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George Marcus Au-delà de Malinowski et après Writing Culture : à propos du futur de l’anthropologie culturelle et du malaise de l’ethnographie Pour citer cet article : George Marcus. Au-delà de Malinowski et après Writing Culture : à propos du futur de l’anthropologie culturelle et du malaise de l’ethnographie, ethnographiques.org , Numéro 1 - avril 2002 [en ligne]. http://www.ethnographiques.org/2002/Marcus.html (consulté le [date]). Sommaire Notes Bibliographie Je vais laisser de côté la question, si essentielle soit-elle, du futur de l’anthropologie culturelle et m’en tenir au malaise [1 ] de l’ethnographie. Toutefois, si l’on a suivi les développements qui ont eu lieu, au moins depuis le début des années 80, on remarque que le premier est clairement en jeu dans le second. L’importance cruciale actuelle de la pratique de l’ethnographie dans l’identité de l’anthropologie a en effet été une source d’ambivalence dans les bilans récemment écrits par les plus grandes figures de la génération précédente d’anthropologues américains, tels que Clifford Geertz (par exemple, Geertz 2000) et Marshall Sahlins. Ils se voient comme les légataires d’un certain « âge d’or » de la discipline, telle qu’elle était conçue plus tôt au cours du siècle. Ils semblent considérer que l’anthropologie ne se résume pas à l’ethnographie, bien qu’ils reconnaissent que celle-ci est cruciale. Pour ceux d’entre nous qui appartiennent à une génération plus récente, tout dépend de ce qui peut y être fait, de quels types de projets peuvent être menés dans les limites de ce qui est considéré comme de l’ethnographie [2 ]. En ce qui me concerne, j’ai contribué à façonner, et j’ai d’ailleurs aussi continué à être façonné, par la critique de l’anthropologie des années 80 issue de ce que l’on a appelé la critique « Writing Culture » (Clifford et Marcus 1986). Reflétant

George Marcus Au-delà de Malinowski et après Writing Culture : à propos du futur de l’anthropologie culturelle et du malaise de l’ethnographie

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Marcus, antropologia, historia,

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  • George Marcus

    Au-del de Malinowski et aprs Writing Culture : propos du futur de lanthropologie culturelle et dumalaise de lethnographie

    Pour citer cet article :

    George Marcus. Au-del de Malinowski et aprs Writing Culture : propos du futurde lanthropologie culturelle et du malaise de lethnographie, ethnographiques.org,Numro 1 - avril 2002 [en ligne].http://www.ethnographiques.org/2002/Marcus.html (consult le [date]).

    Sommaire

    NotesBibliographie

    Je vais laisser de ct la question, si essentielle soit-elle, du futur de lanthropologie

    culturelle et men tenir au malaise [1] de lethnographie. Toutefois, si lon a suivi les

    dveloppements qui ont eu lieu, au moins depuis le dbut des annes 80, on

    remarque que le premier est clairement en jeu dans le second. Limportance cruciale

    actuelle de la pratique de lethnographie dans lidentit de lanthropologie a en effet

    t une source dambivalence dans les bilans rcemment crits par les plus grandes

    figures de la gnration prcdente danthropologues amricains, tels que Clifford

    Geertz (par exemple, Geertz 2000) et Marshall Sahlins. Ils se voient comme les

    lgataires dun certain ge dor de la discipline, telle quelle tait conue plus tt

    au cours du sicle. Ils semblent considrer que lanthropologie ne se rsume pas

    lethnographie, bien quils reconnaissent que celle-ci est cruciale. Pour ceux dentre

    nous qui appartiennent une gnration plus rcente, tout dpend de ce qui peut y

    tre fait, de quels types de projets peuvent tre mens dans les limites de ce qui

    est considr comme de lethnographie [2].

    En ce qui me concerne, jai contribu faonner, et jai dailleurs aussi continu

    tre faonn, par la critique de lanthropologie des annes 80 issue de ce que lon a

    appel la critique Writing Culture (Clifford et Marcus 1986). Refltant

    leffervescence critique et interdisciplinaire plus large de cette poque, se

  • leffervescence critique et interdisciplinaire plus large de cette poque, se

    concentrant sur les pratiques de reprsentations et sur leurs limites, ainsi que sur

    les modes rflexifs de la production de la connaissance, la critique Writing

    Culture a fait de lespace traditionnel de lethnographie la scne des

    dveloppements futurs de lanthropologie elle-mme. Les annes qui suivirent nont

    fait que renforcer le rle central que lethnographie continue de jouer, non

    seulement en tant que pratique de production de la connaissance en anthropologie,

    mais galement comme vhicule des normes et de lethos de la socialisation

    professionnelle. La critique Writing Culture a t intgre de manire positive

    par les anthropologues, mais ses implications ont t circonscrites par lide quelle

    ne traite que de lcriture et de stratgies de composition des textes

    ethnographiques, sans remettre en question le travail de terrain, vritable noyau

    exprimental de la discipline. Toutefois, jai toujours pens que limplication la plus

    importante de la critique concerne le processus du travail de terrain (Marcus 1986).

