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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique - 2004 CAFDES Promotion 2004 Personnes en difficulté sociale PRENDRE EN CHARGE LA SPECIFICITE DE MINEURS DELINQUANTS ET TOXICOMANES EN CENTRE EDUCATIF RENFORCE MIEL Christian

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique - 2004

CAFDES

Promotion 2004

Personnes en difficulté sociale

PRENDRE EN CHARGE LA SPECIFICITE

DE MINEURS DELINQUANTS ET

TOXICOMANES

EN CENTRE EDUCATIF RENFORCE

MIEL Christian

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique - 2004

S o m m a i r e

A. INTRODUCTION 1

B.TOXICOMANIE ET SOCIETE 3

I. De la toxicomanie à l'addictologie

1. Une législation controversée

1a. Une bipolarisation répression et soins

1b. Pour une démarche concertée de la répression et du soin

1c. Une réponse sanitaire et sociale diversifiée

2. La médicalisation de la toxicomanie 8

2a. L'avènement des produits de substitution

2b. L'impulsion de la Mission Interministérielle de Lutte

contre la Drogue et la Toxicomanie

2c. Une clinique du sujet à redécouvrir

II. Considérations épidémiologiques 15

1. L'évolution du phénomène toxicomaniaque

1a. Indications statistiques nationales

1b. La situation du Pas de Calais en matière de toxicomanie

1c. Les données sociologiques et psychopathologiques

2. Le dispositif sanitaire et social en addictologie dans le Pas de Calais 20 2a. Les structures de soins et d'accompagnement social

2b. L'articulation des secteurs de la santé et de la justice

III. Présentation du Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes, la Porte Ouverte 22

cbertin
S o m m a i r e
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1. Le cadre institutionnel

1a. La montée en charge progressive

1b. Les caractéristiques du public

1c. Le projet thérapeutique

1c1. Les invariants

1c2. Les fondamentaux

2. Une dynamique institutionnelle diversifiée 26 2a. Un aspect multipolaire

2b. Un aspect multifonctionnel

2b1. Un volet prévention

2b2. Un volet formation

2b3. Un volet éducatif

2b4. Un volet soins

3. La gestion du centre 30 3a. Les aspects budgétaires et administratifs

3b. Le personnel

C.TOXICOMANIE ET DELINQUANCE 35

I. La justice des mineurs

1. Les diverses mesures contenues dans l'ordonnance du 2 février 1945

2. L'adaptation de l'ordonnance de 1945 à l'évolution

de la délinquance juvénile.

II. Les évolutions récentes de la délinquance juvénile 38

1. La place de l'usager des produits psychoactifs

dans la délinquance juvénile

1a. Un phénomène nouveau

1b. Une dynamique en progression

2. Une souffrance agie délictueuse 43

2a. L'adolescence et l'agir

2b. Un style de vie déviant

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III. Le dispositif éducatif en question 46

1. L'articulation du secteur éducatif et du secteur judiciaire

1a. Des modes de gestion du temps différents

1b. L'action éducative à repenser

2. Les Centres Educatifs Renforcés : une réponse éducative

à la prise en charge de mineurs délinquants multirécidivistes. 48

2a. Les modes de fonctionnement institutionnel

et les pratiques éducatives en question

2b. Une maturation du dispositif

D. UN PROJET DE CENTRE EDUCATIF RENFORCE A

VERSANT ADDICTIF 54

I. Un contenant institutionnel à potentialité émergente

1. La mise en place du projet

1a. Les préliminaires

1b. Les éléments administratifs et budgétaires

2. Les grands axes organisationnels 57

2a. La composition du personnel

2b. L’accompagnement du personnel

II. Une prise en charge globale axée sur le corps 62

1. L'accompagnement éducatif 1a. Les conditions d'admission et de prise en charge

1b. La pédagogie au quotidien

1b1. Le vivre ensemble

1b2. La vie quotidienne

1c. La programmation de la vie communautaire

1c1. L'instauration d'un processus ritualisé

1c2. Le déroulement du séjour.

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2. L'approche thérapeutique 69

2a. Les activités de remédiation corporelle

2b. Les techniques psychocorporelles

2b1. La gestalt-thérapie

2b2. La bio-énergie

2b3. Le rebirth

2b4. Les techniques de relaxation

2c. Les thérapies cognitivo-comportementales

2d. L'articulation du thérapeutique et de l'éducatif

3. Le corps institutionnel dans sa dimension intégrative 75 3a. L'acte éducatif et la loi sociale

3b. Le droit des usagers

3c. Le CER dans son environnement

3c1. L’articulation du CER avec le CSST

3c2. Le partenariat

4. L’évaluation 82

E. CONCLUSION 85

F. BIBLIOGRAPHIE

G. ANNEXES

Annexe 1 : Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes

1. Analyse budgétaire

2. Contrats de séjour

3. Réseau de partenaires

Annexe 2 : Délinquance

1.La procédure pénale applicable aux mineurs

2.La détention provisoire du mineur

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3.Les infractions commises par les mineurs

4.La répartition des détenus mineurs incarcérés au Centre Pénitentiaire de

Longuenesse, années 2001 et 2002

Annexe 3 : Centre Educatif Renforcé

1.Le budget prévisionnel de fonctionnement à l’année

2.Le budget prévisionnel de fonctionnement en 2003

3.Le budget d’investissement

4.Planning hebdomadaire des activités

5.Projet de dispositif expérimental de professionnalisation des intervenants éducatifs

en CER

6.Cahier des charges des CER

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L i s t e d e s s i g l e s u t i l i s é s

AEMO Assistance Educative en Milieu Ouvert

ANIT Association nationale des Intervenants en Toxicomanie

APPRE Actions et Projets de Prévention Recensement

BHD Buprénorphine Haut Dosage

BO Bulletin Officiel

CAE Centre d’Action Educative

CAPD Comité d’Agglomération et de Prévention de la Délinquance

CCAA Centre de Consultation Ambulatoire en Alcoologie

CEC Contrat Emploi Consolidé

CEF Centre Educatif Fermé

CEIP Centre d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance

CER Centre Educatif Renforcé

CFES Comité Français d’Education à la Santé

CHRS Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale

CNS Conseil National du Sida

CP Code Pénal

CPI Centre de Placement Immédiat

CREAI Centre Régional de l’Enfance et de l’Adolescence Inadaptée

CROSS Comité Régional de l’Organisation Sanitaire et Sociale

CSP Code de la Santé Publique

CSST Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes

DAS Direction de l’Action Sociale

DDASS Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales

DGLDT Direction Générale de la Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie

DGS Direction Générale de la Santé

DRPJJ Direction Régionale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse

EDDRA Exchange or Drug Demand Reduction Action

ESCAPAD Enquête sur la Santé et les Comportements lors de l’Appel de Préparation à la

Défense

ETP Equivalent Temps Plein

FAE Foyer d’Action Educative

ILS Infraction à la Législation sur les Stupéfiants

INTERREG Inter-Régions (France, Wallonie, Wlanderen)

INSERM Institut National de Santé et de la Recherche Médicale

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IPES Institution Publique d’Education Surveillée

ISES Institution Spéciale de l’Education Surveillée

LSD Lysergic Saure Diethylamid

MILDT Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie

MRPS Maison Régionale de Prévention de la Santé

OFDT Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies

OICS Organisme International de Contrôle des Stupéfiants

ONU Organisation des Nations Unies

OPPIDUM Observatoire des Produits Psychotropes Illicites ou Détournés de leur Utilisation

Médicamenteuse

ORS Observatoire Régional de la Santé

OSS Observatoire du Samu Social

PJJ Protection Judiciaire de la Jeunesse

PNUCID Programme des Nations Unies pour le Contrôle International des Drogues

RTT Réduction du Temps de Travail

SAUO Service d’Accueil d’Urgence et d’Orientation

SEAT Service Educatif Auprès du Tribunal

SNASEA Syndicat National des Associations pour la Sauvegarde de l’Enfant à l’Adulte

SPIP Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation

THC TetraHydro-Cannabinol

TIG Travail d’Intérêt Général

TREND Tendances Récentes et Nouvelles Drogues

UCSA Unité de Consultation et de Soins Ambulatoires

UEER Unité d’Encadrement Educatif Renforcé

ULA Unité de Liaison en Addictologie

VIH Virus de l’Immunodéficience Humaine

VHC Virus de l’Hépatite C

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A. INTRODUCTION

Cette dernière décennie, le phénomène toxicomaniaque a sensiblement évolué vers

un processus de massification, vers une tendance à la polyconsommation et au

rajeunissement du public. Au-delà des conduites délictueuses engendrées par la

consommation de produits psychoactifs illégaux, cette polyconsommation, dans une

proportion croissante, tend à se développer corrélativement à des conduites

délinquantes. L’association à des produits légaux comme l’alcool ou les médicaments

détournés de leur usage, vient accroître le potentiel violent d’un certain nombre de

mineurs.

L’observation de ce phénomène, en tant que directeur d’un Centre Spécialisé de

Soins aux Toxicomanes situé à Saint-Omer, dans le département du Pas-de-Calais, me

confronte dans le même temps, aux difficultés de prise en charge médico-psycho-

socioéducative de mineurs qui sont réfractaires à toute démarche de soins. Les

conduites à risque, l’autodestructivité sont ponctuées par des manifestations

d’hétéroagressivité. Elles alimentent un quotidien qui ne prend plus sens et s’inscrivent

de plus en plus, dans un processus d’échec scolaire et de marginalisation sociale.

L’inadéquation des structures actuelles de prise en charge en milieu ouvert ou

fermé, ne peut que susciter une réflexion institutionnelle et pédagogique. Elle interpelle,

voire nous incite à réviser nos références cliniques et pédagogiques, devant la nécessité

de prendre en compte cette problématique associant la violence et la toxicomanie. Elle

constitue un défi éducatif, en même temps que sanitaire et judiciaire et pose la question

du lien, en raison de la conduite d’évitement de la rencontre avec l’autre, en tant que

sujet.

La prise en charge de tels mineurs, au niveau du Centre Spécialisé de Soins aux

Toxicomanes que je dirige, est difficile. Leur orientation vers le service de familles

d’accueil du Centre de Soins ne peut être envisagée dans un premier temps, en raison

de leurs conduites de violence et de fugue. Aussi, un tel constat m’amène à me poser

les questions suivantes : Quelles réponses psycho-éducatives est-il possible d’apporter,

comme alternatives à l’incarcération, à des mineurs présentant une conduite addictive

associée à des conduites délinquantes ? Quels modes de prise en charge faut-il prévoir

en articulation avec le milieu familial et les multiples partenaires ?

L’exposé de la problématique m’amènera à proposer la création d’un Centre

Educatif Renforcé à versant addictif, comme mode de réponse institutionnel à ce type de

public. Une prise en charge axée sur la dynamique corporelle, prenant en compte

l’articulation entre l’éducatif, le sanitaire et le judiciaire, constituera le point nodal du

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projet d’établissement. Elle interpellera le mineur dans son espace corporel, dans ce lieu

où il exprime sa souffrance et sa toute puissance, tout en lui offrant d’autres modes

d’expression et de résolution de ses difficultés.

La première partie de ce mémoire porte sur l’exposé du phénomène

toxicomaniaque dans ses considérations historiques, sociologiques, sanitaires et

judiciaires. Un développement plus spécifique du phénomène dans le département du

Pas-de-Calais, au travers du paysage institutionnel médical et médico-social, précède la

présentation du Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes, la Porte Ouverte, géré

par l’association ABCD, Aide et Soins aux Toxicomanes à Saint-Omer.

La deuxième partie est consacrée aux rapports entre toxicomanie et délinquance.

L’adaptation de la justice des mineurs à l’évolution de la délinquance juvénile tente de

répondre à la prise en compte d’une problématique dans laquelle les données

psychopathologiques sont très présentes. Elle permet en outre, d’introduire les principes

de l’éducation renforcée comme alternative à l’incarcération et comme cadre de

référence pour une prise en charge éducative adaptée.

Enfin, la troisième partie porte sur l’exposé du projet de Centre Educatif Renforcé à

versant addictif en tant que mode de réponse innovante. Les aspects administratifs,

budgétaires et les données relatives à la gestion du personnel encadrent un projet

pédagogique et thérapique axé sur le réinvestissement corporel et la prise en compte du

quotidien, dans le rapport à l’autre.

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B. TOXICOMANIE ET SOCIETE

I. De la toxicomanie à l'addictologie

1. Une législation controversée

La législation française en matière de drogues est fort ancienne. Le premier

texte important relatif aux "substances dangereuses" est promulgué au XVIIème siècle.

La dénomination de "substances vénéneuses" apparaît au XIXème siècle avec

l'établissement d'une liste de produits dangereux (arsenic, opium, morphine, codéine,

etc) et de contraventions portant sur la vente, l'achat et l'emploi. Cette dénomination

sera reprise dans la loi de 1970. A cette époque, le terme drogue est équivalent de

médicament. Ce sont les conditions d'usage qui posent problème. La découverte

d'une nouvelle drogue (morphine, héroïne, cocaïne, chanvre indien) est souvent

saluée pour ses vertus médicinales1. Dès le début du XXème siècle, un mouvement

prohibitionniste se développe2.

Le contexte international et les relations de coordination entre les Etats dans

leur lutte contre la toxicomanie et le trafic des stupéfiants influent sur la législation

nationale. La loi n°68-1124 du 17 décembre 1968 autorise l'adhésion à la Convention

Unique sur les stupéfiants de 1961 qui propose l'interdiction de l'usage des

stupéfiants. Elle intervient dans un contexte socio-culturel de développement de la

consommation du LSD, du cannabis et de l'héroïne et précède le vote, à l'unanimité

des partis politiques, de la loi n°70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures

sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite

de substances vénéneuses.

1a. Une bipolarisation répression et soins

La loi de 1970 3 présente la particularité de disposer d'un versant

répressif et d'un versant soins, ce qui conduit à considérer le toxicomane, à la

fois comme un délinquant et une personne malade.

Au-delà de cet interdit portant sur la consommation de produits

stupéfiants, la loi prévoit l'anonymat et la gratuité des soins pour toute

personne s'adressant à un centre agréé, comme le recours à l'obligation de

soins que j'aborderai dans le paragraphe suivant. 1. ODDOU A., Les substances psychoactives au XXème siècle. Un siècle de prohibition croissante et diversifiée, Interventions, revue de l'ANIT,

19 mars 2002, n°1, vol. 19, pp 3-24.

2. La Conf érence de Shangaï du 1er février 1909, puis la Convention internationale de la Haye du 23 janvier 1912 condamnent l'abus de drogues et accentuent le mouvement prohibitionniste. En France, la loi du 12 juillet 1916 introduit la notion de stupéfiant et condamne l'usager et le trafiquant.

3. Les principes de la loi de 1970 sont intégrés dans le Code de la Santé Publique (art. L. 627 à L. 630 et R. 5171 à R. 5182)

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Depuis sa promulgation, la loi de 1970 ne cesse d'alimenter des

débats. D'aucuns soulignent cette dichotomie délinquant / malade en tant que

position inconciliable, dénonçant au passage l'inefficacité de cette loi qui n'a

pas permis d'empêcher l'évolution du phénomène toxicomaniaque. Cette

critique procède d'une démarche globalisante. Elle ne prend pas en compte le

fait que les conditions et modalités d'application d'une loi dépendent d'une

volonté politique et de ses orientations. En outre, l'organisation des soins et

les moyens budgétaires mis à disposition pour l'appliquer en matière sanitaire

et sociale, ont été longs à se mettre en place et restent encore modestes.

L'évolution des valeurs éducatives dans leur rapport à l'interdit, celle

des relations parents-enfants autour de l'exercice de l'autorité parentale,

comme l'évolution des structures familiales, sont à prendre en compte. De

même, l'introduction et la prégnance des outils modernes de communication

dans la vie domestique n'est pas sans incidence sur l'évolution des

comportements des jeunes. Dans le rapport aux images télévisuelles, la

passion des jeux vidéos 4, l'utilisation d'Internet 5, c'est la question de la

dépendance à un objet, autre que l'objet maternel, qui se pose et parfois très

précocement, comme pour la télévision.

Cette donnée culturelle est souvent escamotée dans les débats et

interroge les notions de limite, de frustration, de disponibilité affective

parentale 6. Aussi, ne doit-on pas attendre d'une loi qu'elle règle un problème

de société. Elle rappelle un interdit, ce qui est permis et défendu. Si elle limite,

contient l'initiative et sanctionne les conduites inappropriées, elle protège la

société comme l'individu contre ses tendances destructrices.

4. De plus en plus de jeunes passent plusieurs heures par jour devant l'ordinateur ou les consoles de jeux vidéos. Il en est ainsi des "otaku" au

Japon, qui désignent des jeunes qui fuient les relations interpersonnelles et préfèrent rester dans leur chambre en s'immergeant dans les dessins animés, l'Internet et les jeux vidéos (BARRAL E., Otaku, les enfants du virtuel, Paris : Denoël, 1999, 314 p.). Plus généralement, les "nerds" désignent ces jeunes un peu partout dans le monde, qui fuient leur environnement proche, passent leur temps seuls devant l'ordinateur tout en étant en contact avec le monde entier. Ils s'intègrent dans une nouvelle sociabilité aux contours mal définis, susceptible de manipulations diverses (LEMOS A. La Cyberculture, les nouvelles technologies et la société contemporaine, thèse de doctorat de sociologie, Paris V).

5. FINKIELKRAUT A., Fatale liberté, in FINKIELKRAUT A., SORIANO P., Internet, l'inquiétante extase, Paris : Fayard Mille et Une nuits, 2001, 93 p., pp.17-48. L'auteur interroge ce nouveau rapport à un monde qui devient plus flexible, plus interactif et nous introduit dans l'ère du "sur-mesure". Il pose alors la question : "que devient le monde si le monde est mon monde ?" (Internet, l'inquiétante extase, ibid, p.23). Elle n'est pas sans faire écho à la description de Charles DUITS de son expérience avec le peyolt : "Brusquement je passai de l'autre côté – de mon côté. Je vis ce que j'avais toujours voulu voir, sentis ce que j'avais toujours voulu, sentis ce que j'avais toujours voulu sentir. Une énorme illusion noire s'envola. Je vis simplement ceci – que LE monde était MON monde" (Vision et hallucination, l'expérience du peyolt en littérature, Charles DUITS, Revue question de, 1994, 95, 173 p., p.75). FINKIELKRAUT avance la notion de liberté fatale pour désigner cette soumission de la réalité à notre volonté, nous situant dans une position de toute puissance et s'interroge sur notre capacité à nous fixer des limites : "L’Internet favorise la constitution d'un individu zéro-délai qui ne conçoit la réalité que comme malléabilité. Il sera particulièrement difficile de convertir cet enfant gâté à la pensée des limites ou au sens de la mesure" (Internet, l'inquiétante étrangeté, ibid, p.48).

6. MIEL C., Genèse de la toxicomanie : approche clinique. Le Journal des Psychologues, novembre 1998, n°162, pp. 23-25.

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Le compromis historique entre le soin et la répression induit par la loi

de 1970 se trouve alors dénoncé : "quel est le sens d'un interdit qui ne peut

pas être porté par les adultes dans leur relation éducative ? Là encore, la

pénalisation de l'usage conduit à accepter de donner la prépondérance à

l'action de l'institution juridico-policière et empêche le nécessaire

développement de régulations sociales et d'autocontrôles" 7. Faut-il supprimer

un interdit édicté par une loi, sous prétexte que l'exercice de l'autorité, au

niveau de la fonction éducative, s'est affaibli ? En quoi sa suppression

permettrait-elle "le développement de régulations sociales et d'autocontrôles"

alors que ces dernières décennies, toute référence à l'autorité dans le

discours social apparaissait comme un sujet tabou ? Ne faudrait-il pas au

contraire, contenir, soutenir et accompagner des fonctionnements familiaux

afin de redécouvrir la nécessité de la différenciation intergénérationnelle,

l'intérêt des repères éducatifs, des rôles et des responsabilités dévolus à

chacun ?

Ce n'est pas tant la référence à la répression et au soin dans une

même loi qui est problématique. C'est leur articulation dès lors qu'elle ne

repose pas, au niveau des pratiques, entre les professionnels des institutions

judiciaires, sanitaires et sociales, sur des mécanismes de régulation, de

reconnaissance mutuelle des champs et des modalités d'interventions de

chacun. Au lieu d'y voir "une tension entre une logique répressive et une

logique de soin dont le résultat est la dualisation de la politique en matière de

toxicomanie" 8 il m'apparaît intéressant de percevoir dans cette tension, la

possibilité de l'émergence d'un espace d'expérimentations et d'adaptations

diverses des structures de soins et des pratiques professionnelles, en fonction

de l'évolution du phénomène.

1b. Pour une démarche concertée de la répression et des soins

L'interdit portant sur l'usage de consommation de produits stupéfiants

est une manière de rappeler à la personne qu'elle a le devoir de prendre soin

de son corps et de soi-même, comme de respecter autrui. L'interdit fonde le

rappel de la loi qui signifie à la personne sa citoyenneté et l'incite à la

réinvestir : "le cadre de la Loi constitue un repère important pour le

7. MOREL A., Les intervenants en toxicomanie et la loi de 1970. Psychotropes , décembre 1997, vol. 3, n°4, pp.81-91, p.87.

8. ALLEMAND S., Les politiques françaises de lutte contre la toxicomanie. Vers différentes formes de contrôle social, Interventions, revue de l'ANIT, octobre 1998, n°66, pp. 3-7, p. 3.

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toxicomane, qui "erre" bien souvent non seulement au sein de la société, mais

aussi au sein de son être propre" 9. Le rappel de la loi ne se réduit pas à des

injonctions mais s'inscrit dans un ensemble de mesures d'aménagement de la

peine (permissions de sortie, semi-liberté, chantier extérieur, libération

conditionnelle) et dans un projet de soins et d'autonomie sociale. Les chances

de provoquer un changement de comportement se trouvent alors accrues. Le

rappel de la loi s'effectue aussi par le prononcé de mesures alternatives à

l'incarcération. Il en est du sursis simple, du sursis avec mise à l'épreuve, des

peines de substitution visées par la loi de 1975 et du travail d'intérêt général

prévu dans la loi du 10 juin 1983*.

Au-delà des sanctions judiciaires portant sur l'usage de produits

stupéfiants, il est des voix qui dénoncent l'interdit portant sur la consommation

du cannabis ou d'autres produits à titre privé 10. La notion de produit stupéfiant

se trouve contestée et ne repose pas sur une justification scientifique dans le

classement des substances psychoactives en produits licites et illicites, selon

leur degré de dangerosité 11.

Il est admis que la mortalité et la morbidité dues à la consommation

d'alcool et de tabac sont nettement plus importantes. Une dépénalisation,

voire une légalisation de la consommation des drogues 12 augmenteraient

nécessairement les taux de mortalité et de morbidité actuellement observés.

De telles orientations politiques en matière de santé seraient de plus mal

venues à une période de renforcement de la législation au niveau de la

consommation du tabac et de l'alcool 13.

La dangerosité des drogues ne peut s'évaluer uniquement par rapport au

taux de mortalité mais aussi en terme de modification du comportement qui

influe sensiblement sur l'adaptation scolaire et sociale.

9. PASSET I., Interdit, sanction, alternative. Interventions, revue de l'ANIT, Journées nationales mai 1991, n° 30-31, pp. 41-44, p. 42. 10. En 1992, l'Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie (ANIT) prend une position publique pour la dépénalisation de l'usage des

drogues et en 1994, dans son manifeste « Changer de cap », se prononce pour "une forme de législation du cannabis" (MOREL A., Les intervenants en toxicomanie et la loi de 1970, ibid, p. 88).

11. ROQUES B., La dangerosité des drogues . Rapport au Secrétariat d'Etat à la Santé, la Documentation française, Paris : Odile Jacob, 1998. 12. Dans la dépénalisation, l'usage n'est plus réprimé. Elle peut porter sur le cannabis ou sur toutes les drogues. Dans la légalisation, l'usage

n'est plus interdit et la consommation relève d'un commerce organisé par l'Etat ou d'une distribution contrôlée. Cette orientation vise à mettre fin à une économie parallèle et à garantir la qualité des produits (CABALLERO F., Droit de la drogue. Paris, Dalloz, 1989, 816 p.). Il s'agit d'un objectif relatif, étant donné qu'il est observé aujourd'hui un développement du trafic d'alcool et de tabac, produits contrôlés par l'Etat. D'autre part, la sortie de nouvelles drogues sur le marché parallèle viendrait concurrencer les drogues légales.

13. Il en est de la loi EVIN qui interdit la consommation du tabac dans les lieux publics et dans le milieu professionnel, comme de la législation relative à la conduite automobile sous l'effet de l'alcool et des produits stupéfiants. La loi n° 2003-87 du 3 février 2003 relative à la conduite sous l’influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants, condamne toute personne conduisant après avoir fait usage de stupéfiants, à deux ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende. Des sanctions plus graves sont prévues en cas d’homicide ou de blessures volontaires.

* Le sursis simple, est une peine d'emprisonnement qui n'est pas exécutée dans un délai de 5 ans, s'il n'y a pas eu de nouvelle peine. Le sursis avec mise à l'épreuve, correspond à la non exécution de la peine ferme, en contrepartie du respect d'obligations pendant un délai de 18 mois à 3 ans. Les peines de substitution, correspondent à des suspensions, annulations de permis de conduire, etc. Le travail d'intérêt général, est un travail gratuit au profit d'une collectivité publique ou d'une association, d'une durée de 40 à 240 heures.

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Des études anciennes et récentes 14 dénoncent les méfaits à long

terme d'une consommation prolongée de cannabis, d'autant plus qu'elle

intervient désormais précocement et contribue à un désinvestissement et

échec scolaire avec ses implications en terme d'insertion sociale. Les méfaits

d'une consommation de drogue ne peuvent s'évaluer uniquement sur le

versant sanitaire, mais aussi social.

1c. Une réponse sanitaire et sociale diversifiée

Si la mise en œuvre de l'injonction thérapeutique est précisée

dans l'article L 628-1 du CSP, sa dénomination n'apparaît que dans une

circulaire du Garde des Sceaux du 17 septembre 1984. Elle nécessite une

collaboration entre le Procureur et le médecin de la DDASS chargé des

injonctions thérapeutiques. Le bilan réalisé en 1987 conclue à un échec mais

sa réactivation par le Ministre de la Santé, met en évidence en 1991, suite à

une évaluation réalisée par l'INSERM, que "pour 59 % des personnes ayant

bénéficié d'une mesure d'injonction, celle-ci a été l'occasion d'un premier

recours aux soins" 15.

La cure de désintoxication ordonnée par le Juge d'Instruction

ou le Juge des Enfants (art. L 628-2 CSP) va se développer dans le cadre du

recours au contrôle judiciaire. Une autre obligation de soins peut être

prononcée par la juridiction de jugement. Les mesures judiciaires comme

l'injonction thérapeutique et les obligations de soins, dans un cadre pré-

sententiel ou post-sententiel 16 ont souvent été décriées pour leur caractère

inopérant.

Cette affirmation souvent présentée sur le mode de l'évidence

ne tient pas compte des nombreuses résistances exprimées par les

professionnels du secteur sanitaire et social qui se réfèrent, dans les années

1970 et 1980, au modèle psychanalytique dominant. Il est attendu du

toxicomane qu'il adhère au cadre thérapeutique préalablement fixé reposant

sur l'écoute silencieuse et l'attention flottante.

14. NEGRETE J.C., Les effets psychopathologiques de l'usage du cannabis. Psychotropes, hiver 1985, vol. II, n°1, pp. 83-94. WIEVIORKA S., Aspects médico-psychologiques de la consommation de cannabis. Revue du Praticien, 1995, 45, (11), 1367-1370. HACHET P. Ces ados qui fument des joints, Paris : Fleurus, 2000, 200 p..

15. SIMMAT-DURAND L., Les obligations de soins aux toxicomanes. Cadre législatif, évolution réglementaire et statistique. Psychotropes, 1997, 4, pp.127-144, p.129. Le plan gouvernemental de lutte contre la drogue du 21 septembre 1993 rappelle la nécessité du développement de l'injonction thérapeutique, de même que la circulaire conjointe DGLDT / CRIM DGS n°206 du 28 avril 1995, relative à l'harmonisation des pratiques relatives à l'injonction thérapeutique (BO justice n°58 du 30 juin 1995). Cette dernière rappelle la possibilité pour le Procureur de recourir au classement sans suite avec avertissement ou signalement à la DDASS.

16. L'obligation de soins, dans le cadre pré-sententiel, est prononcée par le magistrat instructeur (art. 138 du Code de Procédure Pénale) pour un prévenu laissé en liberté provisoire et soumis à un contrôle judiciaire. Dans un cadre post-sententiel, elle est prononcée par le président du Tribunal au moment du jugement (art. 132-44 et 45 du nouveau Code Pénal) avec un sursis avec mise à l'épreuve, ou par le juge d'Application des Peines lors d'une libération conditionnelle (art. 731 et D 536 du Code de Procédure Pénale) ou d'une mise à l'épreuve.

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Sa relative motivation comme son absence de demande ne sont pas

propices à l'instauration d'une alliance thérapeutique avec un interlocuteur qui

se place en position d'attente 17.

Des expressions comme « il est nécessaire que la demande émerge,

on ne peut obliger quelqu'un à se soigner » traduisent davantage l'échec

d'une approche thérapeutique inappropriée à ce type de public pour lequel la

prise de produit vise à l'anéantissement de tout désir. Ces affirmations

relèvent d'un fonctionnement tautologique. Elles dénoncent une réalité que les

acteurs eux-mêmes contribuent à mettre en place. Elles opèrent comme des

croyances 18 qui ne souffrent d'aucune remise en question tant qu'elles ne

sont pas mises en confrontation avec d'autres modèles théoriques. Il ne s'agit

pas pour autant de dénier l'apport du modèle psychanalytique mais celui-ci,

dans son approche thérapeutique, nécessite un aménagement du cadre pour

engager un processus de changement, la mesure judiciaire se présentant

comme "un levier intéressant pour réintroduire dans la relation thérapeutique

une instance tierce symbolisant la société et ses règles de fonctionnement" 19.

Dès la promulgation de la loi de 1970, diverses expériences de prises

en charge ou d'accompagnement voient le jour en milieu hospitalier (sevrage)

et associatif (centres d'accueil, familles d'accueil, post-cure), ces dernières

étant rattachées soit à la Direction Générale de la Santé (DGS), soit à la

Direction de l'Action Sociale (DAS). Par circulaire du 22 février 1984 –

DDGS/106/2D, le système de soins spécialisés en toxicomanie est transféré à

l'Etat, alors qu'il passait jusque-là convention avec les départements.

2. La médicalisation de la toxicomanie

2a. L'avènement des produits de substitution

L'arrivée du Sida modifie le dispositif de prise en charge et la

législation. Le décret du 13 mai 1987 assouplit les conditions de délivrance

des seringues et le décret 89-560 d'août 1989 autorise la mise en vente libre

des seringues dans les pharmacies. Dans le même temps, l'hébergement des

toxicomanes 20 préoccupe les pouvoirs publics.

17. DEBOURG, s'appuyant sur son expérience clinique, constate que "l'injonction thérapeutique n'est un obstacle que pour ceux qui considèrent qu'une "demande authentique" avec son corollaire de (psycho) thérapie pure, aseptisée, sans compromis ni médicaments, est seule digne d'être prise en compte. Or, aucun toxicomane ne demande une psychanalyse ou une psychothérapie d'emblée" (DEBOURG A., L'injonction thérapeutique. A propos des soins sous contrainte, Psychotropes, 1997, vol 3, n°4, pp. 201-207.).

18. BERGERON M., L'état et la toxicomanie : histoire d'une singularité française. Paris : PUF Sociologies, 1999, 384 p. 19. CRETE R., Le toxicomane, le juge et le soignant. Alliances et coalitions, Psychotropes, Masson, 1997, vol 3, n°4, pp. 65-79, p.77. 20. Le 4 décembre 1987, la circulaire DGS/155/2D développe et organise les familles d'accueil. Le 31 juillet 1988, la circulaire DGS/895/2D

affirme la nécessité de diversifier les réponses en matière d'hébergement.

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La faiblesse des moyens relevée dans ce domaine 21, conduit à la

parution du décret n° 92-590 du 29 juin 1992. Celui-ci accorde la

dénomination de Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes (CSST) avec

ou sans hébergement, aux établissements agréés pour le soin aux personnes

toxicomanes qui fonctionnaient, à titre expérimental, depuis 22 ans. Le

financement, bien que moins précaire, reste hors statut de droit commun.

Afin d'enrayer l'épidémie du Sida 22 qui touche particulièrement la

population toxicomane, il est préconisé le recours aux produits de substitution 23 qui accentue la politique de réduction des risques, déjà inaugurée par

l'autorisation de la délivrance de seringues. La circulaire DGS n° 14 du 7 mars

1994 prévoit le cadre d'utilisation de la méthadone dans la prise en charge

des toxicomanes. Les centres agréés sont seuls habilités à la prescrire. La

buprénorphine haut dosage (Subutex ®) est commercialisée en février 1996.

Elle peut être prescrite par tout médecin généraliste.

Des réseaux ville-hôpital 24 impliquant un Centre hospitalier, un CSST

et un réseau de médecins généralistes, se constituent. Ils visent à améliorer la

prise en charge des toxicomanes par une meilleure coordination entre les

acteurs. Plus récemment, des Unités de Liaison en Addictologie 25 (ULA) se

créent dans les Centres Hospitaliers. Il s'agit de repérer, dépister et mieux

prendre en compte la problématique des personnes présentant une conduite

d'usage nocif de produits stupéfiants.

Avec le développement de la substitution, il s'observe une implication

forte du milieu médical hospitalier et libéral qui n'est pas sans incidence sur le

regard porté sur la toxicomanie et sur l'appréhension de l'acte

toxicomaniaque. Celui-ci n'est plus un agir qui se substitue à une parole mais

un symptôme à traiter.

2b. L'impulsion de la Mission Interministérielle de Lutte contre la

Drogue et la Toxicomanie

21. La circulaire DGS/2D n°20 du 23 mars 1992 souligne les faiblesses en capacité d'hébergement. Fin 1992, il est recensé 60 centres de soins

avec hébergement (Toxicomanies et lois : controverses, ibid, p.52).

22. Le rapport TRAUTMANN (Lutte contre la toxicomanie et le trafic de stupéfiants, Rapport au Premier Ministre, octobre 1989) préconise de revoir le problème de la toxicomanie dans une perspective de prophylaxie du Sida.

23. La circulaire DGS/2D n°20 du 23 mars 1992 précise que le traitement sous méthadone ne doit constituer qu'un recours transitoire dans une démarche de soins. Le 10 septembre 1992, un arrêté du Ministère de la Santé définit les conditions de la prescription et de la délivrance aux toxicomanes des médicaments à base de buprénorphine.

24. Selon la circulaire DGS/DH n°15 du 7 mars 1994. 25. La circulaire DHOS/EO2 – DGG/SD 6B 2000/460 du 8 septembre 2000 définit les missions et le fonctionnement des Unités de Liaison en

Addictologie.

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L'évolution récente de la législation et du dispositif de prévention et de

santé a été rendue possible sous l'impulsion d'une instance interministérielle 26

qui a tenté d'articuler et de coordonner des secteurs aussi différents que le

judiciaire, le sanitaire et le social, avec des succès variables. Dans sa dernière

version, elle s'intitule la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et

la Toxicomanie (MILDT) et se trouve placée sous la responsabilité du Premier

Ministre. Son plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des

dépendances 1999-2001 préconise le dépassement de la distinction produits

licites et illicites, le regroupement des Centres de Consultation Ambulatoire en

Alcoologie (CCAA) et des Centres Spécialisés de Soins aux Toxicomanes

(CSST) et l'introduction des notions d'usage, abus et dépendance 27 et du

concept d'addiction.

