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Page 1 sur 257 Enjeu d’un Rite Maçonnique dans la Modernité « LE RITE ÉCOSSAIS RECTIFIÉ » Régis BLANCHET +

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    Enjeu d’un Rite Maçonnique dans la Modernité

    ∴ « LE RITE ÉCOSSAIS RECTIFIÉ »

    Régis BLANCHET +

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    SOMMAIRE I

    Introduction Page 4 II

    Ésotérisme Exotérisme Page 8 III

    L’enjeu d’enjeu d’un Rite Page 13 IV

    De la Définition d’un Rite et des Rituels Page 20 V

    Préface Page 42 VI

    Éditorial Page 54 VII

    La Chevalerie appartient-elle à quelqu’un ? Page 58 VIII

    Évolution de la Chevalerie vers les Chevaleries Page 64 IX

    La Chevalerie du XIème au XVème siècle Page 78 X

    Les Ordres c de Chevalerie Page 82 XI

    La Chevalerie de Saint Lazare et la Maçonnerie dans le Page 92 XIIIème Siècle

    XII Présentation succincte de sur la structure du Rite Écossais

    Rectifié et de son Régime Page 101

    XIII Quelques remarques sur la structure du Rite Écossais Rectifié Page 106

    XIV Les Comparaisons Page 112

    XV Les Comparaisons des Règles et Statuts de Saint Lazare

    et le Code du Rite Écossais Rectifié Page 115

  • Page 3 sur 257

    XVI Étude comparative des Règles et Statuts de Saint Lazare de 1849 Page 125

    XVII Le Mausolée Page 143

    XVIII L’Écossisme du Chevalier de Saint Lazare Michel de Ramsay (1686- 1743) Page 146

    XIX Portrait de Joseph de Maistre vu par le Vatican Page 149

    XX Le Maître Écossais de Saint André Page 152

    XXI Les Références à l’Ordre de Saint Hubert et au Duc d’Aumont Page 157

    XXII Les Chevaliers Bienfaisant de la Cité Sainte et leurs Rituels Page 166

    XXIII Le Rite Écossais Rectifié est-il Templier ? Page 177

    XXIV L’Armorial de l’Ordre de Saint Lazare et le Symbolisme Maçonnique Page 183

    XXV Conclusion Page 192

    XXVI Mémoire des Ordres de Militaires de Notre Dame de Saint Lazare Page 199

    XXVII Règles et Statuts des Ordres Militaires de Notre Dame de Saint Lazare Page 222

    XXVIII Cérémonies des Ordres Militaires de Notre Dame de Saint Lazare Page 234

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    I

    INTRODUCTION

    es courants religieux, ou para-religieux, reprennent en cette fin de siècle une

    importance non négligeable, pour ne pas dire considérable. Si, d’un vaste coup d’œil, nous balayons les évolutions planétaires qui s’accomplissent et qui engendrent des mutations de consciences personnelles ou collectives, une constatation s’impose: les racines religieuses des peuples font naître des rejetons en partant des souches que l’on croyait mortes ou en voie de disparition.

    Le rationalisme matérialiste qui semblait devoir l’emporter freine, bute sur ses propres structures, ne semblant plus satisfaire l’ensemble des pulsions et des recherches qui caractérisent l’être humain dans son sens le plus large.

    Les macro-structures politiques Est-Ouest se sont effondrées, et si l’idéal communiste paraît avoir plié irrémédiablement (peut-être n’est-il qu’en mutation ?), l’idéal capitaliste, lui, a bien du mal à cacher sa propre misère ainsi que l’illogisme fondamental qui l’amène à justifier les rétentions de richesses qu’il est obligé d’accomplir vis-à-vis des pays pauvres ou gangrenés par la famine et les épidémies.

    Les structures nationales politiques ont perdu leur crédibilité et les édifices économiques se fissurent. L’harmonie n’est plus au rendez-vous.

    La vie journalière perd de son intérêt et se confine à des actes qui ne sont plus que les reflets d’un conditionnement basé sur les nécessités du collectif. L’identité est niée, malgré les apparences, et le trajet entre la naissance et la mort d’un Occidental moyen s’identifie plus à la vie d’une fourmi qu’à la réalisation d’un être doué d’une spiritualité dont-il doit accoucher dans le temps qui lui est imparti.

    De même, les édifices religieux sont partis à la refonte. Leurs structures sclérosées par le temps ne correspondent plus à la maturité du collectif qu’elles entendent animer.

    Dans ce contexte peu amène, des symptômes sont apparus. Avec une spontanéité que l’on peut parfois remettre en question, des mouvements syncrétistes, comme la vague du «New Age», ont balayé l’Occident en provenance des États-Unis. Des sectes de tout poil se sont implantées avec succès et une rapidité surprenante, cassant les conditionnements initiaux des personnes pour les remplacer par un autre.

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    Cela crée un « déplacement » du récipiendaire qui peut ainsi fuir une réalité qui lui parait trop dure, au profit d’une autre réalité qui le prend en charge en le «conduisant vers la réalisation de son être intérieur».

    Notre position n’est pas ici de tout critiquer et de ne voir que les aspects négatifs de notre environnement. Il faut mettre les choses à leur place et subordonner les effets les uns aux autres et faire de même quant à leurs causes.

    Quand nous voyons une des sensibilités de la foi islamique se révéler être un des leviers politiques les plus puissants qui soit au Monde, nous n’entendons pas le nier et détourner la tête.

    Après avoir été à même de constater la puissance du « non » pacifique d’un homme comme Gandhi et les conséquences de cette position pour le peuple indien, nous pensons qu’il faut en tenir compte.

    Examinant avec attention le renouveau des nouvelles églises Chrétiennes aux États-Unis, une évolution s’impose.

    Comment ne pas s’étonner du pourquoi et du comment les cultes Chrétiens, en majorité orthodoxes, ont pu resurgir d’on ne sait où dans les pays de l’Est après l’effondrement du schéma communiste stalinien ?

    Quel levier politique extraordinaire, encore un, la Chrétienté romaine a-t-elle été pour la nouvelle motivation du peuple polonais et la définition de sa fragile démocratie.

    Quelle est l’influence exacte de la Compagnie de Jésus dans ces soubresauts énormes qui secouent le Monde ?

    Si nous tenons compte des anciens cultes qui remontent aussi en surface, comme le druidisme, le chamanisme, les pratiques africaines, les branches Shingon du bouddhisme, le taoïsme, etc., il est difficile de refuser cette évidence qui s’impose en dehors de tous les contextes scientifiques prévisibles. La spiritualité, sous toutes ses formes, cherche de nouvelles voies pour mettre en place ses expressions futures et elle semble survoler tous les obstacles avec une facilité étonnante.

    Et là précisément est le danger, car rien n’est plus dangereux qu’une spiritualité mal dominée, ou reposant sur des bases tronquées ou déformées. Les pivots de ces mutations sont les Rites et leurs Rituels. Se situant au centre des édifices établis, que ces derniers soient des églises ou des sociétés traditionnelles, ils sont les bases de toute évolution qui passe nécessairement par un retour aux sources.

    En effet, les Rites et les Rituels portent en eux-mêmes les traces indélébiles des héritages passés et transmis, ils caractérisent les références et les spécificités de chaque groupe en dehors de tout contexte hiérarchique.

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    De plus, ils sont porteurs d’un apparent paradoxe. Tout en se devant de préserver l’intégralité et l’intégrité de leurs structures particulières et spécifiques à chacun, qui forment leur fond, ils n’en sont pas moins obligés d’évoluer dans le temps et de s’adapter aux conditions de chaque siècle qu’ils traversent en ce qui concerne leur forme.

    Et c’est à ce point précis que se situe le risque majeur.

    Ils peuvent se figer et se scléroser en maintenant une forme non adaptée à l’époque considérée, mais ils peuvent aussi s’évider de leur substance spirituelle quand leur forme évolue tant et si bien que leur fond n’est plus identifiable.

    En termes sociologiques, un Rituel qui se fige engendre souvent un mouvement intégriste, alors qu’un Rituel « qui s’oublie » dénature le Rite au profit d’un schéma associatif qui se donne des fonctions sociales, politiques, financières, dans le siècle.

    Nous trouvons dans cette approche les mécanismes actuels qui agitent l’ensemble des traditions qui se réveillent ou se transforment de nos jours.

    Quand un Rituel, ou un Rite, évolue, c’est que généralement il se met en phase d’adaptation à de nouvelles conditions sociologiques, économiques, industrielles, politiques etc.

    Prenons comme exemple l’évolution des choses qui eut lieu entre le XVIIIème et le XXème siècle.

    Les habitudes vestimentaires ont changé, ainsi que les moyens de communication, les échanges culturels, etc. Les infrastructures des civilisations ont évolué et les Rites se sont adaptés à ces nouvelles données qui correspondent à la réalité du temps considéré.

    Ne le feraient-ils pas qu’ils imposeraient alors à leurs adhérents de s’habiller en 1993 à la mode de 1780. C’est une sclérose évidente qui mène vers un passéisme réducteur dans le sens où la valeur ésotérique du Rite, son fond, est subordonnée à sa forme, son exotérisme. On serait en droit de se demander aussi pourquoi les utilisateurs de ces Rituels de 1780 ne s’habillaient pas alors â la mode du Moyen Âge, et ainsi de suite. Une liturgie paléo-Chrétienne aurait-elle une place dans la modernité ?

    Le druidisme contemporain pourrait-il assurer son réveil sur la base de Rituels de 1500 ans avant Jésus-Christ, sacrifices humains à la clé ? Non, bien évidemment.

    Mais, évolueraient-ils vers une simplification excessive de leur cérémonial, ou liturgie, qu’ils se, videraient de leur substance traditionnelle contenue dans les rythmes, mouvements et paroles qui forment ce mime de l’univers caractéristique à tous les Rites.

    N’oublions pas que le mot « Rite » vient du sanscrit « Rita » qui signifie « ce qui est conforme à l’univers ».

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    Dès lors, nous pouvons mieux apprécier l’enjeu des Rites dans notre société contemporaine et les risques qu’ils encourent si leur adaptation dérape vers l’une où l’autre des positions extrêmes que nous venons de décrire.

    « Dans-des deux cas, ils meurent momifiés ou dilués à l’extrême ».