    Ce nest quaujourdhui, alors que ce qui fut nomm postmodernisme est

    expriment partout, au mme titre que ce qui est nomm tout aussi vaguement

    globalisation , quune telle implication fait lobjet, pour ainsi dire, dune deuxime

    vague de critiques. Sous la pression des thories sociales et culturelles qui voluent,

    dune part, et des conditions changeantes du monde et des objets dtude qui

    soffrent lethnographie, dautre part, la critique se concentre actuellement sur le

    modle traditionnel et hautement symbolique du travail de terrain.

    En dpit de linfinie diversit des peuples, des cultures, des pratiques et des lieux

    tudis par les anthropologues, la discipline na rellement fonctionn qu laide

    dun seul paradigme dethnographie, celui des traditions malinowskiennes et

    boasiennes, perfectionn au cours des derniers soixante-dix ans au sein des diverses

    tendances de lanthropologie britannique et amricaine. Paradoxalement, toutes les

    critiques de lanthropologie, y compris la critique Writing Culture des annes 80,

    ont conserv ce modle, ou lont mme renforc. Bien quil demeure adapt

    certains projets de recherche, et quil ait en fait t renouvel durant les vingt

    dernires annes par une certaine convergence de lanthropologie et de lhistoire, je

    vais plutt mintresser ici ses insuffisances pour un nombre croissant de projets

    de recherche en anthropologie dans des domaines qui traitent, par exemple, de

    science et de technologie, de politique contemporaine et de discours politiques, de

    mouvements sociaux, dONG, dorganisations internationales, du champ jusquici

    consacr aux questions de dveloppement, des mdias et dans une certaine mesure

    de lart, des marchs de lart et des muses (voir Marcus 1998a).

    En fait, dans ces domaines assez vastes et de plus en plus importants de la

    recherche, de nouvelles conceptions et pratiques du travail de terrain et des normes

    ethnographiques existent, de facto, de faon contingente, avant tout sous forme de

    rponses pratiques des conditions de recherche inattendues. De tels travaux

    tmoignent de lexistence de nombreuses mthodes dont ils font bon usage, se

  • tmoignent de lexistence de nombreuses mthodes dont ils font bon usage, se

    souciant peu des conventions en vigueur (voir par exemple, Martin 1994, Gusterson

    1996, Fortun, 2001, Holmes 2000). Cependant, pour des raisons que jexaminerai

    par la suite, je pense que larticulation dun paradigme, dun ethos et dun ensemble

    de normes alternatifs (drivs de lesprit historique de lethnographie mais

    nettement diffrents de lunique paradigme en vigueur) est ce stade ncessaire.

    Ce paradigme a besoin de la flexibilit et du pouvoir normatif de celui de

    Malinowski, notamment pour llaboration des projets de thse de doctorat qui

    relvent de la plus haute importance. Mes propres efforts pour lancer un tel dbat

    ont volu depuis la critique Writing Culture vers la reconstitution de

    lmergence et des implications de ce que jai nomm lethnographie multi-site

    (multi-sited ethnography) (Marcus 1998a). A certains gards, il est incontestable

    que lethnographie traditionnelle ait pu tre, et a souvent t, multi-site. Le fait que

    les populations soient en mouvement, que les technologies et les marchs

    atteignent lensemble du globe rend ce constat encore plus vident. Jespre

    toutefois dmontrer ici les problmes rencontrs dans lvolution de certains types

    de projets de lethnographie multi-site, notamment ceux qui ne dbutent pas en

    dlimitant un peuple ou un lieu, mais en ayant une perception diffrente de lobjet

    dtude (Marcus 2000). Dans ces projets, un simple savoir-faire de circonstance ou

    un bricolage mthodologique lis la pratique de lethnographie ne suffisent pas

    la constitution ni dune idologie ni dun idal visant rguler la pratique. Une

    discussion et une articulation de la modification des conditions du travail de terrain

    sont ncessaires lmergence dun paradigme alternatif, entirement lgitim, de

    la pratique ethnographique au sein de lanthropologie.

