ITINÉRAIRE D’UN OFFICIER FRANÇAISDU FRONT D’ORIENT EN ALBANIE

GRÉGOR MARCHAL

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autres unités auxquels ils appartenaient. Ma connaissance des lieux indiqués a permis aussi une identification précise de certains lieux non légendés.

Le lieutenant Silhol réserva aussi une agréable surprise quand un soir, son album tomba et qu’une photo glissa de son cadre : il y avait des informations complémentaires aux versos des photos. Ces nouvelles informations comportaient aussi des erreurs de datations et les légendes des rectos étant parfois un peu différentes de celles des versos ou de celles des plaques de verre (quand il y en avait). Pour compliquer un peu la tâche déjà complexe de datation, notre lieutenant a collé ses photos en ne respectant pas une chronologie stricte. On suppose aisément que les photos et les plaques de verre ont été datées et annotées longtemps après la guerre.

Cet ouvrage va retracer l’itinéraire de cet officier depuis son arrivée à Florina jusqu’en septembre 1918. Il participe aux ravitaillements des troupes qui occupent l’Albanie et aux offensives de mai, juin et juillet 1918. Les légendes et les explications données s’arrêteront aux informations dont il pouvait disposer.

L’identification des officiers a présenté des difficultés pour certaines : l’orthographe des noms de familles est approximative et certains officiers n’ont pu être identifiés comme le commandant Arizzoli (introuvable dans les tables et autres registres de la Grande Guerre) ou comme pour le lieutenant Thomas du train (du 9e ETEM) car il n’y a pas de JMO sur cet escadron en Orient et des dizaines de lieutenants Thomas.

Le lieutenant Silhol a pris ses clichés avec des appareils photographiques de type Perfect Pliant (différentes versions), Débutant 6 x 9 ou Folding Perfect 6 ½ x 9, utilisant tous les négatifs sur plaque de verre de 6 ½ x 9 cm. En fonction du modèle et de la marque, le poids variait de 475 à 900 grammes. Si on ajoute les boîtes de plaques de verre ou le nécessaire pour le tirage des photographies, on arrive à environ une charge comprise entre 1 kg et 1,5 kg à transporter. On peut supposer qu’il pouvait faire développer certaines de ses photos à Florina ou à Koritza qui comptaient déjà plusieurs studios de photos. Pour les plaques de verre, il était très certainement possible de se fournir auprès de ces mêmes studios ou par l’intermédiaire de l’état-major, ou bien par sa famille lors de la réception des colis.

Les photos de l’album sont tirées d’après des plaques de verre au gélatino-bromure d’argent (extra-rapide). Compte tenu du nombre de photos et des périodes de prises de vue, on peut supposer qu’il y a eu d’autres photos tirées ou d’autres plaques de verre non développées.

La rencontre avec Loïc Chauvin et Christian Raby d’Ecrits de lumière a été décisive dans la volonté de faire paraître cet ouvrage. Loïc Chauvin s’est occupé de la numérisation des plaques de verre et de la maquette. Ses conseils ont été précieux pour la réalisation finale.

des confins albanais que les Français ont organisé et administré pendant plus de trois années. Cet ensemble photographique met aussi en lumière ces soldats de l’ombre : ceux du Train et des équipages militaires qui malgré le fait qu’ils ne participent pas directement aux combats, ont une mission de premier ordre : celui d’assurer l’intendance et l’approvisionnement des combattants par tous les temps et quelques soient les difficultés rencontrées.

L’identification du photographe ne fut pas aisée mais une inscription sur une petite enveloppe protégeant une des plaques de verre me donna déjà des indications précieuses : « Monsieur Lieut Lilhal – 263/17 TEM K6 ». Des indications précises mais qui ne signifiaient rien pour moi. Le détail du col du lieutenant et d’autres soldats le plus représenté indiquait le numéro « 17 », mais de quelle arme s’agissait-il ? Après avoir épluché les JMO (journaux de marches et d’opérations) de nombreuses unités en recoupant celles des photos et celles des lieux, j’ai trouvé qu’il s’agissait du 17e ETEM (escadron du Train et des équipages militaires). Le « K 6 » était facilement identifié comme étant un camp militaire situé au 6e kilomètre de la route Florina (Grèce) à Koritza (Albanie).

