181
1 Correspondance de Guillaume Rivet à son frère André Années 1642-1651 Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le 22 juin par l’arrestation du duc de Bouillon à la suite de sa participation au complot de Saint-Mars contre Richelieu. Il sauvera sa tête en remettant sa principauté Sedan au Roi de France. Guillaume Rivet, comme tous les protestants pouvait craindre pour l’avenir de l’Eglise et de l’Académie de Sedan d’autant que leur plus ferme soutien la duchesse douairière de Bouillon, Elisabeth de Nassau, était morte le 3 septembre. Ces alarmes ne furent pas réalisées le pouvoir respectant les droits de l’Eglise et de l’Académie de Sedan. Les duels étaient une plaie de l’époque dans la noblesse. Si au début de l’année la mort de Frédéric de La Trémoille, comte de Laval, des suites d’un duel à Venise débarrassera les La Trémoille d’un personnage brouillon, la blessure que reçut le prince de Talmont Henri-Charles de La Trémoille lors d’un duel avec le prince de Radziwill faillit compromettre l’avenir de sa maison et son attachement au protestantisme. Parmi ces sombres présages, se produisit un événement heureux pour Guillaume Rivet : il maria au mois de juin sa fille aînée, Marie, à un marchand de La Rochelle Jacques Thomas. 5 janvier 1642 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’espère que vous aurez receu celle qui est jointe à la description écrit de l’abouchement du jésuite Audebert & de moy 1 , à laquelle fermée j’adjoutay un petit mémoire de la réception du paquet commis à Monsieur le marquis de La Caze qu’on m’apporta quelques heures après la fermeture de celle qui portoit déclaration du manque qu’il a excusé sur ce que sa male tarda à venir après luy, protestant du désir qu’il auroit de vous servir. En suite de quoy je luy ay représanté ce que vous promettez de faire pour luy en cas qu’il retourne en Hollande & que Dieu vous y conserve. J’ay leu avec singulier contentement & profit ce petit traitté contre les comédies & la rédergation très pertinente de l’impertinent & hardy apalogique pour icelles. Comme aussi la lettre apologétique contre l’évesque de Grasse 2 ; en laquelle vous le prenez dextrement par ses paroles & luy faittes cognoistre qu’il fera bien mieux de recognoistre la vérité que de se perdre à vous pour défendre la superstition & idolâtrie découverte par vostre diligence & industrie. J’ay envoyé le traitté & la suitte à ce théologal qui l’avoit demandé. C’est un homme du monde prudent & doux qui lisant sans escrie voit beaucoup, & rien cependant sur le chemin battu qui mène à perdition. Il a jadis presché à Rome en la charge de S. Jean de Latran, en une solennité pour le Roy ne nous espargnant pas ; & maintenant il ronge son os. 1 Cette lettre de Guillaume Rivet à son frère où il fait mention de sa rencontre avec le jésuite Etienne Audebert n’est pas conservée dans la codex 287. André Rivet en fait état dans sa lettre du 6 janvier 1642 à Claude Sarrau. Hans BOTS et Pierre LEROY, Correspondance intégrale (1641-1650) d’André Rivet et de Claude Sarrau, op. cit., tome I, p. 34. 2 Antoine Godeau (1605-1672), évêque de Grasse et de Vence, ancien familier de la marquise de Rambouillet, fut une des figures les plus représentatives de la réforme catholique.

Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

1

Correspondance de Guillaume Rivet à son frère André Années 1642-1651

Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=-

1642 est marquée le 22 juin par l’arrestation du duc de Bouillon à la suite de sa participation au complot de Saint-Mars contre Richelieu. Il sauvera sa tête en remettant sa principauté Sedan au Roi de France. Guillaume Rivet, comme tous les protestants pouvait craindre pour l’avenir de l’Eglise et de l’Académie de Sedan d’autant que leur plus ferme soutien la duchesse douairière de Bouillon, Elisabeth de Nassau, était morte le 3 septembre. Ces alarmes ne furent pas réalisées le pouvoir respectant les droits de l’Eglise et de l’Académie de Sedan.

Les duels étaient une plaie de l’époque dans la noblesse. Si au début de l’année la mort de Frédéric de La Trémoille, comte de Laval, des suites d’un duel à Venise débarrassera les La Trémoille d’un personnage brouillon, la blessure que reçut le prince de Talmont Henri-Charles de La Trémoille lors d’un duel avec le prince de Radziwill faillit compromettre l’avenir de sa maison et son attachement au protestantisme.

Parmi ces sombres présages, se produisit un événement heureux pour Guillaume Rivet : il maria au mois de juin sa fille aînée, Marie, à un marchand de La Rochelle Jacques Thomas.

5 janvier 1642 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’espère que vous aurez receu celle qui est jointe à la description écrit de l’abouchement du

jésuite Audebert & de moy1, à laquelle fermée j’adjoutay un petit mémoire de la réception du paquet commis à Monsieur le marquis de La Caze qu’on m’apporta quelques heures après la fermeture de celle qui portoit déclaration du manque qu’il a excusé sur ce que sa male tarda à venir après luy, protestant du désir qu’il auroit de vous servir. En suite de quoy je luy ay représanté ce que vous promettez de faire pour luy en cas qu’il retourne en Hollande & que Dieu vous y conserve.

J’ay leu avec singulier contentement & profit ce petit traitté contre les comédies & la rédergation très pertinente de l’impertinent & hardy apalogique pour icelles. Comme aussi la lettre apologétique contre l’évesque de Grasse2 ; en laquelle vous le prenez dextrement par ses paroles & luy faittes cognoistre qu’il fera bien mieux de recognoistre la vérité que de se perdre à vous pour défendre la superstition & idolâtrie découverte par vostre diligence & industrie. J’ay envoyé le traitté & la suitte à ce théologal qui l’avoit demandé. C’est un homme du monde prudent & doux qui lisant sans escrie voit beaucoup, & rien cependant sur le chemin battu qui mène à perdition. Il a jadis presché à Rome en la charge de S. Jean de Latran, en une solennité pour le Roy ne nous espargnant pas ; & maintenant il ronge son os.

1 Cette lettre de Guillaume Rivet à son frère où il fait mention de sa rencontre avec le jésuite Etienne Audebert n’est pas conservée dans la codex 287. André Rivet en fait état dans sa lettre du 6 janvier 1642 à Claude Sarrau. Hans BOTS et Pierre LEROY, Correspondance intégrale (1641-1650) d’André Rivet et de Claude Sarrau, op. cit., tome I, p. 34. 2 Antoine Godeau (1605-1672), évêque de Grasse et de Vence, ancien familier de la marquise de Rambouillet, fut une des figures les plus représentatives de la réforme catholique.

Page 2: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

2

J’attendray l’apologie de Monsieur du Moulin, médecin3, avec le livre de son antagoniste, regrettant fort que la nouvelle de Monsieur Vincent pour Monsieur son père ne se trouve pas véritable ; car il me disoit sa convalescence le 5e de novembre ; & vous escrirez le contraire du 9e décembre. Ce que vous m’en mandez revenant bien a ce qu’en disoyent ici les gens de Monsieur de Buillon entre lesquels y avoit un Monsieur de Montault qui tesmoignoit vous honorer fort & disoit vouloir retourner en Hollande ; où j’apprends qu’il a reçeu une défaveur à cause du seigneur qu’il a servi.

Pour retournerà Monsieur du Moulin, il est d’ordinaire en mes /2/ prières à Dieu ; à ce qu’il le délivre ou le mettant encore en estat de combattre, en luy donnant la gloire des vainqueurs. J’ay esté bien ayze de voir vostre jugement touchant le livre de Monsieur Amyraut, duquel je n’estois pas éloigné. Il me fait mal qu’en la response à ses horribles reproches contre Dieu en cas qu’il ne sa porte pas és voyes de ces présomptueux & n’ait ses pensées respondantes aux leurs, on entreprenne de le purger tout simplement par un doux raisonnment tedant à les contenter. Et me semble qu’il fait tousjours par préalable s’opposer à l’audace détestable de ces vers de terre tirant en cause & question leur créateur. D’ailleur j’ay bien considéré ce que vous dittes de l’emplastre mis près de la playe. Peut-estre qu’il estoit bien mis dessous ; mais ces gens l’ont b[] de son bien, & gagnent sur la jeunesse. Je ne sçay si le Synode prochain tenant près d’eux ne les choyera point encore plus en conséquence de pis. Je n’ay point parler d’assignation d’iceluy depuis que j’y suis, comme je croy vous avoir mandé.

La lettre fort bonne de mon nepveu qui est en Angleterre m’a fort contenté, combien que les nouvelles fussent vieilles. Car son style & tout l’air de son discours tesmoignent du profit qu’il fait en cet employ dans lequel il a eu moyen de paroistre en l’absence de l’Ambassadeur. Et ce n’est pas peu de chose qu’il escrive souvent à Monsieur vostre jeune prince à son gré, sans doubte luy parlant de ses amours. Dieu vueille que ce prince ayant son contentement luy y trouve (comme je l’atten certainement) [un] avancement. Je loueray Dieu aussi apprenant que mon nepveu de Mondevis soit père d’un beau fils ; comme je fay dès à présent sur ce que ayant beaucoup de beaux dons, il devient aussi frugi pater familias. Luy & ma niepce sa femme ne sont point obmis en mes requestes à Dieu.

J’ay mandé à mon jeune fils la bénédiction que vous luy donnez en suitte du tesmoignage de Monsieur des Roches. Et ay envoyé à Monsieur d’Agonnay sa lettre, ne sçachant pourtant s’il est en sa maison, car j’oy parler de quelque pensée qu’il a de mariage de considération & pour l’avancement & accommodement des siens. Monsieur Ferreau vous remercie très-humblement du soin que vous avez eu de son fils. Et quant à Madame Thévenot, je croy qu’elle aura son esprit à repos ayant /3/ veu l’extrait de la clause qui la concerne en vos lettre que je luy ay envoyé.

Il me reste à vous dire que grâce à Dieu ma femme & mes filles & moy sommes en bonne santé, & prions Dieu pour la continuation de la vostre & de Madamoiselle ma sœur, vous embrassant tous deux cordialement avec mes nepveux ; & souhaittons l’heureux retour de Madamoiselle du Moulin. Derechef, je vous salue de l’affection,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le Ve de l’an 1642. Que Dieu vous doint prospère & heureux. Je vous remercie des nouvelles d’Ecosse & Zélande ; & vous prie me faire part de ce que vous

aurez de certain.

3 Louis du Moulin (1605-1680), troisième fils de Pierre du Moulin et de sa première épouse Marie Colignon. Il avait fait ses études de médecine à Leyde. Il fit carrière en Angleterre et occupa la chaire d’histoire à Oxford pendant le protectorat de Cromwell. Il en fut démis lors de la Restauration. Si Louis du Moulin manifestait une orthodoxie rigoureuse en théologie, il faisait preuve d’une recherche originale dans le domaine de l’ecclésiologie. Ce qui lui valut bien des difficultés. Selon le jugement d’Elisabeth Labrousse, il était un théologien amateur forcené, outrancier et gaffeur.

Page 3: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

3

Doresnoravant nostre communication sera plus seure puisque Monsieur de La Barre-Morel4, vostre allié, se veut charger des les diriger & que il est cogneu de celuy qui tient le bureau de la messagerie de Saintes. Je ne sçay comment le Sr. Peltrerau marchand de Saintes qui me promettoit d’avancer le port, manque à cela, dont vint ce déchirement de lettre. Je ne faudray de le payer dès Saintes par avance. Quant aux lettres qui vont, & on ne manquera là pour celles qui viennent ainsi que j’en ay tousjours usés.

B. U. Leyde, BPL 287/II/1

2 février 1642 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’ay leu avec grand contentement vostre lettre du VIe de janvier par laquelle j’ay appris la

continuation de vostre vigueur parmi tant d’affaires ; & qu’outre les labeurs ordinaires de la nécessité au lieu que vous tenez, vous travaillez tousjours pour le public, tant en la révision de vos œuvres précédentes qu’en ouvrages nouveaux. Entre lesquels outre cette instruction du prince Chrestien par vous premièrement prattiquée pourra venir ce que vous n’avez pas voulu promettre ; accoustumé que vous estes de donner sans y estre obligé.

Le jugement favorable que vous faittes de mon comportement en ce pourparlé avec le Jésuite Audebert dont je vous ay envoyé la relation, me fortifie & accourage car ayant tenu cett’affaire pour très important, & qui requéroit de la dextérité pour la manier convenablement & éviter les estrêmes, je me défiois de moy mesme. Aussi ce que vous observez touchant le dessein en icelle ; & les différents ressorts qui jouent ce qu’on doibt éviter & ce qui se peut espérer contre l’intention de ceux qui travaillent à ce mystère d’iniquité est très considérable.

Dieu soit loué qu’en Ecosse les Eglises ont paix & l’estat ensemble à la confusion des novateurs. Cela affermie l’Angleterre ; & les deux royaumes unis pourront empescher que l’Irlande ne se perde. Dieu leur donnant de s’y porter vigoureusement. Pour quoy obtenir, il convient l’invoquer assiduellement, & à ce qu’il destourne les machinations de ceux esquels reste du vieil levain.

La France est grandement aux prises avec l’Hespagnol, & tient on que le Roy s’achemine à Narbonne en faveur de la Catalogne ; où aussi comme on dit, pour conclure une paix avec les deux frères princes de Savoye. Ce qui donneroit moyen d’unir les forces de ce royaume contre le grand ennemi de cet estat & du vostre.

Le prince Thomas qui doibt espérer beaucoup de bien en France comme principal héritier, par la princesse sa femme, de feu Monsieur le comte5, & subjet de penser à cet accord. Quant aux biens ecclésiastiques que possédoit le prince défunt, il en a esté disposé, hormis de l’abbaye de S. Michel en l’Erm, & ce qui en dépendoit en l’isle de Ré, qu’on dit revenir bien à quarante mille livres de revenu.

Et c’est de cela & quelques autres revenus qu’on tient pour assuré qui sera establi un episcopat avec chapitre de chanoines à La Rochelle où aussi est desja cette cour souveraine des Salins du Ponant qui oste tout le lustre au Présidial. Mais la ville se rend plus fréquentée & populeuse, où toutesfois n’est /2/ reçeu aucun de nostre religion pour s’y habituer. Mais il reste grâces à Dieu, un grand nombre des anciens domiciliés qui multiplient fort, & la marchandise leur est un employ non infructueux6.

4 Gabriel Morel (1587-1664), sieur de La Barre, un gentilhomme huguenot angevin, était le chargé d’affaires de Marguerite de Rohan à Paris. Par son premier mariage en 1623 avec Anne Gouret, fille de Guillaume Gouret, sieur d'Onglepied et de Jeanne du Plessis, il était apparenté à André Rivet : Isabeau Gouret, la soeur de Guillaume Gouret, épouse de François Oyseau, sieur de Trevecar, était la mère de la première femme d’André Rivet. 5 Thomas de Savoie (1596-1656), prince de Carignan, était l’époux de Marie-Marguerite de Bourbon (1601-1692)), sœur du comte de Soissons. 6 Quoique moins prospère qu’avant le siège, La Rochelle s’était rapidement rétablie de la défaite. A la suite de la vitalité démographique des huguenots qui avaient survécu au siège et de l’arrivée de catholiques sa population était au début des années 1640 de l’ordre de 18 000 habitants. Et, tant les marchands catholiques que réformés avaient repris leur commerce national et international. Kevin C. ROBBINS, City on the Ocean Sea : La Rochelle, 1530-1650. Urban Society, Religion, and PoliJacques tics on the French Atlantic Frontier, Brill, Leiden, 1997, p. 358.

Page 4: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

4

Je vous diray sur cela que je suis en propos d’y colloquer ma fille aisné avec une jeune homme de bonne famille7, marchand droguiste, qui a desja boutique faitte, & depuis quelques années fait de bonnes affaires sans bruit. Monsieur Vincent, avec Messieurs Beauval8, Prieur & Manigault qui me sont fort amis, me le conseillent grandement ; & m’asseurent que le personnage est craignant Dieu & fort bon mesnager ; que tant de ce qu’il a maintenant qu’en la moitié qu’il aura au bien de sa mère, qui a un autre fils procuruer au siège, il aura vaillant 90 000 livres. Et que cela n’est pas tant considérable que ce qu’il pourra faire ayant une compagne qui luy sot en ayde. Ce trafiq estant le plus honorable & lucratif qui soit là. La père s’appeloit Thomas, honorable marchand venu d’Oléron, & la mère est de la famille des Barbot9. Pour luy, je l’ay trouvé bien prudent & de bon sens.

J’honore tant ma charge que j’ay fort souhaitté pour mes filles qu’il s’en rencontrast de cette condition. Mais il ne s’en est point présenté ; ceux qui ont tant soit peu de quoy prétendans en plus gos mariage que de 3 000 livres, qui est tout ce que je peux donner de présent à chacune de mes deux filles ; m’estant plus retenu quant à mes fils qui m’ont tant cousté, & que j’enten à fin de compte venir en égalité autant. Les uns & les autres rapportant en précomptant tant leur reçeu. Il est vray aussi qu’en ces temps difficiles, je ne voudroye pas colloquer les filles avec des pasteurs qui n’eussent d’ailleurs de quoy soustenir les charges de la maison. C'est pourquoy j'incline fort à cet’affaire, dont les fers sont au feu assés avant. Vous en apprendrez l’événement à la première occasion. Je n’appréhende que l’infirmité de defluxion.

Monsieur Vincent nostre bon ami est le directeur de cet’affaire & a procuré que le jeune homme me vint voir avec ma famille & fust veu & entretenu de moy & des miens. Sans découverture du dessein. Depuis nous avons parlé & agi en absence par escrit. Si nous venons au joindre, ce bon personnage me viendra voir & conduira le tout jusques au passement d’un contrast. La poursuitte contre luy est du tout cessée par un accident après avoir eu un accroche par un autre. L’évesque de Saintes10 se défiant de Monsieur de L’Escale11, président & lieutenant criminel, pource qu’il luy reste encore depuis sa révolte quelque bienveillance & amitié avec Monsieur Vincent, fit qu’on s’addressoit au lieutenant-général & civile & que le collège de Monsieur Reveau12, c. à d. l’autre advocat du Roy qui est de Religion /3/ contraire fust l’instiguant. Il poursuivit tant qu’il pût & nostre frère, recula tant qu’il pût, demendant communication de l’Epistre puis temps pour conférer l’impression à son original. Cependant advant grand débat & désordre pour préséance en procession entre les officiers du présidial & de la Cour des Salins. Et sur ce que les présidiaux usèrent de violence, ils eurent tous un venial au Conseil à Paris, interdits cependant. J’enten tous les officiers Catholiques Romains, hormis Monsieur de L’Escale, que la goutte, par bonheur, tint lors en sa maison. L’évesque voulant poursuivre devant luy fit occuper un substitut du procureur du Roy pour l’advocat absent ; substitué qui s’estoit fait preste et n’exerçoit point sa charge depuis trois ans. Le procureur du Roy s’opposa à ce qu’il occupast, tant pour cette raison, que pour ce que c’est contre l’ordre que luy présent & un advocat du Roy et Monsieur Reveau un substitué occupé ; eux deux offrant de faire ce qui seroit de raison si on leur donnoit les mémoires & informations. Le substitué insistant, ils demeurèrent appointé contraires sur leurs droits. Cela tient de longue et jusques en retour & restablissement des autres.

Cependant Rodolphe s’eschappa d’une invective ouverte contre Monsieur Vincent qui prit à grand avantage les injure & calomnies de ce garnement. Et j’açoit que ses adversaires malicieux taschassent de supprimer cet escrit qui esteignoit l’action en justice, puis que celluy-là se rongeroit de

7 Jacques Thomas, fils de Samuel Thomas, procureur au Présidial de La Rochelle et de Marie Barbot. Ses parents s’étaient mariés le 8 juin 1602 au temple de Saint-Yon. 8 Jacques Boucher (1601-1674), sieur de Beauval, était un maître-apothicaire de La Rochelle. Il était marié à la fille de Louis Baudier, un cousin des Rivet. 9 La famille Barbot était une des plus anciennes et des plus importantes famille de La Rochelle. 10 L’évêque de Saintes, Jacques Raoul, seigneur de La Guibourgère, était un Breton du Pays nantais. Conseiller au Parlement de Bretagne (1616), sénéchal de Nantes (1621), maire de Nantes (1621-1623), il était entré dans les ordres après le décès de son épouse Yvonne de Charette. Il avait été nommé en 1631 évêque de Saintes. En 1646, il devint évêque de Maillezais. Ce siège fut supprimé en 1648 et transporté à La Rochelle où il exerça son ministère jusqu'a sa mort le 15 mai 1661. 11 Jean de L’Escale (1579-1663), sieur de Grolleau, était le lieutenant criminel et président du présidial de La Rochelle. En 1623, il était encore protestant. Son abjuration eut probablement lieu pendant le siège de La Rochelle. 12 Georges Reveau, conseiller et avocat du Roi à La Rochelle.

