Genèse de l'Esthétique Romantique

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    1/29

    Gense de l'esthtique romantique: De la pense transcendantale de Fichte la posietranscendantale de SchlegelAuthor(s): Ives RadrizzaniSource: Revue de Mtaphysique et de Morale, 101e Anne, No. 4, PHILOSOPHIE ET POSIE(Octobre-Dcembre 1996), pp. 471-498Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40903500.Accessed: 23/09/2014 04:05

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    Gense

    de

    l'esthtique

    omantique

    De la

    pense

    transcendantale

    e Fichte

    la posie transcendantale e Schlegel

    La tche

    assigne

    par

    Friedrich

    chlegel

    la

    faction romantique

    st

    d'achever

    l'entreprise

    ranscendantale,

    ntameavec succs

    par

    Fichte

    dans le domaine de

    la

    philosophie,

    n

    largissant

    otamment u domaine de

    l'art le cadre

    ug

    trop

    troitde la Doctrine

    de la

    Science.

    Dans la ralisationde cette

    tche,

    Schlegel

    reste de

    part

    en

    part

    tributaire

    u

    systme

    ichten.

    D'un

    ct,

    il

    n'aborde

    la

    construction e

    son

    esthtique ue

    par

    le biais d'une

    histoire

    u

    Beau construite

    sur unephilosophiede l'histoiredont il trouve e modle thorique hez Fichte.

    D'un autre

    ct,

    c'est sur le modle de

    la

    philosophie

    transcendantale

    e Fichte

    qu'il dveloppe

    on

    concept

    de

    posie

    transcendantale.

    i,

    pour

    l'essentiel,

    'ori-

    ginalit

    de

    Schlegel

    a consist dans

    la

    tentative

    'exporter

    e modle

    transcen-

    dantal hors du domaine de la

    philosophie,

    la

    lgitimit

    e

    son

    entreprise

    este

    toutefois uspendue

    la

    question

    du statut d'une telle

    exportation.

    Die von F.

    Schlegel

    der

    romantischen

    aktion

    zugeschriebene ufgabe

    ist,

    das

    von

    Fichte

    m

    Gebiet

    der

    Philosophie

    erfolgreich egonnene

    ranszendentale

    Unternehmen urch die

    Erweiterung

    es

    ihm

    zu

    eng

    scheinendenRahmens der

    Wissenschaftslehre

    uf

    das Gebiet der Kunst

    zu

    vollenden.Bei der

    Ausfhrung

    dieser

    Aufgabe

    bleibt

    Schlegel

    durchgngig

    on Fichte

    abhngig.

    Einerseits

    eht

    er an denAufbau seinersthetiknurber eine Geschichte es Schnen heran,

    die

    sich

    auf

    eine

    Geschichtsphilosophierndet,

    dessen theoretisches odell er

    bei Fichte

    findet.

    Andererseits ntwickelt r seinen

    Begriff

    er

    Transzendental-

    poesie

    nach

    dem Vorbild

    von

    Fichtes

    Transzendentalphilosophie.

    enn

    Schlegels

    Originalittauptschlich

    n dem Versuch

    esteht,

    as

    transzendentale

    odell

    auer-

    halb des Gebietsder

    Philosophie

    u

    bertragen,

    leibtdie

    Legitimitt

    eines

    Unter-

    nehmens on der

    Frage

    nach der

    Berechtigung

    iner olchen

    bertragungbhngig.

    Le but de cet article est d'clairer

    le modle

    thorique exploit par

    le jeune Schlegeldans la construction e son esthtique.Le titre aisse

    apparatre 'angle d'approche

    choisi

    pour

    aborder

    e

    sujet,

    en mme

    emps

    Revue e

    Mtaphysique

    t de

    Morale,

    N

    4/1996

    471

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    Ivs

    Radrizzani

    qu'il suggre

    une thse

    provoquante

    qui,

    autant

    que

    nous

    sachions,

    n'a

    encore

    amais

    t

    soutenue,

    du moins sous

    une forme aussi

    outre,

    savoir

    que

    la

    potique chlglienne

    erait a

    transposition

    ans le domaine

    de

    l'esthtique

    de la

    conception

    fichtenne

    e

    la

    pense

    transcendantale.

    Il

    s'agira

    d'examiner ce

    qu'il

    en est.

    Prcisons d'emble

    que

    l'on

    ne s'intressera

    as

    ici l'ensemble

    de

    la

    production

    e Friedrich

    chlegel,qui reprsente

    n

    corpus

    tout fait

    considrable,

    mais

    que

    l'on se

    limitera ux crits

    de

    jeunesse

    prenant

    place

    entre1795

    et

    1800,

    ce

    qui

    correspond pproximativement

    l'poque

    ditedu premier rouperomantique, ontFriedrich era, avec son frre,

    August

    Wilhelm,

    t

    Novalis,

    l'un des

    principaux

    nimateurs

    t le turbu-

    lent thoricien.Mme

    si c'est incontestablement

    ans ces

    premiers

    extes

    que

    Friedrich

    chlegel

    faitmontre

    e la

    plus

    grandeoriginalit,

    n

    parti-

    culier en matire

    d'esthtique,

    ela ne

    signifie

    nullement

    u'il

    faille,

    nos

    yeux,

    tenir

    pour quantit

    ngligeable

    a

    production

    ultrieure.

    Au

    contraire,

    es articles

    qu'il

    livreradans la

    revue

    Europa

    (fonde par

    lui

    en 1803 Paris

    et

    qui

    parat

    usqu'en

    1805),

    en

    particulier

    es fameuses

    descriptions

    es collections

    de tableaux

    du Louvre

    et de

    Cologne

    dans

    lesquelles

    il

    prescrit

    omme

    remde aux

    maux de la

    peinture

    moderne

    la redcouverte es primitifstaliens t surtoutdes primitifsllemands1,

    puis

    en

    1806,

    dans les

    Lettres

    d'un

    voyage

    en

    Hollande,

    Rhnanie,

    Suisse et dans

    le Nord de

    la France

    2,

    o

    il

    prne

    la

    rvaluationde

    l'architecture

    othique,

    peuvent

    gitimement

    tretaxs de

    contributions

    majeures

    l'histoire e

    l'art.

    Toutefois,

    mme

    i le

    Schlegel

    ardif

    largit

    sa

    perspective

    ar

    la

    prise

    en

    compte

    notamment

    e la

    peinture

    t

    de

    l'architecture,

    uxquelles

    l n'avait

    initialement

    ure

    ccord

    d'attention,

    et

    si,

    d'autre

    part,

    a

    pense

    prend

    un tour

    toujours

    plus

    nettement

    atho-

    lique,

    au

    point qu'il

    se

    lancera

    dans une

    entreprise

    e

    dprciation

    yst-

    matique

    de toutes

    es uvres

    ne

    correspondant

    as

    son canon

    de l'art

    catholique, l serait xagrde direque les fondements e son esthtique

    soient

    profondment

    emis

    en cause

    par

    ces

    prolongements

    t cet

    infl-

    chissement,

    e sorte

    que

    la

    limitation

    u

    premier

    chlegel

    a

    paru

    pleine-

    ment

    gitime.

    On se

    bornera

    donc

    pour

    l'essentiel

    traiter

    de l'essai

    1

    Concernant

    a

    revue

    Europa

    et en

    particulier

    a

    position

    u'y

    dfend

    chlegel

    n matire

    de

    peinture, f.

    Henri

    Cheln,

    Friedrich

    chlegels

    Europa,

    Francfort-sur-le-Main,

    eter

    Lang,

    1981,

    avant

    tout les

    p.

    81-94.

    2.

    Briefe uf

    einer

    Reise durch

    die

    Niederlande,

    Rheingegenden,

    ie

    Schweiz,

    und einen

    Teil von

    Nordfrankreich

    ,

    Kritische

    riedrich-Schlegel-Ausgabe

    =

    KA],

    d.

    Ernst

    Behler,

    en collab. avec Jean- acquesAnstett t Hans Eichner,Paderborn,Munich, Schningh;

    Zrich,

    Thomas,

    partir

    de

    1958,

    IV,

    153-204.

    472

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    Ivs

    Radrizzani

    En

    outre,

    au cours de la

    priode

    qui

    nous

    intresse,

    chlegel

    a

    privi-

    lgi

    dans son criture

    ournalistique

    a

    technique

    u

    fragment,

    out

    comme

    d'ailleurs,

    la mme

    poque,

    son

    grand

    ami

    Novalis. Le

    fragment,

    ont

    on a fait la

    quintessence

    de

    l'esprit

    romantique,

    la fois

    marqu

    du

    sceau de la finitude

    t

    expression

    microcosmique

    e

    l'univers,

    a donn

    lieu

    une abondante ittrature.

    e

    stylepermettant

    es notations nci-

    sives et

    ponctuelles,

    chlegel

    se l'tait si bien

    appropri

    qu'il

    se

    sentait

    presque

    incapable

    d'crire

    autrement,

    u

    grand

    dam

    de

    son frre

    qui

    ne

    prisait ure

    ette

    echnique.

    Ce

    que

    l'on a moins

    dit,

    c'est

    que

    Schlegel

    considrait ui-mme omme nfrieure etteformedans laquelle il excel-

    lait et

    qu'il

    mesurait

    l'aune d'une

    forme

    rigoureuse

    . C'est ainsi

    par

    exemple qu'il

    crit Novalis

    en mai 97

    :

    Je me lie

    toujours plus

    d'amiti avec

    Fichte. Je Taime

    beaucoup

    et

    je

    crois

    que

    c'est

    rciproque.

    Si

    seulement

    e pouvais

    lui

    montrer

    out le bric--brac

    (Plunder)

    de mes cahiers

    Hlas,

    ce

    qu'il

    faut donc

    tre

    intelligent

    5.

    Le

    fait

    que

    ses cahiers

    se

    prsentent

    ous la

    forme d'un

    bric--brac

    de

    fragments,

    chlegel

    e ressentait

    omme une dficience.

