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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 1 Médecins de l’Education nationale Cycle court Promotion 1999/2000 GERER UNE SITUATION DE CRISE APRES LE DECES D’UN ELEVE EN ETABLISSEMENT SCOLAIRE A partir d’études de cas Docteur Catherine GOUBAULT

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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 1

Médecins de l’Education nationale Cycle court

Promotion 1999/2000

GERER UNE SITUATION DE CRISE APRES LE DECES D’UN ELEVEEN ETABLISSEMENT SCOLAIRE

A partir d’études de cas

Docteur Catherine GOUBAULT

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SOMMAIRE

I – INTRODUCTION ……………………………………………………………… 1

II - METHODOLOGIE ……………………………………………………………… 2

II.1 – La problématique et les objectifs ………………………………………. 2II.2 – Le recueil des données …………………………………………………. 2

III – ETUDE DE CAS ……………………………………………………………….. 3

III.1 – Présentation des cas …………………………………………………… 3III.2 – L’impact sur les élèves ………………………………………………… 3III.3 – L’impact sur les adultes de l’établissement……………………………. 5III.4 – Moyens et stratégies mis en œuvre pour gérer la crise ………………… 6

IV – ANALYSE ET DISCUSSION …………………………………………………… 8

IV.1 – A propos du thème de l’étude ………………………………………….. 8IV.2 – A propos de la méthode utilisée ……………………………………….. 10IV.3 – A propos des résultats …………………………………………………. 11

IV.3.1 – Quels sont les signes de souffrance ? ………………………... 11IV.3.2 – Qui peut les repérer ? ………………………………………... 13IV.3.3 – Quels moyens mettre en place ? …………………………….. 14

V – GERER LA CRISE APRES LE DECES D’UN ELEVE : REPERES POUR UNE CONDUITE A TENIR …………………………………………………………… 15

V.1 – Repères pour faire un état des lieux en situation de crise ………………. 16V.2 – Repères pour l’équipe éducative : le déroulement des actions ………… 17

V.3 – Repères pour guider l’attitude des adultes et aider le travail de deuil chez lesjeunes ………………………………………………………………………………….. 18

V.4 – Comment guider l’entretien auprès des élèves ? ……………………….. 20V.5 – Le rôle des personnes ressources ……………………………………… 20

VI– GUIDE PRATIQUE……………………………………………………………… 22

CONCLUSION ………………………………………………………………………… 26

BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………………………… 27

ANNEXES (cas n°1 – 2 – 3 – 4 – 5)…………………………………………………… 29

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« Accompagner quelqu’un, ce n’est pas le précéder, lui indiquer la route, lui imposer un

itinéraire, ni même reconnaître la direction qu’il va prendre, mais c’est marcher à ses côtés

en le laissant libre de choisir son chemin et le rythme de son pas ».

Patrick Verspieren.

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I – INTRODUCTION

Les deuils font partie des traumatismes et des facteurs de risque que lesprofessionnels pointent devant le mal-être des jeunes.

La souffrance psychique des jeunes, (bien que « mal définie » encore), devient unepréoccupation de la santé publique comme le rappellent le récent rapport du Haut Comitéde Santé Publique (18) et le programme régional de Santé de Haute-Normandie pour laprévention du suicide (24).

Cette souffrance « mal repérée, mal accompagnée, peut faire basculer le jeune quise construit dans la maladie somatique ou psychiatrique, multiplier ses difficultés ouentraver son intégration sociale et relationnelle ».(18)

Par ailleurs, la fréquence des décès, par accidents et par suicides, chez les jeunes(23), montre que, par le caractère brutal et violent de ces décès, une situation de crise peutsurvenir dans les établissements scolaires.

A partir d’une analyse de cas où le décès d’un jeune touche les élèves et la vie desétablissements scolaires, cette étude se propose d’apporter des repères pour gérer unesituation de crise.

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II – METHODOLOGIE

II.1 – La problématique et les objectifs

Quand un élève décède, il est illusoire de croire que ses camarades, les adultes quil’ont connu dans l’établissement, ne sont pas au courant et ne sont pas touchés par cedécès.

Des rumeurs, de l’incompréhension, du désarroi, du chagrin, de la révolte peuvents’exprimer. Cela contribue à maintenir les jeunes en souffrance dans un état d’isolementet modifie le comportement des élèves au sein des établissements scolaires.

Quand le nombre des élèves et des adultes touchés est conséquent, il en résulte unesituation de crise.

Ainsi, sur une année scolaire, le décès brutal et violent de plusieurs jeunes dansdifférents établissements scolaires a nécessité, en urgence, l’appel de « professionnels-ressources » dont le médecin de l’Education nationale, pour apporter un soutien.

Dans chacune des cinq situations décrites en annexe, j’ai ainsi pu intervenir enurgence, en tant que Médecin de l’Education nationale, (comme le prévoient nos missions(1), lors des évènements, le jour même et/ou dans les jours qui ont suivi.

Plusieurs questions se sont alors posées :

- Quel pouvait être l’impact du décès sur les jeunes ?- Fallait-il parler de la mort dans l’établissement ?- Qui devait ou pouvait en parler ?- Quelle formation spécifique ou non cela pré-supposait-il ?- Quelles aides pouvait-on proposer concrètement ?

A partir de l’observation de ce qui a pu être fait en urgence dans cinq situations,l’objectif principal de cette étude consistera donc à apporter des repères pour unemeilleure gestion de la crise après le décès d’un élève dans les établissements scolaires.Les objectifs spécifiques seront les suivants :

- mieux connaître l’impact du décès sur les jeunes,- identifier les préoccupations et les besoins des jeunes à ce moment là,- identifier les préoccupations et l’impact du décès au sein de l’équipe éducative,- identifier les moyens mis en œuvre pour faciliter la gestion de la crise.

II.2 – Le recueil des données

Ainsi, nous ferons :

• un exposé synthétique des cinq cas. (cf annexes)• un recueil des informations sur les signes de crise et de souffrance auprès des

jeunes et sur leurs préoccupations à partir d’entretiens collectifs ou de l’écouteindividuelle menés auprès des élèves le jour de l’annonce du décès.

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• un recueil des informations concernant l’impact du décès sur les adultes del’établissement scolaire à partir d’entretiens réalisés auprès des personnels le jourde l’annonce du décès, (enseignants, infirmière scolaire, conseiller d’éducation,surveillants, agents d’administration, chef d’établissement).

• un recensement des moyens et stratégies mis en oeuvre pour aider les élèves et lesadultes grâce aux entretiens effectués auprès des équipes de direction, desprofessionnels-ressources mobilisés, des adultes et des élèves de l’établissement.

Toutes ces informations ont été recueillies le jour même de l’annonce du décèsaux élèves, donc en urgence lors de la période de crise.

Elles seront analysées à postériori, à distance de la crise.

III – ETUDE DE CAS

III.1 – Présentation des cas

Par souci du respect du secret médical, certains détails (secteur, région, type depopulation et cas précis) ne seront pas mentionnés explicitement, mais pourront êtrediscutés dans l’analyse.

Si chaque situation de décès a ses singularités, elle comporte aussi des pointscommuns. Il est retenu un descriptif avec les points suivants :

Ø la cause du décès,Ø le type d’établissement concerné,Ø les principaux signes déclenchant la situation de crise,Ø les élèves concernés, ciblés pour les actions mises en place,Ø le délai d’annonce du décès,Ø les partenaires essentiels, mobilisés (avec le médecin scolaire) pour gérer la crise,Ø le type d’actions mises en place,Ø la durée des interventions.

III.2 – L’impact sur les élèves

Lorsqu’un jeune décède, il devient absent en cours ou lors des activités organiséespar l’établissement scolaire. Ses meilleurs copains savent qu’il lui est arrivé quelquechose. Parfois, il en parlent ; parfois, ils ne peuvent pas. Quoiqu’il en soit, lescomportements changent et attirent l’attention des enseignants ou des adultes del’établissement. L’absence pose question.

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Tableau 1 = Situations d’urgence gérées après le décès d’un jeune (description de cas)

Cas n°1 Cas n°2 Cas n°3 Cas n°4 Cas n°5

Circonstances de décès Médical Accident de la voie publique Suicide Accident de la voiepublique

Suicide adulte + Explosion

Profil d’établissement CollègeZEP

Collège Lycée Lycée professionnelZEP

Ecole primaire

Signes déclenchants del’urgence

- Violences- Absences- Récit de choc émotionnel

- Abattement massif- Dépression- Culpabilité

- Révoltes- Rumeurs

- Idées tristes- Difficultés de concentration

- Angoisse- Troubles auditifs

Elèves concernés ciblés Aucun spécifiquementBeaucoup

Individuellement3ème

2 classes3ème

1 classe2nde

1 classeTerminale

Toutes les classesDu CP au CM2

6 – 11 ans

Délai d’annonce du décès (Rumeur) J1 J3 J1 J1

Partenaires ressourcesessentiels

- Infirmière scolaire- Assistante sociale– Médecin de l’Education Nationale

- Enseignants + CPE + Equipede direction + Secrétariat– Infirmière scolaire– Psychologue conseiller d’orientation– Médecin de l’Education Nationale

- Equipe de direction– Psychologue du Rectorat– Médecin de l’Education Nationale– Infirmière scolaire– Enseignants

- Médecin de l’Education Nationale- Infirmière scolaire- Enseignants

- Directeur d’école- Enseignants- Pédopsychiatres- Infirmière scolaire- Médecin de l’Education Nationale

Actions/Elèves - Accueil individuel- Participation cérémonie

- Accueil individuel– Accueil – dialogue collectif– Modification vie scolaire

- Accueil individuel– Dialogue collectif– Modification vie scolaire

- Accueil individuel- Dialogue collectif- Modification vie scolaire

- Accueil individuel- Dialogue collectif

Durée des interventions - 1 semaine 1 journée 1 journée 3 jours

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Certains jeunes inquiètent les adultes, car ils paraissent « abattus ». Ils ont leregard vague, inexpressif, le visage triste. Ils ne parlent plus, comme s’ils étaient en étatde choc.

