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www.becair. com / [email protected] destins brisés. Voilà comment commence le livre de la photographe. Par des mots. Mais au fil des pages, les visages effacés par le pouvoir reprennent vie sous l’objectif de Pauline Beu- gnies. Les photos ont ce pouvoir-là. Aux photos répondent les dessins d’Ammar Abo Bakr, l’un des premiers à avoir peint des graffitis sur les murs de la rue Mohamed Mah- moud, près de la place Tahrir, ces graffitis au- jourd’hui recouverts de couches de peinture ou simplement partis en poussière avec les murs qui les portaient. Le livre, écrit en français dans l’ordre chronologique, se lit aussi en arabe, à l’envers, de l’événement le plus récent au plus ancien. « Aujourd’hui, le gouvernement égyp- tien tente de réécrire l’histoire de la révolution, explique Pauline Beugnies. La manifestation du 30 juin 2013 pour la destitution de Mohamed Morsi devient, dans le langage officiel, l’ori- gine de tout. Dans le sens de lecture arabe, le livre remonte aux vraies origines de la révolu- tion ». Une genèse que la photographe belge a connue. Elle débarque en Égypte en 2008 pour y apprendre l’arabe pendant quelques mois. Elle y restera jusqu’en 2013. En 2010, elle as- siste à l’immense mobilisation qui suit le décès du jeune Khaled Saïd, battu à mort par la police à Alexandrie dans un cybercafé. Les images de son visage défiguré se propagent sur Internet et déclenchent les prémisses de la révolte: « Cette fois-là, ce n’était pas seulement des activistes de gauche qui se mobilisaient, mais toute une génération. H. Wael Ghonim, cadre commercial chez Google basé à Dubaï, crée un mémorial sur Facebook : « Nous somme tous Khaled Saïd ». Des dizaines de milliers de jeunes gens s’inscrivent sur la page. « Les changements sont irréversibles. » TÉLÉRAMA, 25/01/2016, « La photographe Pauline Beugnies ravive la Génération Tahrir », par Nicolas Delesalle Le 25 janvier 2011, l’Égypte se soulevait pour la première fois. Une révolution dont le cœur se trouvait place Tahrir, au Caire. Trois acteurs de ce moment d’histoire reviennent sur leur engagement d’alors et d’aujourd’hui. Dans un recueil poignant, la Belge Pauline Beugnies a rassemblé ses reportages. La photographe belge Pauline Beugnies est présente ce 25 janvier 2016 au Caire, comme elle l’était le 25 janvier 2011, quand tout a commencé. Elle passe sa journée aux côtés de Soleyfa, l’une des héroïnes de son livre Génération Tahrir, magnifique carnet de bord où photos, dessins et textes s’entrecroisent et retracent les trajectoires souvent drama- tiques des jeunes gens qui ont lancé le prin- temps égyptien en 2011. Soleyfa était « chef de groupe » le 25 janvier 2011. Aujourd’hui, elle ne manifestera pas. Elle se cache. Elle a peur. La jeunesse égyptienne est totalement muse- lée depuis l’arrivée au pouvoir du maréchal Al Sissi en mai 2014. Elle est même écrasée, broyée. Esraa AI Tawell, photographe de 23 ans « disparue » sans procès dans les geôles pour femmes de Qanater ; Ahmed Zoala, DJ électro chaabi, tué par une balle de la police dans une manifestation à Matariya en janvier 2015 ; Ahmed Douma, 29 ans, révolutionnaire de gauche, condamné à la prison à perpétuité pour avoir organisé une manifestation en décembre 2011 ; Eman Mohamed, rebelle islamiste, en exil depuis la répression sanglante qui frappe les Frères musulmans depuis la destitution de Mohamed Morsi : des noms, des histoires, des C’est à ce moment-là que Pauline Beugnies décide de documenter le mouvement en cours, en photographiant cette jeunesse qui se ré- volte devant les yeux ébahis de ses aînés. Elle assiste ainsi aux réunions préparatoires de la manifestation du 25 janvier. « On y croyait à moitié, il y avait des espions partout », dit-elle. Elle raconte aussi ces ins- tants incroyables, vécus en direct, sur le ter- rain, quand des jeunes, par petits groupes de deux ou trois, jamais plus pour ne pas attirer l’attention de la police, convergent l’air de rien vers la place Tahrir, l’exaltation d’être une foule en marche et de vivre l’histoire en cours. Mais au fil des pages et des drames, la réalité politique prend le pas sur la chimère révolu- tionnaire. Les élections législatives perdues. Morsi au pouvoir. Sa destitution. Le retour de l’armée. La répression permanente. Lassée de prendre en photo des manifestations, Pau- line Beugnies s’intéresse aux douleurs plus intimes et capte les changements profonds qui traversent la société égyptienne. Ses photos saisissent dans le creuset de la vie quotidienne, soirée, chambre, hôpital, ce que les photos de la grande Histoire ne racontent pas ou peu : la vie qui continue, malgré tout, les sourires malgré la répression sauvage, la musique malgré la mort. En définitive, Génération Tahrir n’est pas un livre sur la désillusion politique. Pour Pauline Beugnies, « les changements sont irréversibles, les jeunes égyptiens ne vivent pas comme leurs parents vivaient. Le processus d’émancipation est toujours en cours, malgré la répression impitoyable. » Soleyfa, la « chef de groupe » avec laquelle la photographe passera sa journée, a donné à son premier fils le prénom de Khaled Saïd. GÉNÉRATION TAHRIR Pauline Beugnies, Ammar Abo Bakr, Ahmed Nagy REVUE DE PRESSE

GénéraTion Tahrir€¦ · «disparue» sans procès dans les geôles pour femmes de Qanater ; Ahmed Zoala, DJ électro chaabi, tué par une balle de la police dans une manifestation