L’autre difficulté était de trouver ce lieutenant. Le JMO de la 263e Cie du 17e ETEM ne mentionnait que rarement le nom des soldats et, en date du 01.11.1917, apparut le nom du lieutenant Silhol. « Lilhal » était une mauvaise lecture de l’écriture figurant sur la petite enveloppe. L’autre particularité était que notre lieutenant avait un frère qui servait dans la même arme en Orient, au 18e ETEM. J’avais une piste que je n’allais plus lâcher. Une fois les lieux identifiés grâce aux annotations du photographe et les dates grâce aux JMO, j’ai cherché et retrouvé les autres personnages identifiés sur les photos et analysé les JMO des

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recto Cdt Duval – Lieut Cusenié janvier 1918

Commandant Duval : il est nommé chef d’escadron à titre temporaire du 16e ETEM le 30.12.1915 après son arrivée le 12.10.1915.Le 02.11.1915, il est le commandant du Train et des Equipages militaires de l’Armée d’Orient (le brassard vert est attribué aux personnels des commissions de ravitaillement). Il remplace le capitaine Lescot dans cette fonction.Le 08.04.1916, il devient l’adjoint du commandant Martin qui prend à son tour le commandement du Train et des équipages militaires de l’Armée d’Orient qui deviendra l’Armée française d’Orient (AFO) le 11.08.1916. Il réside à Salonique.À cette date, il est rattaché administrativement avec son adjoint au 18e ETEM.Il a sous son commandement plusieurs compagnies dont la Cie 12Bis/5 du 5e ETEM où se trouve l’adjudant Cusenier.Sous-lieutenant Cusenier : il est promu sous-lieutenant le 09.02.1917 à son arrivée en Orient, il passe de la Cie 62/5 du 5e ETEM à la Cie 14/18 du 18e ETEM le 03.01.2018, comme adjoint au chef d’cscadron commandant le TEM de l’AFO dirigé par le commandant Duval. Atteint par son tour de relève, il est rapatrié en France le 18.06.1918.

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Km 6 (appelé aussi Camp Grossetti) – Grèce Vétérinaire aide-major 2e classe Frémiot (erreur d’orthographe) : il est le vétérinaire de la Cie 113Bis/17 évacué sur l’hôpital de Florina le 14.03.1918.Lieutenant Verdon : commandant la Cie 262/17 du 17e ETEM depuis le 20.02.1917 (venant du 9e ETEM). Il participe aux offensives en Albanie en 1918. Il est rapatrié le 16.11.1918Vétérinaire aide-major 2e classe Dehecq : il arrive à la Cie 262/17 du 17e ETEM le 07.06.1917. Il est tué lors d’un bombardement le 19.05.1918 à Voskopojë (Albanie).Lieutenant Joffre : il arrive en Orient avec 177 hommes en renfort 20.09.1917.Vétérinaire aide-major 2e classe Missenard : il arrive à la 263/17 le 26.01.1918 (venant du 5e ETEM).Martin ? : peut-être le Cdt Martin, Cdt en chef du Train des équipages militaires de l’AFO au cours d’une inspection.Vétérinaire aide-major 2e classe Maire : il assure le service de la Cie 11Bis/18 le 03.05.1918.Lieutenant Thomas : de la Cie 21/9 du Train qui a eu la direction de la Cie 262/17 le 23.06.1917 à Babsor (Grèce) pour l’exploitation forestière.

En 1914, il y a 522 vétérinaires dans l’armée française dont 134 mourront durant la guerre. Leurs fonctions sont très variées, ils s’occupent entre autres : de la santé des animaux et leur traitement, de la maréchalerie et de l’approvisionnement des denrées fourragères, de l’inspection des animaux de boucherie et des viandes destinées aux troupes.

recto Frémiaux, Verdon, Dehecq, Joffre, Missenard, Maire, Martin, Thomas verso Dîner de promos à la cie - Frémiaux véto, Verdon tringlot, Dehecq véto,

Joffre tringlot, Missenard véto, Maire véto, Martin tringlot, Thomas visiteur

février 1918

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recto Km 6 – Missenard à ma canha février 1918

Missenard qui vient de la Cie 114/15 est le vétérinaire de la Cie 263/17 depuis le 26.01.1918.