    Si nous considérons bien, comme nous venons de le faire, que les clés de l’adaptation des Rites se trouvent dans le contexte matériel de leur biotope, de leur environnement et de ses caractéristiques, force est de reconnaître que cette fin de siècle leur fait courir de grands dangers.

    Reprenant nos développements précédents, il est important de ne pas ignorer les profondes mutations de notre civilisation actuelle. Les vieux schémas s’effondrent tous, d’autres sont à la couveuse.

    La télématique, l’informatique ont modifié radicalement nos rythmes de vie. Les circuits politiques, financiers, économiques montrent de dangereuses fissures qui ouvrent la porte aux deux excès que nous avons évoqués.

    Les Rites, par voie de conséquence, vont évoluer s’ils veulent garder la place qui est la leur dans la fonction spirituelle de l’homme.

    Pour cela, il faut avoir bien défini ce qui peut évoluer dans la forme et ce qui doit rester immobile dans le fond.

    Autrement dit, il faut avoir bien isolé et identifié la dimension exotérique du Rite en question qui peut et se doit d’évoluer, et la dimension ésotérique qui, elle, reste intemporelle, stable, dans son mouvement immobile.

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    II

    ÉSOTÉRISME, EXOTÉRISME

    es deux concepts sont donc au centre de toutes les traditions et de toutes les religions, et il est courant de voir des hommes de valeur s’opposer sur la subordination qui doit se faire concernant ces deux notions.

    Les uns pensent que seul l’ésotérisme doit être retenu et que tout exotérisme est à rejeter.

    D’autres, plus proches de la foi du charbonnier, se contentent de ce qui leur est donné à consommer en rejetant tout ésotérisme comme si ce dernier était une création du Diable.

    Ces deux positions extrêmes peuvent faire naître des fanatismes et ériger des édifices destructeurs tout en égarant leurs ouailles des traces profondes de la tradition qu’ils sont censés vivre, protéger et promouvoir.

    En effet, il ne peut y avoir d’ « ésotérisme » sans « exotérisme »; et il ne peut y avoir d’ « exotérisme » sans « ésotérisme ». Ces deux valeurs sont complémentaires et nécessaires l’une à l’autre.

    Il nous vient une image pour nous faire mieux comprendre: l’œuf.

    Quoi de plus simple qu’un œuf ? Et pourtant, il transporte la vie. Chaque race ovipare détermine la forme d’un œuf en rapport à son biotope (alimentation, camouflage, chaleur, etc.). Nous pouvons ainsi dire que chaque race met au point un « Rituel » vital pour s’assurer les meilleures chances de survivance et de pérennité.

    Comment est constitué un œuf ?

    Une coquille, le blanc, le jaune, une bulle d’air et des membranes qui isolent ces différents éléments.

    Que doit-il se passer pour que le processus vital se déclenche ? Il est couvé par les parents, il est chauffé, défendu, il est aimé. Un œuf non couvé ne

    viendra jamais à maturité.

    Dans cet exemple, nous avons tous les ingrédients qui composent nos Rites et nos Rituels.

    La coquille est la forme variable et évolutive de leur dimension exotérique.

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    Le jaune est le support de la vie, stable et intemporel, même si la forme ou la couleur de la coquille change sous l’impact de quelque élément de l’extérieur.

    Il est la dimension ésotérique du Rite. Le blanc et la bulle d’air sont des éléments de croissance qui permettront au petit à

    naître de briser sa coquille pour renaître à une nouvelle vie. Nous pourrions les comparer au travail nécessaire qu’il faut accomplir pour participer en toute connaissance de cause à l’élaboration et la mise en œuvre d’un Rituel.

    La pratique de tout Rituel engendre de subtiles modifications chez tous les êtres qui les utilisent, comme un soc de charrue qui repasserait toujours aux mêmes endroits en s’enfonçant à chaque fois un peut peu plus.

    Un Rituel, cela fonctionne quoi qu’il arrive, « ex opere operato », (« du travail nait l’œuvre ») même quand on n’en est pas conscient, même quand on méconnaît ou nie ses fondements spirituels. Cette réalité est à la base de la légende de l’Apprenti sorcier.

    À vouloir trop en faire en « opérant », ou ignorer la réalité des choses comme M. Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, les effets sont les mêmes, ainsi que les risques; seule l’intensité de l’opération peut varier selon le niveau et la concentration du ou des opérateurs.

    En effets, les Rituels ne sont pas « innocents » et peuvent mettre en mouvement des forces non « négligeables ». Ce point est ce qui les justifie dans tous les temps et dans tous les espaces.

    Qu’ils soient sclérosés, dilués ou fonctionnels, ils fonctionnent. Le seul véritable problème, c’est que leurs effets, eux, sont différents.

    Comme il est souvent dit qu’il n’existe aucune différence fondamentale entre la magie blanche et la magie noire, nous pouvons affirmer que c’est l’opérateur et sa vision des choses qui la rend blanche ou noire.Un Rituel est un outil fonctionnel aussi simple qu’un maillet qui peut aider à bâtir une maison ou à assassiner son voisin.

    À ce point précis se trouve l’enjeu des Rituels dans notre Monde contemporain en pleine mutation.

    L’effervescence religieuse, ou para-religieuse, que nous pouvons constater est un indice sûr que les Rituels, eux aussi, sont en mutation.

    À nous de les orienter pour le bien-être, ou le mieux-être, de l’humanité à venir. Sachons identifier ce qui peut et doit évoluer, en respectant les rapports subtils,

    invisibles et intemporels de ce mime cosmique qui nous fond dans l’unité le temps d’une ouverture et d’une fermeture.

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    Sachons préserver les vraies valeurs, vivantes et fondamentales, et les transmettre à nos enfants dans une forme qui leur sera adaptée.

    Cela leur permettra d’éviter ainsi l’intégrisme ou le ridicule. Après cette promenade philosophique (et encore), afin d’avancer vers une meilleure

    compréhension des Rites et leur enjeu dans notre Monde contemporain, nous allons emboîter le pas de grands universitaires qui s’expriment particulièrement dans la revue « Recherche de Science religieuse » qui possède son siège 15, rue Monsieur, 75007 Paris. Grâce à ces hommes, Philippe Oliviero, Tufan Orel, Claude Rivière, Jean-Yves Hameline, nous allons descendre dans la structure des Rites et des Rituels et l’enjeu réel qui les sous-tend en termes de contrôle des masses, de leurs idéologies et de l’évolution de leurs éthiques.

    Nous allons pouvoir mieux cerner, en termes ethnologiques, anthropologiques et sociologiques, les moyens et les buts de leur naissance, de leur évolution et de leur mort, parfois de leur renaissance.

    En tout premier lieu, il nous faut éclairer un tant soit peu la notion théologique d’« économie ».

    Les Rituels étant avant tout un mode relationnel entre les éléments d’un groupe social déterminé qui définissent ainsi leur identité culturelle et ethnique, ou encore entre un individu, ou un collectif défini, avec une force tutélaire qui se cristallise en son sein, la notion d’« économie » est ce qui englobe toutes les facettes de la relation qui oscillent entre l’homme et la divinité, entre la divinité et l’homme, que cette divinité soit Ange, Dieux ou Dieu, ou encore démon.

    Que le Dieu soit descendant, ou l’homme ascendant, le Rituel est l’expression du passage et en même temps le moyen de ce dialogue. Nous verrons cependant que le Rituel peut être dépassé au profit de la « Voie du Désert » qui détermine son approche de la divinité par un certain négativisme, par une approche par soustraction, par une approche du vide qui se suffit à elle-même à l’exclusion de toute formulation objective, symbolique, analogique ou anagogique. Il ne s’agit plus de recherche et d’expérimentation de l’efficacité d’un Rituel, mais de fusion sans condition.

    Origine et évolution du Rite Rois perspectives opposées doivent être considérées.

    La première met en avant une formulation « prophétique » qui laisse supposer qu’un homme, ou un groupe charismatique, subit l’influence de l’Esprit, d’un Dieu.

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    De Dieu, et que l’expression de cette influence s’objective dans la mise en œuvre d’un Rituel du Monde Spirituel qui émerge au niveau du Monde des hommes en « perforant » différents états de conscience.

    La seconde est une vision « naturaliste » des choses qui propose que le Rite soit une expression typiquement humaine qui fixe certaines étapes constatées de son évolution - le Rite devient alors « mémoire collective ».

    Ces deux premières propositions ont un point commun, le fait que l’objet de la fixation ne dépend pas de la volonté de l’homme. Il subit une influence, ou constate des faits et n’est pas Maître de la structure du Rite qui se fixe. Dans ces deux cas, l’homme est un spectateur, un photographe.

    Dans le troisième cas, on parle d’une perspective « artificialiste » qui prend toutes les caractéristiques des constructions humaines volontairement mises en place. Dans ce cas, les bases de ces fixations sont l’émergence d’un besoin d’apaisement, de prescription ou de reprise éthique.

    L’action est précédée par le questionnement, et le Rite prend une valeur de réponse aux questions primordiales que pose l’existence.

    Les gestes, les actes qui composent les Rites sont considérés comme expérimentaux et seuls les résultats de leur mise en œuvre conditionnent leur conservation. Un geste qui réussit est un geste conservé. Le chaos s’ordonnant, l’agitation primitive et le questionnement qui en découle deviennent action.

    Cette vision des choses remet dans le circuit de réflexion l’aspect, « magique » des gestes. Tous les gestes et manipulations qui révèlent un taux de réussite positif quant aux projections désirées s’entassent dans les Rites naissants qui tendent à s’ordonner harmonieusement t et ultérieurement dans le temps.

    L’humanité tâtonne ainsi et expérimente, fait des tests et ne garde que ce qui lui semble efficace.

    C’est cette efficacité supposée et expérimentée qui amène une réponse au besoin d’apaisement qui en est une des bases. Cette phase peut être considérée comme une objectivation première.

    Elle est suivie par une objectivation seconde qui rend le Rite « autonome » et « intemporel », assumant la permanence de certaines valeurs par-delà le devenir des hommes qui l’ont créé. Ainsi, dans l’Antiquité, l’humanité des Dieux s’est effacée au profit de leur divinité simple. Le Dieu, étant en partie une création de l’homme dans sa forme communicable et fixée, prend son indépendance et assume son autonomie dans le temps sans que l’homme ne puisse contrarier cette « crise d’adolescence » qui lui fait perdre le contrôle de sa créature.