L’annonce du décès amène des réactions diverses. Certains pleurent, crient, selèvent en plein cours. Ils peuvent se sentir pris de malaise, d’étouffement, de palpitations.Parfois, ils viendront se plaindre de maux de tête, de maux de ventre. Ils se sentirontangoissés, auront peur de mourir aussi. D’autres se remarquent par des changements decaractère. Certains s’isolent, mais d’autres deviennent irritables, agressifs, (verbalement,voire même physiquement). Ils critiquent, cassent, tapent parfois sur le matériel,dégradent « un tableau », « un casier »… Ils perturbent les cours ou la vie scolaire. Ilsfont du bruit, se bousculent dans les couloirs. Agités, il viendront plus fréquemment àl’infirmerie pour une entorse ou une blessure produite en sport ou dans les escaliers. Ilsviennent parler. En classe, ils n’arrivent plus à se concentrer ou ne se sentent pas capablesde travailler. Ils arrivent en retard en cours ou le quittent plus tôt, ne pouvant accepteraucune remarque, aucun effort d’attention. Ils se révoltent, se sentent en colère,revendiquent comme étant les seuls à souffrir.

Certains vont tenir des propos qui inquiètent leurs camarades ou les adultes,exprimant le souhait d’en finir aussi avec la vie tellement la douleur paraît insupportable.D’autres exposent leurs propres difficultés personnelles et familiales, cherchant une aideou traduisant l’absence d’espoir. Parfois, ils veulent dormir, être au calme, en silence, ouils réclament des médicaments.

Enfin, ils veulent voir l’infirmière, le médecin, l’assistante sociale scolaires, unpsychologue pour en parler Ils veulent bouger, faire quelque chose pour leur camaradedécédé et sa famille. Ils veulent rentrer chez eux, voir des membres de leur famille pourlesquels ils sont inquiets. Ils cherchent du sens et souhaitent discuter avec tel professeur,tel surveillant, un conseiller d’éducation, un agent d’entretien, un chef d’atelier, unprofesseur de sport. Ils ne veulent pas qu’on oublie.

III.3 – L’impact sur les adultes de l’établissement

• Comme pour les élèves, certains adultes seront particulièrement touchés. Certainssollicitent l’infirmière, le médecin de l’Education nationale pour des symptômesnon spécifiques, transitoires le plus souvent, reflétant le choc ou la souffranceressentis à l’annonce du décès de l’élève. Parfois, quelques uns chercheront às’isoler, à fuir les relations avec les autres ou s’acharneront dans le travail.D’autres, au contraire, rechercheront l’aide du groupe ou un appui personnel. Ledéroulement de la vie scolaire et des enseignements sont modifiés. Poursuivre lecours habituel, l’interrogation prévue, sera parfois difficile ou impossible.

• Par ailleurs, au delà de leurs propres réactions, des préoccupations concernant lesélèves dont ils ont la responsabilité mobilisent leur attention et leur énergie. Desquestionnements et des avis divers sont exprimés concernant le rôle de l’institutionet la responsabilité de l’établissement. (Faut-il en parler ? Comment ? Faut-ilcontinuer les cours, libérer les élèves ? Faut-il faire quelque chose ? Que doit-onautoriser ?)

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III.4 – Moyens et stratégies mis en œuvre pour gérer la crise

Ils répondent aux besoins exprimés par les jeunes et par les adultes desétablissements scolaires.

Pour plus de clarté, il est apparu plus simple de les séparer en deux points :

- les personnes-ressources mobilisées plus spécialement pour gérer la crise,

- les actions ou attitudes proprement dites.

a) les professionnels ressources

Des aides spécifiques en urgence sont sollicitées à la demande des adultes del’établissement et des élèves.

Dans deux cas, (cas n°1 et cas n°4) où l’établissement a beaucoup plus géré eninterne, la demande provenait essentiellement de l’infirmière de l’établissement, desélèves et des professeurs.

Dans les trois autres cas, l’appel de professionnels-ressources provientessentiellement de l’équipe de direction. Elle fut appuyée par l’Inspection Académique etle Médecin Conseiller Technique Départemental, eux-mêmes sollicités parl’établissement.

En interne, les professionnels sociaux et médicaux (assistante sociale, mais plusencore infirmière de l’Education nationale, médecin de l’Education nationale), serontappelés. Dans les cinq situations, leur présence est certaine auprès des élèves et auprès desadultes. Leur rôle consiste à repérer les élèves ou personnels le plus en souffrance, à lesorienter vers une expression de cette souffrance et vers des soins si nécessaire.

Un travail d’écoute important s’effectue à la fois à visée diagnostique etthérapeutique, mais aussi pour conseiller (en établissant rapidement des priorités), lesdécisions de l’équipe de direction ou les aides mises en place pour les enseignants, aides-éducateurs, surveillants, ... et bien sûr les élèves.

Enfin, les professionnels de santé et l’assistante sociale des établissementsassurent, dans le cadre de leurs missions, le suivi à plus long terme des élèves repérés endifficulté après le deuil de leur camarade.

Un rôle essentiel de l’accompagnement du deuil a été aussi de mettre en place destemps, des lieux de parole pour dire en commun ce que l’on ressent et parler de la mort.

Dans cette mission spécifique, d’autres professionnels-ressources ont pu interveniravec le médecin. Ce fut le cas de quelques enseignants (présents aux entretiens de groupe)et surtout de professionnels extérieurs à l’établissement. Il faut citer : des psychologues del’Education nationale ayant déjà travaillé dans ce type de situation de crise, un conseillerd’orientation psychologue, des médecins pédopsychiatres travaillant dans le cadre d’uncentre médico-psychologique ou dans un cabinet en libéral.

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Enfin, sur le plan médical, des médecins traitants furent contactés, des moyens desecours (SAMU, pompiers, ambulances) furent appelés.

En interne, la situation de crise a amené beaucoup de professionnels del’établissement à modifier le fonctionnement habituel, chacun participant dans la mesuredu possible. Des conseillers principaux d’éducation, les surveillants, les enseignants, lesagents d’entretien ou de restauration, des familles parfois et bien sûr les équipes dedirection ont apporté leur soutien aux jeunes.

Ces professionnels furent d’autant plus sollicités que les circonstances de décès etle profil des élèves touchés par le deuil étaient graves, c’est à dire le cas n°2 avec unaccident en présence d’élèves, le cas de suicide n°3 et le cas n°5, dans un contexte desuicide avec explosion en présence des élèves.

A noter : les élèves, entre eux, trouvent aussi leurs propres ressources parfois etaideront la gestion de la crise, allant au devant des démarches et des dialogues.

b) les actions proprement dites

Des temps de concertation et d’échanges entre les différents partenaires ont étélibérés pour mettre les actions en place ou pour en évaluer l’impact (notamment dans lessituations n°2, n°3 et n°5).

En concertation, il sera décidé de :

Ø Annoncer officiellement le décès (lettre aux parents : 1 cas sur 5). Informationorale dans la ou les classes concernées par un membre de l’équipe de direction (2cas sur 5), le médecin de l’Education nationale (4 fois sur 5), l’infirmière (1 foissur 5).

Ø L’annonce est faite essentiellement aux élèves. Parfois, les enseignants, l’équipeéducative, ne sont pas prévenus officiellement (cas de suicide n°3), ce qui peutêtre mal perçu.

Ø Permettre l’accueil individuel des élèves auprès des professionnels-ressourceslorsque cela est nécessaire (à l’infirmerie ou dans d’autres lieux).

Ø Permettre un accès plus facile et plus rapide des secours ou des soins.Ø Libérer des lieux plus conviviaux pour l’accueil et le dialogue avec les élèves

(centre de documentation, salle audio-visuelle, salle de réunion, réfectoire…)Ø Proposer des moments de détente : un petit déjeuner dans la matinée, un repas

ensemble, un jeu dans la salle de sport.Ø Proposer des temps d’expression : dialogue, dessin, musique, travail avec des

poèmes.Ø Proposer des moments de liberté, mais avec un rendez-vous collectif précis

ultérieur.Ø Proposer des actions pour évoquer le souvenir et les gestes de solidarité (faire une

lettre à la famille, créer une affiche, faire une collecte pour l’achat de fleurs, d’uneplaque commémorative…), planter un arbre.

Ø Annoncer les lieux et les moments précis où ils peuvent rencontrer ou trouver àleur disposition les personnes-ressources en interne, parfois en externe (adresses,conseils donnés).