Page 5: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

5

la sorte comme de pareille, ils ne sçurent que en faire, que les nostres n’en recouvrissent deux exemplaires qu’ils manifestèrent. Ainsi tout cela fut arresté ; l’autre demeurant depeint de ses vifves couleurs à la honte & dépit de ceux qui s’estoyent tant glorifiés de telle conquestes ; et Monsieur Vincent si bien cogneu, ne pouvant estre endommagé par la saillie de tel homme. Toutefois àn l’advenir il ne publiera pas si librement telles vérités de fait. Et y a raison de s’en retenir, combien que Dieu ait fait tomber tout ceci à tel point.

Il y a deux jours que des saulniers, ou asniers charians du sel demeurant à Longré, demis lieue de Bois-Baudran13, m’ont escrit que nostre bon parent & ami Monsieur des Roches14 estoit décédé ; & qu’il fut enterré vendredy y eut huit jours, qui estoit le 24e de janvier. Et j’appris d’un gentilhomme que le samedy auparavant il estoit tombé malade à Chef-Boutonne où il estoit allé pour un arbitrage , & qu’il fallut faire venir là le carroçe de Mademoiselle des Roches pour la porter à sa maison . J’en ay un très grand regret, que j’ay tesmoigné par une lettre consolatoire que j’ay envoyé à la povre vefve déconfortée.

Je finis avec le papier par les humbles salutations de ma femme & de mes filles & de moy à vous, Mlle ma très chère sœur & mes nepeus, priant Dieu pour vostre prospérité ; & l’heureux accroissement de la famille de mon nepveu vostre aisné, que Dieu bénit avec ma niepce sa femme. Comme aussi celuy qui est à Londres, duquel j’atten toutes choses bonnes. Je suis, grâce au Seigneur es très bonne disposition depuis la mi-décembre, & sans infirmité aucune, et tousjours,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le 2e febvrier 1642. Je n’oublie point Monsieur du Moulin en mes prières à ce que Dieu le regarde en pitié & le

remette en attendant qu’il …15 Madame Thevenot sçait bien ce que vous avez presté à son fils. Et je luy ay mandé qu’il

demeurera là l’hyver afin qu’elle ne soit en pène. Monsieur Ferreau n’escrit point pour cet heure. Je recognois qu’il appréhendoit que s’il escrivoit lettre de la teneur que demande son fils, il s’en servist pour avoir son congé & s’en retourner tout de bois ; ce qu’il ne dézire nullement.

B. U. Leyde, BPL 287/II/3

24 février 1642 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’ay reçu vos lettres du 28e janvier & les nouvelles qu’il vous a pleu me départir touchant

l’Angleterre et en ay fait part à Monsieur Vincent qui sera fort joyeux de voir que vous vous souvenés si particulièrement de luy ; & prendre meilleurse espérance pour les affaires de la Grande-Bretagne sur le rapport du maistre de navire venu freschement de Greenwisch. Dieu vueille toucher les cœurs des dissentans & les voir tous au secours des affligés d’Irlande. J’ay beaucoup de desplaisir de la division de l’Eglise de Brême ; & trouve bien à deloisir ceux qui meuvent ces débats.

Comme je trouve estrange l’employ de Monsieur de La Place16 en des questions dont il n’y a nul débat parmi nous ; ni de péril que celuy que sa curiosité affectée avec és esprit frétilleux & tendus aux nouveautés de leurs disciples. J’appréhende ces gens en tout ce en quoy ils s’ingèrent car c’est tousjours pour arguer les autres de mesme parti & relever leurs raisons par dessus.

13 Le manoir de Boisbaudran est situé dans la paroisse de Saint-Fraigne (Charente). 14 Jacques Le Coq, sieur des Roches de Vendœuvre, maire de Saint-Jean d’Angély en 1620. 15 La fin de la phrase est dissimulée par la reliure du registre. 16 Josué de La Place (1596-1665) professeur à Saumur depuis 1633 après un court pastorat à Nantes était jugé aussi dangereux que ses collègues et ami Louis Cappel et Moïse Amyraut. Dans ses thèses il développait que le pêché originel était un héritage de fait et non une responsabilité personnelle de chaque homme.

Page 6: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

6

J’ay remarqué en des thèses de Monsieur Cappel qu’il fait un grand effort pour maintenir après Jean Cameron, que Heb. 2. 1617. επιλαυβαριται est mis pour αντιλαγσαιται ; & que conclusion Apostati esset inamis Ταυτολογια si επιλαγισανιται significurat hic non copitulari sed (uti à nonnullis accipuitur) assumera in unionum personatem. En quoy il change les signification à leurs phantaisies & prennent des reprises utiles & assés communes en l’escriture pour des tautologies vaines, le tout pour nous oster ce lieu illustre de l’assomption personnelle. Nous verrons que produira le labeur de Monsieur Amyraut qui a esté entrepris à propos.

J’ay veu ces jours passés le fils aisné de Monsieur de Couvrelles qui me dit qu’estant à Paris il y vit Monsieur de La Milletière qui luy dit en propre termes : “ Et bien, Monsieur, eussiez vous creu que ce grand personnage, Monsieur de Saumaize, fust enfin venu à mon advis, comme il fait ! ” Sur quoy, je représentay à ce gentilhomme ce que vous m’aviez escrit d’une préface qu’il vouloit faire à un traitté de primate, en laquelle il laveroit ce personnage. C’est /2/ l’ordinaire de telles gens d’en donner à bon escient. Je ne sçay qu’aura fait notre Audebert pour nos affaires particulières.

Nous sommes encores en mesme termes pour le mariage de ma fille aisnée, le jeune homme nous ayant veu depuis comme il alloit à Bayonne pour affaire passée dont il retournera bientost. Ce que je vous touchois de l’infirmité de la fille est tel que j’appréhende une fistule lachrymale au canthus de l’œil gauche, en suitte d’une grande defluxion qui luy couvrit tout l’œil. E tout cas il y aura moyen Dieu aydant de la guérir y estant quelque cicatrice après un caustiq. Le personnage ne s’est pas rebutté ; & dist que nous estions tous sujets à infirmité.

Je vous envoye des lettres de Monsieur Ferreau qu’il m’envoya dès que j’eus fermé mon dernier paquet. J’ay aussi escrit à Madame Thévenot selon les termes de vostre dernière. Pareillement aye-je donné advis à Monsieur d’Agonnay de ce que vous escrivez de Monsieur son fils. Ce sera à eux d’y pouvoir. Aussi ay je envoyé une lettre à Monsieur de Montaut avec extrait de ce que vous touchez pour son regard.

On dit que Monsieur de Bouillon à la commission de la guerre de l’Italie18. Il y a long temps que Monsieur de La Bergadière m’a prié de vous baiser très-humblement les mains de sa part. Je m’en acquitte à présent. Il dénonce entre-ci & S. Jean. J’attendray des nouvelles de mon nepveu de Montdevis & du succès des couches de ma nièpce sa femme ; me resjouissant de l’estat de se père & priant Dieu qu’ils soyent unis ensemble comme il convient. Je salue très-humblement & affectueusement Madamoiselle ma chère sœur à laquelle je souhaitte toute prospérité & de bonnes nouvelles de Monsieur son frère. Ma femme & mes filles vous saluent & embrassent cordialement tous, comme fait,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le 24e fébvrier 1642. B. U. Leyde, BPL 287/II/5

16 mars 1642 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Ayant respondu à toutes vos précédentes, j’attendois de vos nouvelles pour vous escrire et

j’espère bien que demain il y en aura à Saintes ; mais néantmoins ce mal ira d’avance avec les lettres de Madame Thevenot.

17 “ Car assurément ce n’est pas à des anges qu’il vient en aide, mais c’est à la postérité d’Abraham ”. Sur l’influence de Cameron sur Cappel Cf. François LAPLANCHE, L’Ecriture, le Sacré et l’Histoire. Erudits et politiques protestants devant la Bible en France au XVIIe siècle, op. cit., p. 181-298. 18 Pour éloigner le duc de Bouillon de France et de Cinq-Mars, Richelieu lui avait fait donner le commandement de l’armée d’Italie.

Page 7: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

7

Le jeune homme qui recerche ma fille aisnée a passé ici retournant de Bayonne & y a séjourné deux jours. Monsieur Vincent me mande qu’il s’est retiré fort contant de nostre réception & de l’entretien de ma fille et sa mère, qui à la succession de son fils aisné, faisoit difficulté d’obliger subsidiairement la moitié de son fonds pour la seureté de dot. S’y est plenement résolue si bien qu’il ne reste que à nous assembler pour contracter. Mais j’ay demandé un délay de quelques semenes, durant lesquelles je fay purger ma fille & l’ay mis à une diette de huittaine pour desécher son cerveau humide. On m’a fait espérer qu’elle se portera bien en suitte & qu’il ne faudra point de remèdes tropiques à cette glande lacrymale.

Je vous ay escrit ces jours passés par un jeune homme qui va porter les armes en Hollande ; & vous fay sçavoir que j’ay eu lettres de nostre sœur qui se porte fort bien. Il n’y a que le pauvre Monsieur Servant qu’une meschante quarte afflige fort. Monsieur Le Fevre est à présent receveur des traittes à Briou. Cela nous facilitera la communication ; le messager de Saintes à Poictiers le voyant toutes les semènes ; & un frère de Monsieur du Soul marchand à Saintes, s’estant chargé de faire tenir & recevoir nos lettres.

Si ce qu’on dit en ce pays est vray, vous estes en grand faste. Car on assure que le 25e fébvrier le Roy & la Royne de la Grande-Bretagne estoyent à Portmouth ; & qu’elle faisoit voile au premier vent menant Madame sa fille à Monsieur vostre jeune Prince son espoux ; que cependant l’Ambassadeur de Messieurs les Estats s’entremettra de l’accord du Roy & de son Parlement, eux tous ayant agrée qu’il le fist. Autres craignent que ce voyage à Portmouth /2/ ait esté pour s’asseurer de ce port contre le Parlement, comme [on] avoit essayé pour celuy de Hul & appréhendant que la fa[ction] malfaisante qui a retardé le secours d’Islande & peut estre causé le souslèvement, entretienne tousjours la mésintelligence. Mais [il] y a quelque sentiment de la Religion en ceux qui conseillent ce Roi, je m’assure de la comtesse de Barry-More & de toute sa famille manifestant quels instruments sont ces malheureux, fera qu’ils seront ind[…] à permettre qu’on le réprime & qu’on face justice. Dieu leur vueille à tous toucher le cœur & regarder sa povre Eglise de son œil de pitié.

Ma femme & mes filles vous saluent très-humblement avec Madamoiselle ma sœur & mes nepveux. Moy pareillement qui jouis grâce au Seigneur de santé plène ; & suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XVIe mars 1642. Monsieur Jaussaud19, conseiller en la chambre de Castres, m’ayant escrit une honneste lettre,

par laquelle il me ramentoit vostre condemeurement à Leyden il…, il y a v ans, me prie de vous recommander un sien fils qu’il a en la compagnie de Monsieur de La Capelle20, lieutenant-colonel au régiment de Monsieur de Douchamp21. Il adjouste que le lieutenant de cette compagnie là est un mien nepveu, auquel il désire aussi que j’en escrive, adjoustant que vous avez tesmoigné desjà le cognoistre & obligé ce sien fils. Je croy que ce sera Monsieur La Trosnière22, vostre nepveu d’alliance, qu’il aura entendu désigner. C’est pourquoy, je n’ay rien qu’à joindre ma prière à la requeste de ce digne père, à ce que de vostre chef, il vous plaise rendre à son fils les offices possible & le recommander à Monsieur de La Trosnière, lequel je salue très humblement, luy souhaittant toute prospérité. Monsieur Jaussaud est un très digne personnage fort homme de bien & fort docte, comme vous sçavez sans doubte.

B. U. Leyde, BPL 287/II/7 19 Louis de Jaussaud (1580-1665), originaire d’Uzès, conseiller à la chambre de l’Edit de Castres. 20 François de Cardouillacq, sieur de La Capelle, était depuis 1637 lieutenant-colonel dans le régiment de Douchant. Lettre d’André Rivet du 29 juillet 1644 à Saumaise. Hans BOTS et Pierre LEROY, Claude Saumaise et André Rivet. Correspondance échangée entre 1632 et 1648, APA-Holland University press, Amsterdam et Maarssen, 1987, p. 371. 21 Louis Duplessis, seigneur Douchant, le 7 novembre 1637 à la suite du décés d’Hercule de Charnacé lors du siège de Bréda, il fut nommé colonel de son régiment formé en 1634. 22 Daniel Pineau, sieur de La Trosnière, lieutenant d’une compagnie du régiment de Douchant, était le deuxième fils de Mathurin Pineau et d’Anne Oyseau et par ce fait neveu par alliance d’André Rivet.

Page 8: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

8

30 mars 1642 – Taillebourg

De Taillebourg, le xxxe mars 1642. Monsieur mon très-honoré frère, Vostre dépesche du 24e febvrier a donné à moy & toute ma famille matière de louer Dieu de ce

qu’il vous a fait grand-père d’un beau fils23. Nous en avons tous tant plus de joye que nous le désirions fort. Et je suis bien fort ayse qu’il se soit rencontré avoir en premier nom celuy que je porte, lequel m’escheut soubs feu Monsieur de La Jarrville24, parce que Monsieur de Bonvouloir25, son prédecesseur, refusa de le vous approprier nonobstant le choix que nostre père vous fit d’un parrain ainsi nommé. Ma pauvre bru, femme de mon Jean, m’a fait présenter deux de ses enfens conservativement afin qu’à défaut du premier, que Dieu luy avoit retiré, l’autre portast ce mien nom. Si elle en a esté encore privée. Je prie le Seigneur de tout mon cœur que celluy la prospère devant luy. Et vous puisse renouveller en toutes.

Vous m’avez confirmé ce dont je doubtois ; du voyage de la Royne d’Angleterre26 et sans doubte cette Gazette nous dira son arrivée en Hollande ce qui servira bien aux affaires d’Angleterre, lesquelles prenoyent desja un bon train quoy qu’on nous publie des manifestes bien bouffis des Irlandois & une victoire grande d’iceux, comme prendre de Londres du 22e febvrier. Nous apprendrons la vérité en la suitte des choses ; & j’en espère quelque certitude par vos prochaines.

J’ay fort pensé à ce que vous m’avez escrit du Jésuite Audebert adjoint à sirmond. Et attendray avidement vos Animadversions in annot. Hug. Grot. Lesquelles j’esperay bien dès que vous me mandastés n’avoir pas voulu promettre. Cela fera fort de requeste, & très utile en ce temps ; comme aussi l’adjection du livret de Calvin que j’ay releu depuis peu.

J’ay pris jour avec Monsieur Thomas au 8e d’apvril pour passer contract ; & auray ici Monsieur Vincent. Dieu aydant. Ma fille gràce au Seigneur s’est fort bien trouvée de la diette & des purgations & saignées à l’entrée & à la sortie. J’appren que les oppressions & douleurs de Monsieur du Moulin sont très grandes & qu’il les dit incroyables enquérant qu’on prie pour sa délivrance. Il n’y personne aimant la vérité qui ne regrette grandement que cette lumière s’esteigne en sa personne par cet aage qui demeure en ses escrits & en la mémoire des lecteurs. Je prie Dieu qu’il luy envoye ce qui luy est nécessaire, & vueille donner aux siens consolation notamment à Mademoiselle ma très chère sœur laquelle j’honore grandement, me sentant très obligé envers elle pour l’honneur qu’elle me fait de m’aymer si particulièrement, comme vous me tesmoignez & comme je l’ay bien creu de sa bonté. Ma femme & moy avec nos filles vous baisons à tous deux très humblement les mains & prions le Seigneur qu’il bénit mes nepveux de plus en plus. C’est,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

Vous avez ici deux lettres de Monsieur d’Agonnay pour son filz. Excusez, si je puis dénier des lettres de recommandation à des cognoissance. Il m’est venu voir aujourd’huy pour cela…27

B. U. Leyde, BPL 287/II/9

23 Guillaume-Louis, premier fils de Claude Rivet, sieur de Mondevis et de Geertruyt Burgersdijk. Il fut baptisé le 20 février 1642 à Leyde. 24 Antoine Hilleret, sieur de La Jarriette, ministre de Saint-Jean d’Angély de 1580 à 1587. Il fut tué lors de la prise de la ville par le duc de Joyeuse. 25 Jean de Launay, sieur de Bonvouloir, ministre de Saint-Jean d’Angély de 1560 à 1580. 26 Henriette-Marie de France avait mené aux Provinces-Unies sa fille Marie qui l’année précédente avait épousé le jeune prince Guillaume II d’Orange. Elle recherchait également pour son époux le soutien de Frédéric-Henri de Nassau. 27 La fin de la phrase est dissimulée par la reliure du registre.

Page 9: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

9

22 avril 1642 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je me retire d’afaire il y a aujourd’huy huit jours, sur l’espérance que j’avois de recevoir

quelques lettre de vostre part un jour ou deux après. Et peut-estre qu’à la prochaine vous me ferez part des nouvelles de vostre Cour & de l’Angleterre, où ne s’et pas trouvé ce qu’on espéroit après le départ de la Reyne, l’ulcère estant trop profond. Ces divisions grandes avec le désordre d’Irlande tiennent nos esprits en suspens & nous obligent de regarder à celuy qui seul peut remédier en touchant les cœurs.

Cependant pour venir à nostre particulier, je vous diray que le 8e du courant, je fiançay ma fille aisnée avec Monsieur Thomas, duquel je vous avois escrit ; & ay esté bien ayse d’avoir eu vostre advis devant que je donnasse jour. Monsieur Vincent & Monsieur Beauval (qui est le gendre de nostre feu cousin Loÿs Baudier ; & a eu la fille & la boutique, où il a fait & fait encore grandement bien ses affaires), sont venus ici avec le frère du préparlé, procureur au siège présidial, Monsieur Guibert, advocat fort employé, & un jeune homme de bonne façon nommé Darbot, son cousin germain, la mère aagée de LXX ans ayant donné procuration à son fils aisné.

Nostre sœur s’y est aussi trouvée & a passé quelques jours avec nous. Je l’ay trouvé toute rajeunie depuis qu’elle s’est défait de ses filles ; tant peut le repos. Elle vous escrit tesmoignant du desplaisir de ne vous pouvoir envoyer son fils ; et toutesfois acquiesçant quand l’occasion se rencontrera, il vous plaira la prendre pour me faire lire la réplique de Monsieur Loys du Moulin28 & l’escrit contraire, comme aussi ce qui sera au jour de vos labeurs.

Ma femme est un peu incommodée après la pène qu’elle a pris à l’occasion de nos fiancés. Pour la fiancée, elle est gaillarde. Dieu merci ; & ne luy découle aucune humeur ni de là où y avoit ulcère, ni des yeux ; d’où tousjours luy découloit de temps en temps, la playe estant fermée. La diette & les purgations antendantes & conséquentes ont heureusement réussi par la grâce du Seigneur.

