrait
par
consquent
dpasser
la
modernit,
ndi-
quer
de
quelle
faon
Schlegel
ntend se hisser ur es
paules
de
Fichte,
et
dvelopper
e
programme
u
romantisme. 'histoire du Beau
se mue
ds lors en construction e l'esthtiquenouvelle. Dans cettepartie,dans
laquelle
nous
nous
appuyerons
rincipalement
ur
es
fragments
u
Lyceum
et ceux
de
V
Athenum,
l
s'agira
pour
nous
d'tre
particulirement
tten-
tifs au
principe
de la
tentativede solution
esquisse
par Schlegel.
c)
Le
dpassement
romantique
de la modernit
Si la modernitest
dfinie comme
l'antithse de
l'Antiquit,
cela
n'implique
nullement
ue Schlegel prne
le retour
l'Antiquit
sur
le
mode de la
simple reproduction.
Nous n'avons
pas
envier
les Anciens],
comme s'ils
taient
favoriss
par
une
fortune rbitraire.Nos
manques
mmes sont nos
espoirs,
car
ils naissent
prcisment
e la
suprmatie
de
l'entendement,
ont le
perfectionnement,
ent
il
est
vrai,
ne connat aucune
borne.
62
Au
contraire,
'est sur
le terrainde
la
modernitmme
que
le
roman-
tismedoit
trouver
ncrage,
de sorte
que
la
recherche e
l'intressant 'est
pas
condamne
unilatralement.
n
effet,
mme
si elle
correspond
une
62.
Cf.
ci-dessus
note
n
59.
489
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21/29
Ivs
Radrizzani
crise du
got
63
et si elle
est,
comme
telle,
ngativement
onnote,
elle se voit tout
de
mme confrer
ialectiquement
ne
valeur
positive.
L'antithse
que
constitue
a modernit st un momentncessaire
pour
passer
la troisime
tape.
P
poque
chimique
doit succder une
nouvelle
poque
organique
64. L'intressant
ubjectif
moderne omme
antithsedu beau
objectif antique
est le
passage oblig pour prparer
une
synthse ubjective-objective
uprieure
t
permettre
a ralisation
du Beau
suprme.
L'intressantst a prparationuBeau, t ebutultime e la posiemoderne
ne
peut
tre
que
le
Beau
suprme,
n
maximum e
perfection
sthtique
objective.
65
La structure
veloppepar
Schlegel
st donc
bien une structure
ernaire,
dans
laquelle
le
troisime erme
ne
propose pas
une
simple
reconduction
du
premier.
t
si l'tude de la
beaut
antique
a son utilit ans
la
mesure
o
elle
permet
e faire
pparatre
e
qui
fait
dfaut
la
modernit,
'est
uniquement
n fonction
'un
dveloppement
ui
ne saurait
se contenter
d'ignorer
implement
a scission
naugure
par
la modernit.
Comme le
constateSchlegel,la tche est donc double :
II
nous
faut echercher
unite
de
a
posie
moderne]
elon
ne
double
direc-
tion d'une
part,
l
fautnous
tourner
ers e
pass pour
dterminer
rigine
premire
e son
apparition
t
de son
dveloppement,
'autre
part
vers
e futur
pour
dterminer
e
but
ultime
e sa
progression66
.
De l'histoire
du Beau
qui
a
t
prsente,
l
ressort
que
la modernit
est
caractrise
'abord
par
la
scission,
par
la
perte
de l'unit
organique
prvalant
dans
l'Antiquit.
La tche
que
Schlegel impartit
u roman-
tismepour recrer ibrement ne poque organiqueest de surmonter
a
scission,
tendre
l'unification,
passer
es contradictions
ui
dchirent
l'homme
moderne. Cette
tendance
unificatrice
ui
inspire
bon nombre
de
fragments
e
V
Athenum,
apparat
en
particulier
ans
l'un des
plus
connus,
o
Schlegel
dfinit
a
conception
de la
posie
romantique.
La
posie
romantique
st
une
posie
universelle
rogressive.
a
destination
n'est
pas
seulement
e refaire
'unionde tous
es
genres
otiques
pars
t
63.
Sur Vtude de
la
posie grecque,
KA
I,
254.
64. Fragmentn 426 de YAthenum,
KA
II,
248-249.
65. Sur l'tude de la posie grecque,KA I, 253.
66.
Ibid.,
KA
I,
229.
490
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Gensede
l'esthtique omantique
de mettre
a
posie
en
contact avec la
philosophie
et la
rhtorique.
Elle veut
aussi,
et elle
doit,
tantt
mler,
tantt fondre
a
posie
et la
prose,
le
gnie
et la
critique,
a
posie
d'art
(Kunstpoesie)
t la
posie
de nature
Naturpoesie)
elle veut
et
doit rendre
vivanteet sociable la
posie,
rendre
potiques
la vie et
la
socit,
potiser 'esprit, emplir,
aturer es
formes e l'art l'aide de contenus
culturels
ppropris, uels qu'ils
soient,
t
les animerdes vibrations e l'humour.