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Ø Enfin, aménager l’emploi du temps (pour les temps libres, pour participer à lacérémonie), modifier le contenu du cours pour faciliter le dialogue, montrer queles adultes participent au deuil et tenir compte des difficultés de concentration desjeunes.

Telles sont les différentes actions proposées et mises en œuvre pour gérer lasituation de crise.

En moyenne, ces actions durent quelques jours après l’annonce du décès. Puis lavie de l’établissement reprend son cours « habituel ».

IV – ANALYSE ET DISCUSSION

La discussion à propos de ce travail portera sur trois points.

Le thème, en premier lieu, doit être discuté. Parler de la mort, de la perte brutaled’un lien avec un être connu ou un être cher reste « un choc » et cela prend dessignifications particulières lorsque la mort concerne un enfant ou un jeune. Ensuite, laméthode et les résultats seront également discutés.

IV.1 – A propos du thème de l’étude

La mort de l’enfant, le thème de la mort sont, en eux-mêmes, des limites puisqueforce est de constater qu’il reste encore courant de parler d’un « tabou de la mort » oud’un échec « honteux » (11) dans les sociétés occidentales, dans les familles et à l’école.

Il semble même que ce soit un tabou plus difficile à évoquer avec les adultesqu’avec les adolescents ou les enfants, notamment pour les parents, du fait même qu’ilssont parents et que pour eux, la mort d’un enfant est inconcevable. (17) En revanche,parler avec les jeunes de la mort d’un camarade ne fut pas si difficile, si les conditionspour en parler étaient requises (avec un lieu choisi, un moment choisi et en présenced’adultes-accompagnants). Par expérience, c’est un thème qui peut être abordé lors devisite médicale « programmée » et ceci montre qu’avec des soignants, déjà, un enfantpeut, en dehors d’un contexte d’urgence plus ou moins dramatique, se préparer à enparler.

Comme le rappelle Janine DEUNFF (12), il faut aussi ne pas oublier que lenombre de poètes, écrivains, philosophes, penseurs, chercheurs, historiens de tous lestemps ont écrit, décrit, chanté, pleuré à propos de la mort. De multiples avis, de multiplesmessages et vécus sont dits et les jeunes peuvent s’y retrouver. Et si le concept de mortvarie chez l’enfant en fonction de l’âge, de ses capacités intellectuelles et de sondéveloppement (16), il serait aussi lié également au développement de la temporalité, dela spatialité, à la distinction : animé – inanimé. Tout cela peut s’apprendre et se préparer àl’école (programme scolaire) ou dans les familles et il est convenu pour l’ensemble despsychiatres qui se sont penchés sur la question qu’aux alentours de 10 ans, ceci est déjà envoie d’être acquis (13). Mais il est certain aussi que le petit enfant a très tôt desreprésentations de la mort et qu’il peut parler de la mort, tout comme il est important delui en parler (Freud) (14).

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Enfin, concernant les jeunes, l’enquête de Marie Choquet (8) sur les collégiens etles lycéens confirme cette idée que penser à la mort a toujours existé et reste de l’ordre dunon pathologique (ou alors tous nos penseurs seraient malades).

En effet, parmi les 12/20 ans, un jeune sur cinq pense à la mort (soit 21,7 %). Etl’adolescence semble être la période la plus propice à cette réflexion. (Parmi les 18/24ans, seulement un jeune sur 10 pense à la mort). Par contre, penser au suicide fait bien sûrpartie de la pathologie.

D’autres pays (les Etats-Unis, le Canada en particulier), ont travaillé sur ce thèmeauprès des jeunes et comme en France, pédiatres, psychologues, pédopsychiatres,accompagnants, font évoluer le monde médical comme l’attestent et le reconnaissent lesnouvelles lois sur les soins palliatifs et l’accompagnement des malades, des endeuillés.Les représentations changent, les rites aussi, les regards changent et parler de la mortdevient nécessaire (au moins pour les soignants). (21-22)

A l’école, pourquoi est-ce si difficile encore d’évoquer ce thème ? parce que lesliens entre enfants, entre jeunes et avec l’autre, font oublier cette mort qui ramène auxlimites, au destin, à cette menace qui vient du dehors et qui met fin à nos prétentions.(Louis Vincent Thomas). (26)

Chaque décès réactive nos affects les plus archaïques (16) et oblige chacun à faireou refaire un travail de deuil (20). Et si parler de la mort en urgence reste utile, nécessaireet possible, notamment avec les jeunes, il est apparu difficile à posteriori (surtout avec lesadultes), voire même « troublant » et « impossible » de discuter à nouveau de cessituations en dehors des professionnels-ressources intervenus spécifiquement.

Les quelques tentatives pour évoquer les faits avec les membres de l’équipeéducative se soldent plus souvent par des réactions d’évitement et de fuite ou par desréactions « rapidement rassurantes » comme s’il était préférable de ne plus en parler.

Cette remarque sur la difficulté d’exprimer, secondairement, paraît liée au fait quepeu d’adultes dans ces situations (et ceci malgré les retentissements, les confidences et lesressentis exprimés) n’ont pris le temps suffisant pour travailler cette question du deuil, nimesurer l’importance et la nécessité de ce travail. Les spécialistes parlent pourtant de« choc », de « sidération » et la méconnaissance semble encore grande à ce niveau.

C’est un peu comme s’il fallait repousser la question à plus tard.

Le rythme de travail reprend rapidement ses droits. Peut-être n’est ce pas le lieu,ni le moment et c’est un droit, une liberté qu’il faut laisser à chacun sans en négliger laportée. « Bousculer les mécanismes de défense », ne pourrait-il pas être un péril plusgrand, comme le souligne M.F. Agagneur. (7)

Cependant, la constatation sur le terrain montre que, malgré tout, la majorité desadultes a abordé ce thème après peu de préparation (hormis celle qui leur était personnelleet antérieure) et qu’ils ont fait face, souvent sans accompagnement spécifique (sauf à leurdemande dans le cas n° 3) et relativement seuls (notamment dans le cas n° 1).

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Une majorité n’était pas informée directement des faits et de la situation de crise(semble-t-il) ni de ce qui se mettait en place comme aides dans l’établissement.

Seuls, étaient prévenus les acteurs directs, soit du fait des modalités d’organisation(professeurs, surveillants, bibliothécaire, agents de restauration, aides-éducateurs), soit dufait des décisions à prendre (équipe de direction).

Enfin, concernant le thème abordé, malgré les demandes de formation etd’information exprimées par certains adultes (cas n° 4 et cas n°5), il s’agit d’ailleurs desdeux cas de mort survenus dans un contexte de suicide, malgré les propositions ousuggestions répétées d’actions d’informations par les personnes-ressources, aucune actionultérieure n’a été concrétisée. Ceci montre bien combien ce thème reste encore difficile àaborder.

IV.2 – A propos de la méthode utilisée

• Une limite de l’étude porte sur le recueil des informations. En effet, la nouveauté,la brutalité, le caractère imprévisible et donc urgent de ces situations nepermettaient pas ou peu de prises de notes sur les termes exacts employés par lesélèves, les enseignants, les autres partenaires… Le caractère évènementiel aamené chacun à agir rapidement. La réflexion, l’analyse, n’ont eu lieu qu’àposteriori.

• Aussi, le recueil des données relatées et rassemblées est essentiellement d’ordrequalitatif et non quantitatif, ceci avec (malgré le souhait de la plus grandeobjectivité possible), le risque d’interprétation subjective que cela peut supposer(car dans des situations particulières, le médecin, l’infirmière, le psychologue…restent avant tout des êtres humains). Pour modérer ce côté subjectif, il fautcependant rappeler que jamais, le travail fait en urgence n’a dû être effectué seul.A chaque situation, il fut, au contraire, nécessaire de confronter les informations etqu’il y a toujours eu un minimum de concertation. Enfin, une synthèse a été faiteavec les personnes-ressources citées : infirmière scolaire, médecin scolaire,assistante sociale en interne, avec les professionnels psychiatres ou psychologueset parfois avec le chef d’établissement.

• Une comparaison avec d’autres situations de crise après violence, agressions, viol,délit, racket, deal, tentatives de suicide aurait pu être intéressante, mais n’a pas faitl’objet de cette étude. Une réflexion, des formations, des actions de préventionpourraient être menées sur ces thèmes dans le cadre du fonctionnement descomités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (2 - 3 – 4 – 5 – 6).

• Enfin, une autre limite concerne le nombre insuffisant de professionnels-ressources. Ceci ne facilite pas un suivi très prolongé (et efficace), pertinent ouapproprié des situations ainsi gérées. Ces données manquent pour évaluer letravail effectué. Il faut regretter aussi l’absence d’information sur l’avis plusexplicite des équipes de direction sur les retentissements scolaires et la vie interne,avec des indicateurs précis.