La « canha » ou « cagna » est l’habitation pour un officier ou un groupe de soldats. Il s’agit souvent d’une ruine aménagée selon les besoins ou d’une baraque construite avec les matériaux trouvés sur place. Ce mot d’argot du poilu provient du vietnamien et désigne à l’origine l’habitat rudimentaire des habitants du Tonkin.Au Km 6, ces cagnas passent de main en main selon les affectations des diverses unités qui transitent par ce camp. Au vu du nombre de clichés sur lesquels se trouve Missenard, on suppose aisément que le lieutenant Silhol est devenu un proche camarade.

recto Km 6 – Renard et Tente Bureau février 1918

Adjudant-chef Renard : il est affecté à la Cie 263/17 depuis le début de 1917 et il connaît très bien le camp du Km 6 et ses environs (Zélova, Florina, Malaha, Lagen, Buf, Pisodéri) pour y être resté plusieurs mois. C’est un chef de convois expérimenté de la Cie 263/17. Il est très sollicité pour des missions difficiles lors des offensives de 1918 en Albanie.

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Le monastère de la Panagia Mavriotissa se trouve à la pointe de la péninsule, au milieu du lac. Il a été construit au XIIe siècle et conserve comme l’église Panagia Tholoti de superbes fresques des XIIe et XIIIe siécles. Une chapelle a été ajoutée au complexe monastique au XVIe siècle. Le lieutenant Silhol l’a découvert en faisant le tour de la péninsule qui n’excède pas 5 km.

recto Lac de Kastoria : Monastère de Mavrovo mars 1918 recto Kastoria : Eglise Panaguia Tholoti (VIIIs)

mars 1918

Il s’agit de la plus vieille église de Kastoria. Elle se trouve au centre de la ville. Le lieutenant Silhol a pu admiré les fresques extérieures du XVe siècle et celles de l’intérieur du XIIIe siècle.

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recto Enterrement de Dehecq 20-21 mai 1918

Dernier adieu au camarade et frère d’armes. Un piquet rend les honneurs. Le lieutenant Verdon, casquette à la main, se recueille avec les hommes avant la mise en terre dans le cimetière, à quelques pas de l’église Saint-Nicolas.Après la guerre, la tombe du vétérinaire Dehecq a été déplacée dans la cour de l’église. Elle a été rénovée et mise en valeur en 2014, et les honneurs militaires lui ont été à nouveau rendus le 11.11.2014.L’infirmière appartient à l’Ambulance alpine n° 7. Cette ambulance de 80 lits est installée dans l’église Saint-Nicolas de Moschopole depuis le 13.05.1918 ; le groupe chirurgical Revel (Ambulance 13/21 de Koritza) s’est établi dans la cour.Un second vétérinaire perdra la vie en Albanie : le vétérinaire aide-major de 1re classe Maurice Charmoy affecté à l’infirmerie vétérinaire de Koritza décèdera à l’Ambulance 13/21 de cette même ville, le 15.10.1918.

recto La tombe du Vétérinaire Dehecq mai 1918

Il est enterré dans le cimetière se trouvant non loin de l’église Saint-Nicolas. Rapidement, le cimetière a été aménagé. Des soldats élèvent un muret avec les pierres des maisons détruites.

Tous sont enterrés ensemble, quelque soit leur religion, comme si cette solidarité et cette fraternité d’armes ne cessaient pas, même dans la mort. La seule distinction pour les chrétiens une croix et pour les musulmans, une stèle calligraphiée.Le nouveau cimetière de Koritza, aménagé dans les années 1930, rassemble une grande partie des morts d’Albanie sous des croix de marbre blanc. La tombe du vétérinaire Dehecq est restée dans le village près de l’église. Les habitants se sont opposés à son départ quand il a été question de la transférer à Koritza.

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recto Monastère Nord Moskopole 18–19 mai 1918

De ce monastère ne subsistent aujourd’hui que l’église Saint-Ilia et le clocher, au départ de la route des caravanes vers Berat.Beaucoup d’édifices religieux de Voskopojë ont été détruits pendant la Première Guerre mondiale, puis ensuite par le régime communiste.

recto Sv Prodrom 19-20 mai 1918

Le 19.05.2018, la Cie 262/17 se transporte dans les bois de Saint-Jean-Prodrome pour échapper à la vue des avions ennemis. Le lieutenant Silhol rejoint le lieutenant Verdon qui la commande pour préparer les opérations des jours suivants et assurer un ravitaillement des troupes de premières lignes. Il en profite pour visiter le monastère.

