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N 0 8 MARS 2007 BDEI 45 PERSPECTIVES ETUDE Plusieurs rapports parlementaires ré- cents ont eu pour objet d’étudier les conséquences de l’amiante dans notre société : celui de la Cour des comptes, présenté à la commission des affaires sociales du Sénat en mars 2005 (1), celui du Sénat au nom de la mission commune d’information sur le bilan et les conséquences de la contami- nation par l’amiante du 20 octobre 2005, et le rapport sur le même thème, publié par l’Assemblée na- tionale le 22 février 2006. Ces rap- ports, qui dénoncent de manière gé- nérale le drame de l’amiante en France, ont permis de faire le point sur les premières années d’existence du FIVA, sur les évolutions jurispru- dentielles en matière d’indemnisa- tion et de responsabilité pour expo- sition à l’amiante, et de proposer des améliorations réglementaires. En effet, le système actuel de gestion et d’indemnisation des victimes de l’amiante, et plus particulièrement des travailleurs exposés à cette fibre, leur paraît perfectible. C’est ce système qui va être brièvement décrit dans la présente note. Le système d’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) permet à des tra- vailleurs qui ont été exposés à l’amiante de bénéficier d’une prére- traite, même s’ils n’ont pas (ou pas encore) développé de maladie liée à cette exposition (I.). De son côté, le Fonds d’indemnisa- tion des victimes de l’amiante offre aux personnes ayant développé une maladie liée à l’amiante, ou à leur ayants droit, un mode non conten- tieux de réparation intégrale de leurs préjudices (II.). Enfin, les juridictions continuent d’être sollicitées pour tran- cher les conflits liés à l’indemnisation des victimes de l’amiante et à la dé- termination des responsabilités (III.). I. – LA GESTION DES TRAVAILLEURS DE L’AMIANTE AU TRAVERS DE L’ACAATA L’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, qui a été récem- ment modifié par la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, a institué une allocation de cessation anticipée d’ac- tivité des travailleurs de l’amiante (ACAATA). Les personnes exposées au cours de leur vie profes- sionnelle à l’inhalation de poussières d’amiante peuvent ainsi, sous cer- taines conditions, cesser leur activité dès 50 ans. Une allocation leur est versée par le Fonds de cessation anticipée d’acti- vité des travailleurs de l’amiante (FCAATA) jusqu’à ce qu’elles arrivent à l’âge de la retraite prévu par leur régime respectif et touchent la pen- sion instituée par celui-ci. A. – L’accès à l’ACAATA Le droit au bénéfice de cette alloca- tion peut être reconnu de façon col- lective (en raison de l’activité exer- cée) ou individuelle (en cas de reconnaissance d’une maladie pro- fessionnelle liée à l’amiante). Le dispositif législatif a été précisé par trois décrets d’application qui fixent les conditions d’accès à l’ACAATA, les modalités de détermination de l’âge d’accès du demandeur à l’allocation et du montant de celle-ci. Par souci de clarté, les différents régimes sont présentés dans le tableau suivant : Par Armelle SANDRIN Avocat à la Cour Shearman & Sterling LLP Gestion et indemnisation des travailleurs victimes de l’amiante La publication du barème du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) le 21 janvier 2003 a ouvert, pour les travailleurs victimes de l’amiante, une nouvelle voie d’indemnisation. Quatre ans plus tard, la double question de la gestion des travailleurs de l’amiante et des victimes de ces fibres a encore évolué notamment grâce à des apports réglementaires et des précisions jurisprudentielles. En outre, plusieurs rapports parlementaires récents contribuent à faire avancer la réflexion sur la façon de gérer et d’indemniser les travailleurs victimes de l’amiante en France. > 381 BDEI (1) Rapport publié en annexe du rapport du Sénat sur la gestion du Fonds amiante, 15 avr. 2005.

Gestion et indemnisation des travailleurs victimes …/media/Files/NewsInsights/...Ports et dockers Maladie professionnelle provoquée par l’amiante L. n 98-1194, 23 déc. 1998,

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N 0 8 • M A R S 2 0 07 • B D E I 45

PERSPEC

TIVESETU

DE

Plusieurs rapports parlementaires ré-

cents ont eu pour objet d’étudier les

conséquences de l’amiante dans notre

société : celui de la Cour des comptes,

présenté à la commission des affaires

sociales du Sénat en mars 2005 (1),

celui du Sénat au nom de la mission

commune d’information sur le bilan

et les conséquences de la contami-

nation par l’amiante du 20 octobre

2005, et le rapport sur le même

thème, publié par l’Assemblée na-

tionale le 22 février 2006. Ces rap-

ports, qui dénoncent de manière gé-

nérale le drame de l’amiante en

France, ont permis de faire le point

sur les premières années d’existence

du FIVA, sur les évolutions jurispru-

dentielles en matière d’indemnisa-

tion et de responsabilité pour expo-

sition à l’amiante, et de proposer des

améliorations réglementaires.

En effet, le système actuel de gestion

et d’indemnisation des victimes de

l’amiante, et plus particulièrement des

travailleurs exposés à cette fibre, leur

paraît perfectible. C’est ce système

qui va être brièvement décrit dans la

présente note.

Le système d’allocation de cessation

anticipée d’activité des travailleurs de

l’amiante (ACAATA) permet à des tra-

vailleurs qui ont été exposés à

l’amiante de bénéficier d’une prére-

traite, même s’ils n’ont pas (ou pas

encore) développé de maladie liée à

cette exposition (I.).