Ces orientations réinterrogent les pratiques professionnelles et les

modes de réponses apportés à la toxicomanie. Elles occasionnent un

changement profond au niveau organisationnel et au niveau du financement

des structures de soins. La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action

sociale et médico-sociale intègre les CSST dans le dispositif médico-social et

les soumet à un certain nombre de réglementations relatives à l'obtention de

l'agrément, aux modalités de prise en charge et à l'auto évaluation interne.

Enfin, le 1er janvier 2003, les CSST intègrent le dispositif de droit

commun et bénéficient d'un financement assurance maladie. Cette

sécurisation des financements permet d'engager des actions à long terme, de

rassurer les professionnels sur leur devenir et de capitaliser les compétences

des équipes en place 28.

2c. Une clinique du sujet à redécouvrir

En terme de prévention, la question du maintien de l'interdit sur la

consommation des drogues se pose avec la banalisation de la consommation

du cannabis, l'application diversifiée de la loi selon les juridictions, la crainte

de la marginalisation des consommateurs.

26. Sur proposition du rapport PELLETIER (Rapport de la mission d'étude sur l'ensemble des problèmes de la drogue, Paris, 1976), le décret

n°82/10 du 8 janvier 1982 crée la Mission Interministérielle de Lutte contre la Toxicomanie (MILT) placée auprès du Ministre des Affaires Sociales et de la Solidarité Nationale. En 1990, lui succède la Délégation Générale à la Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (DELDT) par décret n° 96-350 du 24 avril 1996. Elle coordonne 11 ministères et dispose, pour son fonctionnement, de personnels mis à disposition par les ministères concernés.

27. Ces notions se sont notamment imposées dans le champ de la prévention, après la parution du rapport PARQUET (PARQUET P.J., Pour une politique de prévention en matière de comportements de consommation de substances psychoactives , Vanves, CFES, 1997).

28. Auparavant, le budget des Centres de Soins relevait d'un budget ministériel provenant de la Direction Générale de la Santé (DGS) complété, selon le cas, par des financements provenant de la MILDT et des collectivités territoriales. Seul le financement DGS passe à l'assurance maladie, ce qui se traduit par un versement mensuel établi sur la base d'un budget global accordé. Ce changement évite les inquiétudes permanentes quant à la reconduction des financements dans leur intégrité, les aléas liés aux changements d'orientations politiques en matière de toxicomanie, comme le recours à des découverts bancaires parfois importants. Le décret n° 2003-160 du 26 février 2003 fixe les conditions minimales d'organisation et de fonctionnement des Centres Spécialisés de Soins aux Toxicomanes.

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Il importe toutefois de rappeler que, sur le long terme, il est respecté

par une majorité de jeunes. Un interdit donne lieu à une confrontation avec le

monde de l'adulte, à un débat contradictoire et sa transgression masque

toujours un appel à l'aide quand elle ne s'inscrit pas dans une quête de

limites29.

Le fait de substituer à la distinction produits licites/illicites, la prise en

compte des conduites d'usage et de mésusage quelque soient les produits 30,

n'est pas suffisant en soi. C'est minimiser les effets neurobiologiques

spécifiques aux produits et cette disposition apporte un argument

supplémentaire aux tenants de la dépénalisation, voire de la législation de

l'usage du cannabis ou de tous les stupéfiants.

L'argument selon lequel le toxicomane, susceptible de faire l'objet de

poursuites judiciaires, se trouve marginalisé et empêché d'entrer en contact

avec des structures de soins, est une position difficilement tenable 31. La

demande de soins du toxicomane est toute relative, et la diversification des

modes d'approche et de prise en charge existe aujourd'hui.

Un certain nombre de pays européens 32 se sont engagés sur la voie

de la dépénalisation du cannabis, mais cette orientation est nullement

partagée par l'Organisation des Nations Unies 33. L'OICS(Organisme

International de Contrôle des Stupéfiants) 34 en 2003, s'alarme des effets de la

libéralisation des drogues douces et de la mise en place de certaines

structures qui vont à l'encontre de la lutte contre les stupéfiants. L'OICS

montre du doigt les Pays-Bas qui, depuis janvier 2002, autorise la délivrance

sur ordonnance d'herbe de cannabis sous forme de préparation réalisée en

pharmacie. La Suisse est désignée aussi, pour l'ouverture à Zurich en avril

2002, d'une salle d'inhalation pour les usagers de drogues.

29. C'est la question même de la nécessité de l'interdit qui souvent est posée or, "pour se construire en tant que sujet, l'interdit est essentiel, ne

serait-ce que pour le transgresser ou s'y opposer" (LE BRETON D. L'adolescence à risque, Paris : Ed. Autrement, 2002, 184 p., p.5). 30. Cette proposition apparaît dans le rapport de la Commission Henrion (HENRION R. Rapport de la commission de réflexion sur la drogue et

la toxicomanie. Paris : la documentation française, 1995). 31. Rapport du Conseil National du Sida (CNS) intitulé : Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu public : Propositions pour une

reformulation du cadre législatif. Rendu public le 6 septembre 2001, ce rapport, dans un souci de réduction des risques sanitaires et sociaux et d'accès aux soins, préconise notamment la levée de l'interdiction pénale de l'usage personnel de stupéfiants et de l'acquisition et la détention de stupéfiants à des fins de consommation personnelle. Il demande l'abandon de l'art. L 3421-4 portant sur le délit de présentation "sous un jour favorable" de l'usage de stupéfiants. Récemment, un rapport sénatorial réaffirme l’importance de la loi pour garder un lien avec les usagers de stupéfiants et propose le recours à une sanction graduée : « La commission d’enquête préconise donc de prévoir une contravention en cas de première infraction et de maintenir le délit assorti d’une peine d’emprisonnement d’un an en cas de récidive ou de refus de soins ou d’orientation » (OLIN N., PLASAIT B. Drogue : l’autre cancer. Rapport de la Commission d’enquête sénatoriale sur la politique de lutte contre les drogues illicites, 28 mai 2003, Tome III).

32. Ce sont les pays suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal. Seuls le Danemark, la Finlande, la France, la Grèce et la Suède sanctionnent la possession, la consommation et la vente de drogues.

33. En 1998, le PNUCID (Programme des Nations Unies pour le Contrôle International des Drogues) désapprouve l'orientation d'Etats membres de l'Union Européenne vers la dépénalisation des usages.

34. L'OICS, Comité scientifique de l'ONU, publie un rapport annuel sur l'évolution du trafic et de la consommation, au niveau international.

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L'OICS recommande de revenir à des pratiques plus saines d'autant

que la consommation de drogues de synthèse 35 et de cocaïne augmente.

Derrière ces prises de position, c'est la question de l'abstinence en amont ou

à terme pour les personnes en démarches de soins, qui se pose. La société

est-elle en mesure de proposer un projet de vie pour sa jeunesse qui lui

permet d'éprouver du plaisir autrement que par la consommation de

stupéfiants ? Ce plaisir relève davantage de la jouissance 36 dans un premier

temps, pour se réduire à une lutte contre la douleur du manque ou à un

maintien d'un état d'anesthésie psychique plus ou moins accentué.

Le même questionnement se trouve en filigrane derrière le

développement des pratiques de substitution qui a entraîné une

médicalisation excessive de la toxicomanie. L'initialisation des personnes

toxicomanes sous méthadone s'inscrit d'abord dans un cadre thérapeutique

strict 37 avant que celui-ci ne soit assoupli un an plus tard 38. Tout récemment,

l'initialisation sous méthadone est autorisée en dehors des centres agréés 39.

Le Subutex® 40 rencontre un succès rapide auprès des personnes

dépendantes aux opiacés, en raison de son mode de prescription plus souple,

mais rapidement, les mésusages (prise en sniff ou en shoot), le nomadisme et

le trafic 41 apparaissent.

La substitution permet indéniablement une amélioration de l'état

sanitaire des patients (VIH, hépatites, etc.), une intervention plus précoce

dans le processus toxicomaniaque, une stabilisation des relations avec

l'entourage familial, une amélioration de l'insertion socio-professionnelle 42.

Elle tend cependant à remplacer la dépendance à un opiacé par la

dépendance à un médicament. Elle réduit la toxicomanie, problème de

comportement social, à une maladie.

35. Les Pays-Bas produisent à eux seuls par l'intermédiaire de laboratoires clandestins 90 % de l'ecstasy consommé dans l'Union Européenne. 36. "Il y a jouissance quand la pulsion n'a plus pour satisfaction le rapport à l'objet mais la transgression permanente de cette limite qui bientôt

n'existe plus en tant que telle " (MIEL C. L'accès à la représentation. A partir d'une clinique psychanalytique du toxicomane, Thèse de doctorat de psychopathologie fondamentale et psychanalyse : Université Paris VII, 2002, 327 p., p. 14).

37. La circulaire DGS n° 14 du 7 mars 1994 prévoit des conditions d'accès strict à ce traitement et précise les modalités de prescription. 38. La circulaire DGS n° 4 du 11 janvier 1995 laisse au prescripteur les possibilités d'évaluer l'opportunité d'un traitement. 39. Circulaire DGS/DHO5 n° 2002/57 du 30.01.2002 relative à la prescription de la méthadone par les médecins exerçant en établissement de

santé, dans le cadre de l'initialisation d'un traitement de substitution pour les toxicomanes dépendants majeurs aux opiacés.

40. Il s'agit de la Buprénorphine Haut Dosage qui se présente sous la forme de comprimés (BHD). Elle est prescrite par des médecins généralistes.

41. Rapport INSERM : Evaluer la mise à disposition du subutex® pour la prise en charge des usagers de drogue, juin 1998. 42. CARRY C. – Substitution : une toxicomanie sous contrôle, in Toxicomanies et lois : controverses, ouvrage collectif, Paris : l'Harmattan,

2002, pp. 135-172, p. 155. L'auteur indique : "Début 2001, on estime à plus de 70 000 le nombre de personnes sous Subutex® (4 ans après sa mise sur le marché) et à 10 500 celui sous méthadone dont 5 000 en pharmacie de ville (le Flyer, n° 3, Laboratoire du Dt E. Boucharas) : la substitution touche donc un héroïnomane sur deux (estimés entre 130 et 150 000 par le système sanitaire et social) et le Subutex® représente 90 % de ces traitements."

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D'un côté, le toxicomane se complait dans une relation médecin-patient et fait

souvent l'impasse d'une prise en charge psychosociale 43.De l'autre côté, le

médecin généraliste, en raison d'une indisponibilité ou d'une attitude

d’indépendance liée à sa pratique libérale, s'ouvre peu à un travail en réseau 44.

La prescription du Subutex® auprès des mineurs n'est pas rare, de

même que la consommation précoce due au trafic et le mésusage. Le recours

à la substitution s'accompagne d'une augmentation de la consommation de

cocaïne et de benzodiazépines 45. Ce mode de traitement thérapeutique a

pour effet d'amener une bonne partie de la population toxicomane, à rejoindre

la cohorte des consommateurs de médicaments psychotropes 46.

La remise en cause de la distinction entre drogues licites et illicites au

regard de leur taux de mortalité et de morbidité, l'attention portée désormais

sur les conduites d'usage, l'abandon progressif de la notion d'abstinence au

profit d'une politique de réduction des risques, avec la survenue du sida,

modifient sensiblement le paysage institutionnel et les approches cliniques.

Des rapprochements entre les champs d'intervention en alcoologie et

toxicomanie s'effectuent au profit du développement d'une discipline nouvelle,

l'addictologie, reposant sur un concept fédérateur, celui d'addiction 47.

La fonction du produit dans la dynamique psychique, sur laquelle je

reviendrai, le parcours de vie des usagers comme les modes de traitement

apportés, la mise en évidence d'une activité neurobiologique commune,

conduisent à dépasser les clivages entre les différentes addictions.

43. Cette relation, même si elle s'inscrit dans un contexte médicalisé, prolonge une quête affective initiale dont les insatisfactions et les

frustrations ont donné lieu à un déplacement sur l'objet concret comme la drogue (MIEL C. La toxicomanie ou la quête impossible de l'objet , Psychotropes, vol. 8, n°1, 2002. De Boeck Université, pp.7-21). Beaucoup de phénomènes transférentiels et contretransférentiels s'expriment dans cette relation. Ils échappent bien souvent au médecin généraliste.

44. Après quelques années, le nombre de médecins généralistes impliqués dans les traitements de substitution tend à diminuer, en raison des conduites exigeantes voire violentes des patients et d'une tendance à la désaffectation de la clientèle traditionnelle. Selon un bilan effectué par les Comités de suivis départementaux des traitements de substitution en 1998, le nombre de médecins impliqués au niveau national est de 6 %. Il est en diminution depuis.

45. La dernière enquête nationale OPPIDUM (Observation des Produits Psychotropes Illicites ou Détournées de leur Utilisation Médicamenteuse) d'octobre 1999, le révèle. Le dispositif TREND (Tendances Récentes et Nouvelles Drogues) récemment mis en place par l’OFDT, permet d’identif ier et de décrire les phénomènes émergents liés à l’usage de produits psychoactifs. Il consiste en la collecte d’informations sur des pôles préalablement définis comme celui de Lille, au travers du réseau d’associations intervenant en milieu urbain et festif. Il est noté : « depuis 1999, un rajeunissement des usagers est constaté allant jusqu’à toucher en 2001 les 16-17 ans. Les primo-consomateurs de Subutex® (c’est-à-dire non consommateurs d’héroïne auparavant) sont en hausse ; il s’agit souvent de jeunes de moins de 25 ans en situation précaire. Le Subutex® est donc encore souvent le produit débutant la toxicomanie chez les jeunes (…) Le phénomène des anciens héroïnomanes passant à la cocaïne semble s’amplifier : étant donné le sentiment qu’il n’y aurait pas de dépendance à la coke ils essaient d’arrêter l’héro, et passent au Subutex®. D’autre part, les substitués ne sentant plus les effets de l’héroïne passent à la cocaïne pour avoir un flash » (BELLO P.Y, TOUFIK A., GANDILHON M., GIRAUDON I., Phénomènes émergents liés aux drogues en 2001. Rapport TREND, juin 2002, OFDT, Tome II, P.314 et 315).

46. ZARIFIAN E. Le prix du bien-être, Psychotropes et société, Paris : Odile Jacob, 1996, 282 p. Des paradis plein la tête, Paris : Odile Jacob, 2000, 222 p.

47. Cette notion est apparue dans les années 1970 dans la psychiatrie nord-américaine avant d'apparaître en France dans les années 1990, après un passage dans la terminologie nosologique anglo-saxonne pour désigner les toxicomanies. MM. JACQUET et A. RIGAUD en donnent la définition étymologique suivante : "To be addict to" signifie en anglais "s'adonner à", ce qui comporte une dimension d'activité et indique un sens différent de celui de ses synonymes français "dépendance" et habitude", ou encore "assuétude" voire "assujettissement", chacun marqué de passivité et d'abandon". JACQUET MM, RIGAUD A. Emergence de la notion d'addiction, in LE POULICHET S. (sous la direction de) Les addictions , Paris : PUF, 2000, 222 p. 11-79, p.13.

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De telles évolutions accentuent le développement de la médicalisation de la

toxicomanie. Le risque est de promouvoir une hégémonie médicale qui

"sonnerait la défaite des sciences sociales et les approches

psychodynamiques ou psychosociales et aurait pour conséquence de rendre

impossible toute appropriation par la communauté sociale des questions sous-

jacentes (la recherche du plaisir, la place de la pharmacologie dans nos

quotidiens, etc.)" 48.

L'enjeu est bien la capacité à terme, à renouveler une pensée théorico-

clinique centrée sur le sujet 49, alors que la toxicomanie en vient à être

considérée comme une maladie, à la faveur d'une prédominance accrue des

modèles explicatifs neuro-biologiques et d'un développement de la

pharmacopée 50. Il est fait l'impasse sur les déterminants sous-jacents à la

prise de drogues comme la dépressivité, les problématiques socio-familiales,

les conduites de révolte, déterminants auxquels d'autres alternatives

thérapeutiques sont susceptibles de répondre 51.

La présentation du cadre juridique et administratif du dispositif français

de lutte conte la toxicomanie a permis de mettre en évidence les tensions

existant entre les champs judiciaire et sanitaire. Elles sont, pour ma part,

productrices de sens et de réponses originales, c'est davantage leur

articulation qui pose parfois problème. D'autres y voient au contraire des

contradictions importantes que nécessitent la révision de la loi de 1970, afin

de considérer essentiellement le toxicomane comme un malade. Ce serait

déléguer au pouvoir médical, la possibilité de recourir à un enfermement

chimique qui se substituerait au rappel de la loi réelle dont la confrontation,

selon des modalités déjà appliquées auprès des usagers, est déterminante.

Ce débat entre prévention et soins d'une part et répression d'autre

part, se retrouve dans l'approche de la délinquance juvénile.

48. MOREL A. Fondements historiques et cliniques d'un rapprochement , Alcoologie et addictologie, 2002, 24 (4 suppl.), pp.105-195, p.185. 49. Elle a existé dans les années 80 et se trouvait très influencée par des travaux psychanalytiques : BERGERET J. La personnalité du

toxicomane, in Toxicomanies et réalités, Lyon : Presses Universitaires de Lyon, 1979, pp. 43-57 ; BERGERET J, FAIN M et coll. Le psychanalyste à l'écoute du toxicomane, Paris : Dunod, 1981, 165 p. ; OLIEVENSTEIN C., La vie du toxicomane, Paris, PUF, 1982, 112 p. ; CHARLES-NICOLAS A. Toxicomanies et pathologies du narcissisme , in BERGERET J., REID W. Narcissisme et états-limites , Paris : Dunod, 1986, pp.128-143.

50. Le vaccin anti-cocaïne de Cantab Pharmaceutical visant à développer des anticorps, a été testé chez l'homme. Une molécule – le BP 897 – découverte en 1999 par l'équipe de P. SOKOLOFF, chercheur à l'INSERM (U.109) permet de diminuer les prises de drogue et le risque de rechute.

51. MIEL C. Hypnose et toxicomanie, Le Journal des Psychologues, juin 2003, n°208.

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II. CONSIDERATIONS EPIDEMIOLOGIQUES

1. L'évolution du phénomène toxicomaniaque

Ces dernières décennies, le phénomène toxicomaniaque portant sur la

consommation de drogues illicites n’a cessé de croître et d'accuser un

rajeunissement constant du public concerné 52. Il s'est accompagné d'une

augmentation régulière de la consommation de produits licites (alcool, tabac,

médicaments) dans la population juvénile. Les données statistiques que je vais

relater, porteront surtout sur la consommation de produits licites ou illicites,

modificateurs de comportement et concerneront d'abord la situation nationale, puis

celle du département du Pas-de-Calais.

1a – Indications statistiques nationales

Les données de l'Observatoire français des drogues et des

toxicomanies (OFDT) fournissent une estimation du nombre de

consommateurs de drogues en France métropolitaine, selon une classification

prenant en compte l'expérimentation, l'usage occasionnel, l'usage répété et

l'usage quotidien 53.

La consommation d'alcool est la plus importante. A 17 ans, 10 % des

garçons en ont un usage répété contre 5,5 % des filles 54. Celle portant sur les

médicaments psychotropes est à usage thérapeutique ou détourné. S'il est

noté une relative stabilisation dans les années 1990, la consommation

d'antidépresseurs augmente et l'usage de médicaments psychotropes, hors

prescription médicale, est en hausse chez les jeunes. La consommation de

cannabis ne cesse de progresser. Ainsi, à 17 ans, 40,8 % des filles et 50,1 %

des garçons ont expérimenté le cannabis et, près de 17 % des jeunes, tous

sexes confondus, en ont un usage répété et 10,6 % un usage intensif. La

consommation de cannabis se trouve fréquemment associée à celle du tabac

et de l'alcool.

Les résultats de l'enquête OPPIDUM, réalisée chaque année en

octobre, auprès des sujets présentant une pharmacodépendance ou sous

traitement de substitution, confirment la précocité des premières

expérimentations de produits psychotropes. 52. GEBEROVITCH F. Une douleur irrésistible sur la toxicomanie et la pulsion de mort, Paris : Inter Editions, 1984, 329 p. 53. L'expérimentation correspond à la prise du produit une seule fois dans sa vie, l'usage occasionnel, au moins une fois dans l'année et

l'usage répété plusieurs fois dans l'année (Drogues et dépendances. Indicateurs et tendances 2002, Paris, OFDT, 2002, 368 p.).

54. Selon l'Enquête sur la Santé et les Comportements lors de l'Appel de Préparation à la Défense (ESCAPAD 2000) qui a recueilli les réponses de 14 000 jeunes. (BECK F., LEGLEYE S., PERETTI -WATEL P., Les usages de substances psychoactives à la fin de l'adolescence, mise en place d'une enquête annuelle, Tendances, OFDT, décembre 2000, n° 80, 4 p.)

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En dehors de la consommation d'alcool et de tabac, 17,3 % d'entre eux ont

consommé une substance psychoactive avant 13 ans et 63,1 % entre 14 et 18

ans.Les premiers produits testés concernent le cannabis (69,3 %) et l'héroïne

(18,2 %) 55 .

Le nombre de décès liés à l'usage de drogues a sensiblement diminué

ces dernières années 56. Il est à mettre en rapport avec le développement des

pratiques de substitution, l'accès au matériel d'injection par la vente de

Stéribox en pharmacie 57 et la diminution des pratiques d'injection

intraveineuses. Une diminution de la consommation d'héroïne s'observe

depuis 1995 mais cette tendance commence à s'inverser depuis 2001. La

consommation de Subutex ® est soumise à des détournements d'usage (17 %

des sujets interrogés l'utilisent par voie intraveineuse) ou s'inscrit dans un

contexte de trafic (7 % des sujets). La prévalence déclarée du Virus de

l'Immunodéficience Humaine (VIH) 58 est en baisse, par contre celle du virus

de l'Hépatite C (VHC) est en hausse 59.

L'introduction de traitement de substitution, notamment le Subutex ®

entraîne de profonds changements dans la prise en charge des usagers

d'opiacés par les médecins généralistes 60. Outre l'augmentation du nombre

de patients suivis en médecine de ville, il est observé une diminution des

prescriptions d'antalgiques et de psychotropes en même temps que

l'émergence de nouvelles formes de toxicomanies, telles que la

consommation d'ecstasy ou des benzodiazépines prises seules ou avec de

l'alcool.

S'il est noté une fidélisation des prises en charge médicales, rares sont

les personnes qui acceptent une prise en charge psychologique dans un

Centre de soins ou à l'hôpital. Le plus souvent, elles se contentent du

traitement de substitution qui n'a pour seul objectif, que d'éviter l'état de

manque.

55. Le recueil des données es t réalisé par entretiens dans des centres d'enquêtes sélectionnés par le réseau des Centres d'évaluation et

d'information sur la pharmacodépendance (CEIP). Ils sont chargés d'évaluer et de recueillir les données cliniques concernant les usages abusifs ou les dépendances aux substances psychoactives, médicamenteuses ou non. (Oppidum, septembre 2002, 4p.)

56. 120 décès en 2000 pour 562 en 1994. 57. Le Stéribox 2 ® pharmaceutique est mis en vente depuis octobre 1999. la trousse contient deux cupules et deux cotons stériles, à

destination d'usagers de drogues par voie intraveineuse. Elle évite le risque lié au partage de matériel d'injection de contamination par les virus du Sida et des hépatites.

58. le virus du Sida. 59. La prévalence du VHC pour les usagers injecteurs est de 63 % en 1999 contre 51 % en 1994. 60. BLOCH J., NORY-GUILLO F., MONAQUE C., CHARPAK Y., Place des généralistes dans la prise en charge des toxicomanes , EVAL,

Rapport EVAL (programme d'étude OFDT, financement DGLDT), 1996.

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L'enquête 61 révèle une dépendance à l'alcool chez de nombreux usagers qui

consultent. Des améliorations sont observées sur un plan sanitaire, au niveau

de la socialisation mais les craintes d'une dépendance au traitement de

substitution comme les problèmes de mésusage (prise du traitement en sniff

ou en injection), de nomadisme ou de trafic sont soulevés.

Ce qui apparaît nouveau aujourd'hui, dans le phénomène

toxicomaniaque, c'est l'apparition du poly-usage répété. A 17 ans, il concerne

12,4 % des filles, contre 23,4 % des garçons et porte souvent sur l'association

tabac-alcool ou tabac-cannabis. A l'âge adulte, s'y associe la consommation

de stimulants (cocaïne, amphétamines, ecstasy) et d'hallucinogènes (LSD,

champignons) dans des contextes festifs, dans un contexte de gestion

concomitante de ces produits venant atténuer, modifier ou amplifier leurs

effets respectifs 62.

Il est très difficile d'évaluer l'ampleur du phénomène toxicomaniaque

en termes statistiques dès lors qu'il porte sur la consommation de produits

illicites. Les chiffres des services de répression sont fonction de l'activité des

services, de leurs moyens d'intervention ou de la volonté politique affichée.

Les chiffres d'activité des centres de soins spécialisés et de la médecine

libérale rendent compte des toxicomanes qui s'engagent dans une démarche

de soins et ne nous renseignent pas sur le nombre de personnes concernées

par ces conduites de consommation. Toutefois, l'activité des centres

spécialisés de soins est un indicateur de l'évolution du phénomène, comme je

l'aborderai dans le chapitre suivant.

1b – La situation du Pas-de-Calais en matière de toxicomanie.

L'enquête de novembre réalisée chaque année dans les Centres

spécialisés de soins et les établissements sanitaires et sociaux, donnent des

indications sur le flux des usagers et leurs caractéristiques sanitaires. En

1999, la région Nord-Pas-de-Calais apparaît comme la deuxième région avec

un taux de prise en charge de 159 pour 100 000 habitants, la moyenne

nationale étant de 101. Depuis 1991, la croissance du nombre d'accueils de

toxicomanes s'élève à 14,1 % en moyenne par an 63.

61. DUBURCQ A., PECHEVIS M., COLOMB S.; MARCHAND C., PALLE C. Evolution de la prise en charge des toxicomanes. Enquête auprès

des médecins généralistes en 2001 et comparaison 92-95-98-2001, Tendances, OFDT, mars 2002, n° 20, 4p. 62. COSTES J.M., MARTINEAU H., Drogues et dépendances. Indicateurs et tendances en 2002, Tendances, OFDT, janvier 2002, n° 10, 4p.,

p.4.

63. Les toxicomanes pris en charge par le système sanitaire et social de la région Nord-Pas-de-Calais en 2000, Lettre de la DRASS Nord-Pas-de-Calais, juin 2002, n° 5.

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Depuis 1996, la progression est plus forte dans le Pas-de-Calais, elle

est de 27,1 % en moyenne par an. Près de la moitié des prises en charge sont

réalisées par les Centres spécialisés. L'héroïne reste le premier produit à

l'origine de la prise en charge pour 48,1 % des toxicomanes, suivie du

cannabis (30,1 %). En 1997, le pourcentage de consommation d'héroïne était

nettement plus important (80,5 % pour la région).

Ces chiffres appellent quelques commentaires. Depuis la mise sur le

marché du Subutex ® en 1996, il est demandé aux structures spécialisées,

dans le cadre de l’enquête de novembre, d'indiquer la situation de l'usager par

rapport à sa consommation, au moment de l'admission. Il peut être abstinent

occasionnel, demander un suivi psychosocial sous substitution, ou être

momentanément alcoolique. Ces trois cas de figure peuvent concerner un

ancien consommateur d'héroïne qui ne se trouve plus répertorié dans les

statistiques. La baisse du nombre de consommateurs d'héroïne relatée par les

statistiques est toute relative.

Ces chiffres sanitaires sont fonction de l'activité et du nombre de

structures susceptibles de les prendre en charge. Ainsi, jusqu'en 1996, le Pas-

de-Calais ne disposait que d'un seul Centre spécialisé de soins, alors que le

Nord était pourvu de neuf centres. L'augmentation du nombre de prises en

charge dans le département s'explique en partie par l'ouverture d'autres

structures. Le phénomène toxicomaniaque, qui a d'abord touché le

département du Nord situé près de la frontière belge, s'est répandu dans le

Pas-de-Calais autour des axes autoroutiers situés dans le bassin mineur et

sur le Littoral. Cette expansion a été rapide, en raison d'un habitat concentré

et de la présence de grandes agglomérations sur fond d'un contexte socio-

culturel marqué par le chômage et l’alcoolisme.

Selon les données statistiques constituées des files actives des

Centres spécialisés de soins en 2000, 2 500 toxicomanes sont pris en charge

dans le Pas-de-Calais, contre 13 000 dans le Nord. Le profil sociologique des

usagers sera évoqué lors de la présentation du public suivi par le Centre de

soins la Porte Ouverte, dont les caractéristiques présentent des similitudes

avec le public du département. Enfin, les services de répression de la

gendarmerie, de la police et des douanes relatent une augmentation du

nombre d'affaires traitées, notamment pour délit d'usage de cannabis.

Concernant l'usage de cannabis, le Baromètre Santé des jeunes du

Nord-Pas-de-Calais portant sur un échantillon représentatif de 1 239 jeunes

de 12 à 25 ans, révèle qu'un jeune sur quatre en a déjà fait l'expérience. 8 %

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des jeunes, soit un jeune sur douze, déclarent consommer du cannabis de

manière répétée ou régulière. Parmi les jeunes qui ne consomment pas de

cannabis, 73 % sont hostiles à la dépénalisation contre 49 % pour ceux qui en

font usage 64.

1c – Les données sociologiques et psychopathologiques.

Le processus de précarisation ou d'exclusion 65 est souvent associé à

la consommation de drogues illicites 66 sur fond de sentiment d'inutilité sociale

et de dépréciation de soi. Dans la population adulte en situation de grande

exclusion, la cocaïne souvent associée à l'héroïne, est la drogue la plus

consommée (22 % contre 1,3 % en population générale) 67. Les mineurs sans

domicile ou en situation de précarité consomment fréquemment du cannabis

ou une autre drogue illicite (65 % contre 5 % en population générale) 68. Les

usagers fréquentant les Centres de soins sont majoritairement des chômeurs

(62 %), ont un logement précaire (23 %) et témoignent d'un isolement social

(55 % sont célibataires, contre 35 % en population générale) 69. La situation

socio-économique est plus dégradée pour les usagers de structures de "bas

seuil" 70.

Des troubles de la personnalité s'observent fréquemment chez les

consommateurs de produits psychoactifs. La personnalité anti-sociale ou

psychopathique est la plus représentée. Elle est marquée par une instabilité

comportementale, une tendance aux passages à l'acte, une intolérance à la

frustration, sur fond de composante dépressive masquée par la prise de

produits.

Les comportements agressifs et violents sont aussi induits par les

conduites de désocialisation, les effets de certaines substances (les

psychostimulants ou les mésusages de benzodiazépines associés souvent à

la prise d'alcool). 64. L'usage du cannabis chez les jeunes du Nord-Pas -de-Calais, Contact Santé, MRPS, Lille, janvier 2002, n° 167, pp.14-15. 65. La précarité se définit par "l'absence d'une ou plusieurs sécurités, notamment celle de l'emploi, permettant aux personnes et aux familles

d'assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux" (Avis du Conseil économique et social du 11 février 1987 dans le rapport de WRESINSKI J., 1987). L'exclusion prolonge l'état de précarité par une rupture des relations sociales.

66. La progression de la précarité en France et ses effets sur la santé. Rapport du Haut Comité de la Santé Publique, Paris, ENSP, février 1998, 368 p.

67. Observatoire du Samu social, conduites addictives, substitution et grande exclusion, enquête sur 275 personnes, OSS, Paris, 1998 et 1999, 7 p.

68. AMOSSE T. et al., Vie et santé des jeunes sans domicile ou en situation précaire, Enquête INED, Paris et petite couronne, février-mars 1998, Série Résultats, Biblio n° 1355, CREDES, Paris, 2001, 85 p.

69. LOPEZ D. Consommation de drogues illicites et exclusion sociale : état des connaissances en France, Tendances, OFDT, octobre 2002, n° 24, 4 p.

70. Boutiques, sleep-in, programmes d'échange des seringues, équipes mobiles, ces structures de bas seuil s'inscrivent dans le cadre d'une politique de réduction des risques. Les boutiques sont des lieux de premier accueil pour les usagers de drogue en situat ion précaire. Elles offrent une assistance matérielle (douche, aide alimentaire, machine à laver, etc.), des soins infirmiers, une écoute et des services sociaux et juridiques. Elles sont au nombre de 42 en 2001. Les sleep-in offrent un hébergement de nuit en urgence aux usagers de drogues en situation de grande précarité. Ils sont au nombre de 4 en 2002.

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Il est fait le constat "qu'entre toxicomanie et psychopathie, il existe une

sorte de renforcement : les tendances de la personnalité portant ces sujets

vers l'abus de drogues et les transgressions, et la toxicomanie accentuant en

retour les conduites antisociales" 71.

Les actes de violence commis sous l'effet de l'alcool sont fréquents

chez les personnes incarcérées pour homicides, incendies volontaires, délits

contre enfants, violation de domicile, délits sexuels et vols. Il est noté par

ailleurs une précocité dans la délinquance 72.

L'étude des parcours de vie des toxicomanes souligne la présence de

vécus traumatiques (divorce parental, décès d'un proche, déception

sentimentale, viol, etc.) qui ont précédé la consommation de stupéfiants 73.

Ces vécus traumatiques surviennent au cours de la période d'instabilité

pulsionnelle et émotionnelle de l'adolescence, dans un contexte familial où la

relation triangulaire n'a pu s'instaurer pleinement. La figure maternelle

témoigne souvent de conduites de surprotection, d'indifférence ou de

conduites marquées par des états anxio-dépressifs alors que la figure

paternelle est disqualifiée par des conduites d'alcoolisation, de violence ou en

raison d'une fonction paternelle inopérante.

La présence de deuils non réalisés au sein de la dynamique familiale,

en lien avec les générations antérieures est par ailleurs soulignée 74. L'usager

de drogues ne fait que déplacer sur un produit, une relation de dépendance à

un contexte familial avec lequel il entretient une souffrance partagée autour de

deuils non résolus.

2. Le dispositif sanitaire et social en toxicomanie dans le Pas-de-Calais.

2a - Les structures de soins et d'accompagnement social

Dans le domaine de la prise en charge sanitaire des toxicomanes, le

département s'est doté ces dernières années, de moyens supplémentaires.

Un CSST, rattaché au centre hospitalier de Lens, s'est créé en 1997,

disposant d'une capacité de 6 lits de sevrage pour personnes toxicomanes ou

alcooliques et d'un Centre méthadone.

71. MOREL .A. Troubles psychiatriques associés à la toxicomanie, Le Flyer (Bulletin de liaison des Centres de Soins Spécialisés pour

Toxicomanes et médecins relais, réseaux de soins, pharmaciens d'officine, ECIMUD et structures de soins auprès des usagers de drogues), novembre 2000, n° 9, 4 p.

72. PEREZ-DIAZ C. Alcool et délinquance, Tendances, OFDT, novembre 2000, n° 9, 4 p. 73. MIEL C. Toxicomanie et dépression. Mémoire DEA de psychopathologie fondamentale et psychanalyse, Paris VII, 1996.

JAMOULLE P., PANUNZI-ROGER N. Enquête de terrain auprès d'usagers de drogues , Psychotropes, vol 7, n° 3-4, pp. 31-48.