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destins brisés. Voilà comment commence le livre de la photographe. Par des mots. Mais au fil des pages, les visages effacés par le pouvoir reprennent vie sous l’objectif de Pauline Beu-gnies. Les photos ont ce pouvoir-là.Aux photos répondent les dessins d’Ammar Abo Bakr, l’un des premiers à avoir peint des graffitis sur les murs de la rue Mohamed Mah-moud, près de la place Tahrir, ces graffitis au-jourd’hui recouverts de couches de peinture ou simplement partis en poussière avec les murs qui les portaient. Le livre, écrit en français dans l’ordre chronologique, se lit aussi en arabe, à l’envers, de l’événement le plus récent au plus ancien. « Aujourd’hui, le gouvernement égyp-tien tente de réécrire l’histoire de la révolution, explique Pauline Beugnies. La manifestation du 30 juin 2013 pour la destitution de Mohamed Morsi devient, dans le langage officiel, l’ori-gine de tout. Dans le sens de lecture arabe, le livre remonte aux vraies origines de la révolu-tion ». Une genèse que la photographe belge a connue. Elle débarque en Égypte en 2008 pour y apprendre l’arabe pendant quelques mois. Elle y restera jusqu’en 2013. En 2010, elle as-siste à l’immense mobilisation qui suit le décès du jeune Khaled Saïd, battu à mort par la police à Alexandrie dans un cybercafé. Les images de son visage défiguré se propagent sur Internet et déclenchent les prémisses de la révolte: « Cette fois-là, ce n’était pas seulement des activistes de gauche qui se mobilisaient, mais toute une génération. H. Wael Ghonim, cadre commercial chez Google basé à Dubaï, crée un mémorial sur Facebook : « Nous somme tous Khaled Saïd ». Des dizaines de milliers de jeunes gens s’inscrivent sur la page. « Les changements sont irréversibles. »

Télérama, 25/01/2016, « La photographe Pauline Beugnies ravive la Génération Tahrir », par Nicolas Delesalle

Le 25 janvier 2011, l’Égypte se soulevait pour la première fois. Une révolution dont le cœur se trouvait place Tahrir, au Caire. Trois acteurs de ce moment d’histoire reviennent sur leur engagement d’alors et d’aujourd’hui. Dans un recueil poignant, la Belge Pauline Beugnies a rassemblé ses reportages.La photographe belge Pauline Beugnies est présente ce 25 janvier 2016 au Caire, comme elle l’était le 25 janvier 2011, quand tout a commencé. Elle passe sa journée aux côtés de Soleyfa, l’une des héroïnes de son livre Génération Tahrir, magnifique carnet de bord où photos, dessins et textes s’entrecroisent et retracent les trajectoires souvent drama-tiques des jeunes gens qui ont lancé le prin-temps égyptien en 2011. Soleyfa était « chef de groupe » le 25 janvier 2011. Aujourd’hui, elle ne manifestera pas. Elle se cache. Elle a peur. La jeunesse égyptienne est totalement muse-lée depuis l’arrivée au pouvoir du maréchal Al Sissi en mai 2014. Elle est même écrasée, broyée. Esraa AI Tawell, photographe de 23 ans « disparue » sans procès dans les geôles pour femmes de Qanater ; Ahmed Zoala, DJ électro chaabi, tué par une balle de la police dans une manifestation à Matariya en janvier 2015 ; Ahmed Douma, 29 ans, révolutionnaire de gauche, condamné à la prison à perpétuité pour avoir organisé une manifestation en décembre 2011 ; Eman Mohamed, rebelle islamiste, en exil depuis la répression sanglante qui frappe les Frères musulmans depuis la destitution de Mohamed Morsi : des noms, des histoires, des

C’est à ce moment-là que Pauline Beugnies décide de documenter le mouvement en cours, en photographiant cette jeunesse qui se ré-volte devant les yeux ébahis de ses aînés. Elle assiste ainsi aux réunions préparatoires de la manifestation du 25 janvier.« On y croyait à moitié, il y avait des espions partout », dit-elle. Elle raconte aussi ces ins-tants incroyables, vécus en direct, sur le ter-rain, quand des jeunes, par petits groupes de deux ou trois, jamais plus pour ne pas attirer l’attention de la police, convergent l’air de rien vers la place Tahrir, l’exaltation d’être une foule en marche et de vivre l’histoire en cours. Mais au fil des pages et des drames, la réalité politique prend le pas sur la chimère révolu-tionnaire. Les élections législatives perdues. Morsi au pouvoir. Sa destitution. Le retour de l’armée. La répression permanente. Lassée de prendre en photo des manifestations, Pau-line Beugnies s’intéresse aux douleurs plus intimes et capte les changements profonds qui traversent la société égyptienne. Ses photos saisissent dans le creuset de la vie quotidienne, soirée, chambre, hôpital, ce que les photos de la grande Histoire ne racontent pas ou peu : la vie qui continue, malgré tout, les sourires malgré la répression sauvage, la musique malgré la mort. En définitive, Génération Tahrir n’est pas un livre sur la désillusion politique. Pour Pauline Beugnies, « les changements sont irréversibles, les jeunes égyptiens ne vivent pas comme leurs parents vivaient. Le processus d’émancipation est toujours en cours, malgré la répression impitoyable. » Soleyfa, la « chef de groupe » avec laquelle la photographe passera sa journée, a donné à son premier fils le prénom de Khaled Saïd.