    Ainsi,

    en

    99,

    propos

    des Ides parues dans VAthenum, il crira son ami Schleiermacher :

    Que

    Fichte

    ise les 'Ides'

    me

    surprend

    utant

    que

    cela me

    rjouit.

    La forme

    ou

    plutt

    'absence

    de forme

    Unform['')

    lui

    rpugnera

    rop.

    Je

    vais devoir ui

    crire ce

    sujet

    6.

    Et,

    dans la lettre

    Fichte

    qu'il

    crit

    peu

    aprs,

    il

    apporte

    les

    prcisions

    suivantes

    :

    Cela

    m'a

    beaucoup

    rjoui que

    vous

    ayez jug

    digne

    de lire avec

    attention

    mes Ides' sur a religion.

    En

    vrit,

    e n'est

    pas

    vous

    que j'avais

    en

    vue,

    mais

    des

    jeunes

    gens

    anims de

    dispositions

    ssez

    proches

    des mienneset

    qui

    sont

    comme moi

    encore

    en

    pleine

    ebullition;

    amais

    je

    n'aurais

    os vous

    faire

    part

    de mes vues

    autrement

    ue

    sous

    une forme

    rigoureuse

    strenge

    Form)

    7.

    5. Lettre

    u 24 mai

    1797,

    KA

    XXIII,

    367

    Novalis

    Schriften

    =NS],

    IV,

    d. Richard

    amuel

    en collab.

    avec Hans-

    Joachim

    Mahl et Gerhard

    chulz,

    Stuttgart,

    ohlhammer, 975,

    p.

    484

    Fichte m

    Gesprch

    =

    FG],

    d.

    Fuchs,

    Stuttgart,

    rommann-Holzboog,

    978, I,

    437).

    6. Lettre

    e Friedrich

    chlegel

    Friedrich

    chieiermacher

    e

    septembre

    799,

    Aus bchleier-

    macher's

    Leben.

    In

    Briefen,

    II,

    d.

    Ludwig

    Jonas

    et

    Wilhelm

    Dilthey,

    1861,

    p.

    125

    (FG II. 224).

    7. JohannGottlieb ichte, Gesamtausgabe

    er

    Bayerischen

    kademieder

    Wissenschaften

    [

    =

    GA],

    d. Reinhard auth,Hans JacobetHans Gliwitzky,tuttgart,rommann-Holzboog,

    partir

    de

    1962,

    III, 4,

    145.

    474

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    Gense de

    l'esthtique romantique

    Enfin

    quelques

    mois

    plus

    tard,

    en aot

    1800,

    Schlegel

    crit

    Fichte

    qu'il

    a dsormais

    'intention,

    n matirede

    science,

    de s'attacher rieu-

    sement

    galement

    la

    forme,

    t d'crire des cours8.

    Effectivement,

    n

    voit

    Schlegel

    dlaisserds lors

    la

    technique

    du

    fragment

    ce

    qui

    invite

    prendre

    rs

    au

    srieux es dclarations

    ui

    viennent

    'tre

    cites et

    adopter

    a formedu cours

    qui,

    sans atteindre e

    degr

    de finition 'une

    uvre et tout en conservant insi un certain t

    provisoire,

    ffre vec

    le

    discours uivi

    a

    possibilit

    'une forme

    igoureuse, rgumentativement

    labore. Pour la

    priode qui

    nous

    intresse,

    'est en revanche rs

    nette-

    ment e fragment ui prdomine.Ce n'est donc pas du tout sous une

    forme

    systmatique ue

    les rflexions ur

    l'esthtique

    sont

    prsentes,

    mais

    disperses

    ans une

    multiplicit

    e

    fragments,

    ouvent

    nigmatiques,

    parfois

    contradictoires,

    ans une

    langue

    dlibrment

    hiffre,

    e sorte

    que

    c'est tout au

    plus

    une tentative

    e reconstruction

    ue

    l'on

    peut essayer

    de

    proposer.

    Aprs

    ces

    longs prambules,

    venons-enmaintenant u

    vif

    du

    sujet.

    Citons,

    pour

    commencer,

    'un

    des

    fragments

    e

    Y

    Athenum les

    plus

    connus

    auquel

    Friedrich tait

    particulirement

    ttach

    La Rvolutionfranaise, a Doctrine de la Science de Fichte et le [Wilhelm]

    Meisterde Goethe

    sont es

    plus grandes

    endancesde

    l'poque

    (die

    grten

    Ten-

    denzen

    des

    Zeitalters)

    9.

    Une

    premire

    ersionde ce

    fragment

    ue Schlegel

    n'a

    pas

    retenue

    pour

    la

    publication

    t

    qui figure

    ans les

    Philosophische

    ragmente permet

    de

    prciser

    n

    quel

    sens

    il

    faut

    entendre e terme

    de

    Tendenz

    traduit

    ci-dessus

    par

    tendance :

    Les trois

    plus grandes

    tendances de

    notre

    poque

    sont

    la

    Doctrine

    de la

    Science [se. de Fichte],le Wilhelm Meisteret la Rvolutionfranaise.Toutes

    trois

    ne sont

    cependant

    que

    des

    tendances sans

    ralisation

    approfondie

    ohne

    grndliche

    Ausfhrung)

    10.

    Le

    termede

    tendance

    est

    donc affect

    d'une

    connotation

    ngative.

    Il

    lui

    est

    associ l'ide d'un

    manque.

    Il

    ressort

    d'ailleurs d'une

    lettre

    8.

    Lettre

    erdue

    dont e

    contenu st

    conjectur

    partir

    e la

    rponse

    de Fichte

    du 16

    aot

    1800

    Je me

    rjouis

    de votredcision

    de

    vous attacher

    rieusement

    galement

    la

    forme,

    en

    matire e

    science,

    elon

    es termes

    ue

    vous

    utilisez, t,

    cette

    fin,

    de tenir

    des cours

    (GA III, 4, 283).9. Fragmentn 216 de YAthenum,KA IL 198.

    10. KA

    XVIII, 85,

    n

    662.

    475

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    7/29

    Ivs

    Radrizzani

    que

    Friedrich

    chlegel

    dresse son frre

    u'il

    s'attendait

    ce

    que

    celui-ci,

    en tant

    que

    co-rdacteur e la

    revue,

    fasse

    usage

    de son droit de veto

    et censure e

    fragment

    Je

    regretteue

    le

    fragment

    ur

    Goethe,

    ichte t a Rvolutionoit

    mprim

    et

    que

    tu

    n'y

    aies

    pas

    mis ton veto.

    Il

    est encore

    possible

    de

    changer

    n.

    Il

    ressortdu reste de la lettre

    ue

    Friedrich

    ne voulait

    pas

    causer de

    tort son frre

    ui

    attachait e

    plus grand prix

    conserver 'excellentes

    relations vec Goethe et qui pouvaitcraindre ue la connotationpjora-

    tive

    de

    tendance n'affecte a

    susceptibilit

    u

    tout-puissant

    matre

    de Weimar.

    Quoi

    qu'il

    en

    soit,

    le

    fragment

    ut

    publi

    et

    fitdate.

    Ainsi,

    en

    1841,

    soit

    prs

    de

    cinquante

    ans

    plus

    tard, Steffens,

    voquant

    dans

    ses mmoires 'automne

    98,

    rappellera ue

    PAthenum

    rsenta

    Goethe

    et Fichte comme

    marquant

    e tournant aractrisant

    e

    passage

    une

    nouvelle

    poque

    12.

    L'importance

    de ce

    fragment

    ient

    sa

    porte programmatique

    en

    identifiantes trois

    phnomnes

    majeurs

    de

    l'poque, respectivement

    n

    matirede

    philosophie

    Fichte),

    d'art

    (Goethe)

    et de

    politique,

    tout en

    insinuant u'ils n'ontpas port leur comble es possibilits u'ils conte-

    naient en

    germe

    et

    qu'ils

    sont

    donc affects

    'un

    manque,

    ce

    fragment

    dessine

    la

    perspective

    ans

    laquelle

    s'inscrit

    'entreprise

    omantique

    en

    mme

    temps

    qu'il

    lui

    assigne

    un

    but,

    celui de mener

    son

    plein

    achve-

    ment e

    qui

    ne se

    manifeste ans les

    trois

    phnomnes

    majeurs

    de

    l'poque

    qu'

    titre de

    tendance

    .

    Ce

    fragment

    evt ux

    yeux

    de

    Schlegel

    ne

    telle

    mportance

    u'il

    sentira

    le besoin

    d'y

    revenir

    ubliquement,

    eux

    annes

    plus

    tard,

    dans

    un

    bref

    article

    ntitul De

    l'

    nintelligibilit

    ,

    paru

    en 1800 dans

    Y

    Athenum13

    Dans cet

    article,

    chlegel

    recourt

    un

    dispositif

    htorique

    n

    peu

    lourd

    pourattirer'attention e ses lecteurs ur a vraiesignificationu Ten-

    denzfragment

    et

    pour

    en

    faire ressortir

    a

    porte

    programmatique.

    e

    procd

    est le suivant

    Schlegel

    commence

    par

    se

    plaindre

    des malen-

    tendus suscits

    par

    le

    fragment,

    vant de se

    plaindre

    d'un

    malentendu

    qu'il

    n'a

    pas

    suscit

    et

    qui

    tait

    pourtant

    voulu

    :

    Personne

    ne semble

    11.

    Lettre

    du 25

    mars

    1798,

    Friedrich

    chlegels

    Briefe

    n

    seinen

    Bruder

    August

    Wilhelm,

    Berlin,

    d.

    Oskar Walzel

    [

    =

    Walzel],

    1890,

    p.

    373

    (FG

    I,

    485-486).

    12. Hendrik

    teffens,

    Was

    ch erlebte.