Elle
comprend
toute
chose,
pourvu qu'elle
soit
potique
67.
Ce
programme
oit tre
rapproch
de celui
que
son ami
Novalis avait
labor
peu
prs
la mme
poque. Schlegel
t Novalis avaient
outume
de discuter nsemblede questions philosophiques. l s'agissait pour eux
de
sym-philosopher
68.
L'expression
fichtaniser
69
revient
gale-
ment
plusieurs
fois
dans leur
correspondance.
En
1797,
Novalis avait
dcouvert
hez
le
philosophe
hollandais
Hemsterhuis 'ide
capitale
que
la
sparation
ntre es diverses
ciences est
factice,
que
cette
sparation
facticeest due un
manque
de
gnie,
que
l'instrument
rivilgi our
y
remdier st la
posie,
et
qu'en
faisant
apparatre
grce
la
posie
les
rapports
achs entre es
diverses
ciences,
l
sera
possible
de
construire
la
science
universelle70.
eprenant
cette
ide,
Novalis
en avait fait le
vritable
rincipe
directeur
ommandant a
construction
e toute sa
phi-
losophie
romantique,
e fixant omme
programme
e
potiser
toutes
les
sciences
7I.
Dans cette
entreprise
e
potisation
,
Novalis,
de
mme
que Schlegel,
se
comprend
comme le
continuateur e
Fichte. La
contribution
riginale
qu'il
se
propose d'apporter
l'histoire
de l'ida-
lisme et
pour laquelle
il
utilise
e termed'
idalisme
magique
72
doit
constituere
couronnement
u
systme
ichten,
ui-mme
onu
comme
l'apothose
de
la
philosophie
kantienne
73.
Le mrite
de
Fichte est
d'avoir
su lever
une science
particulire,
a
philosophie,
n
science uni-
verselle
t
d'y
avoir
subordonn es
autres
sciencescomme
ses
modifica-
tions. Mais ce que Fichte a ralis pour la philosophie, l reste,selon
Novalis,
le
raliser
pour
toutes les
autres
sciences74. l
s'agit
autre-
mentdit
de
prsenter
es
versions
potique
,
chimique
,
math-
matique
,
musicale
,
historique
,
etc. de
la
Doctrine
de la
Science15.
67.
Fragment
n
116 de Y
Athenum,
KA
II,
182.
68.
Cf. par
ex. KA
XXIV,
22, 135,
155, 168,
206
(NS
IV, 491,
496, 498, 500, 508).
69.
Cf.
par
ex.
NS
IV,
482
(FG
I,
432);
IV,
487
(PGl,
442).
70.
[Hemsterhuis-Studien],
S
II,
360-378; cf.
en
particulier . 368,
372-373.
71.
Lettre de
Novalis
August
Wilhelm
Schlegel
du 24
fvrier 798. NS IV. 252.
72.
Novalis,
Teplitzer-Fragmente
,
NS
II, 605,
n
56.
73. Novalis, Studien zur bildendenKunst, NS II, 649, n 478.74. Novalis, Brouillonencyclopdique , NS III. 269, n 155.
75.
Ibid.,
NS
III,
336,
n
464.
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Ivs
Radrizzani
C'est ce
programme ue
Novalis
envisageait
de mener
bien
dans
une
monumentale
ntreprise
ncyclopdique ui
n'a
pas
vu le
jour
et dont
le Brouillon
ncyclopdique
auquel
il
travaille
partir
e
fin
1798)
cons-
titueune
premire pproche,
tock de matriau
brutdans
lequel
il
enten-
dait
puiser
ultrieurement76. ette
ambitieuse
Encyclopdie
version
romantique
urait eu
pour
tche de dmontrer
ue
toute science est
Une
en
faisant,
comme le
suggrait
Hemsterhuis,
omber toutes
les
barriresmaintenantes diverses
ranchesdu savoir
humaindans un tat
d'isolement.
l
s'agissait
dans ce but de mettre
n vidence es liens
qui
unissent es sciencesspares et de faire ainsi ressurgir'unit perdue.
Cette
grammaire
universelle u savoir devait
en outre tre
encyclop-
dique
non seulement
ar
le
contenu mais
galement
ar
la forme loin
de
prsenter
ne collection
de
fragments,
a forme aurait
d,
comme
vritable
endant
du
contenu,
n refltera tendance
niversalistet offrir
l'ventail
complet
des divers
genres
ittraires
ossibles,
'un
des
projets
les
plus
audacieux
du romantisme
llemand,
malheureusement
est l'tat
d'esquisse.
Le
programme
e
posie
romantique
omme
posie
universelle
ro-
gressive dvelopp par
Schlegel
dans
Y
Athenum s'inscrit