GénéraTion TahrirPauline Beugnies, Ammar Abo Bakr, Ahmed Nagy

Revue De PResse

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et invoque « le deuil national », « une exigence républicaine », « comme d’autres mairies ont renoncé aux décorations de Noël ». « Dans ces moments-là, les drapeaux sont en berne et les édifices publics, qui représentent la République, ont un devoir de sobriété et d’absence de mes-sage autre que celui du deuil national », explique Sarah Alby, la directrice de cabinet de Chris-tophe Girard. Il faut distinguer l’œuvre dans un musée qu’on va voir de son plein gré et l’œuvre dans une rue très passante qu’on vous impose », abonde Gabriel Bauret, le commissaire géné-ral de la Biennale, qui soutient cette « mesure d’apaisement vu le contexte ». Les autres por-traits intimes de la Génération Tahrir (objet d’un très beau livre éponyme aux éditions Le Bec en l’air) sont exposés dans la cour de la mairie du IVe. Ils portent l’optimisme dans une Égypte qui n’en finit plus de broyer du noir sous le règne autori-taire et répressif du maréchal Sissi.

les echos.fr, 14/01/2016,série #63 « Pauline Beugnies : l’espoir et les larmes de Génération Tahrir »

« Génération Tahrir » est une exposition de Pauline Beugnies à la mairie du 4e arrondisse-ment, dans le cadre de la première biennale des photographes du monde arabe contemporain, jusqu’au 17 janvier et un livre aux éditions Le Bec en l’air. Diplôme de journalisme en poche, la jeune photographe belge a résidé au Caire, en Égypte, à partir de 2008 pour y apprendre l’arabe. Elle se lance dès 2010 dans une série sur la jeunesse activiste avant que l’occupation de la place Tahrir ne la rattrape. Elle documente alors la révolution de l’intérieur et s’intéresse aux changements opérés sur la société.

mediaParT, 7/01/2016,par Rachida el Azzouzi

Le 10 novembre dernier, l’Institut du monde arabe (IMA) et la Maison européenne de la pho-tographie (MEP) lançaient un événement inédit sur la scène culturelle parisienne : la première Biennale des photographes du monde arabe contemporain. Une radioscopie du monde arabe, loin des clichés qui collent aux voiles et djellabas de ce coin du globe en (r)évolutions. […]25 janvier 2011, Le Caire. Une jeune Égyptienne défie l’autorité, le régime Moubarak, et appelle à manifester pour la liberté, la démocratie. Cette image, emblématique du travail au long cours de Pauline Beugnies, photographe belge qui questionne depuis cinq ans les espoirs de la jeunesse égyptienne, était affichée en très grand format (8x3 mètres) sur les murs de la mairie du IVe arrondissement qui donnent sur la rue de Rivoli. C’était osé et courageux de hisser une femme voilée appelant à la désobéissance civile dans cette artère prestigieuse où, il n’y a pas si longtemps, des riverains excédés, em-menés par un animateur télé vedette (Thierry Ardisson), s’étaient indignés de voir des ke-babs fleurir sous les arcades « comme à Bar-bès ». Mais l’image n’a pas fait long feu. Elle a été retirée au lendemain des attentats à la de-mande du maire Christophe Girard, « compte tenu du climat de tension qui règne autour des questions relatives au monde arabe » a appris par mail la photographe.Voilà la Biennale qui tombe dans le piège de l’amalgame alors qu’elle veut le combattre. Voilà le monde arabe assimilé, réduit à son pire ennemi l’islamisme, l’obscurantisme, Daech. Avec lui, le raccourci : « Femme voilée-Islam-Terrorisme ». Contactée, la mairie du IVe balaie la polémique

la liBre BelGique, 27/01/2016,« Révolution désenchantée »,par Jean-Marc Bodson

La jeunesse égyptienne, ses espoirs, ses dé-ceptions, un livre formidable et une exposition émouvante à Charleroi.Ce que nous connaissons en Europe de l’insta-bilité au sud de la Méditerranée – au Maghreb, en Syrie ou en Égypte – nous le connaissons de l’extérieur et en fonction de nos préoccu-pations. Nos médias nous tiennent au courant des guerres et des révolutions, analysent les répercussions possibles sur notre économie ou notre sécurité en faisant trop souvent l’im-passe sur la manière dont les événements sont vécus par la population elle-même. Foisonnant.Sous l’intitulé « Génération Tahrir », Pauline Beugnies expose en ce moment au Musée de la photo à Charleroi une fresque exceptionnelle de photographies, de textes et de dessins sur les espoirs de la jeunesse égyptienne lors de la révolution de 2011, sur la grande désillusion qui s’ensuivit et sur ce qui en reste malgré tout. Bien plus qu’un reportage sur, il s’agit là d’un témoi-gnage de. Un témoignage forcément engagé de cette jeune femme qui relate ce qu’elle a vécu de l’intérieur, elle qui parle l’arabe et a vécu au Caire durant cinq ans. Avec elle, nous accompagnons Soleyfa, Chaima, Omar et les autres depuis le soulèvement de janvier 2011 jusqu’aux récents assassinats à peine déguisés d’opposants par la police aux ordres du nouveau pouvoir. Tout est relaté à la première personne et dès lors, dans cette exposition, mais aussi dans l’ouvrage foi-sonnant, révoltes, manifestations, répressions et exécutions ne sont pas des statistiques ou des faits divers, mais des récits d’histoires vé-cues personnellement et au plus près. L’angle abordé de ce documentaire en immersion est celui du bilan prospectif. Voilà ce qui a été fait – le renversement d’une dictature de 30 ans –, ce que cela est devenu – un nouveau régime autoritaire – et maintenant voyons ce que la jeunesse peut en faire. Ce que résume très bien l’auteure. « Cinq ans après le départ d’Hosni Moubarak, les préoccupations et les frustra-tions de la jeunesse n’ont pas changé. Les luttes à mener sont les mêmes, mais la bataille se joue en souterrain. Les armes sont différentes. La vie culturelle et artistique reprend envers et contre tout. L’éducation, l’écologie, la sexualité, la culture sont autant de terrains à conquérir. »Et l’on regarde donc avec émotion les images de cette vie en train de se réinventer, bien loin des stéréotypes que nous en avons sous la pression de Daech. Des photographies lumi-neuses d’une Pauline Beugnies qui a tenu à y associer les dessins incisifs d’Ammar Abo Bakr, un des derniers peintres de la révolution à ne pas avoir lâché le pinceau. Le tout est simple-ment magnifique.