74. HACHET P, Les toxicomanes et leurs secrets , Paris : Les Belles Lettres, 1996, 212 p.

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Deux autres CSST rattachés, l'un au Centre Hospitalier Spécialisé de Saint-

Venant et l'autre au Centre Hospitalier d'Arras, se sont mis en place en 2001.

Ils délivrent essentiellement de la méthadone et du Subutex®. Un service

d'addictologie au Centre Hospitalier de Boulogne, avec une possibilité de

sevrage et une Unité de Liaison en Addictologie au Centre Hospitalier de

Calais, se sont ouverts récemment.

Des possibilités de lits de sevrage existent occasionnellement dans les

services de psychiatrie et de médecine des hôpitaux généraux. Deux réseaux

ville-hôpital existent sur Boulogne et Lens, une association de médecins

généralistes toxicomanie et un Centre de Traitement et de Prévention des

Addictions sur Etaples.

Le dispositif sanitaire apparaît relativement bien pourvu et permet de

satisfaire les demandes dans de bonnes conditions, notamment depuis la

délivrance des produits de substitution. Le secteur social reste toutefois peu

équipé. Des points-écoute-toxicomanie existent sur Arras, Carvin, Lens,

Boulogne, Calais et un CSST à versant social sur Saint-Omer 75. Le

département ne dispose pas de structure d'accueil à "bas seuil" de type

boutique ou sleep-in ou de post-cure. Les demandes d'hébergement social

sont réceptionnées par les Services d'Accueil d'Urgence et d'Orientation

(SAUO) situés dans chaque arrondissement. Elles sont ventilées sur les

Centres d'Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) ou mises en attente

par l'octroi de nuits d'hôtels.

2b – L'articulation des secteurs de la santé et de la justice.

Une convention départementale d'objectifs, au niveau du dispositif

santé-justice, initiée par la MILDT 76, existe dans le département depuis 1994 77. Elle octroie des financements aux structures qui interviennent auprès

d'usagers relevant de mesures judiciaires (obligations de soins, injonctions

thérapeutiques, classements sans suite). Ces personnes sont suivies par des

CSST, des points-écoute toxicomanie ou des médecins généralistes.

75. Il est géré par l'association ABCD, Aide et Soins aux Toxicomanes. Son fonctionnement est présenté dans le chapitre suivant. 76. Circulaire interministérielle du 14 janvier 1993 et Note de la MILDT du 13 février 1999 généralisant le dispositif à l'ensemble du territoire. 77. L'association ABCD, Aide et Soins aux Toxicomanes a été la première, dans la région, à bénéficier de ce mode de financement pour ses

suivis d'usagers en ambulatoire et en hébergement, à l'occasion de l'ouverture de ses antennes Justice-Toxicomanie. Cette convention départementale d'objectifs est signée par le Préfet, le directeur de la DDASS et le Correspondant de la politique judiciaire de la ville.

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Un programme APPRE 78 incite à coordonner les interventions des

professionnels qui interviennent en l'occurrence auprès des toxicomanes

pendant l'incarcération et à leur sortie. Ces professionnels proviennent des

Unités de Consultations et de Soins Ambulatoires (UCSA) 79, des Services

Pénitentiaires d'Insertion et de Probation (SPIP) 80 et des C.S.S.T.

Ce dispositif santé-justice nécessite un travail de partenariat avec les

services judiciaires et pénitentiaires qui sera exposé dans le chapitre suivant.

III. PRESENTATION DU CENTRE SPECIALISE DE SOINS AUX TOXICOMANES, LA

PORTE OUVERTE

Le Centre de Soins est géré par l'association ABCD, appelée à l'origine Aide

Bénévole Contre la Drogue 81. Elle est créée en 1984 82 à Saint-Omer, à l'initiative de

professionnels du secteur sanitaire et social, suite à des cas de toxicomanie observés dans

l'audomarois. Elle se donne pour mission de lutter au niveau départemental contre la

toxicomanie par des actions de prévention, de formation et de soins. Une permanence

téléphonique est mise en place par les administrateurs et en 1988 83 la DDASS donne

l'autorisation de la création d'un Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes appelé la

"Porte Ouverte".

1. Le cadre institutionnel

1a. La montée en charge progressive

Dès le début, des actions de prévention en milieu scolaire et de

formation à la toxicomanie de professionnels de la santé et du social sont

organisées. Un Point Accueil-Écoute permet d'informer des professionnels,

des familles sur les risques de la consommation de drogues. Il est offert aux

usagers un accompagnement psycho-socio-éducatif en ambulatoire, en

relation avec le milieu hospitalier ou des médecins généralistes et un

appartement thérapeutique est mis à disposition pour un suivi en

hébergement. Des relations partenariales sont établies avec des post-cures

d'autres départements, pour répondre à des demandes de suivis au long

cours avec un éloignement de l'environnement social.

78. Le programme APPRE (Actions et Projets de Prévention-Recensement) contribue à l'évaluation des actions de prévention et participe au système européen EDDRA (Exchange or Drug Demand Reduction Action) évaluant les actions menées en faveur de la baisse de la consommation de drogue.

79. Ces structures ont été créées dans les maisons d'arrêt et les centres de détention, suite à la loi du 18-1-1994 et à la circulaire d'application n° 43 DH/DGS/DAP du 8-12-1994, relative à la prise en charge sanitaire des détenus.

80. Ils remplacent les Comités de Probation. Les professionnels ont pour mission d'offrir un accompagnement socio-éducatif aux personnes sous justice, en milieu carcéral et à leur sortie ou lors d'un sursis avec mise à l'épreuve.

81. Les seuls bénévoles qui ont existé, étaient les administrateurs de l'association qui ont mené des actions d'information de 1984 à 1988. En 1997, l'association a opté pour une autre dénomination, ABCD Aide et Soins aux Toxicomanes, le mot bénévole n'étant plus évoqué. Les initiales ABCD ont été conservées. Elles sont facilement mémorisables et ont permis à l'association d'être rapidement identifiée.

82. Parution au Journal Officiel le 15 octobre 1984.

83. Agrément ministériel le 21 octobre 1988.

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004

L'association est la première à se créer dans le département avec une

telle mission, à une période où il est courant d'affirmer que le département du

Pas-de-Calais n'est pas concerné par le phénomène toxicomaniaque. Le

financement accordé à l'origine, de l'ordre de 107 K€, provient majoritairement

de la Direction Générale de la Santé (DGS) et pour partie, du Conseil Général

notamment pour les actions de formation.

Au fil des années, le budget de fonctionnement complété par un

financement MILDT, a été multiplié par huit. Le personnel composé de 5

salariés (4 ETP) en 1994, est constitué aujourd'hui de 26 salariés (17,09

ETP).

1b. Les caractéristiques du public

Les personnes prises en charge dans le Centre de Soins sont à 75 %

de sexe masculin, avec une moyenne d'âge de 26 ½ ans. 60 % d'entre eux

sont consommateurs d'héroïne, 16 % de cannabis et 4 % d'alcool. Seuls 2 %

sont sous subutex, le reste étant abstinent à l'admission. L'origine des

demandes de soins provient bien souvent de personnes du département qui

bénéficient, pour 60 % d'entre eux, de mesures judiciaires. Le niveau scolaire

des usagers est pour 65 %, celui d'un BEP/CAP. Ils sont célibataires est

disposent d'un logement stable. Près de 40 % sont sans emploi. Sur un plan

sanitaire, il n'est pas relevé de personnes porteuses du virus du Sida.

L'hépatite C concerne par contre 40 % des personnes suivies en Centre

Méthadone.

En 2002, le Centre de Soins a réalisé 900 prises en charge en

ambulatoire ou hébergement. 60 % d'entre elles relevaient d'une mesure

judiciaire (classement sous condition, injonction thérapeutique, obligation de

soin, sortie en conditionnelle, sursis avec mise à l'épreuve).

1c. Le projet thérapeutique

Il a été réécrit en 2002 dans le cadre du passage en CROSS 84 du

Centre de Soins l'année suivante. L'ensemble du personnel a participé à son

élaboration à l'occasion de groupes de travail constitués sur chacune des

unités et d'échanges lors de journées pédagogiques autour d'un document

rédigé par le directeur, tenant compte des étapes antérieures.

84. CROSS : Comité Régional de l'Organisation Sanitaire et Sociale. La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 lui confère une mission nouvelle

d'évaluation des besoins sociaux et médico-sociaux, d'analyse de leur évolution et de définition des priorités

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Le projet thérapeutique est le reflet de positionnements philosophiques

et théorico-cliniques qui sous-tendent les pratiques. Je les appelle les

invariants. Ceux-ci trouvent leurs prolongements au travers de procédures

éducatives, thérapeutiques et administratives que je nomme les

fondamentaux.

1c-1. Les invariants

Ils se rapportent à des modalités d'intervention :

- l'engagement dans la démarche de soins

Il est d'abord du côté de la personne confrontée à une conduite

addictive. Il est rarement une donnée de fait, l'expression même de la

demande de soins étant aléatoire, fugitive. Elle nécessite pour son

émergence, un positionnement empathique du professionnel, afin

d'aller à la rencontre de l'autre encore aux prises avec les nimbes de

l'intoxication.

- l'abstinence à terme

Il nous importe d'aborder la problématique sous jacente à toute

conduite de dépendance et d'y donner sens. Amener un toxicomane ou

un alcoolique à faire l'expérience de l'abstinence, c'est l'amener à faire

l'expérience du manque à être et à s'assumer en tant qu'être de désir.

- l'articulation santé-justice

Le rappel de la loi sociale est une chance pour la personne

dépendante, une occasion qui lui est donnée d'entrer en relation avec

l'autre. L'implication dans cet espace de rencontre doit être réciproque,

tant du côté de la personne que du professionnel, qui veille dans les

premiers temps, à établir une alliance thérapeutique, à l'activer et à la

relancer.

1c-2. Les fondamentaux

Ils constituent des outils d'intervention dans le cadre de

la démarche de soins :

- la fonction du cadre et la dynamique relationnelle

Aussi bien sur le plan éducatif que psychothérapique, la

fonction du cadre est essentielle. Le cadre délimite l'espace de la

rencontre et tente de l'inscrire dans la durée, au travers d'une

dynamique de projet d'insertion d'une part, et de perspectives de

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remobilisation de situations émotionnelles et de capacités de pensée,

d'autre part.

Le cadre fait fonction d'enveloppe contenante qui supplée à une

image corporelle défaillante. Il autorise, dans le champ éducatif, la

confrontation avec l'autre au travers du contrat de prise en charge qui

définit les contraintes et les règles. Dans le champ psychothérapique, il

permet la réémergence de l'activité pulsionnelle et émotionnelle qui

sera désormais reléguée par des contenus de pensée.

L'opérationnalité du cadre s'explique par le fait que le cadre éducatif et

la parole psychothérapique assurent une fonction substitutive au

produit.

- la programmation de la démarche de soins

La méthodologie de prise en charge s'établit en deux temps :

l'engagement dans la démarche de soins somatiques et

psychologiques et la mise en place de démarches d'insertion sociale et

professionnelle.

Il importe de différencier ces deux étapes, de ne pas les

inverser, et de les décaler dans le temps selon une variation qui tienne

compte du mode de prise en charge (ambulatoire, hébergement) et de

la situation personnelle.

- de la loi sociale à la loi symbolique

Le rappel de la loi sociale supplée à un déficit d'intégration de la

loi symbolique, lié à une défaillance dans l'exercice de l'autorité

parentale et surtout paternelle. Une prise en charge adaptée vient

s'articuler sur ce rappel de la loi sociale, par des rencontres régulières

et une implication progressive du toxicomane dans la démarche de

soins.

Ces orientations constituent les bases du projet thérapeutique

qui vont servir de fondement à un Centre de Soins qui s'est

développé au fil du temps, avec un souci constant d'aller au-devant

des usagers, en gardant toujours comme objectif à terme,

l'abstinence. L'option a été prise au niveau du Centre de Soins, de

refuser de prescrire le Subutex ® afin d'éviter de renvoyer une image

institutionnelle confuse au toxicomane. De même, le Centre de soins

ne s'est pas engagé dans des stratégies de politique de réduction des

risques, comme la mise à disposition de seringues, afin que l'espace

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institutionnel continue d'être identifié par les professionnels et les

usagers comme un lieu de rencontre, de parole, de reconstruction de

soi.

2. Une dynamique institutionnelle diversifiée

2a. Un aspect multipolaire

Le Centre de soins est réparti sur plusieurs sites. Il fonctionne toute

l'année, à la journée, sauf les week-ends. Seule une permanence est assurée

les samedis matins à Saint-Omer. Les horaires sont établis en fonction des

missions des différents services et couvrent parfois une amplitude horaire qui

peut aller de 8H30 à 19H00, avec une pause pendant le repas.

Le Centre de Soins est implanté sur les sites de Saint-Omer, Béthune,

Boulogne et Calais, sur lesquels sont effectués des suivis psycho-socio-

éducatifs en ambulatoire ou hébergement.

2b. Un aspect multifonctionnel

Il se décline selon les différents champs d'intervention :

2b-1. Un volet prévention

Il comprend :

- un accueil-écoute sous forme de permanence téléphonique,

d'entretiens individuels d'informations et d'orientations ou

d'entretiens de guidance parentale.

- des informations auprès de jeunes en milieu scolaire

- une participation à des conférences-débats, des forums santé.

2b-2. Un volet formation

Depuis plusieurs années, le Centre assure, avec la participation

d'intervenants extérieurs, des stages de formation en toxicomanie de

plusieurs jours, auprès de professionnels du secteur social, scolaire et

para-médical. Selon les années, 100 à 150 professionnels bénéficient

de ces stages.

2b-3. Un volet éducatif

La dimension éducative consiste, dans le rapport à l'usager, à

évaluer la conduite toxicomaniaque, à développer la motivation afin

d'établir un projet de soins. La relation d'aide éducative repose sur le

sens de l'écoute, une attitude contenante qui aide à redonner du sens

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dans l'existence et sur un accompagnement qui vise à engager un

processus de désillusion et d'appropriation de la réalité quotidienne.

Chaque usager pris en charge dispose d'un référent éducatif. La

personne suivie en hébergement signe un contrat de séjour (cf. annexe

1) qui peut, le cas échéant, être associé à un contrat de soins sous

subutex ou méthadone, en lien avec un médecin généraliste et un

pharmacien. Pour les personnes suivies en ambulatoire, un document

individuel de prise en charge est proposé. Selon les situations

personnelles, des indications sur les démarches à suivre sont données,

relatives aux conditions matérielles d'existence (ressources, logement,

droits sociaux) et à la situation sanitaire du demandeur. Des

interventions auprès de services sociaux peuvent être faites, en vue

d'une meilleure prise en compte de leur demande. Une orientation en

hébergement (famille d'accueil, appartement thérapeutique ou post-

cure) est, le cas échéant, préconisé. De même, un accompagnement

éducatif est effectué auprès de détenus toxicomanes des prisons du

département, en vue d'élaborer à la sortie, un projet de soins ou

d'insertion socio-professionnelle.

à L'hébergement en famille d'accueil 85

L'admission est prononcée selon un protocole précis (cf.

annexe). Le séjour dure en moyenne trois mois et peut être écourté.

Selon les situations particulières, en fonction du projet individuel ou à la

demande de l'usager, un contrat de séjour en famille d'accueil (cf.

annexe 1) est signé par la personne. Ce mode de prise en charge lui

permet de participer à :

- la réappropriation de son corps au travers des gestes de la

vie quotidienne, d'activités physiques,

- la redécouverte d'un espace social par le rétablissement

progressif d'un rythme nycthéméral normal et des échanges

verbaux sur des sujets divers autres que la drogue,

- des activités annexes quand elles existent (gestion d'un

terrain de camping, d'une base de loisirs, fabrication du

cidre, du fromage de chèvre, travaux de ferme, etc…),

- l'apprentissage du plaisir dans les situations les plus simples

de la vie quotidienne, plaisir qui vient se substituer à la

jouissance connue jusque-là. 85. Circulaire DGS/1555/2D du 4 décembre 1987 relative aux familles d'accueil en toxicomanie.

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L'usager est en relation permanente avec son éducateur réfèrent

qu'il rencontre dans le service régulièrement ou au domicile de la

famille d'accueil. Hormis ce travail d'accompagnement relationnel et

d'écoute permanente, l'éducateur accompagne l'usager dans de

nombreuses tâches d'ordre administratif (obtention d'une carte

d'identité, ouverture de dossiers de demandes d'aides légales, accès

aux droits sociaux, etc…), sanitaire (lors de problèmes dentaires,

d'hépatites, d'affections diverses, etc…), social (relations avec les

Missions locales, les organismes de formation, etc…) et judiciaire

(magistrats, éducateurs justice).

Les familles d'accueil sont recrutées par le Centre de Soins

selon une procédure et des critères établis 86. Elles ne sont pas

salariées mais bénéficient d'une indemnité journalière de 22,87 € / jour.

Elles rencontrent régulièrement l'éducateur à domicile ou dans le

service et participent à une journée de formation traitant des situations

éducatives au quotidien ou des thèmes particuliers (conduite

toxicomaniaque, hépatites, etc…).

à L'hébergement en appartement relais et thérapeutique

L'orientation en appartement se fait directement ou après un

passage en famille d'accueil. Les appartements sont situés en centre

ville, à proximité des commerces et des services administratifs, ceci afin

de permettre une meilleure intégration dans le milieu social.

Le loyer et les charges sont supportés par le service, de même

que l'alimentation. Quand le locataire dispose de ressources

suffisantes, il lui est demandé de prendre en charge son alimentation et

de reverser 1,52 € /jour au service comme participation aux frais

d'hébergement. Cette disposition a une fonction incitative visant à

l'autonomie. Un contrat de séjour (cf. annexe 1) est signé par le

résident. Le séjour est de un mois reconductible pour l'hébergement en

appartement relais et de six mois reconductibles pour l'hébergement en

appartement thérapeutique.

86. Arrêté du 18 août 1993.

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En appartement relais, l'accent est mis sur la définition d'un

projet de soins et/ou d'insertion socio-professionnelle. Dans le premier

cas, il pourra se poursuivre en ambulatoire, en appartement

thérapeutique ou post-cure. Dans le deuxième cas, le relais sera pris

par un Foyer de Jeune Travailleur, un Centre d'Hébergement et de

Réinsertion Sociale (CHRS) ou le service hébergement rattaché à

l'Association de Formation Pour Adultes (AFPA). L'hébergement en

appartement thérapeutique est associé à un projet d'insertion

professionnelle.

L'accompagnement éducatif préalablement décrit pour les

personnes hébergées en famille d'accueil est le même. Il s'y ajoute le

soutien dans la gestion du quotidien (courses, repas, entretien de

l'appartement), de la solitude, dans les démarches d'intégration sociale

(gestion d'un budget, capacité à nouer d'autres relations sociales, etc.)

et professionnelle (inscriptions dans des stages de formation,

démarches de recherche d'emploi, etc.).

2b-4. un volet soins

Il comprend :

à l'aspect médical

Les consultations psychiatriques sont assurées en libéral et les

prescriptions de substitution sous Subutex® par des médecins

généralistes, avec lesquels nous travaillons en collaboration. De même,

des relais en médecine de ville de personnes sous méthadone,

s'établissent après un temps d'initialisation dans un Centre méthadone.

Un accompagnement dans les prises en charge s'effectue à l'occasion

de sevrages en milieu hospitalier à Calais, Saint-Omer, et au Square de

Lens. Des soins divers (hépatites, problèmes dermatologiques et

traumatologiques, etc.) peuvent faire l'objet d'une attention particulière.

Les Centres méthadone dont nous disposons sur Boulogne et

Calais s'adressent à des personnes dépendantes d'un opiacé (héroïne,

codéine, etc.), ayant entrepris sans succès plusieurs cures de sevrage.

La détention, la délivrance et la prescription de méthadone s’effectuent

selon une procédure réglementée. Cette activité s’inscrit dans le cadre

d’un partenariat avec le Centre Hospitalier local, la médecine et la

pharmacie de ville.

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à l'aspect psychothérapique

Le processus psychothérapique vise à la réalisation d'un travail

de deuil et d'un renforcement du Moi. Il s'agit en outre d'aider la

personne à découvrir son désir propre et à renoncer à prendre en

charge la souffrance psychologique d'un proche. Des entretiens

psychothérapiques d'inspiration analytique ou cognitivo-

comportementaux sont utilisés. Des séances d'hypnose sont parfois

proposées dans le cadre d'un processus psychothérapique. Elles visent

à obtenir un meilleur investissement corporel et une remobilisation des

processus cognitifs et mnésiques.

2b-5. Un volet pôle-ressource

Le Centre constitue un lieu de stage pour des étudiants en

formation d'éducateurs spécialisés, d'assistants sociaux ou

d'infirmières. Des professionnels participent à des commissions de

réflexions dans le cadre de Comités d'Agglomération de Prévention de

la Délinquance 87. Il est un lieu de recherche d'informations en matière

de toxicomanie, pour des professionnels du milieu scolaire, social et

médical.

Des interventions sont réalisées auprès de professionnels de

l'éducation nationale, portant sur la conduite à tenir face à un usager.

Enfin, plusieurs professionnels assurent des heures d'enseignement en

pédagogie générale dans des écoles d'éducateurs, en addictologie et

en psychopathologie à l'Université Catholique de Lille et à l'Université

des Sciences Humaines de Lille III.

3. La gestion du Centre

3a. Les aspects budgétaires et administratifs

Depuis le 1er janvier 2003, l'enveloppe budgétaire de la Direction

Générale de la Santé (DGS) est passée à un financement assurance maladie,

ce qui permet en partie de stabiliser le fonctionnement par des paiements

mensuels. L'enveloppe budgétaire MILDT reste toujours conditionnée par la

signature d'une convention annuelle. Elle représente un tiers du budget global

complété par des enveloppes annexes provenant des Programmes Régionaux

de Santé, utilisées par des actions de prévention et de formation. Une analyse

budgétaire du Centre de Soins figure en annexe 1. 87. Ils sont mis en place par les Conseils d'Agglomération et regroupent des partenaires scolaires, sociaux et judiciaires autour d'un objectif de

prévention de la délinquance. Ils décident du financement d'actions proposées par des acteurs locaux, sur la base de co-financements provenant de la Politique de la ville ou de la MILDT et du Conseil d'Agglomération.

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3b. Le personnel

à la composition

Le personnel est constitué d'un pôle :

­ administratif représenté par le directeur, la responsable

administrative, les secrétaires, la comptable.

­ médical avec deux médecins responsables des programmes

méthadone.

­ psycho-éducatif comprenant des psychologues cliniciens et des

éducateurs spécialisés.

et d'un agent de service en CEC (*).

La moyenne d'âge est de 38 ans, l'âge du personnel étant compris

entre 25 et 60 ans. Le personnel regroupe à ce jour, 26 salariés pour 17,09

ETP (**). En dehors du directeur, la responsable administrative a le statut de

cadre depuis plus d'un an et les médecins et psychologues de cadre

technique. Le CSST ne comprend pas de chef de service.

Un règlement intérieur définit les conditions d'organisation du travail et

d'interventions.

à L'organigramme

Directeur

Responsable administrative

Mes responsabilités sont celles d'un directeur de service 88 dans ses

aspects budgétaires, techniques et pédagogiques. Je dispose d'une délégation

pour mener les réunions de délégués du personnel et de Conseil

d'Etablissement. 88. La fonction de directeur de service est notamment définie par la circulaire du 26 février 1975 du Ministère des Affaires Sociales. __________________________ (*) Contrat Emploi Consolidé (**) Equivalent temps plein

SAINT-OMER BETHUNE BOULOGNE Centre Méthadone

CALAIS

Comptable Secrétaire Educateurs Psychologues Agent de service

Secrétaires Educateurs Psychologues

Secrétaire Educatrice Médecin Psychologue

Secrétaire Educateurs Psychologues Agent de service

Secrétaire Educateur Médecin Psychologue Agent de service

AMETHYSTE Centre Méthadone

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à le management

Etant donné la répartition de l'activité du CSST sur plusieurs sites, son

aspect multifonctionnel et la diversité partenariale inhérente aux prises en

charge individuelles, je pratique volontiers le management intégratif 89. Celui-ci

est basé sur le respect, la confiance, la consultation permanente du personnel

et la mise en situation des professionnels en position d'acteurs susceptibles

d'améliorer le fonctionnement de la structure.

Afin d'éviter un état de dispersion dans l'engagement des

professionnels, ce management intégratif est étayé par la mise en place de

fiches de poste avec définition des tâches pour l'ensemble du personnel et

d'entretiens annuels d'évaluation des fiches de poste. Chaque salarié dispose

d'un agenda professionnel sur lequel sont indiqués les rendez-vous, les

réunions et les rencontres professionnelles diverses. Des comptes-rendus de

prises en charge éducatives et psychologiques sont régulièrement réalisés et

mis à ma disposition.

à l'accompagnement des professionnels

J'anime des réunions de fonctionnement et d'études de cas sur chacun

des sites au niveau de l'équipe psycho-éducative et des réunions de

fonctionnement réservées au pôle administratif. Des réunions inter-services

bimestrielles existent séparément pour les psychologues et les éducateurs.

Elles sont animées par un psychanalyste et concernent, selon les

professionnels, la réflexion sur les pratiques éducatives et les modalités de

prise en charge ou la réflexion sur les dynamiques psychopathologiques. Enfin,

deux journées pédagogiques annuelles réunissent le personnel médico-

psycho-éducatif ou l'ensemble du personnel selon les thèmes abordés

(l'expérience toxicomaniaque, le projet d'établissement, la loi du 2 janvier 2002,

etc.). Je les coanime avec le psychanalyste.

L'implication des professionnels dans la réflexion sur l'action psycho-

éducative est recherchée. Ils contribuent aux réflexions menées dans des

groupes thématiques portant sur la prévention, la communication et le

partenariat. Ils participent à des moments d'échanges et de réflexions sur les

pratiques professionnelles avec des salariés d'autres structures de la région du

Nord-Pas-de-Calais et du Hainaut belge, dans le cadre du programme

communautaire Interreg III 90. 89. BLAKE R. et MOUTON J.W. La troisième dimension du management , Paris : Les Editions d’organisation, 1980, 282 p. 90. Interreg est un programme d'initiative communautaire qui subventionne des projets transfrontaliers. Interreg III 2000-2006 comporte un

programme pour la zone frontalière franco-Belge constitué de formations à l'utilisation d'outils pédagogiques de promotion de la santé, d'échanges transfrontaliers de pratiques et de formations à l'utilisation de l'outil de travail Internet comme support à la réalisation des actions précédentes.

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à la communication

La communication en interne sur chaque site, est assurée par un cahier

de transmission qui mentionne les différentes interventions réalisées

(entretiens, échanges téléphoniques, déplacements). Il sert aussi de mémoire

pour la rédaction du rapport d'activité et pour l'entrée des données relatives

aux usagers et aux actes réalisés dans un logiciel informatique 91.Chaque unité

étant constituée d'un personnel restreint, la communication informelle est une

donnée importante et repose sur des modes de relations transversales.

Je diffuse par ailleurs auprès du personnel, une lettre d'informations, en

deux feuillets intitulée "Echos-Tox". Elle expose les évolutions récentes dans

notre secteur d'intervention, les actions de prévention et de formation

programmées, les expériences innovantes de partenariat sur certains sites, les

modifications dans la composition du personnel, les perspectives de

développement, etc. Toujours, dans ce registre de la communication verticale,

une lettre d'informations est aussi diffusée auprès des administrateurs pour

leur faire part de l'évolution du CSST, du contexte réglementaire, des relations

avec les organismes de contrôle, etc.

à l'évaluation et la recherche

L'évaluation du parcours des usagers est réalisée lors de la rédaction

des comptes-rendus des prises en charge éducatives et psychologiques. En

matière de prévention, des questionnaires d'appréciation et d'évaluation des

objectifs poursuivis sont proposés. Une formation des professionnels à la

démarche qualité adaptée à notre secteur d'intervention sera mise en place

prochainement, en lien avec un organisme extérieur. Elle portera sur l'auto-

évaluation des pratiques, la maîtrise des processus et l'élaboration d'un outil

d'évaluation clinique.

Des articles de psychopathologie sont diffusés régulièrement dans des

revues scientifiques spécialisées par le directeur et un psychologue du Centre.

Une recherche clinique portant sur l'analyse du parcours de femmes

alcooliques et toxicomanes, sera engagée en lien avec un laboratoire de

recherche 92.

91. Le logiciel Pro-G-Dis enregistre les données biographiques des usagers à partir d'une fiche signalétique et des actes réalisés au cours de la

prise en charge. Il permet d'analyser la problématique de chaque usager et de procéder à un traitement statistique des données pour établir un profil des usagers.

92. Des professionnels (éducateurs et psychologues) seront associés à cette recherche menée dans le Centre par un intervenant rattaché au Laboratoire CRISIS de l'Institut Régional des Travailleurs Sociaux de Loos.

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L'expérience menée depuis plusieurs années, dans un département

particulièrement touché, au travers du Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomane

que je dirige, rend compte de cette diversification des réponses sanitaires et sociales.

L'accompagnement de l'usager s'effectue autour du questionnement de l'expérience

toxicomaniaque et de la souffrance psychologique qui la fonde. L'usager est ici

interpellé dans sa subjectivité et il est invité à mobiliser ses ressources personnelles,

dans le cadre de l'élaboration d'un projet de vie. Le projet thérapeutique du Centre de

Soins témoigne de cette démarche où la question du sens est posée en permanence.

Le nombre de mineurs concernés par la toxicomanie s’accroît mais ceux-ci ne

consultent pas. Ils sont dans la phase de lune de miel du produit et se complaisent

dans les conduites de défonce. Ils s'inscrivent dans une intensité d'être, testent leurs

limites personnelles, au travers de conduites à risque qui sont avant tout "des rites

intimes de fabrication du sens" 93.

Le Subutex® ou les médicaments sont souvent détournés de leur usage ou

associés à la consommation d'alcool. Un suivi ambulatoire effectué dans une

structure de soins ou un suivi assuré par un éducateur dans le cadre d'une mesure

d'Assistance Educative en Milieu Ouvert (AEMO) produisent peu d'effet, en raison de

leur implication toute relative. Le placement en foyer d'hébergement ou en famille

d'accueil, à la demande du Juge des Enfants, est souvent un échec, surtout quand

cette consommation est associée à des conduites délictueuses. En outre, ce

placement est mal vécu par le personnel des institutions traditionnelles qui craignent

une diffusion du phénomène. L'incarcération du mineur est une ultime possibilité que

le magistrat utilise en dernier recours. Il est souvent vécu, par tous les protagonistes,

comme un échec.

La confrontation, dans ma pratique professionnelle, à la problématique

particulière des mineurs délinquants toxicomanes fera l'objet d'une attention

particulière dans la seconde partie du mémoire. Une réflexion sur ce qui constitue la

spécificité de ce public servira de fondement au projet que j'exposerai dans la

troisième partie.

93. LE BRETON D. L'adolescence à risque, Paris : Ed. Autrement, 2002, 184 p., p. 5.

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C. 2ème Partie : TOXICOMANIE ET DELINQUANCE

I. La justice des mineurs

1. Les diverses mesures contenues dans l'ordonnance du 2 février 1945

La justice des mineurs a suivi une lente évolution 94 qui a précédé la

promulgation de l'ordonnance du 2 février 1945, annonçant un certain nombre de

mesures pour répondre à la délinquance juvénile. Celles-ci reposent sur trois

principes :

- la primauté de l'éducation sur la répression 95

- la spécialisation des juridictions, en instituant notamment le Juge des

enfants. Il peut en outre, juger une affaire qu'il a instruite 96 et exerce les

fonctions de Juge d'Application des Peines. Il peut décider de juger une

affaire en cabinet ou devant le tribunal pour enfant qui est compétent en

matière de crimes commis par les moins de seize ans.

- la responsabilité graduée selon l'âge, évaluée en fonction de plusieurs

seuils : en dessous de 13 ans, de 13 à 16 ans, de 16 à 18 ans.(cf.

annexe).

Ces principes qui régissent l'ordonnance de 1945 ont toujours été maintenus

malgré les nombreuses modifications observées depuis sa promulgation. Avec ce

texte, le Juge pour enfants peut recourir à des mesures éducatives ou pénales en

fonction de l'âge, de la gravité des faits incriminés et du contexte de leur apparition.

Le Juge des enfants dispose, en cours de procédure, d'un certain nombre de

mesures provisoires, comme des mesures d'investigation 97, le placement provisoire 98, le contrôle judiciaire et la mesure de réparation 99. Le mineur peut être placé en

liberté surveillée et bénéficier d'un accompagnement éducatif par un délégué à la

liberté surveillée, dans son milieu familial ou lors d'un placement.

94. Le Code pénal de 1810 reprend une disposition du Code criminel de 1791 qui prévoit que tout mineur de 16 ans bénéficie d'une présomption de non discernement laissée au libre arbitre du juge. Les Lois du 25 juin 1824 et du 28 avril 1842 amorcent l'évolution vers une juridiction de mineurs, avec l'établissement d'une compétence du tribunal correctionnel pour les mineurs. Cette évolution s'accentue avec la loi du 22 juillet 1912 qui crée les tribunaux pour enfants et instaure la mesure de liberté surveillée. L'Ordonnance du 2 février 1945 annonce un certain nombre de mesures pour répondre à la délinquance juvénile.

95. L'article 2 de l'ordonnance de 1945 énonce que : "le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs prononcent, suivant le cas, les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation qui semblent appropriées. Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité du délinquant leur paraîtront l'exiger, prononcer à l'égard du mineur âgé de plus de treize ans, une condamnation pénale".

96. Il bénéficie d'une dérogation au principe de la séparation des fonctions d'instruction et des fonctions de jugement. 97. Selon l'article 8 de l'ordonnance 45, le Juge des enfants peut demander une enquête sociale afin d'obtenir des renseignements sur la

situation du mineur et son environnement.

98. Le mineur peut être confié à une personne digne de confiance, à un centre d'accueil d'une institution publique ou privée habilitée justice, au service de l'aide sociale à l'enfance, à un établissement hospitalier ou une institution d'éducation.

99. Contenue dans la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 développée dans la Circulaire du 11 mars 1993, elle se présente comme une alternative aux poursuites, une mesure préjudicielle ou une sanction. Elle permet la réparation des dommages causés et un travail sur le sentiment de culpabilité.

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Dans son cabinet, le Juge des enfants apprécie la gravité de l'infraction. Il

peut prononcer la relaxe du mineur si elle n'est pas suffisamment établie, le dispenser

de toute mesure si le dommage est réparé, l'admonester ou le remettre à ses

parents, des proches ou à un tiers digne de confiance. Le cas échéant, une mise

sous protection judiciaire ou une mesure de placement est prononcée. A l'issue du

jugement, le Juge des enfants recourt aux mêmes mesures éducatives ou prononce

des peines d'amende, de travail d'intérêt général 100, d'emprisonnement avec sursis,

simple sursis avec mise à l'épreuve ou ferme.

2. L'adaptation de l'ordonnance de 1945 à l'évolution de la délinquance

juvénile

Faut-il réformer l'ordonnance de 1945 ? Cette question donne lieu, depuis

plusieurs années, à des débats où s'affrontent d'un côté, les tenants d'une démarche

sécuritaire et de l'autre, les personnes qui souhaitent privilégier les réponses

éducatives. L'acuité des échanges repose sur des sentiments d'insécurité et

d'impunité grandissants dans l'opinion publique, le souci de la réduction de la

délinquance juvénile et la nécessité de protection de l'ordre social dans le maintien de

valeurs partagées 101.