    Aus der

    Erinnerung

    iedergeschrieben,

    v, Breslau,

    1844,

    49

    {FG I, 534).13. Friedrich chlegel, berdie Unverstndlichkeit, m : Athenum, ol. 111, econd

    cahier,

    cf.

    KA

    II,

    363-372.

    476

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    8/29

    Gense de

    l'esthtique

    romantique

    avoir

    remarqu

    ce malentendu].

    Pourquoi

    donc m'vertuer offrir n

    pture

    des malentendus i

    personne

    ne veut s'en saisir 14. On

    comprend

    aisment

    ue

    c'est ce

    que Schlegel appelle

    trs

    maladroitement malen-

    tendu

    qui, par

    le

    jeu

    de

    l'ironie,

    constitue

    n fait la seule

    faon

    de

    le

    bien entendre . Ce

    prtendu

    malentendu

    ui

    dvoile

    ironiquement

    le vrai sens du

    fragment

    onsiste

    n'entendree

    terme e

    tendance

    que

    comme si

    je

    ne

    considrais

    par exemple

    a Doctrine de la

    Science

    [se.

    de

    Fichte]

    ue

    comme

    une

    tendance,

    n essai

    provisoire,

    elle a

    Critique

    de la raison

    pure de Kant, et que mon dessein serait d'en donner une meilleure alisation

    et

    de

    lui

    apporter

    'achvement,

    u comme si

    je

    voulais

    [...]

    me

    placer

    sur

    les

    paules

    de

    Fichte,

    de mme

    que

    celui-ci 'est

    plac

    sur

    les

    paules

    de

    Reinhold,

    Reinhold sur les

    paules

    de

    Kant,

    celui-ci sur les

    paules

    de

    Leibniz,

    et ainsi

    de suite

    l'infini,

    usqu'

    ce

    qu'on

    remonte ux

    paules

    originaires

    15.

    Enfin,

    pour

    le cas o le

    moindredoute

    quant

    l'interprtation

    u

    frag-

    ment

    pouvait malgr

    tout

    subsister,

    chlegel ette

    le

    masque, quelques

    lignes plus

    loin :

    Je aisse

    'ironiefaire on travail

    t je dclare ansdtours ue, dans laterminologiees fragments,e termede tendance]

    signifie ue

    tout n'est

    encore

    ue

    tendance,

    otre

    poque

    est

    l'poque

    des

    tendances

    16.

    Et il

    poursuit

    Quant

    savoir i

    j'estime ue

    toutes es

    tendances,

    'est moi

    qui

    les ferai

    pleinement

    boutir,

    u

    peut-tre

    on

    frre,

    u

    Tieck,

    ou

    quelqu'un

    d'autre

    de

    notre

    action,

    u

    seulement'un

    de nos

    fils,

    oireun

    petit-fils,

    n

    arrire-petit-

    fils,

    n

    petit-fils

    u

    27e

    degr

    u

    seulementu

    Jugement

    ernier,

    oire

    amais,

    je

    laisse au

    lecteur e soin

    de trancher17.

    Si

    je

    me

    suis

    permis

    de citerde si

    larges

    extraits e ce

    texte,

    c'est

    qu'il

    me

    parat

    trs riche

    d'enseignements.

    n

    y

    trouve

    d'abord un

    constat

    l'poque

    moderne

    est

    caractrise

    par

    des

    tendances,

    c'est une

    poque

    o tout

    n'est

    encore

    que

    tendance.

    Ce

    constat

    ngatif

    onduit

    la fixa-

    tion d'une

    tche

    ces

    tendances,

    l

    convientde

    les faire

    aboutir,

    de les

    conduire

    leur

    pleine

    ralisation.

    L'ampleur

    de la

    tche

    toutefois

    14.

    Ibid.,

    KA

    II,

    367.

    15. Ibid.16. Ibid.

    17.

    Ibid.

    477

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    9/29

  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    10/29

    Gense de

    l'esthtique romantique

    blement

    dvelopp

    le

    systme

    ranscendantal

    tait,

    leurs

    yeux,

    sans

    contesteFichte.

    De cet examendu

    Tendenz-fragment

    ,

    il

    ressort

    ue Schlegel

    e

    pose

    en hritier t en

    continuateur e Fichte.

    Il

    convientd'examinercela de

    plus prs,

    car

    la chose

    peut paratre

    bien

    paradoxale.

    En

    effet,

    ds ses

    premiers

    crits,

    chlegel

    manifeste n

    got

    trs

    prononcpour

    les

    ques-

    tions

    d'esthtique.

    Or,

    le moins

    que

    Ton

    puisse

    dire,

    c'est

    que

    le Fichte

    de

    l'poque qui

    nous

    intresse este trs discret

    ur tout ce

    qui

    a trait

    ce domaine. Un

    tel silence n'est d'ailleurs

    pas

    fortuit. elon une thse

    d'Alexis Philonenko,reprise t dveloppe par Alain Renaut dans son

    ouvrage

    consacr

    au

    systme

    du droit chez

    Fichte,

    c'est mme une

    vritable

    dvalorisation e

    l'esthtique que

    l'on assiste chez

    Fichte,

    en corrlation

    vec

    une

    promotion

    e la

    thmatique

    e

    Pintersubjectivit

    et du droit19.

    Rappelons

    brivement

    'argumentation.

    elon ces

    auteurs,

    la

    problmatique

    entrale de la

    Critique

    de la

    facult

    de

    juger

    serait

    la

    problmatique

    e la

    communication .

    Or, si,

    dans

    l'analyse

    du

    juge-

    ment

    sthtique,

    ant met

    en vidence a structure

    'une communication

    directe ntre es

    sujets,

    conditionnant

    outes es formes

    ndirectes e la

    communication

    que

    ce soit au

    travers

    'un

    concept

    dans

    la

    connaissance

    ou de la loi morale dans l'action), cettecommunication sthtiquen'a

    toutefois

    e valeur

    que regulative

    t non

    constitutive,

    e sorte

    que

    l'uni-

    ficationentre

    thorie et

    praxis

    serait

    plus

    exige

    que

    rellement

    fonde

    ,

    ce

    qui,

    aux

    yeux

    de

    Fichte,

    ne

    suffirait

    as20.

    L'innovation

    de

    Fichte aurait

    consist tenterde

    confrer la

    mdiation entre

    es

    deux

    parties

    de la

    philosophie

    une valeur

    constitutive,

    out en

    conservant

    l'ide de

    communication a

    place

    centrale

    ue

    lui

    avait

    assigne

    Kant,

    ce

    qui

    d'une

    part

    se serait

    traduit

    par

    la

    promotion

    de la

    thmatique

    de

    Pintersubjectivit,

    usceptible,

    ses

    yeux,

    de

    dpasser

    rellement e

    dualisme

    kantien des

    phnomnes

    t

    des

    noumnes,

    de

    produire

    donc

    une solutionnon rflchissanteu problmede l'accord entre ibert t

    nature,et,

    d'autre

    part,

    aurait eu

    pour

    rpercussion

    a

    marginalisation

    de

    l'esthtique21.

    Alors

    que

    dans la

    Critique

    de la

    facult

    de

    juger,

    l'esthtique

    vait

    pour

    fonction

    de relier

    deux

    parties

    du

    systme,

    lle

    19.

    Alexis

    Philonenko,

    La libert

    humaine

    dans la

    philosophie

    de

    Fichte

    [=

    La libert

    humaine],

    Paris,

    Vrin, 1966,

    19802,

    p.

    38-42

    (cf.

    galement

    on

    introduction la

    traduc-

    tion

    de

    Kant,

    Critique

    de la

    facult

    de

    juger,

    Paris, Vrin,

    1965,

    p. 15);

    Alain

    Renaut,

    Le

    Systme

    du

    droit

    Philosophie

    et

    droit dans

    la

    pense

    de

    Fichte,

    Paris,

    PUF,

    1986,

    cf.

    en

    part,

    e

    chapitre

    I de

    la

    premire

    artie,

    De

    l'esthtique

    u

    droit

    ,

    et

    plus spcifi-

    quement

    e

    troisime

    lina

    :

    La

    dvalorisationfichtenne e l'esthtique , p. 99 sa.20. Alexis Philonenko, La liberthumaine, 38-40; Renaut, op. cit., 99.

    21.

    Cf.

    Alexis

    Philonenko,

    La

    libert

    humaine,

    40-42;

    Renaut,

    op.

    cit.,

    99-100.

    479

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    11/29

    Ivs

    Radrizzani

    n'a

    plus,

    chez

    Fichte,

    qu'une

    fonction

    pdagogique,

    celle de conduire

    au

    systme,

    e

    relier e

    point

    de vue commun t le

    point

    de vue

    transcen-

    dantal,

    la

    non-philosophie

    t la

    philosophie22.

    Cette dvalorisation e

    l'esthtique,

    ment tteste

    ar

    exemple

    dans

    le

    plan

    des diverses

    ubdivisionsde la Doctrine

    de la Science

    figurant

    la

    fin

    de la Doctrine

    de la Science Nova

    Methodo23,

    tait

    dj

    contenue n nucleo dans

    un article

    rdig

    en 1795 et

    paru

    en 1800 dans

    le

    Philosophisches

    Journal,

    ntitul

    Sur

    l'esprit

    t la lettre ans

    la

    phi-

    losophie

    24. Dans cet

    article,

    dirig plus

    directement ontre Schiller

    et

    les Lettres url* ducationesthtique e l'hommeque contreKant,Fichte

    s'tait

    dj

    attach faire

    pparatre

    out e caractre

    roblmatique

    'un

    passage esthtique

    ntre

    'ordre

    thorique

    t

    l'ordre

    pratique

    n

    critiquant

    notammenta thse chillrienne

    elon

    aquelle

    'ducation

    sthtique

    erait

    une ducation la libert.Comme

    le montre ien

    Renaut,

    Fichte

    oppose

    cette thse deux

    arguments

    1)

    Dans Tordre

    pratique,

    a dtermination

    ibre d'une

    reprsentation

    'inter-

    vient

    u'avec

    l'exigence

    ...]

    d"

    engendrer

    ans le monde sensible

    un

    produit

    qui

    lui

    corresponde'25

    ...]; 2)

    *

    L'artiste

    inspir

    ne

    s'adresse nullement

    notre

    libert'; en fait,dans l'motionesthtique, ous sommes charms' par l'uvre

    qui peut

    bien

    nous lever

    par

    instantsdans

    une

    sphre plus

    leve'

    que

    celle

    du

    monde

    sensible,

    mais 'sans

    que

    nous

    y

    soyons pour

    rien'

    et sans

    que

    nous

    devenions en rien

    meilleurs'26.

    n

    d'autres

    termes,

    'exprience

    n'est

    pas

    une

    exprience

    de

    la libert

    ...].