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focus Vif.Be, 18/12/2015, «Génération Tahrir, une expo sition qui tombe à point nommée », par Michel verlinden

Le Musée de la photographie de Charleroi accueille le travail de la photographe Pauline Beugnies. L’occasion de jeter un regard diffé-rent sur le monde arabe.C’était il y a un peu plus d’un an. Le nom de Pau-line Beugnies parvenait aux oreilles du grand public. La jeune femme recevait le Nikon Press Photo Award, l’une des récompenses les plus prestigieuses au monde. À juste titre, car son travail sur Battir, petit village palestinien de Cisjordanie menacé par les avancées du mur israélien, offrait une perspective aussi inédite que délicate sur cet interminable conflit du Moyen-Orient. Après des études à l’IHECS et la fréquentation du programme de photore-portage de l’Ecole Danoise de Journalisme à Arhus, la jeune femme a accompli un joli bout de chemin, couvrant des sujets comme les enfants des rues à Kinshasa et multipliant les destinations, du Bangladesh à l’Albanie ou même la Belgique, avant de se spécialiser sur le monde arabe et musulman. On peut en prendre la mesure en découvrant le passionnant web-documentaire donnant la parole à de jeunes Égyptiens, Sout El Shabab, qu’elle a coréalisé et qui est hébergé sur le site de Radio France.Une autre façon de découvrir la pertinence de son propos est d’aller voir « Génération Tah-rir », ensemble de photographies qui permet de mieux appréhender la jeunesse égyptienne. L’ambition ? « Proposer une autre réalité du monde arabo-musulman. De ses forces vives. De celles et de ceux qui connaissent le sens des mots justice et liberté » selon l’intéres-sée. À travers des images prises au moment du soulèvement de la fameuse place égyp-tienne, mais également par le biais de clichés ultérieurs, Pauline Beugnies donne à voir la jeunesse égyptienne dans toute l’intensité de ses aspirations. On est bien loin des raccourcis et simplifications dégainés à longueur de jour-née : obscurantisme islamisé versus esprit des lumières qui serait l’apanage de l’Occident. Le spectateur prend la mesure de ces forces vives qui cherchent à « inventer un modèle de vivre ensemble sous un ciel politique plombé ». Ces énergies, la photographe les met en lumière avec énormément de talent. Nombreuses sont les compositions dont le jeu d’ombres et de lumières est l’exact pendant visuel du carac-tère électrique du « mahragan », cette musique électronique ultra rythmée, dopée à l’autotune, héritière du chaabi. Si Pauline Beugnies a pu po-ser son objectif où il le fallait, ce n’est pas l’effet du hasard. C’est celui d’une immersion profonde et d’une communion sincère avec son sujet. Le témoignage qui en résulte n’a pas de prix.

VenTilo, 02/2016, « Le Caire qui bat », par Astrid Börner

En revenant sur les événements qui ont secoué la place Tahrir, les photographies de Pauline Beugnies témoignent de toutes les nuances d’un quotidien révolutionnaire.Il y a cinq ans, la place Tahrir est devenue le sym-bole du Printemps arabe lorsque des milliers de jeunes égyptiens s’y sont rassemblés pour pro-tester contre le gouvernement alors en place depuis une trentaine d’années. Cette révolu-tion, qui a fait écho à celle de Jasmin débutée quelques mois auparavant en Tunisie, portait la couleur d’une jeune génération qui revendiquait là ses droits en rêvant à une démocratie. Après une lutte acharnée, cette population lassée d’un système nocif et corrompu est parvenue à faire tomber le régime d’Hosni Moubarak. Si, au-jourd’hui l’État militaire a refait surface, la révo-lution est toujours en marche grâce à quelques jeunes irréductibles optimistes.Pauline Beugnies, jeune photographe belge, était aux premières loges en 2011 lorsque les premiers slogans se sont fait entendre. Elle s’est immiscée dans l’intimité de cette jeunesse égyptienne armée de son appareil photo. L’exposition « Génération Tahrir », qui clôture l’édition 2015-2016 des Rencontres à l’Échelle, se pose ainsi avant tout comme un témoignage. Installées sous les arcades de la Friche, les photos retracent ce tournant de l’histoire avec beaucoup de force, de sensi-bilité et de pédagogie. La jeune femme a su révéler la beauté dans l’histoire douloureuse, en exposant le quotidien de ces héros, entre rires et larmes. Pour ne pas oublier d’abord, pour éveiller les consciences aussi. Durant son voyage photographique, elle s’est liée avec des jeunes Cairotes qui partagent avec elle cette soif de changer le cours des choses. Soutenue par l’éditeur marseillais Le Bec en l’air, Pauline Beugnies a mis en livre ses photographies aux côtés des croquis de Ammar Abo Bakr (désor-mais célèbre graffeur militant) et des textes du journaliste Ahmed Nagy.

aZ-Za.Be, 24/12/2015,« Pauline Beugnies expose au Musée de la photographie. »

Pauline Beugnies témoigne de l’envie de liberté de la jeunesse égyptienne. En 2011, elle se trouve place Tahrir en pleine révolution arabe, son appa-reil va saisir les images d’une génération dont elle fait partie et qui veut prendre son futur en main. L’exposition parcourt jusqu’à aujourd’hui le quo-tidien de ces jeunes qui défendent des valeurs d’ouverture et de changement. Un regard fort et nécessaire, loin de la vision trop souvent mani-chéenne du monde arabe. À voir au plus vite !

le soir, 28/12/2015,« expo photo : Génération Tahrir »par stéphanie Grosjean.