    Je souhaiterais en dire plus propos des considrations, des conditions et des

    intrts divers de la recherche contemporaine qui gnrent un espace multi-site

    dans la conduite du terrain ; mais tant donn ce que je considre tre en jeu dans

    ce type dethnographie (ou du moins, ce que jai pu en expliciter), cela prend sens

    uniquement dans le contexte dune certaine analyse des contradictions du mode

    contemporain de production professionnelle de lanthropologie et dans ce que

    jappellerais la crise des modes de rception de sa forme de connaissance

    ethnographique. Prcisons que je traite essentiellement de la situation de

    lanthropologie aux tats-Unis aujourdhui, bien que je ne considre pas que ces

    conditions de rception soient spcifiques ce pays. Il sagit plutt dune description

    de la faon dont leffervescence interdisciplinaire des annes 70 et 80 (allant des

    dbats conduits au sein des tudes littraire (literary studies) propos du

    postmodernisme vers des tentatives de constitution et dinstitutionnalisation des

    tudes culturelles (cultural studies) de diffrents types) sest radapte aux

    pratiques des disciplines tout en leur donnant, ce moment, une coloration

    inhabituelle.

  • Il y a peu de doute que lre deffervescence interdisciplinaire dans les sciences

    humaines en dclin, selon moi qui a dbut par lintroduction des ides post-

    structuralistes franaises travers les tudes littraire (literary studies) et le

    fminisme, qui a ensuite marqu un intrt pour le postmodernisme pour dboucher

    enfin sur les tudes culturelles (cultural studies), a eu une influence dterminante

    sur la pratique de lanthropologie. Elle a en effet fourni cette dernire une sorte

    didentit et de pertinence hors de ses propres efforts continus visant se dfinir et

    se promouvoir, ayant ainsi une incidence sur les courants dominants du moment

    au coeur de la discipline tout comme sur ses tendances priphriques.

    Ainsi, par exemple, sous linfluence des tudes post-coloniales (postcolonial studies)

    qui furent les premiers produits non occidentaux, thoriquement labors, perdurant

    au sein des institutions partir de la priode deffervescence interdisciplinaire (voir,

    par exemple, Comaroff et Comaroff 1992, et Dirks 1998), lorganisation dominante

    de lethnographie et des spcialisations professionnelles au sein de la discipline par

    aires gographiques (area studies), construite sur laffirmation dune comptence

    portant sur certaines populations, certains lieux, certaines langues, a t revue et

    renouvele au sein des plus importantes institutions acadmiques par de nouvelles

    convergences entre lhistoire et lanthropologie. Cela a permis de maintenir le

    paradigme ethnographique classique des pratiques et des objets traditionnels

    dtude tout en le renouvelant de manire intressante.

    Au mme moment, linfluence de la priode deffervescence interdisciplinaire a

    introduit en anthropologie une dynamique beaucoup plus perturbatrice et aussi

    potentiellement plus innovatrice : cest sur cet aspect que je veux insister ici. Jai

    rcemment crit sur la nature de plus en plus exprimentale des deuximes projets

    ainsi que des suivants mens par des chercheurs reconnus qui font partie de ma

    gnration. Selon mon analyse, ces projets ont souvent des orientations diffrentes

    par rapport aux premiers projets qui, effectus en tant que doctorant, visent

    tablir les bases dune carrire. Cest ce niveau que lappel vibrant des annes 80

    de lethnographie exprimentale a t mis en uvre de manire concrte (Marcus

    1998b). Ces projets dbutent souvent par un programme trs personnel et

    naboutissent pas au rsultat prvisible des monographies standard ,

    contrairement la plupart des premiers projets de ces mmes chercheurs.

    Autrement dit, ces projets se distinguent car ils ne suivent pas le paradigme

    classique de symtrie entre lobjet dtude, le travail de terrain et le produit crit.

    En outre, jai observ que dans leurs orientations de dpart, nombre de doctorants,

    parmi les meilleurs, sont attirs vers lanthropologie par le caractre interdisciplinaire

    aventureux et non conventionnel de ces deuximes projets, et non par le courant

    dominant. Et do ces tudiants tirent-ils leur intrt pour lanthropologie ? Non pas

    du cursus lmentaire traditionnel mais, comme je lai de plus en plus observ, des

    cours influencs par larne interdisciplinaire. Cest l que lanthropologie sest

  • cours influencs par larne interdisciplinaire. Cest l que lanthropologie sest

    constitue une identit, dune manire beaucoup plus forte quelle ne la fait par

    elle-mme. Cependant, au moment o ces tudiants entament les programmes de

    doctorats, ils sont confronts au modle de formation traditionnel ; la recherche

    doctorale devient ds lors une ngociation entre le modle des premiers projets qui

    visent tablir les bases dune carrire et celui des travaux successifs exemplaires

    des professeurs. Si je devais aujourdhui faire une ethnographie du mode de

    reproduction professionnel, elle porterait sur ltat de ce processus de ngociation

    dans les diffrentes cultures institutionnelles de la discipline.