De son côté, le Fonds d’indemnisa-

tion des victimes de l’amiante offre

aux personnes ayant développé une

maladie liée à l’amiante, ou à leur

ayants droit, un mode non conten-

tieux de réparation intégrale de leurs

préjudices (II.). Enfin, les juridictions

continuent d’être sollicitées pour tran-

cher les conflits liés à l’indemnisation

des victimes de l’amiante et à la dé-

termination des responsabilités (III.).

I. – LA GESTION DES TRAVAILLEURSDE L’AMIANTE AU TRAVERS DEL’ACAATA

L’article 41 de la loi n° 98-1194 du

23 décembre 1998, qui a été récem-

ment modifié par la loi n° 2006-1640

du 21 décembre 2006, a institué une

allocation de cessation anticipée d’ac-

tivité des travailleurs de

l’amiante (ACAATA). Les personnes

exposées au cours de leur vie profes-

sionnelle à l’inhalation de poussières

d’amiante peuvent ainsi, sous cer-

taines conditions, cesser leur activité

dès 50 ans.

Une allocation leur est versée par le

Fonds de cessation anticipée d’acti-

vité des travailleurs de l’amiante

(FCAATA) jusqu’à ce qu’elles arrivent

à l’âge de la retraite prévu par leur

régime respectif et touchent la pen-

sion instituée par celui-ci.

A. – L’accès à l’ACAATA

Le droit au bénéfice de cette alloca-

tion peut être reconnu de façon col-

lective (en raison de l’activité exer-

cée) ou individuelle (en cas de

reconnaissance d’une maladie pro-

fessionnelle liée à l’amiante).

Le dispositif législatif a été précisé par

trois décrets d’application qui fixent

les conditions d’accès à l’ACAATA, les

modalités de détermination de l’âge

d’accès du demandeur à l’allocation

et du montant de celle-ci.

Par souci de clarté, les différentsrégimes sont présentés dans le tableausuivant :

Par Armelle SANDRINAvocat à la CourShearman & Sterling LLP

Gestion et indemnisationdes travailleurs victimes

de l’amiante

La publication du barème du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) le 21 janvier 2003a ouvert, pour les travailleurs victimes de l’amiante, une nouvelle voie d’indemnisation. Quatre ans plus tard,la double question de la gestion des travailleurs de l’amiante et des victimes de ces fibres a encore évolué

notamment grâce à des apports réglementaires et des précisions jurisprudentielles. En outre, plusieurs rapportsparlementaires récents contribuent à faire avancer la réflexion sur la façon de gérer et d’indemniser

les travailleurs victimes de l’amiante en France.

>

381BD

EI

(1) Rapport publié en annexe du rapport du Sénat sur la gestion du Fonds amiante, 15 avr. 2005.

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46 B D E I • M A R S 2 0 07 • N 0 8

G E S T I O N E T I N D E M N I S AT I O N D E S T R AVA I L L E U R S V I C T I M E S D E L’ A M I A N T E

Textes de référence

Reconnaissance collective Reconnaissanceindividuelle

Construction etréparation navales

Fabrication, flocage,calorifugeage

Ports et dockersMaladie

professionnelleprovoquée par

l’amiante

L. n° 98-1194,23 déc. 1998, art. 41

mod. parL. n° 2006-1640,

21 déc. 2006

1) Travailler ou avoirtravaillé dans unétablissement figurantsur une liste(Arr. 7 juill. 2000,NOR : MESS0022234A,« construction navale »)

2) Avoir un âgedéterminé (au moins50 ans)

3) Avoir exercé un métierfigurant sur une liste(Arr. 7 juill. 2000,préc. « constructionnavale »)

1) Travailler ou avoirtravaillé dans unétablissement figurantsur une listerégulièrementmodifiée(Arr. 29 mars 1999,NOR : MESS9920991A,« établissements »,mod.)

2) Avoir au moins 50 ans

1) Travailler ou avoirtravaillé dans un portpendant des périodesfixées par arrêté (Arr.7 juill. 2000, NOR :MESS0022235A,« ports »)

2) Avoir au moins 50 ans

1) Etre une personnereconnue atteinte d’unemaladie professionnelleprovoquée parl’amiante et figurantsur une liste(Arr. 29 mars 1999,NOR : MESS9920990A,« maladiesprofessionnelles ») (2)

- au titre du régimegénéral

ou

- au titre du régimed’assurance contre lesaccidents du travail etles maladiesprofessionnelles dessalariés agricoles

2) Avoir au moins 50 ans

D. n° 99-247, 29mars 1999

(régime général)

Pas de condition supplémentaire ; le décret précise les modalités de détermination de l’âge d’accèsdu demandeur au droit à l’ACAATA et du montant de celle-ci

D. n° 2001-1269,21 déc. 2001

mod. par D. n° 2007-184, 9 févr. 2007

(ouvriers desétablissements

industriels de l’Etat)

1) Travailler ou avoirtravaillé dans un desétablissements ouparties d’établissementde construction et deréparation navalespendant des périodesfixées par arrêté (Arr.21 avr. 2006, NOR :DEPP0600459A)

2) Avoir exercé uneactivité figurant surune liste (Arr. 21 avr.2006, préc.)