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    « Il n’y a de Dieux pour l’homme que s’il y a des hommes pour faire des Dieux.» Le Rite impose alors une prescription qui fait qu’il devient « ce qui est », mais aussi

    « ce qui doit être ». Dans une tierce objectivation qui, nécessairement, fait suite aux deux premières,

    l’homme réalise qu’après en avoir jeté les fondements, après que les normes ainsi créées ont pris leur indépendance, se posent les questions:

    Pourquoi le Rite ? Qu’en faire ? Quel Rite ? Une réponse à cette question, ou une tentative, impose la notion d’action dans la réalité

    humaine, impose une implication particulière et définie, la volonté d’un but à atteindre et des moyens à employer pour y parvenir, qui fait émerger la cristallisation d’une éthique qui se doit de rester en harmonie avec les bases analogiques que tous les Rituels ont avec le cosmos.

    Ayant réalisé ce que la première objectivation du Rite lui a confirmé, c’est- à-dire une efficacité due à l’imitation et la répétition des actes réussis, l’homme peut en projeter les effets sur le Monde qui l’environne.

    C’est là que le Rite prend une dimension politique et qu’il impose l’acceptation d’une éthique personnelle ou collective.

    « Il n’y a pas de théologie sans politique », disait Lénine, et il n’y a pas de politique sans théologie, rajouterons-nous, si nous assimilons l’homme politique standard tel qu’il est projeté « Médiatiquement » comme une valeur transfuge et remplaçant d’une manière très matérialiste ce qu’étaient les Dieux Antiques et les valeurs éthiques qu’ils véhiculaient en leur assurant pérennité.

    Il est d’ailleurs notoire que les fondements des grands meetings de masse procèdent des mêmes bases que les structures internes des Rituels en ce qui concerne leur forme, mais aussi leur fond, le « leader » étant la référence du groupe rassemblé, porteur d’une éthique, d’un idéal qui le rend unique et facilement identifiable. Peut-être est-ce ce schéma qui faisait dire à Hitler qu’il était le Dieu de la Nation Germanique.

    Des fondements structurels des Rites et des Rituels es trois propositions qui ne se chevauchent pas fondamentalement ne sont pour autant à séparer d’autorité de par leur antinomie apparente.

    Les Rites sont riches de diversité et certainement se fixent sur ces trois approches et les trois objectivations de la dernière, plus ou moins, chacun ayant sa particulière alchimie, qui compose sa spécificité qui nous est si chère, suivant qu’ils sont religieux, magiques ou sociaux.

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    III

    L’ENJEU DES RITES

    1°- Au niveau collectif i tant est qu’il y ait un enjeu qui tourne autour de la nature et de la fonction des rites dans les valeurs de notre civilisation de la dernière décade du XXème siècle, ce que nous croyons volontiers, il n’est pas question pour nous d’effleurer le problème de la mutation des églises qui s’opère sous nos yeux.

    Nous ne connaissons pas suffisamment les données constitutives de ces grands vaisseaux, les enjeux politiques et financiers qui sont tressés dans leurs trames et les stratégies qui sont en cours de réalisation.

    Nous observerons donc un recul nécessaire et assimilerons les Rites des églises « constituées » aux Rites des églises « non constituées » ainsi qu’à ceux de tous les mouvements « traditionnels ».

    Tout d’abord, les Rites et les Rituels comportent-ils un enjeu ?

    Certainement! Ils sont les racines de l’homme et l’expression de leurs inconscients collectifs face au mystère de la Mort.

    En ce qui concerne le Monde occidental, l’évolution sociale et industrielle des deux derniers siècles a bouleversé les données de l’identification des êtres.

    Au XVIIIème siècle, et avant, l’homme était souvent assimilé à son talent, son métier. Il était identifié à ses capacités intrinsèques qui étaient mises en œuvre plus ou moins librement pour le bien de la communauté.

    Sa fonction sociale était indexée sur ses talents.

    Ceci n’est pas bien sûr une généralité, mais une tendance. Mais ce point est encore plus sensible dans l’organisation tribale du Ier millénaire. Trois

    castes se répartissaient les charges, droits et devoirs du groupe: les prêtres, les guerriers et les producteurs. Cette architecture des tribus vient du fonds « Indo-Européen » qui remonte à 1500 ans av. J.- C., si ce, n’est davantage.

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    Rites de métiers, Rites de passage, Rites tribaux, Rites solsticiaux scandaient un rythme de vie qui faisait adhérer la collectivité à une certaine harmonie générale qui trouvait ses racines dans ce « mime cosmique » que nous avons précédemment cité.

    Ainsi en était-il des identités personnelles par redondance.

    La vie n’en était pas pour autant idyllique, mais ce qui est certain, c’est que chaque identité du groupe vivait totalement dans le cadre des racines ethniques et religieuses définies qui avaient pris la forme de « Rituels spécifiques ». Chacun, plus ou moins selon sa conscience, était relié au « Tout » et trouvait un « accomplissement à sa vie entre la naissance et la mort ».

    Il serait difficile d’en dire autant des structures socio-économiques actuelles qui prédisposent à un certain écrasement de la personnalité au profit d’une fonction qui est attribuée sans tenir compte des origines ethniques, religieuses ou traditionnelles. Cet étal de fait a du bon en ce qui concerne les mélanges raciaux et l’approche d’une certaine tolérance qui nous semblent nécessaires alors que les frontières, même les plus étanches, se sont effondrées ou vont s’effondrer.

    Par contre, cette uniformisation de surface engendre des groupes occultes ou souterrains.

    Ces derniers vont prendre des formes diverses, mais leur fondement commun est toujours de préserver ce qui constitue les racines originelles du groupe ethnique ou traditionnel dont leurs ancêtres faisaient partie. Ils veulent préserver les racines et, par voie de conséquence, leurs expressions qui prennent toujours la forme de « Rituels spécifiques. » Allant de la Mafia Italienne aux Indiens des forêts équatoriales, « ce point est une constante ».

    Que ces groupes agissent ensuite dans un cadre politique ou social est un autre problème et nous ne voulons pas rentrer dans un débat qui tendrait à justifier, ou non, les instituts Islamiques ou les problèmes sociaux et raciaux qui agitent les grandes cités-dortoirs. Ils ne sont que des symptômes qui appuient notre développement.

    Quand l’Occident dans son ensemble seras suffisamment déraciné pour ne plus comprendre « la nature des Rituels issus du fonctionnement de son inconscient collectif passé », alors le problème sera posé dans son ensembles groupes ethniques planétaires qui auront amorcé depuis longtemps ce retour aux sources auront un avantage indéniable, car ils profiteront d’un groupe constitué, rassemblé autour de valeurs qui seront communes à tous ses membres et dont la motivation s’appuiera sur un même idéal. Le Japon ou les Indes sont un bon exemple, mais « attention aux intégrismes » ! L’équilibre est précaire dans ces grandes mutations.

    Mais il n’y a pas que les groupes déracinés, comme les populations Maghrébines ou Islamiques, Noires ou Asiatiques maintenant souchées dans un pays comme la France, qui opèrent ce genre de rassemblements souterrains parfois à la limite de la l’égalité.

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    Nous pouvons aussi nous attarder sur nos composantes internes comme les Bretons, les Basques, les Corses, les Niçois, les Occitans qui revendiquent tous un retour à leurs racines, leur langue respective, leurs coutumes, leurs danses, leurs Rites ancestraux et le cortège de valeurs qui leur sont spécifiques.

    Nous pourrions superficiellement attribuer sociologiquement ce fait à une quête d’identité sur un fond folklorique et touristique.

    Il n’en est rien !

    Dans une strate profonde du séparatisme Basque, « ronronne » de plus en plus fort un culte ancestral que l’on nomme « la Massa ». Les Rituels sont à tendance magique et la structure de l’ensemble rappelle fort ce que l’on connaît du Druidisme Antique. Les cérémonies se passent toujours en pleine nature, souvent à la croisée de chemins, près d’un chêne, non loin d’une source, au pied d’une montagne. Le culte des Anciens y est très fort. Le milieu est très fermé.

    Dans la mouvance du séparatisme Breton, comment ne pas voir un druidisme contemporain se restructurer sous diverses formes, certaines excellentes, d’autres plus médiocres. Il s’agit là d’une religion à part entière avec ses filiations spirituelles, ses Druides-prêtres, équivalents des évêques, ses sacrements, ses initiations et ses Rituels qui positionnent fermement l’homme face aux forces de la nature.

    Dans le mouvement occitan, le catharisme et son « dualisme » ascétique reprend force et vigueur.

    Si parfois nous nous surprenons à considérer le charnier Yougoslave et les affrontements ethniques irrémédiables qui prennent la forme de combats exterminateurs, il est bon d’analyser la situation avec notre prisme, car nous identifions facilement les leviers souterrains qui sont en présence. Cela n’apporte aucune solution miracle, mais seulement quelques éléments d’appréciation supplémentaires.

    Ces leviers ont pour noms « race », « religion », « autonomie », « langue », « identité », « spécificité ». Voilà encore un autre type d’enjeu dans lequel les Rites sont une des données à considérer et à ne pas oublier.

    Tous ces mouvements sont proches d’une certaine forme de clandestinité, car ils s’opposent fondamentalement au processus d’uniformisation qui est mis en place à une grande échelle politiquement parlant et, par voie de conséquence, culturellement parlant. En développant notre argumentation, nous insistons sur le fait que nous ne défendons ni n’excusons les moyens et les effets condamnables, nous nous bornons à vouloir isoler les causes.

    Ces « points de résistance » sont des cris angoissés de personnes qui veulent à tout prix « garder vivant » et transmissible « l’héritage qui leur a été confié ».

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    Nous pensons dans une vision à très long terme qu’ils ont raison car ils préservent ainsi la liberté fondamentale de l’homme et le droit à la différence.

    Ils agissent au niveau de la structure sociale pour préserver les espaces d’expression dont ils ont besoin et qui tendent à se raréfier.

    Là est le premier enjeu des Rites dans notre Monde contemporain. Il en est un autre qui est directement la conséquence du premier.