Depuis 2008, Pauline Beugnies parcourt le monde. Après le Congo, le Bangladesh, l’Alba-nie, elle se concentre sur le monde arabe et musulman pour déconstruire les stéréotypes. Comme avec l’Égypte dans son livre Généra-tion Tahrir (éd. Le Bec en l’air) dont le Musée de la photographie expose les images.Sur cette jeunesse assoiffée d’émancipation, la photographe délivre un reportage attachant. À la une de tous les journaux de l’époque, cette génération iconique continue désormais son combat dans le silence médiatique. Il est urgent de parler d’elle aujourd’hui. Les préoccupa-tions, les frustrations, les luttes à mener sont les mêmes, mais la bataille se joue en souter-rain, explique la journaliste. Des images fortes et solaires, pour un combat de l’ombre.

maison euroPéenne de la PhoToGraPhie, 26/01/2016, « Le choix de la librairie #26 », par Irène Attinger

Génération Tahrir est un projet engagé en 2010. Après les violents événements qui ont marqué l’Égypte et les nombreuses images de la révolution de la place Tahrir, au Caire, la presse a peu à peu quitté les lieux. Pour Pauline Beugnies, qui vivait au Caire depuis 2008, c’est au contraire le moment de rester. Continuer de photographier est une façon de ne pas « aban-donner ». Une jeunesse en quête de démocra-tie et de liberté. Génération Tahrir dresse un portrait de la jeunesse égyptienne porteuse des espoirs du monde arabe.En janvier 2011, la jeunesse égyptienne a en-traîné le pays dans la révolte, renversant Hosni Moubarak au pouvoir depuis 30 ans. Système éducatif médiocre, chômage, corruption..., c’est cette réalité insupportable qui a donné aux jeunes le courage de faire tomber le ré-gime qui paralysait leurs parents. Cinq ans plus tard, hélas, l’État militaire omnipotent est de retour et la répression contre les opposants est meurtrière. Les photographies de Pauline Beugnies dialoguent avec les dessins percu-tants de l’artiste Ammar Abo Bakr et les textes du journaliste Ahmed Nagy. Ensemble, ils resti-tuent avec énergie et optimisme une part déci-sive de l’histoire en train de s’écrire. « La photo est un magnifique prétexte pour entrer chez les gens et passer du temps avec eux. Au-delà du moment de la photographie, faire parler les gens et les écouter me tient vraiment à cœur. » (Pauline Beugnies)

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néon, 20/01/2016,par Anne-Laure Pineau

En janvier 2011, la jeunesse égyptienne entrait en révolte. Le livre Génération Tahrir revient en beauté sur cette page d’Histoire et d’Espoir.C’était il y a cinq ans, la place Tahrir pleine de fumées, les barricades estudiantines, les sou-bresauts d’un printemps arabe de janvier. Après la Tunisie, l’Égypte des jeunes revendiquait son droit de tout changer. En quelques mois, le régime militaire de Moubarak, trente ans de règne, était renversé. Pourtant, en feuilletant le livre Généra-tion Tahrir, on a l’impression que c’était hier.Hier, que se retrouvaient quotidiennement, place Tahrir, des centaines de jeunes de tous bords. Anarchistes, étudiants, villageois du Delta, communistes, membres de la confrérie des Frères musulmans (qui arrivera au pou-voir), hommes, femmes et nostalgiques de

virginité ». Pauline nous parle d’Ahmed, ancien révolutionnaire, qui a écopé en février 2015 de la prison à vie pour avoir manifesté. Ammar dessine la silhouette de l’artiste Alia al Mahdi, la jeune féministe qui avait défié les autorités morales en posant dans le plus simple appareil.Et puis, il y a Sara, ancienne membre de l’aile des femmes du parti des Frères Musulmans, qui, voilée de pieds en cap, avait battu le pavé sans l’accord de ses parents et de son fiancé. On la voit le visage animé, donnant la réplique à sa mère. Selon elle, le parti religieux avait trahi la cause des femmes sitôt le pouvoir acquis. Cette série de photos décrit comme un pan-tomime, comment « la génération Tahrir » se place, s’impose, se rebelle encore dans une société sclérosée par l’immobllisme politique.Car l’histoire est loin d’être terminée et c’est aussi le propos du livre: revenir sur le passé pour montrer que le cœur de Tahrir bat encore.

france culTure, les carnets de la création, 28/01/2016, « Regard sur la jeunesse égyptienne »

« Pauline Beugnies a suivi de près la jeunesse du Caire, cette génération qui a fait le choix de l’émancipation contre la tyrannie du patriarcat. Elle en tire une série de photos qui s’étalent de 2011 à 2015, au plus près des gens, pleine d’espoir mais aussi de désespoir. »

france culTure, la Grande Table, 13/01/2016, « Regards croisés sur l’Égypte de la révolution », par Caroline Broué

« Un hommage à cette jeunesse bigarrée, jeunesse multiple, qu’on voit dans ses rires et dans ses pleurs, dans les photos de groupes sur la place, dans ces photos d’individus, qu’ils soient blessés, qu’ils soient ba-garreurs, ou qu’ils soient en couples, dans ce Génération Tahrir, livre col-lectif, issu de discussions avec Am-mar Abo Bakr et Ahmed Nagy, édité par Le Bec en l’air. »

france inTer, regardez voir !, 10/01/2016, par Brigitte Patient

« Génération Tahrir est aussi le titre d’un livre de photographies, très beau, à la forme d’un journal intime, paru aux éditions Le Bec en l’air. Il est la trace d’une histoire inachevée, celle d’une jeunesse qui a compris qu’on peut prendre son destin en main, qu’on peut être acteur de sa propre vie. »

rTBf.Be, info, 14/12/2015, « une jeune photographe expose son printemps arabe à Charleroi », par C. Borowiak, D. Barbieux

rTBf.Be, musiq 3, 25/01/2016, « Révolution égyptienne », par Pascal Goffaux

rTBf.Be, culture, 21/01/2016, « Le Musée de la photo expose le reportage Génération Tahrir », par Pascal Goffaux