    La question que je vais me poser la fin de ce texte est celle de la possibilit pour

    un paradigme alternatif dtablir, pour ce que jai nomm les deuximes projets, une

    lgitimit gale celle des projets inspirs par le paradigme traditionnel. Pour moi,

    la fcondit de lanthropologie critique et sa pertinence pour la discipline en

    dpendent.

    Je dsire ce stade me tourner vers le second fil conducteur de mon analyse de la

    situation contemporaine de la discipline : ce que jai appel la crise des modes de

    rception de lethnographie. En ce moment, les anthropologues proposent beaucoup

    plus de rflexions originales dans le cadre de la production ethnographique que ce

    qui a probablement t fait dans les travaux classiques, parce que cette production

    est devenue le terrain exprimental de la plupart de leurs ides intressantes

    propos des changements du monde contemporain. Cependant, dans ses diffrentes

    rceptions, la production ethnographique reste trs limite, conformment ce

    quelle tait probablement suppose tre dans sa forme classique. Par consquent,

    en dehors de la discipline, les ethnographies sont invitablement perues comme

    subordonnes, en tant qu tudes de cas ou exemples, dautres usages et

    dautres buts par exemple ceux des thoriciens des sciences humaines et

    sociales, des responsables politiques, des militants et des journalistes. La tonalit et

    la puissance de la connaissance anthropologique se retrouvent facilement

    rappropries dans les dbats de diffrents domaines et leur valeur est rduite par

    laccueil strotyp rserv la production ethnographique vue comme une simple

    tude de cas dune tranche de lexprience humaine que les autres discours

    prsentent de manire abstraite. Ceci dit, lorsque lethnographie est controverse,

    elle fournit une rsistance au sein dautres discours politiquement ou socialement

    plus puissants ; ou lorsquelle est lue avec bienveillance, elle apporte des

    amnagements certains projets conus dans un langage abstrait et avec une

    ambition analytique dans des domaines aussi divers que les tudes politiques et les

    tudes littraires. En effet, elle agit comme une sorte de substitut de lexprience,

    du discours (voice), et des conditions de la vie quotidienne des tres humains,

    autrement dit des objets de la thorie ; ce que James Carrier (1998) a dfini plus

    gnralement comme des discours virtualistes qui conoivent le monde

    abstraitement et essayent de linfluencer par leurs propres termes. Cest

  • abstraitement et essayent de linfluencer par leurs propres termes. Cest

    videmment un noble service que rend lethnographie, et plus gnralement

    lanthropologie ; toutefois, le paradigme ethnographique, dans sa formulation

    classique, ne sengage que faiblement et aux conditions imposes par dautres

    genres de discours thoriques et formels plus puissants.

    Cette rception externe, strotype et subordonne de lethnographie naurait pas

    autant de consquences si le degr de rception interne que les anthropologues ont

    de leur propre ethnographie tait plus fort, plus systmatique et plus analytique.

    Mais prsent, il me semble que ce nest pas le cas, en particulier dans le champ de

    nouvelles thmatiques et de ce que jai nomm les deuximes projets effectus par

    des chercheurs reconnus. Mme le courant dominant de lethnographie, galement

    influenc par la priode deffervescence interdisciplinaire, ne reoit que trs peu

    dattention soutenue et systmatique au-del de trs petits cercles de spcialistes.

    Plus gnralement, les ethnographies sont lobjet de jugements esthtiques souvent

    sommaires. Elles sont values rapidement, tablissent les rputations, avant dtre

    bien souvent oublies. Tout particulirement dans les nouvelles thmatiques portant

    sur les sciences et les technologies, ou tout du moins distinctes des tudes

    rgionales traditionnelles, les efforts effectus au sein de la discipline sont encore

    trop disperss pour susciter une communaut capable dinterprtation et

    dvaluation critique intense. Si lon excepte ladmiration que suscite linnovation

    lintrieur de la discipline, les travaux sont principalement valus par la rception

    qui leur est rserve lextrieur qui, comme nous avons pu le noter, ne les peroit

    que comme de simples ethnographies ou en des termes strotyps. Par

    consquent, les origines de la crise massive que connat la rception de la

    production ethnographique, lintrieur comme lextrieur de la discipline, rsident

    dans laffaiblissement du pouvoir de la connaissance, des ides et des arguments

    vhiculs dans les limites de la production classique. Ce problme nous conduit

    dgager un paradigme alternatif de la pratique ethnographique.