    Il s’agit de la sauvegarde d’une certaine opérativité en spiritualité qui dépasse de loin le premier développement ci-dessus, il en est le prolongement et nous abordons les fonctions religieuses ou para-Religieuses des Rites.

    Pour étudier cette facette des choses, il est nécessaire de se demander pourquoi et comment les grands édifices religieux comme le Catholicisme, l’Orthodoxie se sont littéralement précipités vers les pays de l’Est bien avant l’officialisation des réformes.

    À quelle stratégie cela correspondait-il ?

    En dehors d’éventuels conflits basés sur des zones d’influences, d’éventuels appuis à tendance politique, d’éventuelles parades autour d’une nouvelle morale, on a même parlé de rapprochements avec certains services secrets, il faut quand même aller au-delà de ces simples apparences en reconnaissant néanmoins qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Une raison profonde, unique et commune les a motivés.

    Nous allons en simplifier le mécanisme à l’excès. Bien avant l’uniformisation communiste qui a tenté d’éliminer toutes les religions de sa

    zone d’influence en interdisant la pratique des Rites, quels qu’ils soient, ces pays étaient, sont restés profondément religieux. Des zones étaient à tendance Catholique, d’autres orthodoxes pour ne citer que ces cieux options.

    À l’instar des ornements et objets sacerdotaux qui ont été religieusement enfouis hors de portée de toute appropriation, les Rites et les Rituels se sont « enkystés » profondément dans les inconscients collectifs des populations en question comme un germe de blé sous la neige. En l’occurrence, c’était plutôt une dalle de béton insensible à tout dégel.

    Quand cette dalle de béton uniforme a commencé à montrer quelques signes de faiblesse et que l’eau et l’air purent s’infiltrer, les germes le ressentirent et ne tardèrent pas à montrer quelques signes de vigueur, mais aucune structure n’était là pour les encadrer, autrement dit leur église d’origine interdite de séjour.

    C’est un grand risque que de laisser des Rites puissants se promener sans surveillance. N’oublions pas qu’ils fonctionnent « ex opere operato ».

    Un Rite peut changer d’église sans entacher son « opérativité », il peut même quitter toutes les églises et en fonder une nouvelle.

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    Il y avait là un danger non négligeable. Alors, des jardiniers de plus en plus nombreux ont été missionnés pour récupérer ces

    germes qui pouvaient perdre leur greffe et redevenir sauvages, chaque tendance se spécialisant sur ses anciennes semailles non sans lorgner sur celles des autres.

    L’aubépine n’est pas une rose domestique et « le retour se fait toujours de la rose vers l’aubépine ». Personnellement, nous avons un faible pour l’aubépine qui a l’avantage d’être génétiquement naturelle et dont la beauté simple rivalise aisément avec celle de la rose.

    Quand on eut l’autorisation officielle de se défaire de la dalle de béton et de remettre à jour le sol ancien, nos jardiniers jardinèrent. Enlever les mauvaises herbes, arroser, surveiller les pousses et, dès que la croissance s’amorça, armés de milliers de tuteurs, ils les y fixèrent pour qu’elles se développent dans le bon sens, celui du jardinier s’entend. Ce fut un concours de vélocité.

    Se seraient-ils donnés tant de mal s’il n’y avait pas d’enjeu des Rituels dans notre société contemporaine ?

    Mais les religions ne furent pas les seules à réinvestir leurs anciennes possessions.

    Toutes les Obédiences Maçonniques firent de même, les unes conscientes de l’enjeu des Rites, les autres moins. Nous avons même pu avoir connaissance de paradoxes éclatants: par exemple, une des obédiences caractérisées par ses positions laïques et anti-Religieuse a crée des Loges en Pologne en s’appuyant sur un Rite et des rituels fondamentalement Chrétiens. C’était ça ou rien. La Pologne étant Chrétienne à tendance papiste, un autre Rite n’aurait pu s’y ressoucher dans ce cas précis. N’est- ce pas la preuve que c’est la spécifié du groupe considéré qui détermine les Rites qui seront les siens ?

    2° - Au niveau personnel omme nous venons de le voir, les Rituels jouent un grand rôle en ce qui concerne l’identification des groupes.

    Il en est de même au niveau des personnes et nous pourrions dire que là se trouve leur plus grand intérêt.

    Une personne déracinée qui n’identifie plus ses origines subit un écoulement du temps linéaire. Rien ne différencie plus les instants passés des instants présents quant à leur justification. L’être est comprimé dans un flux qu’il ne contrôle pas. Les cycles naturels n’ont plus pour lui aucune résonance intérieure et il ne leur attribue que ce que son collectif leur consent, ce qui peut parfois être nul.

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    La relation au tout n’est plus et l’être oriente la réalisation de ses pulsions vers des notions superficielles comme le pouvoir et l’argent, parfois le sexe, qui lui donnent le sentiment qu’il se réalise. L’illusion matérialiste prend alors le pas sur la réalité spirituelle de l’homme qui est la seule fin en soi que nous puissions envisager.

    En fait, l’homme ne vit pas dans un temps objectif linéaire mais plutôt dans un temps subjectif variable qui a une tendance à s’accélérer.

    Ainsi, le temps paraît long quand on porte peu d’intérêt aux événements immédiats et s’accélère quand la concentration et l’intérêt caractérisent d’autres moments. De plus, avec l’âge et la maturité, le temps subjectif dans son ensemble subit une accélération plus ou moins prononcée selon les moments et les individus.

    Si nous prenons comme critère la vision subjective que chacun peut avoir de l’univers et de la réalité, il est possible alors de dire qu’il existe autant d’univers que d’individus appréhendant l’espace et le temps d’une manière différente et unique.

    Les Rituels peuvent, dans cette vision des choses, avoir valeur de bornes dans l’espace et dans le temps et apporter à celui qui les vit des éléments vécus objectivement et subjectivement qui lui permettent d’appréhender « son » espace et « son» temps sans pour autant s’isoler du collectif en se marginalisant.

    Beaucoup des Rites anciens étaient des Rites de « passage ».

    La naissance était sacralisée par une purification. L’adolescent qui quittait sa famille pour assumer sa charge d’adulte subissait un Rite de passage qui justifiait son évolution en harmonie avec son groupe et sans créer de culpabilité vis-à-vis de ses parents qui, eux aussi, faisaient théoriquement partie du groupe. Le bien connu Rituel de la « collée » ou de la « paumée », qui faisait d’un adolescent un combattant, un guerrier, est relatif à ce même schéma.

    Le mariage, les combats, les victoires, la vieillesse et la mort, toutes ces étapes importantes de la vie en ce qui concerne la psychologie de l’individu, étaient sacralisées par un Rituel, un passage.

    La notion du temps n’était pas linéaire. Tous ces Rites marquaient des rythmes dans la vie. Ce qui était avant n’était pas comme ce qui était présent. Des valeurs s’ajoutaient les unes aux autres et chaque niveau de vie était une marche logique, vécue et sacralisée.

    Chaque marche s’ajoutait à la précédente en l’accomplissant. Le processus de vie épousait les grands rythmes vitaux et la structure mentale et psychologique de l’individu se stabilisait autour des équilibres naturels de son environnement. Sa vie intérieure, spirituelle, religieuse ou mystique, trouvait dans cet état de fait un aliment de choix.

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    Pour apporter une vision de spécialiste en psychiatrie sur ce sujet, nous vous restituons quelques bribes d’une interview de Phyllis Krystal.

    Q.: Comment peut-on se libérer de ses parents ? R.: Je travaille sur ce genre de problème depuis quarante ans, et j’ai élaboré une

    méthode fondée sur la notion de Rituel. Depuis des milliers d’années, dans toutes les cultures, la puberté était un « passage » entouré de cérémonies qui permettaient de se séparer de ses parents sans se sentir coupable.

    Malheureusement, dans notre société, ces Rites ont été abandonnés ou réduits à de simples formalités mondaines. Quand les liens avec les parents sont demeurés les mêmes au-delà de la puberté, se développe bien souvent une situation malsaine: soit on est trop dépendant d’un ou des deux parents ; donc incapable d’exprimer sa propre personnalité ; soit on se révolte violemment en se brouillant avec la famille et en laissant s’installer des sentiments négatifs de part et d’autre. Ce dernier schéma crée d’ailleurs une situation destructrice qui entrave considérablement l’évolution de la personne.

    Q.: Ce n’est pas évident pour tout le Monde !

    R.: Non, mais il ne s’agit pas d’oublier tous ses souvenirs ! C’est un travail sur la transformation. Il faut être prêt à le faire.

    Pour certains, c’est très rapide; pour d’autres, plus lent. Je travaille surtout avec les symboles qui transmettent d’une façon extrêmement efficace les messages à la partie subconsciente du mental, car le langage de l’inconscient se compose d’images et de symboles.

    Ce sont des énergies transformatrices très puissantes qui permettent non seulement de briser les liens du passé, mais aussi de se retrouver soi- même et de reconstruire sa propre vie (La Vie ouverte, de Phyllis Klystal, le Souille d’Or).

    De toute évidence, la psychothérapie moderne est en train de faire un retour aux sources spectaculaires et la pensée de Carl Gustav Jung y est certainement pour quelque chose.

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    IV

    DE LA DÉFINITION DES RITES ET DES RITUELS

    ous allons préalablement définir notre terminologie.

    Qu’est-ce qu’un Rite ? Qu’est-ce qu’un Rituel ?

    Comment les identifier ?

    Il est courant de dire: « Nous sommes devant un Rite de purification », ou « un Rite d’initiation », ou encore « un Rite de passage ».

    On pourrait tout aussi bien employer le mot Rituel dans ces cas précis. Une certaine confusion est donc possible entre ces deux concepts, et il est pourtant nécessaire de les différencier et de trouver la subordination qui les hiérarchise.

    Pour ce faire, nous prendrons comme base la structure Chrétienne des Rites qui fait apparaître la notion de liturgie.

    Une liturgie est un ensemble de Rites qui sont eux-mêmes composés de différents Rituels.

    La liturgie Chrétienne comprend ainsi des Rites sacramentels qui sont animés par différents Rituels suivant l’espace et le temps considérés.

    Si nous prenons comme exemple le Rite sacramentel de l’Eucharistie, nous pouvons facilement isoler des Rituels caractéristiques. Ils sont Orthodoxes, Catholiques, Gallicans, Gnostiques, Luthériens, Maronites, etc.