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• Malgré les limites soulevées, la description et l’exposé des résultats montrent un certain nombre de points communs :

u Tout d’abord, les circonstances de survenue sont identiques. Le caractère imprévisible,brutal et plus ou moins violent des décès déroute les élèves et les adultes.

u Le déclenchement des interventions et des aides demandées est survenu, à chaquefois, à la libre appréciation des établissements, mais toujours lorsque les ressources desprofessionnels se sont senties « débordées » par la situation (nombre d’élèves concernés,cause particulière du décès, le sentiment de « non-compétence » ou la peur de ne pas êtreà la hauteur…) Il s’agit donc bien d’une situation de crise, qui, à chaque fois, a nécessitéune stratégie rapide et des moyens à mettre en œuvre.

u Même s’il fut modeste, le rôle des professionnels (30) du monde éducatif futindispensable à chaque fois, ne serait-ce pour le repérage et la prise en charge des élèvesen souffrance et pour la représentation de l’établissement.

u Enfin, un dernier point commun : toutes ces situations ont amené les élèves, lesprofessionnels (en interne comme en externe) à se rassembler, à créer un lien, à unir leursforces, leurs compétences et leurs limites dans le respect de la liberté de chacun et celareste des témoignages de vie citoyenne, des actes au service du collectif.

IV.3 – A propos des résultats

IV.3.1 – Quels sont les signes de souffrance ?

L’impact observé auprès des élèves et des adultes correspond aux différentesphases nécessaires au travail de deuil et qui sont de durée variable selon chacun (15 – 16).

Ces phases sont les suivantes :

- Une phase de choc et de sidération qui doit amener progressivement une prise deconscience du décès comme séparation définitive.

- Une phase d’expression du ressenti (avec tous les signes physiques, psychiques etcomportementaux et les paroles exprimées).

-Uune phase d’identification pour que le lien avec la personne décédée se poursuive sousforme d’images, de souvenirs et pour que de nouveaux liens se créent. C’est à cette phaseque la recherche des valeurs et du sens prend son importance.

- Enfin, une phase d’actions (diverses et variées), traduit le soulagement et la fin du deuil.

Pour les élèves, certes, tous ne seront pas concernés de façon identique, mais il estpossible de repérer ceux qui le sont plus particulièrement et pour lesquels l’annonce sefera avec plus de précautions et d’attention. (Ils seront identifiés rapidement par lesprofessionnels de l’établissement, proches de ces jeunes).

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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 15

La symptomatologie exprimée par les élèves ou les répercussions observées sontmultiples et diverses, variables en intensité et en durée. Elle n’est pas spécifique de lacause du choc et du décès. Habituellement, les signes sont transitoires. Quelquefois, cesrépercussions seront plus graves et prolongées. Pour certains jeunes, les signesapparaissent de façon immédiate. Pour d’autres, ils seront d’apparition un peu décaléedans le temps comme survenant après un temps de choc ou d’anesthésie. Aussi, gérer lapremière journée immédiatement après l’annonce du décès nécessite parfois l’aide, lavigilance et le suivi de professionnels-ressources le jour même et dans les jours, voire lessemaines, qui suivent le décès d’un jeune.

Enfin, ces manifestations touchent à la fois le corps physique, la vie affective etpsychique, la vie intellectuelle et les performances scolaires, enfin le comportementcomme l’évoquent d’autres auteurs (16 – 11).

Pour les adultes, là aussi, les répercussions seront variables, diverses, plus oumoins intenses selon les antécédents, la personnalité de chacun. Les témoignagesmontrent combien les adultes sont très sensibles et choqués par le décès d’un jeune etcombien des aides diverses internes ou externes à l’établissement sont utiles.

Le besoin de silence, de recueillement, le besoin d’échanger, partager, parler, sefont sentir. Des craintes, des angoisses, de la culpabilité, pourront être exprimées.

Des facteurs influencent la situation de crise après le décès d’un jeune :

- le type de décès, la cause, les circonstances (suicide, arme, crime, catastrophe…),

- le profil de l’élève décédé (âge d’autant plus jeune, liens d’autant plus forts) :la nature du lien avec le jeune décédé influence, pour les élèves comme pour les adultes,les réactions ou répercussions possibles. Les liens positifs entraînent plus facilement unsentiment de tristesse profonde, d’abandon, d’injustice. Alors que parfois, des conflits oudes liens plus ambigus susciteront la colère, la violence, la culpabilité.

- le type d’élèves concernés :

§ en difficulté scolaire,

§ en difficulté psychologique ou physique,

§ élèves ayant peu de repères, de valeurs, de repères d’identification,

§ les élèves en marge par rapport aux autres,

§ ayant peu de soutien dans les familles,

§ ayant peu de facilité pour s’exprimer, s’extérioriser, peu de vocabulaire, peud’images…

§ les élèves ayant des troubles du comportement, des antécédents de conduites àrisques, des relations conflictuelles avec l’élève décédé, des relationsambivalentes.

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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 16

- le type d’établissement :

§ avec une équipe récente, peu formée, peu soudée avec peu d’écoute, peu desouplesse interne,

§ peu de communication entre les différents professionnels, avec des conflits,

§ la taille de l’établissement :* trop vaste, avec anonymat et désinvestissement,* trop petit, avec peu de membres-ressources, absence d’anonymat et donc peu de recueillement.

Quels sont les élèves plus concernés ou à risques lors de l’annonce du décès ?

Ø Ils font partie de la classe de l’élève décédé, de la famille, du cercle d’amis.

Ø Ils ont reçu des confidences de la part de l’élève décédé.

Ø Ils ont déjà fait des tentatives de suicide.

Ø Ils ont vécu un suicide ou une tentative de suicide dans leur famille ou cercled’amis.

Ø Ils s’identifient à l’élève décédé et voient en lui un modèle.

Ø Ils vivent des expériences émotionnelles difficiles (deuil).

Ø Ils ont un problème marqué de consommation de toxiques, de médicaments, deconduites à risques.

Ø Ils sont préoccupés par le sujet de la mort et du suicide.

Ø Ils s’identifient comme étant eux-mêmes à risque suicidaire.

Une attention particulière sera à apporter à l’absence totale de manifestation.L’endeuillé, le copain habituel, paraît ne pas souffrir, ne montre rien, continue« comme si rien ne s’était passé ».

IV.3.2 – Qui peut les repérer ?

S’il n’y a pas une banalisation ou une méconnaissance de ces signes, s’ils ne sontpas trop facilement mis sur le compte de la « crise d’adolescence » ou « des jeunesactuels », l’observation des cinq situations décrites montre que tous ont pu être à l’originedu repérage, (les élèves eux-mêmes inquiets parfois pour leur ami, les membres de lacommunauté éducative, les familles parfois et bien sûr les professionnels socio-médicaux).

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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 17

Les répercussions sur les adultes ne devront pas être sous-estimées non plus etdonc être rapidement repérées pour un soutien discret et efficace. Si les auteurs rappellentl’importance de rassurer sur le caractère souvent normal de ces réactions, l’avis plusspécialisé des professionnels de santé, (en premier lieu : infirmière et médecin del’Education nationale, puis aussi pédo-psychiatres, pédiatres, psychologues), paraît êtreindispensable pour le diagnostic et la prise en charge des complications du deuil et il a étéfait appel à eux préférentiellement.

Plusieurs personnes-ressources ont été utiles dans les situations décrites, amenantplus d’objectivité (l’intervenant qui prend la parole avec les élèves peut occulter telle outelle réaction qui sera reprise par l’intervenant qui observe et le travail de concertation etde synthèse aura lieu secondairement). Si le rôle de personne-ressource a pu être identifié,il peut être donné à chacun la possibilité de s’engager selon ses possibilités et sescompétences (18).

IV.3.3 – Quels moyens mettre en place ?

Les actions répondent aux besoins exprimés par les élèves et les adultes concernés(aussi faudra-t-il se donner le temps suffisant pour les écouter et faire un état des lieuxavant l’action).

Les préoccupations et les besoins exprimés par les élèves et les adultes sontsimilaires avec, en plus pour les adultes, un questionnement important sur leur rôle, leurresponsabilité, leurs compétences, leurs modalités d’implication en cas de crise de cetype. Et chacun s’est impliqué diversement dans les cinq situations et le rôle fut certain.Tous cherchent et visent l’apaisement des tensions internes permettant le retour au calmeet à la paix de chacun .

Quelles que soient les actions menées, quelles que soient les personnes qui mènentces actions, les besoins exprimés autour de la problématique de la mort demandent deuxtemps essentiels : DES TEMPS DE SILENCE, de « recueillement » et DES TEMPS D’ACTION

(temps de parole inclus).

Ces temps doivent pouvoir se faire conjointement en individuel, mais aussicollectivement.

Ils ont comme objectif essentiel celui de faciliter le travail de deuil qui comporteplusieurs phases de durée variable selon chacun.

Les moyens mis en œuvre ont porté essentiellement :

• sur la proposition de temps de dialogue collectif avec un professionnel-ressource, durant environ une heure et pouvant se renouveler si besoin. Ces tempsd’entretiens individuels et collectifs ont été improvisés dans chaque situation, soit à lademande des élèves eux-mêmes, soit à la demande des professionnels ayant repéré dessignes de mal-être. Dans ce cas, les entretiens collectifs ont toujours été proposés de façon« assez directive » après une première appréciation de la situation par l’équipe dedirection, l’infirmière scolaire et le médecin scolaire. Dans les situations n°2, n°3 et n°4,lorsqu’il était demandé aux élèves de se réunir une seconde fois en groupe, aucun n’a étésignalé absent. Tous les entretiens collectifs ont paru positifs. L’intérêt de ces entretiens

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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 18

est de repérer les signes et les comportements pouvant faire craindre une souffrancepsychique importante ou des répercussions à long terme, de répondre aux questions desélèves (sur la normalité, sur les causes biotechniques ou sur les possibilités d’aide),d’écouter et de faciliter l’expression du ressenti, leurs peurs, leurs angoisses.