    Explorons ici la diffrence que la pratique dune ethnographie multi-site cre par

    rapport au travail de terrain issu du paradigme classique. Ce qui est en jeu ici nest

    pas le caractre multi-site vident impliqu depuis toujours par ltude des variantes

    dunits culturelles situes en des lieux prcis comme, par exemple, celles qui

    existent entre les milieux rural et urbain de diffrentes organisations sociales

    spcifiques, ou encore ltude du mme objet en des contextes diffrents : il sagit

    l du caractre multi-site classique de la comparaison ethnographique. Je pense ici

    la comparaison rendue incontrlable par les changements survenus dans les

    processus sociaux lmentaires sur lesquels on a compt jusqu rcemment pour

    tenir le monde en place. A cet gard, la contribution notable dArjun Appadurai,

    constitue par les modle du global des "scapes" (Appadurai 1996), a bris

    lemprise des modles du systme-monde articuls sur une opposition entre le

    centre et la priphrie. Cela a rendu possible un canevas multi-site fragment en

  • centre et la priphrie. Cela a rendu possible un canevas multi-site fragment en

    ethnographie en lieu et place des processus ordonns dune vision globale de

    lhistoire du capitalisme mondial. Les objets de lethnographie doivent maintenant

    tre conus dans des espaces discontinus et plus fragments. Mais le travail

    dAppadurai noffre pas vraiment de cadre mthodologique et nest pas articul en

    termes proprement ethnographiques. Il est beaucoup trop facile dutiliser sa

    terminologie, comme de nombreux chercheurs lont fait, pour reconstituer la mise

    en scne classique qui voulait que le travail de terrain porte sur des populations et

    des lieux circonscrits, bien quaujourdhui la contextualisation soit diffrente.

    Selon moi, les projets multi-sites les plus intressants dcoulent des efforts visant

    mener une enqute de terrain sur certaines thmatiques qui sont trs difficiles

    situer laide du mode de contextualisation classique. Il y a diffrentes faons de

    mener bien ces projets multi-sites. Esquissons deux scnarios de la faon dont les

    projets multi-sites impliquant des pratiques de recherche trs diffrentes peuvent

    merger des conditions de terrain contemporaines.

    Un de ces scnarios dcoule des conditions contemporaines qui fondent

    lethnographie comme un mode de critique culturelle (cultural critique). Comme

    Fischer et moi-mme lavons dvelopp dans Anthropology As Cultural Critique

    (1986 (1999)), la technique de critique classique la plus importante en anthropologie

    tait fonde sur la juxtaposition comme forme de comparaison. Elle a aussi t une

    technique centrale des avant-gardes occidentales (et des styles postmodernes qui

    en ont dcoul) par lusage de collages, de montages et dassemblages, par la

    cration deffets visant surprendre ou dfamiliariser, techniques qui jusqu un

    certain point ont t partages de faon plus prosaque par lanthropologie critique.

    Plutt questhtique ou idiosyncrasique, la logique de juxtaposition en anthropologie

    tait base sur une vision stable du monde et de la faon dont les diffrences

    taient agences : lOccident et les Autres, des rgions goculturelles distinctes, la

    juxtaposition de certaines pratiques enchsses dans des systmes sociaux,

    linguistiques et culturels particuliers.

    Les fondements de cette logique ont t branls au cours des dernires annes

    par les mouvements massifs de populations, de biens et de technologies, et les

    rflexions en la matire dans les courants en vogue des sciences sociales ont

    dbord du monde acadmique pour pntrer les discussions quotidiennes et la

    sphre publique. Tout cela est actuellement dbattu laide dexpressions clichs

    tels que globalisation ou hybridit , et a t rig comme ayant une

    pertinence pour la cohrence, lintgrit et la moralit de la vie localement situe.