L'ordonnance de 1945 a subi de nombreuses modifications depuis sa

promulgation, tenant compte des évolutions socio-culturelles de la société et de

l'apparition de nouvelles formes d'expression de la délinquance juvénile. C'est un

texte qui recèle de nombreuses possibilités, permet d'adapter les réponses à

caractère répressif ou éducatif en fonction des situations en cause et laisse une place

aux pratiques innovantes.

La nécessité de prendre en compte la primo-délinquance pour parer à un

sentiment d'insécurité grandissant et à une surcharge de travail du côté du Juge des

enfants, amène le Procureur à intervenir avec des outils ou des moyens nouveaux 102.Ce souci de prendre en compte la primo-délinquance 103 ne répond pas

essentiellement à des considérations d'ordre public.

100. La loi du 10 juin 1983 étend la peine de travail d'intérêt général (TIG) aux mineurs âgés de 16 à 18 ans. 101. L'idée d'une justice sociale, d'un droit à la sécurité pour toutes les couches sociales, se retrouve dans les débats aux Journées de Villepinte

(Villepinte, les actes du colloque, ed. SIRP).

102. Auparavant, "le parquet classait à 60 % les procédures d'infractions contre les biens mais à 40 % les violences contre les personnes" (ROSENCZVEIG J.P. – L'ordonnance du 2 février 1945 sur la jeunesse délinquante une nouvelle fois en question. Note aux parlementaires, disponible sur http : //www.rosenczveig.com). Désormais, le Procureur dispose des services d'un Délégué du Procureur (articles 40 et 41 du Code de procédure pénale, en référence à la circulaire de politique pénale en matière de délinquance juvénile en date du 15 juillet 1998). Il intervient en temps réel - il suit les affaires en cours traitées par la police – et recourt à la convocation par Officier de Police Judiciaire (cette disposition est déjà contenue dans les lois du 8 février 1995 et du 1er juillet 1996 permettant un traitement de l'infraction dans un délai de 1 à 3 mois). Le Procureur peut recourir à un avertissement par courrier, à un rappel à la loi par le Délégué du Procureur ou mettre en œuvre une médiation pénale.

103. En 2001, les Parquets des mineurs ont traité 162 800 affaires contre 113 238 en 1996

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Il tend aussi à éviter les conduites de récidive et à restituer à l'enfant ses

droits fondamentaux (droit à la sécurité, à l'éducation, à des soins, à des parents

responsables). Pour des infractions mineures, des mesures éducatives sont

prononcées. En présence de faits graves, le mineur est déféré 104 devant le Procureur

de la République qui, au vu du rapport du Service Educatif Auprès du Tribunal

(SEAT), peut recourir à une traduction immédiate devant un Juge des enfants ou un

juge d'instruction avec demande de mandat de dépôt, de contrôle judiciaire ou de

mesure éducative. La procédure accélérée est parfois utilisée quand le jeune ne peut

être jugé dans l'immédiat par le Juge. Il est alors mis en examen, incarcéré et

renvoyé en tant que détenu devant le tribunal pour enfants (cf.annexe 2).

Une Commission d'enquête parlementaire 105 récente suggère de conserver les

principes qui régissent l'ordonnance de 1945, tout en proposant quelques

aménagements. Ils concernent par exemple, les mineurs de moins de 13 ans 106, à

l'encontre desquels une mesure de réparation ou d'éloignement de brève durée

pourrait être prononcée, afin de lutter contre le sentiment d'impunité.

Les réformes législatives ne constituent pas toujours la réponse à l'évolution

de la délinquance. Il importe tout autant de mettre des moyens suffisants à la

disposition de la justice comme des services de répression 107, afin de remédier au

sentiment d'impunité. De même, les délais de jugement sont trop longs 108, ce qui

enlève toute fonction éducative à la décision du Juge des enfants. Souvent le mineur,

auteur de plusieurs infractions, ne parvient pas à établir le rapprochement entre la

peine prononcée et l'infraction réalisée. Un délai trop long est préjudiciable alors qu'il

est réclamé par le Juge des enfants pour l'observation de sa personnalité et de son

comportement, quand il ne résulte pas d'un nombre important de dossiers à traiter.

La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002, sans remettre en cause les

principes directeurs de la loi de 1945, instaure des mesures nouvelles comme les

sanctions éducatives 109 applicables aux mineurs dès l'âge de 10 ans et suivies d'une

décision de placement, en cas de non-respect. En outre, le placement en détention

provisoire des mineurs de 13 à 16 ans est désormais possible et la loi prévoit la

création de Centres Educatifs Fermés pour des mineurs âgés de 13 à 18 ans faisant

l'objet d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve.

104. Le jeune est présenté devant le Procureur, dès la clôture de la procédure par la police. 105. CARLE J.C., SCHOSTEK J.P. – Délinquance des mineurs : la République en quête de respect, Rapport d'information 340 de la Commission

d'enquête créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat le 12 février 2002, Tome I (2001-2002), 26 juin 2002.

106. Actuellement, ils ne peuvent être condamnés à une peine ou à un placement en détention provisoire. 107. En 2000, le taux moyen d'élucidation des infractions est de 26,8 %. Il est en baisse constante depuis 1991. Le faible taux d'élucidation

concerne surtout les infractions de faible gravité dans lesquelles des mineurs sont impliqués.

108. Ils sont compris entre 2 et 18 mois pour les audiences de cabinet et 6 mois et 3 ans pour les audiences du tribunal pour enfants (CARLE J.C., SCHOSTEK J.P., Délinquance des mineurs : la République enquête de respect, ibid, p. 75).

109. Elles sont inscrites dans l'art. 15-1 nouveau de l'ordonnance du 2 février 1945. Elles portent sur la confiscation d'un objet appartenant au mineur ayant servi à l'infraction et sur l'interdiction de paraître dans le lieu où l'infraction a été commise, de rencontrer la victime ou les complices, pendant une durée inférieure à 1 an. Elles s'accompagnent d'une mesure de réparation et d'un stage de formation civique, d'une durée inférieure à 1 mois.

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Cette loi reprend des propositions formulées dans le rapport de la commission

d'enquête parlementaire, en même temps qu'elle prévoit d'accorder des moyens

budgétaires importants aux services pénitentiaires, services judiciaires et surtout, à la

Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) 110. Au-delà du renforcement des mesures

judiciaires, la question de l'adaptation de la réponse éducative à la délinquance

juvénile se pose et semble s'articuler, plus que jamais, autour de l'énoncé et de l'acte

éducatif d'une part, de la parole et de la sanction judiciaire d'autre part.

II. Les évolutions récentes de la délinquance juvénile

La problématique des mineurs usagers de drogues a déjà fait l'objet d'une

attention particulière du Ministre de la Justice, dans sa circulaire du 17 juin 1999

relative aux réponses judiciaires aux toxicomanies. Outre la mesure de classement

sous condition, il est rappelé l'intérêt des mesures de liberté surveillée, de mise sous

protection judiciaire ou de placement en établissement éducatif ou sanitaire.

La présence, chez des mineurs, d'une conduite délinquante associée à une

consommation de produits psychoactifs, a fait l'objet de nombreuses études

sociologiques et psychopathologiques. Je tenterai toutefois d'en retracer les grandes

lignes, mettant en évidence la particularité de ce mode de vie déviant qui nécessite

une réponse institutionnelle appropriée.

1. La place de l'usager des produits psychoactifs dans la

délinquance juvénile

1a. Un phénomène nouveau

Les spécialistes s'accordent pour admettre que la délinquance des

mineurs a évolué en nombre et en taux 111, en même temps que dans ses

formes d'expression : âge d'entrée précoce, aggravation des actes,

développement d'une délinquance d'exclusion 112.

Il existe une concentration de la délinquance sur un petit nombre de

personnes 113 qui constituent des "noyaux durs", en même temps que la

délinquance des mineurs est sous estimée.

110. 1250 emplois seront créés pour la PJJ, 550 pour les services pénitentiaires et 188 pour les services judiciaires. 111. Etude 1992 et 2001, le nombre de mineurs mis en cause a augmenté de 79 % pour atteindre 117 017 en 2002. Il est observé aussi une

augmentation de la part des mineurs impliqués dans les différents types d'infraction (CARLE J.C., SCHOSTEK J.P. Délinquance des mineurs : la République en quête de respect, ibid, p.10 et 11). En matière de crimes et délits contre les personnes leur nombre a été multiplié par 3 et en matière d'infractions à la législation sur les stupéfiants, il a quadruplé (op. cit. p. 4).

112. La délinquance d'exclusion est une “délinquance de masse, territorialisée, essentiellement liée à des parcours de désinsertion durable dans lesquels des groupes familiaux tout entiers vivent dans l'illégalité et dans des cultures de survie, dans des modalités de précarité extrêmement importantes les conduisant insensiblement vers la déviance ou vers la délinquance” (audition de M. Denis SALAS, in CARLE J.C., SCHOSTEK J.P. Délinquance des mineurs : la République en quête de respect, ibid, p. 15).

113. Il s'agit de la "théorie des 5 %" : 5 % de jeunes commettent 60 à 85 % des infractions selon l'étude de délinquance autorapportée de M. Sébastian ROCHE (La délinquance des jeunes - les 13 - 19 ans racontent leurs délits, Paris : Seuil, 2001, 304 p.).

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Il est en effet observé un décalage important entre le nombre

d'infractions commises et le nombre d'infractions enregistrées par les services

de police et de gendarmerie 114.

MUCCHIELLI 115, dans son analyse des statistiques, constate

l’augmentation continue des vols et cambriolages et notamment, des formes

moins graves de violence dans les milieux populaires. Les violences urbaines

sont surtout dirigées vers les institutions publiques (police, écoles, services

publics, pompiers). L’augmentation des données statistiques concerne surtout

les infractions à la législation sur les stupéfiants (ILS) dans les milieux

défavorisés, alors que ” les enquêtes de délinquance autorévelées (qui

interrogent directement les individus sur ce qu’ils ont commis) indiquent que

les jeunes issus des classes moyennes et aisées sont autant sinon plus

consommateurs de drogues. ” 116

Les victimes des mineurs sont souvent des mineurs qui subissent des

infractions comme le racket, les coups et blessures ou les viols collectifs. Les

mineurs délinquants ont souvent été victimes au préalable, de violences

physiques ou sexuelles et manifestent des conduites de violence plus

importantes 117. Cette donnée est encore plus marquée pour les jeunes

relevant de la PJJ 118.

De nombreuses enquêtes épidémiologiques soulignent que les

consommateurs de drogue sont plus fréquemment auteurs d'actes de

délinquance. L'enquête de Mesdames Marie CHOQUET et Sylvie LEDOUX 119

montre que les conduites violentes vont de pair avec :

- la consommation d'alcool : parmi les plus jeunes violents, 21 % ont

une consommation régulière d'alcool (contre 7 % des "non violents").

36 % des racketteurs ont un tel niveau de consommation.

- la consommation de drogue : parmi les violents, 16 % ont consommé

au moins dix fois une drogue illicite (contre 5 % pour les "non-

violents"). 23 % des racketteurs sont des consommateurs réguliers

de drogue. 114. C'est le "chiffre noir" de la délinquance. Toutes les infractions ne font pas l'objet d'un dépôt de plainte. Toutes les infractions signalées ne font

pas l'objet de poursuite. 115. MUCCHIELLI Laurent. Violences et insécurité, fantasmes et réalités dans le débat français, Paris : La Découverte, 2002, p.76-77.

116. MUCCHIELLI L., ibid, p.69. L’auteur cite, à l’appui de son argumentation, les travaux de CHOQUET M., LEDOUX S., Adolescents, Enquête nationale, ibid, p.182 et ROCHE S. et coll. Enquête sur la délinquance auto-déclarée des jeunes , CERAT, Grenoble, 2000, p.31.

117. CHOQUET M., LEDOUX S. Adolescents, Paris, Inserm, Enquête Nationale, 1994, p. 171.

118. CHOQUET M., LEDOUX S., HASSLER C.et al. Adolescents (14-21 ans) de la Protection Judiciaire de la Jeunesse et Santé, Inserm U 472, Direction de la PJJ, 1998.

119. CHOQUET M., LEDOUX S. - Adolescents, enquête nationale, ibid.

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Une enquête 120 auprès des jeunes de 14 à 21 ans pris en charge par

les services de la P.J.J. révèle un lien entre conduites délictueuses et

consommation de psychotropes. 70 % de ces jeunes ont consommé de

l'alcool. A 18 ans, 49 % peuvent être considérés comme des consommateurs

réguliers. S'agissant du cannabis, 60 % des jeunes en ont pris durant leur vie.

Une autre enquête confirme que la consommation de cannabis ou

d'alcool est associée à la délinquance, et ce quel que soit le milieu social 121.

Les conduites de violence qui accompagnent cette polyconsommation se

manifestent au sein des établissements scolaires par des bagarres, sont

dirigées vers autrui ou consistent en la dégradation de matériels ou de locaux 122. Une enquête INSERM révèle que les ” jeunes polyconsommateurs de

tabac, d'alcool et de cannabis présentent davantage de conduites à risque

telles que les actes de violence subis ou agis et les pensées suicidaires ” 123.

Elle souligne que le cannabis entraîne une augmentation du plaisir

chez l'homme, associée à une diminution de l'inhibition ce qui augmenterait

les risques de passage à l’acte. Chez une population d'agresseurs sexuels, le

cannabis est la deuxième substance détectée, après l'alcool 124. Outre le fait

que les effets du cannabis sont accrus par la consommation d'alcool, le taux

de principe actif du cannabis est beaucoup plus important aujourd'hui et

modifie sensiblement les comportements 125.

Entre 1992 et 2001, la délinquance des mineurs a progressé en

nombre et en taux d’implication dans les différents types d’infractions, sauf en

matière d’homicides. Leur participation s’est accrue en matière de vols avec

violence sans armes à feu, de falsification et usages de cartes de crédits, de

coups et blessures volontaires.

120. CHOQUET M. – Enquête sur les jeunes pris en charge par les services de la PJJ , ibid. 121. Selon l'enquête de M. Sébastian ROCHE (La délinquance des jeunes, les 13-19 ans racontent leurs délits, Seuil, 2001) citée dans le

Rapport d'information de la Commission d'enquête parlementaire (La délinquance des mineurs : la République en quête de respect, ibid, p.25), "lorsqu'ils consomment du cannabis, les enfants de cadres ou de professions intermédiaires sont plus souvent fraudeurs dans les bus (87,5 % contre 64 % des non-consommateurs) et plus souvent impliqués dans les trafics (25 % contre 5 %). Ils sont également plus souvent amenés à se bagarrer (29 % contre 16 %) et à porter une arme (20 % contre 5 %) ou même à commettre des dégradations graves comme incendier une voiture ou un bâtiment (13,5 % contre 4,5 %)"

122. Le Bulletin de Santé de l'Observatoire Régional de la Santé (ORS) de l'Ile-de-France (mai 2000, n° 2, 4 p.) rend compte des usages des produits psychoactifs et conduites associées chez les jeunes d'Ile-de-France.

123. Expertise collective cannabis : quels effets sur la santé ? Paris, INSERM, 2001, 429 p., p. 337. Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur la politique de lutte contre les drogues illicites, citant l’étude de M.Sébastian ROCHE sur la délinquance des mineurs, précise que : “ 25 % des usagers fréquents de cannabis avaient perpétré un acte grave de délinquance, contre 14 % des consommateurs occasionnels et 9 % des autres jeunes de l’enquête ” (ibid, Tome I)

124. Catherine BLATIER (La délinquance des mineurs, l’enfant, le psychologue et le droit, Grenoble : PUG, 2002, 325 p.) cite l’étude de JACOB M. et coll (Etude descriptive d’une population d’adolescents agresseurs sexuels, 1992, pp.133-162), qui montre que les agressions sexuelles contre les femmes s’observent chez des mineurs sous l’effet de l’alcool ou des drogues.

125. Jusqu'en 1995, le taux de principe actif du cannabis, le tétrahydro-cannabinol (THC) était de 5,5 % pour l'herbe et de 7 % pour la résine. Il est passé, depuis 1996, à 22 % pour l'herbe et 31 % pour la résine. (Expertise collective cannabis : quels effets sur la santé ? ibid, p. 339).

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Leur part en matière d’atteinte aux mœurs est passée à 20 %, les viols

atteignant 21 % des mises en cause. Les destructions et dégradations de

biens représentent le tiers des mises en cause. En matière d’infractions à la

législation sur les stupéfiants, ils représentent 20 % des mises en cause, leur

nombre ayant quadruplé au cours de cette période 126. Des données

statistiques nationales témoignent de l’implication des mineurs en fonction des

différentes catégories d’infraction 127 (cf. annexe 2).

Depuis 1990, le nombre de mineurs incarcérés a peu évolué. En 2001,

le nombre de mineurs prévenus était de 454 pour 162 condamnés 128. En

annexe, un tableau indique le nombre de mineurs incarcérés au Centre

Pénitentiaire de Longuenesse, près de Saint-Omer, et apporte des précisions

sur la nature du délit. En 2001, le nombre de mineurs incarcérés au Centre

Pénitentiaire de Longuenesse représentait 13 % des mineurs incarcérés au

niveau national. Ils étaient tous issus de la région Nord-Pas-de-Calais, et pour

56 % d’entre eux, du Pas-de-Calais (cf. annexe 2).

1b. Une dynamique en progression

Au cours des décennies précédentes, l'expérience toxicomaniaque

était souvent liée à une recherche de dépassement des limites de perception

de la réalité, au travers d'une modification de l'état de conscience, sous l'effet

de drogues. Cette représentation de la toxicomanie a évolué vers une

conception où la toxicomanie apparaissait davantage, avec la banalisation de

l'usage, comme une tentative d'automédication d'une problématique

dépressive, voire psychiatrique. Avec la prédominance de la consommation

d'héroïne, elle témoignait d'une démarche de mise en suspens de toute

activité de pensée pour fuir une réalité externe et interne difficile à maîtriser 129.

La consommation de drogues illicites confrontait les usagers à une

situation délictueuse, engendrait une criminalité lucrative dans les couches

sociales modestes et défavorisées. Tout comme la consommation de drogues

licites telles que l'alcool, elle engendrait une modification de la personnalité,

des comportements violents. Dans ce mode de compréhension du

phénomène toxicomaniaque, le délit apparaissait comme une conséquence.

126. CARLE J.C., SCHOSTEK J.P., ibid, p.11. 127. CARLE J.C., SCHOSTEK J.P., ibid, p.13. 128. CARLE J.C., SCHOSTEK J.P., ibid, p.81. 129. MIEL C. – La dissolution de la représentation dans l'expérience toxicomaniaque, Perspectives psychiatriques, 2002, vol. 41, n°4.

MIEL C. L'identification projective dans la toxicomanie, Evolution psychiatrique, 2002, 67, pp.326-336.

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Il n'est plus possible, à ce jour, de concevoir les rapports toxicomanie /

délinquance sur le même mode, en raison :

- de l’extension du phénomène toxicomaniaque, dont certains produits

bénéficient d'une banalisation.

- de sa propagation auprès de mineurs de plus en plus jeunes.

- du développement de la polytoxicomanie.

- de la recherche d'un état de défonce au détriment de la convivialité,

du partage d'expériences ou de valeurs communes.

- de l'étiolement de la notion de limite comme donnée culturelle et du

développement de la délinquance juvénile.

Plutôt que d'évoquer des rapports de causalité entre la consommation

de drogues et la délinquance, il apparaît plus approprié de parler de liens

d'antériorité, en présence d'un tableau clinique alliant délinquance et

toxicomanie. C'est vers l'âge de 10 ans qu'apparaissent les premières

activités délinquantes, sous forme d'hostilité au milieu familial, scolaire puis

social. Elles précèdent de 2 ans la consommation d'alcool, de 3 à 4 ans la

consommation de cannabis, et de 5 à 6 ans la consommation de

médicaments à usage détourné ou de drogues dures.

Une étude québécoise récente 130 révèle que l'activité délictueuse et

les troubles du comportement précèdent la consommation de produits

psychoactifs. Ces formes de conduites s'ordonnent selon un processus

d'aggravation. Les formes de conduites déviantes suivent la progression

suivante : rébellion scolaire, rébellion familiale, vol mineur, agression,

vandalisme, consommation de produits psychoactifs, relations sexuelles

précoces, vol grave et prostitution. Il est noté chez les adolescents abusant de

la consommation de drogues, une majoration des conduites de rébellion

familiale et scolaire et un retard dans les activités sexuelles par rapport aux

adolescents judiciarisés.

Il s'établit ainsi entre la tendance à un comportement déviant et les

effets liés à la consommation de produits psychoactifs, des liens dynamiques

qui vont s'intensifier en fonction des facteurs de risques existants, en rapport

avec le contexte familial, l'histoire personnelle et l'environnement immédiat.

130. LE BLANC M., GIRARD S. – Psychotropes et délinquance : séquences développementales et enchâssement , Psychotropes, 1998, vol 4, n°2, pp.69-91.

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2. Une souffrance agie délictueuse

2a. L'adolescence et l'agir

L'adolescence est cette période intermédiaire entre l'enfance et l'âge

adulte qui désigne l'âge du changement. C'est une période transitoire au

cours de laquelle s'observent des bouleversements psychiques et corporels

qui définissent un état de crise, de déséquilibre temporaire marqué par des

conflits internes et externes, des situations de stress, ou des demandes

urgentes. La phase pubertaire avec l'accès à la génitalité est source

d'angoisse et de transformations de l'image corporelle. L'adolescent accède à

un mode de perception différent de son corps propre qui est investi d'un

sentiment d'étrangeté tout en étant un moyen d'expression symbolique de ses

conflits et des modes relationnels par l'habillement, l'attitude adoptée ou

l'attention qui lui est apportée.

Aux modifications physiologiques et pulsionnelles s'associe un travail

de deuil des figures parentales à réaliser. Il correspond à une remise en

question des modes relationnels, des projets et des plaisirs élaborés en

commun avec des personnes proches. Le remaniement de l'équilibre entre

investissements objectaux et investissements narcissiques peut donner lieu à

des conduites diverses : désintérêt, passivité, repliement sur soi, fugue. Il

s'accompagne d'un mouvement de désidéalisation parentale que promeut le

désir d'indépendance et d'affirmation de soi.

Les pulsions libidinales et agressives se trouvent aux prises avec des

mouvements de désidentification – identification comme avec des situations

d'affrontement ou d'alliances nouvelles. La gestion de l'agressivité constitue

alors une donnée importante. A défaut d'une liaison libidinale suffisante, elle

prend la forme dans ses manifestations extrêmes, de passages à l'acte ou de

conduites d'autoagressivité qui, à défaut d'être niés comme dans l'inhibition,

se trouvent évacués sur un registre comportemental.

Les divers aménagements psychiques qui s'opèrent pendant la phase

de l'adolescence, renvoient à la notion de perte et nécessairement de

processus de deuils de modes relationnels à l'objet qui fragilisent

l'identification. Tout traumatisme fantasmatique ou réel survenant sous la

forme de décès de proches ou de violences diverses va faire, d'un deuil

normal s'inscrivant dans un processus maturatif de l'individu, un deuil

pathologique. La dépressivité qui accompagne le travail de deuil normal à

l'adolescence va être majorée chez les jeunes qui ne disposent pas d'une

personnalité structurée, d'un environnement suffisamment contenant et pour

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lesquels des expériences et des événements particuliers vont prendre un

aspect traumatique.

Les conduites de l'agir (l'auto ou hétéro-agressivité, les vols, la fugue,

le vandalisme) comme les conduites psychopathiques marquées par

l'impulsivité – agressivité, l'instabilité mais aussi la passivité – dépendance,

renvoient à la question de la limite dans la relation à l'autre en tant qu'élément

de structuration interne. Les conduites de l'agir masquent un fond dépressif,

une quête impérieuse de la satisfaction immédiate et prennent la forme de

conduites d'évitement d'un ressenti perçu de façon angoissante. Les

conduites de l'agir traduisent les difficultés à vivre, au niveau symbolique, le

désengagement des objets internalisés d'amour et de haine et permettent

d'établir une continuité à l'intérieur du Moi, par un raccrochage à la réalité et

un évitement d'une décompensation de la personnalité.

La crainte de la perte de l'objet caractérise la problématique

dépressive du fonctionnement de la personnalité état-limite. La prédominance

aujourd'hui de ce type de personnalité dans les conduites pathologiques à

l'adolescence, tient à un fait de société. La conflictualité oedipienne est moins

marquée et ne contribue plus à une structuration suffisante de la personnalité

de l'adolescent. L'autorité parentale est moins affirmée : différences

intergénérationnelles moins soutenues, interchangeabilité des rôles, crise de

l'identité des pères, familles éclatées, recomposées, parents démunis plus

que démissionnaires dans leur manque d'assurance de repères éducatifs, etc.

Il s'ensuit le maintien prolongé de l'enfant dans une relation duelle

mère/enfant puis ultérieurement, du jeune au sein de la cellule familiale. Dans

bien des cas, la fonction tierce assurée par le père ou son substitut n'est pas

opérante. Elle ne permet pas l'accès à la triangulation, à la dynamique

oedipienne et dès lors l'intégration de la loi symbolique construite autour des

interdits de la violence et de l'inceste.

La problématique psychique prévalente de l'adolescent aujourd'hui

n'est plus tant la confrontation à des interdits moraux, normatifs repérés dont

la transgression suscite une culpabilité vive. Il a davantage à faire à des

repères éducatifs familiaux flous, ambigus, contradictoires qui l'insécurisent,

ne contribuent pas à l'intégration de la loi symbolique. La transgression n'est

plus vécue comme telle, elle n'a plus la même portée quand toutefois elle est

reconnue. Les jeunes aujourd'hui ne sont plus confrontés à un trop plein

d'interdits mais au contraire à un manque de repères structurants 131.

131. MIEL C. – Genèse de la toxicomanie : approche clinique, Journal des psychologues, novembre 1998, n°162.

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2b. Un style de vie déviant

Le concept de style de vie déviant tient compte des expériences

d'échec et de rejet (familial, scolaire, économique, éthique) perçues, de la

nature de l'estime de soi qui en découle, des significations que le jeune

attribuent à ses expériences, comme de l'environnement social. Ce concept 132 s'inscrit dans la perspective d'acteur social situé. Ce dernier désigne une

personne qui a été exposée, au cours de sa vie, à des facteurs de risque tels

qu’un milieu familial inadéquat, des expériences de victimisation ou de

négligence parentale, une inadaptation scolaire ou une précocité

d’expériences déviantes.

Ces facteurs de risque d'intensité variable déterminent un style de vie

plus ou moins déviant. Celui-ci est défini par des interactions complexes entre

le type de drogue, les facteurs personnels (valeurs, habitudes), le contexte

socio-économico-culturel. Il est nécessaire de les prendre en compte pour

comprendre et agir sur les rapports délinquance / toxicomanie pris dans leur

globalité.

Sur ce fond psychosocial sous jacent au style de vie déviant, il importe

de souligner que l'intensification des usages de consommation entraîne une

plus grande prise de risques dans la pratique des délits 133, accentue les

conduites de transgression et le retrait social. Une étude récente menée

auprès de jeunes incarcérés 134 souligne que la consommation d'alcool

conduit de la perte de contrôle de soi à des bagarres, aux comas éthyliques

tandis que le cannabis fonctionne comme un régulateur des tensions

psychologiques et des contraintes sociales (il favorise la désinhibition sociale

et les relations interpersonnelles). La consommation isolée ou associée de

ces produits participe de la gestion du mal être, de la maîtrise des peurs ou

d'une quête d'affirmation de soi. Cette étude souligne en outre l'inadéquation

des dispositifs actuels d'intervention auprès de ce type de public.

Comme nous l'avons évoqué, la conduite délinquante et la conduite

toxicomaniaque tendent à s'imbriquer l'une dans l'autre, même si, en fonction

des contextes psychosociaux, il peut être observé une majoration de l'une sur

l'autre.

132. BROCHU S., BRUNELLE N. – Toxicomanie et délinquance. Une question de style de vie, Psychotropes, 1997, 4, pp.107-125.

133. AQUATIAS S. et Coll. – L'usage dur des drogues douces. Recherche sur la consommation de cannabis dans la banlieue parisienne. Délégation Générale de Lutte contre les Drogues et la Toxicomanie, Ministère de l'Education supérieure et de la Recherche, Paris, Grass/Iresco, 1997, 186 p.

134. GUICHARD A. et Coll. – Tensions sociales et usages de drogues. Une étude chez des jeunes incarcérés , Psychotropes, 2002, vol.8, n°1, pp.43-63.

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Toutefois, il est fréquemment relevé qu'une conduite délinquante

juvénile soit associée, au minimum, à une consommation abusive d'alcool. De

même, une conduite toxicomaniaque juvénile, par définition délictueuse, se

trouve nécessairement majorée, à terme, par des comportements délinquants.

La violence extériorisée comme la violence contenue par la prise de drogues,

relèvent toutes deux du rapport à la limite et procèdent d'une dynamique

inconsciente commune qui est celle d'un lien objectal barré 135.

La prise en charge de ces adolescents difficiles passera donc par

l'aménagement de l'espace et l'établissement d'un cadre formé d'un réseau

relationnel intense et dynamique. Nous aurons l'occasion d'aborder les

déterminants de cette prise en charge dans la troisième partie.

III. Le dispositif éducatif en question

L'ordonnance du 1er septembre 1945 crée la direction de l'Education

Surveillée 136, détachée de l'administration pénitentiaire. En 1990, elle devient la

Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). Ses missions portent sur la prise en

charge des mineurs en danger au titre de l'assistance éducative, sur le suivi des

mesures éducatives ou des sanctions pénales décidées par le Juge des Enfants, à

l'égard des mineurs.

La Protection Judiciaire de la Jeunesse implantée dans chaque département,

dispose de structures diversifiées : les Services Educatifs Auprès des Tribunaux

(SEAT) 137, les Foyers d'Action Educative (FAE) 138, les Centres Educatifs Renforcés

(CER) 139, les Centres de Placement Immédiat (CPI) 140 et bientôt les Centres

Educatifs Fermés (CEF) 141. La PJJ comprend un secteur public 142 qui prend en

charge toutes les mesures, tant au pénal qu'au civil, pour les mineurs et les jeunes

majeurs âgés entre 18 et 21 ans. Elle comprend aussi un secteur associatif habilité

justice qui prend en charge toutes les mesures au civil et n'effectue au pénal que les

placements et les réparations. 135. MIEL C. – La toxicomanie ou la quête impossible de l'objet , Psychotropes, vol. 8, n°1, 2002, pp. 7-21. 136. Elle est chargée, dans le cadre d'Institutions Publiques d'Educations Surveillée (IPES) d'assurer une formation professionnelle aux mineurs.

En 1970 sont créés les Foyers d'Action Educative et les Services d'Orientation Educative. En 1972, les IPES deviennent des Institutions Spéciales de l'Education Surveillée (ISES).

137. Ils sont rattachés auprès des tribunaux pour enfants. Ils orientent les mineurs délinquants déférés, proposent des solutions éducatives aux magistrats, assurent le suivi des mineurs incarcérés et exécutent les mesures de liberté surveillée, de contrôle judiciaire, de travail d'intérêt général, de réparation.

138. Ils disposent d'une capacité d'accueil de 12 places. Lorsque l'hébergement collectif n'est pas adapté aux mineurs, ils apportent une réponse individualisée (famille d'accueil) s'inscrivant, le cas échéant, dans un projet d'autonomisation (studio, Foyer de Jeunes Travailleurs).

139. Ils prennent en charge des mineurs délinquants, au cours de sessions de 3 mois, dans le cadre de projets de rupture. 140. En 2003, ils sont au nombre de 100 (62 ouverts, 15 en cours, 16 à l'étude) et accueillent des mineurs en grande difficulté en vu d'établir un

projet éducatif à long terme. 141. Créés récemment dans la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002, ils visent à accueillir des mineurs délinquants multirécidivistes, faisant

l'objet d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve. L'hébergement est prévu pour 6 mois à 1 an, avec un projet de scolarisation et de formation professionnelle et un accompagnement psycho-éducatif.

142. Le secteur public comprend 470 établissements et le secteur associatif 1 100 établissements et services habilités justice.

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1. L'articulation du secteur éducatif et du secteur judiciaire

1a. Des modes de gestion du temps différents

La circulaire du 15 juillet 1998 insiste sur la nécessité d'apporter une

réponse judiciaire aux premiers faits de délinquance et d'associer les familles

et l'ensemble des acteurs concernés par la délinquance des mineurs. La

circulaire fait obligation aux magistrats de convoquer les parents, même

quand ils sont séparés et leur rappelle la possibilité de poursuites judiciaires à

leur encontre, s'ils ne se présentent pas.

La circulaire du 24 février 1999 invite les actions de la PJJ à repenser

les modes d'intervention dans les sens d'un accompagnement plus soutenu, à

favoriser les échanges autour des pratiques professionnelles avec les autres

partenaires institutionnels. Ce travail en partenariat s'établit autour de trois

thèmes principaux : la scolarisation 143, le soutien des familles dans l'exercice

de leurs responsabilités 144 et la santé des mineurs 145.

Le délai d'exécution des mesures 146 ne prend pas sens pour le mineur

concerné et s'apparente, dans certains cas, à un déni de justice quand elles

mettent plusieurs mois à être réalisées 147. L'impact éducatif de la sanction

judiciaire perd en crédibilité en même temps que le décalage dans le temps

augmente le risque potentiel de récidives du côté des mineurs. La tendance à

la judiciarisation des faits – certains pouvant relever d'une protection

administrative – comme les retards pris dans une décision de justice à l'égard

de mineurs bénéficiant d'une liberté surveillée préjudicielle, accroissent la

surcharge de travail des services éducatifs. Les délais d'exécution relatés sont

producteurs de non-sens chez un mineur, dès lors que le décalage entre la

parole judiciaire et l'acte éducatif est important. Ils ne font que reproduire un

mode de fonctionnement qui existe dans son environnement immédiat,

marqué souvent par l'incohérence éducative.

143. Une recherche sur les processus de déscolarisation des moins de 16 ans est engagée. Des échanges ont lieu autour d'expériences de

classes relais qui ont pour objectif la réintégration dans le système scolaire de jeunes adolescents qui en sont exclus par leurs troubles comportement.

144. Il passe par la participation à la mise en place de groupes de paroles de parents, dans le cadre du réseau d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents tel que le définit la circulaire du 9 mars 1999 du Ministre de l'emploi et de la solidarité.

145. Un pôle santé est constitué au sein de la PJJ avec pour objectif, la mobilisation des services autour de l'inscription dans les politiques publiques de santé, la prise en compte de la santé dans le travail éducatif et la promotion d'un travail clinique.

146. En 2000, 7500 mesures étaient en attente et le délai moyen d'exécution était de 51 jours, variable selon la nature de la mesure. L'indication d'un délai moyen ne rend pas compte de la variabilité existant dans les délais d'exécution des mesures pouvant s'étaler sur plusieurs mois pour un sursis avec mise à l'épreuve. Les mesures en attente d'exécution varient aussi selon les départements.

147. La circulaire du 8 mars 2002 qui institue la mise en place d'une commission spécialisée pour la justice des mineurs dans le cadre des cellules justice-ville créées en 1991, invite les différents services relevant du ministère de la justice, s'agissant du milieu ouvert, "de traiter le sujet des mesures en attente lorsqu'elles existent et des délais de prise en charge, de modalité de travail entre le magistrat mandant et le service d'exécution de certaines mesures (exemple : le contrôle judiciaire), de la politique de développement des mesures de réparation et de TIG".

