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-' GERDA MULLER, de Marlaguette à Pivoine Au premier trimestre 1999, la bibliothèque l'Heure Joyeuse a mis en valeur l'oeuvre d'un auteur toujours très apprécié des enfants. Pour l'occasion, Gerda 1 Muller a prêté une partie des 140 titres qu'elle a publiés ainsi que de nombreux originaux. Pour la vitrine sur rue, elle a peint à l'acrylique, sur une bâche en plastique transparent, près de 8 mètres de «fresque », inspirée de certains de ses personnages préférés : les bons amis, Marlaguette et Pivoine. Au cours de ce travail, nous avons pu apprécier son immense générosité et mesurer sa très grande exigence sur le plan professionnel, sans compro- mission par rapport à sa conception de l'enfance et de son métier. Forte de ses convictions, Gerda Muller est toujours prête à défendre sa profession et à apporter son soutien aux jeunes illustrateurs. F ous êtes née en 1926 aux Pays-Bas. Com- ment est née votre vocation ? Je me souviens d'avoir toujours dessiné : des histoires sans paroles pour les copains de l'école, des fleurs, des gens et des petites bes- tioles. C'est vers 12 ans que j'ai su que je voudrais faire de l'illustration pour la jeu- nesse. J'avais eu l'occasion d'admirer les illustrations d'Arthur Rackham, d'Edmond Dulac chez ma tante Caroline, elle-même artiste peintre. Chez elle, je peignais à l'huile des natures mortes et des plantes. Après vos études à l'école des Arts Décoratifs d'Amsterdam, quel a été votre parcours ? Les professeurs bataves nous avaient préve- nus qu'on ne pouvait pas gagner sa vie avec l'illustration. Je suis partie en 1948 à Paris, pour suivre les cours très complets de l'affi- chiste Paul Colin mais surtout par admira- tion pour Rojankovsky, car j'avais vu, à l'école à Amsterdam, la collection complète du « Roman des Bêtes » avec les lithogra- phies originales de Rojankovsky. Ceja avait été un choc ! 1. Prononcer « Jerda ». N°186 AVRIL 1999/97

GERDA MULLER, de Marlaguette à Pivoine

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GERDA MULLER,de Marlaguette

à PivoineAu premier trimestre 1999, la bibliothèque

l'Heure Joyeuse a mis en valeur l'œuvre d'un auteur toujours trèsapprécié des enfants. Pour l'occasion, Gerda1 Muller a prêté

une partie des 140 titres qu'elle a publiés ainsi que de nombreuxoriginaux. Pour la vitrine sur rue, elle a peint à l'acrylique,

sur une bâche en plastique transparent, près de 8 mètresde «fresque », inspirée de certains de ses personnages préférés :

les bons amis, Marlaguette et Pivoine.Au cours de ce travail, nous avons pu apprécier

son immense générosité et mesurer sa très grandeexigence sur le plan professionnel, sans compro-mission par rapport à sa conception de l'enfance

et de son métier. Forte de ses convictions,Gerda Muller est toujours prête à défendre

sa profession et à apporter son soutienaux jeunes illustrateurs.

F ous êtes née en 1926 aux Pays-Bas. Com-ment est née votre vocation ?

Je me souviens d'avoir toujours dessiné : deshistoires sans paroles pour les copains del'école, des fleurs, des gens et des petites bes-tioles. C'est vers 12 ans que j'ai su que jevoudrais faire de l'illustration pour la jeu-nesse. J'avais eu l'occasion d'admirer lesillustrations d'Arthur Rackham, d'EdmondDulac chez ma tante Caroline, elle-mêmeartiste peintre. Chez elle, je peignais àl'huile des natures mortes et des plantes.

Après vos études à l'école des Arts Décoratifsd'Amsterdam, quel a été votre parcours ?Les professeurs bataves nous avaient préve-nus qu'on ne pouvait pas gagner sa vie avecl'illustration. Je suis partie en 1948 à Paris,pour suivre les cours très complets de l'affi-chiste Paul Colin mais surtout par admira-tion pour Rojankovsky, car j 'avais vu, àl'école à Amsterdam, la collection complètedu « Roman des Bêtes » avec les lithogra-phies originales de Rojankovsky. Ceja avaitété un choc !