3) Avoir au moins 50 ans

1) Etre une personnereconnue atteinted’une maladieprofessionnelleprovoquée parl’amiante et figurantsur une liste (Arr.29 mars 1999, préc.,« maladiesprofessionnelles »)

2) Avoir au moins 50 ans

D. n° 2006-418,7 avr. 2006

(fonctionnaireset agents nontitulaires duministère dela Défense)

1) Travailler ou avoirtravaillé dans un desétablissements ouparties d’établissementde construction et deréparation navales duministère de ladéfense pendant despériodes fixées pararrêté (Arr. 21 avr.2006, préc.)

2) Avoir exercé uneactivité figurant surune liste (Arr. 21 avr.2006, préc.)

3) Avoir au moins 50 ans

1) Etre une personnereconnue atteinted’une maladieprofessionnelleprovoquée parl’amiante et figurantsur une liste (Arr.29 mars 1999, préc.,« maladiesprofessionnelles »)

2) Avoir au moins 50 ans

(2) Affections A, C, D et E du tableau n° 30 des maladies professionnelles, et affection figurant au tableau n° 30 bis.

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N 0 8 • M A R S 2 0 07 • B D E I 47

Le décret n° 2001-1269 du 21 décembre

2001 ne s’appliquait initialement qu’aux

ouvriers de l’Etat relevant du ministère

de la Défense, mais son champ d’appli-

cation a récemment été étendu à l’en-

semble des ouvriers des établissements

industriels de l’Etat par le décret n° 2007-

184 du 9 février 2007.

Dans ce système complexe, deux prin-

cipales différences entre les régimes se

dégagent.

D’une part, il s’agit de la différence entre

le traitement des travailleurs du secteur

privé et ceux du secteur public. Ainsi,

en ce qui concerne les travailleurs des

chantiers de construction et de répara-

tion navales, les salariés du secteur privé

peuvent bénéficier de l’ACAATA quelle

que soit la période à laquelle ils ont tra-

vaillé dans l’établissement concerné, alors

que les travailleurs du secteur public ne

peuvent y prétendre que s’ils ont travaillé

dans l’établissement au cours des pé-

riodes fixées par arrêté.

D’autre part, le régime applicable aux

personnes travaillant ou ayant travaillé

dans un établissement fabricant des ma-

tériaux contenant de l’amiante, flocages

ou calorifugeages est applicable à l’en-

semble des employés, quelle que soit leur

fonction au sein de l’établissement. Au

contraire, les autres régimes ne sont ap-

plicables qu’aux personnes exerçant ou

ayant exercé l’un des métiers définis par

arrêté. Par conséquent, on observe que

les établissements ayant fabriqué de

l’amiante ont tendance à utiliser la ces-

sation anticipée d’activité « amiante »

pour réduire leurs effectifs et gérer leur

personnel en fin de carrière.

Cette dérive est constatée par les deux

rapports parlementaires au nom de la

mission commune d’information sur le

bilan et les conséquences de la conta-

mination par l’amiante (3). Une circulaire

du 6 février 2004 de la direction des re-

lations du travail (4) mentionne l’utilisa-

tion de l’ACAATA comme « instrument

de gestion l’emploi, contrairement à son

objet ». La Cour des comptes, dans son

rapport du 25 mars 2005 souligne éga-

lement qu’on « ne peut ignorer la corré-

lation entre (l)es demandes (d’inscrip-

tion sur les listes « ACAATA ») et les plans

sociaux en cours (…) le dispositif de CAA

est en passe de devenir l’un des rares dis-

positifs de ‘pré-retraite’ aidés financière-

ment pour les entreprises ». Afin de lut-

ter contre ce phénomène, la mission de

l’Assemblée nationale propose de cesser

dans un délai d’un an l’inscription de

nouveaux établissements sur la liste

« ACAATA », considérant que ceux pour

lesquels l’exposition massive de tra-

vailleurs a été constatée sont déjà inté-

grés dans la liste.

Il convient enfin de souligner que tous

les travailleurs relevant du régime géné-

ral de la Sécurité sociale ou du régime

agricole, peuvent bénéficier de l’ACAATA,

lorsqu’ils sont reconnus atteints d’une

maladie professionnelle liée à l’amiante.

Cette disposition permet notamment aux

salariés d’une entreprise ne figurant pas

sur des listes « ACAATA » de bénéficier

d’une retraite anticipée à titre personnel.

Ce cas de figure se présente par exemple

pour les personnels des entreprises du

bâtiment, ou les charpentiers de grandes

entreprises industrielles. Toutefois, cette

possibilité n’est pas offerte aux fonc-

tionnaires, à l’exception des agents de la

DCN et du ministère de la Défense, vi-

sés par les décrets du 21 décembre 2001

et du 7 avril 2006 précités.

De plus, d’après le rapport du Sénat du

20 octobre 2005, une circulaire du mi-

nistère du Travail autoriserait à faire bé-

néficier de l’ACAATA les conjoints (sou-

vent des épouses) des salariés de

l’amiante, qui ont pu être exposés aux

fibres dans la vie domestique (5).

Le rapport du Sénat du 20 octobre 2005

et celui de l’Assemblée nationale du 22 fé-

vrier 2006 proposent de créer un mode

d’accès individualisé à l’ACAATA pour

les personnes qui ont été exposées à

l’amiante à l’occasion de leur activité

professionnelle, dans des établissements

non éligibles au système des listes, et

qui sont les plus susceptibles de déve-

lopper les pathologies liées à l’amiante.