« La tension se lit sur les visages dans les lendemains qui déchantent. Les prises de vue en légère plongée ou contre-plongée projettent le spectateur dans des scènes de vie et de mouvement, sur la place Tahrir. La photographe capte des rassemblements et des concerts dans des lieux plus confinés après les moments forts de la révolution et le régime instauré par le général Al Sissi. Pau-line Beugnies pose le regard sur les femmes égyptiennes, voilées ou non, et elle rend compte de cette nuance et de la diversité de la société égyptienne. »

rTBf.Be, info, 25/12/2015, chronique au journal de 19h30

radioGrenouille.com, côte à côte #12, 22/02/2016, « Les Antigones de shatila, de Tahrir, et du monde... », par simon Morin

« Génération Tahrir » : le livre (superbe, et publié aux éditions Le Bec en l’air) revient, cinq ans après la chute de Moubarak, sur

cette nouvelle génération de femmes et d’hommes engagés au quotidien dans un pays en mutation.

france TV info, Geopolis, 5/02/2016, « Génération Tahrir : quand la jeunesse rêve de liberté », par Laurent Filippi

TV5 monde, maghreb orient express,

24/01/2016, « Le mouvement révolutionnaire en Égypte continue »

TV5 monde, 25/01/2016 « Cinq ans après la révolte, l’Égypte entre colère et désillusion », par Liliane Charrier

« Qu’est devenue la génération Tahrir ? Et les jeunes de la place Tahrir, qui avaient secoué les stéréotypes sur le monde arabe ? La conscience révolutionnaire perdure-t-elle en Égypte ? Témoignage de la photographe Pauline Beugnies, au-teure de Génération Tahrir. »

TelesamBre.TV, 11/12/2015 « La Carolo Pauline Beugnies expose au Musée de la photo », par C. Baneton, G. Romani

« Des images fortes qui interpellent, sur-tout dans une période ou les amalgames sont fréquents. »

Nasser, tous étaient mobilisés contre le pou-voir autoritaire, les violences policières et la précarité d’une vie sous surveillance.La photo-journaliste Pauline Beugnies, long-temps basée au Caire, est revenue sur cette période intense de révolution populaire. En associant à son travail le street-artiste Ammar Abo Bakr et le blogueur Ahmed Nagy, elle nous offre un très bel ouvrage, bilingue français/arabe égyptien, qui montre la détermination qui a bouillonné dans les rues du Caire, d’Alexandrie. Les personnages que l’on croise dans les pages lourdes et mates sont aussi divers que touchants. Il y a Chaima, qui depuis la chute des frères Musulmans a ôté son voile, fume des clopes et part en week-end avec son fiancé. Il y a Satwa, qui avait quitté sans se retourner les chemins de terre de son village pour lutter sur les barricades avant de subir entre les mains de la police un terrible « test de

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Manifestation au Caire, 26 janvier 2011.Une jeune femme appelle les manifestants à rejoindre un rassemblement devant le syndi-cat des journalistes. Cette image était exposée en très grand format sur la façade de la mairie du IVe dans le cadre de la biennale des photo-graphes du monde arabe contemporain. Elle a été enlevée au lendemain des attentats de Paris, ce que Pauline Beugnies a déploré. « Les événements du 13 novembre 2015 n’ont rien à voir avec cette image ».Hamed Harara, 20 novembre 2011, Le Caire.Blessé à deux reprises aux yeux par les forces de l’ordre lors de manifestations, en Égypte, il y a eu une politique délibérée de viser les yeux des manifestants, c’est tout un symbole !Le dessinateur égyptien Ammar Abo Bakr.Il est l’auteur des dessins et croquis extraits de ses carnets dans le livre Génération Tahrir. De passage à Louxor ou il travaille sur un projet de résidence d’artistes et centre culturel indé-pendant. Ammar tente de rétablir auprès « des gens de la rue » le lien égaré sous les années de dictature avec la culture antique égyptienne.Ghada et Sara, 15 décembre 2012, Égypte.Après le vote, j’ai (P.B.) accompagné Ghada, membre active de l’aile des femmes du parti des Frères musulmans chez elle. Sara était là. Je connais Sara depuis plus d’un an. Je l’ai suivie et photographié pour une série sur la jeunesse

En juin 2010, la mort du jeune Khaled Saïd, assassiné par la police dans un cybercafé, don-nait lieu à ce slogan (tristement actuel) « Nous sommes tous Khaled Saïd » et amorçait le début de la révolution égyptienne. En janvier 2015, un autre nom s’est mis à résonner, sur les internets et dans les esprits. Celui de la jeune poétesse et militante de gauche Shaimaa al Sabbagh, assassinée d’une balle dans le dos, alors qu’elle déposait des fleurs en mémoire des martyrs de la place Tahrir. Comme une icône religieuse, sa silhouette surréelle, effon-drée dans les bras de son compagnon, est un rappel : celui qu’une révolution quelle qu’elle soit, se joue toujours en plusieurs actes.

l’Œil de la PhoToGraPhie, 12/01/2016,« Regardez voir », par Fanny Leroy

Chaque semaine, L’Œil de la photographie vous présente l’émission radiophonique « Regardez Voir », produite par Brigitte Patient sur France Inter. Cette semaine, la photographe docu-mentariste Pauline Beugnies, dont l’exposition « Génération Tahrir 2010-2015 / Égypte » est visible à la mairie du IVe arrondissement de Paris jusqu’au 17 janvier, puis à Marseille et en Belgique, commente sa sélection de photos et illustrations. Sélection de photos :