1. Prononcer « Jerda ».

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Un Pantalon pour mon ânon, Flammarion, 1959 (Les Albums du Père Castor)

J'ai vécu dans des conditions difficiles pendantprès de deux ans. Tout en sillonnant Paris àpied, j'avais commencé à dessiner un petitalbum, Les Aventures d'un petit garçon hol-landais à Paris, traduisant mes premiers éton-nements, comme les marchands des quatre sai-sons, les rues qui montent et qui descendent...,un enchantement pour une habitante du platpays. Puis j'ai déposé mon dossier à l'Atelierdu Père Castor, alors 131 bd St-Michel.

Pourquoi avoir d'emblée choisi de travaillerpour l'Atelier du Père Castor ? Partagiez-vous les conceptions éducatives de PaulFaucher ?C'était le seul éditeur, à l'époque, dont letravail correspondait à l'idée que je me fai-sais de la qualité à offrir aux enfants. Je mesuis vite rendu compte que pour monsieurFaucher aussi, l'image était très importantepour aider les jeunes enfants à déchiffrer lemonde.

Jean-Michel Guilcher, à l'époque adjoint dePaul Faucher, triait les dossiers - environ

250 par an. Il m'a remarquée et m'a signaléeaussitôt à Paul Faucher2. Mon premier livre,La Bonne journée, a paru en 1951, Marla-guette en 1952.

Quelles étaient les conditions de travail àl'Atelier ?Paul Faucher donnait peu d'indications sur leplan graphique et rarement son avis claire-ment. Il mordillait sa moustache et disait« cherchez encore, Gerda ». Le travail se fai-sait dans l'Atelier même, où chacun avait satable. Cette méthode de travail en équipe m'abeaucoup apporté. Entre autres, j ' a i pubénéficier des conseils du maquettiste PierreRinchard et des conseils généreux d'AndréPec qui dessinait Aino, le Peau-Rouge. Quel-quefois on avait le plaisir de voir passerRomain Simon ou Pierre Belvès.Au premier étage se trouvait l'Atelier, au rez-de-chaussée les classes de la « Petite école »et ses méthodes actives. Les idées Montessoriétaient déjà appliquées en Hollande et ce quise passait dans cette école ne m'étonnait

2. J.M. Guilcher nous a confié cpie les dessins de Gerda frappaient d'emblée par la maturité du style et lamaîtrise du dessin.

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donc pas. De l'atelier, par un toit ouvrant,on pouvait observer les jeux des enfantsdans la salle de gymnastique. J'ai fait là untas de croquis. Quel délice !Je n'ai pas eu de contacts avec les auteurs- Marie Cobnont auteur de Marlaguette étaitdéjà morte depuis longtemps - sauf avecJ.M. Guilcher pour Le Singe et l'hirondelle,Les Deux bossus, Le Violon enchanté et sur-tout Premiers jeux et Jeux de nourrice, dontla poésie m'a ravie.

D'après Jean-Michel Guilcher, les illustra-teurs étaient soumis à rude épreuve. Pouvez-vous nous parler de ce travail souterrain ?Les sujets nous étaient proposés mais nonimposés bien sûr. En fait, tout était préparé, lamaquette était prévue à l'avance et Paul Fau-cher était très directif. Nous étions avant toutdes exécutants, si possible toujours inspirés...Pour réaliser la série des « Histoires enimages », je me souviens avoir dû dessinerd'une manière très précise chaque image.Après quoi, un groupe d'enfants de l'écolemontait à l'atelier. Il s'agissait pour MmeBurgé, une psychologue, d'enregistrer leursréactions, plutôt que de connaître leur avis.Si le déroulement de l'histoire n'était pasclair, je recommençais les « crayonnés » etavant l'exécution définitive, il y avait encored'autres contrôles... C'était très long ! Toutcompte fait, pour les très jeunes enfants, jesouscris à cette démarche. Mais ce dont j 'ai leplus souffert, c'est le manque de place et