Cette solution permettrait à certains sa-

lariés d’entreprises ne figurant pas sur

les listes « ACAATA » de bénéficier de la

cessation anticipée d’activité sans at-

tendre d’avoir développé une maladie

pour pouvoir y prétendre comme c’est

le cas actuellement.

B. – Le financement de l’ACAATA

Pour financer l’ACAATA, l’article 41 de la

loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 a créé

un Fonds de cessation anticipée d’activité

des travailleurs de l’amiante (FCAATA).

Le FCAATA est principalement financé

par une contribution de la branche « AT-

MP » (accidents du travail/maladies pro-

fessionnelles) de la Sécurité sociale et

par l’Etat (recette affectée pour les droits

de consommation du tabac). Devant la

dégradation financière de la branche AT-

MP, qui a financé à 95 % le FCAATA en

2004 (6), l’article 47 de la loi n° 2004-

1370 du 20 décembre 2004, de finance-

ment de la Sécurité sociale pour 2005, a

institué une contribution des entreprises,

mise en œuvre par le décret n° 2005-417

du 2 mai 2005.

Aux termes de l’article 47-I de la loi du

20 décembre 2004 précitée, lorsqu’un sa-

larié est atteint d’une maladie profes-

sionnelle, l’entreprise qui l’emploie ou

l’a employé supporte la charge des dé-

penses occasionnées par cette maladie,

au titre de ses cotisations AT-MP, y com-

pris la contribution amiante. Si le sala-

rié n’est atteint par aucune maladie pro-

fessionnelle, la contribution au FCAATA

est due par la société qui exploite l’éta-

blissement de fabrication de matériaux

contenant de l’amiante à la date d’ad-

mission du salarié à l’allocation. Cela est

valable également dans l’hypothèse où

l’établissement en cause a été exploité

successivement par plusieurs entreprises.

Si le salarié a travaillé pour plusieurs en-

treprises exploitant des établissements

distincts, le montant est réparti entre

celles-ci en fonction de la durée du tra-

PERSPEC

TIVESETU

DE

>

(3) Rapp. Sénat 20 oct. 2005, p. 175 ; Rapp. AN 22 févr. 2006, p. 233.(4) Circ. DRT/CT2 n° 2004/03, 6 févr. 2004, relative à la procédure applicable en matière de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante.(5) On pense notamment aux épouses qui ont respiré des fibres d’amiante en lavant les bleus de travail de leur conjoint, travailleur de l’amiante, cf., par ex., CA Caen, 20 nov. 2001, SA Valéo,

JCP 2003, p. 503.(6) Rapp. C. comptes, 2005, p. 42.

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vail effectué au sein de ces établisse-

ments pendant la période où y étaient

fabriqués ou traités l’amiante ou les ma-

tériaux contenant de l’amiante. Le mon-

tant de la contribution varie en fonction

de l’âge du bénéficiaire au moment de

son admission au bénéfice de l’alloca-

tion. La contribution est appelée, recou-

vrée et contrôlée par l’URSSAF (7).

La Cour de justice des Communautés eu-

ropéennes, dans une décision du 9 no-

vembre 2006, s’est exprimée sur le mode

de calcul pour les salariés français tra-

vaillant dans un autre pays de l’Union

européenne. Afin de ne pas les désa-

vantager, le calcul de leur indemnité au

titre de l’ACAATA doit être basé sur le

gain moyen que chaque salarié aurait

perçu s’il était resté en France (CJCE,

9 nov. 2006, aff. C-205/5).

Si l’ACAATA permet de faire bénéficier

les travailleurs de l’amiante d’une retraite

anticipée, la Sécurité sociale et le Fonds

d’indemnisation des victimes de l’amiante

(FIVA) interviennent pour indemniser

ceux qui ont développé une maladie liée

à l’amiante.

II. – L’INDEMNISATION DESVICTIMES DE L’AMIANTE PAR LASÉCURITÉ SOCIALE ET LE FIVA

A. – L’indemnisation des maladiesprofessionnelles liées àl’amiante par la Sécuritésociale

La reconnaissance du caractère profes-

sionnel d’une maladie liée à l’amiante

(qui sont les affections A, C, D et E du

tableau n° 30 des maladies profession-

nelles, et l’affection figurant au tableau

n° 30 bis, susvisé) entraîne, en cas d’in-

capacité permanente, le versement d’une

rente (CSS, art. L. 431-1-1, 4°), dont le

montant est calculé à partir du taux d’in-

capacité de la victime et de son salaire

annuel, par la caisse primaire d’assu-

rance maladie (« CPAM ») à la victime.

Le dossier de demande, qui comprend

notamment un certificat médical, doit

être déposé devant la CPAM compétente

(CSS, art. L. 461-1 à L. 461-8). L’em-

ployeur doit être informé du dépôt de ce

dossier par la CPAM et peut ainsi for-

muler des observations ou des réserves.

Le caractère contradictoire de cette pro-

cédure, imposé par l’article R. 441-11 du

Code de la sécurité sociale, doit être res-

pecté, sous peine pour la CPAM de sup-

porter les majorations d’indemnisation

qui pourraient être mises à la charge de

l’employeur du fait de la reconnaissance

de sa faute inexcusable, ainsi qu’il sera

exposé ci-après.