    Pour beaucoup de projets de critique culturelle, la logique de juxtaposition, plutt

    que dtre donne, doit elle-mme driver de lethnographie, cest--dire de la

    conception du terrain, qui son tour gnre des espaces de terrain multi-site. Dans

    mon essai sur lmergence du paradigme multi-site en ethnographie (Marcus

  • mon essai sur lmergence du paradigme multi-site en ethnographie (Marcus

    1998a), jai utilis la mtaphore de "suivre" ou de "pister" (following or tracking)

    pour voquer cette logique despace mouvant de lethnographie issue des confins du

    travail de terrain.

    Cette stratgie, qui gnre des juxtapositions partir de logiques indites

    dcouvertes en examinant les points de vue indignes lintrieur des scnes de

    terrain repose galement sur des constructions telles que la modernisation rflexive

    propose par les thoriciens que sont Ulrich Beck, Anthony Giddens, et Scott Lash

    (Beck, Giddens and Lash 1994) et, par exemple, linsistance dArjun Appadurai

    (1996) sur laccessibilit de tout partout (everything everywhere) pour

    limagination situe au niveau local. Le cadre danalyse et dexposition de

    lethnographie critique dpend dune cartographie rflexive et dune vritable crypto-

    ethnographie de ses sujets un degr plus lev quauparavant. Par consquent, la

    finalit, la fonction, lthique ainsi que la nature des relations de travail en jeu dans

    lexamen traditionnel des points de vue indignes changent considrablement dans

    cet espace multi-site pour devenir une sorte de thtre de rflexivits complices

    orchestres par lethnographe engag dans des collaborations beaucoup plus

    complexes et explicites que ce qui na jamais t envisag dans la mise en scne

    traditionnelle - soit le compte rendu des relations de terrain avec de simples

    informateurs.

    Le renouveau (revival) de quelques unes des consquences les plus radicales de la

    critique Writing Culture des annes 80 est ici en jeu, bien quil ne soit

    maintenant plus tellement question dexprimenter lcriture des textes

    ethnographiques mais les nouvelles conception du terrain en tant que tel. Prenons,

    par exemple, le trope central de collaboration dans la critique Writing Culture

    des annes 80 et dans cette formulation multi-site. Dans la critique Writing

    Culture , la collaboration reconfigurait dune faon puissamment critique la

    reprsentation traditionnelle des rapports anthropologue-sujet dans la mise en scne

    classique du terrain. Toutefois, cette critique ne brisait ni le cadre, ni la finalit de

    cette mise en scne. Mais la collaboration qui a lieu dans lespace de terrain multi-

    site en volution brise potentiellement les frontires entre les productions

    ethnographiques des anthropologues et les productions ainsi que les reprsentations

    culturelles comparables des collaborateurs avec lesquels le projet anthropologique

    est parfaitement complice. Cela soulve des questions de fond pour la valeur et les

    formes de la connaissance anthropologique que le paradigme alternatif de

    lanthropologie peut lgitimement gnrer.

    Ce scnario dlaboration du travail de terrain multi-site complexifie par ailleurs la

    notion de rflexivit, si emblmatique de la critique Writing Culture . Dans la

    recherche multi-site, lide que lethnographie peut tre tour tour dense et

    superficielle [3] (thick and thin) est essentielle. Jai utilis thick and thin comme

  • superficielle [3] (thick and thin) est essentielle. Jai utilis thick and thin comme

    titre dun rcent recueil dessais (Marcus 1998), et jestime que cette mtaphore est

    tout fait cruciale. Pour lethnographie classique, la densit tait une vertu, la

    superficialit ne ltait pas ; dans le travail de terrain multi-site, tant la densit que

    la superficialit sont escomptes et rendre compte de la diffrence de qualit et

    dintensit des donnes de terrain devient une des clefs de lanalyse

    ethnographique. Il sagit mme de la plus substantielle et importante forme de

    rflexivit des projets multi-sites. Cela implique des questions directes concernant

    laccs et les opportunits offertes sur les diffrents sites, mais cela implique de

    faon plus intressante un dbat sur lengagement naissant et les pratiques

    thiques en relation avec les collaborations dterminantes au cur de ces projets.

    Sous leur forme la plus rflexive, la densit et la superficialit (thickness and

    thinness) de lethnographie multi-site questionnent ce que jai nomm un activisme

    de circonstance (circumstantial activism) et ce que Paul Rabinow a dnomm

    intgration de circonstance (circumstantial integration) (Rabinow 1999). La

    signification et les fondements dun projet ethnographique gnrent une conomie

    morale beaucoup plus complique que lconomie morale rdemptrice qui sous-tend

    lessentiel de lethnographie contemporaine suivant le paradigme classique. Cela

    dtermine les limites de ce que la rflexivit peut explorer dans la relation que

    lanthropologue entretient avec un ensemble de sujets qui se trouvent

    habituellement socialement domins, dchirs entre la rsistance et le compromis

    envers ltat, le march et lordre institutionnel. Le projet critique de terrain multi-

    site dont je viens de parler agit dans un espace de rfrence ethnographique tout

    autre, mutuellement constitu, la fois dense et superficiel.