Ma femme & moy en avions des inquiétudes très-grandes. Elle & moy & nos deux filles & mon gendre futur qui est venu faire la S. Cène avec sa promise, vous baisons très humblement les mains & à Madamoiselle ma sœur, prions Dieu pour la prospérité de vous deux, de mes nepveux & de toute famille de l’aisné. Je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXe apvril 1642. B. U. Leyde, BPL 287/II/10

19 mai 1642 - Taillebourg29 Monsieur mon très-honoré frère, Depuis la réception de vos lettres du VIJe apvril & de celle de Monsieur de La Rivière, j’ay fait

un voyage de douze jours & ay visité toute nostre parenté d’Angoumois & Poictou à l’occasion du Synode que nous avons tenu à Verteuil. J’ay veu là Monsieur de Villars & sa famille ; & avec avons esté assemblés en la maison de Monsieur du Colombier30, marié avec une fille de feu Madame de Chante-Perdrix, sœur de Monsieur de Pierre-Blanche31. J’ay aussi logé chez un marchand nommé Turmel, fils de la sœur du bon-homme Monsieur Pacaud, père de Monsieur de Villars. Monsieur de

28 Louis du Moulin, né en 1606, était le troisième fils de Pierre du Moulin. Il fit des études de médecine à Leyde et les compléta à Cambridge et Oxford. Il obtint en 1648 une chaire d’Histoire de l’Eglise à l’université d’Oxford. 29 Cette lettre a été classée à tort parmi des lettres de 1645. 30 Jean Gaschet, sieur du Colombier et de Beauregard. Il était marié à Jeanne Préveraud, fille de x Préveraud, sieur de Chanteperdry et de x Le Coq. 31 François Le Coq, sieur de Pierre Blanche, auteur de la branche des Le Coq de Villefagnan, était le grand-père de Jacques Le Coq, sieur des Roches de Vendœuvre, maire de Saint-Jean d’Angély en 1620.

Page 10: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

10

Roche, fils de feu Monsieur Renault & sa femme, fille de feu Monsieur des Roches, se sont trouvez au presche & avec eux Monsieur de Talonnière-Le Coq, fils de Monsieur Le Coq, médecin32. J’avois passé auparavant par Bois-Baudrant & veu cette famille affligée33.

A l’issue du Synode, passant par Villefagnan, chez Monsieur Tixeul34, marié avec une de nos cousines, & vef d’une autre, j’ay esté visiter nostre sœur en sa maison près de Melle ; et de là ay donné à S. Maixent, où j’ay veu presque tous nos proches, hormis nostre cousin de Soignon qu’on me disoit malade en sa maison aux champs. Et comme, m’en retournant vers Melle, je pensois allant chés luy, je rencontray en l’allé de l’host de Poictiers un homme de condition qui me dit l’avoir veu qu’il s’estoit acheminé en ville quoy qu’infirme de la fiebvre. A raison de quoy je priay ce personnage de luy faire rapport de ce que j’allois chez luy sans cet advis qui me fit reprendre le grand chemin de ce pays. Je remarque cela pour vous faire entendre pourquoy je ne l’ay pas entretenu sur ce que luy & Dorinière (que je ne trouve jamais en ville) ont pris la provure de vos bois après avoir esté payés , & se disans avoir fait parti dur ce payement. Ce qui n’a pas bonne grâce.

On m’a dit qu’iceluy nostre cousin de Soignon se proposoit d’aller en Portugal avec le marquis de La Boulaye qui l’en avoit prié, espérant d’y estre envoyé en ambassade ; mais que cela est changé.

Le bon homme Monsieur de La Blanchardière qui a encore de la vigueur s’enquit fort de vous & me fit promettre de vous baiser les mains de sa part. Ce que firent aussi presques tous les autres. Le principal & nostre cousine Deshaye, sa femme, s’enquirent fort de mon nepveu, vostre aisné, se plaignant qu’il les avoit oublié comme ainsi soit qu’il eust lié une estroitte correspondance avec eux. C’est qu’en effet ils s’attendoyent qu’après avoir tiré de vous ce qu’il pourroit, il retourneroit à eux & à leurs erreurs & idolâtries ; à raison desquelles ils l’aymoyent grandement & en triomphoyent. Mais je leur donnay sujet de quitter ces espérances. Je retournay par Brioust ; & y vit nostre niepce & son mari le Sr. Le Fevre. Ils sont là fort commodément.

Mon fils prit au autre chemin à son retour, ayant durant le Synode /2/ donné une prédication à l’Eglise qui en fut fort édifiée. Particulièrement Monsieur Villars me tesmoigna qu’il avoit esté édifié & resjoui, l’ayant ouï. J’atten nostre fiancé désormais pour résoudre du jour des nopces que Dieu vueille bénir.

Thévenot n’est point encore venu ; & je m’en estonne, craignant qu’il luy soit [arrivé] mésavoeut. Il y eut une horrible tempeste le 7e aprvril un peu avant jour. J’attendray les livres que vous me promettez ; & me tarde à cause du dézir & de l’esp[…] différé.

Je n’ay point reçeu de lettre de vous qui m’exprimast les particularités de l’arrivée de la Royne d’Angleterre, dont La Gazette nous a bien entretenu. Ce que je voudrois sçavoir principalement, c’est si la princesse est avec le prince son mary & en la maison de Son Altesse ; où si la Royne sa mère l’a encore près de soy. C’est une chose estrange de voir comme le Roy d’Angleterre fait profession de s’impatienter pour le secours des protestans en Irlande & propose d’y aller en personne avec troupes qu’il vent faire, & l’ordre qu’il veut mettre pour le gouvernement d’Angleterre en son absence, par le moyen de quoy le vray secours d’Irlande est retardé & empesché selon l’estime. Il y a de profonds mystères en tout ce rencontre, lesquels Dieu descouvrira finalement. Mais je crain bien que les pechés de ces peuples n’attirent du mal.

On escrit de Paris que le Capucin de Monsieur du Moulin a esté condamné à estre jetté au feu. Ces bons pères sans doubte, en ont esté fort irrités. Mes si Dieu relevoit l’autheur de ce livret, nous en serions bien consolés. J’ay leu au Synode la relation dont vous avez eu copie ; où on a tesmoigné en estre fort satisfait. Et j’ay loué Dieu de m’estre bien porté & mesme afferm estant là & durant tout le voyage, comme ainsi soit que entre les deux des fiancés & de ce voyage, j’aye eu une médiocre venue

32 François Le Coq, né en 1605, sieur de La Talonnière à Javarzay, fils de Pascal Le Coq (1567-1632), doyen de la faculté de médecine de Poitiers et de Françoise de Saint-Vertunien. Il possédait des biens à Chef-Boutonne, Javarzay et Chenéché. Il s'était marié en 1637 avec Charlotte Millet, fille du secrétaire du Roi Urie Millet et de Jeanne Lestreux. 33 Le manoir de Boisbaudran dans la paroisse de Saint-Fraigne (Charente) appartenait à la branche des Le Coq de Villefagnan. Dans sa lettre du 2 février 1642, Guillaume Rivet a fait état du décès de Jacques Le Coq, sieur des Roches de Vendœuvre. 34 Etienne Tixeul, ministre de Villefagnan.

Page 11: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

11

de goutte aux pieds, qui ne m’a pourtant pas alitté, ni empesché de faire toutes mes fonctions publiques.

La Gazette du 7e du courant nous dit Son Altesse encore travaillée de ce mal. Dieu le vueille relever & fortifier & bénir ses armes en cette campagne prochaine. Je le prie aussi de tout mon cœur qu’il vous conserve longuement en santé, avec Mademoiselle ma très chère sœur & vous embrasse tous deux très affectueusement avec maes nepveux & la famille de l’aisné. Ma femme & mes filles qui se portent bien, grâces à Dieu, vous baisent aussi humblement les mains & joignent leurs vœux pour vostre propsérité à ceux de,

Vostre très-humble & très affectionné frère & serviteur

Guill. Rivet De Taillebourg, le XIXe may 1642.

B. U. Leyde, BPL 287/II/63

15 juin 1642 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Par ma dernière, je vous entretien de mon voyage en Angoumois & en Poictou & en cette-ci je

vous toucheray ceux que j’ay fait depuis à Bourdeaux & à La Rochelle, qui m’ont empesché de vous escrire plustost. Combien que estant à Bourdeaux, j’eusse préparé une lettre pour vous & mis de pène de rencontrer à son logis Monsieur de Strades35, colonel, qui prit la poste pour aller trouver son Altesse. Et à une fois je ne trouvay ni luy ni aucun des siens luy estant par la ville ; à l’aube on me dit qu’il estoit parti. Je creu qu’il vous eust volontiers dit n’avoir veu, s’il n’eust escheu.

J’avois là une petit affaire pour toucher quelque somme qui est entre les mains du receveur des consignations que je ne pûs parachever estant passé de mon retour ; combien que j’eusse le tout en estat d’estre amené à fin par un de mes amis auquel je laissay procuration. Ayant veu les pasteurs qui tous s’enquirent fort de vous (aussi bien que Messieurs de la Chambre), j’appris que l’un deux avoit veu depuis quelques mois Monsieur Chamier à Montauban, lequel ayant une autrefois harangué Monsieur le Cardinal à son gré, avoit eu ordre de suivre son Eminence de Montélimar à Narbonne. Il fut aussi veu là de bon œil par ce grand ; qui pourtant à la fin luy dit choses qui l’estonnèrent & ont non sans raison alarmé tous ceux des nostres qui en ont ouï parler. Monsieur Chamier dist-il, il faut que vous vous résolviez de vous approcher de nous.

J’ay fort à cœur la réunion des sujets du roy en la Religion ; & croy avoir pêché de ce que j’ay tant différé d’y travailler. Je le feray si tost que je seray hors de cet affaire (de Perpignan) & y porteray de tout mon pouvoir. Il vous faut pour cet effet donner beaucoup de choses. La puissance si grande du piège romain qui vous offense, doibt estre limitée. Il faut vous lever le scandale des images sur quoy il s’arresta court parce qu’entrèrent quelque grands. Et le lendemain, il tomba malade. Monsieur Chamier, attendant la convalescence d’iceluy qu’il espéroit en brief, donna cependant jusques à Montauban, & apporta ceci. Son Eminence est encore mal, & vient aux bains & de là à Richelieu. On m’a dit ailleurs que on avoit envoyé 45 articles à Rome pour ce dessein. Dieu vueille dissiper le conseil qui tend à la dissipation de nos Eglises & renversement de la vérité.

Le jour de mon départ de là, passant devant le palais, je vis la fumée du bruslement du Capucin de Monsieur du Moulin ; & avis qu’en la tourbe on le qualifioit libelle diffamatoire. L’advocat général du Sault poursuivit pour avoir un tel arrest, qui passa contre l’advis du rapporteur Monsieur d’Andrault qui jugeoit qu’il falloit laisser ce livret afin qu’il s’esteignit & que telle condamnation feroit qu’on le recercheroit. Il y a en /2/ cela un tesmoignage de l’impuissance des capucins indigens & de la haine de ceux qui entreprennent ainsi de juger des œuvres & causes de personnes de nostre profession qui appartiennent à la Chambre de l’Edit. Si l’autheur recevoit soulagment des eaux de Spa,

35 Godefroy d’Estrades (1607-1686), colonel du régiment de Candale depuis 1640, partait aux Provinces-Unies pour réaliser une nouvelle mission diplomatique auprès du prince d’Orange. Pour ses services, il obtiendra en 1675 le bâton de maréchal de France.

Page 12: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

12

cette extinction d’un exemplaire du moindre des escrits ne luy seroit que matière du jeu. Dieu le veuille affermir encore [en] sa gloire.

Retourné en ce lieu le sammedy devant la Pentecoste, le lendemain je béni le mariage de Monsieur Thomas & de ma fille, m’estant hasté [pour] ne manquer à l’assignation prise devant que j’allasse à Bourdeaux et mercredy après nous allasmes à La Rochelle en un jour & menasmes vostre niepce en son mesnage. J’y reçeu beaucoup de contentement en la réception en tout ce que je pus recognoistre, & jugeay ma fille colloquée en bon lieu & avec personnes d’honneur & de piété.

Mon gendre vous escrit, je ne sçay de quel style, mais il est assés entendu pour un homme de sa profession. Il m’apporta le samedy sus-mentionné vos Animadversions36 sur les annotations de Grotius37, dont je leu quelque chose à heures de […] avec grand plaisir & profit, mais je ne pus avancer guères comme je trouvay qu’avoit fait Monsieur le Président Charron38, qui lisoit à La R[ochelle] (où il demeure ayant mis son fils en sa place en la chambre) l’exemplaire que vous avez envoyé à Monsieur Vincent, dont il n’a pû encore estre maistre. Il l’avoit laissé à Monsieur Bohereau39 l’un de ses collègues, sur ce qu’il luy vint en sa présence en temps qu’il avoit à travailler.

Iceluy Monsieur le président me tesmoignant y trouver grande satisfaction, m’advertit de ce que vous faittes honorable mention de moy. Et ce soir mesme retourne d’une lieue d’ici où j’ay fait un second presche, arrivé de La Rochelle hyer bien tard & tout mouillé ; j’ay fortuitement rencontré l’endroit où vous louez mon traitté de l’or[]ne, de l’invocation & adoration des Saints. Ce que je prendrois pour un tesmoignage é domo, & rendu par affection, si je ne sçavois que tousjours les ef[fets] de vostre affection sont desférés en jugement. J’ay veu aussi ce que Monsieur Spanheim en touche avec grands éloges deb. Evang. Part. & dub. 67. Ce qui à vostre eshortation mise en apostille pourra m’exciter à tourner ce traitté en latin quand j’auray le loysir. J’ay quelques affaires ; & faut peu pour m’en presser, joint que je suis apparessé ayant désisté de travailler & aymant le repos.

Je suis estonné du Sr. Thévenot duquel je n’ay ni vent ni nouvelle. Je vous ay mandé que sa mère m’avoit promis de vous indemnizer entièrement quant à ce qui est de la moindre valeur des monnoye en Hollande qu’ici. Des autres debtes je luy en escriray ! Voyla comment je n’ay point veu le philadelphus repulars, ni l’apologie au contraire.

Demain, Dieu aydant, je me mettray /3/ à poursuivre vos doctes, clasées & solides Animadversions sur les notes grandement artificieuses & qui démonstrent que ce personnage a perdu tout zèle pour la vérité & s’est donné au monde qu’il flatte contre sa conscience. En la response qu’il prépare, il faut que pour s’excuser ou couvrir en quelque sorte, il approche de nous ou qu’il se déclaire ennemi.

J’ay veu vos nouvelles d’Angleterre en diverses pièces Angloises imprimées, que me fit venir un marchand de La Rochelle J’adjouste pour ce qui se passa là que vendredy matin mon jeune fils y fit une action en l’Eglise qui conteste tout la monde à merveille Au soir, luy & moy soupasmes chez Monsieur Bohereau avec Monsieur Vincent où fut beu à vostre santé ; & je promis de le vous mander ; & ont présentés leurs baisemains, come aussi de Monsieur Beauval qui est un royal homme & nostre cousin, sa femme une brave femme. Je finis avec le jour priant Dieu qu’il bénit Son Altesse en cette campagne & conserve sa personne. Ma bonne femme & moy qui sommes ici seuls, ma jeune fille estant demeurée pour quelque temps auprès de sa sœur, vous saluons humblement & embrassons très-affectueusement vous & Madamoiselle ma très chère sœur, priant dieu pour vostre prospérité de tous deux, & de mes nepveux. C’est,

36 André RIVET, Animadversiones in Hugonis Grotii Annotata in G. Cassandri consultationem. Accessit Tractatus de christianœ pacificationis et ecclesiœ reformandœ verà ratione antè 80 annos editus, Lugd. Batav, 1642, in-8°. 37 Sur le conflit entre Rivet et Grotius Cf. Hans BOTS, “ Hugo Grotius et André Rivet. Deux lumières opposées, deux vocations contradictoires ” in Henk J. M. NELLEN et Edwin RABBIE (Ed.), Hugo Grotius Theologian. Studies in the History of Chrsitian Tought, 55. Essays in Honour of G. H. M. Posthumus-Meyjes, Brill Academic Publishers, Leiden, 1994, p. 145-155. 38 André de Charon, ancien lieutenant général de la sénéchaussée de Bergerac, avait été en 1628 installé par Louis XIII à la présidence protestante de la Chambre de l’Edit en Guyenne. En 1641, il se démit en faveur de son fils, Jean, qui exerca cette charge jusqu’à sa mort en 1652. 39 Elie Bouhereau, né en 1603 à La Rochelle, étudiant en théologie en 1626 à Genève, ministre à Fontenay-le-Comte puis à La Rochelle. Il avait épousé le 13 février 1635 Blondine Richard.

Page 13: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

13

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XVe juin 1642. B. U. Leyde, BPL 287/II/11

13 juillet 1642 - Taillebourg De Taillebourg, le XIIJe juillet 1642.

Monsieur mon très-honoré frère, Depuis ma dernière, j’ay leu à loisir les notes artificieuses de Grotius & vos très doctes & très

exactes Animadversions sur icelles. Je ne m’estonne point si comme j’appren de celle que vous m’avez escrit du IXe de juin ce personnage fait en ce qu’il répart, & ne pare pas à vos estocades, car il n’est pas possible de tenir contre la vérité si bien représentée. Et vous luy donnez des atteintes telles en divers endroits que j’ay bien creu qu’il aura mieux aimé les laisser passer, que de s’empestrer en y voulant parer. Mais j’atten de voir tout cela plus particulièrement quand vous m’aurez fait la faveur de me communiquer vos secondes Animadversions.

Aussi liray-je bien volontiers ce Prince qui nous exhibera ce que vous avez heureusement pratiqué en un sujet si haut, & où j’espère que Dieu aura fait l’inscription du principal de son propre doigt.

J’ay loué le Seigneur tout puissant lisant ce que vous m’escrivez touchant la Princesse son espouse ; satisfaisant en cela au dépis que je vous avoir tesmoigné d’avoir d’en estre informé, dont aussi je vous remercie grandement. Comme pareillement des nouvelles d’Angleterre, que Dieu nous doint meilleures enclinant le cœur du Roy envers son Parlement & donnant à ceux là de se comporter en équité avec prudence. Nous sommes en attente de la prise de Perpignan, & de ce qui se sera passé au diocèse de Coulongne, où on dit que les ennemis accouroyent de toutes parts ; et que d’autre costé Monseigneur le Prince d’Orange regardoit là pour épauler ceux à qui on en veut. Les Suèdois d’aillieurs ayant eu grand avantages en la Silezie.

Mais pour revenir à nos combats d’autre nature, je m’estonne de quelle calomnies & injures pourroit vous avoir assailli ce malheureux & enragé esprit de Milletière. Je pense bien qu’il est outré de ce que vous avez ramassé des propositions qui le commettent avec ceux auxquels il s’est vendu, et plus encore d’avoir publié la censure de la Sorbonne qu’il avoit empesché de paroistre par ses offices envers la puissance supérieure. Mais en tout cela vous ne luy imposez rien.

Le Sr. Thevenot est avec sa mère il y a quelque temps. Et j’ay sçeu que quelcun venant de là ici, un escolier Aleman qui est avec luy donnoit advis de prendre cette occasion pour m’envoyer ; & qu’il respondit qu’il viendroit exprès. Je l’atten ; & peut-estre que ce qu’il diffère c’est jusques à ce qu’il ait fait mettre ordre au payement de ce qu’il doibt.

J’ay encore ma jeune fille avec sa sœur à La Rochelle & ma bonne femme seule avec moy. Elle & moy prions Dieu ardemment pour la prospérité de vous, Mademoiselle ma sœur & mes nepveux, y comprenant ma niepce vostre bru & son petit. Nous vous saluons aussi de l’affection dont je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

Vous avés ici ce gros paquet de Monsieur d’Agonnay à son fils. J’en fai ma lettre […] de Monsieur le prince de Talmon [] la des marques.

B. U. Leyde, BPL 287/II/13

Page 14: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

14

7 septembre 1642 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Pource que vous ne manquez guères de me respondre du jour de la réception de mes lettres,

j’apprehendois bien que quelque indisposition vous eust empesché en la dernière rencontre. Mais celle que vous avez escrit huit jours après m’a mis hors d’esmoy, me disant la mal & la guérizon prompte.

J’ay eu aussi une telle venue en cete année & pour un jour. Monsieur de Marsilly sera, comme je croy, à vous devant cette-ci, comme il m’a mandé de Paris. Et Dieu veuille qu’il trouve matière de joye estant là.