    Et Renaut conclut

    ainsi son

    commentaire

    :

    Bien loin

    par

    consquent

    que

    l'esthtiquepermette

    e

    passage

    de l'instinct

    thorique

    l'instinct

    pratique

    et rende

    possible

    l'unit de

    l'esprit

    corrlative-

    ment,

    celle de

    la

    philosophie),

    elle se

    borne,

    en nous

    accoutumant

    u libre

    eu

    de reprsentationsans dtermination ar une quelconque chose quoi elles

    devraient e

    conformer,

    prparer

    e

    passage

    de la

    simple

    reprsentation

    l'auto-

    activit

    de

    l'esprit

    telle

    qu'elle

    s'accomplira

    pleinement

    ans

    la

    philosophie

    27.

    22.

    Cf.

    Alain

    Renaut,

    op.

    cit.,

    104.

    23.

    Fichte,

    La

    Doctrine de

    la Science

    Nova

    Methodo,

    trad. Ives

    Radrizzani,

    Lausanne,

    L'Age

    d'homme,

    1989,

    p.

    308-309

    Wissenschaftslehre

    ova

    methodo-Kollegnachschrift

    .

    Chr. Fr.

    Krause

    1798/1799,

    d.

    Erich

    Fuchs,

    Hambourg,

    Meiner,

    1982,

    p.

    243-244).

    24.

    Sur

    l'esprit

    et

    la lettre

    dans la

    philosophie

    ,

    trad.

    Luc

    Ferry,

    n

    Fichte,

    Essais

    philosophiques

    choisis,

    Paris,

    Vrin,

    1984,

    p.

    79

    sq.

    (GA

    I

    6,

    p.

    333

    sq.).

    25.

    Ibid., p.

    91

    GA

    I, 6,

    280.

    26. Ibid., p. 109; GA 1,6, 300.

    27.

    Alain

    Renaut,

    op.

    cit.,

    112-113.

    480

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    12/29

    Gense de

    l'esthtique romantique

    Revenons-en

    maintenant

    Schlegel.

    N'est-il

    pas pour

    le

    moins

    para-

    doxal

    que

    celui-ci,

    dont l'intention ffirme s

    les

    premiers

    crits est

    de fonder ne nouvelle

    esthtique, evendique 'hritage

    d'un

    philosophe

    qui procdait rcisment

    une telledvalorisation e la

    thmatique

    sth-

    tique

    et

    qui,

    apparemment,

    ffraitmoins

    que

    tout autre un cadre

    tho-

    rique correspondant

    son dessein. Et

    pourtant,

    ds

    1795,

    l'influence e

    Fichte est clairement celable.

    Ainsi,

    Wilhelm von

    Humboldt

    note,

    propos

    de Sur l'tude

    de la

    posie grecque

    dont

    Schlegel

    ui avait

    envoy

    le

    manuscrit,

    ue

    celui-cin'est d'accord

    ni

    avec

    l'esthtique

    de

    Schiller,

    ni avec celle de Kant, mais entend en tablir une propre,et il ajoute :

    Les ides fichtennes

    emblent

    galement

    ui

    trotter ans la tte

    28.

    Le

    fait

    est suffisamment

    trangepour qu'il

    faille examinerde

    plus prs

    pourquoi

    c'est

    justement

    de

    la

    Doctrine de la Science

    que Schlegel

    se

    voulait

    e continuateur t en

    quoi

    celle-ci

    onstituait,

    son

    avis,

    la forme

    la

    plus

    aboutie de

    la

    tendance de

    l'poque

    en matire de

    philosophie.

    Disons-le tout de suite

    ce

    n'est

    pas

    une

    esthtique ue Schlegel

    cher-

    chaitchez Fichte.

    l

    tait

    en

    effet

    arfaitement

    onscient

    ue

    les

    proccu-

    pations

    de Fichte taient fort

    loignes

    des

    problmes

    d'esthtique29.

    C'est ainsi

    qu'il

    crit,

    dans

    ses

    notes sur la Doctrine

    de la Science

    Tout born

    ue

    Ton soitdans sa

    sphre,

    n a tout

    de mme

    ar

    moments

    des

    chappes

    ur e reste u monde.

    C'est e cas de Fichte

    veccertains

    ressen-

    timents

    Ahnungen)

    ur

    l'esthtique

    30.

    Mme si

    Schlegel

    concde

    que

    Fichte

    n'est

    pas

    dnu de tout sens

    pour

    les

    questions

    d'esthtique,

    l

    constate

    que

    l'art est

    tranger

    sa

    sphre

    d'intrt Fichte est

    trop

    born

    pour

    l'intgrer

    ritablement

    ans

    sa

    philosophie. Schlegel

    reproche

    en

    particulier

    Fichte de ne

    pas

    en

    avoir

    produit

    une

    dduction t

    de ne

    pas

    lui avoir

    accord

    de

    place

    dans

    28.

    Schillers

    Werke,

    Nationalausgabe,

    XXXVI,

    d. N.

    llers, Weimar,

    1972,

    73

    (FG,

    VI-1,

    189).

    29. Il

    semble

    que

    les

    frres

    chlegel

    n'aient

    pas mnag

    eurs efforts

    our

    attirer ichte

    sur le terrain e

    l'art. C'est ainsi

    qu'en

    octobre

    98,

    lorsque plusieurs

    membres

    du

    groupe

    romantique

    e rendirent

    Dresde

    pour y

    visiter

    a fameuse

    galerie

    de

    peintures,

    es

    Schlegel

    surent

    onvaincreFichte

    de se

    joindre

    eux.

    Une lettre

    de

    Dorothea Stock

    Charlotte

    Schiller

    nous en a

    conservun

    tmoignage

    ocasse

    :

    Les

    Schlegel

    taient ci

    [

    =

    Dresde]

    [...],

    ils

    ont

    pris possession

    de la

    galerie

    t

    y

    ont

    pass

    presque

    chaque

    matin

    vec

    Schelling

    et Gries

    [...].

    Ils ont

    galement

    niti

    Fichte aux

    secretsde

    l'art. Tu

    aurais

    d

    rire si tu

    avais

    vu

    les

    Schlegel

    avec

    lui,

    la

    faon

    dont ils

    le tranaient

    artout

    et

    lui

    assenaient eur

    conviction.

    (Charlotte

    von

    Schillerund ihreFreunde,d. LudwigUrlichs, II, Stuttgart,1865. 24: TOIL 10.

    30. KA

    XVIII, 32,

    n

    139.

    481

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    13/29

    Ivs

    Radrizzani

    Parchitectonique

    e son

    systme31.

    La Doctrine de la Science

    est

    trop

    troite

    zu eng)

    [...].

    Il

    et t

    lgitime ue

    [...]

    l'art

    y

    ft

    galement

    dduit >>.32 'absence d'une

    esthtique

    hez

    Fichte lui semble donc un

    manque,

    la

    marque

    d'une

    trop grande

    troitesse,

    t c'est

    combler ce

    manque qu'il

    entend

    s'atteler.

    Il

    nous reste

    toujours

    expliquerpourquoi,

    si

    Schlegel

    avait l'inten-

    tion

    de

    fonderune nouvelle

    esthtique,

    l

    s'est attach

    un

    systme

    ui

    se

    prtait pparemment

    i mal

    ce dessein?

    Nous avons vu ce

    que Schlegel

    n'y

    trouvait

    pas.

    Examinons maintenant e

    qu'il

    y

    trouve. La

    premire

    chose qu'il y trouve,c'est une philosophiede l'histoire,dont on verra

    bientt

    'importance u'elle

    a

    dans

    l'laboration

    e son

    esthtique. chlegel

    sera enthousiasm

    ar

    la

    lecture

    des

    Confrences

    ur la destinationdu

    savant.

    C'est

    ainsi

    qu'il

    crit en aot 95 son frre

    Compare

    'entranante

    loquence

    de

    cet

    homme

    =

    Fichte,

    qu'il

    vientde

    qua-

    lifierde

    'plus grand mtaphysicien

    ivant

    actuellement']

    dans les

    Confrences

    sur la

    destination

    u savant aux exercicesdclamatoires

    e Schiller. C'est

    aprs

    un tel homme

    que

    Hamlet

    soupirait

    en

    vain :

    chaque

    trait de sa

    vie

    publique

    semble dire voil

    un homme33.

    Le

    passage

    le

    plus important

    e ces

    Confrences

    ur la destinationdu

    savant

    figure

    ans la

    cinquime

    onfrence,

    onsacre

    1'

    Examen

    des

    thses

    de Rousseau sur

    l'influencedes arts et des sciences

    sur la bont

    de l'humanit

    34. Fichte s'en

    prend

    la thse rousseauiste

    de l'tat de

    nature. Contre

    Rousseau

    qui,

    partant

    de la

    prmisse

    que

    la marche

    en avant de

    la culture st

    l'unique

    cause

    de toute

    corruption

    umaine

    ,

    en viendrait considrer

    ue

    le retour

    st un

    progrs

    et

    que

    l'tat

    de nature

    est

    le but dernier

    uquel

    doit finalement

    arvenir

    'huma-

    nit

    35,

    Fichte tient

    soulignerque

    c'est devant nous

    que

    se

    place

    ce que Rousseau sous le nom d'tatde nature t ces potessous le vocable

    31. Le

    reproche

    oit dit en

    passant

    n'est

    pas justifi,puisque

    Fichte accordait

    une

    place

    l'esthtique

    dans

    la

    Dduction

    des

    subdivisions e la

    Doctrine de la Science

    ;

    toute-

    fois,

    il

    convientde

    noter

    que

    Schlegel

    ne

    pouvait

    pas

    connatrece

    texte.