    Tout en ayant un fond commun, leur ésotérisme, ils ont pris des formes exotériques variables selon leur contexte spatio-temporel (Orient, Occident, paléo-christianisme, concile de Nicée, concile de Trente, Vatican II, etc.).

    Une hiérarchie apparaît. Une certaine somme de Rituels compose un Rite. L’ensemble des Rites - les sacrements essentiellement - compose une liturgie.

    Dans le cadre de cette étude, nous définirons donc que « ce sont les Rituels qui composent les Rites et non pas l’inverse ».

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    Une étude des Rites et des Rituels en Franc-Maçonnerie confirmera ce point de vue. En effet, nous pouvons considérer différents Rites: le Rite Écossais Rectifié, le Rite

    Écossais Ancien et Accepté, le Rite Français Traditionnel, le Rite Français dit « Groussier », le Rite d’York, le Rite Émulation, le Rite de Memphis et de Misraïm, etc.

    Chacun de ces Rites est composé de différents Rituels : un Rituel d’initiation, un autre de Compagnon, un Rituel d’élévation à la maîtrise, un Rituel d’exaltation, et bien d’autres, sans oublier les Rituels de la Cène.

    Là encore, s’impose le fait que ce sont bien les Rituels qui, mis bout à bout, constituent l’ossature des Rites dont l’ensemble pourrait être assimilé à une liturgie Maçonnique globale, comme rairait dit J.-M. Ragon.

    Ce qui, dans un cadre plus traditionnel et large, nous fera dire que si le Rite d’ « initiation » est un dans toutes les voies traditionnelles qui se présentent à l’homme, ce Rite n’en est pas moins constitué de centaines de Rituels qui sont spécifiques aux sensibilités qui s’expriment.

    « Ni confusion, ni séparation, mais juste subordination de l’inférieur au supérieur », disait Saint-Benoît. La clé de cette phrase repose dans le mot « juste » qui laisse supposer que nous savons identifier avec certitude ce qui est intemporel de ce qui ne l’est pas, autrement dit, ce qui est ésotérique de ce qui est exotérique et le lien qui subordonne ensembles de cette grande unité.

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    �De la spécificité des Rites et des Rituels

    n spiritualité, la liberté fondamentale de l’homme repose sur la diversité des Rituels et leurs caractéristiques.

    Nous ne pouvons imaginer que, dans un effort syncrétiste phénoménal, tous les Rituels se fondent en un seul. Cependant, c’est une constante tentation, mais c’est avant tout une erreur.

    Il n’y aurait plus alors qu’un seul chemin disponible, le choix ne serait plus possible. Imaginons le Monde s’il n’y avait plus qu’une religion unique, quel danger si cette dernière était manipulée à des fins profanes!

    La diversité des Rites et des Rituels est donc le meilleur garant de la liberté fondamentale de l’homme qui est la condition sine qua non pour mettre en œuvre une élévation spirituelle, quelle qu’en soit la forme.

    Les premières expressions religieuses de l’homme reposent sur les relations que ce dernier présuppose avoir avec l’univers.

    Considérant les astres, solaire et lunaire et leurs circumbulations, les étoiles, les saisons, les éléments, l’homme a de tout temps recherché, dans une vision toute prophétique et intérieure, à mettre en forme des « mimes » susceptibles de créer un pont analogique entre l’unité parcellaire de son identité et le grand Tout. C’est ainsi que tous les Rituels sont avant tout une micro-répétition, ou restitution analogique, des macro-mouvements universels que leur constance rendait apparemment éternels, donc divins, en opposition à l’éphémère étincelle qu’est chaque vie humaine.

    Les Rituels permettaient, et permettent encore, de gagner paradoxalement une parcelle d’éternité de son vivant.

    Que ces derniers aient été mis en place 30 000 ans av. J.-C. ou au XVIIIème siècle, ou encore au XXème siècle, qu’il aient été créés en Chine, au Mexique, au Japon, à Jérusalem ou en Afrique, leur point commun est l’ « Univers ».

    C’est en ce sens qu’ils sont analogues en ce qui concerne leurs fondements ésotériques, mais pas identiques en ce qui concerne leur forme exotérique (langage, symbolisme, culture, etc.).

    Chaque Rituel possède donc une spécificité qui est caractérisée par l’espace-temps dans lequel il est né, spécificité qui est représentative de son adaptation.

    Pour imager notre propos, nous pouvons utiliser le symbolisme de l’Arbre, si riche, et dire que si le tronc commun est l’univers, ce dernier ne peut vivre et croître que dans le respect de sa multitude de racines qui vont chercher les éléments nécessaires à la vie de l’Arbre dans des directions et à des profondeurs différentes.

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    Coupez toutes les racines au profit d’une seule et vous pouvez être sûrs que l’Arbre mourra par « dessèchement ». C’est le danger du syncrétisme à voie unique.

    De plus, nous pouvons aborder un thème qui est commun à toutes les traditions et religions: celui de la chute dans la matière et du processus de « réintégration » vers le Monde originel, Monde spirituel.

    Ce thème impose la notion de liberté. L’homme et la femme ont le choix d’amorcer de leur vivant ce processus par une série de prises de décision à tendance « ascétique et éthique » qui les amènent à « relativiser les choses matérielles au profit des choses spirituelles ».

    Marche après marche, niveau après niveau, champ de conscience après champ de conscience, l’être spirituel domine l’être matériel, le fond domine la forme, l’intemporel domine le temporel, l’ésotérisme subordonne l’exotérisme. Les Rituels et leur hiérarchie logique sont là pour stigmatiser sensiblement ces évolutions, ces « passages » qui s’accomplissent subtilement dans la nature de l’être qui est en marche vers sa « réintégration ». Ils sont des photos, des instantanés qui fixent exotériquement une réalité toute ésotérique et intransmissible.

    Si tant est que ces mutations internes soient indescriptibles, peut-être gîte en cette caverne le secret de l’initiation.

    Les Rituels, eux, sont transmissibles et servent de guides, par leur exemplarité, à ceux qui suivent et qui cherchent « la Voie ».

    Toutes les racines de l’Arbre fouissent le sol pour alimenter ce qu’elles ne sont pas en leur fonction, le tronc, qui lui aussi alimente ce qu’il n’est pas en sa fonction, les branches et leurs feuilles, qui à nouveau alimentent ce qu’elles ne sont pas en leur fonction, les fruits, qui à leur tour quitteront l’Arbre pour en faire naître un autre. À nouveau, germe, racines, tronc, branches, feuilles, fruits assumeront un processus éternel, « la Vie ».

    L’élévation de l’Arbre vers le Soleil, ses ponctions d’éléments lourds dans le sol pour amorcer des échanges gazeux dans l’atmosphère et la chute de ses fruits en terre, sont l’image même de la chute et de la réintégration des êtres, et chaque étape est un « passage » qui met en œuvre un Rituel, ne serait-ce que celui des insectes pour la fécondation des fleurs en ce qui concerne l’Arbre. En effet, cette action n’est pas à voie unique, il existe une interaction entre le végétal et l’insecte. Il faut savoir que c’est la fleur qui sélectionne sa couleur. Les insectes ont une vision sélective, et certains sont attirés par le rouge, alors que d’autres se précipitent sur le bleu. L’appel qu’est la couleur de la fleur détermine la morphologie de l’insecte qui provoquera la fécondation. La fleur ainsi choisit son insecte, ou plutôt la morphologie d’insecte la plus adaptée à l’architecture de sa corolle.

    Positionnez le végétal dans une autre zone géographique dans laquelle la faune des insectes est différente, et il y a de grandes chances de voir la fleur sélectionner une autre couleur pour adapter son appel à la vie.

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    �De la nature des Rituels

    n Rituel est un « pont », un pont entre deux rives. Avant d’aller plus loin, il est important de redire que dans les dimensions que nous tentons d’explorer, il existe une triple nature qui se retrouve aussi bien dans l’homme que dans univers.

    Il s’agit de la dimension matérielle des choses, de la dimension psychique et de la dimension spirituelle.

    Si l’on en croit les textes de nombreuses traditions, y compris la tradition Judéo-Chrétienne, le Monde aurait été créé en deux étapes successives.

    La notion de divinité est présupposée dans une stase incréée. Si elle a tout créé, c’est qu’elle est avant tout dans le « Rien », dans le « Néant », et elle y reste.

    C’est en ce sens que la notion de divinité globale nous échappe et toute tentative d’appréhension ne peut être que réductrice et inexacte.

    Cette impalpable divinité cependant émane, expulse, engendre l’univers dans son ensemble.

    Pourquoi le fait-elle ?

    Ce point reste, lui aussi, inaccessible à l’homme. Aucune théologie n’a pu répondre à ce jour. Le déroulement créateur s’accomplit alors en deux phases.

    La première est l’éclaboussement de la lumière, du « Logos », qui est assimilable au Monde spirituel. En termes bibliques, nous pouvons dire que les « Anges », les êtres spirituels furent créés avant les hommes matériels, c’est la première « catabole » (du grec « katabolh » jeter les fondements, fondation), ce qui ne veut pas dire que l’homme spirituel ne fut pas créé en même temps. Ce serait l’Adam Kadmon, l’Adam de l’Éden, l’Adam d’avant la chute.

    Ensuite seulement et dans un deuxième temps, la deuxième « catabole », vient la création du Monde matériel. Les astres, les masses, les mouvements, les gaz et les germes de vie minérale, végétale et animale.

    Une partie du Monde spirituel « tombe » alors dans ce Monde matériel et participe ainsi aux deux natures, la spirituelle et la matérielle. C’est l’homme dans sa nature religieuse et sa capacité de passer de l’un à l’autre plan, ce qui le différencie fondamentalement du Monde animal, végétal et minéral.

    Cette double nature assure une charnière dynamique et cette charnière, c’est le « Monde Psychique ».

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    Ce Monde psychique possède lui aussi les deux dimensions matérielle et spirituelle, mais fondues ensemble, et c’est ce qui rend cette « zone » dangereuse. Il est excessivement « difficile » d’y discerner ce qui est d’origine matérielle de ce qui est spirituel.