On nous a escrit de Bourdeaux que on disoit là Monsieur la prince de Talmont mort en suitte de la blessure dont a parlé La Gazette. Mais considérant qu’ils ne pourvoyent avoir là plus fresches nouvelles en ce temps, que celles que vous m’avez envoyé. Si le poste n’avoit devancé l’ordinaire de huit jours, je me fais croire que ce bruit de la mort soit venu du temps de l’alarme en laquelle vous dites avoir esté sur ce qu’on disoit l’artère coupé. Combien que j’appéhende aussi bien fort qu’il soit survenu quelque nouvel accident ; tant les mauvaises nouvelles sont ordinairement vérifiées. Ce seroit une perte incomparable à cette maison & ceux qui en dépendent. Et je craindrois que Madame ne succombast à telle affliction après, & avec d’autres très sensibles. Celle que luy donne l’estat de Monsieur son frère n’est pas petite ; vrés qu’on dit que l’intercesion de Monsieur le prince d’Orange & de la Landgrave de Hesse luy sauvera la vie.

Mon jeune fils passa ici il y a huit jours venant des fiançes d’un sien ami qui me rapporte qu’en la compagnie où il se trouve, on dit Monsieur du Moulin décédé, à quoy ce que le XIe aoust vous teniez qu’il s’abbaissoit de plus en plus ne répugne pas. En effet il faut se résoudre à cette grande perte pour l’Eglise de Dieu qui luy sera une excellente délivrance après tant de combats. Il a tellement employé le temps qu’il ne laissera de profiter aux autres estant au repor. Et ayant esté une des grandes lumières de son siècle, il reluira encore à la postérité & vivra en la mémoire des bons, et mesme des adversaires. Il laisse aussi des enfans capables de le renouveller. Car ceux qui sont pasteurs ne permettront pas que celuy dont la profession est autre les devance en ce qui est de l’oeuvre de Dieu. Certes ce personnage a fort exactement traitté la question au fonds touchant l’origine de l’épiscopat de prééminence ; et pour ce regard renvoye bien son Iscanus. Il est vray que je me trouve réconcilié avec Joseph Hol, apprenant de cettuy-là que c’est que son ancienne religion & son Conorbite qui ne renversent pas son no peace with Rome. Et qu’aussi il ne tient pas qu’il ne puisse en aucun cas y avoir d’Eglise sans Evesque ; qu’il recognoist que les nostres n’en pouvoyent avoir ; & que le deu qu’il soutient ne regarde que le bien estre. Il me déplaist pourtant fort que son défenseur soit si aigre contre Monsieur vostre nepveu, & évite d’offencer les Cantuarieus, tant cette cause commune de la hiérarchie les attache les ans avec /2/ les autres.

De ceci vous comprenez bien qu’enfin le Sr. Thevenot m’a veu & m’a rendu vostre paquet. Il promet de vous envoyer bientost vostre argent & aux autres auxquels il doibt à Leyden ; ayant, dit-il, trouvé un marchand à Bourdeaux qui se contentera de 20 pour 100 de change. Je le soliciteray encore jusques à l’effet.

Monsieur d’Agonnay m’a dit avoir envoyé cent escus à Monsieur son fils par un gentilhomme de sa cognoissance, & que sans doubte il aura reçeu. Car d’ailleurs je luy avois monstré vostre lettre pour le toucher. Je croy que vous aurez reçeu le paquet où estoyent les lettres de Monsieur de Beauchesne & desquelles il vous prioit par moy de prendre la pène de tirer responses & où les envoyer.

J’atten de La Rochelle vostre instruction du prince, & les pièces contre Grotius & Milletière, outre celles qui viendront de Rouen contre ce dernier. C’est véritablement un grand bien que vous l’ayez mis aux prises avec les Herbonites, qui l’auront toutjours pour adversaire. S’il ne se range à eux tout à fait. C’est une grande pitié que de cette malheureuse affaire d’Angleterre, & que cette playe ne reçoive point de remèdes que par des saignées auxquelles on se prépare de tous costés. Celuy que préside sur les eaux du déluge & que liant les cœurs du Roy en sa main, y vueille mettre ordre pour le bien de son Eglise, & la conservation de sa vérité ; au maintien de laquelle je le prie de tout mon cœur.

Qu’il vous conserve longuement en toute prospérité avec Madamoiselle ma très chère sœur et mes nepveux avec ma niepce vostre bru & le petit Willem. Ma femme & ma jeune fille vous baisent

Page 15: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

15

très-humblement les mains, mon gendre me mande qu’il vous & escrit par un jeune homme qui va vers vous. Ma fille, sa femme, tesmoigne estre fort contente, dont je suis fort resjoui. J’escriray à ma sœur le souvenir que vous avez d’elle & des siens. Et m’assur que vous l’avez tousjour grand de moy, qui demeureray,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le VIJe septembre 1642. B. U. Leyde, BPL 287/II/14

21 septembre 1642 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’ay reçeu vostre lettre du 28e aoust par laquelle & moy & d’autres en ce lieu & auprès, avons

esté tirer de grande pène & esmoy à l’égard de Monsieur le prince de Talmont qu’une gazette de Hollande, veuë à Bourdeaux & à La Rochelle, avoit fait mort en suitte de sa blessure & d’une gangrène survenue40. Nous avons grandement loué Dieu d’apprendre le contraire & que étant desjà debout, il n’aura de là aucune incommodité. Le Seigneur luy doine de profiter de cette visite & le vueille préserver pour l’advenir. Cela nous a aydé à nous resjouir plenement avec le public ; de la conqueste de Perpignian qui est haut-grande. Vous et sçavés l’importance, & en aurez appris les particularités.

L’Angleterre nous travaille bien fort estant en si malheureuse division & aux mains. On en a nouvelles particulières à La Rochelle qui ne mettent pas la Parlement en si mauvaise posture que fait la gazette ; mais il ne peut y avoir que du mal de quelque costé que penchent les choses.

On tient que Monsieur de Buillon se libère par la perte de Sedan. Je ne doubte pas que l’intercession de Monseigneur le prince d’Orange ne luy serve beaucoup & que Monsieur de Strade n’y travaille puissamment.

Je feray sçavoir à Monsieur de Beauchesne la réception de son paquet & ce que vous m’en mandez. Vous aurez sçeu par ma dernière que le Sr. Thevenot m’a veu & promet de faire ce qu’il doibt. On me dit hyer que le fils de Monsieur d’Agonnay estoit venu. Je ne faudray d’exhorter Monsieur son père & luy d’envoyer payement à ceux qui luy ont presté près de vous & ne laisser mauvaise impression d’eux, ce que j’espère obtenir.

Je n’ay point encore reçeu le paquet addressé à Monsieur Vincent ; et il ne l’a point aussi, comme j’appris hyer de luy par une lettre que m’apporta Monsieur Beauval, nostre allié qui vint céans retirer sa fille que ma Judith avoit mené avec elle il y a cinq semmènes. Tout se porte bien là et ici ma femme se remit d’une furieuse fiebvre tierce, maladie épidémique qui en a travaillé maintes en ces quartiers.

Au reste vint hyer céans Monsieur du Douhet, gentilhomme de cette Eglise fort qualifié, qui est de la maison de La Rochefoucault, lequel m’en amena un autre pour & avec lequel il me prie instamment de faire officiés envers vous. C’est l’aisné de Mesguignan qui est de Ruffec. Ses frères ont fait quelque violence à des serviteurs de Monsieur de Chasteauneuf & parlé de sorte que mon dit Sieur en est demeuré si offensé que ne voulant nullement ouïr parler d’eux, il a pareille aversion de cet aisné, le considérant comme coulpable avec les autres, quoy qu’il n’ait (à ce qu’il dit) nulle part en ce qu’ont fait ses frères & qu’il ne fust point avec eux . Que le respect qu’il porte à /2/ à mon dit Sieur de Chasteauneuf41 & Monsieur de Hauterive42, son frère, a fait qu’il se soit abstenu d’aller à Ruffec où il

40 Henri-Charles de La Trémoille, prince de Talmont, avait été grièvement blessé à un bras lors d’un duel avec le prince Radziwill. 41 Charles de L’Aubespine (1580-1653), marquis de Chasteauneuf, ancien Garde des Sceaux destitué en 1633, venait de passer dix ans en exil à Angoulême.

Page 16: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

16

a sa femme & qu’il se résolve de n’y aller que soubs leur aveu & quand Monsieur de Chasteauneuf ayant voulu ouïr ses justifications aura séparé sa cause d’avec celle de ses frères & détourne son ire de luy. Que pour y parvenir il se voit autre moyen qu’en obtenant de Monsieur de Hauterive duquel il a l’honneur d’estre cogneu comme ayant porté les armes par deux ou trois annnées dans son régiment, qu’il veuille luy faire la faveur que d’en escrire à monsoeir son frère & l eprie de recevoir ce suppliant à l’ouire pour son particullier, et remettant sa vie & sa liberté entre ses mains ; espérant ensuitte d’obtenir d’aller en sa maison de l’agré de mon dit Sieur, auquel & à Monsieur de Hauterive il voue tout service & obéissance ; réputant la disgrâce présente à un des plus grand malheurs qui luy peust advenir. A ces fins, il me requerroit de vous en escrire & vous prier d’en parler vous mesme à Monsieur de Hauterive ou employer quelque plus puissante intervention, si vous le jugiez à propos. J’ay trouvé cette requeste équitable en apparence, en ce qui est de la chose en soy ; & tant soubsmise & humble, envers ces Messieurs ; que je n’ay pû dénier de vous prier d’y faire vostre possible. Ce sera un grand bien de mettre une famille à repos qui vous en aura grande obligation, comme y ayant contribué puissament. Et je vous en remercieray avec toute recognoissance.

Je n’adjouste rien ici que les humbles baise-mains de ma femme & de ma fille à vous a Madamoiselle ma sœur & de moy aussi, qui prie Dieu pour la continuation de la prospérité de tous deux & de mes nepveux & suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXIe septembre 1642. B. U. Leyde, BPL 287/II/16

26 octobre 1642 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’ay reçeu vostre lettre du 29e septembre qui m’est venue dans le paquet de Monsieur de

Marsilly. Et me fait bien fort resjoui de ce que mondit Sieur vous est arrivé sain & sauf43. Comme il vous a pû entretenir de nostre estat & de toute les menues particularités qu’on n’escrit point, j’atten que Dieu luy donnant de retourner à nous heureusement selon nos prières, nous repaissions par son moyen nostre curiosité sur tout ce qui vous concerne & le pays. Madame sa femme se porte fort bien ; & luy escrit sans doubte addressant à Monsieur de Rozemont, lequel a donné l’advis de l’arrivée de Monsieur de Bouillon à Paris en liberté & en santé de corps, quoy que son esprit soit fort net sur les raisons de ce qui se passe à l’égard de luy & de sa maison.

J’ay appris d’ailleurs quel gouverneur on a mis à Sedan44 & que Monsieur Rambour45 a fait une harangue au Cardinal Mazarin dont on me promet la copie46 et je pense qu’on l’a imprimé avec l’arrest

42 François de L’Aubespine (1604-1690), sieur de Hauterive, était gouverneur de Bréda. Il était marié à Eléonore de Volvire, marquise de Ruffec. 43 Henri de La Trémoille avait envoyé son demi-frère, Hannibal, à La Haye aux Provinces-Unies pour prendre des nouvelles de son fils aîné Henri-Charles et pour débrouiller la succession laissée par son frère cadet Frédéric de La Trémoille, comte de Laval, mort à Venise au début de l’année des blessures reçues lors d’un duel. 44 Louis XIII et Richelieu chargèrent de cette mission délicate Abraham Fabert (1599-1662), maréchal de France en 1658. 45 Abraham Rambour (1590-1651), originaire de Sedan, était ministre à Sedan depuis 1616 et depuis 1620 était professeur d’hébreu et de théologie à l’académie. Il était le ministre préféré de la duchesse douairière de Bouillon Elisabeth de Nassau et a laissé une relation de ses derniers instants. La Bibliothèque de l’Université de Leyde conserve 56 lettres qu’il adressa à André Rivet de 1628 à 1650 (BPL 277). 46 Dans sa harangue, Rambour souligna que les Sedanais étaient “ des cœurs et des affections toutes françaises, qui sont telles d’origine et de naissance ” et insista sur le fait qu’ils ne souhaitaient “ d’être maintenus en toutes les parties, avantages et lieux de leurs dévotions et études ”. Il conclût en assurant que “ les lys ne sont pas ici entre les épines : cette auguste fleur se plaira en notre terroir ”. P. CONGAR, J. LECAILLOU et J. ROUSSEAU, Sedan et le pays Sedanais : vingt siècles d’histoire, Paris, 1969, p. 327.

Page 17: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

17

de Monsieur de Buillon. Les jugemens de Dieu sont merveilleux pour le regard de ceux qui luy tournent le dos ; et faut s’asseurer qu’il rendra aussi admirable ses voyes en la conservation de son peuple. Ce que j’espère que nous verrons à l’égard de l’Eglise de Sedan laquelle aura Dieu pour mur & avant-mur. Je plein fort Monsieur du Moulin duquel l’affliction particulière se rencontre avec ces difficultés publiques, mais celuy qui l’a soutenu si puissamment d’eux les dures espreuves du passé parachèvera son œuvre en luy & le fortifiera jusques à la fin. De quoy je le prie de tout mon cœur & qu’il donne aux sien matière de bénédictions.

L’Angleterre entreprend une grand’œuvre que cette confession & discipline uniformes avec les Ecossois, & de mettre par tout à fait la hiérarchie de ces Diotrephes. Les vrays évesques qui sont parmi eux doivent céder leur intérest particulier pour le bien public. Mais aucuns le feront difficilement, quelque piété qu’ils ayent d’aillieurs. Et les autres remuiront tout ce qu’ils pourront avec leur faction, & les conseilliers qui font que leur Roy se rendisse.

Les gazettes nous parlent diversement de son estat. Mais les Anglois qui sont à La Rochelle ont advis qu’il est accullé à Chester ; & pensant à aller en Irlande s’il avoit des vaisseaux. On nous dit aussi la Royne d’Angleterre en mer ou pour venir /2/ en France, on peut aller à Falmouth, où un gouverneur se seroit déclaré de ce parti là. Mais il y a apparence qu’elle n’ira pas s’engager dans ces difficultés.

Je n’ay point encore reçeu la pacquet addressé à Monsieur Vincent ; & ne sçay à quoy il tient. J’eusse bien souhaitté que vous n’eussiez point escrit directement contre Milletière après ce que vous en aviez dit parlant à Grotius & n’esprimant que ses dits & le jugement des adversaires ; quoy qu’il pûst escrire après. Car ce misérable homme estant sans honte, tirera gloire de vous avoir pour partie formelle. Ce que vous luy osterez par le mespriser désormais & le laisser estriller à d’autres de moindre nom. Il s’est souvenu de moy à vostre occasion, pour se ramentevoir que j’ay esté un de ceux qui dans le consistoire de l’Eglise de Paris ordonnèrent qu’il seroit retranché publiquement de la communion ; & qui de là m’estant rencontre avec luy retournent à Paris dans le carosse de feu Madame de L’Oudrière, je le rembarray tout le long du chemin & le malmenoy au jugement de tous les assistans. Madame la mareschalle de Chastillon se souvient bien de ce que feu Madame sa belle-sœur luy en rapporta. Et quant à ces notes sur les thèses de feu Monsieur Cameron, il peut luy en avoir ouï parler lorsqu’il fut chez Monsieur de L’Isle-Groslot conférer avec Tilenus. Sur quoy cet imposteur a forgé le reste de ce qu’il dit. Car il n’y a pas d’apparence que le Sieur Cameron qui fut bien eschauffé du commencement au sujet de ces Animadversions, les eust porté en ce voyage pour en entretenir ces Messieurs si long temps après qu’il les eut reçeu. Dès lors que je vous en anvoyray copie pour apprendre vostre sentiment sur cela. Car j’ay sçeu que en oyant communiqué l’autre copie qui me restoit à un pasteur voisin à Saintes, avec prière de ne la laisser eschapper de ses mains, le feu Sr. Leslay pasteur […] de l’Eglise de Genosac & depuis mort évesque des Hébrides, l’emprunta pour jeter les yeus dessus, & la rendu incontinent, ce qui luy fut concédé sur ce que faisant profesion d’en faire estat, il promettoit qu’elle ne passeroit entre ses mains. Mais il passa une nuict pour transcrire à la haste ce qu’il envoye à son compatriote rendant le lendemain matin ce qu’il disoit avoir seulement leu. Au fonds je découvroye bien dès lors ce qui a paru depuis. Et ne me chauld de dire de cet effronté, duquel les reproches me tourneront à honneur. Car il ne m’eust pas choqué, s’il ne m’eust honoré contraire à ses meschanceté.

Quant à Grotius, puis qu’il a voulu encore /3/ dire quelque chose & qu’il importe de luy résister jusques au bout. Je prie Dieu qui vous a donné les forces & la volonté de combattre ce bon combat, qu’il continue à vous diriger & addresser en iceluy à sa grande gloire & à la confusion de ceux qui soubs préteste & couleur de conciliation, cerchent de renverser la vérité.

J’ay envoyé la lettre de Monsieur de Couvrelles47, adverti Monsieur de Beauchaisne de ce que vous m’escrivez pour le regard de ses affaires. Et parleray à Monsieur d’Agonnay qui m’a dit vouloir que son fils retourne en Hollande à la prime. J’appren qu’il est joueur & blasphémateur. Je n’ay pas ouï parler de Thévenot depuis qu’il me vit, mais ils ne manqueront de vous satisfaire. Je vous prie me

47 Jean-Casimir d’Ocoy, sieur de Couvrelles et de Saint-Trojan près de Cognac. Il était marié à Jeanne de La Rochefoucauld, fille de Pierre de La Rochefoucauld, seigneur du Parc d’Archiac et de Marie de Barrie.

Page 18: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

18

mander si vous sçavez l’état de Ferreau. On avoit dit à son père qu’il estoit mort ; mais avec circondates qui arguent la narré de faux. Car on le supposoit fort aus gardes du Roy.

Ma femme a esté travaillée de fiebvres & se porte bien maintenant Dieu merci & tout nostre peuple avec moy, qui continueray mes vœux pour vostre prospérité & de Madamoiselle ma très chère sœur avec mes nepveux & Madamoiselle de Mondevis ma niepce avec son petit. Nous vous saluons & embrassons de l’affection & cœur dont je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXVJe octobre 1642. Je vous supplie présenter les très humbles baise mains & de ma famille à Monsieur de Marsilly

duquel je suis très humble serviteur. B. U. Leyde, BPL 287/II/18

16 novembre 1642 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Enfin m’est venu vostre paquet de livres qui a demeuré dix ou douze jours à La Rochelle. J’ay

trouvé en vostre très excellente Instruction du prince48 un thrésor qui peut servir à beaucoup d’autres. Dieu veuille que ces dignes assignements demeurent imprimés au cœur de celuy auquel ils sont particulièrement addressés. Je l’espère de sa grâce après que cette plante a esté cultivée de si bonne main.

Vostre examen des Animadversions de Grotius est aussi clair & fort que les animadversions sur ses notes à la consultation de l’escuade. Et puis que son volume est aussi maigre que les animadversions, il vous donnera occasion de faire paroistre les richesses de la vérité, le Seigneur vous fortifiant en ce combat pour sa gloire, selon les voeux de maints fidèles, particulièrement de moy. J’ay recogneu lisant le prodromes contre les calomnies de Milletière, qu’il vous estoit nécessaire de repousser ainsi cette calomnie atitré, qui le décriditera pour tout ce qu’il pourroit proposer d’injurieux contre un tel personnage que vous, assés testimonié par vos labeurs, sans qu’il fust besoin de recommandations d’ailleurs ; les quelles toutesfois vous surabondent de tous endroits.

Vous me continuerez le bien de la communication de ce que vous donnerez au public, & je l’attendray au plustost ; quoy que Monsieur de Marsilly n’en puisse estre le porteur, puis qu’il doibt aller par chemin selon qu’il en a escrit à Madame sa femme. Je m’apperçeu en lisant une partie de la lettre, qu’il luy escrivit de Gennep qu’après les grands éloges qu’il donnoit à Monsieur le prince de Talmond, il y a avoit un pourveu qu’il change de religion. Et luy qui aura parlé à vous comme nostre, est dangereux envers les foibles. Je croy que ce prince n’est pas de ceux là, & que il s’éloignera de ce pourveu, moyennant quoy luy demeureront mieux les éloges avantageux. J’admire avec vous les jugemens de Dieu sur le Seigneur de Sedan, continue à prier pour Monsieur du Moulin, & appréhender pour l’Angleterre, bien déplaisant de voir le gendre de cette maison si engagé contre sa patrie.