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1b. L'action éducative à repenser

Les conduites addictives (alcool, drogues) et les conduites à risque

(jeux dangereux, tentatives de suicide) imprègnent de plus en plus le

comportement délinquant, dans notre société de consommation. L'incapacité

à différer la satisfaction, l'intolérance à la frustration, au délai, à l'attente,

caractéristiques d'un mode de fonctionnement du "tout, tout de suite", sont

manifestes et préfigurent le fonctionnement toxicomaniaque. Rien ne saurait

mettre fin au "désir" qui l'assaille, si ce n'est le passage à l'acte qui réalise en

retour l'écrasement de la dimension du désir, le court-circuitage de la pensée.

Dans la continuité délinquante toxicomaniaque, l'objet consommé ne

répond plus à un besoin mais à un acte de consommation dans le fait de

posséder ou d'absorber sans recul critique. Face à une société de l'excès, de

la dépense, du déchet – sorte de mère trop présente, trop envahissante –

l'adolescent ramène son désir à un besoin de consommer. Il ne parvient pas à

différer la satisfaction, à faire l'expérience du manque qui lui permettrait de

procéder à un travail de mentalisation psychique de son angoisse.

Il importe dès lors en matière d’hébergement, comme le préconise le

rapport CIRESE 148 de recourir à la fonction structurante d’un projet d’activités

proposé aux mineurs placés. Le rapport insiste sur l’intérêt de la

” coproduction ” de la vie quotidienne entre adultes et mineurs.

Ainsi, la prise en compte des conduites de violence des mineurs

délinquants nécessite de recourir à l'innovation dans le dispositif de prise en

charge et dans la relation éducative. Cette démarche s'opère notamment avec

la mise en place des Centres éducatifs Renforcés.

. 2. Les Centres Educatifs Renforcés : une réponse éducative à la prise

en charge de mineurs délinquants multirécidivistes.

La mise en place de ce nouveau dispositif rencontre dès le début de

nombreuses réticences. Elles questionnent ce mode de prise en charge

éducatif comme la prédominance du judiciaire sur l'éducatif. Ce dispositif

s'inscrit dans le même temps, au cœur du débat sur le mode de traitement de

la délinquance juvénile, oscillant entre le répressif et l'éducatif.

148. CAUQUIL G. (sous la direction de), Evaluation des dispositifs PJJ de prise en charge des mineurs multirécidivistes ou en grande difficulté, Rapport du cabinet CIRESE, janvier 2001, 60p. Ce rapport a été demandé par le Conseil de Sécurité intérieure du 31 janvier 2002, pour évaluer le programme lancé en 1998-1999 des CPI, CER et des centres de jour.

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2a. Les modes de fonctionnement institutionnel et les pratiques

éducatives en question

Ce public de mineurs délinquants multirécidivistes, en grande difficulté

psychologique et sociale, fait échec aux prises en charge psychiatriques,

psychologiques, éducatives ou judiciaires. Il n’est pas nouveau et les

réponses apportées en terme d’incarcérations ou de placement psychiatrique

ne sont pas satisfaisantes 149. Un rapprochement entre le secteur

psychiatrique et la PJJ a été préconisé par les ministères concernés afin de

répondre de façon plus appropriée aux spécificités de ce public 150.

Ce questionnement sur l’articulation entre la santé et l’éducatif sous

mandat judiciaire devient un thème prédominant 151. Le rapport ALECIAN

préconise une complémentarité des compétences entre services éducatifs et

psychiatriques, entre le pédagogique et la clinique. Il s’agit de dépasser les

clivages relationnels, institutionnels et sociaux en intervenant sur une “ zone

commune de transversalité qui va soutenir chacune de ces pratiques ” 152.

Celle-ci est délimitée par certaines données telles que la prise en compte de

la conflictualité comme condition indispensable au travail éducatif et clinique

et la préservation de la continuité des pensées face aux ruptures engendrées

par le jugement et le placement. La fonction de ” passeur ” de l’éducateur

dans son rapport avec les autres professionnels, l’incidence des mouvements

de personnes dans les institutions, la prise en compte du travail de la pulsion

de mort dans la compréhension des comportements, la guidance parentale y

sont aussi soulignées.

Du comité de pilotage animé par le docteur Patrick ALECIAN est issu

un groupe de recherche action portant sur les pratiques éducatives. L’accent

est mis sur la notion de clinique éducative. Il s’agit d’aller vers le jeune pour

l’aider à exprimer sa souffrance sur un mode individuel ou groupal et de se

démarquer d’une ” conception de la relation éducative comme une relation de

service à la personne afin de réamorcer, de l’échange, du lien, de la socialité,

de la reconnaissance ” 153.

149. Un rapport remis au Garde des Sceaux en 1974 (MOLINES M. Les mineurs difficiles ) soulignait déjà la particularité de c e public et les

modes de réponse inadaptés. D’autres études mettaient l’accent sur leurs conduites de violence (BAILLEAU F. Mineurs délinquants et fonctionnement judiciaire, Paris : Ministère de la Justice, 1986) et leur capacité à mettre en échec les structures de prise en charge (TANTI A. ABADI M., ANDRIEU R., L’insertion des adolescents en difficulté, Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale des services et Commissariat général au plan, Paris : La Documentation française, 1993).

150. Circulaire du ministère de la solidarité, de la santé et de la protection sociale du 14 mars 1990, relative aux orientations de la politique de santé mentale. Circulaire n° 70 du 11 décembre 1992 de la Direction générale de la santé relative aux orientations de la politique de santé mentale en faveur des enfants et adolescents. Circulaire d’orientation relative à la protection judiciaire de la jeunesse, NOR JUS F 99 500 35 C du 24 février 1999.

151. La prise en charge des mineurs en grande difficulté, Actes du Séminaire santé-justice du 25 et 26 mai 2000. 152. ALECIAN P., Proposition clinique pour les mineurs auteurs d’agressions ou de violences , rapport DPJJ, août 2002, 53 p, p.20.

153. LAVAL C. Des pratiques éducatives de santé mentale dans le champ de la PJJ, Lyon : Orspere, mai 2002, 88 p, p.68.

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L’intérêt de réintroduire le jeune dans la circularité du don, par une

participation à des activités à caractère social ou humanitaire est évoqué,

comme de réintroduire le jeune dans une filiation, par une reconnaissance

mutuelle.

Certaines des propositions exposées ci-dessus sont déjà mises en

application dans le Centre de Soins que je dirige. Il en est du dépassement du

clivage relationnel (éducateur/psychologue), institutionnel (santé/social),

comme de la réintroduction du conflit dans la relation au toxicomane, au

travers du rappel du cadre. La réactivation des processus de pensée est une

préoccupation constante pour prévenir le passage à l’acte, contenir le travail

de la pulsion de mort. Enfin, au ” tout, tout de suite ” du toxicomane, il lui est

opposé l’obligation de faire correspondre ses actes et ses intentions, de

témoigner régulièrement de sa motivation à s’insérer socialement.

Ce mode de prise en charge qui inspirera le projet de CER exposé

dans la troisième partie, s’inscrit dans une perspective plus large de partage

des problématiques et des frontières institutionnelles. La référence à l’origine

des financements, aux compétences internes, à la spécificité du public ne

doivent pas constituer une ligne défensive tendant à évincer la prise en

compte de problématiques associées comme l’alcoolisme et la délinquance

sexuelle. Il importe d’avoir toujours à l’esprit que les professionnels

n’interviennent pas sur un public mais sur les problématiques qu’ils

rencontrent. Le fait de travailler dans d’autres conditions permet de se

confronter à de nouvelles limites et “ la nécessaire segmentation de nos

institutions ne doit pas devenir une segmentation de notre pensée et de notre

préoccupation pour les problématiques ” 154.

Au-delà d’un questionnement sur les pratiques éducatives, se pose la

nécessité d’une redécouverte du temps de l’hébergement comme “ celui de

l’apprentissage de la citoyenneté, de la vie sociale au sein de la communauté

de vie du jeune ” 155, d’une redécouverte d’une pédagogie du ” vivre avec ”. La

revalorisation de l’internat passe par une gestion des ressources humaines,

en terme de recrutement, de formation et de soutien technique aux équipes

éducatives.

154. BARBE L. Quoi de neuf aux frontières ? Lille, COPAS, décembre 1999, n° 21, 16 p, p.7. 155. Groupe de réflexion nationale sur l’hébergement DPJJ, Contribution à la réflexion sur les pratiques professionnelles dans les établissements

éducatifs du secteur public et du secteur associatif habilité justice, décembre 1998, 45 p, p.8.

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La désaffection des éducateurs pour l’hébergement traditionnel est

soulignée par une commission d’enquête parlementaire 156 qui dénonce le

manque de places, la sous-utilisation des structures, la faiblesse de la

présence éducative.

Les constats sur l’encadrement éducatif en hébergement dans

l’Education surveillée, ne sont pas nouveaux. Ils se juxtaposent à l’observation

de comportements délinquants marqués par un rajeunissement et une

violence accrue. Ils sont venus réinterroger les options prises dans les années

80 de supprimer les quartiers pour mineurs gérés par l’Education surveillée au

profit d’une prise en charge traditionnelle, dans un cadre

pluridisciplinaire.Toutefois, la réflexion autour de l’élaboration de modes de

réponse adaptés à ce type de public s’est poursuivie et les idées émises ont

été formalisées par la création des Unités à Encadrement Educatif Renforcé

(UEER) 157.

2b. Une maturation du dispositif

Les premiers UEER 158 ouvrent en 1996. Les projets éducatifs

reposent sur :

- l'instauration de lieux de vie proches du cadre familial afin de

permettre aux mineurs d'expérimenter un mode de relation

éducative plus structurant.

- l'immersion dans des conditions de vie difficiles (en mer, en

montagne, dans le désert africain) afin de les amener à mobiliser

leurs ressources personnelles, dans une meilleure prise en charge

de leurs conditions physiques et de leur nécessaire adaptation au

milieu environnant.

- la pratique de sports à risque, dans une perspective de perception

du danger, de confrontation aux limites corporelles et de mise en

place de mécanismes de protection.

156. CARLE J.J., SCHOSTEK J.P., Délinquance des mineurs : la République en quête de respect, p.98. cette désaffection des professionnels,

comme, l’inadaptation de l’hébergement traditionnel aux cas lourds, étaient déjà évoqués dans le rapport sur les UEER des Inspections générales des affaires sociales, des services judiciaires et de l’administration, janvier 1998.

157. BLATIER C., CHAUTANT C. Mineurs délinquants aux limites de la prise en charge, Paris, Bulletin de psychologie, mai-juin 1999, Tome 52(3), 441, pp.321-328, p.324.

158. La loi du 14 novembre 1996 dite "Pacte de relance pour la ville" lance le programme de création des U.E.E.R.

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004

Dans les premiers temps, des difficultés d'installation et de mise en

route s'observent. Peu de mesures judiciaires de placement sont adressées

mais le public orienté correspond au profil préalablement défini de mineurs

délinquants récidivistes, aux conduites souvent violentes 159.

En 1998, le gouvernement décide de poursuivre l'expérience des

UEER sous le nom de Centres Educatifs Renforcés (CER) 160.Le cahier des

charges des CER 161 définit les modalités d'une prise en charge éducative

contenante, dans le cadre de sessions de 3 mois articulées autour de la

notion d'idée de rupture. Une présence éducative resserrée, deux éducateurs

en permanence la journée pour un groupe de six jeunes et une présence

éducative la nuit, sont prévues. Il est rappelé que le fonctionnement des CER

doit s'inscrire dans un tissu partenarial, au sein d'un dispositif départemental.

Le montant du budget de fonctionnement alloué initialement 162 est aujourd'hui

majoré. Il tient compte de l'augmentation des charges de fonctionnement, de

la masse salariale, de la mise en place de la loi sur les 35 heures et de

modalités spécifiques (astreintes, indemnités).

Le fonctionnement par session est d'emblée critiqué par le personnel

éducatif de la PJJ. Il induit une répartition discontinue du temps de travail en

raison de l'activité intense au cours des sessions et de la nécessité de la prise

des congés, des jours de RTT et des jours de récupération 163, sur plusieurs

semaines. La brièveté des prises en charge éducative est aussi dénoncée et

pose la question du maintien à long terme des changements qui ont pu être

réalisés dans le comportement du jeune. L'inscription relative des CER dans

un réseau partenarial renforce cette perception et pose la question du devenir

des jeunes à la sortie, si des relais avec d'autres structures ne sont pas mis

en place.

L'implantation des CER fait aujourd'hui partie de la palette de réponses

éducatives possibles à la délinquance juvénile 164.

159. A fin décembre 1997, le dispositif a pris en charge 167 jeunes pour une capacité d'accueil de 65 places (secteur public et associatif)

réparties entre 17 UEER fonctionnant par session de 3 mois. Le faible nombre de mesures prononcées à cette période tient davantage d'une méconnaissance du dispositif par les magistrats, comme le souligne le rapport CIRESE d'octobre 1997 (Evaluation des premières UEER, synthèse de six études monographiques, 35 p. et GAGNEUX M., FELTZ F., LANGLAIS J.L, Rapport sur les UEER et leur rapport à l’hébergement des mineurs délinquants, Paris, Inspections générales des affaires sociales, des services judiciaires, de l’administration, janvier 1998, 92 p.

160. En juillet 2001, 47 CER sont en activité, 37 relèvent du secteur associatif et au cours de l'année 2001, 520 mineurs sont accueillis. Les CER fonctionnant par sessions, le taux d'occupation est de 90 % en moyenne.

161. Voir en annexe. 162. En 1999, il est de 2 800 000 Frs (430 770 €) pour un encadrement de 7,5 ETP, ce qui fait un prix de journée de 1 278 Frs (196,60 €). 163. Les jours de RTT correspondent aux journées de réduction du temps de travail telles que définies dans la loi n° 98-461du 13 juin 1998

d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail.

164. ” En 2002, 57 CER fonctionnent (dont 9 relevant directement de la PJJ), 17 étaient en cours d’ouverture et 24 en cours de montage. Trois avaient été fermés en 1997, trois autres l’année suivante et deux en 2001 ” (TREMETIN J. Les CER dans la confusion, Lien social, 3 juillet 2003, n° 672, pp.4-8, p.5.

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004

Les CER “ structurent les jeunes par la réalisation des équipes

pédagogiques pluridisciplinaires associant les compétences techniques

fondées sur le faire, l’agir plutôt que sur la communication, la verbalisation et

le conseil ” 165.

La fonction structurante du projet, le séjour de rupture, le respect des

règles de vie en collectivité, le ” faire avec ”, la présence éducative dans sa

capacité à instaurer des limites, constituent des notions fondamentales.Ces

structures constituent en outre un lieu d'expérimentation de pratiques

éducatives comme une redécouverte des fondements de l'action éducative en

hébergement 166.

L’ordonnance de 1945 a bénéficié de nombreux aménagements, en fonction

de l’évolution de la société et des conduites délinquantes. Des rapprochements entre

secteurs jusque-là cloisonnés, comme le judiciaire et l’éducatif, la santé et l’éducatif,

s’avèrent aujourd’hui indispensables et s’effectuent en terme de complémentarité.

Des modes de réponse éducative appropriés ont vu le jour avec la mise en

place des CER. S’ils apparaissent comme une rédécouverte de fondamentaux dans

l’action éducative, ils bénéficient d’une réflexion psychopathologique et pédagogique

plus approfondie pouvant davantage mettre en exergue leur action sur les conduites

des jeunes. Ils présentent aussi l’avantage de redonner à l’action éducative, une

fonction essentielle dans l’insertion sociale des mineurs délinquants, par la mise en

application d’outils pédagogiques opérationnels.

Le développement de la conduite délinquante, associée à la consommation de

produits psychoactifs, nécessite l’élaboration d’un projet de prise en charge

appropriée 167 pour un public qui cumule les handicaps, comme le préconise le

rapport sur les UEER de janvier 1998.La troisième partie de ce mémoire sera

consacrée à l’exposé de ce projet.

165. CAUQUIL G. et coll. Evaluation des dispositifs PJJ de prise en charge des mineurs multirécidivistes ou en grande difficulté, CIRESE, janvier

2002, 60p, p.17. 166. La DRPJJ Lorraine-Champagne-Ardennes et le Pôle Territorial de Formation de Nancy organisaient le 21 mars 2002, une journée

d’animation sur le dispositif pédagogique en CER, Manuel PALACIO, Chef de bureau des méthodes et de l’action éducative, Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, apportait les précisions suivantes : ” les principes éducatifs qui régissent ce type de prise en charge et de séjour de rupture ouvrent de nouvelles perspectives éducatives qui se différencient des modèles classiques de l’éducation spécialisée structurée dans les années 70-80 (souvent fondées sur l’adhésion et le contrat) ; ces principes éducatifs de l’éducation renforcée commencent à être transférés sur quelques autres dispositifs d’hébergement, FAE (Foyer d’Action Educative) ou CPI (Centre de Placement Immédiat) par exemple. Il conviendrait de généraliser les principes de l’éducation renforcée dans le cadre d’une spécialisation professionnelle (intitulée ” éducation sous justice”) qui permettrait à l’issue d’un tronc commun de formation initiale, de former les futurs intervenants de l’éducation renforcée ” (CER : entre bilan et projets, Le Colporteur, février 2003, n° 446, 3-6, p.6.)

167. Le rapport sur les UEER de janvier 1998 soulignait la nécessité d’une réponse adaptée à ce public : ” La plupart des UEER, à l’instar de ce qui se pratique, sous réserve de quelques exceptions, dans l’ensemble des établissements d’hébergement, refusent d’admettre les jeunes délinquants toxicomanes, estimant à juste titre que ces derniers ont besoin d’une prise en charge spécifique pour laquelle elles ne sont pas armées. Le problème reste donc entier pour cette catégorie de jeunes dont le nombre semble aller croissant ” (ibid, p.25.).

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D. PROJET DE CENTRE EDUCATIF RENFORCE

A VERSANT ADDICTIF

I. Un contenant institutionnel à potentialité émergente

Le contexte organisationnel sera exposé dans un premier temps. Il prendra en

compte le fonctionnement associatif et la réglementation liée à la législation du

travail, au fonctionnement institutionnel et à l’accueil des usagers. Le contenu du

projet relatif aux modalités de prise en charge éducative et psychothérapique des

jeunes accueillis sera exposé dans un deuxième temps.

1. La mise en place du projet

1a. Les préliminaires

Le Conseil d’Administration de l’association, dans sa réunion du 24

octobre 2001, m’a mandaté pour la réalisation d’un projet pédagogique,

technique et financier de Centre Educatif Renforcé. L’année 2002 a été

consacrée à la rédaction de ce projet, émaillée de rencontres avec des

professionnels du CER Oxygène implanté à Raismes. Au fur et à mesure de

l’avancement du projet, celui-ci a été présenté aux administrateurs de

l’association et à des interlocuteurs de la DPJJ et de la DRPJJ. L’avis des

magistrats du département a été sollicité, avant sa présentation au Comité de

pilotage national des CER, à la direction nationale de la PJJ, les 16 décembre

2002 et 30 janvier 2003. Un deuxième passage s’est avéré nécessaire, les

membres du comité souhaitant un développement plus explicite des

techniques thérapeutiques et de l’articulation entre le thérapeutique et

l’éducatif. Le projet a été présenté le 18 mars, lors de la réunion régionale des

CER. L’arrêté d’autorisation d’ouverture du CER a été adressé à l’association

le 18 mars 2003.

Dans le même temps, une demeure suffisamment spacieuse est

trouvée sur la commune de Molinghem, à 20 kilomètres de Saint-Omer, en

vue de son acquisition pour la réalisation du projet.

1b. Les éléments administratifs et budgétaires

à Les délibérations de l’Assemblée Générale

L’association, lors de son Assemblée Générale extraordinaire du 5

avril 2003, opte pour une nouvelle dénomination et s’intitule désormais

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ABCD, Aides, Soins et Prises en charge. Elle étend ses missions, en insérant

dans l’article 2 de ses statuts, les modifications suivantes : ” par extension et

compte tenu de l’évolution significative des besoins de la société,

l’association s’autorise à créer et à gérer toute structure prenant en charge

des mineurs ou majeurs présentant des conduites déviantes et/ou addictives,

se traduisant par des troubles de la conduite et du comportement. A ce titre,

les établissements peuvent être habilités Justice ”.

L’Assemblée Générale Extraordinaire donne l’autorisation au Président

de contracter les emprunts nécessaires pour la réalisation de l’opération

d’implantation du CER.

à les démarches diverses relatives au local

Le Président et les membres du bureau de l’association rencontrent les

élus locaux afin de leur présenter le projet et de solliciter leur adhésion pour

son implantation sur le secteur.Un compromis de vente de l’immeuble, sous

seing privé, est signé par le Président, le 14 avril, pour un montant principal

de 270 000 €, auxquels s’associent des frais notariaux à hauteur de 27 000 €.

La signature de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente doit

être réalisée avant le 6 septembre. Un prêt couvrant la totalité de l’opération

est sollicité auprès d’un établissement bancaire, avec un taux d’intérêt de 5 %

hors assurances, sur une durée minimale de 20 ans, l’accord d’obtention du

prêt devant intervenir avant le 15 juin.

L’immeuble est construit sur une superficie de 5800 m². Il ne présente

pas de servitude et il n’est pas observé d’éléments particuliers pouvant en

compromettre l’usage, sur le plan d’occupation des sols. Il comprend au rez-

de-chaussée, une cuisine, un salon-séjour, une lingerie, une buanderie, un

coin bibliothèque, un bureau, une salle de bains et WC et 4 chambres. Au

premier étage, il comprend une salle de bains, 3 chambres et une grande

salle de jeux.

L’immeuble entre dans le champ d’application du deuxième alinéa de

l’article 1 du décret n°96-97 du 7 février 1996 modifié 168, comme ayant été

bâti en vertu d’un permis de construire délivré avant le 1er juillet 1997.

168. L’article 2 du décret n° 96-97 du 7 février 1996 indique notamment que ” les propriétaires des immeubles mentionnés au premier

alinéa de l’article 1er doivent rechercher la présence de flocages contenant de l’amiante dans les immeubles construits avant le 1er

janvier 1980. Ils doivent également rechercher la présence de calorifugeages contenant de l’amiante dans les immeubles construits avant le 29 juillet 1996 et la présence de faux-plafonds contenant de l’amiante dans les immeubles construits avant le 1er juillet 1997.”

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004

Conformément aux dispositions des articles L.1334-7 du Code de la Santé

publique et 10-1 du décret du 7 février 1996, un constat précisant l’absence

de matériaux et produits contenant de l’amiante, est fourni par le propriétaire.

Des travaux de mise en conformité de l’installation électrique sont

prévus, de même que la pose de bloc porte coupe feu. Le certificat de

conformité sera délivré par la Commission de sécurité sera délivré avant

l’ouverture du centre.

à les assurances

Le Centre de Soins dispose actuellement d’une assurance pour couvrir

les risques liés à l’utilisation de ses locaux. Le montant de la prime sera

réévalué prenant en compte l’occupation de cet immeuble. De même, le

Centre de Soins souscrit pour ses services un contrat de responsabilité civile

qui sera étendu à cette nouvelle activité.

à le passage en CROSS

Un agrément d’habilitation est sollicité en septembre 2003 à l’occasion

de la présentation du projet aux membres du CROSS.

à l’habilitation Justice

Elle est délivrée par le Préfet, en même temps que l’autorisation

d’ouverture du CER, après instruction du dossier par le directeur régional de

la PJJ 169.

à les données budgétaires

Le budget de fonctionnement établi dans le cadre des accords

conventionnels CHRS-SOP s’élève à 725 799 € sur la base d’un nombre de

journées théorique de 2190 et le budget d’investissement s’élève à 474 722 €

(cf. annexe 3).

La masse salariale correspond à 61 % du budget global, pour un

personnel réparti sur 11 ETP. Des astreintes sont prévues pour le directeur

du Centre de Soins et le chef de service 170 et une prime de 40 points par

mois pour les personnels éducatifs et de surveillance de nuit 171.

169. La procédure d’habilitation régie par le décret n° 88-949 du 6 octobre 1988 a été simplifiée, suite à la Circulaire CRIM 2002-05 D

26/02/02 du Ministère de la Justice portant sur sa politique associative. Elle est accordée pour 5 ans. 170. Selon un accord 2002 de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale privée à but non lucratif, l’indemnité d’astreinte s’élève à 260

€ bruts par période de 6 jours consécutifs d’astreinte. Il ne peut être effectué, par salarié, plus de 26 périodes de 6 jours consécutifs d’astreintes dans l’année, en dehors des congés légaux, conventionnels et des jours RTT.

171. Cette prime est octroyée à l’instar de celle prévue dans l’avenant n° 268 à la Convention collective du 15 mars 1966, signée le 27 juin 2000 entre la fédération employeurs et la FNAS-FO et les autres syndicats signataires de la CCG qui les ont rejoints.

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Le financement est assuré par le Ministère de la Justice, sur la base du

règlement du nombre de journées de jeunes accueillis (le prix de journée

s’élève, pour ce projet, à 331.41 €). Etant donné le délai de 45 jours observé,

dans le règlement des prix de journées, l’association prévoit de solliciter une

avance de trésorerie auprès du Ministère de la Justice.

à le démarrage du projet

L’ouverture du CER est prévue pour le 1er octobre 2003 avec

embauche préalable au 1er septembre, du chef de service et de la secrétaire.

Le budget de fonctionnement pour 2003 s’élève donc à 182 938,32 € (cf.

annexe 3) sur la base d’un nombre de journées théorique de 552.

2. Les grands axes organisationnels

2a. La composition du personnel

à Le personnel est constitué :

- d’un chef de service

Il est chargé de la réalisation du projet pédagogique, de l’animation de

l’équipe encadrante, de la gestion des horaires, de l’entretien des locaux. Il

dépend hiérarchiquement du directeur du Centre de Soins, se trouve associé

à la réalisation du budget prévisionnel et ordonne les dépenses liées au

budget de fonctionnement.

Il est en contact avec les juges pour enfants pour les placements et

les services de la PJJ et assure la coordination avec les divers partenaires

pour préparer la sortie.

- de 4 éducateurs spécialisés, 3 moniteurs-éducateurs et un

éducateur technique à temps plein, qui assurent l’accompagnement éducatif

et l’animation des activités prévues depuis le lever jusqu’au coucher, avec une

présence éducative la nuit. L’éducateur technique assure en outre la

responsabilité technique de l’activité fermière, de l’élevage et des petits

travaux d’entretien des locaux. Les jeunes devront être associés,

responsabilisés dans toute intervention relative à la gestion des tâches de la

vie quotidienne et à l’animation du lieu de vie.

- d’un éducateur sportif à temps plein, intervenant au niveau de la

gestion du groupe mais aussi de tout ce qui a trait à l’animation sportive à

l’intérieur de Centre et en liaison avec des structures sportives extérieures.

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- d’une secrétaire-comptable à mi-temps qui assurera la gestion des

appels téléphoniques, la frappe des courriers, des comptes-rendus divers

(bilans, réunions, rapport d’activité, etc) et le traitement des opérations

comptables.

- de 3 psychologues, dont :

* un psychologue (11h30/semaine) qui utilise les techniques

psychocorporelles en groupe. Il assure en amont, un

accompagnement relationnel visant à préparer les jeunes aux

séances psychocorporelles et en aval, un accompagnement

psychologique, à des fins de contention et de métabolisation de

l’activité professionnelle.

* un psychologue (5h/semaine) qui utilise les techniques cognitivo-

comportementales, dans un soutien psychologique au

quotidien, en vu d’élaborer un projet d’insertion sociale. Il est

par ailleurs chargé de la mise en place d’une procédure

d’évaluation des prises en charge éducatives.

* un psychologue (4h/mois) qui aide l’équipe à réfléchir sur ses

pratiques éducatives et à décrypter les phénomènes

relationnels transférentiels et contre transférentiels.

à le recrutement

Une annonce d’offres d’emploi est diffusée dans le flash-hebdo du

CREAI (Centre Régional de l’Enfance et de l’Adolescence Inadaptée).

L’accent est mis sur la recherche de personnels qualifiés mais aussi de

professionnels disposant de compétences particulières dans des activités

sportives, artistiques, ayant une formation technique diverse, désireux

d’assurer la prise en charge de mineurs délinquants.

Les critères de sélection prennent en compte les compétences des

candidats repérés au travers de leur parcours professionnel, de leur aptitude à

s’adapter aux situations difficiles, de leur positionnement personnel dans la

relation à l’autre et dans un travail d’équipe.

Une commission de recrutement constituée du président, de trois

administrateurs et du directeur est chargée d’établir une pré-sélection des

candidatures à partir de l’étude des lettres de motivation et des curriculum

vitaë. Les candidats sont ensuite reçus en entretien, par les membres de la

commission, qui évaluent leurs potentialités sur la base d’une connaissance

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préalable des postes à pourvoir. La commission se détermine en dernier lieu

sur les candidats à retenir.

à L’organisation technique

Une présence éducative sera assurée jour et nuit :

- deux éducateurs encadreront le groupe la journée de 8h à 14h et de

14h à 23h, du lundi au vendredi.

- un éducateur sera présent le samedi et le dimanche de 8h à 14h et

un autre de 14h à 23h, le groupe étant plus restreint le week-end.

- un éducateur différent assurera une présence la nuit de 23h à 8h du

lundi au vendredi, et de 20h à 8h les nuits de samedi et dimanche.

L’équivalence retenue en temps horaire, est de 3 heures pour 9 heures en

chambre de veille et une demi-heure par heure au-delà. La période de

présence en chambre de veille ne peut excéder 12 heures 172.

Il est opté pour la modulation du temps de travail, en raison de

variations d’activités liées à la continuité de la prise en charge des jeunes et

aux rythmes de fonctionnement du centre. Cette modulation fera l’objet d’une

concertation avec les délégués du personnel. Elle permet de déroger au

paiement des heures supplémentaires et aux règles du repos compensateur à

condition que la durée hebdomadaire ne dépasse pas 44 heures 173 et la

moyenne annuelle hebdomadaire, 35 heures. En cas de dépassement, les

heures supplémentaires seront payées ou feront l’objet de repos

compensateurs de remplacement.

Lors de la réalisation de transferts, il pourra être effectué jusqu’à 60

heures par semaine, après autorisation de l’Inspecteur du travail. La

compensation du surcroît de travail peut s’envisager sous la forme de

paiement d’heures supplémentaires avec majoration ou dans le cadre d’une

formule mixte. Cette disposition fera l’objet d’une concertation avec les

délégués du personnel, de même que les éléments relatifs à l’organisation

des transferts 174 :

- les conditions d’organisation, les finalités, la durée

- les conditions d’accueil relatives aux locaux 172. La réglementation relative aux équivalences en chambre de veille est définie par le décret n° 2001-1384 du 31 décembre 2001 pris

pour l’application de l’article L.212.4 du Code du travail et instituant une durée d’équivalence de la durée légale du travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif.

173. Selon l’accord de branche sanitaire, sociale, et médico-sociale à but non lucratif visant à mettre en œuvre la création d’emplois par l’aménagement et la réduction du temps de travail, signé le 1er avril 1999 par l’UNIFED (Union des fédérations et des syndicats nationaux d’employeurs).

174. Par lettre du 10.07.1999, la Direction Générale de l’Ac tion Sociale considère que la procédure des transferts prévue par la circulaire n° 80-529, n° 8 et n° 80-350/B du 18.12.1980, doit s’appliquer aux enfants et aux adolescents accueillis à titre permanent ou en demi-internat par un établissement.

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- le nombre de salariés prévus pour l’encadrement de l’activité

extérieure, leur qualification professionnelle

- les horaires prévisionnels de travail et l’organisation des repos

hebdomadaires.

Un salarié ayant la responsabilité du séjour sera désigné et doté d’une

délégation de pouvoir.

2b. L’accompagnement du personnel

à L’animation de l’équipe et la gestion des projets individualisés

reposent sur la mise en place de temps de concertation :

- la réunion technique hebdomadaire constitue le premier maillon de ce

dispositif. Elle regroupe sous la coordination du chef de service, le

personnel de l’unité. L’échange collectif permet d’appréhender la

qualité de vie collective, sa cohérence fonctionnelle et la cohésion de

groupe. Il contribue à souligner l’adéquation des actions mises en

place par rapport aux objectifs éducatifs poursuivis et les

réajustements nécessaires. Les informations apportées par les

membres du groupe et retranscrites dans les différents documents

(fiches de faits marquants, grille d’observation, cahier de bord) sont

synthétisées dans un écrit rédigé par l’éducateur référent. Cet écrit sert

à la rédaction du rapport de fin de prise en charge adressé au Juge

des enfants.

- le bilan mensuel individualisé qui s’effectue en présence du chef de

service, de l’éducateur référent du centre, du jeune et de l’éducateur

référent PJJ qui a demandé son admission. Ce bilan aide le jeune à la

prise de conscience de ses comportements et de son évolution dans la

structure, par un renvoi des observations faites par l’équipe. Le jeune

est associé à la compréhension du sens qui se dégage de ses

comportements et de son parcours de vie. Il est invité à s’exprimer sur

ses difficultés d’intégration des règles de la vie quotidienne et

d’insertion dans le groupe. Ce bilan est construit sur un mode

participatif.

- la réunion bi-hebdomadaire de réflexion sur les pratiques éducatives.

Elle concerne l’équipe éducative et le chef de service. Elle est animée

par un psychologue de formation psychanalytique et interroge les

modes relationnels établis avec les jeunes, les types d’intervention, les

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positionnements individuels, les limites de chacun dans sa capacité à

gérer les tensions relationnelles, la cohésion de l’équipe.

à la gestion de la violence

Le fonctionnement d’une institution accueillant des jeunes doit

permettre d’éviter la violence, dès lors qu’il prend en compte un certain

nombre d’éléments. Ceux-ci portent notamment sur la nécessité d’un travail

d’équipe et de partenariat, la référence commune dans la définition et les

modalités d’application des règles, la responsabilité partagée des espaces

communs, les attitudes d’entraide, les espaces de parole et les rituels

collectifs, autant d’éléments qui définissent un contenant tel qu’il sera exposé

dans le projet pédagogique et thérapeutique. L’introduction du droit dans le

fonctionnement institutionnel est aussi une donnée fondamentale, rappelée

par la loi du 2 janvier 2002. Elle sera évoquée dans le chapitre sur les droits

des usagers.

Au-delà du fonctionnement institutionnel, il importe pour chaque

membre de l’équipe éducative, de changer son regard sur le jeune et de lui

redonner une confiance en ses capacités. L’adulte doit maintenir les barrières

générationnelles. Il doit être en mesure de poser des limites, d’assurer une

autorité qui garantit la protection du groupe, dans le cadre d’un apprentissage

du vivre ensemble et d’une prise d’autonomie et de responsabilité. Enfin, il

importe que chaque professionnel travaille son rapport intime à la violence,

par une élévation de son seuil émotionnel et une meilleure analyse des

situations à risques 175.

à la gestion des capacités professionnelles

Des fiches de poste seront établies pour l’ensemble des salariés qui

seront associés à leur élaboration. Elles serviront de base objective à

l’évaluation des résultats et de la tenue du poste. Des grilles de compétence

seront aussi réalisées, afin de repérer le savoir-faire existant et les besoins

individuels et collectifs de formation.

Des entretiens annuels d’évaluation des fiches de poste et des

compétences permettront de repérer les difficultés dans la réalisation de

certains objectifs. Des solutions devront être élaborées en terme de

modification du positionnement professionnel, de changement du

fonctionnement interne, de formation ou de réorientation professionnelle.