d'une « aire de respiration » pour l'illustra-tion. Sans parler du fait qu'il aurait fallu êtrerémunéré au « temps passé » et non « à lapièce ».Pour Jan de Hollande, j'avais été envoyéeen reconnaissance pour dénicher une ville« typique », que j ' a i trouvée au nordd'Amsterdam. J'ai réalisé un vrai reportagedessiné, 180 croquis, sur tous les modèles debicyclettes et les façons de monter à vélo, surles oignons de tulipe, sur les petits métiersambulants, etc. Tous ces croquis ont été gar-dés dans les archives du Père Castor.Les contraintes éditoriales étaient trèslourdes. Les livres devaient rester bon mar-ché, ce qui obligeait à s'adapter à des collec-tions en petit format de 16, 24 ou 32 pages.

Combien de temps êtes-vous restée à l'Ate-lier du Père Castor ?Environ 13 ans, pendant lesquels j 'ai réaliséune quarantaine de titres. En 1969, j 'ai voulurompre mon contrat d'exclusivité pourétendre mes ailes et expérimenter d'autresvoies. J'étais très à l'aise à l'Atelier. En mêmetemps ce côté dirigiste, l'obligation de recom-mencer sans cesse, qui aboutissait souvent àdes impasses, finissait par défraîchirl'enthousiasme avant l'exécution finale. Celaagissait sur moi à la longue comme un étei-gnoir, même si j 'ai beaucoup appris pendanttoutes ces années. Avant 1974, j 'ai encore faittrois albums avec François Faucher, qui avaitsuccédé à son père après sa mort en 1967.

Jan de Hollande, Flammarion, 1954 (Les Albums du Père Castor)

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Pour quels éditeurs avez-vous alors tra-vaillé ?Les éditions Belin m'ont proposé d'illustrerdes livres de classe. C'était un travail trèsvarié et intéressant et les droits d'auteurétaient nettement supérieurs à ceux en usagedans l'édition scolaire. J'ai pu participer pen-dant un an à la fabrication. La mise en pagesm'a en effet toujours intéressée, et j'ai suivides cours de maquettiste à l'école Estienne.De 1969 à 1985, j'ai travaillé avec plusieurséditeurs. C'était souvent moi qui proposaisles idées et les auteurs. Chez Gautier-Lan-guereau, j'ai illustré (avec Résie Pouyanne),une série pour petits consacrée aux bêtes.Puis j'ai illustré des contes que j'aime beau-coup comme Le Vilain petit canard, LesMusiciens de la Ville de Brème ou L'Appren-ti sorcier, toujours actuel, hélas !, ou encoreune histoire de sorcières librement adaptéepar Marie Tenaille d'un conte de Bechstein,contemporain des Grimm. J'ai proposé àNathan la série des Turlutins. J'avais priscontact avec Anne-Marie Chapouton, dontj'aimais le côté pétulant, pour lui proposerd'écrire les textes.

A partir de 1985, j'ai été sollicitée par leséditions allemandes Ravensburger, avec quij'ai fait une dizaine de livres en toute liberté,sans parler des bien meilleures conditions detravail qu'on m'y offrait. Tous mes ouvragespubliés chez Ravensburger ont ensuite ététraduits en français. Un certain nombre ontété édités en d'autres langues. J'en ai comp-té douze.

A quel moment êtes-vous devenue auteur-illustrateur ?Peter Spier, illustrateur hollandais installéaux Etats-Unis, m'avait vivement conseilléde me mettre à écrire. Pour Un Jardin dansla ville (1989) et Mon arbre (1991), publiésinitialement chez Ravensburger, j'avaisréuni une telle documentation qu'en écri-vant le scénario, le texte était déjà pratique-ment prêt. Pour Pivoine, mon âne, paru àL'Ecole des loisirs en 1998, dans la collectionArchimède, j'ai eu le choix de travailler ounon avec un auteur. J'ai préféré rédiger moi-même le texte pour les mêmes raisons.Après avoir trouvé une idée que l'on espèrebonne, c'est au moment de commencer les

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Les Bons amis, Flammarion- Père Castor, 1996 (2ème version)

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Marlaguette, Flammarion-Père Castor, 1994 (2ème versioii)

crayonnés de la maquette que tout se joue. Ilfaut à la fois beaucoup de rigueur dans laconception et beaucoup de liberté aumoment de fixer le déroulement de l'histoirequ'on veut raconter et pendant l'exécutiondes images. C'est ce tiraillement qui est sidifficile et épuisant.