Ma femme a de grandes foiblesses ; mais pour moy je suis en très parfaitte santé, aussi bien que nos enfans. Nous vous saluons très-humblement avec Madamoiselle ma sœur, mes nepveuw & Mlle du Mondevis, ma niepce ; Dieu bénit de plus en plus son petit & vous conserve au souhait de,

Monsieur mon très-honoré frère,

48 André RIVET, Instruction du prince chrétien, Leyde, 1642, in-8°, ouvrage composé à l’intention du jeune prince Guillaume d’Orange. A. G. van Opstal a souligné l’influence de l’ouvrage de La Mothe Le Vayer : De l’Instruction de Monseigneur le Dauphin, sur celui de Rivet. A. G. van OPSTAL, André Rivet. Een invloedrijk Hugenoot ann het hof van Frederik Hendrik, op. cit., p. 43-54.

Page 19: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

19

Vostre très-humble & très affectionné frère & serviteur

Guill. Rivet De Taillebourg, le xvie novembre 1642. Nous atendions ce que vous aurez obtenu de Monsieur de Hauterive ayant parlé à luy.

B. U. Leyde, BPL 287/II/20

28 décembre 1642 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Par ma dernière vous aurez recogneu comme après avoir leu vostre prodromes, je suis de moy

mesme venu à vostre advis de la nécessité de vous purger de ces calomnies de Millettière. Je voudrois bien avoir rencontré un exemplaire du livre François imprimé à Rouen, en attendant

l’[…]gaticus contre votre Grotii. Je m’asseure que comme ce personnage allant contre la vérité & sa propre conscience, se relasche & fait de plus en plus paroistre sa faiblesse nonobstant tout son fast ; ainsi vous vous renforcés dans le soutien de la vérité avec vostre modestie.

J’ay releu les nouvelles pièces qui avoient tant tardé à venir par mer & ont esté un peu retenues à La Rochelle, avec grande satisfaction vous ne laissés rien passer à vostre adversaire sans le transpercer ; & luy ramenterez à propos ce qu’il a couvert de la lumière dont vous éclairiez en vostre premier escrit ; & y renvoyent le lecteur, qui trouve par la conférence de vostre dire avec son opposition qu’il n’a que pure opiniastre ici.

Pour vostre Prince, vous l’instruisez de telle sorte que n’oubliant rien des beaux traits de la sagesse humaine, vous rengez le tout admirablement. Soubs les ens[eigne]ments de la Sapience divine ; & employez si à propos & dignement l’Escriture S. et en tous lieux que vous faittes voir que vos presceptes, mesmes en ces choses qui ne sont pas de mystères, surpassant tout ce qui est du creu de l’homme ; & que là se trouvent les semènes des plus grands raisonnemens sur les choses du monde qui est un grand moyen piur faire naistre & croistre en un jeune prince l’amour & le respect des S. S. Escritures & le porter à abhorrer les prophanes contempleurs d’icelles ; mesmement le tout estant détaillé si gravement & à propos qu’en coulant demeurent il rehausse tout le discours, & ne monstre point d’affaiction comme d’un homme agissant en pasteur. Je croy certes, que tout ce qui a esté escrit sur ce sujet vous cède beaucoup ; Dieu le vueille inscrire & graver profondément au cœur de celuy auquel il a esté principalement destiné, & d’autres aussi.

Je souhaitterois fort pouvoir par la retour de Monsieur nostre gouverneur avoir avec la pièce que vous me promettiez quelques autres d’importance & du temps, notamment ce que Monsieur de Saumaize doibt donner de Primatis & ce qu’autres escrivant contre Grotius. Il achetera volontiers quelque pièce à mon usage m’estant obligé à cela pour les deux tomes de vos œuvres contre Coëffeteau que je regrette fort.

Je souhaitterois aussi grandement les œuvres latines ou Angloises de ce tant estimé Usserius49 duquel je n’ay rien leu. J’adjouste ce que Davenentius & Morton ont escrit contre les Semi-pélagiens de ce temps ; & en feray le remboursement par la plus prompte voye. Je vous supplie en présentant mes humbles baise mains à mon dit sieur de luy toucher de cela & luy délivrer la lettre que luy escrit Monsieur d’Agonnay, le fils duquel satisfera à tout comme j’espère.

Je suis bien déplaisant du mauvais comportement de nos Saintongeais & de la pène que vous en avez ; ne pouvant point dénier un mot à plusieurs qui m’ent demandent. Mesme vous en ay-je envoyé un la semaène passée pour un jeune homme de cette ville. Vous en userez selon vostre prudence.

Je prie Dieu qu’il préside à sa gloire sur les confusions d’Angleterre, & doint à nostre Roy un conseil fiable après la perte d’un si grand homme que ce renommé Cardinal50. Tout se porte bien ici, ma femme, ma fille & moy remis du tout d’une petite infirmité de huit jours, laquelle ne m’a empesché

49 James Ussher (1580-1656), archevêque d’Armagh en Irlande depuis 1625. 50 Comme beaucoup de protestants Guillaume Rivet respectait la personne du cardinal de Richelieu.

Page 20: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

20

d’aller avec le baston ? Nous vous saluons & embrassons très affectueusement avec Mademoiselle ma très chère sœur, mon nepveu, Monsieur de Mondevis,& ma niepce sa bonne compagne & leur petit. Je souhaitte aussi toute prospérité à mon nepveu vostre puisné, & suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXVIIJe décembre 1642. Nostre bon ami, Monsieur Vincent, est travaillé de long temps d’une mauvaise double quarte.

Mon frère tint sa place il y eut dimanche quinze jours & le vendredi suivant ; & édifié fort ayant laissé son …

J’ay envoyé les lettres de Monsieur de Beauchesne & atent de M. Ferreau le pouvoir à son fils ce qu’il a promis.

B. U. Leyde, BPL 287/II/21

1643 Le 14 mai Louis XIII mourut, le 18 mai le parlement cassa son testament, le 19 mai le jeune duc d’Enghien remportait la bataille de Rocroi, le 20 mai Anne d’Autriche faisait de Mazarin “ un des chefs de son conseil ”. Les acteurs qui vont occuper le devant de la scène politique jusqu’au début du règne personnel de Louis XIV en 1661 sont désormais en place.

Autre événement marquant, le 27 mai, Anne d’Autriche envoya ses ordres pour le siège de Thionville et donc la poursuite de la guerre contre son frère le roi d’Espagne et son cousin l’Empereur51. Le soulèvement des Croquants en Rouergue pendant l’été, la cabale des importants ne la referont pas revenir sur cette décision. A la fin de l’année, elle donnera une preuve de satisfaction aux Réformés en donnant le bâton de maréchal de France au vicomte de Turenne et en le nommant comandant de l’armée d’Allemagne.

Pour Guillaume Rivet l’année 1643 est marquée principalement par le mariage le dimanche 27 septembre de son plus jeune fils, Etienne, le pasteur de Saujon avec Jeanne Beaudouin, la fille aînée de M. de Boisrond un avocat de Port d’Envaux.

25 janvier 1643 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’attends au retour de Monsieur de Marsilly d’estre instruit de beaucoup de particularités & du

pays et de vostre maison. Dieu doint à ce jeune Seigneur en la compagnie duquel il vient de prendre tellement la teinture du bien que la corruption ne la puisse gagner. Il faut estre bien muni au dedans pour tenir bon en ce siècle & là où la vérité est tant haïe mais Dieu cognoist ceux qui sont siens, & conserve en eux la bonne semence.

J’espère bien qu’en la conjoncture des affaires présentes l’œuvre & la besongne des nouveaux modérateurs sera arrestée, Dieu disposant autrement que l’homme l’espose. Cependant vostre forte résistance aura grandement servi & servira bien fort à l’advenir, pour l’instruction & affermissement de plusieurs. Mesmement cette dernière pièce contre Grotius, dont vous m’envoyez copie ; que je dévoreray comme je fayt tout ce qui vient de vostre part.

J’ay découvert qu’il est venu près de nous quelques exemplaires de ce que Monsieur de L’Angle a fait imprimer à Quevilly, de vostre part ; comme aussi de l’escrit de Monsieur Durieu ; & en feray recerche, sans en escrire à Monsieur Vincent auquel j’ay envoyé vostre lettre. Il est encore fort infirme de sa longue maladie.

51 Claude DULONG, Anne d’Autriche, Librairie académique Perrin, 2000, p. 255-301.

Page 21: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

21

Peut-estre que vous luy touchés bien quelque propos touchant Monsieur D’Artois52, lequel il cognoist mieux que je ne fay pas. La perte d’un tel ouvrier que Monsieur Primerose est très grande à l’Eglise de Londres après celle de deux autres en mesme année. Et je doubte fort que ce personnage ici fust pour la réparer. Je ne l’ay jamais ouï presque, & ne l’ay veu qu’au synode de Melle auquel se présenta feu mon nepveu, vostre fils aisné. Je m’estonnay de voir que feu Monsieur Chaufepied53, son beau-père, qui moderoit, avoit beaucoup de pène à le faire gouster à quelque Eglise dépourveue de pasteur luy se trouvant sans Eglise, & que elles jettoyent les yeux sur des proposans. Et toutefois ayant recogneu depuis par ses escrits qu’il avoit de beaux dons, & trouvé en une visite dont il m’a honoré longtemps après, qu’estant homme de bonne façon & s’exprimant bien, il devoit estre bon prescheur ; je pensay qu’il pouvoit y avoir quelque suitte de malheur sur quelque disgrâce & rebut reçeu en sa patrie, où un prohète est rarement bien reçeu. Et considérant l’air & sa province avec son estat, juge bien qu’estant transplanté en un autre terroir, il y fruitifieroit mieux. Toutesfois pour la prudence & conduitte, j’estime qu’il y a du manque ; l’ayant recogneu par rapport de ses propres amis qu’il n’a point voulu croire là où il estoit à propos. Et comme respondant à une lettre qui accompagnoit le présent d’un exemplaire de son escrit latin de la predestination. Je luy eusse représenté avec vifves raisons le tort qu’il avoit de ne s’estre pas tenu en la modération du Synode national ; & avoir ouvert la playe fermé. Je le trouvay fort desraisonnable & passionné en ce qu’il me rescrioit là-dessus /2/ mais il me contenta en la visite qu’il fit après ; & je le trouvay bien modéré en tout son propos ; à quy aussi il s’estoit disposé premier que vous []. Vous aurez à en apprendre davantage pour sçavoir s’il contenteroit bien un grand & considérable peuple en chaire, & s’il seroit capable par sa préd[] et tenir par là le timon ; où assés déférent & relance envers un autre plus capable. Dieu le vueille bénir & vous addresser à s’employer convenablement selon vostre charité gardée par vostre bon jugement. Comme vous avez fait & sans hésiter de Monsieur Spanheim, pourvoyant bien à cette célèbre académie, & faisant que un personnage de si grand érudition & capacité rencontrast une condition digne de luy. Je l’honore grandement pour son mérite & son grand sçavoir joint au principal qui est la piété. Mais je luy ay grande obligation en particulier pour sa charité envers moy, qui luy a fait voir de si bon œil ce qu’il a veu de mes petits labeurs, qu’il m’ait honoré de tesmoignage de son approbation avec des éloges si avantageux. Dieu vueille continuer de bénir ses grands labeurs ; la communication desquels me sera agréable & profitable. Une chose me poinct ; qu’il ait volontiers changé de demeure pource que au lieu où il estoit (à ce qu’on m’a dit) ait esté admis un personnage façonné à la guise de Saulmur, qui ait fait que ce qu’on blasmoit fort la so[] tenu pour indifférent ; ce qui seroit une disposition à gagner le dessein. Car tandis que nous cerchons la paix, & supportons, ces gens là taschant d’emporter. Et celuy auquel vous avez rendu bon tesmoignage, comme ayant soustenu le plus important en la question de la prédestination contre les Arminiens, ne s’est point contenté de recognoistre en cela vostre charité & s’autres fidèles serviteurs de Dieu, mais s’en prévault comme si enfin on venoit à luy.

J’ay veu une lettre bouffie d’iceluy se paonnant par un recueil d’éloges à luy donnés, & exhortant de marques en cela le changement en ceux qui auparavant le blasmoyent. Et y avoit un fragment d’une lettre de vostre part le louant fort au fonds quiy qu’il ait une méthode à part. Un de nos collègues me communique cette pièce pour sçavoir de moy si vous auriez bien escrit en tels termes. Je luy menday que je le croyois ainsi, & le jugeois par ce que vous en dites contre Grotius ; mais que ce personange s’enfle à l’occasion de vostre charité ; et fait trophée de la condescendance de ceux qui ont l’esprit de paix.

Ô que cet esprit puisse prévaloir en Angleterre, & és principaux & au peuple ! Com[me] est panchant cet estat là ; spécialement pour le regard de l’Eglise & de la conservation de la religion ? Les affections mondaines s’augmentent en ceux qui me regardent qu’au siècle ; & les élans de zèle & de piété sont des bouffées en plusieurs. Il faut néantmoins attendre que Dieu face son œuvre /3/ & la prier continuellement qu’il affermisse son alliance parmi ces peuples. Il n’y a rien és affaires de l’Europe qui travaille tant mon esprit ; parce que je voye que l’adversaire de nostre salue fait là ses plus grands effects, où le règne de Dieu estoit estallé plus avantageusement. Je seray bien ayse que mon nepveu

52 Josué d’Artois, ministre de l’Eglise de Saint-Hilaire et de Foussay. 53 Jean Chauffepied, ministre de Niort, dans le premier XVIIe siècle.

Page 22: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

22

vostre puisné devenu là pour un temps en la qualité qu’il y a eu une autrefois, attendant tousjours avec impatience d’apprendre que la maison du jeune prince estannt faitte, il y ait la charge promise.

Mon nepveu de Mondevis m’escrit d’une charge d’autre nature à laquelle il aspire. Je rendray grâce à Dieu de son avancement ; comme je fay de son estat présent & de sa famille qui vous est en matière de joye. Mais je plains fort Monsieur du Moulin en la continuation de sa maladie ; recognoissant toutesfois la providence de Dieu veillant pour luy en la grâce qu’il luy a fait de se trouver envers les puissants qui obtiennent à quoy il ait voulu que vous ayez servi.

Je croy bien que Mademoiselle ma très-chère sœur à son corps affoibli & les défluxions plus continues par le travail de son esprit et prie Dieu que luy donnant matière de joye, ou consolation puissante, il luy envoye pleine santé & vous conserve la vostre. C’est le souhait de ma femme & de ma fille qui se portent fort bien, grâce au Seigneur, comme je fay aussi, vous embrassant tous deux cordialement & demeurant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXVe janvier 1643. J’ay escrit à Monsieur de Couvrelles & à Madame Thevenot. Jean à une jolie famille. Son aisné,

qui vient à huit ans, lit et escrit fort bien ; & a appris ses déclinaisons & conjugaisons soubs son oncle de Saujon, qui l’a chés soy. Je pren un second. Leur reste une jolie fille, & un petit garçon.

B. U. Leyde, BPL 287/II/22

1er mars 1643 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je me suis resjoui de la résolution de Monsieur le prince de Talmond & croy qu’elle luy sera

profitable. Monsieur de Marsilly est en France & m’a envoyé ses recommendations de Paris escrivant à un autre. J’espère qu’il m’apportera ou envoyera bien tost vostre Apologeticus contre Grotius54. Monsieur Vincent m’ayant mandé qu’il a receu lettres de Monsieur de L’Angle par lesquells il s’advertisroit qu’il avoit commis à quelcun deux exemplaires de vostre escrit François pour nous deux.

On nous dit que la Royne d’Angleterre a esté en péril & a relasché à Flessingue ; & qu’en Angleterre, les affaires du Parlement vont mal à cause de l’impatience des peuples. Je m’estonne de leur roideur à demander tousjours tous avantages, si les nouvelles de La Gazette sont vrayes. Il faut qu’ils se sentent forts, ou qu’ils soyent bien opiniastres. Dieu veuille pourvoir à tous ces maux à sa grande gloire ; & bénir là mon nepveu, vostre puisné, pour le vous ramener en estat d’entrer en une charge assurée.

J’ay escrit à Monsieur de Maumouton ci-devant lieutenant particulier à St. Jean, qui fait pour ce gentilhomme de Ruffec son cousin que vous hésitiez d’entreprendre cette affaire par lettres qui n’ont pas de répliques. Mais il s’est trouvé qu’il estoit à Bourdeaux. Ainsi j’attendray à une autrefois de vous mander ce qu’ils dézieroyent, si Monsieur de Hauterive ne va à La Haye. J’ay aussi envoyé à Monsieur d’Agonnay un extrait de tout ce que vostre dernière contient de luy & de son fils. Pour Madame Thévenot qui ne me respond point, je me résouds d’escrire au pasteur de Clan afin qu’il la sollicite. Aussi avois je escrit à Monsieur de Couvrelles de son page.

Vous aurez veu en ma dernière ce que je vous pouvois dire de Monsieur d’Artois. J’adjouste ici que Monsieur Rossel m’a mandé l’avoir ouï à Niort durant le dernier Synode & qu’il s’y fit fort bien entendre & par là forte voix & par la doctrine. Je croy qu’il réussira estant transplanté. De Monsieur de Casteladie, je ne le cognois que de nom.

54 André RIVET, Apologeticus pro suo de verœ et sincerœ pacis Ecclesiœ proposito, contra Grotii volum, Lugd. Bat., 1643, in-8°.

Page 23: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

23

Au reste, ma femme & ma fille avec moy nous portons tous bien grâces au Seigneur lequel nous prions pour la continuation de vostre santé & prospérité et de Madamoiselle ma sœur & mes nepveux & niepces ; vous saluans & embrassons de tel cœur que je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le 1 mars 1643. J’escriray au plustost à Monsieur Vincent touchant ce St. Dolaye Breton.

B. U. Leyde, BPL 287/II/24

26 avril 1643 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Vous aurez appris par mes dernières que j’ay enfin reçeu, & leu vostre Apologeticus adversus

Grotii votum ; & que je me suis joint à bon droit à ceux qui vont en fond de grands remerciements pour l’utilité & édification grande qu’en reçoit le public. J’y ay aussi adjousté quant à mon particulier, le tesmoignage de la recognoissance de vostre persant.

J’ay fait de mesme pour ce que vous avez escrit en nostre langue si doctement & avec verdeur tempéré de gravité, contre le misérable fanfaron de Milletière. J’ay corrigé selon l’addresse que vous m’avez envoyé ; & m’avois portant point hésité en lisant. Mais les autheurs prenant à cœur les fautes de l’impression par dessus lesquelles son lecteur bénit & entendre passe dommis eb chemi & tout plenier. Dieu par sa bonté vous veuille fortifier & conserver longuement ce grand bien de son Eglise & à ma joye particulière. J’espère que ces adversaires ne vous donneront plus d’affaire ayant à ronger leur frein, mais vous vous reposerez tousjours en travaillant.

Mon gendre duquel je viens de recevoir des lettres, n’a pas encore reçeu le paquet que vous envoyez par mar. Ma fille aisnée sa femme est ici, de laquelle je suis fort content, trouvant qu’elle s’est grandement bien faitte. C’est une fort agréable personne en son air & en sa parole, avec taille avantageuse. Et grâce à Dieu son mary & elle font fort bon mesnage & prospérant. Nostre ami de La Rochelle m’ayant fort obligé en cet affaire. Cette fille se melancholioit n’ayanr point esté recerchée & devenoit malsaine ; mesme estant en danger d’une fistule lachrymale, & ayant lors marque fascheuse au visage. Tout cela a cessé, Dieu merci ; & l’air de La Rochelles’est trouvé fort bon pour elle. Le mal est que il y a quelques mois qu’elle se blessa d’un trait musculaire de cinq mois, mais estant tost relevée.

Pour Monsieur Dartois, j’ay bien appréhendé ce que vous dites ; et de mon fils, suis avec vous, vous remerciant des bonnes pensées que vous avez pour luy. Il est tousjours bon qu’il continue à s’exercer où il est.