• sur les aménagements pédagogiques envers les élèves des classes concernées,avec une modification momentanée des contenus des cours (dessins en classe pour lesprimaires, moins de contrôle, moins de cours magistraux et plus de travaux pratiques et detemps d’échange élèves-professeurs), une modification des lieux du cours (salle de sport àla place de la classe de physique chimie, la salle de documentation, la salleaudiovisuelle…) enfin, parfois la fermeture de l’établissement pendant une demi-journée(cas n°1, 2 et 3) pour la cérémonie.

• sur l’aménagement de la vie interne (espace, temps, récréations) plus conviviale,plus respectueuse de l’autre, avec partage d’activités simples en commun (un temps derepas, un petit déjeuner, une musique, une affiche, un poème créé ensemble, une courseen ville pour l’achat de fleurs).

• sur l’orientation des élèves vers des soins individuels, soit en interne (infirmerie,ou entretiens individuels avec le médecin scolaire), soit en externe (pédiatres, médecinstraitants, psychologues, psychiatres, services hospitaliers).

Ainsi, au total, des moyens humains, financiers (soins, hospitalisations, urgencedes secours, gestes de solidarité), des moyens en terme d’actions, des moyens horaires(souplesse horaire, suivi dans la durée) et des moyens de formations, paraissentnécessaires pour gérer la crise (7).

V – GERER LA CRISE APRES LE DECES D’UN ELEVE : REPERES POUR UNE CONDUITE A TENIR

La complexité du thème et des situations (dont les enjeux sont internes, personnelsmais aussi collectifs), montre que ces situations resteront souvent encore gérées dansl’urgence.

Cependant, au terme de cette description et de cette analyse, chacun, à son rythme,peut personnellement réfléchir et prendre conscience de la nécessité d’améliorer lesconnaissances et le repérage des traumatismes liés au deuil.

Ainsi, se préparer à gérer une telle situation en urgence fait partie des préalablesindispensables tant pour les professionnels de santé (et il s’agit là d’un rôle essentiel desmédecins et infirmières du Service de Promotion de la Santé en faveur des élèves) quepour les représentants de l’institution et les professionnels du monde éducatif qui ont laresponsabilité des élèves et des jeunes. Le rôle des adultes devient essentiel et nécessaire.

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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 19

Sans développer davantage, il faut donc insister sur les préalables avec trois voletsessentiels :

- la réflexion,- la formation,

- la concertation.

Pour les établissements, le plus difficile reste à trouver « la juste distance » pouraider autrui, car nul ne peut être aidé s’il ne le veut pas et s’il n’est pas convaincu quecette aide lui apportera quelque chose de mieux. Et pour assurer un soutien, la conditionélémentaire est « d’être présent » et de ne pas fuir, souligne A. Augagneur.

L’aide apportée répond aux objectifs suivants et s’appuie sur les circulairescitées précédemment :

- éviter les rumeurs,

- réduire les manifestations de violence ou les prises de risques supplémentaires,

- aider les élèves et le personnel scolaire à traverser un moment difficile,

- repérer, accompagner et protéger les élèves les plus en souffrance, les plus à risques etleur offrir un soutien spécifique,

- réduire les répercussions négatives à court et à long terme, secondaires à un tel événement (dramatique),

- renforcer les compétences existantes pour surmonter une crise, quelle qu’elle soit.

V.1 – Repères pour faire un état des lieux en situation de crise

Dans chaque situation d’urgence, un certain nombre de questions doivent êtrenotre fil conducteur pour mieux cerner et analyser la situation. Chercher des réponses àces questions permettra de définir les priorités et de recenser les besoins pour déclencherles moyens nécessaires pour y répondre.

Un plan conducteur pourrait être le suivant :

- Avoir une description aussi précise que possible de l’élève décédé :

Ø les causes du décès et les circonstances,Ø les liens avec les élèves et les adultes de l’établissement,Ø le profil familial (culture, fratrie, liens intra-familiaux),Ø le profil scolaire de l’élève (son parcours, ses projets).

- Avoir un profil de l’établissement concerné :

Ø le type d’établissement (le recrutement des élèves, la taille de l’établissement, laformation),

Ø le secteur (zone d’éducation prioritaire ou non),

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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 20

Ø le mode de fonctionnement (ancienneté des équipes, le nombre de personnes-ressources internes),

Ø les aides extérieures de proximité.

- Pour l’annonce officielle rapide, avoir connaissance des faits exacts et le sentiment,l’accord de la famille endeuillée.

- Prévoir un bilan rapide des autres élèves concernés par le décès :

Ø le nombre d’élèves concernés,Ø le type de classe,Ø les facteurs de risques individuels connus,Ø les types de réactions et les préoccupations exprimées,Ø les incidents observés.

- Prévoir un bilan du type d’actions pouvant concrètement être mises en place par l’établissement :

Ø en interne,Ø en externe.

- Le type d’action :

Ø qui mènera ces actions ?Ø qui contacter ?Ø la durée des actions ?

- Prévoir un bilan à court et moyen terme de la situation gérée :

Ø évaluer le retentissement sur les élèves,Ø sur les adultes de l’établissements,Ø sur les professsionnels-ressources.

V.2 – Repères pour l’équipe éducative : le déroulement des actions

Voici quelques propositions :

- le déroulement et la mise en place de la conduite à tenir sont à l’initiative du chefd’établissement, informé le plus rapidement possible et qui prévoit une concertationinitiale rapide avec les personnes-ressources spécifiques qu’il pense pouvoir mobiliser eninterne (voire en externe). (L’Inspection Académique, le Médecin Conseiller TechniqueDépartemental, doivent être informés).

- la concertation pourra être « permanente », (demandant donc plus de disponibilité)pendant la durée de la crise.

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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 21

- il convient de prévoir :

§ identifier et mobiliser toutes les personnes-ressources possibles,

§ faire un état des lieux précis de la situation,

§ identifier les problèmes, les besoins, les priorités,

§ définir les objectifs communs,

§ s’assurer l’adhésion :* des responsables de l’institution,* des professionnels-ressources,* des familles,* de l’équipe éducative,* des élèves.

§ définir la durée, l’engagement des personnes (calendrier concret selon lesdisponibilités),

§ définir le type d’actions proposées sachant qu’elles doivent concerner les élèves,les adultes qui le nécessitent, les familles concernées.

Il faut également prévoir plusieurs phases comprenant :

§ l’annonce officielle,

§ des phases de silence et d’écoute,

§ des phases de parole et d’expression,

§ des phases d’actions concrètes et simples, relativement immédiates.

Enfin, il faut assurer une évaluation à moyen et à long terme et un suivi desrépercussions possibles.

V.3 – Repères pour guider l’attitude des adultes et aider le travail de deuil chez lesjeunes

Eléments négatifs : (ne donner aucune réponse aux enfants et aux jeunes)

- le délai tardif pour l’annonce officielle du décès (aux élèves et à l’ensemble de l’équipeéducative,

- les informations trop floues,

- la sous-estimation ou l’absence de repérage (le retard) des signes de souffrance,

- l’absence d’écoute et de prise en compte des demandes, des besoins et despréoccupations des élèves,

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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 22

- l’absence de concertation entre les différents professionnels,

- la précipitation dans l’action,

- l’oubli d’un suivi à plus ou moins long terme,

- l’absence, le manque de formation, le faible nombre de personnes-ressources ou leurmanque de disponibilité, ou le non-renouvellement des personnes-ressources (certainsprofessionnels participent à toutes les crises).

D’autres points paraissent négatifs :

- retarder le dialogue, ne pas répondre,

- interdire sans explications motivées,

- banaliser, dramatiser,

- refuser le mouvement vers les soins,

- l’absence de souplesse,

- ne pas respecter les confidences,

- laisser seul ou obliger à participer,

- ne pas chercher à comprendre.

Attitudes positives :

-aider. C’est en premier lieu : être avec (notamment là ou l’isolement est plus grand, dansles semaines ou les mois qui suivent, soit entre le 2ème et le 6ème mois),

- écouter : rester silencieux auprès d’eux, sans être interventionniste, en sachant résister àl’envie de consoler,

- prévenir les besoins et les désirs : en aidant le jeune à s’occuper de lui, de son aspectphysique, de son alimentation, en s’intéressant à sa santé, sa fatigue,

- le ramener progressivement à la réalité, à la nécessité de certaines tâches, certainesdémarches (le sport qu’il pratique habituellement, son travail scolaire),

- l’aider à exprimer le chagrin et les émotions douloureuses, en le laissant avec un simplecontact physique, (des bras, une épaule, un regard qui ne se détourne pas),

- parler et reparler avec lui de la personne décédée.

Les paroles de consolation sont souvent inutiles, voire déplacées (car l’endeuilléest inconsolable).

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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 23

V.4 – Comment guider l’entretien auprès des élèves ?