    32. KA

    XVIII, 32,

    n

    143.

    33. Lettre du

    17 aot

    1795, Walzel,

    235-236

    (FG

    I,

    297).

    34.

    Confrences

    ur la destination u

    savant

    [

    =

    DS],

    trad. Jean-Louis

    Vieillard-Baron,

    Paris, Vrin, 1980, p.

    SO

    sq.;

    GA

    I,

    3,

    59 sa.

    35.

    DS

    S;

    GA

    I, 3,

    60. Sur

    l'interprtation

    ue

    Fichte

    propose

    de Rousseau

    dans ce

    texte,

    f.

    le

    chapitre

    Fichte

    et

    Rousseau

    du

    Commentaire

    aisonn

    que

    Vieillard-

    Baron a

    joint

    en

    annexe

    sa

    traduction,

    rad,

    cit., p.

    141

    sq. ; cf.

    en

    particulier .

    146 :

    Fichtefausse le point de vue de Rousseau en prtendant, omme les contemporains,

    que

    celui-ci

    prche

    un retour

    T'tat

    de nature'

    .

    482

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    14/29

    Gensede

    l'esthtique

    omantique

    d'ge

    d'or ont

    situ

    derrire ous

    36. Fichte

    s'appuye

    sur

    un

    argument

    connotationfortement

    iblique,

    savoir

    que

    Rousseau oublie

    que

    l'humanit

    ne

    peut

    et ne doit

    s'approcher

    de cet tat

    que par

    le

    souci,

    la

    peine

    et le travail

    37,

    doubl d'une considration ur l'essence de

    l'homme

    l'homme,

    aussi srement

    u'il

    est hommeet

    non

    bte,

    n'est

    pas

    destin rester

    l'tat

    de

    nature]

    ,

    ce

    qui

    reviendrait

    supprimer

    en mme

    temps que

    le vice

    la vertu

    et

    la

    raison

    en

    gnral

    ,

    bref

    ce

    qui

    fait

    spcifiquement

    'humanit

    de

    l'homme,

    et

    il

    n'y

    aurait

    plus

    qu'une

    bte sans raison

    38.

    Fichte restera fidle cette

    conception

    d'un ge d'or devantnous,dans le Caractre e l'poque actuelle, orsqu'il

    crira

    que

    l'humanit

    se construit lle-mme

    on

    Paradis,

    l'image

    de celui

    qu'elle

    a

    perdu

    39

    et

    que

    le chemin entier

    parcouru

    ici-bas

    par

    l'humanit

    ...]

    ne vise

    rien d'autre

    que

    le

    retour son

    origine

    40,

    la

    diffrence

    u'elle

    doit

    parvenir

    recrer

    ibrement,

    la sueur

    de son

    front

    ,

    ce

    qu'elle

    tait

    par

    nature

    ,

    l'poque

    de la domina-

    tion

    nconditionne

    e

    l'instinct,

    e sorte

    que

    le Paradis ultime st

    quali-

    tativement iffrent

    u

    Paradis

    originaire

    t

    que

    l'histoire obit un

    modle

    dialectique

    dont le moteur est la libert.

    Chez

    Schlegel,

    on retrouveune

    structure

    nalogue.

    Contrairement

    ce que l'on croit habituellement n raison des clichsprvalantsur le

    romantisme,

    'ge

    d'or,

    chez

    lui,

    n'est

    pas

    situ derrire

    ous,

    mais bien

    devant

    nous,

    et

    l'histoire 'inscrit ans le cadre d'un

    dveloppement

    ia-

    lectique.

    Cette structure ernaire

    rvaut

    en

    particulier

    ans le

    domaine

    de l'art. C'est

    l'ide fondamentale

    veloppe

    dans l'essai intitul ur

    l'tude

    de la

    posie

    grecque, qui

    constitue e

    premier

    ouvrage

    fonda-

    mental de

    Schlegel

    en

    matire

    d'esthtique.

    Dans

    cet essai o l'art est

    abord sous

    l'angle

    de

    l'histoire,

    on

    discernenettement

    rois

    moments,

    correspondant

    espectivement

    la

    thse,

    'antithse t

    la

    synthse

    'une

    structure

    ialectique,

    rsultant

    omme chez Fichtede

    l'antagonisme

    ntre

    nature et libert.

    Que

    ce

    soit Fichte

    que Schlegel

    emprunte

    e modle de

    philosophie

    de

    l'histoire

    ui

    constitue a

    vritable

    rame

    ur

    aquelle

    il

    va

    difier oute

    son histoire u

    Beau semble

    difficilement

    ontestable

    t,

    comme 'a trs

    justement

    emarqu

    Ernst

    Behler,

    'un des

    diteursde la

    monumentale

    36.

    DSSl;

    GA

    I, 3,

    65.

    37.

    DSSS;

    GA

    I,

    3,

    65.

    38. DSS6: GA

    I, 3,

    64.

    39.

    Caractre de l'poque actuelle [

    =

    CEA], trad. Ivs Radrizzani, Paris, Vrin, 1990,29; GA I, 8, 202.

    40.

    CEA

    28;

    GA

    I, 8,

    201.

    483

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    15/29

    Ivs

    Radrizzani

    dition

    ritique

    des uvresde

    Schlegel, pparat usque

    dans l'utilisation

    d'une

    terminologie

    ypiquement

    ichtenne41. 'est ainsi

    que Schlegel

    parle

    de

    dtermination

    ciproque

    (Wechselbestimmung)

    t d'

    action

    rciproque (Wechselwirkung)

    ntre nature

    et

    libert42,

    t

    caractrise

    l'acte

    potique

    comme

    expression

    'une

    libre auto-activit

    (Selbstt-

    tigkeit)*.

    La

    transposition

    ans le domaine

    de

    l'esthtique

    e la structure ialec-

    tique

    de

    l'histoire

    marquepar

    l'antagonisme

    ntre

    ature t libert onduit

    distinguer

    ne

    poque

    caractrise

    ar

    la dominationde

    la

    nature et

    que, par analogie avec la philosophiede l'histoire,on pourrait ppeler

    tat de naturedu Beau

    ;

    une seconde

    poque, place

    sous

    la domina-

    tion de la

    libert,

    st caractrise

    la fois

    par

    l'affranchissement

    e ce

    lien

    naturel

    u Beau

    ou,

    si l'on

    veut,

    par

    la

    perte

    du Paradis

    du

    Beau,

    et

    par

    l'effort

    de reconstruireibrement

    e Paradis

    perdu.

    Enfin,

    une

    troisime

    poque,

    synthse

    e nature

    et de

    libert,

    devrait

    permettre

    l'humanit

    de retrouver e Beau tel

    qu'il

    existaitdans

    l'ordre

    rgi par

    la

    nature,

    mais

    qui

    serait

    dsormais

    un

    produit

    de la libert.

    Ces

    grandes tapes

    de l'histoire

    du

    Beau,

    ainsi

    que

    les

    diffrentesub-

    divisions

    ue

    l'on

    peut

    distinguer

    u sein de chacune

    d'elles,

    sont

    explici-

    tement onues par Schlegelcommeautant de momentsde l'histoirede

    la

    conscience,

    hse

    qui

    rvle nouveau 'troit

    pparentement

    e l'esth-

    tique schleglienne

    u transcendantalisme

    ichten.

    Comme

    exemple

    de

    phases

    dans cette histoire

    de la

    conscience,

    Schlegel

    cite ses

    distinctions

    de

    l'ionien,

    du

    dorien,

    de

    l'attique,

    ainsi

    que

    les

    diverses

    poques

    de

    la culture

    44.

    Or,

    si les

    divers moments

    de l'histoire

    du Beau se lais-

    sent

    nterprter

    omme

    phases

    de l'histoire

    de la

    conscience,

    'est

    qu'ils

    ne se succdent

    pas

    dans un

    ordre

    arbitraire,

    mais

    qu'ils

    sont

    inscrits

    a

    priori

    dans la structure

    e

    la conscience. C'est

    l nouveau

    une ide

    que Schlegel

    a trouve chez

    Fichte,

    soit

    dans les Contributions

    ur la

    Rvolutionfranaise,ouvrage qu'il prisaitfort45,oit dans les Conf-

    rences ur la destination

    u

    savant.

    Rappelons

    par exemple

    e texte

    bien

    connu de

    la

    Prface

    des

    Contributions

    41.

    KA

    I,

    LXXVI-LXXVII.

    42. Sur V tude de

    la

    posie grecque,

    KA

    I,

    230.

    43.

    Ibid.,

    KA

    I,

    290.

    44. KA

    XV,

    Studien

    des

    Altertums,

    n 2.

    45.

    Cf.

    la lettre u

    17

    aot

    1795 de

    Friedrich

    chlegel

    son frre

    August

    Wilhelm,

    ite

    ci-dessus,

    ans

    laquelle,

    avant

    de faire

    'loge

    des

    Confrences

    ur a destination

    e

    l'homme,

    il crivait

    Le plus grandmtaphysicienui

    vive actuellement

    st

    un crivain

    rs

    popu-laire. Tu peux le voir aux fameusesContributionssur a Rvolutionfranaise],dans les-

    quelles

    Rehberg

    se fait

    massacrer

    .