Jean passa ici hyer venant de S. Jean, comparoit à une adjournement personnel qui le substitut du procureur du Roy luy avoit fait donner à l’instance d’un meschant curé de Soubize, pour ce que d’ordinaire avec sa troupe il chante des psaumes en sa maison, & est ouï de loin. Son advocat craignant les juges tous papistes hormis un, demanda le renvoy de la cause à la Chambre de l’Edit, soustenant que cela n’estoit de leur cognoissance. Celuy qui présidoit luy hochoit les teste en se sousciant de ses protestations ; et ayant conféré de tout avec les autres, pour ce que la partie estoit mise hors de cour & de procès avec inhibition au curé de le rétablir en son exercice. Ainsi ils firent mieux qu’on ne vouloit & pensèrent qu’il falloit couer broche à cette vexation. Je croy bien qu’ils ne me haïssent pas /2/ & qu’ils ont eu quelque égars à moy.

Mais retournant à l’affaire de Londres, j’ay à vous dire qu’ayant esté appellé en l’Eglise de Marennes pour arbitrer sur quelques désordres, Monsieur Chardaveyne55, l’un des pasteurs me

55 Antoine Chardevenne, né en 1595 à Casteljaloux, était ministre de Marennes depuis 1632. Il était marié avec Jeanne de Vallier de Nérac. Sa fille, Anne, lui avait été enlevée en 1641 par les catholiques parce qu’elle était entrée innocemment dans

Page 24: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

24

tesmoigna qu’il dézireroit grandement estre employé là, et tenir la [] de son cousin feu Monsieur Mermet56. Qui depuis qu’on luy a suborné sa fille de dix ans qu’il tenoit à Bourdeaux chez un procureur de la Chambre, son beau-père, & quelque poursuitte qu’il ait fait en la Cour de Parlement & au Conseil du Roy ; il n’a jamais sceu obtenir qu’on luy rendit, il souhaittoit passionnément une condition hors du Royaume, ne pouvant revenir de là peur que le reste de sa nombreuse famille ne subissent [les] efforts d’attachement suivis de violence à retenir la proye. C’est un grand précheur & capable d’édifier une grande Eglise ; homme de quarante-huit ans, d’humeur prompte & véhémante voirement, mais qui revient facilement à droit tempérament. Je luy ay promis de vous escrire & vous prie de vous souvenir de luy.

Nous déplorons les divisions d’Angleterre et l’entreprise sur Bristole, dont j’ay veu la relation imprimée à Londres qui qualifie la conspiration infernale sanglante & cruelle, m’a fait horreur. Sur tout ce prince Rupert57 estant le chef de l’entreprise. Quelques uns appréhendent que la prison de Vienne eust eu l’effet envers luy, comme celle de Thouloze envers celuy que vous cognoissez.

Je croy bien que vous estes délivrés d’un grand faix depuis le départ de cet […] à cause de laquelle y avoit ces murmures dont vous ne me parlez que depuis qui sont appaisés. J’en avois des bruits & ne les pouvois bien croire. Ce sera un grand bien si Messieurs les Estats & les marchands purgent la mer de ces escumeurs de Dunkerque.

Je vous ay mandé qu’on m’avoit dit que le gentilhomme par lequel je vous avois escrit a fait sa paix avec Monsieur de Chasteauneuf. Je plains grandement la maison de Monsieur du Moulin entendant l’estat de son second fils si digne personnage, si déplorable.

Je dézirerois bien sçavoir s’il y a divers entre Monsieur du Moulin la père & Madamoiselle sa femme. On m’a dit choses venues de gens de Cour qui m’ont mis en pène. Et ce que vous m’avez escrit que Madamoiselle sa fille qui estoit près de vous ci-devant, estoit seule toute sa consolation, n’est revenu en pensée sur cela. Le Seigneur vueille regarder toute cette maison en sa bénignité, & particulièrement ce grand & célèbre personnage entre ses serviteurs.

Je me resjouis d’apprendre que mon nepveu vostre aisné soit si Flamand. Ce sera son bien. Dieu doint heureuses couches à ma niepce sa femme, & les bénit tous deux avec leur vostre postérité. Et vous ramène bien tost en prospérité mon nepveu Frédéric, à ce que vous le voyez dans un bon employ digne de luy & de vos soins.

Ma femme & mes deux filles vous saluent très humblement avec Mademoiselle ma bonne sœur ; comme je vous embrasse tous deux tendrement, & priant Dieu pour vostre propspérité, & demeure,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXVIe apvril 1643. Trois jours dans mon anclimastérique. Je cognois bien Monsieur de Rozé-Barbezieux de nom ;

& sçay qu’on presche en sa maison. Mais je manqueray plus particulièrement de luy à ses affaires. B. U. Leyde, BPL 287/II/26

24 mai 1643 – Taillebourg

un couvent de Bordeaux. Chardevenne engagea une action auprès de la chambre mi-partie de Guyenne, mais ne put obtenir qu’on lui rendit sa fille. Ce n’est que dix ans plus tard qu’elle put rejoindre son père devenu ministre de l’Eglise française de Middelbourg. Frères HAAG, La France protestante, tome III, p. 313/ 56 Ezechiel Mermet, ancien chapelain de Henri II de Rohan, ministre de l’Eglise française de Londres. 57 Rupert de Bavière (1619-1682), quatrième enfants de Frédéric V et d’Elisabeth Stuart, avec son frère Maurice (1621-1654), avait rejoint au mois d’août 1642 son oncle Charles Ier qui l’avait nommé général de cavalerie. Le 7 mars 1643, il avait tenté de prendre le port de Bristol, mais le complot organisé pour lui ouvrir les portes échoua et il fut forcé de se retiré à Oxford. Ce n’était que partie remise, le 26 juillet 1643 il réussit de s’emparer de Bristol.

Page 25: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

25

Monsieur mon très-honoré frère, Il y a aujourd’huy quatre semaines que vous escrivant ma dernière, j’eu de la pène à achever

pour la douleur que je sentois au bras droit ; qui fut le commencement de l’arrès d’une goutte printanière, laquelle passant des bras aux pieds, & à un genou, m’a exercé jusques à maintenant que l’infirmité à un pied n’est pas encore passée. Je loue Dieu de ce que la douteur a esté tolérable, comme en personne plus situé touse que bilieuse ; & que j’ay peu me transporter au temple tous les dimanches, & y faire ce qui estoit de ma charge ; mesme que nostre synode se tenant à St. Just près Marennes le XIJe du courant jusques au XXe, je m’y suis trouvé & n’y manqué à aucune séance, y exerçant la charge d’adjoint au modérateur ; combien que nécessité de marcher en pantoufle, & avec un baston58. Ces diverts ferments sont cause de ce que je ne respons plustost à vos dernière du XIIIe apvril.

Et nous estions dans les appréhensions de la grande affliction dont Dieu a visité ce Royaume par le décés des chefs d’iceluy. C’est une perte inestimable ; d’un prince qui ayant peu vescu, a regné longuement, & nous cognoissoit au fond, religieusement portez à luy obéir ; & n’ayans eu que des appréhensions pour nous, éloignez de conspirer contre luy59. Ainsi nous avions à espérer quelque relasche & tranquillité, luy continuant de tenir la gouvernail. Mais voilà un prince de quatre ans & demi, & un gouvernement durant sa minorité duquel nous ne pouvons pas prendre telle confiance. Mais il faut l’avoir en Dieu qui tient les raines des hommes en sa main. La Reyne régente est tenue généralement pour princesse très vetueuse, &quitable & débonnaire, & qui nous cognoit mieux qu’elle ne faisoit quand elle vint d’Hespagne. Dieu nous face trouver grâce devant elle. Si nous eussions sçeu au vray la mort du Roy quant nous estions assemblés, nous eussion député quoy qu’incertain d’estre admis. Mais il nous a esté dissimulé ; combien qu’on ne peust l’ignorer au Brouage à une lieue de nous, où nous envoyasmes lundy sur une occurrence ; jour auquel à Saintes & à Cognac en eurent bien les advis.

Je ne sçay si l’Hespagne n’en restivera point quant à la paix général. Il seroit bien temps qu’en Angleterre les troubles cessassent. Dieu leur doint de se raviser, & cesser de se déchirer. Si mon nepveu, vostre puisné, en est de retour, vous me le ferez sçavoir.

Je loue Dieu de la fille qu’il a donné à mon nepveu, vostre aisné60, & je prie qu’il l’a bénie. Comme aussi que Monsieur du Moulin puisse trouver soulagement par le remède qu’il veut essayer avec grand pène.

Je n’ay point encore reçeu /2/ le paquet que vous m’envoyez par mer et suis bien en pène de nostre ordre de communication, troublé par le départ de Paris de Monsieur Gohier61 & Monsieur de La Barre-Morel. Je n’ay point meilleur expédient que de recourir encore à Monsieur Pelé, procureur en Parlement, demeurant en la rue du Foin. Je luy escri à ce qu’il parle à Monsieur Hoeuf62 & luy délivre mes lettres recevant aussi les vostres. Je m’assure qu’il le fera et pour mes dernières envoyées il y a tantost un mois, j’espère que Monsieur de La Barre-Morel les aura pu recevoir & les envoyer.

Ma femme a une santé fort vacillante. Mes enfans se portent fort bien, et elle et eux, avec moy, vous saluons très humblement & embrassons très affectueusement vous, Madamoiselle ma très chère sœur & mes nepveux & niepces, vos enfans, Dieu vous veuille conserver longuement avec eux en prospérité, au souhait de,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

58 Cette expression fait penser aux dictons populaires du théâtre de Molière. 59 Ce passage témoigne de l’estime et de la confiance que les huguenots portaient à Louis XIII comme à Richelieu. 60 Suzanne, second enfant de Claude Rivet de Mondevis et de Geertruyt Burgersdijk. Elle fut baptisée le 10 avril 1643 dans l’église Saint Pierre de Leyde. 61 Jean Gohier, fils de Pierre Gohier et de Suzanne du Moulin, était le neveu par alliance d’André Rivet. Il avait été au service de Jean Sarrau jusqu’à la mort de celui-ci. En 1644 avec la protection de Claude Sarrau il acheta une charge de commis des douanes. 62 Jean Hoeuft (1578-1651), banquier à Paris, d’origine Hollandaise, joua un rôle important dans le payement des subsides accordés par la France aux Provinces-Unies à la suite du traité de 1637. Il était en même temps commissaire des Etats-Généraux des Provinces-Unies.

Page 26: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

26

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXIVe mai 1643. B. U. Leyde, BPL 287/II/27

27 mai 1643 – Saujon Etienne Rivet à André Rivet

Monsieur mon très honoré Oncle, Il y a longtemps que ie vous doibs des remerciements très humbles pour divers tesmoignage de

vostre affection entre lesquels vous avez voulu qui fussent quelques uns de vos ouvrages que ie chéris tousiours et par leur propre prix & en considération de leur autheur autant que ie puis. Ma condition estant tousiours la mesme, il ne me vient pas de suiet de nous escrire quelque chose de nouveau qui nous intéresse beaucoup ce qui faict que ie me tiens dans le silence. Je en crois point en advantages extérieurs mais ie remarque un advancement en ma vocation ie ne di pas seulement en celle qui est du ministère, aussi en ma vocation particulière au salut ; ce qui m’est le plus cher.

Mon cousin Mont-Devis m’a escript qu’il ne me souhaitte plus qu’une femme. C’est avec une singulière satisfaction que je le voids contenté et vous donner la ioye d’estre grand-père63. C’est une vocation que Dieu ne m’a point addressé & qui auiourd’huy se trouve en nostre France traversée de beaucoup de difficultés. Ce qui me vient le plus à cœur est de faire valoir le petit talent que le Seigneur m’a commis. Je ne suis pas de ceux qui devoient la livrer, mais ie suis de ceux qui les aiment & n’y a point de curiosité qui occupe si aggréablement mon esprit que celle des livres quoy que ie ne la puisse pas beaucoup satisfaire sans le petit nombre de livres qui me sont en main. Toutefois de temps en temps i’en acquière quelques uns.

Nous venons de nostre Synode tenu à Sainct-Iust, à trois lieues de mon Eglise, où nous avons eu un merveilleux crieur de Iésuite, qui est le Iésuite Beaufais, qui consféra ces années passées avec Monsieur Vincent64, lequel par la grâce de Dieu se porte bien d’une grande maladie qu’il a eu & qui a paru en nostre assemblée au grand contentement de touts, qu’il a augmenté encore ioignant à sa présence une docte et éloquente prédication qu’il fit, il y eut dimanche huict iour à l’après-disner. Ce Iésuite incontinant après qu’il avoit ouï les pasteurs montoit en chaire pour tascher à les réfuter en ce qu’ils avoient touché de sa cause. Il ne nia pas espargne, ayant esté l’un de ceux ausquels la charge avoit esté donné de prescher il s’y sentit d’autant plus obligé que ie l’avois touché de propos délibéré et réfuté sur le dictrine des forces du Franc arbitre en la matière de la iustification et en suitte du mérite des œuvres. Ce que ie fis d’autant que ie l’avois ouï quelque peu en passant & en estant conseillé par quelcun, en cette occasion ie me rendis desfenseur de ceux qui m’avoient précédé et particulièrement du bon personnage, Monsieur /2/ Rossel, qui avoit presché le iour précédent et lequel m’en a despuis, ayant appris comme le tout s’estoit passé, faict ses remerciemens. Le chose me réussit tellement par la grâce de Dieu, que la longueur extraordinaire à laquelle me porta cette dispute, conioinctement avec l’exposition du texte que i’avois pris ne peut empescher que mes auditeurs notamment les plus considérables n’y prissent une satisfaction sans ennuy. C’est ce que dit en pleine […] Monsieur le comte de Marenne65 moy présent, en un lieu où il avoit esté [con]vié à disner et où ie me trouvai aussi, ayant esté convié en suitte du presche (il y avoit aussi cinq autres pasteurs) que i’avois esté long, mais que ie l’avois point ennuyé. Cela venant d’un mouvement particulier et prononcé [en] telle occasion, me sembla obligeant. Dieu a voulu outre cela que i’en eusse incontinant l’approbation de trois pasteurs 63 Claude Rivet, sieur de Montdevis, second fils d’André Rivet, avait épousé le 9 avril 1641 Gertruyt Bugersdijk, fille d’un ancien professeur de philosophie à Leyde. Elle lui donna trois enfants : Guillaume-Louis (1642), Suzanne (1643) et André (1647). 64 La Lettre de Philippe Vincent sur la conférence entre luy et le sieur Beaufés, jésuite a été publiée en 1640 à Saumur par Jean Lesnier avec des extraits de deux sermons sur la vocation des pasteurs et un entretien sur la matière des possessions. 65 Henri d’Albret, né en 1580, comte de Marenne, baron de Pons et de Miossens, descendant d’Etienne, bâtard d’Albret et de Françoise de Béarn, baronne de Miossens. Il était marié à Anne de Pardaillan.

Page 27: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

27

qui m’escoutèrent despuis le commencement iusques à la fin, entre lesquels l’un me dit qu’il ne sçavoit pas comment l’adversaire se pourroit desmesler des responses que ie luy avois faictes & des raisons que ie luy avoit opposé.

J’ay creu que ie pouvois vous faire ce petit récit n’y ayant personne auquel ie doibve après mon père rendre plutost compte de mes actions qu’a vous. Elles me p[lai]ront quand elles vous auront agréé, car ie ne souhaitte rien tant que de faire chose qui vous soit aggréable & vous faire paroistre combien ie vous [porte] piété & vous honore. Je finis saluant très humblement Madamoiselle ma très honorée Tante avec les asseurances ordinaires que ie suis à jamais,

Monsieur mon très honoré Oncle, Vostre très humble et très

obéissant nepveu & serviteur Estienne Rivet

De Saujon en Saintonge, Ce 27 may 1643.

B. U. Leyde, BPL 282/225

26 juillet 1643 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Enfin j’ay reçu le paquet de livres que vous m’avez envoyé par mer ; ce ayant esté avide à la

lecture, j’ay trouvé que vous avez enrichi de diverses observations très-considérables vostre Criticus saver ; que Monsieur Daillé a bien poli cette bonne pièce, que j’avois leu de l’édition françoise. Et pour Monsieur Spanheim, il a eu son oraison inaugurale, tellement descrit un bon théologien, qu’il donne un très-excellent specimen de sa bonne & solide théologie et de son érudition exquise. Je croy qu’il fera très grand fruit & prie Dieu qu’il continue de bénir ses labeurs, & le conserve longuement en sa vigne. Pleust à Dieu que nos théologiens de deçà eussent semblables visées, & rapportassent leurs méditations & recerchées à mesmes fins.

Cette pièce leur seroit une bonne leçon, s’ils la vouloyent prendre. Pour luy il m’a fort obligé de m’en faire part ; et je la garderay songneusement pour son propre prix, & pource qu’elle me vient de luy, à qui je suis très humble serviteur. Mais j’ay à vous remercier grandement de l’envoy & communication du tout ; qui est une continuation de collation de don […] comme des thrésors.

Vostre dernière lettre du 21e du passé, accuse la réception de la mienne du 24 de may & ne fait nulle mention d’une assés ample que j’avois escrit le 25e d’apvril & que j’envoyay à Monsieur de La Barre-Morel, devant avoir sceu qu’il se retiroit de Paris. Je craindrois qu’elle eust demeuré, luy n’estant plus là, si Monsieur Pelé ne m’avoit mandé de lors qu’il reçeut le premier paquet que je luy addressay ; & que le dit Sieur de La Barre estoit encore à Paris.

Il m’a ces jours passés, envoyé des recommandations, estant à Soubize, où il y a un meschant curé qui persécute fort l’Eglise de là, par ses chicanes66. Car après la bonne justice de S. Jean, il fust pourveu par appellation au parlement, contre mon Jean & les autres, & a eu adjournement personnel contre Monsieur Chesneau qui est allé à Bourdeaux, & s’est pourveu à la Chambre de l’Edit pour la resention de ces causes. La chambre ayant esté partagée pour le regard de cette retention, l’ordre est de se pourvoir au Conseil du Roy. Cependant le curé poursuivant en Parlement à obtenu des despens & amendes contre tous les intimés ; & faut qu’ils soyent en guette pour se garder des sergeants. Il fait cela en hayne de Madamoiselle de Rohan qui pourra l’arrester employant un peu son crédit à la Cour67.

66 En marge Guillaume Rivet à ajouté : “ Ce mauvais homme voudroit chasser mon fils de là ; & se prenant à luy pour raison de sa charge, & du chant des psaumes ; l’accuse encore & luy & les autres, d’avvoir empesché qu’il tendoit devant leurs portes au jour de leur scène, & coupé les cordes & dit des injures, et s’y est jamais présenté & suppose on a suborné des tesmoins ”. 67 Marguerite de Rohan, née en 1617, aurait pu être la quatrième duchesse de La Trémoille, mais le destin en décida autrement. Elle pouvait contester à Marie de La Tour d’Auvergne le titre de “ Reine des Huguenotes de France ” en tant que

Page 28: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

28

Ledit Sr. Chesneau qui n’a pas accoustumé ces intrigues m’escrit avec tesmoignage de grande fatigue resentie. Mais d’ailleurs vous remerciant grandement du soin que vous avez eu de son fils, & s’en sentant très obligé, il vous supplie encore de me mander ce que vous avez appris de ses mœurs /2/ et estudes, & s’il se porte à ma théologie ; qu’il appréhendoit qu’il voit tant le monde & allant à Osnabrug, il n’en prenne trop d’air et se détourne du propos auquel il l’a porté, & hors la considération duquel il ne voudroit l’avoir fait estudier. Il luy avoit envoyé 200 livres pour aller à Leyden, s’exercer en propositions latines ; mais je pense bien que ce qu’il en devoit parler l’a obligé de vous prier de luy trouver cette condition ; laquelle d’aillieurs si bonne.

On nous parle d’un siège de Hulst par Son Altesse. Dieu luy donne réussite, confirmant aussi sa santé. Je pense bien que le remède qu’on luy a envoyé, & de la communication duquel je vous remercie très affectueusement, pourra estre utile dans les accès de la goutte. Il faut que l’eau de [mer] estant fort efficacieuse pour dessaler ce qui trempe en elle, tire le sel & tach[] en la partie affligée fait tout le mal. Je me réjouis, Dieu aydant, d’essayer ce remède à la première attaque, & envoyer quérir de l’eau de mer au point le plus proche, à cinq lieues d’ici.