Qu’est-il important de leur dire ?

Ce que le jeune doit entendre :

- qu’il n’est pas responsable (ce n’est pas sa faute),

- qu’il n’est pas en danger de mourir lui aussi (on ne lui a pas jeté un sort),

- que l’on va continuer à s’occuper de lui,

- qu’il est normal de ressentir de la douleur, de la colère, de l’injustice, d’être perdu,

- que l’on va continuer à aimer la personne disparue et que l’on ne va pas l’oublier.

Enfin, il faudra dire que l’on va se donner du temps ensemble (même à distance del’événement), lui proposer et lui rappeler en insistant si besoin que l’on ne le laissera pastout seul et toujours terminer en proposant au jeune de se revoir.

Lors des entretiens en groupe, il est important que l’adulte se présente simplement,comme un être humain qui partage leur peine et les mêmes sentiments d’incompréhensionface aux faits et comme un professionnel.

Il faudra situer succintement la raison et le motif de la rencontre (ainsi, « on peuten parler ») et très vite leur donner la parole et les faire exprimer, si possible, parexemple, avec les questions ouvertes du type :

« savez-vous ce qui s’est passé ? »« qu’est-ce que l’on vous a dit ? »« avec qui en avez-vous parlé ? »

puis aborder en cours d’entretien la question de savoir « comment vous sentez-vous ? »,« que pensez-vous faire ? », « avez-vous autour de vous quelqu’un sur qui vous pouvezcompter ? ».

Enfin, il faudra expliquer le déroulement de ce qui est proposé par l’établissementet donner éventuellement une possibilité de choix, puis terminer en proposant de se revoir,à la demande et dans le respect de leurs confidences.

V.5 – Le rôle des personnes-ressources

Une définition au préalable : le terme « personne-ressource » concerne la personnerepérée comme intervenant dans l’établissement lors du décès d’un jeune et ayant eu uneformation-information particulière, soit par sa profession, soit par sa motivationpersonnelle. Elle aura des connaissances sur les particularités de la mort et du deuil chezl’enfant et l’adolescent, en connaîtra les conséquences possibles et aura une idée de l’aideà apporter.

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L’apport essentiel du professionnel-ressource ne réside pas dans le savoir, maisplutôt dans une attitude spécifique et un rôle spécifique.

Ce sera notamment de :

Ø guider la mise en œuvre de la conduite à tenir,

Ø être à l’écoute des différentes phases de chacun (élèves, adultes) selon sa propreévolution personnelle et le rythme et les possibilités de chacun,

Ø aider à l’élaboration de l’état des lieux,

Ø faire un diagnostic et repérer les élèves les plus en difficultés et en souffrance,

Ø guider ainsi vers une aide spécialisée éventuelle (transitoire ou prolongée),

Ø favoriser l’élaboration du deuil collectif, sachant que « tous ensemble » estcomplémentaire et préférable à « chacun tout seul »,

Ø assurer un suivi évolutif si nécessaire,

Ø assurer des formations.

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VI – GUIDE PRATIQUE

8 GERER UNE CRISE APRES LE DECES D’UN JEUNE EN ETABLISSEMENT

SCOLAIRE

Des objectifs :

o éviter les rumeurs.o réduire les manifestations de violence ou les prises de risques supplémentaires.o aider les élèves et le personnel scolaire à traverser un moment difficile.o repérer, accompagner, protéger les élèves le plus en souffrance et le plus à risque

et leur offrir un soutien spécifique.o réduire les répercussions négatives, à court et à long terme, secondaires à un tel

traumatisme.o renforcer les compétences existantes pour surmonter une crise, quelle qu’elle soit.

Des textes :

o missions de l’école et des professionnels de l’Education nationale.o conditions de sécurité dans les établissements scolaires.o prévention des conduites à risque.o lutte contre la violence et le renforcement des partenariats.o prévention des conduites suicidaires.o rapport du Haut Comité de Santé Publique sur la souffrance psychique des

adolescents et des adultes.o programme régional de santé de Haute-Normandie.

Quelques rappels :

o les accidents et les suicides sont les deux principales causes de décès chez lesjeunes (circonstances brutales et violentes).

o ces décès paraissent souvent inconcevables, injustes et sont très culpabilisants.o les répercussions immédiates sont variables en intensité et en durée, sont

multiples, souvent transitoires, parfois graves et prolongées. Elles touchent à lafois :* le corps physique,* la vie psychique et affective,* la vie scolaire et les performances scolaires.

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8 REPERES POUR UNE CONDUITE A TENIR EN URGENCE

ROLE DE L’ETABLISSEMENT SCOLAIRE

Etre présent : écouterdireprotégerrassurer.

TROIS ETAPES DANS LE DEROULEMENT DES INTERVENTIONS

1. PREMIERE ETAPE : SE CONCERTER – ECOUTER

o valide l’information auprès de la famille ou des services de police ou hospitaliers.o définit les besoins et les priorités par un état des lieux précis (facteurs de risques

aggravant la crise).o définit la population en souffrance ciblée par les actions.o définit le type d’actions proposées et quels partenaires-ressources solliciter.o prévoit la durée, l’engagement des professionnels-ressourceso facilite :

* l’accueil, l’écoute, la souplesse,* la concertation, le partenariat,* la vigilance et la sécurité,* l’accès aux soins si besoin.

o rédige un communiqué.

Le Chef d’établissement – le Directeur d’école- est à l’initiative de la gestion de la crise

- pilote les actions à mener- s’entoure du conseil technique d’une équipe-ressource

Quelle équipe-ressource ? Quel est son rôle ?

Dans l’Education nationale- Infirmières scolaires- Assistantes sociales- Médecins scolaires- Psychologues scolaires- Conseillers d’orientation psychologues

Hors Education nationale- Psychiatres- Psychologues- Associations agréées- Services hospitaliers- Médecins traitants- Intervenants spécialisés- Educateurs

- Guider la mise en œuvre- Aider à l’élaboration de l’état des lieux- Etre à l’écoute- Repérer les élèves en difficulté- Guider l’expression du ressenti- Assurer des soins immédiats et un suivi

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2. DEUXIEME ETAPE : DIRE – ANNONCER AUX ELEVES

o lisent aux élèves le communiqué rédigé.o accueillent les émotions des élèves et leur donnent l’occasion de s’exprimer

(pendant environ trente minutes – une heure).o dirigent ceux qui le souhaitent vers les professionnels-ressources (assistante

sociale, infirmière, médecin, conseiller d’orientation…)o font le point lors d’une pause, avec les autres professionnels du monde éducatif

(équipe de direction et ATOS compris et les personnels-ressources, concernant lesincidents, les réactions ou les non-réactions des élèves).

o proposent et organisent avec les élèves une rencontre avec un intervenantspécialiste pour ceux qui le souhaitent (pendant environ une heure – une heuretrente).

o rappellent systématiquement les sources d’aide possibles (dans l’école et àl’extérieur).

3. TROISIEME ETAPE : PROTEGER – RASSURER – PARTAGER – SE SOUVENIR

Il faudra :- relever les absences,- prévenir les familles de ceux qui vont le plus mal,- envisager des gestes de solidarité (élèves et adultes),- représenter l’établissement, les élèves aux obsèques,- continuer le suivi des élèves en difficulté,- rappeler, à distance de l’événement, les sources d’aide possibles.

Les professeurs – les maîtres d’école – l’équipe de direction,aidés, entourés, accompagnés des professionnels-ressources.

Rôle de tous

Dans les jours, voire lessemaines qui suivent

Equipe de direction

Professionnels- ressources

Enseignants – Personnels éducatifs

Elèves – Familles – Monde extérieur

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8 QUELLES ACTIONS A METTRE EN PLACE EN URGENCE :Quelques exemples (sur la base du volontariat)

- faci

o être avec : écouter (en silence, à côté, par un geste).o résister à l’envie d’expliquer et de consoler.o laisser exprimer.o ramener progressivement vers le concret, la réalité.o parler et reparler de la personne décédée.

o qu’ils ne sont pas seuls.o que les adultes souffrent aussi.o qu’ils ne sont pas responsables.o qu’ils ne sont pas eux-mêmes en danger.o qu’il est normal de ressentir…diverses choseso que l’on va continuer à s’occuper, aimer, se souvenir de l’élève décédé.

Aménager la vie interne del’établissement lors de la crise

- donner du temps- des lieux conviviaux

- faciliter les rencontres, les déplacements- augmenter la vigilance discrète et la surveillance dans et auprès des établissements- relever les absences

Aménager lapédagogie

Orienter vers lessoins individuels

Proposer undialogue et desactes collectifs

Que faut-il dire aux élèves ?

- selon l’état d’agitation et de prostration des élèves

- selon les manifestations - en petits groupes

(15/20 maximum)- un intervenant et un personnel de l’établissement co-animent- durée : 30 mn à 1 H 30

Quelles attitudes choisir ?

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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 29

CONCLUSION

La mort est un « défi » jeté à notre société actuelle occidentale fière de son « hautniveau technologique », mais lorsqu’elle menace un enfant, un adolescent, elle mobilise« nos affects les plus archaïques », que nous soyons amis, parents, enseignants, éducateursou soignants.