    De plus, l’homme crée des projections psychiques, bonnes et mauvaises, qui viennent s’agglomérer dans ce Monde intermédiaire qui peut être un peu vulgairement considéré comme une « poubelle » des inconscients personnels et collectifs humains. Il en est de même pour l’inconscient de l’homme qui est habité par toutes les formes vivantes et agissantes dues aux refoulements.

    Cette « zone », cette « dimension » est absolument à contourner, à ignorer car elle est fascinatrice et trompeuse. Elle fera confondre ce qui est d’essence divine avec ce qui est de provenance humaine. C’est le Monde des tentations que tous les ascètes connaissent bien, tous ceux qui, pour atteindre le Monde spirituel de doivent affronter et vaincre la tentation.

    La tentation du Christ sur la montagne qui domine Jérusalem, ou la tentation de Saint-Antoine sont de bons repères de cette dangereuse réalité.

    Pour amorcer « sa » réintégration, il faut cependant passer à travers, en silence, les yeux fermés, en considérant passivement cette dimension « sans s’y arrêter ». C’est une des épreuves de la grande Initiation et la refuser, ou la fuir, ou la rater, c’est avoir l’assurance de rester confiné dans le Monde Matériel jusqu’au prochain essai.

    En ce qui concerne notre approche de la nature des Rituels, il était donc nécessaire de faire ce rappel.

    La réalité de l’homme, ainsi que celle de l’univers, dans leurs dimensions créées, seraient ainsi composées:

    Un Monde Spirituel Un Monde Psychique Un Monde Matériel

    Comme nous le disions tout au début, un Rituel est un « pont ». Le pont en question peut être tendu dans toutes les directions de l’espace mais aussi du

    temps, les bonnes et les mauvaises.

    Il faut considérer en effet qu’un Rituel est avant tout un outil qui ne détermine pas seul ses fonctions.

    C’est l’homme ou les hommes qui l’utilisent, qui définissent ses finalités. La seule chose qu’ils ne peuvent et ne doivent pas faire, c’est perturber la structure

    fonctionnelle du Rituel.

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    Le pont deviendrait alors fragile et pourrait s’effondrer lors du « passage », ou encore n’être plus un pont, tout simplement, et donc inutile et inefficace, tout juste un support à quelque agitation associative qui s’ébroue dans les événements du siècle.

    Le pont essentiel bien évidemment, est celui qui « relierait » le Monde Matériel et le Monde Spirituel en enjambant le Monde Psychique. C’est le schéma idéal et le plus usité.

    L’homme, le temps de ce « passage », se réintègre dans ses propriétés d’origine spirituelle d’avant la chute, ou du moins essaie.

    Mais comme il ne peut atteindre son plein potentiel d’un seul coup la lumière l’aveuglerait alors, avec le temps et des utilisations successives de Rituels adaptés, il gravit lentement ses échelons qui sont autant internes qu’externes. C’est le symbolisme de l’échelle de Jacob que nous considérons.

    Nous trouvons ici la justification des hiérarchies sacerdotales que nous pouvons identifié facilement autant dans les églises constituées (diacre, prêtre, évêque, presbytre) que dans les sociétés traditionnelles (Apprenti, Compagnon, Maître Cohen et Réau-Croix, par exemple).

    Dans ce cas de figure, le pont est large et l’appel est indifférencié. Il s’agit plus en fait d’une imprégnation, d’une descente, du Monde Spirituel, dans le Monde Matériel qui sacralise des éléments qui sont ensuite partagés entre les participants de la cérémonie.

    C’est l’Eucharistie. À ce moment précis de la messe, le prêtre, afin de sacraliser les espèces qui seront ensuite

    partagées, fait une prière silencieuse qui est appelée l’ « épiclèse ». Cette épiclèse est une invocation à l’Ange de la messe pour qu’il descende dans les espèces présentées.

    L’Ange de la messe est alors considéré comme le « messager » du Christ lui-même qui agit en son nom et doit être admis comme la puissance tutélaire invoquée qui ne peut se dérober à son devoir.

    Dans d’autres Rituels, plusieurs puissances tutélaires peuvent être invoquées, simultanément ou successivement, sans que cela change le moins du Monde la nature du mécanisme employé.

    Le pont est accompli et sa fonction est spirituellement opérative. Mais il existe aussi d’autres Rituels plus spécialisés, plus pointus, qui peuvent invoquer

    des « entités » définies et reconnaissables. L’enjeu est plus dangereux car tout ce qui est identifié se rapproche de la nature humaine, et par voie de conséquence de la dimension psychique.

    Quittant le niveau indifférencié précédent, nous entrons dans le Monde des formes et de la magie cérémonielle, la « théurgie ».

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    Le pont descend d’un cran dans la hiérarchie des choses et nous pouvons parler d’un véritable rapport de force, d’un « combat », qui se joue entre « l’invoquant et l’invoqué ».

    Il ne faut pas méjuger ou sous-estimer ce type de pont. Tout réside dans l’intention de l’opérant qui peut par ce moyen se frayer un chemin à

    travers le Monde Psychique vers le Monde Spirituel si ses intentions sont bonnes.

    C’est le combat de Saint-Antoine contre la tentation; c’est la descente aux Enfers de Dante avant d’entrevoir le Purgatoire et le Paradis, c’est le combat de Jacob avec l’Ange.

    Le moindre faux pas est irrémédiable et fait retomber l’homme à son point de départ, si ce n’est plus bas.

    Dans l’illuminisme du XVIIIème siècle, nous pouvons citer quelques noms de personnes qui sont passées au feu de cette épreuve: Martinez de Pasqually, Swedenborg, Lavater, Louis-Claude de Saint-Martin, Dom Pernety, Jean-Baptiste Willermoz, l’abbé Fournier, le comte de Lusignan, et certainement beaucoup d’autres, sans oublier l’étonnant curé d’Ars un peu plus tard.

    Comment oublier aussi les héritages de Sainte-Thérése d’Avila ou de Saint-Jean de la Croix, et de tous ces moines anonymes qui mirent sur le papier leurs expériences intérieures, formant ainsi la trame vécue de ce que nous pourrions appeler la théologie, expérimentale.

    Tous sentirent le « soufre » un jour ou l’autre, tous ont affronté le diable ou l’une de ses formes, c’est-à-dire le Monde Psychique, tous finirent leur vie au-delà dans une vision Mystique et pure des choses. Partant du Matériel, ils sont passés à travers le Psychique pour atteindre le Spirituel, ce qui n’est pas donné à tout le monde.

    Mais le pont peut encore descendre d’un cran sans pour autant changer de structure fondamentale.

    Il peut relier le matériel au matériel en passant par le psychique. Les entités invoquées sont extrêmement bien définies et font partie des forces qui gîtent dans la dimension psychique et qui n’ont qu’un seul désir: celui de redescendre vers le Monde matériel. Ces forces peuvent être qualifiées de démoniaques si nous comprenons que leur inertie les éloigne naturellement du Monde spirituel et du retour vers l’unité.

    Elles ne sont pas mauvaises dans leur nature, elles sont par nature descendantes et mortifères de par l’existence qui est la leur dans la colossale harmonie de l’univers. Elles accomplissent leur fonction naturelle. C’est l’homme qui, en les utilisant à des fins parfois douteuses, les rend mauvaises.

    Les entités évoquées sont troubles et pourraient être comparées à des condensats matériels de spiritualité régis plus par des contingences humaines que spirituelles.

    C’est dans cette zone que les magiciens dits « noirs » opèrent.

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    Les sorts d’amour ou de mort, de réussite matérielle ou de désirs inassouvis sont le moyen et le but de ces opérations qui, n’en doutons pas un instant, sont redoutablement efficaces dans la mesure où l’opérant sait ce qu’il fait. Le vaudou en est un bon exemple si nous prenons cette voie â son niveau le plus bas.

    Nous venons de considérer trois positions possibles pour les « pontages rituéliques ».

    Il serait possible de dire que ces positions soient verticales dans le sens où elles laissent supposer une relation du haut vers le bas et du bas vers le haut.

    Il en est d’autres qui peuvent enjamber le temps. Tous les cultes des ancêtres ou des héros disparus possèdent des Rituels qui créent un

    « pontage » entre deux temps, le passé et le présent. Ces Rites très anciens ont plusieurs vertus.

    De prime abord, ils aident une collectivité, souvent tribale, à conserver la « mémoire » de son passé et des hauts faits qui ont constitué progressivement son identité présente.

    Ainsi, les Anciens, une fois par an, au coin du feu, racontent... Ils racontent qui était qui, ce que chacun a fait, les généalogies, les victoires, les défaites, tout ce qui forme le tissu inconscient collectif du groupe qu’ils font périodiquement remonter en surface des conscients personnels. Ils sont la tradition orale transmise aux jeunes. Les Bardes du Monde Celte sont exemplaires sur ce point.

    Mais en dessous de ce Rite sociologiquement nécessaire dans certains cas, se souche une autre réalité.

    Les «Anciens» laissent une trace dans la dimension psychique et, éventuellement, dans la dimension spirituelle. Cette trace est repérable et utilisable. Il suffit de « se mettre en présence de... ».

    Un Initié-Druide un jour nous dit:

    « Si tu te trouves dans un musée et que tu considères le tableau d’une femme d’une grande beauté, peut-être ressentiras-tu un désir pour elle… et pourtant elle est morte depuis des années.

    « Quelle est donc la nature de cette relation que tu vis ?

    « Si tu sais aller au-delà des apparences de ton conditionnement, tu te devras d’admettre que le fait de t’être mis en présence de cette femme, et le désir flou que tu éprouves pour elle, l’ont ressuscitée... elle est vivante en toi tant que tu restes en présence d’elle avec ce désir et cet amour. »

    Ceci est à la base des Rituels des Morts.

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    Qu’il s’agisse de la Toussaint des Chrétiens, de la fête de Samain des Druides, du culte des Anciens du Confucianisme, du spiritisme ou des cérémonies Martinistes, sans oublier tous les Rites tribaux de tout l’espace-temps planétaire, nous sommes devant des Rituels qui créent un pont entre le passé et le présent. Les rives sont différentes, mais le pont est le même.

    Ces Rites pourraient être qualifiés d’horizontaux, religieusement parlant, dans le sens où ils créent une relation entre deux étapes de nature exclusivement humaine seulement séparées par un temps donné…

    Il est à noter qu’en ce qui concerne les Rites des Anciens, en Chine, au XVIIème siècle, ils ont été au centre de la querelle qui opposa la Compagnie de Jésus à Rome.