    A ce stade, je souhaite aborder plus brivement un deuxime scnario, qui nest pas

    sans relation avec le prcdent, lmergence du travail de terrain multi-site dans le

    contexte contemporain. En effet, lessence de lethnographie implique dvoluer

    dans des mondes vritablement vcus par des sujets ; mais, pour ce faire, il faut

    plus que jamais traverser les champs de reprsentations et les modes de discours

    systmatiques produits par les pratiques de la connaissance qui se superposent

    ceux des anthropologues. Dans une certaine mesure, afin de crer lillusion des

    mondes essentiellement oraux dans lesquels taient censs voluer leurs sujets, les

    anthropologues ont toujours fonctionn en escamotant de la scne du terrain ou de

    la route qui y conduit les domaines de reprsentation concurrents. Que ce soit dans

    les domaines de recherche nouveaux ou dans ceux plus traditionnels, agir de la

    sorte est de moins en moins possible et acceptable. Dautant plus que les sujets

    traditionnels produisent eux-mmes des formes de discours et dauto-reprsentation

    systmatiques destins un monde de reprsentation contextualis produit entre

    autre par les mdias, les tats, les entreprises et les ONG. Toute rponse

    anthropologique cette condition quasi universelle de lethnographie ncessite une

    forme ou une autre de terrain multi-site.

  • forme ou une autre de terrain multi-site.

    En effet, linterdisciplinarit elle-mme (jadis considre comme un domaine distinct

    du processus de recherche vritable alors quil sagit dun espace o les projets de

    recherche font lobjet de dbats) se fond dans le domaine de lethnographie et

    devient une des conditions internes de sa production mme. La configuration exacte

    de linterdisciplinarit dpend de la nature de la recherche ethnographique. Mais le

    fait que le travail de terrain implique, en tant que lieu de collaboration et de

    description dense, un engagement intense et des pratiques de connaissance

    spcialises, a des implications profondes pour le malaise li aux formes de

    rception de la connaissance anthropologique. Jai examin prcdemment ce

    problme que jaborderai nouveau la fin de ce texte.

    Ainsi, afin de pntrer finalement dans les mondes vcus des sujets particuliers,

    quils soient domins ou dominants, les anthropologues doivent aujourdhui souvent

    faire dune autre discipline, dun autre mode de connaissance spcialis un objet

    ethnographique. Les textes exemplaires de lethnographie multi-site actuelle (qui

    portent pour la plupart sur la science et la technologie, linstar des travaux de Paul

    Rabinow, 1996 et dmily Martin, 1994) vhiculent des images danthropologues

    retournant lcole, assistant des cours de mdecine, lisant des manuels dans le

    but dtablir les collaborations si importantes pour leurs projets. Ce genre

    dethnographie de la raison, de labstraction et des pratiques discursives constitue

    un des aspects essentiels des projets contemporains impliquant le droit, les mdias,

    les corporations, les arts et mme la politique. Parce que chaque sujet peut se

    retrouver impliqu dans diverses disciplines ou professions, lethnographie absorbe

    une certaine interdisciplinarit en tant quobjet dtude partiel. Et, comme

    mentionn, cela tend reconfigurer de manire radicale les frontires des pratiques

    de la connaissance lintrieur et lextrieur du domaine dinvestigation

    ethnographique, ainsi que laudience ethnographique et ceux qui sont concerns par

    lmergence de lieux de recherche multiples.

    Ayant tabli comment linterdisciplinarit se fond dans la recherche multi-site, je

    veux revenir, en conclusion, sur mon analyse prcdente des contradictions et des

    malaises de la pratique professionnelle de lanthropologie contemporaine. Proposer

    le nouveau paradigme dune ethnographie multi-site est le principal enjeu que jai

    voulu poser et clarifier dans ce texte. Revenons aux tensions que subissent les

    doctorants entre lappel des deuximes projets de professeurs reconnus et le

    paradigme traditionnel de lethnographie encore en vigueur. La tche critique pour

    le futur est de transformer en un paradigme alternatif de la mthode

    ethnographique aussi lgitime que le traditionnel ce que les travaux exemplaires des

    chercheurs reconnus gnrent travers une rhtorique de la srendipit, des

    opportunits et des ruptures inattendues et contingentes rencontres dans ce qui

    est, lorigine, une ethnographie traditionnelle (Marcus 1999).