175. LEBAILLY Ph. La violence des jeunes : comprendre et prévenir, Paris, Actualités Sociales Hebdomadaires, 2001, 144 p.

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à la formation

La note de problématique du SNASEA (Syndicat National des

Associations pour la Sauvegarde de l’Enfant à l’Adulte) du 25 avril 2001,

portant sur la formation des personnels des CER 176, souligne la nécessité de

constituer les compétences afin d’assurer une qualité des prises en charge,

comme d’accompagner le salarié dans l’élaboration de son itinéraire

professionnel, dans le cadre de la gestion de la formation du personnel.

Le personnel éducatif recruté en CER dispose rarement d’un niveau de

qualification reconnue. Il s’agit souvent de professionnels ayant au préalable

une formation technique (cuisinier, magasinier, maçon, etc) ou une

expérience d’animation dans le domaine sportif ou culturel. Leur parcours

personnel, parfois cahotique, semble aujourd’hui assumé 177.

Il importe, dès lors, que le fonctionnement institutionnel se présente

comme une organisation qualifiante, en développant des compétences

(gestion des conflits, des situations, apprentissage de la responsabilité, de

l’autonomie, etc), par une mobilisation des ressources stratégiques (au niveau

de l’encadrement, des partenaires) dans son environnement. En cela,

l’intervention éducative en CER devient formatrice 178 (cf. annexe 3).

Une attention particulière à la formation du personnel sera accordée.

Elle pourra s’effectuer en journées de formation intra-muros entre deux

sessions. Des professionnels seront invités à engager une formation au long

cours 179, en partie sur leur temps personnel.

II. Une prise en charge globale axée sur le corps.

La problématique fondamentale commune à un public délinquant et/ou

consommateur de produits psychoactifs est le corps, dans sa dimension

pulsionnelle et d'enveloppe contenante.

176. La note de problématique du SNASEA du 25 avril 2001 rappelle que : ” les associations qui gèrent des Centres Educatifs Renforcés

font aujourd’hui le même constat : les personnels recrutés sont à quelques exceptions près, peu ou pas qualifiés. La plupart des salariés de ces structures ont un statut de moniteur sportif, éducateur technique, éducateur en attente de formation… Certains ont tenté de mettre en place des modules de formation. Les contraintes de fonctionnement du CER ne facilitent pas l’organisation de ces modules. De surcroît, le taux de rotation des personnels reste élevé dans la plupart des centres. ” Note de problématique citée dans l’annexe 1 du Rapport d’étude de l’IRFAS (Institut de Recherche et de Formation pour les Acteurs Sociaux). BECHLER P., GEORGES F., POURPRIX B., MAZEREAU F., Quelle formation pour les personnels éducatifs des CER ?, IRFAS, juin 2002, 92p.

177. BECHLER P. et coll. Quelle formation pour les personnels éducatifs en CER ? ibid, p.23.

178. LEBAILLY Ph. La violence des jeunes : comprendre et prévenir, Paris, Actualités Sociales Hebdomadaires, 2001, 144 p. 179. La note de problématique du SNASEA du 25 avril 2001 rappelle que : ” les associations qui gèrent des Centres Educatifs Renforcés

font aujourd’hui le même constat : les personnels recrutés sont à quelques exceptions près, peu ou pas qualifiés. La plupart des salariés de ces structures ont un statut de moniteur sportif, éducateur technique, éducateur en attente de formation… Certains ont tenté de mettre en place des modules de formation. Les contraintes de fonctionnement du CER ne facilitent pas l’organisation de ces modules. De surcroît, le taux de rotation des personnels reste élevé dans la plupart des centres. ” Note de problématique citée dans l’annexe 1 du Rapport d’étude de l’IRFAS (Institut de Recherche et de Formation pour les Acteurs Sociaux). BECHLER P., GEORGES F., POURPRIX B., MAZEREAU F., Quelle formation pour les personnels éducatifs des CER ?, IRFAS, juin 2002, 92p.

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Il est mis hors de circuit au travers de conduites d'hétéro-agressivité ou

d'autodestructivité. Dès lors, le présent projet aura pour objectif de le décliner dans le

cadre d'une approche globale au niveau d'une pratique éducative au quotidien,

d'activités de socialisation et d'ouverture à la dimension culturelle, d'activités

sportives et de remédiation corporelle.

1. L'accompagnement éducatif

1a. Les conditions d'admission et de prise en charge

à les critères d'admission

La capacité d'accueil porte sur 6 mineurs délinquants, âgés entre 14 et

18 ans de sexe masculin qui ne relèvent pas d'une prise en charge collective

traditionnelle et qui nécessitent un éloignement de leur milieu d'origine. Ils

peuvent être issus de toutes régions.

Une priorité sera accordée aux mineurs présentant des conduites

addictives (alcool, drogues, usage détourné de médicaments) associées à

des conduites de violence. Le cas échéant, l'admission peut être prononcée,

même si le jeune ne témoigne pas d'une conduite manifeste de

consommation de produits psychoactifs.

à les procédures

Les jeunes sont placés dans le cadre de l'ordonnance du 2 février

1945. La demande est adressée à la structure par le Juge ou un éducateur

de la PJJ. L'équipe éducative procède à l'étude du dossier de candidature

Avant de donner sa réponse, elle s'accorde un temps d'observation du

comportement du jeune qui sera invité à passer 3 jours dans la structure.

Après accord, l'admission est immédiatement prononcée.

Un contrat de séjour présentant les règles de vie collective est

présenté au jeune à l'entrée et sa signature est requise. Le jeune est accueilli,

dès le premier jour, par l'ensemble de l'équipe qui rappelle le fonctionnement

au quotidien du centre. Il est reçu dans un second temps par le groupe des

pairs qui facilitent son intégration progressive dans le centre.

à la durée

Elle est fixée à 3 mois, dans le cadre d'un fonctionnement en continu.

Le centre ne ferme qu'un mois dans l'année pour la prise de congés du

personnel, mais reste ouvert 24 h sur 24 h le reste de l'année. La durée de

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session de 3 mois respecte le cahier des charges (cf. annexe 3) mais les

durées des prises en charge, selon les situations individuelles, peuvent se

chevaucher afin de permettre l'intégration par les pairs. Ainsi, certaines prises

en charge peuvent durer quinze jours supplémentaires afin de permettre un

transfert d'expériences vécues auprès de nouveaux arrivants, sollicitant ainsi

leur implication et leur intégration dans le projet.

à les relations avec l'extérieur

Pendant les deux premiers mois, le mineur ne peut communiquer avec

ses proches que par courrier. Il prend connaissance du courrier reçu en

présence d'un éducateur qui l'aide, le cas échéant, à assumer les contenus

émotionnels véhiculés. Cette disposition s'inscrit dans une nécessaire mise à

distance de la problématique familiale afin de travailler autour de l'émergence

du désir propre du jeune et de l'inscrire dans un projet de vie. De même, les

appels téléphoniques ne sont pas autorisés. Cette disposition procède d'une

démarche d'immersion dans un autre milieu, en vu d'un réaménagement des

processus psychiques. Le jeune se trouve alors confronté à sa propre

problématique, soutenu par le groupe des pairs et l'équipe éducative, sans

interférences porteuses d'angoisses familiales, sentimentales, ou en rapport

avec des conduites de trafic.

1b. La pédagogie au quotidien

1b1. Le vivre ensemble

Permettre à un certain nombre de personnes confrontées à une

problématique existentielle de vivre ensemble dans un lieu donné

pendant quelques semaines, constitue en soi un temps fort.

L'appartenance à un groupe y est particulièrement soulignée et

implique la référence à des valeurs communes comme l'honnêteté, la

solidarité, la responsabilité. L'entraide y est particulièrement affirmée

dans la prise en compte de la souffrance et dans la dynamique

relationnelle au quotidien.

Le partage des tâches de la vie domestique au niveau de

l'entretien des locaux, de la confection des repas est indispensable,

comme modalité de réappropriation d'une réalité quotidienne qui leur

échappait jusque-là, comme apprentissage de la gestion d'un lieu de

vie. Il s'agit de placer les jeunes dans une position d'acteur contribuant

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à leur restauration narcissique et à leur réinsertion sociale. Ainsi, le

lavage et le repassage des affaires personnelles seront effectués par

les résidents.

Les orientations relatives à la gestion du quotidien se prennent le

matin lors d'une réunion avec les jeunes. L'interpellation de tel ou tel

membre de l'équipe concernant sa conduite au quotidien qui ne serait

pas conforme aux règles de vie collective, est alors possible. Il reste à

celui-ci à s'expliquer et le cas échéant à changer son comportement.

Cette dynamique de groupe animée par un éducateur concernant la

gestion du quotidien, vise à des prises de conscience, au

développement des capacités de réflexion et à la gestion des tensions,

des conflits par la pensée et la parole, au lieu de recourir à des

conduites de fuite.

Il ne sera pas proposé d'activités en lien avec des apprentissages

scolaires 180 et professionnels. Ces jeunes en rupture scolaire,

s'inscrivent dans des démarches qui tendent à anesthésier leurs

processus de pensée. Il nous faut d'abord intervenir dans le

rétablissement d'un lien positif avec la pensée et la parole avant

d'envisager des apprentissages qui pourront être réalisés dans un

autre contexte, par d'autres partenaires.

A l'ordonnancement spatial se juxtapose ainsi une rythmicité

journalière définie par une alternance de tâches, d'activités, de

moments de détente, une rythmicité qui ne laisse pas de place à

l'isolement. Il s'agit de renforcer la cohésion du groupe et d'éviter que

la personne soit confrontée seule à son manque à être.

1b-2. La vie quotidienne

à l'activité fermière (jardinage, élevage)

Elle confronte aux rythmes naturels des saisons, au règne

animal, avec ses besoins propres et ses rapports de dépendance à

l'homme. Elle renvoie aussi à une rythmicité journalière, à l'alternance

de moments de tension/détente perceptibles sous l'aspect d'une

fatigue corporelle liée au travail ou d'un ressenti corporel dans une

attention portée aux sensations. 180. Les mineurs âgés de moins de 16 ans sont tenus à l’obligation scolaire. Toutefois, la plupart des mineurs admis en CER sont en

rupture de scolarité. Des contacts seront pris avec l’Inspection départementale d’académie, afin de lui présenter le projet et d’établir un partenariat avec les représentants de l’Education Nationale (Circulaire n° NOR : JUS F 99 500 35 C d’orientation relative à la PJJ, du 24 février 1999) en vu d’une réorientation, à la sortie, de certains mineurs, vers un cursus scolaire, par l’intermédiaire des classes relais (le Conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999 a accéléré le plan de développement des classes -relais).

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Les travaux de la ferme peuvent difficilement se planifier de

façon arbitraire. Ils sont assujettis au rythme des saisons, aux

conditions météorologiques et climatiques. Ils ne peuvent se répartir

de façon égale d'un jour sur l'autre, et qu'une réelle souplesse alliée à

une rigueur certaine est de mise.

La ferme est un espace propice pour promouvoir une hygiène

de vie. Elle constitue une activité non artificielle offerte aux résidents,

permettant une implication individuelle et une responsabilisation. Il

sera recherché un prolongement à cette activité fermière, au-delà de

la contribution à la confection des repas réalisés par les jeunes. Une

participation à l'activité d'une association, dénommée "Les jardins et

usagers de la solidarité" sera recherchée. Elle consistera à

l'approvisionnement en légumes biologiques, venant en soutien à une

dynamique associative qui lutte contre l'exclusion.

à l'élevage

Il permet de retrouver des rythmes naturels, exige de la part du

jeune, calme, patience, régularité, ponctualité et responsabilité. Il est

envisagé l'élevage de volailles et de lapins et ultérieurement de porcs

et moutons.

à les activités sportives

Elles entrent dans le cadre d'une démarche de discipline et de

maîtrise du corps et peuvent concerner la pratique du VTT, de la

natation et de l'équitation. Elles constituent un puissant moyen

d'évacuation des états de tension et de régulation pulsionnelle, en

rétablissant une rythmicité où alternent des états de tension et de

détente corporelle.

La pratique de sports à risques, par le recours à des

équipements et structures extérieures, sera recherchée lors de

transferts de deux semaines réalisés au début du troisième mois, sur

le territoire national, avec un thème spécifique comme la plongée

sous-marine, la randonnée en montagne avec camp itinérant, etc.

L'organisation du transfert se fera tout au long du séjour avec les

jeunes, qui devront établir un planning des dépenses, des activités et

prévoir le matériel approprié.

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à les activités à caractère culturel et de socialisation

La participation à des activités culturelles, sollicitent les

capacités de créativité et donc l'expression, la mise en forme de la

dynamique pulsionnelle, par l'intermédiaire du corps.

Les activités d'expression artistiques (dessin, théâtre, etc.)

seront proposées, en fonction des compétences de l'équipe

d'encadrement. Le coin lecture, la soirée télévisuelle hebdomadaire

(film sélectionné suivi d'un débat), le cinéma, les jeux de société

viendront scander les moments de détente.

La participation à des travaux d'aménagement de

l'environnement (entretien et débroussaillage de sentiers de

randonnée, etc.), en lien avec des structures extérieures, sera

envisagée.

L'instauration de lieux de paroles où sont évoquées les choses

de la vie quotidienne, les projets, les conflits, les responsabilités, est

prévue, notamment certains soirs, comme la possibilité donnée à des

anciens de venir témoigner de leur expérience et de leur parcours,

depuis leur sortie.

1c. La programmation de la vie communautaire

1c-1. L'instauration d'un processus ritualisé

Pour contenir la force physique de l'adolescent, les sociétés ont

mis en place des rites ou institutions pour permettre aux jeunes

d'entrer dans le monde de l'adulte. Les outils de cette inscription

symbolique dans le social n'existent plus aujourd'hui. De plus, les

adultes éprouvent des difficultés à énoncer l'interdit et à fixer des

limites. Les adolescents ne peuvent plus projeter leurs conflits intra-

psychiques sur des contraintes externes ce qui tend à accentuer leur

fragilité identitaire.

A la dimension sacrée de l'initiation, comme alliance avec des

puissances supra-humaines, telles que pratiquée dans les sociétés

traditionnelles, l'adolescent oppose aujourd'hui une ritualisation

émancipée de tout ordonnancement. L'adolescent violent adhère ainsi

à la croyance en l'expérience de l'extrême et de l'instant intense, sans

passé ni futur. Il en est ainsi des conduites à risque, substituts de

conduites ordaliques, où domine un fantasme de toute puissance, un

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fantasme d'auto engendrement. Les tentatives de suicide, la répétition

compulsive de conduites à risque, peuvent s'interpréter comme une

volonté de décider de sa fin, à défaut d'engager un processus

symbolique de travail de deuil des figures parentales, de renoncement

à la toute puissance infantile.

Les conduites à risque adolescentes, qui se différencient des

formes de violence imposées de l'extérieur, comme dans les bandes

organisées, se présentent comme des simulacres de rituels d'initiation.

Il persiste un désir de rencontre avec l'inconnu, représenté par le

monde pulsionnel ou la nature, qui peut constituer un nouveau

fondement existentiel, si les conduites à risque ne tendent pas à la

chronicité.

Il se vit une tentative de dépassement permanent de la limite par

une mise en scène corporelle dans des épreuves comportant des

risques de mort, au travers de conduites addictives ou de situations à

risques. L'enjeu des conduites à risque est le passage vers une

nouvelle naissance, dans la croyance en une réalité meilleure, qui n'est

jamais qu'une réalité interne à transformer. Ce passage s'effectue ici

dans l'ivresse pulsionnelle de la jouissance, s'accompagnant d'états de

conscience modifiés par suspension de toute forme de pensée.

Cette donnée nous apparaît essentielle. Elle doit nous inciter à

instaurer un processus ritualisé du "vivre avec", autour d'une

expérience relationnelle intense qui doit être déterminant dans notre

projet éducatif, si nous voulons que l'hébergement de courte durée soit

l'occasion d'une renaissance. Cette conception d'un accompagnement

ritualisé appelant à un changement de comportement s'ordonne autour

de trois données fortes :

à l'initialisation par les pairs, notamment les anciens qui auront su

intégrer le fonctionnement institutionnel. Ils seront considérés comme

tuteurs et favoriseront l'accueil des nouveaux jeunes admis. Ils

pourront, le cas échéant, témoigner auprès de l'éducateur référent, des

difficultés rencontrées par le jeune récemment admis. Il s'agit de

contribuer à l'instauration d'un lien social, d'un lien de solidarité et

d'accentuer le processus de changement, par l'exemple, la mimesis.

àla scansion du séjour en trois étapes bien définies, correspondant à

des objectifs précis et à une progression.

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à le recentrage de la vie psychique, à partir d'une réappropriation du

vécu pulsionnel et émotionnel et de son assomption dans le registre

symbolique, dans les activités de pensée. L'utilisation de techniques

psychocorporelles devra répondre à cet objectif.

1c-2. Le déroulement du séjour

Le programme de la vie communautaire tient compte de la

nécessité d'instaurer une démarche initiatique chez l'adolescent qui soit

structurante. Elle intègre à la fois les données de la vie quotidienne et

de l'approche psychologique et s'ordonne autour de 3 étapes :

à La phase d'inclusion (1er mois) qui comprend la participation

aux activités de service collectif, aux activités sportives et la nécessité

de respecter les entretiens psychologiques.

à La phase d'intégration (2ème mois) qui prolonge la phase

précédente et comprend la participation aux séances d'activités

psychocorporelles en individuel ou en groupe.

à La phase de remobilisation (3ème mois) qui, outre le maintien de

la participation à la vie quotidienne, voit un désengagement progressif

de l'utilisation des techniques psychocorporelles, au profit d'entretiens

de type cognitivo-comportemental orientés vers l'insertion sociale. Au

cours de ce 3ème mois, il lui est donné la possibilité de recevoir ses

proches en fin de semaine et de passer la journée avec eux, ou de se

rendre dans sa famille.

Pour respecter cette programmation de la vie communautaire,

notamment le processus de changement du fonctionnement psychique

et des modes de comportement qu’elle cherche à instaurer, il importe

que les admissions aient lieu dans la dernière quinzaine de chaque

session.

2. L'approche thérapeutique

2a. Les activités de remédiation corporelle

Le recours à l'utilisation de techniques psychocorporelles contribuent,

à un travail de métabolisation de l'énergie pulsionnelle vers des états

émotionnels et affectifs, à partir d'une prise de conscience et d'une

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verbalisation des affects. La référence au corps induit le respect du corps

physique, la consolidation et le réinvestissement de l'image corporelle et

l'élaboration d'un contenant psychique susceptible d'effectuer un travail de

métabolisation et de mentalisation de l'activité pulsionnelle.

La dimension corporelle, physique, psychique ou groupale, sert ici de

fondement à l'activité éducative. L'accompagnement éducatif et l'insertion

sociale, ne peuvent prendre sens que dans une refondation de l'expérience

existentielle, prenant en compte, le corps, l'autre, la loi et les fonctions

symboliques. La réactivation de la vie émotionnelle, comme condition de

l'investissement et de la reconnaissance de l'autre, s'accompagne ainsi de la

réactualisation de la dimension symbolique et de la découverte du plaisir de

penser.

2b. Les techniques psychocorporelles

Elles utilisent le corps, soit comme révélateur de l'inconscient, soit

comme lieu même du processus de changement. Ainsi, elles effectuent un

travail sur les éléments refoulés qui laissent leur trace sur le corps, favorisant

leur levée et leur déliaison. Les phénomènes de transfert sont alors analysés

dans le cadre de la gestion du groupe.

L'approche psychocorporelle a pour objectif d'aider le jeune, à

retrouver le plaisir des sensations corporelles, en tant que vecteur de la

relation humaine et au monde. Il s'agit de permettre une meilleure prise de

conscience du corps par rapport à soi, à l’autre et au groupe.

Les thérapies psychocorporelles regroupent un certain nombre de

techniques, qui peuvent se combiner en fonction des problématiques

psychiques en cause, de la dynamique et de l’évolution du groupe. Nous

n’aborderons que les techniques les plus utilisées.

2b-1. La gestalt-thérapie

Créée par Frederick S., PERLS 181, elle est orientée vers le

moment présent. La personne centre son attention sur l’immédiat et

sur l’expérientiel, en amplifiant toute réponse somatique. Elle est

encouragée à exprimer directement ses impulsions et sensations, sous

la forme de comportements concrets.

Son objectif central est la prise de conscience de soi au travers

des sensations neurovégétatives, sensori-motrices et des

comportements, et la connaissance de soi-même. 181. PERLS A. – Ma gestalt -thérapie, Paris: Tchou, 1976, 351 p. GINGER S. et A., La gestalt, une thérapie de contact, Paris : Hommes et groupes, 1987, 484 p.

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Une séance de travail peut se pratiquer soit individuellement,

soit en présence du groupe. Le groupe agit comme un miroir, il renvoie

à la personne qui s’exprime, sa propre image.

La plupart des techniques de gestalt sont utilisées dans le

cadre de jeux de rôles ou d’un travail sur les sensations, l’expression

corporelle, la méditation, etc. Chaque comportement social que nous

vivons peut être considéré comme un jeu. Il s’agit d’en être conscient

et d’être libre de remplacer des jeux peu satisfaisants par d’autres plus

épanouissants.

2b-2. La bioénergie

Développée par LOWEN 182, elle a pour fonction de restaurer

les conditions biologiques et psychologiques, qui permettent de

retrouver aussi bien le désir bloqué, que la possibilité de réaliser les

expériences de plaisir nécessaires à sa satisfaction.

L’analyse bioénergétique est considérée comme une technique

de travail sur les résistances, qu’éprouvent les personnes envers leur

propre vécu. La stratégie thérapeutique se compose de trois phases :

- la décharge émotionnelle provoquée par des positions

d’enracinement, des sollicitations intenses de la respiration en état de

tension musculaire. Elle permet de prendre contact avec ses

résistances et d’en prendre pleinement conscience.

- le vécu de restructuration au cours duquel une expérience nouvelle et

positive doit succéder à l’insatisfaction et à l’angoisse.

- la phase d’intégration qui consiste à tirer des liens entre le passé et

les événements présents. Elle fait intervenir l’expression du

contentement de soi, afin de renforcer la confiance en soi et de

supporter les nouvelles actions qui peuvent changer la réalité.

Cette technique se pratique en groupe. Elle est centrée sur

l’éveil de l’énergie et sa libre circulation dans le corps. Un certain

nombre d’exercices favorisent l’expression des sentiments et la

libération de la motricité et permettent, à terme, l’expression du désir.

182. LOWEN A. et L. – Pratique de la bio- énergie, Paris : Tchou, 1978, 189 p. GARRAUD C. – La bio-énergie, Paris : ESF, 1985, 138 p.

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2b-3. Le rebirth

Mis au point par Léonard ORR 183, il repose sur une technique

d’hyperventilation qui provoque le lâcher-prise, induit une sorte de

transe qui permet de revivre les états originels de la toute petite

enfance, de la naissance. Le court-circuitage de la conscience, permet

à l’énergie vitale de s’éveiller et de lever les tensions neuromusculaires

jusque-là accumulées.

2b-4. Les techniques de relaxation

Elles consistent par une série d’exercices en la recherche d’un

état de décontraction neuromusculaire, la technique de SCHULTZ 184

est notamment connue.

2c. Les thérapies cognitivo-comportementales

L'individu, dans les théories cognitivo-comportementales, est vu

comme un organisme qui capte puis traite de l'information avant de produire

une cognition (une pensée, un raisonnement), une émotion (un affect, un

sentiment), ou un comportement (un acte, un geste, une action). Il est observé

un fonctionnement pathologique chez l'individu lorsqu'il y a un dérèglement à

un ou plusieurs niveaux du système de traitement de l'information.

Le modèle des théories de l'apprentissage est sans doute le modèle

qui peut le plus facilement être accessible à l'ensemble d'une population. Le

vocabulaire, ainsi que les principes de base de l'acquisition des

comportements peuvent s'énoncer clairement. Le modèle comportemental se

présente comme un modèle explicatif qui permet d'éviter l'écueil de

l'interprétation, de la moralisation et de la culpabilisation. Il place les

bénéficiaires en état de comprendre plutôt qu'en état de se faire soigner.

Leurs comportements de violence et de dépendance ayant été appris et

maintenus par diverses contingences, l'apprentissage de nouveaux

comportements avec de nouvelles contingences devient donc un but

accessible offrant l'espoir de reprendre le contrôle de sa vie.

Les thérapies cognitivo-comportementales 185 reposent sur l’utilisation

d’un certain nombre de techniques, dans le domaine de l’addiction.

183. ORR L. – Le rebirth, Paris : Ed. M.C.L, 174 p. LEVADOUX, Renaître, Paris : Stock, 1978, 230 p.

184. SCHULTZ J.H. – Le training autogène, Paris : PUF, 1968, 352 p. DURAND de BOUSINGEN R. – La relaxation, Paris : PUF, 1961, 128 p.

185. TISON Ph. – Les thérapies comportementales et cognitives dans les conduites d’alcoolisation, Alcoologie et Addictologie, 2002, 24 (4), pp.345-358.

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Elles ont la particularité de reposer sur une démarche scientifique de

raisonnement, une prise en compte actuelle du problème, une durée de prise

en charge limitée, des objectifs thérapeutiques définis et une évaluation des

résultats.

Dans le cadre du projet, elles seront utilisées en début de séjour pour

favoriser l’intégration dans le groupe et l’implication dans la démarche de

soins. Elles chercheront à développer la motivation, à corriger les

raisonnements, à la faveur des contenus émotionnels qui auront émergé lors

de séances de thérapies psychocorporelles. Enfin, elles contribueront à

élaborer un projet de socialisation en fin de séjour.

2d. L'articulation du thérapeutique et de l'éducatif.

L’action psychothérapique et notamment le recours aux techniques

psychocorporelles constituent un moment fort dans le déroulement de la

session. Ces techniques se donnent pour objectif de provoquer une

transformation intérieure par une mobilisation du registre pulsionnel et

émotionnel et d’inaugurer en profondeur, un processus de changement qui

restera à confirmer par des prises de conscience successives.

Il s’agit de procéder à une visée transformatrice de l’énergie

pulsionnelle, jusque-là bloquée par la prise de produits psychoactifs ou

évacuée vers l’extérieur, lors de passages à l’acte. Les problématiques

conflictuelles psychiques sous jacentes n’ont jamais été résolues, et ont

toujours fait l’objet de conduites d’évitement. L’occasion sera donnée aux

jeunes accueillis, de réinterroger leurs modes de fonctionnement, dans le

cadre d’une confiance éducative et d’une alliance thérapeutique établie.

Ce déplacement de l’énergie pulsionnelle et émotionnelle sur le

registre de la représentation, à la faveur d’une réactivation des processus de

pensée, s’effectue à partir d’un recentrage de la vie psychique. Il prend appui,

sur une meilleure élaboration de l’image corporelle et sur un meilleur

investissement de celle-ci. La potentialité narcissique positive qui s’en

dégage, attribue à cette expérience accompagnée, une fonction initiatique

structurante. Elle renouvelle la relation à l’autre, dans le sens où elle permet

un positionnement différent et le libère d’une dépendance à l’objet, qu’il

entretenait et contre laquelle il luttait.

Cette expérience psychique fondatrice appelle à une modification en

profondeur des modes de fonctionnement. Elle n’est possible et durable que si

elle est resituée dans un environnement éducatif. Nous avons vu que celui-ci

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repose sur la participation à la vie de groupe avec l’apprentissage de la

socialisation, la confrontation aux règles de vie collective et l’apprentissage de

la notion de rôle, à partir de responsabilités diverses à assumer au quotidien.

Il s’ensuit une internalisation du cadre éducatif, à partir de la relation

contractuelle, du positionnement et de l’intervention éducative.

L’apprentissage du vivre ensemble, qui caractérise la phase d’inclusion

se présent comme un mode de régulation de tensions inhérentes à toute vie

en groupe. Il s’inscrit dans une perspective d’acceptation de l’autre dans sa

différence, comme de dévoilement de soi-même, dans ses faiblesses, ses

manques, ses peurs, dont le groupe se trouve désormais dépositaire.

L’action éducative au cours du premier mois est déterminante, dans le

sens où elle prépare le jeune à l’expérience psychocorporelle de la phase

d’intégration, temps fort du séjour. En retour, le soutien éducatif, présent tout

au long du séjour dans les diverses activités, sera sollicité, après l’expérience

psychocorporelle :

- dans des temps d’accompagnement individualisés plus soutenus, afin

d’aider le jeune à verbaliser son vécu émotionnel, à le contenir et à le

transcrire, le cas échéant, par la rédaction d’un journal intime.

- au quotidien, en prolongement de ce qui aura été acquis en séances

de thérapies psychocorporelles, par une accentuation de la prise de

conscience corporelle au cours des activités et une meilleure gestion de

l’espace et du temps. Un tel prolongement nécessite une relation interactive

entre le thérapeute et l’équipe éducative : un éducateur participera aux

séances de thérapies psychocorporelles et le thérapeute partagera avec les

jeunes, des moments de vie collective.

Il importe que cet accompagnement éducatif, dans son articulation

avec le thérapeutique, agisse à la place qui est la sienne et dans son champ

d’intervention et de compétences, à savoir l’inscription du jeune dans la réalité

quotidienne et dans un projet de vie. L’objectif éducatif sera ainsi d’orienter

l’énergie psychique nouvellement libérée par l’action thérapeutique, dans une

activité de travail, sportive ou culturelle.

Les entretiens psychothérapiques d’orientation cognitiviste viendront,

par ailleurs, en relais de l’action éducative, dans la définition d’un projet

d’insertion sociale et professionnelle.

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3. Le corps institutionnel dans sa dimension intégrative

3a. L'acte éducatif et la loi sociale

La personnalité, l'identité se construisent dans le renoncement à la

toute-puissance infantile. L'acte éducatif doit permettre que se vivent le

manque, l'absence, dans l'espace d'entre-deux relationnel favorisant

l'émergence de la dimension symbolique. Il doit s'enraciner dans le "faire

avec" au quotidien, au travers d'actes signifiants portant sur la gestion des

activités de la vie quotidienne.

L'acte éducatif acquiert davantage de portée et de sens, dès lors qu'il

s'inscrit dans une relation contractuelle. Celle-ci procède d'une meilleure

identification des droits et devoirs des acteurs en présence, d'une exigence de

réciprocité et de responsabilité.Une relation contractuelle est possible et

souhaitable, même si l'admission en Centre Educatif Renforcé procède d'une

obligation judiciaire, dans un rappel de la loi sociale, en tant qu'alternative à

l'incarcération. La possibilité de choix est toujours offerte au mineur, il lui

appartient d'en saisir l'opportunité, évitant ainsi l’incarcération.

La contractualisation passe nécessairement par la rédaction d'un écrit

signé par les parties en présence. Elle crée du lien et non pas de la mise à

l'écart et débouche sur un projet personnalisé à construire. Le contrat pose un

engagement réaliste qui permet d'atteindre des objectifs.

Le rappel de la loi sociale, au travers de la mesure judiciaire, doit servir

de cadre fondateur d'un vivre ensemble qui favorise la prise de conscience

des conséquences de ses actes. Il doit servir de soubassement et de

légitimité au cadre éducatif, dans le sens où toute invocation de la loi n'est pas

le fait d'une démarche individuelle ou autoritaire mais s'inscrit dans une

démarche transgénérationnelle. La loi n'est pas le fait de quelques-uns, elle

s'impose et fait appel à l'exemplarité de l'éducateur (sa vie, son comportement

en cohérence avec ses valeurs). L'éducateur se doit d'être garant de la loi

symbolique : "l'éducateur n'est pas le gardien des règles, des lois-codes de la

société. Il est le garant d'une autre loi, cette loi qui différencie l'homme de

l'animal en ce qu'elle articule désir et parole" 186. L'autorité dont il se réclame

lui permet de favoriser l'apprentissage du vivre ensemble, de garantir une

protection physique et morale du groupe, de favoriser l'autonomie et la

responsabilité. 186. IMBERT F. La question de l’éthique dans le champ éducatif, Paris : Matrice, 1987, 120 p.

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Le rappel du droit doit être appréhendé comme un rappel du respect

de l'autre et de soi-même. L'articulation du judiciaire et de l'éducatif contribue

à la compréhension de la sanction qui, en limitant l'initiative du jeune, l'invite à

apprendre à se protéger de ses propres excès et partant à inscrire autrui dans

une dimension du désir. Il importe que tout acte interdit s'accompagne d'une

sanction, pour rappeler que la loi est faite pour vivre ensemble. Toute forme

de transgression lui retire ce qui fait sa substance et contribue à sa visée de

sociabilité. La sanction est là aussi pour éviter que le mineur ne s'inflige une

punition plus lourde, sous la pression de la culpabilité ou d'un Surmoi sadique,

constitué en réaction à un tiers défaillant ou inopérant. La sanction doit

témoigner de la volonté de l'équipe et du groupe de réintégrer le jeune

concerné dans la vie communautaire. Elle rappelle la primauté de la loi sur

laquelle se fonde l'autorité de l'éducateur et l'enjeu du vivre ensemble.

L'introduction du droit dans le fonctionnement institutionnel repose sur

un ensemble de principes et de procédures qui garantissent l'équité du

jugement. Ainsi, l'égalité de traitement dans l'application des règles internes

(respect, interdiction de fumer dans les locaux, etc.) s'applique pour le

personnel éducatif comme pour les jeunes. Le principe d'impartialité nécessité

la possibilité d'exposer un point de vue contradictoire en présence du Chef de

service.

Il est nécessaire de s'inscrire dans une visée pédagogique, à

l'occasion de l'application des différentes formes d'expression du droit. Ces

différentes mises en situation constituent des espaces de médiation de

résolution des conflits, par le recours à la réflexion et à la parole. Elles offrent

un mode de réponse médiat et non pas immédiat, sous l'effet de la tension et

de l'événement, ce qui n'exclut pas dans un premier temps une réponse

urgente, si nécessaire. Elles constituent une possibilité de reprise du

comportement incriminé, d'analyse de celui-ci et de repositionnement éducatif,

évitant l'emprise du registre pulsionnel dans les échanges relationnels. Il s'agit

aussi d'amener le jeune à réinvestir le cadre éducatif.

Le cadre éducatif délimite, tout en le constituant, un espace

transitionnel de rencontres, de négociations avec un rappel de l'interdit de la

violence. Le cadre, quand il est introjecté et vécu, quand il ne sert pas de

support à des conduites de rejet, assure une fonction protectrice, contenante,

pare excitative et stimulante. Le lien à l'institution, constitue en soi un

engagement de part et d'autre qui a valeur de changement. Il se décline du

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côté des professionnels, par un rôle protecteur dans l'aménagement de la vie

au quotidien, en tant que garant des échanges entre les membres du groupe.

La fonction contenante de l'institution va s'expérimenter au niveau

d'une structuration de l'espace et du temps, au travers d'un repérage des

lieux, des rôles et fonctions de chacun, d'un respect des horaires. Les notions

de cohérence dans les discours et de cohésion dans l'équipe de

professionnels sont particulièrement mises à l'épreuve.

C'est la fonction de pare-excitation de l'institution dans sa capacité

d'écoute, de mentalisation, de verbalisation qui évitera d'éprouver le vécu de

la frustration comme un rejet, l'angoisse liée au projet d'autonomie sociale

comme un abandon. Enfin, sa fonction stimulante réside dans sa capacité à

recréer du désir, du plaisir dans la quotidienneté, à s'autoriser une pensée

nuancée sur le monde, les autres et sur soi, une pensée qui intègre les affects

agressifs et leur verbalisation, sans risque de destruction.