    Les Jésuites, ayant réussi à christianiser toute la Chine sous réserve de conserver certains Rites ancestraux, furent déboutés et rejetés parle Vatican sous prétexte que ces Rites n’étaient pas d’origine Chrétienne et que cette «conquête» faisait trop de concessions par rapport au canon Romain. Il a fallu deux cent cinquante ans pour que les Jésuites aient gain de cause et que l’on commence à parler de d’ « inculturation des Rites ».

    Les Rites sociologiques « horizontaux » ont enfin été acceptés et reconnus comme complémentaires des Rites « verticaux ».

    Si tant est que nous ayons identifié deux directions possibles en ce qui concerne l’utilisation des Rituels, il faut avouer que toutes les conjugaisons sont possibles, toutes les obliques, toutes les sinusoïdales, tous les cas particuliers.

    Si nous voulions prendre encore un exemple, ce serait celui de la cuisine et des recettes qui dépendent tout autant de leur propre définition que de la nature profonde de celui qui les met en œuvre.

    Ainsi en est-il de l’alchimie également.

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    �De la Naissance des Rites et des Rituels

    l est important de survoler rapidement les conditions qui président à la naissance d’un Rite, d’un sacrement et des Rituels.

    La diversité et les spécificités des Rites et des Rituels imposent le fait qu’en dehors du « mime cosmique » qui les rend tous analogiques par rapport à une trame unique, l’ « Univers », il faut aussi isoler et comprendre ce qui fait la spécificité de chacun.

    La naissance d’un Rituel est avant tout provoquée par la rencontre spontanée de la dimension spirituelle et de la dimension matérielle. Nous sommes devant un processus prophétique.

    Il est aisé de reconnaître ce processus dans l’ « archéo-Judaïsme ». Dans le premier cas, nous trouvons un groupe d’hommes, rarement de femmes, ou « un homme unique » qui prend une position de « Prophète ». La population tribale se groupe autour de lui. Le Prophète est sous influence de ce que nous pourrions appelé l’ « Esprit », et restitue à la collectivité ce qu’il perçoit du Monde Spirituel et les schémas qui lui sont transmis. Il cumule ainsi la fonction sacerdotale et la fonction prophétique qui généralement se séparent et se différencient dans une phase ultérieure, quand le culte se met en place en tant qu’institution.

    Pour traduire ce qu’il perçoit du langage des Dieux en langage d’homme, il met en place des Rites et des Rituels qui correspondent à l’Esprit qu’il perçoit.

    Cet Esprit a une relation spécifique avec l’ « homme-Prophète » qui engendre des Rituels tout autant spécifiques, et surtout adaptés à la morphologie psycho-sociale du groupe en question. C’est un travail qui se fait au niveau de l’inconscient collectif qui se fige, se cristallise d’autant-mieux en définissant son identité et son originalité.

    La relation du Druide et du Barde reprend précisément cette articulation. Le Barde est sous influence de l’Esprit sous toutes ses formes, qui se hiérarchisent en une cascade de Dieux se subordonnant les uns aux autres. Il est le Prophète. Il traduit en langage d’homme ce qu’il perçoit du langage des Dieux et transmet cette « matière » au Druide, l’homme sacerdotal complet, pour qu’il mette en œuvre des Rituels inspirés, chaque Rituel correspond donc précisément à la facette de l’Esprit qui s’est exprimée à travers le Prophète.

    Chaque Rituel possède une « serrure » sur mesure qui permet de recontacter cette facette spécifique de l’Esprit qui, elle, est adaptée à l’inconscient collectif du groupe considéré.

    Voilà pourquoi le syncrétisme est dangereux, spirituellement parlant, car en mélangeant tout dans tout, il modifie la « serrure » et le contact est perdu. À contrario, le respect de la spécificité de chaque Rite ou Rituel s’impose.

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    Nous ressentons comme probable que la facette spirituelle qui s’est exprimée à travers le Prophète est « l’habitant » du Rituel en question... il est présent dans le Rituel et il transmet ses influences aux personnes qui l’utilisent.

    Précisément à ce point de notre développement, nous venons d’isoler la notion de « filiation spirituelle » qui est axiale dans toutes les religions et traditions.

    Tout homme sacerdotal est porteur de l’Esprit qui fut celui de son prédécesseur, et, ainsi de suite, jusqu’à ce que la filiation aboutisse dans le passé à celui qui a créé le Rituel en question ; autrement dit, celui qui reçut la première influence de l’Esprit.

    Evêques, Chamanes, Druides, Initiés Africains, Bouddhistes, Hindouistes sont tous, en tant qu’hommes sacerdotaux, porteurs de ce qu’il est convenu d’appeler une filiation spirituelle spécifique.

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    �De la Nature de la Filiation Spirituelle

    l faut rentrer en théologie pour aborder la nature de l’Esprit qui se transmet par filiation, ou la nature de ses actions dans le cadre des Rituels qui sont mis en œuvre.

    Reprenant le schéma de la trinité Chrétienne, ou du Dieu Trine des Celtes, encore des divinités triples de l’Orient, nous pouvons dire qu’une seule des trois parties de ces ternaires divins est communicable à l’homme.

    La face créatrice de la divinité est dans l’incréé, c’est le Père. La face émanée de la divinité, le Logos, le Fils, est la clé de voûte du Monde Spirituel. Entre cette clé de voûte et la matière se hiérarchisent des forces, des esprits, des Anges, des Élohim qui, pris dans leur ensemble, selon une vision toute Chrétienne, composent l’Esprit Saint et la multiplicité de ses énergies manifestées.

    Seul cet Esprit est communicable à l’homme et son action dans le Monde Matériel correspond à l’ouverture d’un chemin qui permet à l’homme de remonter de son vivant vers la source de toute chose, le Logos, le Christ.

    Le Dieu, l’Ange ou l’Esprit n’est pas la divinité en soi, mais le chemin qui mène vers elle.

    Cet Esprit peut prendre des formes et des expressions infinies, rien ne le contingente si ce n’est sa subordination au Logos.

    Son « lieu de travail » se souche dans les inconscients personnels et collectifs principalement. Il peut aussi envahir un homme au niveau du conscient, engendrant ainsi des visions à l’état d’éveil. Il peut s’incarner dans tout être vivant et même dans les objets. L’Esprit habite par définition avec plus ou moins de force et prend à chacune de ses actions une forme spécifique qui correspond au milieu dans lequel il agit afin de se faire mieux comprendre.

    La diversité de ses actions a fait naître dans toutes les religions et toutes les traditions le concept de hiérarchie du Monde Spirituel.

    Les différentes puissances mises en œuvre dans les impacts divers de ce Dieu communicable ont fait hiérarchiser les effets de ces « habitations ». Quand ces effets ont été considérés comme spécifiques et identifiables, alors un nom leur était donné, nom généralement gardé secret de par le fait qu’il devient la « clé » de la serrure invocatoire ou incantatoire du Rituel utilisé et mis en harmonie analogique avec l’entité en question.

    À chaque Rituel correspond une entité, une force tutélaire qui lui est relative. Cette diversité de forces invoquées pourrait provoquer un malaise ramenant notre démarche vers un apparent polythéisme.

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    Il n’en est rien. Nous reprendrons volontiers une des phrases d’un théologien de la Compagnie de Jésus,

    au centre Sèvres, qui un jour nous dit: « Dieu est une réalité plurielle. » La divinité est une et se révèle à l’homme par la diversité de ses énergies manifestées.

    Cette approche des choses spirituelles peut, sous un certain angle, créer une zone de communication entre les polythéistes et les monothéistes dans la mesure où les héritages dogmatiques, de part et d’autre, sont relégués au deuxième plan.

    Il est clair que deux types d’influences de l’Esprit se présentent à nous. La première serait une influence par « imprégnation » qui agit dans un sens large et

    diffus sur tous les participants par le partage d’espèces sacralisées, par exemple, ou tout simplement du fait de leur présence et de leur participation physique au Rituel.

    La deuxième repose sur la notion de filiation spirituelle qui transite dans le temps d’un homme sacerdotal vers un autre homme sacerdotal en lui donnant la « clé de la serrure », autrement dit le pouvoir de « chanter », d’ « incanter » sur le « « ton juste » ».

    Il est l’Homme Sacerdotal Initié dans le sens large et complet du terme.

    Un dernier point sur ces filiations. Quand la chaîne humaine est rompue et, par voie de conséquence, la transmission de

    l’Esprit qui a présidé à l’inspiration dudit Rituel, la filiation est considérée comme morte et inutilisable.

    La Pentecôte Chrétienne est l’exemple parfait qui image notre propos. À un moment donné, l’Esprit est descendu sur les apôtres sous la forme de flammes, chacune reposant sur l’un d’eux. Des dons charismatiques immédiats furent la conséquence de cet événement peu commun (pouvoirs de guérir, d’enseigner, de parler les langues, etc.). Les filiations épiscopales de l’ensemble de toutes les sensibilités Chrétiennes sont souchées sur des filiations spirituelles issues et distribuées par ces mêmes apôtres, ce qui explique que l’Église soit qualifiée en tout premier lieu d’apostolique. Il n’existe pas un évêque qui ne puisse prouver sa filiation jusqu’à un de ces apôtres. Le premier des Rituels qui est habité par cet Esprit, cette parcelle de la divinité, communicable à l’homme, est celui de la messe, de l’Eucharistie. Comme nous le disions précédemment.

    L’Esprit est invoqué lors de l’épiclèse par celui qui en connaît le « Nom » afin qu’il descende sur les espèces et les sacralise.

    Elles seront ensuite réparties. Nous comprenons que ledit Rituel ne peut être mis en œuvre que par un porteur de la filiation pour que la diffusion de l’Esprit se fasse par partage, aspersion, sur les assistants.

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    Quel que soit le Rituel, ceci en est la structure opérationnelle. Nous sommes à même maintenant de mettre en évidence que si l’ « Habilitation » du

    Rituel par l’Entité compose l’essence de son ésotérisme intemporel transmissible, la formulation matérielle de ce même Rituel (mots, gestes, rythmes, etc.) est « SA » dimension exotérique.