La caisse dispose d’un délai de trois mois

pour se prononcer sur la demande de re-

connaissance de maladie professionnelle

(CSS, art. R. 411-10). Passé ce délai, son

silence vaut reconnaissance du caractère

professionnel de la maladie. La décision

de la CPAM peut être contestée devant

le Tribunal des affaires de la sécurité so-

ciale (« TASS ») en première instance,

puis devant la cour d’appel compétente

et la Cour de cassation.

L’indemnisation versée par la Sécurité

sociale ne concerne toutefois que les per-

sonnes reconnues atteintes d’une mala-

die professionnelle, ou en cas de décès

de celle-ci, ces ayants-droits.

B. – La « réparation intégrale » despréjudices des victimes del’amiante par le FIVA

Le Fonds d’indemnisation des victimes

des l’amiante a été crée par l’article 53

de loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000,

afin de proposer une réparation intégrale

aux victimes sans passer par le mode

contentieux, et dans un délai plus rapide

que ce dernier. Le FIVA assure la répara-

tion intégrale des préjudices des personnes

reconnues atteintes d’une maladie pro-

fessionnelle liée à l’amiante, ainsi que

des personnes ayant subi un préjudice

directement lié à l’exposition à l’amiante

sur le territoire français (y compris les

étrangers) et des ayants-droits des deux

premières catégories. Après la publica-

tion du premier barème indicatif du FIVA

le 21 janvier 2003, les premières indem-

nisations sont intervenues en avril 2003.

La demande d’indemnisation est pré-

sentée au FIVA par la personne atteinte

d’une maladie liée à l’amiante ou par ses

ayants-droits si elle est décédée. En cas

de maladie professionnelle, la demande

est accompagnée de la décision de la

CPAM reconnaissant l’origine profes-

sionnelle de la maladie ou d’un certificat

médical attestant du lien possible entre

l’affection et l’activité professionnelle.

Dans cette dernière hypothèse, lorsqu’il

apparait que la maladie est susceptible

d’avoir une origine professionnelle, le

FIVA transmet le dossier à la CPAM com-

pétente pour statuer sur ce point.

Lorsqu’il a accusé réception du dossier

complet, le FIVA dispose d’un délai de

six mois pour faire une offre d’indemni-

sation au(x) demandeur(s). Le montant

de cette offre est établi sur la base d’un

barème indicatif adopté le 21 janvier

2003 (8) qui repose sur l’âge de la vic-

time, son taux d’incapacité au moment

de la demande et son manque à gagner.

Le demandeur peut refuser l’offre et choi-

sir d’engager ou, le cas échéant, de pour-

suivre une action juridictionnelle en ré-

paration du préjudice. La décision du

FIVA, qu’il s’agisse d’une offre, du constat

établi que les conditions d’indemnisa-

tion ne sont pas réunies ou encore d’une

décision implicite de rejet, peut être

contestée devant la cour d’appel dans

un délai de deux mois à compter de sa

notification. L’acceptation de l’offre de

réparation intégrale du FIVA vaut désis-

tement des actions juridictionnelles en

cours, et rend en principe irrecevable

toute action juridictionnelle future en

réparation du même préjudice.

Le FIVA est subrogé dans le droit des

personnes qui ont accepté son offre

(L. n° 2000-1257, 23 déc. 2000, art. 53).

Toutefois, la Cour de cassation a consi-

déré, dans un avis du 13 novembre

2006, qu’un salarié ayant une offre

d’indemnisation du FIVA était rece-

vable à agir devant les juridictions ci-

G E S T I O N E T I N D E M N I S AT I O N D E S T R AVA I L L E E U R S V I C T I M E S D E L’ A M I A N T E

(7) Par décision en date du 27 décembre 2004, le directeur de l’agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a désigné l’URSSAF de Loire-Atlantique pour assurer, à compterdu 1er janvier 2005, le recouvrement de la contribution des entreprises au FCAATA (BO ministère de la Santé et des Solidarités n° 2004-52). La première contribution n’était exigible au plustôt que le 1er juin 2005.

(8) Ce barème étant dénué de caractère impératif, il n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, CE, 3 mai 2004, nos 254961, 255376, 258342, Comité d’amianteJussieu.

BDEI08_SANDRIN 27/03/07 10:26 Page 48

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N 0 8 • M A R S 2 0 07 • B D E I 49

viles dans le seul but de voir recon-

naître la faute inexcusable de son em-

ployeur. Dans un arrêt du 25 octobre

2006, la Haute juridiction avait adopté

le même principe, interdisant toute-

fois qu’en cas de reconnaissance de la

faute inexcusable de l’employeur, le

salarié puisse bénéficier d’une majo-

ration de sa rente. Ce type de procé-

dure n’est pourtant pas dénué d’inté-

rêt, puisque la reconnaissance de la

faute inexcusable peut permettre d’ob-

tenir, dans certaines conditions, une

nouvelle offre d’indemnisation de la

part du FIVA (Cass. 2e civ., 26 oct.

2006, n° 05-11.101).

Par ailleurs, accepter une offre du FIVA

n’interdit pas d’agir devant les juridic-

tions pénales, ainsi qu’il a été décidé

par le Conseil d’état dans un arrêt du

26 février 2003 (CE, 26 févr. 2003,

n° 241385, M. Mekhantar).