3b. Le droit des usagers

Le CER relève de la loi du 2 janvier 2002 et se voit appliquer

notamment, les articles 7 à 11 relatifs au droit des usagers, de la loi n° 2002-2

du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. L’évolution du

droit des usagers procède d’une application de textes fondamentaux relatifs

aux droits de l’homme, au niveau européen et national 187. La participation des

usagers à l’organisation et au fonctionnement des institutions se traduit par :

- le respect de l’intégrité et de la vie privée

- l’association des familles et des usagers aux projets individuels

- la présence aux instances délibératives

- la possibilité d’accès aux documents administratifs et de recours.

L’exercice des droits et libertés individuelles garantit à toute personne

prise en charge, tel que défini dans l’article 7 de la loi sus-citée, passe par

l’application d’un certain nombre de mesures, comme la remise de documents

aux usagers 188, la participation au projet d’accueil et l’accès aux dossiers

administratifs et médicaux.

187. L’évolution du droit des usagers s’est faite sous l’impulsion de la philosophie des droits de l’homme. Le droit des usagers se retrouve dans des textes fondamentaux comme la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés individuelles, signée à Rome le 4 novembre 1950 et ratifiée par la France en 1974 et la Convention internationale des droits de l’enfant signée en 1989 et ratifiée par la France en 1990. Sur le plan national, la loi n°75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées concrétise les droits des personnes handicapées. La loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au Revenu Minimum d’Insertion fait de l’usager, un acteur de sa prise en charge. La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions porte sur l’accès aux droits (emploi, logement, soins, citoyenneté) et sur la participation réelle des usagers dans diverses instances.

188. Ils feront l’objet d’une publication prochaine de décrets d’application relatifs à la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002.

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004

à le livret d’accueil

Il contient des éléments d’informations concernant :

- l’établissement : la situation géographique, les noms du directeur, du

chef de service et du président d’association, l’organisation de

l’établissement, l’organigramme, les garanties souscrites en matière

d’assurance, la liste des personnes qualifiées remplissant la mission

mentionnée à l’article L. 311-5 du code de l’action sociale et des

familles 189, les coordonnées de l’autorité judiciaire à l’origine de la

mesure éducative.

- les personnes prises en charge et leurs représentants légaux : les

principales formalités administratives d’admission et de prise en

charge, les droits d’accès et de rectification des données médicales et

des données couvertes par le secret professionnel ou faisant l’objet

d’un traitement informatique, le droit de disposer au titre de l’activité

libérale du praticien de son choix, les formes de participation des

usagers.Le personnel sera associé à la rédaction de ce livret d’accueil,

dès l’ouverture du centre.

à la Charte des droits et libertés

Il s’agit d’un document de portée nationale 190.

à le règlement de fonctionnement

Il indique les finalités de la prise en charge, dans le respect des droits

de l’usager et de ses représentants légaux. Il fournit des indications sur

l’organisation institutionnelle, en complément du livret d’accueil. Celles-ci

portent sur l’organisation des transferts, des activités, les mesures prises en

cas d’urgence, en matière de sécurité, et sur les modalités de reprise d’une

prise en charge interrompue.

Il est fait notamment une description :

- des règles de vie collective, basée sur la responsabilité face à soi-

même (souci de sa santé, discrétion sur son intimité, sa vie

personnelle et familiale, respect de soi dans ses rapports avec autrui),

sur la responsabilité face aux autres (interdiction de la violence, de la

consommation de produits psychoactifs, respect des opinions, des

engagements pris au quotidien, des biens, etc). 189. L’article L. 311-5 précise que : “ Toute personne prise en charge par un établissement ou un service social ou médico-social ou son

représentant légal peut faire appel, en vue de l’aider à faire valoir ses droits, à une personne qualifiée qu’elle choisit sur une liste établie conjointement par le représentant de l’Etat dans le département et le président du conseil général après avis de la commission départementale consultative mentionnée à l’article L. 312-5. La personne qualifiée rend compte de ses interventions aux autorités chargées du contrôle des établissements ou services concernés, à l’intéressé ou à son représentant légal dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ”.

190. La Charte des droits et libertés de la personne accueillie a fait l’objet d’un arrêté du 08 septembre 2003, paru au J.O du 09/09/2003.

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- de mesures éducatives et disciplinaires graduées tenant compte des

situations en cause. Les mesures éducatives reposent sur des

interventions verbales : rappel de la consigne, de la règle,

désapprobation manifestée à l’égard d’un comportement, d’une parole,

invitation à une réflexion écrite ou verbale.

Les mesures disciplinaires consistent en un remplacement du cadre :

retrait momentané du groupe pour se soustraire à sa pression, reconnaissance

de ses torts, suspension des sorties, rencontre du directeur ou du chef de service

en cas de fugues répétées, etc.

- des sanctions qui visent à reconnaître la portée ou la nature des

comportements en cause, à fixer les limites pour soi ou pour les autres,

à réparer un préjudice, un dommage. Elles consistent en diverses

mesures : contribuer à la réparation ou au remplacement de biens

détériorés, nettoyer ce qui a été sali, privation de sortie ou d’activité,

refus de visites ou d’appels téléphoniques, à l’exception de la famille,

perte d’un avantage octroyé, etc.

- de mesures d’exception qui sanctionnent toute conduite grave et

dangereuse pour soi ou pour les autres. Toute conduite mettant en

danger la sécurité des personnes de l’établissement fera l’objet d’une

plainte à la police. Le cas échéant, les autorités concernées seront

sollicitées pour un éloignement momentané de l’établissement ou

seront informées d’une réorientation ou d’une fin de prise en charge.

à le document individuel de prise en charge

Il est signé par l’usager dans les mois qui suivent l’admission, en

présence du ou des parent(s) ou d’un représentant légal. Dans le cas présent,

il tient compte de la décision judiciaire prononcée à l’encontre du mineur. Il

rappelle les objectifs de la prise en charge, le délai, les prestations fournies.

à le groupe d’expression

Instance de représentation des usagers et de leurs familles, il permet à

ces derniers d’interroger les pratiques et d’apporter des éléments de

réflexions sur le projet d’établissement.

Dans le cadre du CER, il serait souhaitable de prévoir une réunion du

groupe d’expression, au cours du troisième mois de chaque session. Le

recueil des divers commentaires et questionnements des participants

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contribuerait à faire évoluer le projet institutionnel 191. La participation des

familles à ce stade de la prise en charge devrait être obtenue plus facilement.

à L’accès aux dossiers médical et judiciaire

Les consultations médicales et prescriptions médicamenteuses

éventuelles seront réalisées à l’extérieur de l’établissement, par des médecins

généralistes ou le Centre de Traitement des Dépendances, le Square de

Lens. Les mineurs et leurs représentants légaux pourront accéder au dossier

médical, auprès des professionnels concernés, telles que le prévoient les

récentes mesures législatives 192. Les notes des psychologues ne sont pas

communicables au malade, sauf si elles apparaissent dans un échange des

correspondances entre le psychologue et le médecin traitant 193.

Les écrits éducatifs faisant l’objet d’une diffusion au Juge, seront lus

aux mineurs et aux familles, dans un souci de transparence de l’information

mais aussi de responsabilisation. Cette démarche s’inscrit dans l’esprit de la

réforme de la procédure d’assistance éducative, introduite par le décret du 15

mars 2002 194.

3c. Le CER dans son environnement

3c1. L'articulation du CER avec le CSST

Le CER bénéficie d'emblée d'un existant au niveau du Centre

de soins :

- accès au réseau de partenaires actuellement constitué, notamment

dans le cadre du dispositif santé-justice (cf. annexe 1).

- transfert de compétences acquises par les professionnels du Centre

de soins, dans la prise en charge psycho-éducative des toxicomanes,

par l’organisation de sessions de formation organisées intra-muros.

- interventions de psychologues du Centre de soins, auxquels seront

proposés une extension de leur temps de travail, afin d’intervenir dans

des réunions de réflexions sur les pratiques éducatives et dans le cadre

d’entretiens d’élaboration de projet de socialisation.

191. “ Objet d’apprentissage à la citoyenneté, le Conseil de la vie sociale permet la mise en œuvre d’une dynamique de groupe autour de

lieux de débats, de représentation, d’engagements, d’apprentissage à l’expression, de valorisation de la parole” (JANVIER R., MATHO Y. Mettre en œuvre le droit des usagers dans les établissements d’action sociale, Paris, Dunod, 2002, 214 p., p.110).

192. Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé publique. Décret n° 2002-637 du 29 avril 2002 relatif à l’accès aux informations personnelles détenues par les professionnels et les établissements de santé en application des articles L .1111-7 et L.1112-1 du Code de la santé publique.

193. LE BORGNE Ed. Les psychologues face à la loi du 4 mars 2002, Le Journal des Psychologues, mars 2003, n° 205, pp.22-25. 194. Ce décret donne la possibilité pour le mineur et sa famille, d’accéder au dossier sans passer par un avocat. Il fait obligat ion au juge

d’informer les personnes concernées, dès l’ouverture de la procédure et pendant l’instruction. Dans le cas d’un placement en urgence, le juge doit convoquer les intéressés dans les 15 jours de la décision.

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Cette possibilité offerte à des psychologues de travailler dans le CER

et le Centre de soins, favorisera davantage les relais à la sortie, en

famille d’accueil ou appartement thérapeutique avec poursuite de la

prise en charge psychothérapique.

- intervention du psychologue du Centre de soins, dans le Centre

Pénitentiaire de Longuenesse. Cette présence auprès de mineurs

incarcérés permet de travailler en amont, une admission en C.E.R.

- interventions de professionnels (directeur, psychologue, éducateur)

du Centre de Soins dans des écoles de formation d’éducateurs, ce qui

apparaît comme un facteur favorable à des recrutements de personnel

éducatif.

3c2. Le partenariat

à avec les services judiciaires

L'association travaille déjà en partenariat dans le cadre de sa

Convention d'Objectifs, avec la Maison d'Arrêt pour mineurs de

Longuenesse, les Tribunaux de Grande Instance du département, les

services de la PJJ (SEAT, CAE) et les services en milieu ouvert.

La mise en place du projet de Centre Educatif Renforcé nécessite

le recours en amont, à un tel partenariat pour préparer l'admission et

en aval, pour assurer le relais dans la prise en charge. Les services

judiciaires de la PJJ et les magistrats seront associés à la prise en

charge afin de suivre l'évolution du jeune pendant son séjour et de

préparer un projet de sortie et de réorientation.

à avec les structures d'insertion sociale et professionnelle

Dans le cadre de l'élaboration du projet de sortie, le CSST

dispose déjà d'un réseau de nombreux partenaires et d'une culture

partenariale de longue date.

à avec les antennes du CSST

Des relais en hébergement (familles d'accueil, appartements

relais et thérapeutiques) ou en ambulatoire, de même qu'avec d'autres

structures de soins en toxicomanie, pourront être organisés.

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à avec les familles

Elles seront invitées à rencontrer un psychologue dans une

antenne de notre Centre ou dans une autre structure. Le cas échéant,

un psychologue de l’association se rendra à leur domicile. Il leur sera

proposé de travailler sur leur fonctionnement propre, afin d'améliorer

leur communication avec le jeune après sa sortie, en raison d'une

attention particulière que les professionnels du CSST accordent au

soutien des familles et à la redéfinition – remobilisation de la fonction

éducative parentale.

Des rencontres formalisées avec l'éducateur référent du CER

auront lieu lors du 3ème mois du séjour, afin d'associer les parents au

projet d'insertion sociale.

4. L’évaluation

La mise en place de procédures d’évaluation au niveau du

fonctionnement du Centre comme au niveau des prises en charge

individuelles, est indispensable pour relever les écarts par rapport aux

objectifs préalablement fixés. Il s’agit d’identifier les causes, d’apporter les

aménagements nécessaires pour se rapprocher des objectifs définis, afin de

remplir les missions dévolues au Centre.

La loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 impose aux établissements sociaux

et médico-sociaux une auto-évaluation des pratiques professionnelles dont les

résultats doivent être communiqués tous les cinq ans, à l’autorité ayant délivré

l’autorisation de création de l’établissement. Cette évaluation est qualitative et

doit précéder une évaluation assurée tous les sept ans, par un organisme

extérieur, des activités et de la qualité des prestations. En outre, la direction

de la PJJ a souhaité, dans son courrier d’autorisation d’ouverture du CER,

qu’une évaluation soit faite à l’issue de la première session (cf. annexe 3).

Une attention particulière est aussi accordée à l’évaluation opératoire

qui “ porte sur les effets produits par l’établissement en matière de service

rendu auprès des populations bénéficiaires ” 195. A l’issue de l’élaboration du

projet individualisé, dans les quinze jours qui suivent l’admission du jeune, des

bilans mensuels auront lieu à la fin de chacune des phases d’évolution

prévues dans le projet pédagogique.

195. LOUBAT J.R Elaborer son projet d’établissement social et médico-social, Paris : Dunod, 2002, 264p., p. 192.

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Ils se feront avec le jeune, en présence du Chef de service et de

l’éducateur référent. Ils auront pour objectif d’évaluer avec le jeune, les écarts

éventuellement observés par rapport aux axes d’évolution définis dans le

projet individualisé et son niveau d’implication dans le projet pédagogique et

thérapeutique.

L’évolution du comportement du jeune, dans sa capacité à maîtriser

son vécu pulsionnel et à s’inscrire dans un projet de vie sociale et

professionnelle, est fonction de l’adéquation de son comportement au contenu

du projet. Il importe d’en évaluer la pertinence et de vérifier que le jeune est

prêt à accéder à la phase suivante du programme. Nécessairement, les bilans

mensuels ont un effet de feedback sur le comportement du jeune. Ils

contribuent à des prises de conscience, en même temps qu’ils se présentent

comme des rites de passage favorisant une remobilisation de la vie

psychique.

Un registre d’expression laissé à la disposition des jeunes, permettra

d’évaluer les retombées au niveau des bénéficiaires, des modalités de la prise

en charge. Il constituera un moyen d’appréciation du niveau de satisfaction ou

d’insatisfaction des jeunes. Il leur sera par ailleurs soumis un questionnaire

d’appréciation, avant leur départ. Le bilan de fin de prise en charge

individuelle, réalisé en équipe, constituera aussi, après coup, un outil

d’évaluation des modes d’intervention des pratiques des professionnels, de

leur articulation et de leur niveau d’adéquation au projet.

A l’issue du séjour, dans la mesure du possible, en fonction des aléas

liés aux parcours individuels, des liens avec les bénéficiaires seront

maintenus. Ils seront invités à venir témoigner, lors de soirées à thèmes, des

changements occasionnés dans leur conduite de vie par l’expérience vécue

dans le centre et de leur parcours d’insertion socio-professionnelle. De même,

un après-midi annuel regroupant les anciens sera prévu afin d’inscrire le

processus de prise en charge dans une dynamique d’évolution et de recueillir

des indications sur le devenir des bénéficiaires. C’est une démarche qui

permet de résoudre partiellement les difficultés à obtenir des informations sur

le devenir des jeunes.

L’évaluation du fonctionnement du Centre sera réalisée, à chaque

session, par un comité de pilotage composé du directeur, du chef de service,

d’un membre de l’équipe éducative, du thérapeute psychocorporel, des juges

des enfants, d’un représentant de la DRPJJ, d’un élu de la commune

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d’implantation. Le Comité de pilotage définira des critères d’évaluation en

rapport avec :

- le champ éducatif, au travers de la capacité de l’équipe à faire

appliquer les règles de la vie collective et à mobiliser les jeunes dans un projet

de vie.

- le vécu individuel, quant à la capacité du jeune à modifier ses

comportements et à verbaliser ses affects.

- l’environnement familial et social, dans la capacité de l’équipe à

établir des rapports moins conflictuels, à accéder à un niveau de

compréhension mutuelle et à instaurer ou restaurer des liens entre les divers

interlocuteurs.

Un comité technique, composé du directeur, du chef de service, de membres

de l’équipe et d’un expert, sera chargé d’élaborer des grilles d’évaluation, à

partir des critères préalablement définis.

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E. CONCLUSION

La mise en place d’un Centre Educatif Renforcé me paraît une réponse

adaptée à des mineurs qui ne sont pas accueillis dans des structures d’hébergement

traditionnelles. Quand ils sont acceptés, ils n’y restent pas. Entre la réponse carcérale

et le constat d’impuissance souvent avancé, le CER constitue une alternative

éducative. Il met l’accent sur l’intérêt d’une prise en charge dans une petite unité de

vie, en même temps qu’il réinterroge, au passage, les fondamentaux pédagogiques.

Les présupposés de l’adhésion du mineur, comme la nécessaire participation de

l’environnement social à des fins d’intégration, ne sont plus convoqués.

La prise en charge en CER repose sur trois volets : rupture, cadre, activité, sur

lesquels j’ai superposé, en raison de la problématique toxicomaniaque, un processus

temporel en trois phases : induction, intégration, remobilisation. La rupture

correspond à l’éloignement temporaire du milieu familial et social, vecteur de

conduites de marginalisation. Cette mise à distance d’un mode de vie inadapté est

susceptible d’amorcer une prise de conscience. Le cadre renvoie au “ vivre avec ” au

quotidien, à l’implication des professionnels dans la relation avec le jeune, autour du

respect des règles de vie collective. L’activité signifie au jeune, la nécessité de

s’engager dans des projets d’animation collective qui structurent la vie au quotidien.

Le déroulement de la prise en charge en trois phases correspond

symboliquement à des rites de passage reposant sur la séparation, la transformation

et l’affiliation au nouveau groupe. L’utilisation des techniques psychocorporelles sert

d’induction dans une perspective de modification du rapport au corps, d’activation de

contenus émotionnels, de réaménagement des représentations mentales et des

schémas de pensée. Cette expérience fondatrice peut inaugurer des changements

profonds dans la perception de soi du jeune et l’amener à se positionner

différemment dans l’environnement familial et social.

Ce mode de prise en charge mobilise des processus archaïques de la psyché

du jeune et constitue un préalable indispensable à l’appréhension de la parole de

l’autre comme signifiante, à l’engagement dans sa propre parole. C’est la difficulté

que rencontrent les structures actuelles de prise en charge traditionnelle, qui

reposent sur l’utilisation de la parole de façon incantatoire, en tant que mode

d’intervention privilégiée, auprès d’un tel public. Il importe de réintroduire dans cette

approche éducative, le rapport au corps et le vis-à-vis au travers de l’acte éducatif.

Ces différents aspects constituent autant de possibilités de transfert de ces nouvelles

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004

références pédagogiques - dont certaines constituent une réactualisation - dans la

prise en charge traditionnelle en hébergement.

L’articulation entre les CER et les structures d’hébergement traditionnelles

pose la question de la sortie des jeunes des CER. Un retour précoce dans le milieu

familial et social d’origine n’est pas souhaitable. Il peut contribuer à une perte des

acquis éducatifs engendrés lors du séjour. Aussi, le recours à des formules de prise

en charge souples conçues sur le modèle familial ou d’une petite unité, est-il

envisageable. Un placement familial spécialisé ou un lieu de vie peuvent répondre à

de telles exigences, consolider et valoriser les acquis éducatifs afin qu’ils contribuent

à élaborer un projet d’insertion sociale et professionnelle.

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004

B i b l i o g r a p h i e

A. ADDICTIONS

1. Législation, cadre règlementaire

- ALLEMAND S. Les politiques françaises de lutte contre la toxicomanie. Vers

différentes formes de contrôle social, Interventions, revue de l’ANIT, octobre

1998, n°66, pp.3-7.

- BERGERON M. L’état et la toxicomanie : histoire d’une singularité française.

Paris : PUF Sociologies, 1999, 384 p.

- CABALLERO F. Droit de la drogue. Paris : Dalloz, 1989, 816 p.

- CARRY C. Substitution : une toxicomanie sous contrôle. In Toxicomanies et

lois : controverses, ouvrage collectif, Paris : l’Harmattan, 2002, pp.135-172.

- CRETE R. Le toxicomane, le juge et la soignant. Alliances et coalitions,

Psychotropes, Masson, 1997, vol. 3, n° 4, pp.65-79.

- DEBOURG M. L’injonction thérapeutique. A propos des soins sous

contrainte, Psychotropes, 1997, vol. 3, n° 4, pp.201-207.

- MOREL A. Les Intervenants en toxicomanie et la loi de 1970. Psychotropes,

décembre 1997, vol. 3, n° 4, pp.81-91.

- MOREL A. Fondements historiques et cliniques d’un rapprochement.

Alcoologie et addictologie, 2002, 24 (4 suppl.), pp.105-195.

- ODDOU A. Les substances psychoactives au XXe siècle. Un siècle de

prohibition croissante et diversifiée, Interventions, revue de l’ANIT, 19 mars

2002, n° 1, vol. 19, pp.3-24.

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004

- PASSET I. Interdit, sanction, alternative. Interventions, revue de l’ANIT,

Journées nationales mai 1991, n° 30-31, pp.41-44.

- SIMMAT-DURAND L. Les obligations de soins aux toxicomanes. Cadre

législatif, évolution réglementaire et statistique, Psychotropes, 1997, 4,

pp.127-144.

2. Situation sanitaire et sociale

- AMOSSE T. et al. Vie et santé des jeunes sans domicile ou en situation

précaire. Enquête INED, Paris et petite couronne, février-mars 1998, Série

Résultats, Biblio n°1355, CREDEX, Paris, 2001, 85 p.

- AQUATIAS S. et coll. L’usage dur des drogues douces. Recherche sur la

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supérieure et de la Recherche, Paris, Grass/Iresco, 1997, 186 p.

- BARRAL E. Otaku, les enfants du virtuel. Paris, Denoël, 1999, 314 p.

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annuelle. Tendances, OFDT, décembre 2000, n°80, 4 p.

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aux drogues en 2001. Rapport TREND, juin 2002, OFDT, Tome II.

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dans la prise en charge des toxicomanes. EVAL, Rapport EVAL (programme

d’étude OFDT, financement DGLDT), 1996.

- COSTES J.M, MARTINEAU H. Drogues et dépendances. Indicateurs de

tendances 2002, Tendances, OFDT, janvier 2002, n° 19, 4 p.

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004

- DUBURCQ A., PECHEVIS M., COLOMB S. et al. Evolution de la prise en

charge des toxicomanes. Enquête auprès des médecins généralistes en 2001

et comparaison 92-95-98-2001, Tendances, OFDT, mars 2002, n° 20, 4 p.

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toxicomanie. Paris : La Documentation Française, 1995.

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- OLIN N., PLASAIT B. Drogue : l’autre cancer. Rapport de la Commission

d’enquête sénatoriale sur la politique de lutte contre les drogues illicites, 28

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- PARQUET P.J. Pour une politique de prévention en matière de

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- La progression de la précarité en France et ses effets sur la santé. Rapport

du Haut Comité de la Santé Publique, Paris, ENSP, février 1998, 368 p.

- Expertise collective cannabis : quels effets sur la santé ? Paris, INSERM,

2001, 429 p.

3. Psychopathologie, psychothérapies corporelles

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- BERGERET J. La personnalité du toxicomane. In Toxicomanies et réalités,

Lyon : Presses Universitaires de Lyon, 1979, pp.43-57.

- BERGERET J., FAIN M. et coll. Le psychanalyste à l’écoute du toxicomane.

Paris : Dunod, 1981, 165 p.

- CHARLES-NICOLAS A. Toxicomanies et pathologies du narcissisme. In

Narcissisme et états limites. Paris, Dunod, 1986, pp.128-143.

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- GARRAUD C. La bio-énergie. Paris : ESF, 1985, 138 p.

- GEBEROVITCH F. Une douleur irrésistible sur la toxicomanie et la pulsion

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groupes, 1987, 484 p.

- HACHET P. Ces ados qui fument des joints. Paris : Fleurus, 2000, 200 p.

- HACHET P. Les toxicomanes et leurs secrets. Paris : Les Belles Lettres,

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- LEVADOUX. Renaître. Paris : Stock, 1978, 230 p.

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- MIEL C. L’accès à la représentation. A partir d’une clinique psychoanalytique

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psychanalyse : Université Paris VII, 2002, 327 p.

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8, n° 1, 2002. De Boeck Université, pp.7-21.

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- MIEL C. Toxicomanie et dépression. Mémoire de DEA de psychopathologie

fondamentale et psychanalyse, Paris VII, 1996.

- MIEL C. L’identification projective dans la toxicomanie. Evolution

psychiatrique, 2002, 67, pp.326-336.

- MIEL C. La dissolution de la représentation dans l’expérience

toxicomaniaque. Perspectives psychiatriques, 2002, vol. 41, n° 4.

- MIEL C. La toxicomanie ou la quête de l’impossible objet. Psychotropes, vol.

8, n° 1, 2002, pp.7-21.

- NEGRETE J.C Les effets psychopathologiques de l’usage du cannabis.

Psychotropes, hiver 1985, vol.II, n° 1, pp.83-84.

- OLIEVENSTEIN C. La vie du toxicomane. Paris, PUF, 1982, 112 p.

- PERLS A. Ma gestalt-thérapie. Paris: Tchou, 1976, 351 p.

- SCHULTZ J.H. Le training autogène. Paris : PUF, 1968, 352 p.

- TISON Ph. Les thérapies comportementales et cognitives dans les conduites

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- WIEVIORKA S. Aspects médico-psychologiques de la consommation de

cannabis. Revue du Praticien, 1995, 45, (11), 1367-1370.

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4. Divers

- DUITS C.Vision et Hallucination, l’expérience du peyolt en littérature. Revue

question de, 1994, 95, 173 p.

- FINKIELKRAUT A. Fatale Liberté. In FINKIELKRAUT A., SORIANO P.,

Internet, l’inquiétante extase. Paris : Fayard Mille et une Nuits, 2001, 93 p.

- LEMOS A. La cyberculture, les nouvelles technologies et la société

contemporaine. Thèse de doctorat de sociologie, Paris V.

- ZARIFIAN E. Le prix du bien être. Psychotropes et société, Paris : Odile

Jacob, 1996, 282 p.

- ZARIFIAN E. Des paradis plein la tête. Paris : Odile Jacob, 2000, 222 p.

B. DELINQUANCE

1. Législation, cadre réglementaire

- BAILLEAU F. Mineurs délinquants et fonctionnement judiciaire. Paris :

Ministère de la Justice, 1986.

- BLATIER C. La délinquance des mineurs, l’enfant, le psychologue et le droit.

Grenoble : PUG, 2002, 325 p.

- BLATIER C., CHAUTANT C. Mineurs délinquants aux limites de la prise en

charge. Paris, Bulletin de psychologie, mai-juin 1999, Tome 52(3), 441,

pp.321-328.

- CARLE J.C, SCHOSTEK J.P. Délinquance des mineurs : la République en

quête de respect. Rapport d’information 340 de la Commission d’enquête

créée en vertu d’une résolution adoptée par le Sénat le 12 février 2002, Tome

I (2001-2002), 26 juin 2002.

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004

- ROSENCZVEIG J.P. L’ordonnance du 2 février 1945 sur la jeunesse

délinquante une nouvelle fois en question. Note aux parlementaires,

disponible sur Internet : http://www.rosenczveig.com.

2. Etat des lieux

- CHOQUET M., LEDOUX S. Adolescents. Paris, Inserm, Enquête nationale

1994.

- CHOQUET M., LEDOUX S, HASSLER C. et al. Adolescents (14-21 ans) de

la Protection Judiciaire de la Jeunesse et Santé. Inserm U472, Direction de la

PJJ, 1998.

- MUCCHIELLI L. Violences et insécurité, fantasmes et réalités dans le débat

français. Paris : La Découverte, 2002, p.76-77.

- ROCHE S. La délinquance des jeunes - les 13-19 ans racontent leurs délits.

Paris : Seuil, 2001, 304 p.

3. Délinquance et addictions

- BROCHU S, BRUNELLE N. Toxicomanie et délinquance. Une question de

style de vie. Psychotropes, 1997, 4, pp.107-125.

- GUICHARD A. et coll. Tensions sociales et usages de drogues. Une étude

chez des jeunes incarcérés, Psychotropes, 2002, vol. 8, n° 1, pp.43-63.

- LE BLANC M., GIRARD S. Psychotropes et délinquance : séquences

développementales et enchâssement. Psychotropes, 1998, vol. 4, n° 2, pp.69-

91.

- PEREZ-DIAZ C. Alcool et délinquance. Tendances, OFDT, novembre 2000,

n° 9, 4p.

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004

4. Approche éducative de la délinquance

- ALECIAN P. Proposition clinique pour les mineurs auteurs d’agressions ou

de violences. Rapport DPJJ, août 2002, 53 p.

- IMBERT F. La question de l’éthique dans le champ éducatif. Paris : Matrice,

1987, 120 p.

- LAVAL C. Des pratiques éducatives de santé mentale dans le champ de la

PJJ. Lyon, Orspere, mai 2002, 88 p.

- LEBAILLY Ph. La violence des jeunes : comprendre et prévenir. Paris,

Actualités Sociales Hebdomadaires, Paris, 2001, 144 p.

- TANTI A., ABADI M., ANDRIEU R. L’insertion des adolescents en difficulté.

Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale des services et

Commissariat général au plan, Paris, La Documentation Française, 1993.

- TREMETIN J. Les CER dans la confusion. Lien social, 3 juillet 2003, n°672,

pp.4-8.

- CER : entre bilan et projets. Le Colporteur, février 2003, n° 446, 3-6.

5. Divers

- JACOB M. et coll. Etude descriptive d’une population d’adolescents

agresseurs sexuels. 1992, 133-162.

C. FONCTION DE DIRECTION

1. Législation, cadre réglementaire

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004

- JANVIER R., MATHO Y. Mettre en œuvre le droit des usagers dans les

établissements d’action sociale, Paris, Dunod, 2002, 214 p.

- CAUQUIL G.(sous la direction de) Evaluation des dispositifs PJJ de prise en

charge des mineurs multirécidivistes ou en grande difficulté. Rapport du

cabinet CIRESE, janvier 2001, 60 p.

- GAGNEUX M., FELTZ F., LANGLAIS J.L Rapport sur les UEER et leur

rapport à l’hébergement des mineurs délinquants. Paris, Inspections

générales des affaires sociales, des services judiciaires, de l’administration,

janvier 1998, 92 p.

- LE BORGNE Ed ; Les psychologues face à al loi du 4 mars 2002, Le Journal

des psychologues, mars 2003, n° 205, pp.22-25.

- LOUBAT J.R Elaborer son projet d’établissement social et médico-social,

Paris : Dunod, 2002, 264 p.

2. Gestion des ressources humaines

- BARBE L. Quoi de neuf aux frontières ? Lille, COPAS, décembre 1999, n°

21, 16 p.

- BECHLER P., GEORGES F., POURPRIX B. et al. Quelle formation pour les

personnels éducatifs des CER ? IRFAS, juin 2002, 92 p.

- BECHLER P. Les organisations du secteur social sont-elles des

« entreprises apprenantes » ? In Actualités et perspectives, SNASEA, janvier

1998, n°11, pp.25-30.

- BLAKE R., MOUTON J.W. La troisième dimension du management. Paris :

Les Editions d’organisations, 1980, 282 p.

- Groupe de réflexion nationale sur l’hébergement DPJJ. Contribution à la

réflexion sur les pratiques professionnelles dans les établissements éducatifs

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004

du secteur public et du secteur associatif habilité justice, décembre 1998, 45

p.

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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004

L i s t e d e s a n n e x e s

ANNEXE 1 : Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes

1.Analyse budgétaire

2.Contrats de séjour

3.Réseau de partenaires

ANNEXE 2 : Délinquance – non publiée

1.La procédure pénale applicable aux mineurs

2.La détention provisoire du mineur

3.Les infractions commises par les mineurs

4.La répartition des détenus mineurs incarcérés au Centre Pénitentiaire de

Longuenesse, années 2001 et 2002

ANNEXE 3 : Centre Educatif Renforcé

1.Le budget prévisionnel de fonctionnement de l’année

2.Le budget prévisionnel de fonctionnement en 2003

3.Le budget d’investissement

4.Planning hebdomadaire des activités

5.Projet de dispositif de professionnalisation des intervenants éducatifs en

CER

6.Cahier des charges des CER

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MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004

ANNEXE 1

CENTRE SPECIALISE DE SOINS AUX TOXICOMANES

1. Analyse budgétaire 2. Contrats de séjour 3. Réseau de partenaires 4. Charte des droits et libertés de la personne accueillie

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MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004

ANALYSE BUDGETAIRE DU CENTRE DE SOINS

Indicateurs de gestion 2001 (en K €) 2002 (en K €) FRI + ( Fond de Roulement d’Investissement) FRE + ( Fond de Roulement d’Exploitation) FRNG + (Fond de Roulement Net Global) BFR ( Besoin en Fond de Roulement) EFE ( Excédent en Fond d’Exploitation) Trésorerie +

99 120 219

82 300

140 209 348 341

314

FRI Il est positif. Son augmentation en 2002 tient à un report positif des résultats cumulés venant accroître les fonds associatifs. Les investissements effectués sont assurés par des subventions, des excédents affectés à l’investissement et des différences sur réalisations d’actifs. Le taux de vétusté de 73,5 % en 2002 est élevé. Il nécessite que des investissements soient réalisés prochainement en matériel de bureau et informatiques et mobiliers de bureau. L’association est locataire des locaux dans lesquels sont implantés ses différents services. Le véhicule de service a été acquis sur fond propre et sera amorti en 2004. L’association n’a contracté aucun emprunt. Elle dispose ainsi d’une marge de manœuvre importante qui lui permet d’envisager un prêt en vu d’acquérir un immeuble pour la réalisation de son activité sur Saint-Omer. FRE Il est positif. Son augmentation en 2002 s’explique par l’attribution de subventions de fonctionnement (188 K €) qui n’ont pas été entièrement utilisés en 2002, en raison d’un versement tardif (financement pour l’ouverture du Centre Méthadone de Calais - 76 K € - l’application de l’avenant cadres - 26 K € - la réalisation d’actions dans le cadre des Programmes Régionaux de Santé - 44 K €). Le solde est réparti également entre la réserve de trésorerie et les provisions pour risques et charges. FRNG Il est positif. Toutefois, le FRNG est constitué, en grande partie au niveau du FRE de subventions non encore utilisées. Au niveau du FRI, des investissements seront à prévoir prochainement, ce qui réduira d’autant plus la marge de manœuvre pour faire face aux besoins de financement. Il restera toutefois une marge satisfaisante, le FRNG couvre largement les BFR. BFR Il est positif, alors qu’en 2001, il était observé un EFE. Il est à noter que les délais de décaissement des dettes fiscales et sociales sont trop longs (172 jours en 2001 et 2002) et ceux des fournisseurs varient peu (30 jours en 2001 pour 35 jours en 2002). Par contre, les délais d’encaissement des subventions de fonctionnement Etat se sont accrues. Ils sont passés de 9 jours en 2001 à 51 jours en 2002, ce qui rend comptez du passage d’un EFE en 2001 à un BFR en 2002. celui-ci reste largement couvert par le FRE. La trésorerie Elle est positive et constituée des disponibilités importantes liées à des versements tardifs de subventions en fin d’année.

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En conclusion, la situation financière du Centre est bonne. Celui-ci dispose de capacités importantes de recourir à l’emprunt mais ce choix n’a pas été fait en raison d’une bonne trésorerie. Des investissements seront à prévoir dans les prochaines années en équipements de bureaux et l’acquisition de locaux à l’aide d’un emprunt pourrait s’envisager. Le FRE couvre largement le BFR mais il est constitué notamment de subventions de fonctionnement non utilisées, réparties sur plusieurs exercices ou versées tardivement. Par ailleurs, des améliorations pourraient être apportées dans les délais de décaissement des dettes fiscales et sociales.