    L’Esprit est le germe de vie qui gîte dans le jaune de l’œuf ; et la formulation du Rituel est la coquille qui le protège jusqu’à sa maturité.

    Toutes les coquilles se ressemblent, elles sont pourtant uniques et différentes. Par contre, tous les jaunes sont de même composition biologique, seul le code génétique

    change, c’est le Nom, la Clé, qui permet d’identifier la force, le type d’expression de l’Esprit.

    L’invocation n’est pas la même si l’on veut dialoguer avec une Colombe ou avec un Aigle, un Ange ou un Démon. L’outil est le même, seul change le code génétique, la Clé, le Nom !

    Il y a donc bien un « passage »», une « diffusion » qui transite de la rive Spirituelle vers sa correspondance Matérielle.

    Voilà pourquoi nous avons dès le début considéré tout Rituel comme un « pont ».

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    �De la Fonctionnalité d’un Rituel

    a première caractéristique d’un Rituel, c’est qu’il fonctionne quoi qu’il arrive. Les théologiens disent qu’un Rituel fonctionne « ex opere operato ».

    Cet automatisme fonctionnel est bien agréable au premier abord, mais il peut aussi se révéler être une chose bien dangereuse.

    Une condition préalable est cependant nécessaire. Il faut tout d’abord que ledit Rituel soit conservé dans son intégralité, que la serrure et

    la clé du « pont » ne soient pas déformées. Dans le cas contraire, le résultat est évident: rien ne se passe, l’opérativité du Rituel est nulle et aucun « cambriolage » n’est possible dans ces zones spirituelles.

    La mécanique conservée dans son intégralité, la combustion peut avoir lieu.

    Que l’opérateur soit dans l’ignorance la plus totale de la nature de ce qu’il fait et des conséquences qu’il engendre sur tous les plans précités, le Rituel cependant fonctionne.

    Que l’opérateur ne connaisse pas la langue qu’il emploie et qu’il ne lasse que réciter de mémoire, le Rituel fonctionne.

    Que l’opérateur soit un amputé spirituel et que ses positions personnelles l’amènent à nier toute spiritualité et qu’il se mette à pratiquer un Rituel « pour rire », le Rituel fonctionne.

    Qu’il prenne la place d’un Apprenti sorcier et le Rituel fonctionne.

    Wall Disney a créé un merveilleux Mickey dans « Fantasia » sur ce sujet qui maintenant est un classique.

    Nous comprenons très rapidement le danger qui réside dans la nature « ex opere operato » de tout Rituel opérationnel.

    Cet état de choses a de tout temps entraîné le fait que les Rituels sont peu disponibles au niveau d’un public large et que certains d’entre eux sont excessivement secrets. Cela permet de cacher la « clé » sans laquelle tout effort est vain. C’est ainsi que sont nées les écoles des mystères de l’Antiquité à nos jours.

    Mais il faut séparer ces écoles en deux catégories, les vraies et les fausses. Certaines sont réellement dépositaires de filiations spirituelles et gardent ainsi toute leur opérativité. Un enseignement réel est apporté, justifiant l’initiation qui avant tout est une mise en marche sur un chemin spécifique. La notion de « secret » existe bien, sans excès, et dans le seul but d’être dévoilé à celui qui peut « encaisser ».

    D’autres sont des tanières de « gourous ». Le secret est mis en avant avec intensité. On promet de grandes révélations qui ne viennent jamais. On inculque alors la patience comme vertu primordiale.

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    Les gourous se retranchent derrière un secret inviolable et jouent les « supérieurs inconnus ». Entre- temps, pendant de longues années, ils profitent d’un cheptel tout à fait malléable et servile. Dans leur cas, le secret ne protège que le vide et ils ne sont dépositaires que d’eux-mêmes, de leurs angoisses et de leur soif d’un certain pouvoir occulte qui compense bien souvent une vie sociale plus que médiocre, tant sur le plan moral que sur les plans professionnel et culturel.

    L’intégrisme rôde souvent dans ces écoles.

    Mais revenons à l’opérativité des Rituels et leur quasi-automatisme. Il faut quand même dire que si un Rituel fonctionne quoi qu’il arrive, il peut le faire de

    différentes manières et surtout avec des intensités variables. C’est là que l’ « Homme Sacerdotal » complet et initié, conscient des conséquences de ses actes, sachant localiser la serrure et possédant sagement la clé, marque une différence.

    Son premier atout vient du fait qu’il a la connaissance des choses, et non pas seulement quelques savoirs anarchiquement empilés dans le désordre, les uns sur les autres. Il a intégré dans « Son Être » profond là réalité du Monde Spirituel et, porteur d’une filiation, il est en lui-même un « pont » habité.

    À titre personnel, il n’a plus besoin de Rituels pour communiquer. S’il est « sacerdote », c’est par devoir vis-à-vis de la collectivité qui est la sienne pour que l’ensemble du groupe puisse avoir une vie spirituelle par son intermédiaire.

    Son action « rituélique » n’est donc pas hasardeuse, mais volontaire et précise. Cette précision dans l’intention augmente l’intensité du Rituel utilisé d’une manière considérable.

    De plus, il connait l’importance de la concentration, de la focalisation de son attention, de tout son être, sur un objet, une attention prédéfinie.

    Il sait « se mettre en présence de ... », que cela soit d’un Ange, d’un Dieu, d’un ancêtre, il sait être l’axe polaire des énergies mises en mouvement par le Rituel. Il les dirige, les influence, les canalise.

    Entre l’opérateur ignorant, mais de bonne volonté, et le sacerdote initié, il existe la même différence qu’entre un objectif « grand-angle, fish-eye » monté sur un appareil photographique standard qui balaie large, et un téléobjectif puissant, monté sur un appareil complexe nécessitant de nombreux réglages, capable de fixer un objet très éloigné que cela soit dans l’espace, et dans ce cas précis, parfois dans le temps.

    Mais les deux peuvent prendre de très bonnes photos, seule la précision du résultat change. C’est cela l’aspect « ex opere operato » des Rituels.

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    �De la Force Tutélaire

    ous allons conclure ce chapitre en survolant de très haut la notion de force tutélaire d’un groupe.

    Il est remarquable qu’en dehors des religions qui invoquent leurs Dieux, ou leur Dieu, toutes les confréries de métier invoquent aussi une force tutélaire qui leur est spécifique.

    Que cela soit les métiers compagnonniques, ou les métiers des armes, les Chevaleries, une force tutélaire identifiée leur est relative. Cette force peut être un Saint, un Ange, un archange, la Vierge, un Dieu.

    Saint-Éloi pour les orfèvres, Saint-Claude pour les tanneurs, mais aussi Saint-Michel et Saint-Georges ou Saint-André pour les Chevaleries, ou encore la Vierge pour d’autres Chevaleries.

    On invoque Saint-Antoine quand on a perdu quelque chose et Saint-Roch quand on est malade.

    Vulcain était le Dieu des forgerons, Mars celui des guerriers, Athéna la déesse des arts et de l’étude.

    Les « Animistes » invoquent les esprits de la nature, de la terre, du feu, de l’air et de l’eau. (Animiste : du latin « animus », originairement esprit, puis âme. C'est « la croyance en une âme des choses, en un monde des esprits, en une force vitale ».)

    Pour appuyer encore plus le fait que nous pressentons que la forme des forces tutélaires est directement indexée sur la nature des inconscients collectifs des groupes considérés, rappelons que les nations aussi ont leur force identifiée, parfois les régions ou les villes: Saint-Michel pour la France, Saint-André pour la Bourgogne, Saint-Patrick pour Irlande, Saint-Pierre pour Saint-Pétersbourg, etc.

    Tous les groupes religieux ou traditionnels, et souvent ethniques, ont une force tutélaire. Il semble que de tout temps, l’homme a compris qu’il ne pouvait s’attribuer la divinité dans son essence incréée, alors il s’est attribué des chemins spécifiques selon les caractéristiques des groupes considérés, chemins qui tous convergent vers la divinité sans se confondre et qui sont constitués par une des énergies manifestées identifiable de la partie transmissible de la divinité.

    Ces forces tutélaires rentrent donc par la grande, porte dans la hiérarchie des êtres intermédiaires, archanges, anges, séraphins, trônes, dominations, puissances, vertus, propriétés et puissances, ou encore fravarti, devas, kami, élohim, malach, dieux et demi-dieux.

    Les Rituels seraient donc des convertisseurs, des transformateurs, des traducteurs de langages de Dieux en langages d’hommes, et vice-versa.

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    La collectivité invocatrice deviendrait le « nid douillet » de la force tutélaire qui en échange de sa protection et de la pérennité qu’elle apporte au groupe, est honorée, alimentée par la ferveur de ses adorateurs.

    Plus le groupe est important, plus la force tutélaire est importante et plus sa capacité d’intervention dans le Monde Matériel est puissante.

    On comprend désormais la justification de certains prosélytismes religieux ou traditionnels qui élargissent la base de leur édifice par la quantité au détriment de la qualité de leurs adhérents.

    On comprend aussi l’intérêt croissant que provoquent les groupes de prières qui obtiennent, parfois des guérisons assez extraordinaires.

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    De la Cristallisation d’une Force Tutélaire

    ean Guitton, répondant un jour à la question: « Qu’est-ce que l’univers ? » Il répondit: « L’univers est une machine à fabriquer des Dieux ! »

    Si les Dieux, les Anges et les Démons sont bien les habitants de la dimension spirituelle de l’univers, ils font alors, sans aucun doute possible, partie de la création.

    À ce titre, ils naissent, vivent et meurent.

    Ils naissent, vivent et meurent dans la forme qui leur est attribuée, mais pas dans leur essence car la vie est éternelle. Ainsi peuvent-ils laisser mourir et se dessécher une de leurs formes anciennes au profit d’une nouvelle, plus adaptée au siècle de la collectivité qui les honore.

    Cette question mérite d’être posée quand on considère le bon vieux Lucifer, le Porteur de Lumière (de lux et defero, en latin: « je porte la lumière ») et Saint-Michel, l’archange de Lumière, sans oublier le très ancien Lug des Celles, leur Dieu de la Lumière.

    Si les formes de ces trois entités sont de toutes évidences différentes, qu’en est-il de leur essence ?

    Pour aller plus avant, il nous faut encore employer une image: le sel de l’océan.

    Dans sa forme originelle, la force de la force t