Je me suis resjoui de la commission honorable que a eu mon nepveu de Mondevis, lequel doibt estre à présent à Paris et nous le sçaurons bien tost, ayans là Messieurs de Marsilly & Thomas procureur d’ici, qui sont ses cognoissans. Je me sçay si devant partit il aura reçeu la lettre que luy escrit mon jeune fils en un paquet assés gros où il m’a [] pour vous aussi, & une troisiesme pour mon nepveu qui est à Londres. Ses nouvelles ne sont point bonnes & le [] nous en a donné de pires pour Parlement. Je croy qu’il [] désordre par tout, Dieu veuille mettre sa bonne main. [] à qui j’ay envoyé vostre lettre, & celle qui a esté escritte de Londres, m’envoya hyer par mon gendre qui ramène ma jeune fille de La Rochelle, ou elle a esté six sepmènes.

La déclaration des Roy & de la Royne régente confirmative de nos esits. Elle n’a pas la restriction qu’on proposoit et aussi n’est pas assés expresse pour tout ce que les édits nous donnent. On nous fait espérer que l’observation en sera syncère. Le point des offices nous est de très grande importance ; & force gens sont en attente. Dieu nous face trouver grâce devant ceux qui gouvernent ; particulièrement la Royne qui a l’authorité pleine !

Selon que je voy par la lettre de mon Nepveu & vostre apostille, Monsieur Herault aura espousé une niepce de Monsieur de Marettes, élu à Alençon, qui est Cardel. Nostre cousin de Soignon fit cognoissance avec luy au Synode d’Alès ; & demeurent d’accord que la famille des Cardels estoit venue de Lorraine, & que deux branches d’icelle s’estoyent espendues l’une en Normandie, l’autre en Poictou. Un escolier de Lorraine nommé Jacques Cardel, l’ayant trouvé de mesme nom que luy sans le cognoistre d’ailleurs, luy disant jadis à Paris qu’il falloit qu’il fust de Normandie ou de Poictou, cette famille estant recognue ainsi espouse, par la portion dont il estoit, laquelle faisoit la souche. Monsieur de Marettes aussi avoit quelque tradition pareille ; et s’estant trouvé au synode National de Charenton, nous continuasmes la cousinage commencé à alais entre luy /3/ et nostre cousin. [] ce dont Monsieur Herault à ouï parler à sa belle-mère. Ils sont fort honnestes gens qui méritent bien qu’on les advouent ; & avoyent à S. Jean un cousin germain de leur nom, fils d’un noble de la ville & originaire d’Alençon, qu’on appelloit Monsieur de La Faye. Il n’a laissé que deux filles, dont l’une est marié avec un fils de Monsieur de S. Hilaire des Tranquars, l’autre avec un autre gentilhomme.

Je laisse cela pour vous parler de mon fils Etienne. Luy & moy vous rendons grâces très humbles pour les bonnes intentions que vous avez pour luy, Madamoiselle ma sœur vous secondant en cela. Il se disposera tousjours pour faire selon que l’occasion trouvit par vous, les moyens se rencontreront dans l’odre, Dieu qui conduit tout pour sa gloire, fera rencontrer ce qui sera le meilleur. Il n’y a pas longtemps que j’ay donné advis à Madame Thevenot ; & je le feray à la première

fille de Henri II de Rohan et de Marguerite de Béthune et petite-fille de Sully. Victime du portrait au vitriol qu’a donné d’elle Tallemant de Réaux dans son historiette “ Mesdames de Rohan ” (Ed. A. Adam, op. cit., tome I, p. 620-648), n’est guère considérée par les historiens du protestantisme à sa juste importance. Elle eut pourtant une attitude comparable à celle de Marie de La Tour d’Auvergne. Dès son entrée en possession de son héritage après la mort de son père en 1638, elle favorisa la construction d’un temple à Blain, et installa à Pontivy un pasteur, Ramet, ce que son père avait omis de faire et ce que lui avait reproché Charlotte-Brabantine de Nassau, la seconde duchesse de La Trémoille. Pour une réévaluation de la personnalité de Marguerite de Rohan, le lecteur se rapportera aux pages que lui consacre sa descendante Philippine de ROHAN-CHABOT, Vivre sa foi au XVIIe siècle : l'exemple des dames de Rohan, Mémoire, Paris X Nanterre, 1996.

Page 29: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

29

opportunité. Ma pauvre femme à une fiebvre double quarte dont je crain la continuation. Et nostre Judith est retournée bien à propos pour la soigner. Mon gendre & elles deux et moy vous baisons très-humblement les mains & à Madamoiselle ma très chère sœur, & vous embrassons tous deux cordialement, avec mes nepveus & niepces, grands & petits. Et très particulièrement,

Vostre très-humble & très affectionné frère & serviteur

Guill. Rivet De Taillebourg, le XXVIe juillet 1643

B. U. Leyde, BPL 287/II/30

23 août 1643 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Vostre lettre du 20 juillet me fut rendue dix heures après que je me fus engagé en un pourparler

de mariage pour mon jeune fils. Nous avons au Port d’Anvaux68, près d’ici, un cousin germain de ma défunte, advocat de titre & bien honneste homme et franc, lequel m’a esté tousjour bon ami. Peut-estre que mon nepveu, vostre fils aisné, se souviendra bien de Monsieur de Boisrond, frère de l’assesseur-Baudouin69 que vous cognoissez. Ce personnage ayant de son premier lit une fille riche de bien près de trente mille livres de la succession de sa mère & de celle de son oncle maternel & d’une grande tante a refusé divers partis, entre lesquel est celuy qui maintenant est lieutenant particulier à S. Jean. C’est parce que ayant une famille de six autres enfans d’une seconde femme qui n’ont point tous ensemble que les deux tiers du bien de cette seule aisnée, il a depuis continué la jouissance du bien d’icelle selon qu’ici le père fait les fruits siens durant la minorité de ses enfans en les entretenant et voyant que sa fille approchant des 24 ans estoit inquiettée d’un petit gentilhomme, cadet de Panlois70 & cousin germain de Monsieur d’Agonnay, qui est près de vous ; de quoy il avoit aversion pour beaucoup de raisons, il me fit cognoistre que de longue main luy & sa femme avoyent pensé à son cousin, mon fils, duquel il estoient grandement la personne aymant mieux aussi fait que ce bien alloit à un homme de son sang que à un autre. Il adjoustoit que désirant se retenir quelque usufruit à sa vie pour le soulagement de sa famille tant pour la donation de sa défunte femme que pour de grands frais qu’il a fait à maintenir les biens de sa fille & le liquider, il s’assuroit en la probité & bonne foy de mon filz & de moy que on ne luy feroit point de procès : que il laisseroit dès à présent six cents livres de revenu en bon fond & se retyiendroit le reste à sa vie, la propriété appartenant à sa fille pour retourner à elle & aux siens quant à sa jouissance et reste valant bien presque autant. La fille à bon esprit & est jolie, nourrie fort honorablement & an Damoiselle. J’acceptay cela bien avidement ; et le landemain de la réception de vostre lettre, fut communiqué à mon fils & cette affaire, & la condition que vous proposiez à laquelle nous eussions esté porté ; sans ce mariage avantageux qu’il embrassa volontiers.

Les choses ont esté menées à tel point que nous fismes les fiances lundy dernier. Mais l’assesseur & deux autres frères de Monsieur de Boisrond qui avoyent pour avant voulu detourner le père de cette affection, & par leurs effort /2/ avoyent ébranlé la fille, estimmant mon bien, avilissans le S. Ministère & proposant qu’on trouveroit bien un meilleur partis, se sont indignés de ce qu’on a fait l’affaire malgré eux. Ils s’etoient pourveu devant le lieutenant & criminel de Saintes71, pour ce qu’ils sçavoyent que le lieutenant-général72 auquel cela alloit, est mon allié & mon ami, ont obtenu permission l’informer comme si violence avoit esté faitte à leur niepce. Et n’osant prendre le père à partie attribuèrent le tout ou à sa femme & ou moy comme ainsy soit qu’il soit homme de grand cœur & très bonne conduitte & qui sont mieux le mérite des gens de lettres qu’eux, sur quoy ils ont obtenu

68 Port d’Envaux sur la Charente à l’ouest de Taillebourg. 69 Charles Baudouin, sieur de Mouillepied, était assesseur au comté de Taillebourg. 70 Peut-être Jean Moreau, écuyer, sieur de La Tour, frère cadet de Jacob Moreau, écuyer, sieur de Panlois. 71 Le lieutenant criminel était François Moyne, sieur de l’Espineuil. 72 Le lieutenant général en la sénéchaussée et siège présidial de Saintes était Jehan Marsault, sieur de Lugeon. Il exerça cette fonction de 1631 à 1645. Il fut maire de Saintes en 1634. Il était marié à Esther Goy.

Page 30: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

30

cette permission & interdiction afin de pallier les rumeurs & bruicts de mariage. J’espère à ce que part […] ouïes il soit pourveu comme de raison.

Monsieur de Boisrond porte cette affaire pour appel à la chambre où il apparé promptement faire la bénédiction. Et cependant tient garnison en sa maison, ayant ses frères & le seigneur du lieu contraires. Ainsi nous tenons le loup par les oreilles : asseurés pourtant au fonds. Si avec le temps on refait impression an l’esprit de la fille qui a esté esbranlé à une fois, après m’avoir promis franchement. Si cela manquoit, je souhaitterois fort un tel employ que celuy que vous proposez ! Et je vous donneray advis de l’issue. Cependant je ne voudrois pas tenir le ba[teau] en l’eau à une église et vous diray que pour une démission il faudroit attendre le synode qui doibt tenir ici au mois de may prochain, nostre édit est confirmé, la déclaration estant vérifiée au parlement.

On me mande qu’un petit-fils de Monsieur Ducandal, qui est de la Religion, a esté reçeu à la charge de secrétaire de la chancelerie du Parlement & que la Royne va entretenir l’Edit. Nous avons aussi pris Thesnint. Je me suis fort resjoui de l’honorable employ de mon nepveu & luy en avons escrit un mot. Ma femme est remise de fiebvre double quarte, Dieu mercy, et tout nostre peuple se porte bien. Nous vous saluons & embrassons de [tout] cœur avec Mademoiselle ma très chère sœur. Dieu donnant à Monsieur son frère soulagement par les bains & vous conserve tous en toute prospérité au souhait de,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXIIIe aoust 1643. B. U. Leyde, BPL 287/II/32

6 septembre 1643 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Il y a aujourd’huy quinze jours que je vous escrivis les commencements de nostre mariage et les

travaux qu’on nous y donnoit maintenant que les opposans se sont volontairement désistés de leur opposition dont aujourd’huy a esté publiée en cette Eglise la première annonce & à Saujon la seconde.

Je vous donne advis de nostre paix ne doutant pas que vous n’ayez eu mal au cœur de la guerre qu’on nous faisoit. Nous avions marché les deubs ayant retiré nostre appel à la chambre de l’Edit & assigné là les parties à triste jours & ils ont bien sçeu que tout le monde se moquat de cette extraordinaire & extravagante opposition.

Messieurs Sanxais, père & fils, en cette occurrence s’entremettant, les ont facilement amenés à cet accord qu’ils déziroyent. Nos fiancés sont fort contents ; et j’espère que Dieu les bénira. Nous continuons d’ailleurs en la mesme santé & sommes plus joyeux. Et à cela n’adjouste je que les très-humbles baises-mains & cordiaux embrassements de ma femme, mon fils & ma jeune fille à vous, Madamoiselle ma très-chère sœur & mes très-chers nepveux & niepces ; et plus particulièrement encore de la part de,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le VIe sept. 1643. B. U. Leyde, BPL 287/II/34

13 septembre 1643 - Taillebourg

Monsieur mon très-honoré frère,

Page 31: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

31

Je vous escrivis dimanche dernier que les oppositions à notre mariage ayant esté levée, nous avions commencé la publication des annonces. Pour maintenant, je vous fay ce mot pour l’addresser d’un paquet dont Monsieur de Couvrelle m’a chargé avec prières de vous l’envoyer par la plus prompte voye.

J’appris hyer qu’en un synode freschement tenu à St-Maixent trois proposans avoyent esté renvoyés pour raison des sentimens de Saumur qu’ils ne courroyent pas tant que leur maistre. Cela les a mis aux champs et les extraits de lettres notamment de la vostre, courant à leur diligence ; car j’ay eu communication de toute leur dépesche par Monsieur Vincent. Je n’adjouste rien estant près de monter en chaire que mes très humbles salutations & très affectueux embrassements de vous Madamoiselle ma très chère sœur, mes nepveux & nièpces ; comme aussi de ma femme, avec nos prières pour vostre prospérité, longue vie & la syncère souscription de,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le xiiie sept. 1643. B. U. Leyde, BPL 287/II/35

4 octobre 1643 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je vous ay escrit à diverses fois depuis les fiances de mon jeune fils selon les difficultés que

nous rencontrions en le lèvement d’icelles ; outre ce que je vous ay représenté & demandé pour mon gendre, s’il y avoit moyen de luy faire rendre le bien qu’on luy a pris.

Maintenant, je vous diray que dimanche dernier, je bénis en cette Eglise le mariage de mon fils73 ; & que nous célébrasmes en suitte les nopces avec grand joye ; nonobstant l’absence des oncles paternels de la fille qui s’estoyent fait fort de la faire donner au gentilhomme, lequel y prétendoit contre la volonté du père. Le mal est qu’eux & les proches de ce prétendant de jadis continuent en leur coup & ne se trouvent point en l’assemblée de l’Eglise. Que s’ils me retrouvent, ils pourroyent bien m’obliger à change de demeure ; comme ainsi fort que j’aye d’aillieurs tant de pène à subsister ici où je me suis acoquiné, tirant mesme ayde de l’Eglise de La Rochelle pour suppléer le défaut de ceux que j’ay obligé si long temps. S’il le faut ainsi, je regretteray fort les bons. J’ay Dieu merci encore de la vigueur d’esprit & de corps pour estre aucunement de requeste en la province ou ailleurs.

J’ay songneusement remarqué tout ce que vous avez adjousté en l’édition dernière de vostre Criticus Sacer74 ; & releu le traitté latin de Monsieur Daillé qui est très exact & en beaux termes. J’attendray avec avidité vostre nouvelle édition du Catholicus orthodoxus75 et suis bien ayse que vous ayés joint à iceluy le Jésuite Rabardeau76. Car l’exemplaire que j’avoye presté à un magistrat de contre profession & mon allié, ne m’a pû revenu ayant sans doubte esté presté à quelque Jésuite qui l’aura estient, car le théologal ne l’auroit pas fait, auquel il dit qu’il l’avoit presté.

Il me souvient de vous dire ici que Monsieur d’Agonnay, oncle du malcontent se comporte très sagement envers moy & n’approuve pas les actions de sa belle-sœur & de ses nepveux. Et je n’adjouste que les très-humbles salutations de ma bonne femme & de ma fille à vous, Madamoiselle

73 Guillaume Rivet ayant écrit cette lettre le dimanche 4 octobre 1643, le mariage de son fils Etienne fut célébré le dimanche 27 septembre 1643. 74 Rivet avait fait publier la quatrième édition de son Criticus Sacer en 1642 à Genève chez P. Chouët. La première édition de cet ouvrage avait été publié en 1612. 75 Rivet fit rééditer son Catholicus orthodoxus en 1644 à Genève chez P. Chouët. La première édition de cet ouvrage avait été publiée en 1608 à La Rochelle. 76 Michel Rabardeau (1572-1648) recteur des collèges de jésuites de Bourges et Amiens. Son ouvrage Optatus Gallus de cavendo schismate, etc, publié en 1641 à Paris chez Jean Camusat fut condamné par la censure tant à Rome qu’en France.

Page 32: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

32

ma très chère sœur, mes nepveux & mes niépces avec prières à Dieu pour la continuation de vostre prospérité & prolongement de vos ans à l’avancement du règne de Dieu, & la joye et bonheur de tous vos proches, particulièrement de,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le 4e octobre 1643. B. U. Leyde, BPL 287/II/36

13 novembre 1643 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je vous doibs response à plusieurs lettres qui me sont venues de vostre part de semène en

semène. J’attendois de mettre un paquet avec les miennes les lettres responsives de nos nouveaux maeiés, auxquelles Monsieur de Boisrond qui se sent fort honoré de celle que vous luy escrivez entend joindre la sienne, mais mon fils accueilli de la fiebvre quarte en si mauvaise saisons me mande qu’il se fait traitter pour en sortir Dieu aydant & sçait sa response pour ce qu’il luy déplaisoit de vous entretenir de sa fiebvre. Nostre Judith qui a demeuré un mois avec eux, nous retourna devant hyer avec une sœur de ma bru. C’est un couple très content d’ailleurs ; et nostre homme se délicate depuis qu’il est tant soigné de si agréable aydes.

Mon gendre vous envoye ses remerciements par sa lettre escritte du jour de la réception de la vostre, laquelle j’ay gardé huit jours. Il s’entend fort mal en l’orthographe, mais il a bon sens. Il luy a réussi ci-devant d’hazarder. Et ne s’en peut tenir, quoy qu’il soit sensible bien fort aux pertes, que s’il gagne, il n’en dit mot. Il arriva huit jours après sa perte, un navire qui estoit allé à la balène pour faire sa charge d’huyles de ce poisson, où il estoit interessé de 2 000 livres. Et depuis un Basque terreneuvier sur lequel il avoit 200 livres en principal arriva ayant eschappé des Donquerquois qui en prirent quatre de leur compagnie. Il a apprehension pour un grand rebecque de 65 hommes avec XI pièces de canon, qui avoit demeuré le dernier à la pesche ; lequel ayant eu depuis trois semenes les vents contraires, il appréhende qu’il face mauvaise rencontre & qu’en tout cas les hommes ayant disette des choses nécessaires. Il a aussi 200 livres en principal sur cettuy-là. Et à S. Christophle vers Canada, il a pour mille escus de marchandize envoyée là & qu’il s’estoit fait assurer. Mais le retour de contreschange qui doibt venir à trois diverses fois pour n’hazarder tout en un coup, sera avec risque. Il a encore fretté une barque Angloise pour Phalmouth ou Farrette estimant qu’il y a à faire quelque chose ; mais il me mande qu’il prend toute la marchandize à la grosse aventure, & ne risque rien. C’est un homme merveilleusement actif, & bien entendant la négotiation. Mais tout dépend de la bénédition de Dieu ; et de genre de trafic m’allarme. J’eu grand pène d’esprit au mois de mars dernier, qu’en suitte de son voyage par terre à S. Sébastien, il fit venir en un vaisseau Basque pour 5 000 livres de fer ; & le vaisseau n’arriva que quatre jours après deux autres partis avec luy de S. Jean de Luz. Et il m’escrivoit durant ses appréhensions dont ma fille me hors deux fois 24 heures après, m’escrivant tandis qu’il faisoit descharger /2/. Je ne désespère pas que le lettre à Monsieur Nicolas secrétaire d’Estat opère quelque chose ; et mon gendre juge que si chose aucune peut l’ayder [en] cet affaire, ce sera cela. Dieu le vueille nous vous aurons tousjours l’obligation du moyen employé, quoy qu’il en advienne.

Nous avons eu ici Monsieur le prince de Talmont retournant des bains de Barèges. Il a édifié nostre Eglise, se trouvant au presche le jour de son arrivée ; et me tesmoigne beaucoup d’affection pour mon particulier, y meslant vostre considération. Monsieur de Marsilly l’a recueilli & traitté, mais le grand festin a esté chez Monsieur Thomas, le fermier ici. Je plains fort ce Seigneur de l’incommodité qu’il a à son bras droit. Il a quelque soulagement par le bains ; & se propose de retourner une autre année. Ce lieu & le pays luy plaisent grandement. Il s’en va à Paris pour y passer l’hyver.

Page 33: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

33

Ce que vous m’avez réitéré de l’Angleterre & plus particularizé, m’a mis hors des do[utes] que La Gazette faisoit concevoire selon que d’ordinaire elle soit le style d’Oxford l’ambassadeur extraordinaire pour induire à la paix, arriveront à propos, si [elle] touchoit le cœur de ce prince pour son repos & de son peuple. La fin du Sr. […] esprit bouillant qui courut l’armée de Monsieur de Soubize en 1622 & fit là le soldat, respond à sa vie. C’est luy qui estant évesque de Dom-Konor en escrivit contre ceux qu’ils appellent puritains soubz le titre de Lysimachos Nicanor […]ile ; & qui depuis contraint de se retirer en Angleterre par les guerres des drois Ecossois aura esté promu à l’Evesché de Rosse, Makseral qui l’estoit en 163[], estant décédé depuis ou promeu au titre de quelque plus gros épiscopat. Et le zèle la jouissance du bénéfice avoit aidé cettuy-ci que le jugement de Dieu a attri[…].