    484

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    16/29

    Gense

    de

    l'esthtique

    romantique

    Tous les vnements e ce monde me

    paraissent

    des

    tableaux nstructifs

    ue

    le

    grand

    Instituteur e l'humanit

    expose

    devant elle afin

    qu'elle y apprenne

    ce

    qu'elle

    a besoin de savoir. Non

    qu'elle

    l'apprenne

    d'eux : nous ne trouverons

    jamais

    dans

    l'histoire

    ue

    ce

    que

    nous

    y

    aurons d'abord mis

    nous-mmes;

    mais

    en

    s'appliquant

    juger

    les vnements

    els,

    elle

    tire

    plus

    aismentd'elle-mme

    les

    trsors

    qu'elle

    recle

    46.

    Schlegel

    urait

    pu recopier

    e texte t le mettre n

    exergue

    de son histoire

    du

    Beau.

    Maintenant

    ue

    nous avons mis d'une

    faon gnrale

    en vidence e

    modle

    thorique xploit par Schlegel

    dans la construction e son his-

    toiredu

    Beau,

    examinonsde

    faon

    plus approfondie

    es trois

    principaux

    momentsde cette histoire.

    a)

    La

    culture

    grco-romaine

    omme

    tat de nature du Beau

    L'tat de nature

    du Beau s'est

    trouv

    historiquement

    ncarn,

    selon

    Schlegel,

    dans

    l'Antiquit.

    L'Antiquit

    aurait t

    caractrise,

    elon

    lui,

    par

    une

    culture

    naturelle

    (natrliche

    Bildung).

    Cette

    culture natu-

    relle,entirementoumise l'instinctnaturel,dont Schlegelcritqu'il

    est un

    guide aveugle

    47,

    devait,

    comme

    tout

    produit

    naturel,

    obir

    la loi

    des

    cycles

    qui

    rgne

    dans la

    nature

    et

    connatre a

    dchance.

    Le

    cycle

    une telle

    prpondrance

    ans

    'ensemble

    e la

    posie

    antique ue [...]

    celle-ci

    n'apparat

    pas

    comme un

    produit

    de

    l'art dont

    les

    mouvements

    eraient

    ordonns une

    fin,

    sous la

    directionde

    la

    raison,

    mais

    comme un

    produit

    de

    la

    nature

    qui,

    conformmentux

    lois de

    toutes es

    forces

    vivantes,

    e

    structure-

    rait

    et

    s'articulerait

    ar

    sparation

    et

    runiondu

    semblable et du

    dissemblable,

    crotrait,

    clorait,

    parviendrait

    maturit,

    e

    reproduirait,

    'endurcirait,

    t

    fina-

    lement se

    dcomposerait.

    48

    Toutefois,

    en raison

    de

    circonstances

    articulirement

    avorables

    dues

    la

    situation

    privilgie

    de la

    Grce49,

    a

    culture

    grecque parvint

    au

    cours de

    son

    cycle

    naturel la

    perfection

    maximale

    que peut

    atteindre

    une

    culture

    naturelle.

    L'histoire de

    la

    posie

    grecque

    est

    une

    histoire

    46.

    Fichte,

    Considrations ur la

    Rvolution

    ranaise,

    trad.

    Jules

    Barai,

    Payot,

    1974

    (repr.

    de la

    trad, de Barai

    parue

    en

    1859),

    p.

    79;

    GA

    I,

    1,

    203.

    Cf.

    galement

    a

    quatrime

    des

    Confrences

    ur

    la

    destinationdu

    savant,

    passim.

    47.

    Sur l tude de la posie grecque. KA I. 316.48. Histoire de la posie des Grecs et des Romains, KA I, 503-504.

    49.

    Sur

    Vtude de la

    posie

    grecque,

    KA

    I,

    276.

    485

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    17/29

    Ivs

    Radrizzani

    naturelle

    omplte

    du

    Beau

    et de l'art

    50. Elle

    prsente

    le maximum

    et

    le canon de

    la

    posie

    naturelle t chacune de ses

    productions

    st la

    plus parfaite

    en son

    genre

    51. Le secret de cette beaut

    naturelle

    est

    qu'elle

    n'est

    soumise

    aucun

    intrt

    ui

    lui

    soit

    tranger, idactique,

    historique

    u

    philosophique,

    t

    qu'elle

    ne sert

    pas

    la

    promotion

    ndivi-

    duelle de

    l'artiste;

    c'est une

    beaut

    idalise,

    dans

    laquelle

    l'artiste

    ait

    s'effacer t

    reprsenter

    e

    typique

    t

    l'universel. a culture

    naturelle ffre

    le tableau de l'closion

    quasi

    vgtale

    d'une

    multiplicit

    e

    genres

    artistiques.

    Ceux-ci

    ne sauraient

    n effet tre e

    produit

    des

    artistes,

    ar

    cela supposeraitune intervention e la libert ui n'a pas sa place dans

    cette culture.

    Bref,

    sous la totale

    dpendance

    des lois

    de la

    nature,

    a

    culture naturelle

    parvint

    dans

    l'Antiquit

    un sommet du

    Beau.

    La culture

    recque

    t romaine

    atteint n maximum

    non

    pas

    un

    maximum

    absolu,

    qui

    est

    e but de l'histoire

    moderne,

    mais

    qui

    ne

    peut

    se

    prsenter

    n

    aucunehistoiret

    en aucun

    temps,

    mais e maximum

    uprme ossible

    ans e

    systmeyclique,

    n maximum

    e a culture

    aturelle,

    onc

    un maximumelatif.

    Cette

    notion d'un

    maximum

    relatif est encore

    prcise

    L'art st

    nfiniment

    erfectible

    il luiest

    mpossible

    e

    parvenir

    un maximum

    absolu

    u coursde

    son

    dveloppement

    ontinu;

    l

    peut

    par

    contre

    tteindre

    n

    maximum

    elatif

    onditionn,

    n

    proximum

    ixe t

    indpassable

    52.

    b)

    La culture

    moderne et

    la

    promotion

    de

    l'intressant,

    du

    caractristique

    t de

    l'original

    Venons-en

    maintenant

    la seconde

    tape

    de cette

    histoire

    du

    Beau,

    marque

    par

    la domination

    de

    la libert t

    la dissolution

    du

    lien imm-

    diat la beaut. Cette secondetape, dont Schlegelcroitdj percevoir

    des

    signes

    prcurseurs

    ans

    l'Antiquit,

    n

    particulier

    ans la

    philosophie

    platonicienne53,

    st

    globalement

    identifie

    avec

    l'poque

    moderne.

    50. Lettre

    de

    Friedrich son

    frre

    du 5 avril

    1794,

    Walzel, 173;

    la

    posie

    grecque

    est

    galement

    ualifie

    d' histoire

    naturelle

    omplte

    de l'art et

    du

    got

    (Sur

    l'tude de

    la

    posie grecque,

    KA

    I,

    318),

    d' histoire

    naturelle

    universelle

    e la

    posie

    (Ibid.).

    51.

    Sur l'tude

    de

    la

    posie grecque,

    KA

    I,

    307.

    52. Sur

    la valeur

    de

    l'tude des

    Grecs

    et des

    Romains,

    KA

    I,

    634.

    53. Sur

    l'tude

    de la

    posie grecque,

    KA

    I, 332;

    dans

    l'essai

    intitul ur

    l'tude

    de la

    posie

    grecque,

    dans

    un

    passage

    o

    Schlegel

    suggre

    u'il

    ne faut

    pas

    considrer

    es deux

    cultures omme isoles et

    spares,

    il

    envisage

    a

    possibilit

    de faire

    remonter

    Socrate,

    voiremme

    Pythagore,

    a tentative e conformera moraleet la politiqueaux

    ides de

    la raison

    pure

    (KA

    I,

    636).

    486

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    18/29

    Gense

    de

    l'esthtique

    omantique

    L'humanit 'est dtache

    du

    proximum

    ixe t

    indpassable

    du

    Beau,

    atteint

    ar

    la culture

    ntique

    en obissance

    veugle

    ux

    prescriptions

    mp-

    rieuses

    de la

    nature,

    ds

    qu'elle

    a voulu s'affranchir e cette tutelleet

    s'en remettreu libre-arbitre. Le meilleur

    ot

    des modernes 'est

    [plus]

    cens tre un don de la

    nature,

    mais l'uvre autonome de leur

    libert

    54. La

    culture moderne n'est

    plus

    naturelle

    ,

    mais

    artifi-

    cielle

    (knstliche

    Bildung).

    L'artificialitde la

    modernit

    st lie

    l'mancipation

    de l'entendement55.'entendement

    rend

    e relais de la

    nature c'est lui dsormais

    qui opre

    les divisions

    l'entendement

    ui

    isole commencepar sparer t diviser a totalitde la nature n lments

    isols

    56

    et

    qui,

    partir

    de ces

    lments

    sols,

    recompose

    des touts

    arbitraires,

    ui

    ne

    possdent

    pas

    la

    cohsion

    organique

    du tout naturel.

    C'est

    pourquoi Schlegel

    qualifie galement

    a

    modernit '

    poque

    chi-

    mique

    .

    L'activit

    chimique

    de l'entendement eu

    pour

    effetde

    dtruire

    es

    rapports

    naturels

    rvalant

    ans

    l'Antiquit,

    a

    navet

    bjec-

    tive des

    Grecs,

    la

    cohsion d'un monde

    dans

    lequel chaque

    chose tait

    sa

    place

    et faisait

    partie ntgrante

    'un bel

    arrangement,

    'un

    cosmos.

    L'essence de la

    modernit

    st

    le

    chaos,

    le

    morcellement,

    'miettement

    des

    perspectives,

    e

    qui

    conduit

    une valorisation

    xcessivede

    l'indivi-

    dualit et, dans le domaine de l'art, la recherche e l'originalit il

    faut

    dsormais tre

    original

    tout

    prix.