A travers la description et l’analyse de cinq situations de crise survenues en un an,notre étude montre comment le caractère, souvent brutal et violent des décès de jeunes,affecte non seulement les jeunes, momentanément ou de façon prolongée, mais aussi lavie interne des écoles, des collèges ou des lycées.

Par un travail de concertation avec toute la communauté éducative (élèves etadultes), le médecin de l’Education nationale peut, avec l’aide d’autres professionnels-ressources, repérer, guider, écouter, conseiller, partager ces moments intenses. Il convientde voir, sans les dramatiser, les signes de souffrance mettant parfois en péril la scolaritéou le développement des jeunes. Il convient également de mettre en place, dans lasouplesse, la simplicité et l’authenticité mais aussi la rigueur, des mesures aidant lesjeunes à ne pas culpabiliser et à « traverser ce fleuve d’une autre naissance ». Il est permiset possible d’acquérir des compétences, alors même que les conditions de vie sontdéfavorables.

Des premiers repères sont donnés pour guider le rôle et l’engagement possible (eten toute liberté) des professionnels auprès des jeunes. Une attention particulière seradonnée à l’isolement, la dépression profonde, les risques de suicide, la violence et ledésinvestissement scolaire.

Les jeunes seront rassurés sur le caractère normal de leur ressenti. Avec eux, nousaccepterons de nous taire, de parler, de nous souvenir, de donner et recevoir.

Au delà de ce travail préalable, nous espérons, en tant que professionnels de santé,poursuivre notre réflexion au sein du département et même de l’Académie.

En effet, les différents partenaires-ressources, suite à la gestion des situations enurgence, ont émis le souhait de développer concrètement la concertation autour d’unprojet de formation et de prévention qui s’inscrit dans le cadre du Programme Régional deSanté, en suivant les recommandations du Haut Comité de Santé Publique.

Les deux axes principaux qui se dessinent actuellement pourraient être :

• un projet de sensibilisation et de formation des personnels autour de ce thème :gérer les situations de crise et de violence, réunissant des chefs d’établissement,des conseillers d’éducation, des personnels enseignants et des personnels de santé.

• un projet pour constituer une « cellule de crise », associant les partenairesextérieurs à l’Education nationale (psychologues, pédopsychiatres des centresmédico-psychologiques). Cette cellule pourrait intervenir lorsque les ressourcesinternes des établissements seront dépassées du fait de l’importance et de lagravité de la situation ou lorsque l’établissement (et c’est son droit), ne se sentirapas, momentanément, à même de gérer la situation.

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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 30

BIBLIOGRAPHIE

Textes de l’Education nationale

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3. – Circulaire n°98-108 du 1er Juillet 1998 relative à la prévention des conduites àrisques et comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté.

4. – Circulaire n°98-194 du 2 Octobre 1998 relative à la lutte contre la violence enmilieu scolaire et au renforcement de partenariat (B.O. HORS S2RIE N°11 du 15 Octobre1998).

5. – « Les conduites suicidaires des adolescents, des repères pour la prévention àl’école ». (1997)

6. – « Repères pour la prévention des conduites à risques » dans les établissementsscolaires (1995).

Publications en dehors de l’Education nationale

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9. – DECHAUX J.M. , HANUS M., JESU F., « Les familles face à la mort » entreprivatisation et resocialisation de la mort (1999)

10 – DE HENNEZEL M., « La vie intime » (Collection Aider la vie) (1995)

11 – DELVAUX N., RAZAIR D., « L’enfant, la maladie et la mort » (1987) (Centred’aide aux mourants, groupe de recherche et de formation)

12. – DEUNFF J., DGS « Ruptures, le suicide des jeunes » (CFES 1993)

13. – FERRARI P., « L’enfant et la mort », Neuropsychiatrie de l’enfance (1979)

14. – FREUD S. « Deuil et mélancolie » des métapsychologies , éditions Galimard (1968)

15. – HANUS M., HEAMMET PR. « L’adolescent et la mort », éditions Esprit du temps(1998)

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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 31

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24. – Programme Régional de Santé de Haute-Normandie (1999)

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27. – VERSPIEREN P., « Face à celui qui meurt », éditions Desclée de Browers (1984)

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29.- WINNICOT D.W., « La psychologie de la séparation » dans Déprivation etdélinquance, éditions Payot réédition, (1994)

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ANNEXES

- ANNEXE 1 : premier cas

- ANNEXE 2 : deuxième cas

- ANNEXE 3 : troisième cas

- ANNEXE 4 : quatrième cas

- ANNEXE 5 : cinquième cas

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ANNEXE 1

Premier cas

Dans un collège, un jeune décède brutalement de maladie. Beaucoup d’élèves etde professeurs le connaissent et se sentent concernés (notamment les garçons).

La famille, de culture étrangère, est très soudée. Des frères et sœurs sont scolarisésdans d’autres établissements de l’agglomération.

Aucune annonce officielle n’est faite (les nouvelles vont vite). Aucune aideextérieure n’est sollicitée.

Pourtant, le médecin scolaire sera alerté par l’infirmière de l’établissementquelques jours après.

Les faits suivants seront rapportés : le chef d’établissement a été agresséverbalement par une élève. Les professeurs, l’équipe d’encadrement, l’infirmière, sesentent épuisés. Les passages à l’infirmerie ont été beaucoup plus nombreux pour descrises de pleurs, des maux de tête, des blessures liées à des bousculades dans les couloirs,les escaliers ou en sport.

Des jeunes se sont battus. D’autres qui, habituellement sont calmes, se sontmontrés agressifs avec leurs copains ou leurs professeurs. Certains ont été surpris en trainde griffer la carrosserie d’une voiture sur le parking de l’établissement. La surveillance adû être accrue. Certains élèves (plus nombreux que d’habitude) seront notés par lesprofesseurs absents ou en retard en cours (parfois en pleine journée).

La charge de travail est ressentie comme plus importante auprès des personnels del’établissement. Ils se sentent eux-même plus irritables et moins disponibles pour lesélèves.

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ANNEXE 2

Deuxième cas

Un accident de la voie publique survient à proximité d’un collège. L’élèveprésente un polytraumatisme nécessitant l’arrivée des secours, une hospitalisation, uneintervention chirurgicale.

Deux professeurs accompagnant deux classes sont proches. Ils déclenchentl’alerte. Un membre de l’équipe de direction sera sur les lieux à l’arrivée des secours.Beaucoup d’élèves et d’adultes de l’établissement se sentent concernés et impliqués.« On parle de malédiction ». En tant que médecin de l’Education nationale travaillanthabituellement dans l’établissement, je suis prévenue dans les premières heures.

Le décès de l’élève surviendra une semaine après l’accident.

Mais après une concertation (le soir même), avec l’infirmière, le médecin, lesenseignants (deux) et l’équipe de direction, plusieurs actions seront menées et sedérouleront de la façon suivante :

Tout d’abord, il y aura une phase d’annonce sur l’état (clinique) de l’élève,(annonce faite par l’adjoint du principal, dans les deux classes).

Dès le lendemain matin, un travail de dialogue et d’information a lieu dans lesdeux classes grâce à la présence d’un conseiller d’orientation, psychologue expérimentéqui fait un remplacement sur cet établissement (les élèves ne le connaissaient pas).

Des conseils seront donnés aux élèves pour d’éventuelles personnes-ressources (eninterne ou en externe).

Un suivi régulier de l’évolution de l’état de l’élève blessé et des souhaits de lafamille est mené discrètement par l’équipe de direction, les enseignants, l’infirmière et lemédecin scolaire. Les autres membres de la communauté éducative et les élèves serontrégulièrement informés. Un suivi (toujours en concertation) de l’état des élèves etnotamment des professeurs et de leurs souhaits sera fait.

Après une phase d’espoir de rémission, l’annonce du décès officiel devra être faiteet sera ciblée sur la classe concernée. L’annonce est faite (après concertation et accord« tacite » de l’équipe de direction) par le médecin scolaire, en présence de deuxprofesseurs de la classe, volontaires.

Un échange s’instaure et dure environ une heure à une heure trente.

Ce jour là, pour ces élèves-là, les cours n’auront pas lieu. Mais les élèves sontaccueillis et restent sous la responsabilité de l’établissement scolaire.

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D’autres activités sont proposées (le médecin sera présent tout au long de lajournée et partagera ces temps, en présence d’autres membres de l’établissement scolaire).

Elles correspondront le plus possible aux besoins exprimés par les élèves, (dessin,sport, collation imprévue vers 10 H 30 – 11 H 00 (après les pleurs), travail d’ordinateur auCentre de Documentation et d’Information, temps de réflexion et de dialogue en petitsgroupes grâce à la présence d’adultes disponibles).

L’infirmière de l’établissement accueille les élèves à leur demande dansl’infirmerie.

Toujours en concertation, les élèves, adultes de l’établissement, famille de l’élèvedécédé, mettront en place des gestes de solidarité pour la cérémonie (affiche, argent pourle voyage et le transport du corps, achat de fleurs).

Des soutiens individuels seront proposés aux élèves et aux adultes les jourssuivants.

L’ensemble de la « mobilisation » dans l’établissement durera environ quinzejours au total.

Des réactions d’angoisse, de révolte, de culpabilité, d’abattement, de dépressionvoire des idées suicidaires seront notées.