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CONTRAT DE SEJOUR EN FAMILLE D’ACCUEIL Vous avez sollicité les services de notre Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention des Addictions (CSAPA), pour vous aider dans : - votre démarche de soins relative à la consommation de produits psychoactifs et/ou - votre projet d’insertion sociale et professionnelle Votre projet s’accompagnait d’une demande d’hébergement en famille d’accueil et celle-ci a été acceptée. Cela nécessite de rompre, pour un certain temps, avec les habitudes que vous avez eues jusqu’à ce jour et de vous donner à nouveau, ou pour la première fois, les moyens indispensables pour vous permettre de choisir un nouveau mode de vie après votre séjour. Les décrets d’application de la loi du 2 janvier 2002 portant sur la rénovation de l’action sociale et médico-sociale, nous obligent à rédiger un document individuel de prise en charge précisant les engagements réciproques des parties en présence : A. En ce qui concerne le Centre de Soins L’aide au niveau du Centre de Soins se concrétisera par un soutien psychothérapique et un accompagnement socio-éducatif, en lien avec divers partenaires médicaux et sociaux. Des entretiens réguliers se dérouleront avec l’éducateur référent et le psychologue afin de : - Vous accompagner dans votre nouveau mode de vie,

- Vous aider à régulariser vos problèmes administratifs et financiers (notamment vos dettes),

- Vous aider à gérer votre budget mensuel, - Aborder les problèmes personnels et familiaux qui peuvent être à l’origine de vos difficultés afin de redonner sens à votre existence.

B. En ce qui vous concerne Vous êtes tenu de respecter les conditions suivantes de prise en charge : SANTE :

- La consommation de drogue, d’alcool ou de médicaments à usage détourné est interdite - A tout moment, le service se réserve la possibilité de procéder à une analyse d’urines dont les frais seront à votre charge - Le référent social sera informé de tout traitement provenant d’une prescription médicale. Il sera remis à la famille d’accueil qui le délivrera conformément à la prescription médicale. ARGENT :

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- Vos documents bancaires seront déposés dans le coffre fort du centre. - La gestion de votre budget mensuel pour vos besoins quotidiens (nécessaire de toilette, vêtements, etc) se fera avec le référent. COMPORTEMENT : - Toute manifestation de violence physique ou verbale est interdite. - Les horaires quotidiens de la famille (repas, sommeil) seront respectés. - La participation aux tâches domestiques est requise. - Une attention sera apportée à l’apparence physique (tenue vestimentaire, hygiène corporelle). DIVERS : - Vous êtes astreint à rencontrer régulièrement les personnes chargées de votre suivi aux dates et heures convenues. - Vous devez respecter l’anonymat de la famille d’accueil (ne pas communiquer à qui que ce soit l’adresse de la famille et le numéro de téléphone). - Aucune communication téléphonique n’est autorisée vers l’extérieur (famille, amis), même avec un téléphone personnel. Vous ne pourrez vous servir du téléphone de la famille que pour appeler l’équipe éducative du service et avec l’accord de la famille. - Vous effectuerez un changement d’adresse et votre courrier sera reçu par le service qui vous le transmettra. - Il vous est déconseillé de rencontrer les personnes suivies ou ayant été suivies par notre structure et nous ne interdisons que vous vous rendiez dans les appartements thérapeutiques ou relais. Ces conditions de prise en charge vous sont demandées pour éviter de vous mettre en danger par rapport à votre projet de soins initial.

Tout incident ou manquement au règlement signalé par la famille d’accueil fera l’objet d’une intervention de l’éducateur.

DEROULEMENT DU SEJOUR

Après quinze jours de présence : Il vous sera possible de reprendre contact avec votre entourage par courrier. Le courrier transitera toujours par le centre de soins qui se réserve le droit d’en prendre connaissance. Après un mois de présence : Vous pourrez recevoir des appels téléphoniques lors des rencontres hebdomadaires programmées dans notre service. Les retours en week-end dans votre famille seront négociées avec votre référent et tiendront compte de votre situation personnelle.

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C. En ce qui concerne la famille d’accueil Elle s’engage à : - assurer le gîte, le couvert et l’entretien du linge

- solliciter la participation de l’usager aux tâches domestiques, aux activités de loisirs et à des travaux d’entretien ou artisanaux - n’établir aucune relation d’argent avec l’usager (revente, prêt) - signaler le moindre incident - avertir le référent de tout départ non autorisé - collaborer avec le référent, autour des objectifs de la prise en charge

Les modalités de la prise en charge

La famille d’accueil est chargée d’amener la personne suivie, pour les entretiens éducatifs et psychologiques hebdomadaires, programmés au centre. Le référent se rendra une fois tous les 10 jours dans la famille d’accueil. En fonction du contenu et de l’évolution du projet, d’autres rencontres seront programmées avec l’usager. Le déroulement du séjour sera ponctué par des bilans mensuels en présence du directeur, de la famille d’accueil, du référent. Ils auront pour objectif de veiller à la réalisation du projet et d’apporter les aménagements nécessaires.

LES CONDITIONS DE RESILIATION DU CONTRAT o L’usager peut interrompre à tout moment sa prise en charge

o La famille d’accueil, souhaitant arrêter la prise en charge, doit accorder un délai de 48 H 00 (jours ouvrables) au référent afin d’évaluer la situation et réorienter la prise en charge

o Le directeur peut rompre le contrat de séjour en cas de non-respect : - des engagements de la personne accueillie

- de l’anonymat de la famille d’accueil (ses coordonnées ne devront pas être communiquées à la famille d’origine)

Fait à Saint-Omer, le

L’usager La famille d’accueil Le référent Nom et Prénom : Nom et Prénom : Nom et Prénom :

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CONTRAT DE SEJOUR EN APPARTEMENT THERAPEUTIQUE

Vous avez sollicité les services de notre Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention des Addictions (CSAPA), pour vous aider dans : - votre démarche de soins relative à la consommation de produits psychoactifs et/ou - votre projet d’insertion sociale et professionnelle. Les décrets d’application de la loi du 2 janvier 2002 portant sur la rénovation de l’action sociale et médico-sociale, nous obligent à rédiger un document individuel de prise en charge précisant les engagements réciproques des parties en présence : o En ce qui concerne le Centre de Soins

L’aide au niveau du Centre de Soins se concrétisera par un soutien psychothérapeutique et un accompagement socio-éducatif, en lien avec divers partenaires médicaux et sociaux, dans une optique d’aide à l’insertion sociale et professionnelle.

o En ce qui vous concerne

Vous êtes tenu de vous présenter régulièrement aux dates d’entretiens éducatifs et psychothérapeutiques qui auront été convenues préalablement. En cas d’impossibilité, vous informerez le professionnel concerné de votre absence, afin de prévoir un autre rendez-vous.

1. Le déroulement de la prise en charge

- Le premier mois est considéré comme une période d’essai qui consiste à mettre en place les grandes lignes de votre projet individuel de prise en charge. Il fournit aussi des indications sur votre capacité d’adaptation à la vie en appartement.

- Un bilan a lieu chaque mois avec l’éducateur référent et le Directeur du centre afin

de rendre compte de l’évolution de votre prise en charge et de définir des objectifs mensuels de réalisation de votre projet d’insertion sociale et professionnelle.

- A l’issue du 5ème mois, un bilan de fin de prise en charge est réalisé afin de

préparer la sortie ou de déterminer la durée maximale de votre séjour. - La durée de la prise en charge est fixée à 6 mois. Elle pourra être reconduite

jusqu’à une durée de 6 mois, après évaluation, chaque mois, de votre situation. 2. Les modalités de la prise en charge - La prise en charge éducative s’effectue à raison de plusieurs rencontres par semaine qui se déroulent soit au service, soit dans l’appartement. Elle a pour objectif de vous aider à vous adapter à la vie quotidienne, dans vos démarches diverses d’ordre administratif, judiciaire, et médical et dans vos démarches d’insertion sociale et professionnelle.

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- La prise en charge psychothérapeutique correspond à un entretien individuel hebdomadaire qui se fait dans le service. Elle est déterminante afin de vous aider à comprendre les raisons qui vous ont amené à une consommation de produits psychoactifs. - Des bilans mensuels seront réalisés en présence du directeur et du référent. Ils permettront de faire le point sur votre situation et de définir les objectifs à mettre en place ou à poursuivre. 3. La tenue de l’appartement - Un état des lieux à l’entrée et à la sortie de l’appartement est effectué. Tout vol, perte, dégradation sont imputés sur la caution de 152 € (caution que vous devez obligatoirement verser au centre le jour de votre arrivée dans l’appartement ou constituer dès les premiers mois) - Vous êtes tenu au bon entretien de l’appartement

- Le service s’engage à régler le loyer et les charges courantes (eau, EDF, GDF, assurance)

4. La contribution financière Si vous disposez de revenus mensuels, vous supporterez les frais d’hébergement selon le barème suivant : - à partir de 305 € de revenus mensuels : prise en charge de l’alimentaire

- à partir de 610 € : participation au loyer de 1,50 € par jour et prise en charge de l’alimentaire

5. Les conditions de résiliation du contrat Votre prise en charge pourra s’arrêter à votre demande ou sur décision du directeur dans le cas notamment de reprise de produit, (le service se réserve la possibilité de procéder à une analyse d’urines dont les frais seront à votre charge), de violence, et de démarche insuffisante d’insertion sociale et professionnelle, de non-respect du voisinage et des engagements stipulés dans le contrat de séjour. Le non-respect du règlement ci-joint pourra également entraîner l’exclusion de l’appartement. Fait à Saint-Omer, le Le bénéficiaire, Le référent social (éducateur ou psychologue) Nom et Prénom : Nom et Prénom :

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CONTRAT DE SEJOUR EN APPARTEMENT THERAPEUTIQUE RELAIS

Vous avez sollicité les services de notre Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention des Addictions (CSAPA), pour vous aider dans : - votre démarche de soins relative à la consommation de produits psychoactifs et/ou - votre projet d’insertion sociale et professionnelle Les décrets d’application de la loi du 2 janvier 2002 portant sur la rénovation de l’action sociale et médico-sociale, nous obligent à rédiger un document individuel de prise en charge précisant les engagements réciproques des parties en présence : o En ce qui concerne le Centre de Soins

L’aide au niveau du Centre de Soins se concrétisera par un soutien psychothérapeutique et un accompagnement socio-éducatif, e, lien avec divers partenaires médicaux et sociaux, dans une optique d’aide à l’insertion sociale et professionnelle.

o En ce qui vous concerne

Vous êtes tenu de vous présenter régulièrement aux dates d’entretiens éducatifs et psychothérapeutiques qui auront été convenues préalablement. En cas d’impossibilité, vous informerez le professionnel concerné de votre absence, afin de prévoir un autre rendez-vous.

1. Le déroulement de la prise en charge - Le premier mois est considéré comme une période d’essai qui consiste à mettre en place les grandes lignes de votre projet individuel de prise en charge. Il fournit aussi des indications sur votre capacité d’adaptation à la vie en appartement. - La durée de la prise en charge en appartement relais est de 1 mois, renouvelable 1 fois. - Un bilan a lieu chaque mois avec l’éducateur référent et le Directeur du Centre afin de rendre compte de l’évolution de votre prise en charge et de définir des objectifs mensuels de réalisation de votre projet d’insertion sociale et professionnelle. 2. Les modalités de la prise en charge Le séjour en appartement relais est une étape intermédiaire. Il vise à : - Définir un projet de prise en charge socio-éducative - Evaluer votre capacité d’adaptation à la vie quotidienne - Préparer l’orientation ultérieure qui sera donnée à votre démarche de soins, après un séjour en appartement relais.

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La prise en charge éducative s’effectue à raison de plusieurs rencontres par semaine qui se déroulent soit au service, soit dans l’appartement. Elle a pour objectif de vous aider à vous adapter à la vie quotidienne, dans vos démarches diverses d’ordre administratif, judiciaire, et médical et dans vos démarches d’insertion sociale et professionnelle. La prise en charge psychothérapeutique correspond à un entretien individuel hebdomadaire qui se fait dans le service. Elle est déterminante afin de vous aider à comprendre les raisons qui vous ont amené à une consommation de produits psychoactifs. 3. La tenue de l’appartement - Un état des lieux à l’entrée et à la sortie de l’appartement est effectué. Tout vol, perte, dégradation sont imputés sur la caution de 152 € (caution que vous devez obligatoirement verser au centre le jour de votre arrivée dans l’appartement ou constituer dès que possible) - Vous êtes tenu au bon entretien de l’appartement. - Le service s’engage à régler le loyer les charges courantes (eau, EDF, GDF, assurance). 4. La contribution financière Si vous disposez de revenus mensuels, vous supporterez les frais d’hébergement selon le barème suivant : - à partir de 305 € de revenus mensuels : prise en charge de l’alimentaire

- à partir de 610 € : participation au loyer de 1,50 € par jour et prise en charge de l’alimentaire.

5. Les conditions de résiliation Votre prise en charge pourra s’arrêter à votre demande ou sur décision du directeur dans le cas notamment de reprise de produit, (le service se réserve la possibilité de procéder à une analyse d’urines dont les frais seront à votre charge), de violence, et de démarche insuffisante d’insertion sociale et professionnelle, de non-respect au voisinage et des engagements stipulés dans le contrat de séjour. Le non-respect du règlement ci-joint pourra également entraîner l’exclusion de l’appartement. Fait à Saint-Omer, le Le bénéficiaire, Le référent social, (éducateur ou psychologue) Nom et Prénom : Nom et Prénom :

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HEBERGEMENT EN APPARTEMENT THERAPEUTIQUE ET EN APPARTEMENT THERAPEUTIQUE RELAIS

REGLEMENT INTERIEUR

Ces conditions de prise en charge vous sont demandées pour éviter de vous mettre en danger par rapport à votre projet de soins initial. Vous vous engager à :

• Ne consommer ni produits illicites, ni alcool. • Effectuer régulièrement une analyse d’urines au laboratoire, en présence d’un tiers. • Aviser obligatoirement l’équipe éducative de toutes consultations médicales. • Remettre tous vos documents bancaires au centre qui vous aidera à gérer votre budget. • Payer votre participation en début de mois. • N’accueillir et n’héberger personne, aucun animal. • Respecter les locaux, le mobilier, l’environnement. • Entretenir avec soin l’appartement (une retenue sur caution pourra être effectuée en cas de défaut d’entretien). • Ne pas nuire aux voisins et respecter les consignes de collectivité (bruit, entretien parties communes). • Ne pas s’absenter au delà d’une journée sans obtenir l’autorisation de l’éducateur. • Ne communiquer à qui que ce soit l’adresse de l’appartement sans l’accord du centre. • Faire adresser votre courrier au centre, 114, Rue de Calais, BP 98, 62 500 SAINT-OMER. • Accepter que les éducateurs passent régulièrement dans l’appartement même en votre absence afin de vérifier l’entretien de l’appartement. • Informer l’éducateur de toute démarche effectuée. • Respecter la date et l’heure de vos entretiens avec les professionnels du centre. • Respecter les horaires des services administratifs du centre (alimentaire).

En cas de non-respect de ce règlement, le directeur peut redéfinir votre projet, réduire la durée de votre prise en charge ou éventuellement prononcer votre exclusion immédiate. En cas d’expulsion ou de départ inopiné, avec ou sans nouvelle de votre part, vos effets personnels seront conservés au centre A.B.C.D., 1 mois. Passé ce délai, ils seront remis à une association caritative de notre choix. DATE : Le résident l’équipe éducative NOM et PRENOM

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ACTIVITE PROFESSIONNELLE

-LOGEMENT-

MEDICAL

PROFESSIONNEL ————————

USAGER

SOCIAL JUSTICE

-Sevrages hospitaliers- (le Square de Lens, Centres hospitaliers de St-Omer, Arras, Bailleul, Calais)

-Substitution- (médecins généralistes GT 59/62, pharmaciens

- Unités d’Alcoologie- ( Hôpital de St -Omer, Calais et Centre d’Alcoologie et de Nutrition de Calais)

- Soins Somatiques divers- (tous services de médecine et de gastroentérologie, professions libérales)

Post-cures

Bailleurs sociaux et privés

Structures d’hébergement collectif et d’insertion

-Organismes de formation- (Greta, Greffo, AFPA, APP, etc.)

ANPE

Missions Locales

-UTASS- (service social, socio-éducatif et PMI)

CPAM et CAF

CCAS

TGI de Boulogne, St -Omer, Béthune, Arras

Comité de probation

SEAT, COAE

Services Sociaux du milieu carcéral (Bapaume, Arras, Béthune, Longuenesse, Loos)

ldonio
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ANNEXE 3

CENTRE EDUCATIF RENFORCE

1. Le budget prévisionnel de fonctionnement à l’année 2. Le budget prévisionnel de fonctionnement en 2003 3. Le budget d’investissement 4. Planning hebdomadaire des activités

5. Projet de dispositif expérimental de professionnalisation des intervenants éducatifs en CER

6. Cahier des charges des CER

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PLANNING HEBDOMADAIRE DES ACTIVITES

L

M

M

J

V

S

D

8h00 - 9h15

Lever - Petit déjeuner - Toilette

9h30 - 10h30 Lever + Petit déjeuner + Toilette

9h15 - 9h30

Réunion générale (programme de la journée répartition des tâches)

9h30 - 12h00

Activités de service Bilans, (jardinage, élevage, cuisine, Démarches d’insertion entretien des locaux, etc)

10h00 - 12h00 Activités Activités sportives de service / sorties culturelles

12h00 - 13h30

Déjeuner

13h30 - 17h00

Activités sportives / Activités psychocorporelles (des travaux d’aménagement de l’environnement ou des activités sportives peuvent être menés à la

journée selon le programme)

Activités sportives Sorties culturelles

17h00 - 19h00

Activités artistiques/entretiens psychologiques/préparation du repas

Activités artistiques / préparation du repas

20h00 - 22h30

Jeux de société / débat à thèmes / programme télévisuel / coin lecture

23h00

Coucher

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PROJET DE DISPOSITIF EXPERIMENTAL DE PROFESSIONNALISATION DES INTERVENANTS EDUCATIFS EN

CENTRE EDUCATIF RENFORCE (C.E.R)

Les travaux menés au plan national (entre le SNASEA et la PJJ notamment, avec l’appui de la DGAS et de PROMOFAF) et au plan local (Rhône-Alpes, Midi-Pyrenées, etc) sur les enjeux de qualification dans les CER, ont conduit à envisager un dispositif ayant pour principe de dispenser au plus près de l’exercice professionnel en CER, des modules de formation qui entrent dans les parcours de qualification existants afin de favoriser la validation des acquis des intervenants éducatifs. Ce dispositif se propose : - de permettre aux intervenants éducatifs en CER d’acquérir des compétences pertinentes au plan de l’exercice professionnel ; - de capitaliser et de formaliser des savoirs, d’organiser les contenus de formation propres à l’intervention en CER ainsi que des supports pédagogiques appropriés ; - de tester l’accès à une qualification reconnue pour les intervenants en CER non titulaires de diplômes. Cette expérimentation d’une durée de 2 ans, est ouverte à tous les CER qui le souhaitent. Elle est confiée à des centres de formation agréés au titre du travail social ; la maîtrise d’œuvre est assurée par PROMOFAF et un Conseil Scientifique qui permettra de mobiliser les expertises nécessaires. Les centres de formation devront être capables d’adapter leurs formations aux spécificités de l’intervention en CER, l’objectif étant de promouvoir un système de formation fondé sur l’alternance. Afin que l’organisation des sessions de formation soit au bénéfice d’un nombre suffisant d’intervenants éducatifs en CER, un minimum de 7 ou 8 CER devraient être concernés autour de chaque centre de formation. Le développement d’une démarche de formation de ce type, fondée sur l’alternance et « le retour sur expérience » passe par son inscription dans le projet d’établissement. Les principes suivants ont été retenus : - Les CER sont des laboratoires de pratiques éducatives expérimentales. C’est pourquoi le projet vise à concrétiser et instrumenter cette dynamique formative, et à l’inscrire dans un cursus structuré susceptible de consolider l’exercice professionnel en CER. Ainsi cette expérimentation générera des connaissances transférables à d’autres dispositifs pédagogiques. - Les intervenants éducatifs en CER ont souvent des trajectoires professionnelles multiples. C’est pourquoi, le projet vise à apporter les éléments d’une construction professionnelle dans le champ éducatif en favorisant leur stabilité et leur promotion professionnelle.

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Une coordination opérationnelle sera assurée par l’Institut Méditerranéen de Formation (IMF) en lien avec la maîtrise d’œuvre assurée par PROMOFAF. Le pilotage du projet sera assuré : l Par un Comité de Pilotage National, composé des ministères (PJJ et DGAS) et des organismes de la branche professionnelle (UNASEA, SNASEA et PROMOFAF) ; ce lieu d’interrogation et de validation politique sélectionnera les sites expérimentaux (les CER), mobilisera les centres de formation et déterminera la composition du groupe de suivi du projet. Il aura également un rôle d’impulsion, de décision, de validation et de capitalisation des résultats. l Par un Groupe d’Animation Technique, composé de personnes nommément mandatées par les organismes signataires, chargé de la supervision technique. Il est assisté d’un Conseil Scientifique composé d’experts des disciplines mobilisées afin de bénéficier d’un transfert de compétences. Sur le plan budgétaire, la prestation des centres de formation, tant pour la formation intégrée aux sessions de CER, que pour les formations en centres de formation, devraient se situer au maximum à 10 euros de l’heure de formation. Facturée aux CER (20 à 25 000 euros par an et par CER), elle sera financée par le Fonds Social Européen (FSE) avec le cas échéant une contribution du Fonds d’Intervention National (FIN), qui permet aux adhérents de la cotisation - formation versée à PROMOFAF, de bénéficier d’un soutien financier pour assureur la qualification et les compétences professionnelles des personnels qui participent à l’effort d’adaptation des « publics spécialisés ». - Les frais internes des CER (rémunérations des stagiaires, frais de transport et d’hébergement) seront en partie intégrés au budget de fonctionnement du CER, à proportion du différentiel entre la masse salariale d’une équipe qualifiée et celle des équipes existantes (75 % des salariés travaillant en CER ne sont pas qualifiés). - Le coût de la coordination opérationnelle et du pilotage a été estimé à 100 000 euros pour les deux années d’exercice, financé par le Fonds Social Européen et le budget études de PROMOFAF. Le plan de budgétisation de ce dispositif d’expérimentation de formation et de qualification des intervenants éducatifs en CER sera finalisé et validé prochainement par le Comité de Pilotage National.

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Le nouveau calendrier pour le lancement du projet serait le suivant : - Signature des conventions et contrats de prestations de services en février 2003. - Travaux préparatoires pour la mise en place du dispositif expérimental de validation des

acquis des intervenants éducatifs en CER - mars à mai 2003. - Lancement des premières actions de formation dans les CER à partir de juin 2003. Journée d’étude : Deux journées ont été programmées : 1) Une journée d’étude sur le thème de la formation professionnelle continuée, organisée par

le SNASEA et PROMOFAF aura lieu le 17 avril 2003 au FIAP, 30, Rue Cabanis à Paris : - un pré-programme a été discuté et le programme sera communiqué ; - l’organisation serait assurée par les services communication de l’UNASEA et de

PROMOFAF. - le budget sera alimenté par les 3 200 euros prévus au budget initial par la PJJ, et si

nécessaire aux contributions du SNASEA et de PROMOFAF (maximum 1500 euros). 2) Une journée d’information relative au projet de professionnalisation des intervenants

éducatifs en CER, destinée aux correspondants régionaux CER de la PJJ, aura lieu le 7 mars 2003 de 9 heures à 12 heures 30 au siège su SNASEA, 27-29, Avenue Parmentier à Paris.

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BUDGET D’INVESTISSEMENT

RUBRIQUES

MONTANT

- Immeuble acquisition travaux d’aménagement - Véhicules fourgon-trafic voiture de service - Equipements de bureau mobilier (bureaux, fauteuils, armoires, etc) matériel (photocopieur, ordinateur, etc) - Equipements divers chambres (lits, armoires, etc) cuisine (chambre froide, cuisinière, etc) salle à manger (tables, chaises, etc) buanderie (lave-linge, table à repasser, etc) frais de première installation (matelas, draps, couvertures, ustensiles ménagers, etc) - Matériels divers jardinage (tondeuse, outils, etc) activités pédagogiques (caméra vidéo) camping (tentes) - Divers alarme incendie coffre

304 898 76 224

21 000 12 190

5266 10 399

3453 12815 3461 2226 4591

6402 763 2270

3811 2287

TOTAL

474 722

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LE BUDGET PREVISIONNEL DE FONCTIONNEMENT A L’ANNEE DU PROJET

Dépenses

Montant

Recettes

Montant

CHARGES ( achats liés au projet, prestations externes, etc)

280 274

Ministère de la Justice

725 799

Comptes 60 - Achats Comptes 61 - Services extérieurs Comptes 62 - Autres services extérieurs Comptes 63 - Impôts et taxes Comptes 65 - Autres charges Comptes 66 - Charges financières Comptes 68 - Dotations aux amortissements

82 667 38 034 34 653 33 473 4756 42 336 44 328

FRAIS DE PERSONNEL

445 552

Salaires Charges sociales Autres

304 762

134 158

6632

TOTAL

725 799

TOTAL

725 799

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LE BUDGET PREVISIONNEL DE FONCTIONNEMENT

EN 2003 DU PROJET

DEPENSES MONTANT RECETTES MONTANT CHARGES (achats liés au projet, prestations externes, etc)

68 817,74

Ministère de la Justice

182 938,32

Comptes 60 - Achats Comptes 61 - Services extérieurs Comptes 62 - Autres services extérieurs Comptes 63 - Impôts et taxes Comptes 65 - Autres charges Comptes 66 - Charges financières Comptes 68 - Dotations aux amortissements

20 666,75 8302,49 8625,25 8368,25 1189 10 584 11 082

FRAIS DE PERSONNEL

114 120,58

Salaires Charges sociales Autres

70 488,57 34 735,01 896

TOTAL

182 938,32

TOTAL

182 938,32

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CAHIER DES CHARGES POUR LA CREATION DES CENTRES EDUCATIFS RENFORCES

Le cadre d’élaboration fixé par le présent cahier des charges est destiné à établir les références communes qui fondent la spécificité des centres éducatifs renforcés par rapport aux autres modes de prise en charge. Il concerne essentiellement le type de mineurs à prendre en charge, la constitution d’une équipe resserrée, le montage d’actions et de séjours de rupture à partir de sessions limitées dans le temps (pour donner corps à la notion de rupture mais aussi pour permettre un rythme de travail adapté au faible effectif de personnels en charge de l’action : récupérations, congés, formations, etc…) et le travail sur le maintien du lien avec les autres structures éducatives concernées par une prise en charge à plus long terme de ces mineurs. Les modalités d’élaboration des projets seront, quant à elles, entièrement du ressort de leurs promoteurs sous la responsabilité des directeurs régionaux et départementaux concernés. Ces derniers veilleront à inscrire ces projets dans le schéma départemental. Ce cadre national permet d’envisager le lancement de nouveaux projets dans une perspective plus ouverte. Certains aspects de la définition et de l’organisation de ces projets peuvent être entièrement renouvelés, d’autres doivent être approfondis. Les modalités d’organisation des centres éducatifs renforcés Les centres éducatifs renforcés ont pour vocation d’accueillir un petit groupe de 8 mineurs maximum. L’idée force de ces structures réside dans l’encadrement éducatif renforcé, c’est à dire dans la mise en place d’un accompagnement permanent des mineurs, dans les actes de la vie quotidienne comme dans les différentes démarches de remobilisation. Plus que l’hébergement au sens strict, c’est la présence éducative continue qui constitue leur singularité. Il s’agit de petites unités d’hébergement qui doivent s’articuler sur un dispositif d’activités de jour ou sur des actions spécifiques développées avec les jeunes durant une durée limitée. Cet accompagnement éducatif permanent doit créer les conditions d’une rupture pour les mineurs placés. Autour de l’idée de rupture, il y a une double dimension ; une première qui renvoie à la mise en place d’un lieu de vie, d’une structure d’accueil pour les jeunes organisée à partir du « vivre avec » (le quotidien, la socialisation, le rapport à l’adulte…) et une seconde qui renvoie à un temps de rupture à partir d’actions de remobilisation, ce qui certaines expériences existantes ont pu mettre en œuvre sous le terme de dégagement. Les mineurs qui sont pris en charge dans les centres éducatifs renforcés sont ceux qui, momentanément, ne relèvent pas d’une prise en charge collective traditionnelle mais qui ont besoin pour un temps limité d’être éloignés de leur milieu naturel. Il s’agit de mineurs délinquants en grande difficulté, placés dans le cadre de l’ordonnance du 2 février 1945. pour le secteur associatif, il vous appartient de négocier avec le conseil général la possibilité d’y confier des mineurs qui présentent des troubles importants de la personnalité sur le fondement des articles 375 et suivants du code civil. Le montage du projet, comme sa mise en œuvre collective, doit être élaboré en collaboration avec les juridictions pour fixer ensemble des conditions du placement. La prise en charge dans les centres éducatifs renforcés se fera pour une durée limitée autour de 3 mois, avec la possibilité d’aller jusqu’à 6 mois selon les spécificités des projets. Il

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ne s’agit pas d’installer les mineurs dans un projet long à partir d’un hébergement en institution mais bien de créer pour eux les conditions d’une coupure avec leur milieu et avec leur parcours propre, que celui-ci se joue dans la délinquance réitérative ou bien dans la marginalisation et l’exclusion. Ce temps court doit être aussi un temps d’évaluation des mineurs, de leur situation et des potentialités existantes en termes de solutions éducatives durables. Il convient de rappeler que c’est l’action éducative qui est renforcée dans la vie quotidienne des jeunes. Cela signifie clairement que l’on n’est pas dans une problématique de contention, la question de la contrainte renvoie aux limites à poser au jeune et au travail qu’il faut mener à partir de ses transgressions. Le juge est le garant du respect de la loi et applique les sanctions qui découlent de sa transgression ; le responsable du service pose des règles de vie en groupe et le non respect de ces règles relève de la réponse éducative. Les centres éducatifs renforcés ont vocation à accueillir des jeunes provenant de juridictions situées dans ou hors du département et notamment des départements prioritaires. Ils peuvent avoir une dimension régionale, tant en ce qui concerne l’origine géographique des mineurs accueillis qu’en ce qui concerne la constitution de l’équipe éducative dont les personnels peuvent venir de départements différents à l’intérieur de la région. Ils peuvent être publics, associatifs ou encore mixtes, à l’intérieur d’un montage administratif à définir avec l’administration centrale. Les normes concernant le nombre de jeunes accueillis et celui de leurs encadrements seront fonction du contenu des projets ; elles seront néanmoins fixées au sein d’une « fourchette » qui garantisse la spécificité de cette prise en charge pour éviter le risque de reproduire la structure d’un hébergement traditionnel (un nombre minimal qui garantisse une prise en charge réaliste avec des conditions suffisantes de sécurité et un nombre maximal au dessus duquel on passe à une prise en charge de type foyer). La place des centres dans les projets départementaux et régionaux Les centres éducatifs renforcés mettent en œuvre une action éducative limitée dans ses objectifs et dans le temps et, par conséquent, complémentaire à d’autres modalités d’intervention qui constituent la prise en charge globale du mineur suivi. Cette action ne peut produire les résultats escomptés que s’il y a une préparation en amont et une perspective de passage de relais en aval. La coordination avec les autres services éducatifs est donc ici une exigence incontournable. Le maintien de la mesure de milieu ouvert parallèlement au placement doit permettre une continuité éducative au delà du temps de prise en charge dans le centre éducatif renforcé, elle est capitale pour constituer un passage vers d’autres modalités de réponses éducatives. Les autres services éducatifs, hébergements ou dispositions d’activités de jour, sont quant à eux dans une position de partenaires ou d’accueil à la sortie du centre. Cette coordination est de la responsabilité des directeurs régionaux et départementaux. Un correspondant régional sera désigné pour instruire et transmettre les projets au comité de pilotage national. Le comité de pilotage national, présidé par le sous-directeur de l’action éducative et des affaires judiciaires, est composé d’un représentant de la sous-direction des affaires administratives et financières, de membres des bureaux K1 et K4, d’un représentant du service de l’inspection, d’un représentant du CNFE, du médecin psychiatre chargé de mission auprès de la directrice sur les questions de santé mentale et, pour les projets du secteur associatif, des représentants des fédérations d’associations.

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Fonction de direction et pluridisciplinarité Les différents bilans des unités à encadrement éducatif renforcé ont fait apparaître une fragilité particulière de ces équipes du fait d’un trop grand isolement et d’une absence d’autres ressources que celles des éducateurs. Les questions de l’animation d’équipe, de la formation des personnels et du recours à des apports extérieurs sont donc à travailler avec une particulière attention. Pour le secteur public, les centres éducatifs renforcés sont administrativement rattachés à un centre d’action éducative et sont donc sous la responsabilité du directeur de service. Ce dernier doit prendre en compte la gestion et l’organisation du centre ainsi que l’animation pédagogique. Il sera dans la mesure du possible secondé par un chef de service éducatif pour l’animation pédagogique. La présence d’un clinicien au côté des personnels éducatifs s’est révélée être un atout indiscutable pour les unités à encadrement éducatif renforcé qui ont bien fonctionné. Cette présence concerne le travail effectué avec chaque mineur et constitue un apport en termes d’analyse des situations et de distance nécessaire par rapport au quotidien éducatif. Chaque projet doit prévoir le recours à un psychologue ainsi qu’un lien avec les praticiens de la santé physique et mentale du secteur. Les modalités de prise en charge éducative dans les centres éducatifs renforcés seront intégrées dans la politique de formation des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, qu’il s’agisse des formations dispensées par le centre national de formation et d’études ou par les centres régionaux de formation. La gestion administrative et financière a- dans le secteur public Les équipes éducatives se composent d’éducateurs, d’agents techniques d’éducation et, selon les possibilités, d’un chef de service éducatif fonctionnel, tous volontaires et partie prenante du projet pédagogique avec, si nécessaire et dans une proportion réduite, l’appoint possible de nouveaux titulaires sortant de formation. Il convient de prévoir la participation de cliniciens au travail de l’équipe, avec des titulaires ou par le recours à des vacations. L’équipe éducative (éducateurs, agents techniques d’éducation et chef de service éducatif) sera composée au maximum de 6 personnels, avec dans ce cas un nombre d mineurs accueillis équivalent à celui des encadrants. Des moyens supplémentaires lui seront affectés pour les frais de première installation, le budget de fonctionnement et les vacations de psychologue et de psychiatre. Les personnels quant à eux bénéficieront d’une prime spécifique équivalente au régime indemnitaire appliqué aux anciennes unités à encadrement renforcé. b- dans le secteur associatif habilité Le coût global d’un centre éducatif renforcé ne devra pas excéder 2 800 000 F, pour un fonctionnement de 310 journées et une prise en charge minimum de 6 jeunes. Les investissements de première installation ne devront pas être supérieurs à 300 000 F. D’autre part, le bilan des premières expériences permet de constater que, pour répondre aux dispositions de la convention collective régissant le milieu médico-social, un quota annuel d’heures supplémentaires équivalant à un poste budgétaire a été payé. En conséquence, pour assurer un encadrement permanent de 8 adolescents au maximum, les centres

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éducatifs renforcés devront prévoir en personnels 7,5 équivalents temps plein, dont un de chef de service éducatif, responsable du centre. Les personnels affectés dans les centres éducatifs renforcés bénéficieront d’un régime indemnitaire spécifique.