    La nature

    analytico-chimique

    de

    l'entendement

    xplique

    l'orientation

    onstante,

    sous sa

    direction,

    de l'art

    vers l'imitation

    fidle du

    particulier

    57.

    L'mancipation

    moderne e

    l'entendement eu

    pour

    consquence

    ue

    la

    posie

    moderne

    a tout

    naturellement

    ris pour

    but

    l'individualit

    originale

    et

    intres-

    sante

    58.

    La

    posie

    moderne,

    contrairement la

    posie

    antique,

    est

    mise au

    service

    d'intrts

    trangers

    u

    Beau;

    elle

    doit avoir

    une valeur

    didactique,

    philosophique,

    bref,

    lle doit

    tre

    intressante . En

    outre,

    tandis

    que

    l'art

    antique

    visait e

    Beau

    idalis,

    le

    typique

    et

    l'universel,l'artmoderne, n raisonprcismente cetobjectif ' tre ntressant,

    doit

    se tenir

    beaucoup plus

    prs

    de

    la

    ralit

    objective

    et viser e

    caract-

    ristique.

    Enfin,

    l

    convientde

    souligner

    une dernire

    iffrence

    majeure

    entre a culture

    naturelle t la

    culture

    rtificielle.

    andis

    que

    la

    premire,

    54. Sur

    l'tude de

    la

    posie

    grecque,

    KA

    I,

    259.

    55.

    Cf. par exemple

    ur les

    limites u

    Beau,

    KA

    I,

    35

    sq.

    :

    Nous

    n'avons

    pas

    envier

    [les

    Anciens],

    omme

    s'ils taient

    favoriss

    ar

    une

    fortune

    rbitraire.Nos

    manques

    mmes

    sont nos

    espoirs,

    car

    ils

    naissent

    prcisment

    e la

    suprmatie

    e

    l'entendement,

    ont le

    perfectionnement,

    ent

    il

    est

    vrai,

    ne

    connat

    aucune

    borne .

    56. ur l'tude de la posie grecque,KA I, 245.57. Ibid.

    58.

    Ibid.

    487

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    19/29

    Ivs

    Radrizzani

    en tant

    u'elle

    est

    prcisment

    oumise

    la

    nature,

    'inscrit

    ans une struc-

    ture

    cyclique,

    a seconde est caractrise

    ar

    une

    conception

    de l'histoire

    admettantomme

    rmisse

    a

    perfectibilit

    nfinie e l'homme.Cette

    oncep-

    tion d'une

    ralisation

    e l'humanit

    lace

    sous

    le

    signe

    du

    progrs

    st ie

    la confiance

    lace

    dans

    l'entendement dont

    e

    perfectionnement,

    ent

    il

    est

    vrai,

    ne

    connat ucune borne

    59.

    Or,

    comme

    e

    Mieux

    est 'ennemi

    du

    Bien,

    e Beau

    suprme

    e la culture

    aturelle st

    relgu

    ans

    un absolu

    l'infini

    natteignable

    t ne fonctionne

    lus

    ds

    lors

    qu'

    titre 'ide

    regu-

    lative.La modernitvec son culte

    du

    progrs

    st

    engage

    dans un

    processus

    d'approximationnfinie u maximum bsolu du Beau, qui, selon une

    citation aite

    i-dessus,

    st

    le but de l'histoire

    moderne,

    mais

    qui

    ne

    peut

    se

    prsenter

    n

    aucune histoire

    t en aucun

    temps

    . Par

    consquent,

    a

    modernit

    e

    peut

    vivre

    que

    sur le mode

    du

    manque

    et

    de la tendance.

    On trouve

    dj

    contenue

    ci

    in nucleo l'ide

    qui

    sous-tendra

    e fameux

    Tendenzfragment

    que

    nous

    avons cit au dbut

    de cet

    article,

    savoir

    que

    notre

    poque

    est

    l'poque

    des

    tendances

    .

    A

    la lumire

    de cette

    histoiredu

    Beau,

    on

    comprend

    mieux la

    place que

    Schlegel

    assigne

    Fichte en faisant

    de la Doctrine

    de la Science

    l'archtype

    e la

    philoso-

    phie

    moderne.

    En

    effet,

    mme

    si,

    avec la

    Doctrine de

    la

    Science,

    Fichte

    est parvenu,aux yeux de Schlegel, achever e systmede la pense

    transcendantale,

    a

    philosophie,

    n

    tant

    que

    philosophie

    de la

    finitude,

    reste

    profondment

    marque

    du sceau de

    la

    modernit,

    ar elle

    ne

    par-

    vient

    pas

    oprer

    a rconciliation

    ntre

    nature et

    libert ur

    un mode

    autre

    que

    celui

    d'une ide

    regulative.

    l

    convient

    une

    nouvelle

    fois de

    se

    reporter

    ux

    Confrences

    ur

    a destination

    u savant.

    Dans cet

    ouvrage,

    Fichtefaitde

    la

    perfectibilit

    l'infini

    e caractre

    ssentiel e

    l'humanit

    L'humanit

    peut

    se

    passer

    de

    tout,

    on

    peut

    tout ui

    ravir,

    mais

    pas

    la

    possi-

    bilit de

    se

    perfectionner

    60.

    La fin ultime t suprmede la socitest l'unittotale et l'unanimit ntre

    tous es

    membres

    ossibles

    de cette

    ocit.

    Cependant,

    l

    est

    mpossible

    'atteindre

    cette

    fin,

    d'atteindre

    a destination

    e l'homme

    n

    gnral

    ce

    qui

    suppose qu'on

    atteigne

    a

    perfection

    bsolue;

    but

    inaccessible

    n tant

    que

    tel

    -

    aussi

    longtemps

    que

    l'hommene

    doit

    pas

    cesserd'tre

    homme

    t

    ne doit

    pas

    devenir

    ieu. L'union

    entre ous les

    individus

    st

    par

    consquent

    a

    fin

    ultime,

    mais non

    la destination

    de l'homme

    dans

    la socit.

    Mais

    approcher

    t

    s'approcher

    ndfiniment

    e cette

    fin,

    c'est l

    ce

    qui peut

    et

    ce

    qui

    doit

    tre fait

    par

    l'homme.

    61

    59. KA I, 35.60. DS12' GA I, 3, 54.

    61.

    DS

    53;

    GA

    I,

    3,

    40

    {cf.

    galement

    DS

    69;

    GA

    I,

    3,

    52).

    488

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    20/29

    Gense de

    l'esthtique romantique

    Dans

    la

    mesure

    o la

    pense

    fichtenne

    este

    ndpassablement

    ou-

    tenue

    par

    la tension ntre a finitude t

    l'infinitude t

    se

    refuse

    oprer

    la

    synthse

    u rel et

    de l'idal autrement

    ue

    sur le mode de

    l'ide,

    elle relvede la

    modernit,

    u sens dfini

    par Schlegel,

    savoir comme

    poque

    o tout n'est encore

    que

    tendance.

    Or,

    dans

    la

    mesure

    ,

    comme

    nous avons cherch

    l'tablir,

    e modle

    thorique xploitpar Schlegel

    dans sa construction

    e

    l'histoire

    du Beau est

    emprunt

    Fichte,

    dans

    la

    mesure

    n outre o la

    pense

    de Fichte se rvle

    tre

    ntrinsquement

    marque

    du sceau de

    la

    modernit,

    l

    s'avre

    que

    Schlegel,

    dans son his-

    toiredu Beau, du moinspource qui concernea partie xamineusqu'ici,

    reste

    profondment

    tributaire d'une

    conception

    fondamentalement

    moderne

    ,

    y compris

    dans son

    investigation

    e

    l'Antiquit ).

    Or,

    comme on l'a

    vu

    dans le

    Tendenzfragment

    ,

    Schlegel assigne

    la

    faction

    romantique

    a

    tche de

    dpasser

    a

    modernit.

    Nous

    devrons

    donc attacher

    e

    plus

    grand

    soin

    l'examen de la

    troisime

    poque

    de

    l'histoire u

    Beau

    qui,

    tant ense

    proposer

    un

    modle

    de

    synthse

    ntre

    les deux

    premires,

    evrait

    par

    consquent

    dpasser

    la

    modernit,

    ndi-

    quer

    de

    quelle

    faon

    Schlegel

    ntend se hisser ur es

    paules

    de

    Fichte,

    et

    dvelopper

    e

    programme

    u

    romantisme. 'histoire du Beau

    se mue

    ds lors en construction e l'esthtiquenouvelle. Dans cettepartie,dans

    laquelle

    nous

    nous

    appuyerons

    rincipalement

    ur

    es

    fragments

    u

    Lyceum

    et ceux

    de

    V

    Athenum,

    l

    s'agira

    pour

    nous

    d'tre

    particulirement

    tten-

    tifs au

    principe

    de la

    tentativede solution

    esquisse

    par Schlegel.

    c)

    Le

    dpassement

    romantique

    de la modernit

    Si la modernitest

    dfinie comme

    l'antithse de

    l'Antiquit,

    cela

    n'implique

    nullement

    ue Schlegel prne

    le retour

    l'Antiquit

    sur

    le

    mode de la

    simple reproduction.

    Nous n'avons

    pas

    envier

    les Anciens],

    comme s'ils

    taient

    favoriss

    par

    une

    fortune rbitraire.Nos

    manques

    mmes sont nos

    espoirs,

    car

    ils naissent

    prcisment

    e la

    suprmatie

    de

    l'entendement,

    ont le

    perfectionnement,

    ent

    il

    est

    vrai,

    ne connat aucune

    borne.

    62

    Au

    contraire,

    'est sur

    le terrainde

    la

    modernitmme

    que

    le

    roman-

    tismedoit

    trouver

    ncrage,

    de sorte

    que

    la

    recherche e

    l'intressant 'est

    pas

    condamne

    unilatralement.

    n

    effet,

    mme

    si elle

    correspond

    une

    62.

    Cf.

    ci-dessus

    note

    n

    59.