Peu de violence, peu de pathologie grave à long terme, seront rapportées, hormisun mois et demi après, une agression verbale sévère vis à vis d’un adulte del’établissement.

Il s’agissait d’une ancienne élève du collège, amie de l’élève décédée, et n’ayantpas eu de temps de dialogue au moment des faits.

Un autre cas apparaît un an après, une dépression chronique avec forte idée deculpabilité pour autre amie proche (elle n’était pas présente dans la classe lors desinterventions).

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ANNEXE 3

Troisième cas

Une adolescente en lycée décède brutalement par suicide.

La famille n’a pas prévenu l’établissement. La rumeur « court ».

L’effectif de l’établissement est important, la rentrée scolaire est plutôt récente.

Les liens des élèves entre eux et entre adultes sont « peu anciens » et « moinsforts ».

Devant la rumeur, le chef d’établissement a la charge « difficile » de contacter lafamille.

Deux jours sont passés. Le décès confirmé sera annoncé à la classe par l’équipe dedirection. La révolte gronde. Les jeunes pensent que les adultes « cachent des choses ».On ne peut pas leur faire confiance, disent-ils.

Alors, que faire ?

Une aide extérieure est sollicitée auprès de l’Inspection Académique et duMédecin Conseiller Technique Départemental. La demande explicite sera de limiter lesrisques de réactions agressives et ou dépressives en chaîne, dans l’ensemble del’établissement.

J’interviendrai donc en équipe, en tant que médecin scolaire, accompagnée del’infirmière du lycée et d’une psychologue de l’Education nationale ayant travaillé sur desexpériences similaires.

Le matin du deuxième jour, un travail de concertation préalable a lieu avecl’équipe de direction, l’infirmière, le médecin, mais sans l’équipe enseignante.

Un état des lieux est fait. Il est décidé une intervention dans la classe concernéeavec le médecin et le psychologue. L’infirmière, très sollicitée, restera pour l’accueil desélèves à l’infirmerie.

Un temps de dialogue-écoute se déroulera pendant un peu plus d’une heure. Lemédecin sera seul au début de l’intervention. La psychologue, libérée plus tardivement,rejoindra le groupe secondairement.

Les professeurs demandent une aide également dans un second temps. Un malaiserègne dans la classe. Ils ne savent pas ce qu’il faut dire, faire, ne pas faire. Médecin etpsychologue auront donc aussi un temps de dialogue avec les professeurs de la classe.

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Enfin, un temps de réflexion et de liberté est donné aux élèves (seuls ou en petitsgroupes).

Ils ne seront pas « libérés » de l’obligation scolaire et un nouveau rendez-vous etpoint de rassemblement leur sont donnés pour le début d’après-midi.

Comme « professionnels-ressources », nous resterons toute la journée àdisposition des élèves et des adultes qui le souhaitent. Une synthèse (sur les premièresréactions de jeunes) occupe le temps du midi et avec l’équipe de direction nous affinons laconduite à tenir concernant la suite des actions, en tenant compte des souhaits et besoinsexprimés par les professeurs et les élèves.

Il sera convenu de continuer les cours prévus le jour même et d’en proposer lasuppression (pour la classe concernée seulement, la demi-journée du samedi, afin queceux qui le souhaitent se rendent à l’inhumation.

Pour le regroupement de l’après-midi, sont présents tous les élèves de la classe,sans absence, les professeurs, le médecin, le psychologue.

Le professeur principal dirige, cette fois, la séance et parle au nom de tous lesprofesseurs.

Il confirme la consternation et le soutien de l’ensemble des adultes. Après untemps d’échange, sont explicitées la décision et la conduite proposée par le Proviseur.Ensuite, environ une heure après, un professeur volontaire accepte de prendre les élèves(il modifiera le contenu habituel de son cours).

Le médecin, l’assistante sociale, l’infirmière, le psychologue scolaires, resterontpour répondre aux demandes individuelles et termineront la journée par une synthèse.

Le suivi ultérieur sera assuré par l’infirmière scolaire, le lycée n’étant pas unétablissement du secteur habituel pour le médecin, ni pour le psychologue.

Malgré la demande exprimée d’une formation-information ultérieure, elle n’a pasété mise en place à ce jour.

Un enseignant confiera, dans un couloir, un antécédent personnel concernant unjeune adolescent, membre de sa famille. Quelques élèves demanderont un entretienindividuel. En salle des professeurs, aucune demande spécifique n’est exprimée. Un grandnombre de professeurs paraît ne pas être informé. Il n’y a pas eu de présentation officielleà propos de notre présence et de notre rôle auprès des professeurs.

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ANNEXE IV

Quatrième cas

Une élève de terminale en lycée professionnel décède d’accident de la voiepublique.

Elle est bien connue des élèves, de l’équipe éducative et des professionnelsmédico-sociaux.

Les circonstances du décès sont brutales. Elle conduisait, seule, sa voiture. Elleavait des difficultés scolaires, médicales et familiales.

Comme médecin habituel de l’établissement, je suis alertée aussitôt. L’état deslieux évoqué avec l’infirmière de l’établissement demande ma présence. Libérée dans lamatinée, je reste toute la journée dans l’établissement. Comme l’équipe éducative estancienne et soudée, aucune demande d’aide extérieure ne sera exprimée.

Après une présentation aux élèves de la classe, faite par l’infirmière qu’ilsconnaissent bien, sur la raison de ma présence, un dialogue se met en place avec lesjeunes. Je serai alors seule dans la classe jusqu’à la fin de la matinée.

Le temps du midi est libéré, puis tous, nous nous retrouvons. L’abattement, lesidées tristes, l’incompréhension, l’impossibilité de travailler seront les manifestationsessentielles. Certains feront des confidences personnelles. La majorité des élèves ne sesentent pas capables de reprendre les cours. Ils veulent « bouger ».

Parmi les trois enseignants ayant habituellement les élèves sous leurresponsabilité, l’un d’entre eux se propose de modifier l’objet du cours et de faire du sportavec eux. Pour les élèves (plus rares) qui le souhaitent, un cours de travaux pratiquessimple sera aménagé.

A court terme, l’établissement a pu gérer en interne le suivi des élèves et dupersonnel.

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ANNEXE 5

Cinquième cas

Un suicide d’adulte et une « explosion accidentelle » entraînent une situationde peur panique dans une école primaire (c’est l’heure de la récréation).

Immédiatement, une aide extérieure est sollicitée par le directeur de l’école.L’Inspection Académique est prévenue.

Toutes les classes (dont une classe d’intégration spéciale avec des enfantsmalentendants) sont concernées. Les adultes de l’école et les familles (certaines plusspécialement) sont concernées.

Une annonce officielle concernant les faits sera faite auprès des enfants et desfamilles, par le directeur de l’école. Les enfants malentendants auront une lettre explicitepour leurs familles. Les réactions possibles, la proposition d’un avis médical serontévoquées.

Chaque enfant sera confié à un adulte informé à la sortie de l’école.

Dans l’immédiat, après l’explosion, de nombreux intervenants serontrassemblés, compte-tenu de l’ampleur des faits et feront rapidement un état des lieux.

Un travail d’équipe se met en place dans le quartier et autour du directeurd’école.

- en premier, les secours : SAMU, pompiers, police, représentants des collectivitéslocales,

- des médecins psychiatres libéraux ou intervenants dans les CMP voisins (3 au total),un médecin scolaire, une infirmière scolaire,

- diverses actions et aides sont proposées dans les trois à cinq heures qui suivront :

• des aides matérielles (logement pour les familles touchées, transport, repassupplémentaires à la cantine en service),

• des aides médicales (soins, diagnostic, quelques hospitalisations, appel desmédecins traitants ou ORL, écoute avec les pédopsychiatres. Seront entendus lesenfants, des adultes, des parents, des personnels ATOS).

• des aides pédagogiques : organisées par chaque enseignant dans sa classe enfonction des possibilités (dialogue et dessins immédiats).

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Catherine GOUBAULT - Etude professionnelle – Ecole nationale de la santé publique - 2000 40

• des aides administratives* décision d’avertir les familles, de confier les enfants à la sortie à un adulte,* mise en place d’un périmètre de sécurité,* mise à disposition de locaux d’accueil,* souplesse horaire (accueil jusqu’à environ 20 H 00 le soir).

Le lendemain :

Avec l’accord du directeur d’école, une intervention est proposée légèrement àdistance de l’événement traumatisant avec, dans chaque classe, deux intervenants (unmédecin scolaire et une infirmière scolaire –ou- un pédopsychiatre et une infirmièrescolaire).

L’enseignant restera présent dans la classe pendant le dialogue avec les enfants. Ladurée d’intervention dans les classes est d’environ une demi-heure.

(Au total : deux médecins scolaires, trois infirmières scolaires et deuxpédopsychiatres seront présents).

En fin de matinée, une concertation avec synthèse réunit les intervenants et ledirecteur de l’école.

Trois jours après, un accueil individuel à la demande est fait avec l’infirmière et lemédecin scolaire présents dans l’école.

A notre connaissance, peu de séquelles graves seront relevées physiquement.Quelques enfants devront cependant suivre une thérapie, des antécédents aggravant ledéveloppement psychologique.