Frère rebelle. Sara a quitté la confrérie dans laquelle elle ne se retrouvait plus. « L’organisa-tion n’a pas écouté les jeunes alors que ce sont eux qui ont lancé le mouvement. Les jeunes femmes n’en parlons pas... ». Elle est ferme-ment contre ce projet de constitution qui selon elle bafoue les droits des femmes et la liberté des médias. Sa mère, par contre, a fait cam-pagne pour le oui. Le ton est monté très vite...Le projet Génération Tahrir:« Révolution, où es-tu ? Alors que l’Égypte traverse une période marquée par le retour de l’État profond, le découragement, voire le désespoir, nous pourrions nous demander ce qui a effectivement changé dans le pays après le soulèvement de janvier 2011. Peut-être les jeunes détiennent-ils, eux-mêmes, la réponse à cette question. Génération Tahrir dresse le portrait intime d’une génération émergente qui fait le choix de l’émancipation, contre la tyran-nie du patriarcat. » Pauline Beugnies.Génération Tahrir est un projet engagé en 2010. Après les violents événements qui ont marqué l’Égypte et les nombreuses images de la révolution de la place Tahrir, au Caire, la presse a peu à peu quitté les lieux ; pour Pau-line Beugnies, c’est au contraire le moment de rester. Continuer de photographier est une façon de ne pas « abandonner » une jeunesse en quête de démocratie et de liberté.

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Polka, 03/2016, « Chronique d’une révolution inachevée », par Claude Guibal

Fierté, fronde et espoir. Le regard de la photo-graphe belge Pauline Beugnies sur la jeunesse de la place Tahrir, cinq ans après la chute de Moubarak.« Soixante impacts sur le corps, quatre dans la rétine. » C’est un journal intime. Un de ceux qu’on jette au fond d’un sac à dos au matin d’un grand voyage, qu’on ferme d’un élastique, qu’on griffonne au gré d’un quotidien empli par les rencontres. On y consigne les odeurs, les détails, les émotions. Un de ceux qu’on range ensuite et qu’on rouvre pour reprendre une bouffée d’un air qu’on croyait disparu. Génération Tahrir est le journal intime de trois regards, trois écritures, sur une jeunesse en mouvement, bras levés et regards brillants, que les médias du monde entier ont pourtant auscultée, filmée, photographiée sous tous les angles lorsqu’elle a commencé à se soulever le 25 janvier 2011. Arrivée au Caire en 2008, la jeune photographe belge Pauline Beugnies est l’une des rares à avoir vu venir la révolution égyptienne avant même qu’elle n’éclate. Elle a passé des jour-nées et des nuits auprès des groupes de jeunes militants, cette jeunesse 2.0 au smartphone greffé à la main, capable de naviguer sur les réseaux sociaux et de rêver un autre monde. Elle les a suivis aux premières heures. Elle les a accompagnés dans leurs utopies, puis dans leurs lendemains blessés par les militaires et par les islamistes. Dans ce carnet de bord, elle a invité le street artist Ammar Abo Bakr à proje-ter son regard, celui qu’il a peint avec ses graffs sur les palissades de la rue Mohamed-Mah-moud, là où, après la chute de Moubarak, les jeunes révolutionnaires de 2011 ont affronté une deuxième fois la police pour demander le départ des militaires. Le journaliste et blogueur Ahmed Nagy y superpose ses mots. « Le pire danger serait de s’abandonner à la nostalgie », écrit-il. Pas de mélancolie donc, mais un regard en arrière sur une génération qui, en cinq ans, a connu plus de bruit et de fureur, de joies et de peines que ses parents. Au gré des pages se dessine aussi toute l’ico-nographie de la révolution. Ainsi, l’image récur-rente de ces bandeaux sur les yeux esquissée par Ammar Abo Bakr et que quiconque a vécu la révolution comprend. Le soulèvement a fait près d’un millier de morts, mais encore plus d’aveugles : la police égyptienne savait viser. Et elle visait les yeux. Comme ceux d’Ahmed Harara, aujourd’hui de-venu une idole pour cette jeunesse et que l’on retrouve dans ce cahier intime allongé sur son lit d’hôpital, riant avec ses amis, un pansement lui barrant le regard. Ahmed Harara a perdu un

œil le 28 janvier 2011, trois jours après le début du soulèvement. Ce matin-là, le jeune dentiste épris de liberté avait rejoint la foule dans la rue. Quand les forces de sécurité ont tiré, il a reçu des éclats de grenaille. Soixante impacts sur le corps, quatre dans la rétine, trois jours de coma. Il est devenu borgne. Dix mois plus tard, comme toute la jeunesse de Tahrir, il est retourné dans la rue réclamer le départ des mi-litaires. Là, c’est son deuxième œil qu’il a perdu, pulvérisé par une balle en caoutchouc. Tous les visages de Génération Tahrir ra-content la même histoire : comment ce soulè-vement, aujourd’hui regardé avec tristesse ou mépris par les analystes, est au fond une aven-ture personnelle, la douloureuse et nécessaire épreuve initiatique d’une jeunesse porteuse d’envies, de force et d’idéaux qu’elle ne veut pas se faire voler. Ce serait aussi la pire des trahisons. Avec ses filles voilées au regard fier, ses silhouettes en sueur sous les spotlights d’une boîte de nuit, ses couples assis dans l’herbe et sa détermination

focus Vif, 03/2016, « I Caire », par Philippe Cornet

Les photos de Pauline Beugnies exposées à Charleroi, sa ville, prennent le tempo de la ré-volution égyptienne et d’une jeune génération arabe aspirant à un futur digne. Un beau travail en immersion. Elle habite avec fille et mari une maison nou-vellement achetée dans un quartier calme et anonyme d’Anderlecht. Il y a peu, des chiffons d’huile destinés à un plancher en réfection ont fait le coup de l’auto-combustion, l’incendie