Les pouvoirs du FIVA ont été précisés

par la jurisprudence. Ainsi, dans deux

arrêts du 21 décembre 2006, la Cour

de cassation a jugé que le FIVA ne pou-

vait pas subordonner son offre d’in-

demnisation à un avis de la Commis-

sion d’examen des circonstances de

l’exposition à l’amiante (CECEA)

lorsque le caractère de maladie pro-

fessionnelle avait été reconnu par la

CPAM (Cass. 2e civ., 21 déc. 2006,

n° 06-13.056 et n° 06-13.545, D 2007,

n° 4, p. 226). Dans un tel cas, le FIVA

ne peut pas exiger d’autre justifica-

tion du lien présumé entre la maladie

et l’exposition à l’amiante et doit pro-

poser une réparation intégrale du pré-

judice subi. Cependant, le principe de

réparation intégrale n’est pas illimité.

Ainsi, la Cour de cassation a consi-

déré que le FIVA n’était pas tenu d’of-

frir une réparation pour le préjudice

moral futur du petit-fils de la victime,

né 8 ans après le décès de celle-ci

(Cass. 2e civ., 24 mai 2006, n° 05-

18.663, JCP 2006, n° 28).

Comme pour le FCAATA, les ressources

du FIVA viennent essentiellement des

contributions fixées chaque année

pour la branche AT-MP (loi de finan-

cement de la sécurité sociale), et de

l’Etat (loi de finances). Les recours su-

brogatoires engagés par le FIVA, no-

tamment contre les employeurs dans

le cas de victimes de maladies pro-

fessionnelles, devraient également

constituer pour lui une source de re-

venus. Cependant, le rapport de l’As-

semblée nationale du 22 février 2006

constate que ces recours sont peu nom-

breux (9). Le rapport propose d’aug-

menter le nombre des juristes du FIVA

afin de lui permettre d’intenter un plus

grand nombre de recours subroga-

toires. De son coté, le FIVA indique

dans son rapport 2005-2006 un cer-

tain nombre de difficultés devant les

juridictions, liées à l’interprétation des

dispositions de la loi du 23 décembre

2000 (10). Toutefois, dans un arrêt du

31 mai 2006, la Cour de cassation a

apporté son soutien au FIVA en consi-

dérant qu’il était recevable à deman-

der la fixation de la majoration de rente

dans le cadre d’une action récursoire

en faute inexcusable, même si le FIVA

n’avait pas préalablement présenté

une offre complémentaire à la veuve

de la victime (Cass. 2e civ., 31 mai

2006, n° 05-17.362, JCP 2006, n° 36).

Malgré la création du FIVA, les de-

mandes d’indemnisation devant les tri-

bunaux sont toujours nombreuses. La

voie contentieuse peut être choisie par

une victime de l’amiante plutôt que de

demander une indemnisation au FIVA,

procédure qui reste facultative, ou en

contestation d’une offre faite par le FIVA

qui lui semble insuffisante.

Afin de prévenir les doubles indem-

nisations, le FIVA doit être averti par

les juridictions saisies de demande

d’indemnisation introduites devant

elles. Le Fonds dispose alors d’un mois

pour indiquer à la juridiction s’il est

ou non parallèlement saisi et, le cas

échéant, pour l’informer de l’état de

la procédure.

III. – L’INDEMNISATION DESVICTIMES DE L’AMIANTEDEVANT LES TRIBUNAUX

A. – La recherche de lareconnaissance de la fauteinexcusable de l’employeur

La chambre sociale de la Cour de cas-

sation, dans une série d’arrêts du 28 fé-

vrier 2002, a mis à la charge des

employeurs une « obligation de sécurité

de résultat », notamment en ce qui

concerne les maladies professionnelles

du fait des produits fabriqués ou utili-

sés par l’entreprise (Cass. soc., 28 févr.

2002, n° 00-01.051 et s.). Cette solution

jurisprudentielle, qui n’a pas été dé-

mentie, s’applique de façon quasi au-

tomatique aux maladies profession-

nelles reconnues par la CPAM comme

liées à l’amiante.

La CPAM et la victime d’une maladie

professionnelle liée à l’amiante ou ses

ayants droit d’une part, et l’employeur

d’autre part, doivent dans un premier

temps s’efforcer de parvenir à un ac-

cord amiable concernant la recon-

naissance de la faute inexcusable de

l’employeur (CSS, art. L. 452-4). En

cas d’échec de cette phase obligatoire

de tentative de conciliation, la victime,

ses ayants droit ou la CPAM peuvent

saisir le Tribunal des affaires de la sé-

curité sociale, pour obtenir la recon-

naissance de la faute inexcusable. Cette

reconnaissance permet à la victime

d’obtenir une majoration de sa rente

de base (CSS, art. L. 452-1) et une in-

demnisation de ses préjudices extra-

patrimoniaux (CSS, art. L. 452-3), tels

que le pretium doloris, les préjudices

esthétiques et d’agrément et la perte

d’une chance.