    489

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    21/29

    Ivs

    Radrizzani

    crise du

    got

    63

    et si elle

    est,

    comme

    telle,

    ngativement

    onnote,

    elle se voit tout

    de

    mme confrer

    ialectiquement

    ne

    valeur

    positive.

    L'antithse

    que

    constitue

    a modernit st un momentncessaire

    pour

    passer

    la troisime

    tape.

    P

    poque

    chimique

    doit succder une

    nouvelle

    poque

    organique

    64. L'intressant

    ubjectif

    moderne omme

    antithsedu beau

    objectif antique

    est le

    passage oblig pour prparer

    une

    synthse ubjective-objective

    uprieure

    t

    permettre

    a ralisation

    du Beau

    suprme.

    L'intressantst a prparationuBeau, t ebutultime e la posiemoderne

    ne

    peut

    tre

    que

    le

    Beau

    suprme,

    n

    maximum e

    perfection

    sthtique

    objective.

    65

    La structure

    veloppepar

    Schlegel

    st donc

    bien une structure

    ernaire,

    dans

    laquelle

    le

    troisime erme

    ne

    propose pas

    une

    simple

    reconduction

    du

    premier.

    t

    si l'tude de la

    beaut

    antique

    a son utilit ans

    la

    mesure

    o

    elle

    permet

    e faire

    pparatre

    e

    qui

    fait

    dfaut

    la

    modernit,

    'est

    uniquement

    n fonction

    'un

    dveloppement

    ui

    ne saurait

    se contenter

    d'ignorer

    implement

    a scission

    naugure

    par

    la modernit.

    Comme le

    constateSchlegel,la tche est donc double :

    II

    nous

    faut echercher

    unite

    de

    a

    posie

    moderne]

    elon

    ne

    double

    direc-

    tion d'une

    part,

    l

    fautnous

    tourner

    ers e

    pass pour

    dterminer

    rigine

    premire

    e son

    apparition

    t

    de son

    dveloppement,

    'autre

    part

    vers

    e futur

    pour

    dterminer

    e

    but

    ultime

    e sa

    progression66

    .

    De l'histoire

    du Beau

    qui

    a

    t

    prsente,

    l

    ressort

    que

    la modernit

    est

    caractrise

    'abord

    par

    la

    scission,

    par

    la

    perte

    de l'unit

    organique

    prvalant

    dans

    l'Antiquit.

    La tche

    que

    Schlegel impartit

    u roman-

    tismepour recrer ibrement ne poque organiqueest de surmonter

    a

    scission,

    tendre

    l'unification,

    passer

    es contradictions

    ui

    dchirent

    l'homme

    moderne. Cette

    tendance

    unificatrice

    ui

    inspire

    bon nombre

    de

    fragments

    e

    V

    Athenum,

    apparat

    en

    particulier

    ans

    l'un des

    plus

    connus,

    o

    Schlegel

    dfinit

    a

    conception

    de la

    posie

    romantique.

    La

    posie

    romantique

    st

    une

    posie

    universelle

    rogressive.

    a

    destination

    n'est

    pas

    seulement

    e refaire

    'unionde tous

    es

    genres

    otiques

    pars

    t

    63.

    Sur Vtude de

    la

    posie grecque,

    KA

    I,

    254.

    64. Fragmentn 426 de YAthenum,

    KA

    II,

    248-249.

    65. Sur l'tude de la posie grecque,KA I, 253.

    66.

    Ibid.,

    KA

    I,

    229.

    490

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    22/29

    Gensede

    l'esthtique omantique

    de mettre

    a

    posie

    en

    contact avec la

    philosophie

    et la

    rhtorique.

    Elle veut

    aussi,

    et elle

    doit,

    tantt

    mler,

    tantt fondre

    a

    posie

    et la

    prose,

    le

    gnie

    et la

    critique,

    a

    posie

    d'art

    (Kunstpoesie)

    t la

    posie

    de nature

    Naturpoesie)

    elle veut

    et

    doit rendre

    vivanteet sociable la

    posie,

    rendre

    potiques

    la vie et

    la

    socit,

    potiser 'esprit, emplir,

    aturer es

    formes e l'art l'aide de contenus

    culturels

    ppropris, uels qu'ils

    soient,

    t

    les animerdes vibrations e l'humour.

    Elle

    comprend

    toute

    chose,

    pourvu qu'elle

    soit

    potique

    67.

    Ce

    programme

    oit tre

    rapproch

    de celui

    que

    son ami

    Novalis avait

    labor

    peu

    prs

    la mme

    poque. Schlegel

    t Novalis avaient

    outume

    de discuter nsemblede questions philosophiques. l s'agissait pour eux

    de

    sym-philosopher

    68.

    L'expression

    fichtaniser

    69

    revient

    gale-

    ment

    plusieurs

    fois

    dans leur

    correspondance.

    En

    1797,

    Novalis avait

    dcouvert

    hez

    le

    philosophe

    hollandais

    Hemsterhuis 'ide

    capitale

    que

    la

    sparation

    ntre es diverses

    ciences est

    factice,

    que

    cette

    sparation

    facticeest due un

    manque

    de

    gnie,

    que

    l'instrument

    rivilgi our

    y

    remdier st la

    posie,

    et

    qu'en

    faisant

    apparatre

    grce

    la

    posie

    les

    rapports

    achs entre es

    diverses

    ciences,

    l

    sera

    possible

    de

    construire

    la

    science

    universelle70.

    eprenant

    cette

    ide,

    Novalis

    en avait fait le

    vritable

    rincipe

    directeur

    ommandant a

    construction

    e toute sa

    phi-

    losophie

    romantique,

    e fixant omme

    programme

    e

    potiser

    toutes

    les

    sciences

    7I.

    Dans cette

    entreprise

    e

    potisation

    ,

    Novalis,

    de

    mme

    que Schlegel,

    se

    comprend

    comme le

    continuateur e

    Fichte. La

    contribution

    riginale

    qu'il

    se

    propose d'apporter

    l'histoire

    de l'ida-

    lisme et

    pour laquelle

    il

    utilise

    e termed'

    idalisme

    magique

    72

    doit

    constituere

    couronnement

    u

    systme

    ichten,

    ui-mme

    onu

    comme

    l'apothose

    de

    la

    philosophie

    kantienne

    73.

    Le mrite

    de

    Fichte est

    d'avoir

    su lever

    une science

    particulire,

    a

    philosophie,

    n

    science uni-

    verselle

    t

    d'y

    avoir

    subordonn es

    autres

    sciencescomme

    ses

    modifica-

    tions. Mais ce que Fichte a ralis pour la philosophie, l reste,selon

    Novalis,

    le

    raliser

    pour

    toutes les

    autres

    sciences74. l

    s'agit

    autre-

    mentdit

    de

    prsenter

    es

    versions

    potique

    ,

    chimique

    ,

    math-

    matique

    ,

    musicale

    ,

    historique

    ,

    etc. de

    la

    Doctrine

    de la

    Science15.

    67.

    Fragment

    n

    116 de Y

    Athenum,

    KA

    II,

    182.

    68.

    Cf. par

    ex. KA

    XXIV,

    22, 135,

    155, 168,

    206

    (NS

    IV, 491,

    496, 498, 500, 508).

    69.

    Cf.

    par

    ex.

    NS

    IV,

    482

    (FG

    I,

    432);

    IV,

    487

    (PGl,

    442).

    70.

    [Hemsterhuis-Studien],

    S

    II,

    360-378; cf.

    en

    particulier . 368,

    372-373.

    71.

    Lettre de

    Novalis

    August

    Wilhelm

    Schlegel

    du 24

    fvrier 798. NS IV. 252.

    72.

    Novalis,

    Teplitzer-Fragmente

    ,

    NS

    II, 605,

    n

    56.

    73. Novalis, Studien zur bildendenKunst, NS II, 649, n 478.74. Novalis, Brouillonencyclopdique , NS III. 269, n 155.

    75.

    Ibid.,

    NS

    III,

    336,

    n

    464.

    491

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  • 8/11/2019 Gense de l'Esthtique Romantique

    23/29

    Ivs

    Radrizzani

    C'est ce

    programme ue

    Novalis

    envisageait

    de mener

    bien

    dans

    une

    monumentale

    ntreprise

    ncyclopdique ui

    n'a

    pas

    vu le

    jour

    et dont

    le Brouillon

    ncyclopdique

    auquel

    il

    travaille

    partir

    e

    fin

    1798)

    cons-

    titueune

    premire pproche,

    tock de matriau

    brutdans

    lequel

    il

    enten-

    dait

    puiser

    ultrieurement76. ette

    ambitieuse

    Encyclopdie

    version

    romantique

    urait eu

    pour

    tche de dmontrer

    ue

    toute science est

    Une

    en

    faisant,

    comme le

    suggrait

    Hemsterhuis,

    omber toutes

    les

    barriresmaintenantes diverses

    ranchesdu savoir

    humaindans un tat

    d'isolement.

    l

    s'agissait

    dans ce but de mettre

    n vidence es liens

    qui

    unissent es sciencesspares et de faire ainsi ressurgir'unit perdue.

    Cette

    grammaire

    universelle u savoir devait

    en outre tre

    encyclop-

    dique

    non seulement

    ar

    le

    contenu mais

    galement

    ar

    la forme loin

    de

    prsenter

    ne collection

    de

    fragments,

    a forme aurait

    d,

    comme

    vritable

    endant

    du

    contenu,

    n refltera tendance

    niversalistet offrir

    l'ventail

    complet

    des divers

    genres

    ittraires

    ossibles,

    'un

    des

    projets

    les

    plus

    audacieux

    du romantisme

    llemand,

    malheureusement

    est l'tat

    d'esquisse.

    Le

    programme

    e

    posie

    romantique

    omme

    posie

    universelle

    ro-

    gressive dvelopp par

    Schlegel

    dans

    Y

    Athenum s'inscrit