qui s’en est suivi ravageant sévère un étage du bâtiment, en dégâts uniquement matériels. Truc improbable qui arrive toutes les 10000 lunes, confirmant d’emblée l’impression qu’on ne s’ennuie jamais avec Pauline Beugnies, 33 ans déjà bien fournis. Outre ses images fortes présentées au Musée de la photo de Charleroi, cette native de Gilly s’est fait remarquer en décrochant le Nikon Press Photo Award 2013 pour son travail en Palestine. Sa façon natu-raliste de cadrer une terre soumise au séisme sociopolitique permanent depuis plus d’un demi-siècle, sans surenchère du malheur. Une justesse tant esthétique que morale, caracté-risant aussi ses clichés du Caire – des clichés qui ne le sont pas. Tiens, comment la fille d’un prof de gym chez les Jésuites et d’une instit’ communale a-t-elle l’idée de partir habiter cinq ans en Égypte pour y tailler sa jeune vie ? Pau-line se présente comme une ex- « ado assez banale mais meneuse, passée de Take That à Korn, partie à Brisbane-Australie pour refaire sa rhéto et y suivre un cours de photo ». Celle qui commence par photographier « des arbres et des flaques à Charleroi » fait ensuite l’IHECS et se voit bien dans le journalisme, déjà avec l’impression de devoir prolonger ses fréquen-tations d’enfance. Celles de la « discrimination positive », des petits copains arabes, turcs ou portugais de l’école primaire, qui contraste avec l’élitisme calibré des secondaires chez les curés : « J’ai toujours essayé d’aborder la reli-gion sans jugement, comme j’aborde les gens en général. L’Égypte, j’avais du mal à imaginer qu’on puisse par exemple y être révolution-naire, féministe et sœur musulmane. La révo-lution dans ce pays a aussi été une ouverture incroyable pour les femmes. »

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Caisse de résonance. Au départ, le choix de la langue arabe est tactique. « Je vivotais, j’étais au chômage, j’avais quelques commandes mais c’était difficile. Je n’allais pas arriver à vivre de la photo comme je l’espérais, je m’éparpillais dans les voyages, entre l’Albanie et le Congo. Je me suis dit qu’apprendre l’arabe serait une voie. » Elle se retrouve, avec une bourse, dans le « bordel monstrueux » du Caire, 15 millions d’habitants : « Au début, je panique un peu, c’est hyper chaotique, mais les gens sont tellement expressifs que je comprends que cette langue est faite pour moi. » La saga est digne d’un roman du genre « la jeune Européenne décou-vrant les mystères du monde arabe » : au terme de la première année, Pauline comprend que son égyptien n’est pas assez costaud pour la porter dans son métier aventureux. Elle décide de rester, bientôt rejointe par Mathieu, futur mari qui bosse en ONG. Au quotidien, elle dé-couvre les chicaneries du pays – la difficulté de partager, en couple, un appart avec un copain égyptien musulman : « juste pas possible ! » – et cette énorme caisse de résonance de la ville, sorte de New York arabe, frénétique et fascinant. « En septembre 2009, je m’y installe comme photographe indépendante, l’une des très rares de la presse occidentale. J’ai un peu de boulot, comme pour Le Monde Magazine, et je décroche une carte de presse. » La suite s’inscrit en lettres d’Histoire, avec un début

possible en juin 2010 lorsqu’un jeune Alexan-drin est battu à mort par la police parce qu’il a posté la photo d’un flic fourguant de la drogue. « L’image du visage défoncé du jeune gars a fait le tour du monde arabe et pour la première fois, a déclenché un rassemblement, à Alexandrie, bien au-delà des activistes. » Là, Pauline em-braie et commence à photographier de jeunes militants ou pas, cette génération gavée d’un trop-plein d’interdits et de dictatures. « Je par-lais égyptien, je connaissais la région, j’arrivais à sentir les choses, j’ai eu l’impression de me sen-tir photographe documentaire. » Quand la révolution égyptienne débarque dé-but 2011, Pauline en suit forcément l’éruption, via ceux ou celles qu’elle fréquente depuis des mois. Et par exemple Soleyfa, en cette jour-née-clé du 25 janvier. Dans le très beau livre Génération Tarhir (éd. Le Bec en l’air), pen-dant à l’expo de Charleroi, Pauline témoigne du mouvement de rein gigantesque qu’ont été ces jours et nuits où le pouvoir égyptien s’est effondré : « 2011 a été une année dingue et décisive, modulant la personne que je suis. Tu ne peux pas être indemne après avoir vu des gens mourir pour leurs idées. Toutes les ques-tions que j’avais ado – quand on m’appelait « Ché Beugnies »… – devenaient concrètes : je considère mon métier comme une forme d’en-gagement. Si c’était alimentaire, je ferais autre chose. C’est maintenant, dans la concrétisation

de ce livre et de cette expo, que je commence à trouver des réponses. » À l’été 2013, alors qu’ils sont en vacances en Belgique, Pauline et Mathieu apprennent que des centaines de personnes ont été tuées au Caire le 14 août – 1000 au moins d’après Human Rights Watch. « Les Frères musulmans, avec lesquels je bos-sais pas mal, avaient été attaqués par l’armée : tous mes copains de là-bas me disaient que je ne pourrais plus bosser au Caire, tellement le gouvernement mettait la pression. On y est allés fin septembre pour liquider les meubles et on est venus s’installer à Bruxelles, où notre fille est née en janvier 2014. » Depuis lors, celle qui se présente comme un « électron libre » a séjourné huit fois en Égypte, a participé à un Webdoc et travaille actuellement sur un 80 minutes qui suit quatre personnages issus de la révolution : « Je me suis soudain sentie limitée par la photographie, et j’avais besoin de parta-ger la parole de ces gens qui racontent leur his-toire à la manière d’un carnet intime. Je n’ai pas encore terminé ce que j’avais à faire au Caire. »