Lorsqu’un tribunal reconnaît la faute

inexcusable de l’employeur, les in-

demnités sont versées par la CPAM, qui

en récupère le montant auprès de l’em-

ployeur. Toutefois, comme indiqué plus

haut, il arrive fréquemment (11) que cette

prise en charge lui soit inopposable, no-

tamment lorsque le caractère contra-

PERSPEC

TIVESETU

DE

>

(9) Rapp. AN 22 févr. 2006, p. 251.(10) Le FIVA cite notamment la question de la portée du désistement de la victime ou de ses ayants droit en cas d’acceptation de son offre, sur laquelle les juridictions adoptent des décisions

divergentes, ou encore la recevabilité du FIVA à solliciter le remboursement d’un complément d’indemnité qu’il n’a pas encore versé au bénéficiaire, 5e rapport d’activité au gouvernementet au parlement, juin 2005/mai 2006, p. 69.

(11) Voir par exemple une série d’arrêts rendus par la Cour de cassation : Cass. 2e civ., 11 juill. 2005, nos 04-30.318, 4-30.320, 04-30.321.

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50 B D E I • M A R S 2 0 07 • N 0 8

dictoire n’a pas été respecté par la CPAM

lors de la reconnaissance du caractère

professionnel de la maladie. Cette exi-

gence doit être respectée durant toute

la procédure devant la CPAM. La Cour

de cassation a ainsi mis à la charge de

la CPAM les conséquences de la re-

connaissance de la faute inexcusable

de l’employeur, du fait du défaut de

communication à l’employeur des

conclusions d’une seconde expertise

concernant le caractère professionnel

de la maladie (Cass. soc., 27 févr. 2003,

n° 00-17.878).

Les tribunaux ont précisé la responsabi-

lité des employeurs successifs. Lorsque

le salarié a été exposé à l’amiante chez

plusieurs employeurs successifs, y com-

pris le dernier, la maladie professionnelle

est considérée comme ayant été contracté

chez le dernier employeur (TASS Rouen,

13 févr. 2006, X c/ EDF, JCP 2006, n° 28 ;

Cf., également, Cass. 2e civ., 8 mars 2005,

n° 02-30.998, pour une maladie profes-

sionnelle liée à l’exposition au benzène).

La faute inexcusable de celui-ci peut alors

être reconnue. Toutefois, du fait de la

multi-exposition, les conséquences fi-

nancières de la reconnaissance de la faute

inexcusable sur la majoration de rente

sont inscrites au compte spécial prévu

par l’article D. 242-6-3 du Code de la sé-

curité sociale et supporté par la branche

AT-MP du régime général de la sécurité

sociale. Ce compte spécial est également

utilisé lorsque l’établissement dans le-

quel le travailleur a été employé a dis-

paru, même si la société qui exploitait

cet établissement existe toujours. Dans

ce cas, aucune cotisation complémen-

taire ne peut être imposée à la société,

même si la faute inexcusable de l’em-

ployeur est reconnue par les tribunaux

(Cass. soc., 26 nov. 2002, n° 00-22.877).

On voit donc que la branche AT-MP est

fortement sollicitée pour l’indemnisation

des victimes de l’amiante. La fréquente

impossibilité de recouvrir les sommes

auprès des employeurs abouti à une mu-

tualisation des risques liés à l’amiante

auprès de tous les établissements contri-

buant au financement du régime géné-

ral de la Sécurité sociale. Les rapports

parlementaires du 20 octobre 2005 et du

22 février 2006 constatent qu’une telle

situation n’incite pas à la prévention des

risques au sein des établissements. Le

rapport de l’Assemblée nationale propose

ainsi de moduler les cotisations des em-

ployeurs en fonction de leurs efforts de

prévention. Ce rapport préconise égale-

ment la redéfinition de la « faute inex-

cusable » par une « faute d’une particu-

lière gravité » qui permettrait de

poursuivre les employeurs vraiment fau-

tifs, et de revenir à une indemnisation

non contentieuse pour les autres cas.

Aux termes de l’article L. 451-4 du Code

de la sécurité sociale, l’employeur peut

s’assurer contre les conséquences fi-

nancières de sa propre faute inexcusable

ou de la faute de ceux qu’il s’est sub-

stitué dans la direction de l’entreprise

ou de l’établissement. Une décision du

14 juin 2006 de la chambre sociale de la

Cour de cassation a précisé dans quelles

conditions cette assurance était possible

(Cass. 2e civ., 14 juin 2006, n° 05-13.090,

JCP 2006, n° 47). Dans un pourvoi in-

cident, la compagnie d’assurance contes-

tait la possibilité de s’assurer contre ce

qu’elle estimait être un risque certain.

La Cour de cassation a cependant jugé

que le risque n’était pas constitué par la

maladie des salariés, qui était connue

au moment de la conclusion de la po-

lice d’assurance, mais par « la mise en

œuvre la responsabilité de l’entreprise »,

qui était aléatoire. En revanche, l’assu-

rance ne peut couvrir que les risques su-

bis postérieurement à l’entrée en vigueur

de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987.

Avant cette date, la faute inexcusable de

l’employeur n’était pas assurable. Par

conséquent, l’entreprise ne peut pas re-

chercher de garantie pour les salariés

dont l’exposition a pris fin avant l’en-

trée en vigueur de la loi de 1987 ou pour

lesquels la première constatation médi-

cale de la maladie professionnelle a eu

lieu avant cette date.

B. – Deux grandes avancées de lajurisprudence

En dehors des questions de reconnais-

sance de la faute inexcusable de l’em-

ployeur, deux avancées jurisprudentielles

ont été observées récemment concernant

les victimes de l’amiante.