  • Chaque printemps, je suis principalement occup lire des thses et des projets de

    terrains. Jai remarqu que les projets les plus intressants conus par nos tudiants

    tmoignent des mmes conditions changeantes de travail que les deuximes et

    successifs travaux des chercheurs reconnus, mais en labsence de libert

    dexprimentation et de modle explicite de normes alternatives pour conduire le

    travail de terrain. Ces exemples inspirent ce que les thses devraient tre sans en

    constituer les modles. Les thses de doctorat ne peuvent ni commencer ni se

    terminer de la mme manire que ces projets par une rhtorique de la srendipit

    mais au contraire doivent constituer une mthode partir dune rhtorique de la

    circonstance. Comme not, une question centrale pour moi est de quelle manire les

    deuximes projets sont des modles de formation pour les dbutants, ou plutt

    dans quels discours mthodologiques peuvent-ils prendre place. Llaboration des

    scnarios dune pratique changeante que jai abord dans ce texte est un premier

    essai pour rpondre cette question. Je reviens finalement cet autre malaise de

    lanthropologie dj mentionn : une certaine crise des modes de rception de

    lethnographie. Dans ce cas, la rponse la proposition dune recherche multi-site

    telle que je lai dcrite est beaucoup plus complexe. Je vais simplement rappeler le

    potentiel et la ncessit dune ethnographie multi-site pour intgrer certaines

    connexions interdisciplinaires au sein de la recherche de terrain elle-mme. Cela

    suggre la possibilit que les relations de terrain puissent galement devenir des

    relations professionnelles et celle dune sphre de normes et de pratiques qui

    doivent encore tre explores, dans le cadre desquelles la principale audience de

    lethnographie sont aussi les collaborateurs et les sujets du travail de terrain. Il

    sagit de beaucoup plus quune rponse des indignes aux anthropologues, comme

    cela a t annonc depuis longtemps dans la mise en scne traditionnelle. Cest une

    reconception totale du type de connaissance que lanthropologie offre et de son

    audience au sein des hirarchies de connaissance de ses bastions euro-amricains.

    De plus cela soulve de nouvelles questions propos des types de connaissance

    offertes par la communaut de la discipline.

    Pour finir, ce qui est peut-tre en jeu est le dpassement de lide dune

    ethnographie comme simple production dun certain genre douvrages, de textes, ou

    dune forme emblmatique de savoir. Lethnographie se diffuse ainsi en de

    nombreuses formes alternatives possibles dcriture rendues ncessaires par les

    relations et la rception quimplique une conception multi-site du travail de terrain.

    Par consquent, nous navons pas nous occuper, ce que les chercheurs impliqus

    dans les projets du deuxime type ne font dailleurs pas, du fait que le modle de

    lethnographie soit une monographie reprsentant et rapportant en dtail le travail

    de terrain. Car lethnographie se rapporte plutt un processus global gnrant

    diffrents modes dcriture dont la production acadmique rserve la discipline ne

    reprsente quune forme parmi dautres. Dans ce cadre, il nous est possible de

    briser lemprise de la rception externe strotype qui est rserve la

  • briser lemprise de la rception externe strotype qui est rserve la

    connaissance anthropologique vue comme une simple tude de cas, ainsi que les

    rceptions internes, fragmentes, essentiellement esthtiques que les

    anthropologues ont de leur propre forme de connaissance. Comme jai tent de

    lexpliquer, cest lvolution de la recherche multi-site dans des mondes denqute

    reprsents de faon redondante et multiple qui commence mrir travers le

    malaise de lethnographie. Ainsi, ce malaise se situe au cur du futur de

    lanthropologie elle-mme.

    Notes

    [1] Langlais predicament, traduit par malaise, doit tre compris non seulementcomme problme mais aussi possibilit, ouverture (NdT).

    [2] Confrence prononce le 15 mai 2001 lInstitut dethnologie de lUniversit deNeuchtel (Suisse). Traduction de langlais (tats-Unis) par Patricia Arnold,Alessandro Monsutti et Olivier Schinz ; revue, corrige et accepte par lauteur.

    [3] Le terme de thin, traduit ici par superficiel, nen porte pas la connotationngative : si un terrain mal men peut rsulter en des donnes superficielles, celles-ci ne sont pas proprement parler thin. Les donnes thin doivent tre le tmoin deprocessus culturels qui sont eux-mmes thin. (NdT)

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