Après ces quarante années consacrées àillustrer des livres pour les enfants, pouvez-vous nous parler des destinataires de voslivres ?Comme je l'ai déjà dit, je travaille volontierspour les plus jeunes. Nous, illustrateurs(trices), ne sommes pas des « adultes restésenfantins », mais des personnes qui réfléchis-sent aux besoins des enfants tout en ayant- avec délectation pour ma part - encore unpied dans l'enfance. J'ai toujours l'impres-sion qu'un enfant regarde par-dessus monépaule quand je travaille, et je me demande :va-t-il comprendre, va-t-il aimer ? On pour-rait me reprocher de montrer un monde sansagressivité ; c'est vrai dans l'ensemble, maisj'ai dessiné aussi des situations plus drama-tiques, des sorcières ou des enfants qui sebattent. Je pense qu'on a tort d'utiliser leslivres destinés aux enfants comme un trem-plin de nos propres angoisses, souventgrandes. Mieux vaut choisir un autre moyend'expression : peinture, dessin, gravure,écriture. Les enfants subissent journellement

tant de violences que mes images sont peut-être bénéfiques pour eux (quelques adultesm'ont remerciée pour cela).Je n'aime pas trop les contes qui ne sont plusde notre temps avec fées, princesses ou châ-teaux. Je viens d'un pays de bourgeois pro-testants, très méfiants vis-à-vis des roisabsolus et très ouverts à l'art. Je préfère lescontes populaires, situés dans un monderural, avec une portée philosophique etmorale. Le Vilain petit canard ou L'Apprentisorcier sont des contes positifs et pas du toutmorbides.

On remarque qu 'à chacun de vos livres cor-respond une technique d'illustration diffé-rente, quels sont vos critères de choix ?Le choix des matériaux dépend du sujet. Ladécision s'impose d'elle-même et presqueimmédiatement. Si je veux pouvoir montrerplein de détails précis, je choisis la plume etl'aquarelle, comme dans Les Turlutins oudans Regarde, je sais le faire, qui est unesorte « d'imagier des verbes ». Il y avait unetelle quantité d'enfants en action à montrer,que j 'ai appelé ma fille, Hélène, à la res-cousse. Elle a réalisé la moitié des doublespages. J'étais à la fois très soulagée et heu-reuse de cette collaboration qui a nettementamélioré l'ensemble !

S'il s'agit d'évoquer une atmosphère avecnéanmoins des formes précises, j'utilise la

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S.

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Mon arbre, Gallimard, 1992

gouache qui permet tant de nuances, avec ducrayon par-dessus, comme dans Mon arbre.J'ai été dégoûtée de la gouache après le der-nier livre pour Ravensburger. De plus, l'édi-teur voulait me pousser dans une directiontrop commerciale à mon goût. J'ai décidé deprendre des « vacances » pendant deux ans.Le pastel sec m'attire et je l'utilise de plus enplus. Pour les contes, j ' a i recherché l'atmo-sphère des gravures anciennes avec un grandfouillis de traits.

Je suis très attachée à ce que les jeunesenfants distinguent bien les formes des objetsreprésentés, ce que la gouache permet plusque l'aquarelle. J'aime qu'il y ait toujoursbeaucoup de détails à regarder. J'apprécie ledessin en noir, mais la couleur crée uneatmosphère et favorise le rêve.On a souvent qualifié mon style de naturaliste(et non de réaliste). Je travaille le plus pos-sible d'après nature plutôt que d'après photo.J'aime beaucoup faire des croquis sur le vif etdes études de mouvement (arbres, animaux).Quand je peux, je pratique également la pein-ture à l'huile et la lithographie.