La première est la reconnaissance par

le Conseil d’Etat de la responsabilité de

l’Etat pour carence fautive dans la pré-

vention des risques liés à l’exposition

des travailleurs aux poussières

d’amiante. Dans quatre décisions du

3 mars 2004 abondamment commen-

tées (CE, 3 mars 2004, n° 241150 et

s.) (12), la Haute juridiction administra-

tive, réunie en assemblée, reproche aux

autorités publiques d’une part d’avoir

attendu 1977 pour entreprendre des re-

cherche destinées à évaluer les risques

et de prendre des mesures aptes à éli-

miner ou limiter les dangers de l’expo-

sition à l’amiante, d’autre part, d’avoir

pris, postérieurement à 1977 des me-

sures restrictives mais insuffisantes. Ces

décisions ne tranchent cependant pas

sur un éventuel partage des responsa-

bilités entre l’Etat et les employeurs,

dont chacune d’entre elle rappelle l’obli-

gation générale d’assurer la sécurité et

la protection de la santé des travailleurs

placés sous son autorité.

Une autre décision, largement médiati-

sée quoique prise par une instance

moins solennelle, est celle du Tribunal

correctionnel de Lille du 4 septembre

G E S T I O N E T I N D E M N I S AT I O N D E S T R AVA I L L E U R S V I C T I M E S D E L’ A M I A N T E

La fréquenteimpossibilité de recouvrirles sommes auprès des

employeurs abouti à unemutualisation des

risques liés à l’amianteauprès de tous les

établissementscontribuant au

financement du régimegénéral de la Sécurité

sociale.

(12) CE, ass., 3 mars 2004, n° 241153, Xueref, CE, 3 mars 2004, n° 241152, Thomas, CE, 3 mars 2004, n° 241151, Botella, CE, 3 mars 2004, n° 241150, Bourdignon ; Cf., par ex., noteTrébulle F.-G., JCP G, 2004, n° 25 ; Amiante : la responsabilité de l’Etat enfin reconnue, note Arbousset H., D, 2004 n° 14, p. 973 ; note Benoit L., Environnement, avr. 2004, p. 25 ;Linotte D., Gaz. Pal., 12-13 janv. 2005, p. 67 ; Prétot X., Dr. social n° 5, mai 2004, p. 569.

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N 0 8 • M A R S 2 0 07 • B D E I 51

2006, qui a retenu pour la première fois

la responsabilité pénale d’un employeur.

En l’occurrence, la société Alstom Po-

wer Boiler a été condamnée à une

amende de 75 000 euros, ainsi qu’au

versement d’une somme de 10 000 eu-

ros à chacune des parties civiles (150 sa-

lariés et plusieurs associations), du fait

de l’exposition à l’amiante de ses em-

ployés entre 1998 et 2001. Le directeur

du site a lui aussi été condamné par la

même décision. L’avenir montrera si

cette solution est retenue, puisqu’Al-

stom a fait appel du jugement du tri-

bunal correctionnel.

En matière pénale, les demandes des vic-

times ou des associations qui les repré-

sentent avaient jusque là toujours été re-

jetées par les tribunaux. De plus,

l’article 575 du Code de procédure pé-

nale interdit aux parties civiles de se pour-

voir en cassation contre les arrêts de la

chambre de l’instruction. Faute d’être

soutenus par le parquet, les parties ci-

viles ne peuvent pour l’instant pas se

pourvoir contre les décisions de la

chambre de l’instruction des cours d’ap-

pel, ce qui interdit à la Cour de cassa-

tion de prononcer sur la validité de ces

arrêts, comme cela a été le cas pour sa

décision de rejet du 15 novembre 2005

(Cass. crim., 15 nov. 2005, n° 04-85.441).

Toutefois, dans un communiqué de presse

relatif à cette décision, la Cour de cas-

sation a indique qu’« (i)l n’est pas exclu

que la chambre criminelle ait un jour à

examiner un pourvoi formé contre une

décision d’une juridiction de jugement

qui apprécierait la valeur de charges consti-

tutives d’une infraction pénale en ma-

tière d’exposition à l’amiante. Son contrôle

serait alors d’une autre nature et per-

mettrait de définir les conditions de la

responsabilité pénale dans ce domaine ».

De plus, les rapports parlementaires sur

l’amiante d’octobre 2005 et février 2006

se sont déclarés favorables à l’améliora-

tion du rôle des parties civiles dans la

procédure pénale (13).

CONCLUSIONSi les modes de prise en charge et d’in-

demnisation des travailleurs victimes de

l’amiante décrits ci-dessus permettent de

gérer les contaminations occasionnées

dans le passé, il ne faut pas perdre de vue

les actions de prévention qui sont tou-

jours nécessaires. Le contrôle, et dans cer-

tains cas l’enlèvement des matériaux

amiantés dans les bâtiments étant obli-

gatoire, la réglementation protégeant les

travailleurs effectuant ces travaux s’est ré-

cemment renforcée avec l’adoption du dé-

cret du 30 juin 2006 relatif à la protection

des travailleurs contre les risques liés à

l’inhalation de poussières d’amiante.�

PERSPEC

TIVESETU

DE

(13) Le rapport de l’Assemblée nationale du 22 février 2006 propose ainsi de réviser l’article 575 du Code de procédure pénale pour permettre aux parties civiles de se pourvoir en cassationcontre les arrêts de la chambre d’instruction.

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