Il s’agit du monastère Saint-Jean-Prodrome (à Voskopojë), construit au XVIIe siècle, qui a accueilli des moines jusqu’en 1916. Il se trouve à un peu plus d’un kilomètre du centre du village, sur l’autre rive de la rivière Voskopoja.

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recto Saint-Prodhom (Shen Prodhom) – coupole de l’église du monastère 19-20 mai 1918

Lieutenant Silhol : autoportrait.

Cliché involontaire : un selfie du Front d’Orient.

recto Darhevelle, Cdt Arrizzoli, Missenard, Géhin verso Darhevelle – Attaché Intendance – Cdt Arizzoli – Missenard – Géhin S.M.M.9 plaque PC Cdt Arizzoli

juin 1918

Lieutenant ou sous-lieutenant Derhevelle : il est « attaché d’intendance » de 1re ou 2e classe.Commandant Arizzoli : aucune trace dans les archives du service historique de la Défense ni dans les JMO.Vétérinaire Missenard.Lieutenant Géhin : officier de la SMM 9 (section de munitions de montagne), il est chargé de l’approvisionnement des batteries d’artillerie du 9e groupe d’artillerie de montagne du 1er régiment d’artillerie de montagne. Réunion formelle ou informelle, préparation de l’offensive de juin ?

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recto Groupe Ferme Malik verso Groupe de familles Greco, Romano, Turco albanaises

– Ferme de malik Juin 1918

juin 1918

L’annotation du lieutenant Silhol résume la composante de la population albanaise comme la perçoivent nos soldats en Albanie : les orthodoxes sont assimilés aux Grecs, les musulmans aux Turcs, les tziganes sont des « romanos », mais l’adjectif « albanaises » renvoie à une même communauté géographique. Ce groupe témoigne de la très grande diversité au sein d’un même village. On peut apercevoir un des officiers français à gauche du groupe (peut-être Robertson).

recto Vallée du Dévoli verso Vallée du Dévoli, Ostrovica et Dos du Crocodile vus du Piton de Kranisti

Juin 1918 (1)

5 juin 1918

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recto Caffa Martis Ostrovica verso Ostrovica et Caffa Martis du Pacha Tépé plaque Du Pacha Tépé Dos de Crocodile et Ostrovica

août 1918 recto Dos de crocodile Guri Prère Tomor verso Dos de Crocodile Guriprère Tomor vu du Pacha Tépé plaque Du Pacha Tépé Dos de Crocodile et Ostrovica

août 1918

Le lieutenant Silhol supervise un transport de munitions à destination du Caffa Martis le 16.08.1918 et un second pour Guriprère le 28.08.1918.

Pacha Tépé est un petit sommet à quelque distance de Moschopole.Le Caffa Martis est un col qui se trouve à gauche de la photo et permet le passage au sud du massif de l’Ostrociva.Le Dos de Crocodile est une petite chaîne de montagnes qui se trouve entre le massif du Tomor et celui de l’Ostrovica.

Cet ouvrage est l’occasion de mettre en lumière un épisode inconnu du front d’Orient en Albanie. Le lieutenant Silhol, du 17e escadron du Train et des équipages militaires nous a laissé un témoignage photographique unique et rare de son séjour en Albanie en 1918.Il participe aux grandes offensives victorieuses de l’été 1918 sur le front d’Orient qui précipitent la signature de l’armistice avec la Bulgarie, puis celle avec l’Autriche-Hongrie bien avant celle de novembre avec l’Allemagne. Un long travail de recherche a permis de dater les 160 photos qu’il a réalisées pendant ce conflit. La plupart des soldats représentés et tous les lieux ont été identifiés.Les photos du lieutenant Silhol nous apportent un regard sur la vie quotidienne de ses hommes et des animaux sans lesquels aucun transport n’est possible. Il fixe les paysages grandioses dans lesquels ses hommes vont ravitailler les colonnes d’attaques participant aux offensives malgré des reliefs escarpés et des voies de communication sommaires.

L’auteur : Grégor Marchal est spécialiste de la présence militaire française entre 1916 et 1920 dans le sud-est de l’Albanie (anciens Confins albanais administrés par la France) et des rapports entre la population et les soldats. Son intérêt pour l’Albanie et son histoire date de l’établissement de sa mère Mme Marchal en Albanie en 1990.

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ITINÉRAIRE D’UN OFFICIER FRANÇAIS DU FRONT D’ORIENT EN ALBANIE – 1918

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