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Réalisez-vous vos originaux au format dulivre ?J'exécute presque toujours « tel », c'est-à-dire au format, même pour Mon arbre dontGallimard a agrandi de 50% les illustrationspubliées à l'origine chez Ravensburger.On fabrique aussi des mini-livres de beau-coup de mes titres. Quand on donne ses droitsà gérer aux éditeurs (c'est mon cas), on peuts'attendre à tout. Il arrive que je sois déçuepar leurs décisions, par exemple quand ondécoupe mes images, sans que je puisse refu-ser, comme pour le recueil Les Plus belles his-toires du Père Castor (1997). Désormais, jefais inclure dans mes contrats une clause quiinterdit de transformer mes images.

Dernièrement, vous avez redessiné deux devos titres, Marlaguette (1995) et Les Bonsamis (1996). Qui en a eu l'initiative ?Martine Lang, adjointe de François Faucher,m'avait fait de nouvelles propositionsd'albums, mais j'avais plutôt envie de refaireces deux titres qui me tenaient à cœur. Je vou-lais leur apporter une respiration, absente

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dans la première édition en raison descontraintes que j 'ai déjà évoquées. Le texte estresté identique, bien sûr, mais j 'ai eu touteliberté pour la maquette, avec un format plusgrand qui me convenait. A cette occasion, j 'aiobtenu des droits d'auteur plus conformes auxnormes internationales et une avance honnête.

Les conditions de travail des illustrateursont-elles changé ?Un peu, mais elles sont inégales en Europe,les pays du Nord et l'Allemagne étant en têtede liste. Il est très regrettable qu'en Franceles graphistes ne soient pas mieux organisés- le fameux individualisme français peutavoir de mauvais côtés. J'ai pu constater, entravaillant avec un éditeur hollandais, quelà-bas, il y a un seul modèle de contrat, défi-ni et accepté par les deux parties. Une cer-taine déontologie est appliquée pratiquementpartout. Une compensation est versée auxauteurs si un titre est acheté par une biblio-thèque. Espérons qu'avec l'ouverture desfrontières en Europe, les créateurs françaisseront un peu mieux protégés.

Vous nous avez confié qu'il vous arrivaitd'être en contact avec de jeunes illustrateurs.Quels conseils donneriez-vous à un débu-tant ?- Aller fouiner et se renseigner chez leslibraires spécialisés.- Choisir les éditeurs avec qui on a le plusd'affinité.- Mesurer le format de leurs séries, compterles pages, deviner l'âge auquel s'adresse lasérie, noter la quantité de texte, etc.- Trouver une bonne idée ou histoire (c'est leplus difficile).- Fignoler votre style et ne pas imiter celui quiest « à la mode » (rien ne passe plus vitequ'une mode).- Ne tenir aucun compte de ces conseils et yaller à votre fantaisie. Mais ne pas oublierque parfois les contraintes, si on les a choi-sies soi-même, font de belles œuvres !

A quoi travaillez vous en ce moment, et quelssont vos projets ?Je vais bientôt remettre à Archimède un nou-vel ouvrage, mais dans l'avenir immédiat,mes projets sont très vagues. Je vais essayerd'autres techniques, peut-être pour un repor-tage sous forme de croquis, sur un animal - àla manière des pages de garde de Pivoine,mon âne - ou un autre sur un pays où lesenfants vivent autrement qu'en France. Etpuis tout simplement travailler pour monplaisir, sans contraintes.

Lors de votre exposition à l'Heure Joyeuse,vous avez pu constater l'émotion que vosalbums et en particulier ceux du Père Castorsuscitent auprès de plusieurs générations.Quel effet cela vous fait-il d'être un « clas-sique » de la littérature pour la jeunesse ?Plusieurs personnes m'ont dit que j'avais unstyle « intemporel ». Il m'est impossible d'êtreinspirée par des textes médiocres. L'excel-lence des textes des albums du Père Castorm'ont rendue exigeante. A la base, il me fautune histoire dense et « nourrissante » quiapporte quelque chose aux enfants, sansexclure l'humour et une certaine légèreté, sipossible.

Interview réalisée en février 1999par Viviane Ezratty et Françoise Lévèque.

mPiek, dus Igelkind, Ravensburger, 1995

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