A propos de ce combat, je ne doibs pas oublier que Monseigneur le prince de Talmont m’oyant parler de l’humeur & bien augurant assés de Monseigneur vostre jeune prince, me fit dire le récit que vous m’en avez fait par l’une des vostres, & l’ouït avec grand contentement. J’attendray le paquet qu’apporte le fils de Monsieur de Cou[vrelles] qui ne sçauroit longtemps tarder. Car les vents du nord ont long temps sou[fflé] à la faveur de ceux qui viennent de Hollande. Je ne sçay si la résolution des []ses d’Angleterre pour un régime ordonné, n’auroit point esteint les factions de sa Franchise de Londres pour donner repos à Monsieur Herault, lequel je plains grandement. Je ne faudray, (Dieu aydant), de veiller & regarder pour luy avec mes amis durant cet hyver.

Ma dernière vous dit mon estat qui ne [s’est] guères amendé. Mais j’espère que le temps y remediera pour le plus grand port de mal contents y ayant à cela quelque commendement. Nous sommes tous hommes & travaillons bien à plier, nous sentans offensés. Je confesse que j’ay du combat & loue Dieu de ce que je ne succombe pas soubs les affections de la chair ; & voudroit tous les miens fussent aussi ployable. Dieu le fait & au delà. J’escri à MadameThevenot pour la rescette ; & m’estonne bien de ce manque. Si faudra t-il qu’elle paye. Car nous la pourrions contraindre.

C’est un grand mal que Monsieur du Moulin s’en retourne si peu soulagé des bains ; et merveille que luy et toute /3/ l’Eglise, avec l’Académie de Sedan, ayent là encores tel support qu’ils ont maintenant & espèrent pour l’advenir. Nostre prince qui venoit de voir le prince qu’on dépouille de cet estat, apprenant ce que vous m’en escrivez, recognoissant que cette femme luy cauzoit bien du mal en toute sorte. Et le pis est qu’il s’enduroist.

Vous m’avez estonné & grandement touché, m’escrivant la maladie de Madamoiselle ma très chère sœur, & l’appréhension que vous aviez qu’elle tombast en paralysie. Mais, j’ay loué Dieu de ce qu’il l’a relevé par sa grâce de sorte que vous soyez tous deux en santé. Le Seigneur vous la continue par longs jours avec toute prospérité, & à mes nepveus & nièpces ; qu’ils continuent de vous donner de plus en plus matière de joye. Ma femme & moy, avec nostre jeune fille sommes grâce au Seigneur e fort bonne disposition, & vous saluons tous & embrassons de tel cœur que je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère et serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XIIIe novembre 1643. Nostre sœur par la dernière que j’ay eu d’elle, se plaint de n’avoir point de nos nouvelles. Si

vous luy escrivez, j’ay voye ordinaire pour luy envoyer. Elle me mande que son petit Constant est au collège à Pamprou, où il apprend ce qu’on veut. Je vous prie de me faire sçavoir au vray l’estat de Mlle de Schurman, qu’on me fait déplorable.

B. U. Leyde, BPL 287/II/37

20 décembre 1643 – Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Vous avez ici un paquet de Monsieur de Couvrelles qui se tesmoigne fort vostre obligé à

l’occasion de son jeune fils enfin arrivé en ce pays après un séjour assés long à Paris. On m’a rendu le

Page 34: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

34

paquet de livres venu parmi les hardes d’iceluy, et que vos précédentes me mentionnoyent ; lequel reçeu il y a trois jours, j’ouvris justement en temps que je dézirois du divertissement. Car les gouttes m’ayant pris aux deux pieds je ne pouvois monter en mon estude.

Je leus donc d’abord le livret des Mémoires & de la vie de ce grand héros l’admiral de Chastillon, duquel la singulière piété est mise au jour par cette histoire. Ce qui réfutant les calomnies de ceux qui luy attribuent de n’avoir point esté porté d’affection à la Religion, mais d’intérests mondains & de querelles de maisons. Comme entre les autres Henrico Catherino d’Avila en son histoire le pose ainsi ; et Monsieur Gomain en ayant ainsi parlé à Madame de Chastillon, moy l’oyant, fut fortement rembarré par elle. Aussi, il importe qu’en ce malheureux siècle qui est si marqué de tels exemple de vray zèle, cettuy-là soit proposé comme de nouveau pour en échauffer aucuns & faire tant plus de reproche à la postérité dégénérée.

Pour les livres Anglois, je seray bien aise de lire la restruction des cérémonies Anglicanes, quoy qu’il soit long, & comme j’ay pû recognoistre jettant la veue çà & là, par de ces choses une controverse capitale, & aliené tant plus les retray pour le fanatique, il faudra un peu considérer ses phantisies. Et quant au livre qui est pour mon fils, je luy envoyeray, ou le reserveray à sa première venue. Il est encore affligé de la quarte, mais de sorte qu’il y a grand relasche, & espérance qu’elle le quittera bien tost.

J’ay escrit & fait parler à Madame Thévenot qui m’a envoyé un grand discours contre l’ingratitude, & des voyes qu’elle a tenté pour vous faire tenir argent, desquelles pas une n’est de celles que je luy avois conseillé par La Rochelle. Elle croit que vous estes maintenant satisfait pas le soin d’un Sr. de Solicoffre qui a sa demeure à Vienne en Austriche. Et m’envoyent une lettre de ce Solicofre que vous verrez. Si cela n’a d’effet, il faudra presser de suivre les voyes ordinaires.

Je ne vous entretiendray pas long temps, ayant presché ce jourd’huy dans mon infirmité. En laquelle et notamment en cette saison, je n’ay ozé prattiquer le remède de Monsieur Fotrart, qui a rengragé la mal à deux autres qui l’ont pratiqué l’ayant eu de moy. Dieu vous vueille confirmer vostre ferme santé & vous conserver par longs jours avec Madamoiselle ma très chère sœur. Ma femme & ma fille se joignent avec moy à vous embrasser tous deux affectueusement avec mes nepveux & nièpces grands & petits. C’est,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXe décembre 1643. B. U. Leyde, BPL 287/II/39

1644 Au mois de février, conséquence de la conjoncture de la Régence, de la fiscalité de guerre et des récoltes déficitaires un mouvement de contestation nobiliaire se développa en Poitou, Saintonges et Angoumois. Dans sa lettre du 28 février décrit ce mouvement en Saintonge et des conséquences fâcheuses qui en résulta pour la province.

A la même époque se produisit un autre événement fâcheux pour les réformés du comté de Taillebourg. Le 6 février 1644, le comte de Laval, second fils du duc et de la duchesse de La Trémoille à “ l’extrême fascherie ” de ses parents, se retira dans une maison des pères de l’Oratoire près de Meaux. Pendant l’été 1644, il vint à Thouars. Dans sa lettre du 31 octobre 1644, Guillaume Rivet conte comment il obtint la conversion de Mademoiselle Fleury une dame de compagnie âgée de la duchesse de La Trémoille.

Le 26 décembre 1644, les travaux du XXVIIIe synode national débutèrent à Charenton. Jean Chabrol, le ministre de Thouars et Pierre Pelleus, le procureur fiscal des La Trémoille à Thouars, étaient des quatre représentants du Poitou. Les représentants de la Saintonge étaient Philippe Vincent, ministre de La Rochelle, Théophile Rossel, ministre de Saintes, Etienne Soulas, avocat au

Page 35: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

35

parlement et ancien de Saintes et Daniel Texeron, sieur de Crapet, conseiller du Roi et ancien de Saint-Jean d’Angély77.

Dans sa lettre du 14 novembre 1644, Guillaume Rivet va se découvrir un nouvel adversaire touchant la grâce universelle en la personne du pasteur de Charenton Jean Mestrezat. Cette querelle se prolongera jusqu’en 164878.

10 janvier 1644 - Taillebourg De Taillebourg, le Xe de l’an 1644.

Monsieur mon très-honoré frère, Je sçay que peu de jours après vos dernières du XXX novembre vous avez eu lettre de moy et

depuis je vous ay escrit deux fois je m’avance encore pour vous faire tenir les lettres de Monsieur Chesneau qui est très recognoissant de vos grands offices pour son fils. Je vous en remercie bien fort avec luy qui a le sens & lz style bien meilleur que la main. Il a grande passion à ce que son fils estudie en Théologie & craind fort qu’il se porte ailleurs.

Ma fille aisné accoucha mardy79 d’un fils qu’elle ne croit pas estre à terme. Ce qui fit que dès le lendemain ils firent baptiser l’enfant & prièrent Monsieur Vincent de tenir ma place pour le présenter. On à trouvé jusques à vendredy jour dusquel on m’escrit que cet enfant quoy que petit & maigre (qui advient ordinairement les mère estant grosses, comme s’est trouvée ma fille) alloit mieux en mieux. L’enfant peut estre de sept mois, ou la mère s’est trompée. Dieu le bénis s’il est pour vivre. Ma perplexité est plus grande touchant mon jeune fils, duquel la quarte s’est changée en quotidienne qui l’a fort abbatu & l’empesche de faire ses sousdictes publiques. Dieu me vueille garder d’affliction la plus griefve, du costé que je concevoye recevoir plus de joye & de contentement.

J’ay presques achevé de lire la très docte & très exacte dispute contre les cérémonies Angloises. Celuy qui l’a fait est homme de grande lecture, & qui applique très bien ce qu’il a leu ; distingue très-subtilement & très-clairement & rive dignement le clou a ses opposés qu’il appelle formalités contre lesquels il reprend souvent & très à propos le Sr. Cameron. Je n’avois pas tout considéré l’importance de cette question, comme il me le fait recognoistre. Et faut advouer que ceux qui ont plus d’intérest à une chose, & s’y estudient tout à fait porté par la nécessité se prennent mieux que les autres.

J’espérois qu’entre les livres que vous m’avez envoyé se trouveroit cette lettre greque touchant la mort de Cyrille que vous promettez en vostre Apologétique de publier pour l’information de Monsieur le président de La Marque.

Ma femme & moy ne sommes ni malades ni fort en santé ; bien nostre Judith. Tous trois prions Dieu pour vostre prospérité, & vous embrassons très affectueusement avec Madamoiselle ma très-chère sœur, & mes chers nepveux & niepces, & de tel cœur que je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

B. U. Leyde, BPL 287/II/40

17 janvier 1644 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’ay esté estonne d’apprendre par vostre dernière que Nathanaesl Chadeau soit allé en Hollande

& vous ait importuné. L’attestation que je luy avois donné portoit qu’il alloit à Vitray chez le Sr.

77 Frères HAAG, La France protestante, tome X, p. 362. 78 J. A. M. SCHELLEKENS, La correspondance entre Guillaume Rivet et André Rivet en 1645, op. cit, p. 25-32 et Frans Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 280-282. 79 Le 10 janvier 1644 étant un dimanche, le petit-fils de Guillaume Rivet est ne le mardi 5 janvier 1644. Il fut prénomme Jacques.

Page 36: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

36

Tuffé, maître chirurgien de cette ville80, qui est natif de Saintes & lequel venu en ces quartiers, avoit promis à Monsieur Thomas, duquel la femme est sœur de la mère de ce garçon, de le prendre pour servir en sa boutique. Ainsi on ne l’envoyoit point cercher fortune comme on dit & à l’aventure, mais en lieu arresté. Et luy estimant qu’il seroit regardé de plus près, & n’auroit pas tant d’émolument là où il seroit colloqué ainsi par les siens a pris le chemin tout autre, et enfin est venu j’espère à vous.

Je vous remercie très affectueusement du soin que vous avez en de luy ; & ses parents vous en auront grande obligation. Ma femme particulièrement qui est sa grande tante, parce qu’il est fils d’un fils de son frère utérin. Et ma bru, femme de Jean, est fille du mesme & de sa première femme, qui estoit sœur de feu Monsieur Roquemadour, procureur fiscal d’ici81, que vous avez cogneu, de laquelle elle a hérité seule, comme unique de mariage. En effet cet enfant ici est assés bien entendu en sa vocation, et n’a pas mauvais esprit. S’il peut trouver condition en ce pays là, il se fera. Et les siens souhaittent fort qu’il le puisse. Vous sçavez bien comme il faut estre retenu envers telles gens, hors l’extrême nécessité. La mère qui a quatre autres enfans avec peu de bien y fourniroit en ce cas & nous aussi. Ma femme a une fiebvre erratique, & mon jeune fils est encore en son infirmité. Pour moy, je suis en estat de santé maintenant, grâces à Dieu.

Ce que vous m’escrivez d’Angleterre & les nouvelles qui courent, me fait appréhender que les nostres se conservent ; n’estant point possible ce semble, que ce convenant puisse prévaloir en Angleterre. Dieu leur doint l’esprit de prudence.

Je vous prie de faire tenir la lettre de Monsieur d’Agonnay. Il rappelle son fils las de le voir simple soldat, & malcontent de Monsieur de Douchamp.

Je n’adjouste rien vous ayant escrit il y a huit jours, sinon les humbles baise mains de ma femme & de mon fils, à vous & Madamoiselle ma très chère sœur avec mes nepveux. Elle & moy louons Dieu de vostre prospérité ; & le prions notamment pour la continuation d’icelle ; particulièrement,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XVIJe janvier 1644. B. U. Leyde, BPL 287/II/41

24 janvier 1644 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je ne sçay comment dimanche dernier j’oublioy de joindre à ma lettre celle de Monsieur

d’Agonnay dont je vous faisoy, et croy-je, mention. Je répare cette faute par ce prochain messager et vous diray depuis ma dernière j’ay sceu que mon jeune fils se fortifioit, mangeoit & n’avoit plus que quelques frissons. Mais, d’autre costé ma povre bonne femme se trouve avoir une double quarte ce qu’elle en a eu qui n’a pas duré ; mesmement l’année passé ; me fait espérer que Dieu conditionne bientost à nostre joye.

Le petit-fils qu’a eu ma fille n’a pas passé les onze jours depuis sa naissance précipitée, ensuite d’une peur qu’eut la mère d’un homme endormi qui tomba près d’elle au temple, & qu’on disoit mort. Mon gendre doibt passer cette semène (illisible) à Bayonne. Je n’adjouste rien autre chose que mes salutations accoustumées à vous, Madamoiselle ma sœur & mes nepveux & niepces avec prières pour vostre prospérité ; & la souscription de,

80 Siméon Tuffé, était maître-chirurgien à Vitré en Bretagne. Il était marié à Françoise Poisson qui lui donna en cette ville douze enfants entre 1608 et 1630. Il mourut le 30 août 1647 à Vitré. 81 Marthe Chadeau, femme de Jean Rivet, était la fille de Jehan Chadeau et de Suzanne de Rocquemadour. Cette dernière était la sœur de Jacques de Rocquemadour qui dans le premier tiers du XVIIe siècle avait été le procureur fiscal du comté de Taillebourg. Jacques de Rocquemadour était le beau-père de Michel Meschinet qui lui succéda dans sa charge de procureur fiscal. Cette lettre met en évidence les multiples liens de parentés qui unissaient les familles réformées entre elles.

Page 37: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

37

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXIVe janvier 1644. B. U. Leyde, BPL 287/II/42

28 février 1644 - Taillebourg

Monsieur mon très-honoré frère, J’ay passé près d’un mois sans vous escrire pour ce que je déziroye de voir que deviendroyent

nos alarmes & appréhensions en cette province, & és voisines d’Angoumois & de Poictou, devant que vous en rien mander. La noblesse, s’estimant chargée contre la droit de ses franchises par l’imposition d’un escu pour tonneau de vin recueilli sur les lieux, s’assembla il y a plus de trois mois pour députer vers le Roy & la Reyne régente & leur faire très humbles requestes & supplications à Leurs Majestés à ce que l’Edit ne fust point exécuté82 ; & que tant eux que le peuple en fussent affranchis où qu’il soient, quoy que les gouverneurs des provinces ne l’approuvassent pas ; aussi se disant avez droit de le faire ; & que ce n’estoit point crime à des corps de s’assembler en telle occurrence pour envoyer présenter leurs requestes très-humbles.

En Angoumois où cela commença, Monsieur de Couvrelles fut député ; de quoy je fus très déplaisant83 ; et le dit à Monsieur de Raleu, son beau-frère, qui m’apporta le paquet de livres, venu avec des hardes de Monsieur de St-Turgent, pource que il importoit disoye-je, que les nostres se continssent ; & que luy ayant esté employé en nos affaires autrefois, cela nous pourroit tourner à mal en cette province, quoy que des plus forts comme moy puissent dire à nos gentilhommes, chacun d’eux eust pensé n’estre pas tenu de la qualité, s’il ne se rangeoit avec les autre. Ils nommèrent Monsieur de Chasteaucouvert84 qui n’est pas des nostres pour aller en Cour. Et de plus firent nomination de douze notables qui recevroyent les lettres & advis du député et respondroyent au nom de tous, pouvant communiquer plus facilement en si petit nombre. Et ces député, ayant esté long temps sans s’avancer en attendant quelcun du Poictous où on ne s’assemble que par pelotons, leurs actions furent mal interprétées à la Cour, et prises comme de faction, eux n’y ayans personne qui parust leur part pour déclarer leurs intentions selon qu’ils faisoyent profession de les avoir. Notamment cette extraordinaire nomination de douze, fut prise comme création des chefs. Et combien qu’ils ne penssoient que à ce que leur députation fust considérable pour obtenir tant plus aysément l’humeur, l’engagement de nos Saintongeois avec bien induit plusieurs à porter contre ceux qui s’employeroyent à lever tel impost. Et tout a esté augmenté de beaucoup és rapports comme font ordinairement les intéresssés. De là est advenu quy ayant ordre de la Cour de faire avancer des forces tant d’infanterie que de cavalerie, comme d’un camp volant, Monsieur de Couvrelles allant trop tard fut arresté près /2/ Chastelleraut & mené à Loches ; Monsieur de Chasteaucouvert ayant passé par une autre voye & s’estant tenu couvert à Paris. En suitte, ces troupes vinrent en pays où il y eust de la rébellion. Selon que le bruit en a couru jusques à vous venant de Paris. Mais tout le peuple s’est tenu coy85 ; et la noblesse voyant ce qui estoit advenu à Monsieur de Couvrelles & que Monsieur de […] avoit esté pris en sa maison, s’est écartée & couverte comme elle a veu […] pendant la ville de S. Jean a beaucoup souffert de dommage par logement de gens de guerre vivans à discrétion ou en tout cas sans payer et la 82 Ce mouvement s’inscrit dans la tentative de la noblesse moyenne et petite de s’organiser en assemblées pour la défense de ses privilèges particuliers, mouvement qui jusqu’à l’avènement personnel de Louis XIV. Cf. Arlette JOUANNA, Le devoir de révolte. La noblesse française et la gestation de l’Etat moderne, 1559-1661, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1989, p. 245-278. 83 Le sieur de Couvrelles était connu du pouvoir pour avoir “ toujours agy pendant les mouvements du royaume ”, avoir “ des connaissances en Angleterre ” et y avoir fait “ un voïage pour visiter et traicter quelques affaires avec deffunt M. de Soubize ”. Solange DEYON, Du Loyalisme au Refus : Les protestants français et leur député général entre la Fronde et la Révocation, op. cit., p. 28. 84 Alexandre de Céris, écuyer, seigneur de Châteaucouvert, d’une famille de l’Angoumois. 85 L’on remarquera que le peuple de Saintonge et d’Angoumois échaudé par la répression qui avait suivi sa protestation au printemps 1636 contre la crue des tailles se garda de se joindre à la noblesse dans cette affaire.

Page 38: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

38

campagne en divers lieux moins favorizés ou plus calés, tandis que coulent les trops briefs auxquels est assignée la noblesse.

De ces douze il y en a sept Catholiques romains & cinq de la Religion. Et le mal est que Monsieur de La Caze y est le premier. Nous avons esté en grande appréhension que deviendra cela jusques à ce qu’on nous a assuré que Monsieur le duc de La Rochefoucauld86 avoit fait la paix de ces cressienes & que Monsieur de Bussac87 (fils de celuy que vous avés cognu, qui est des douze de ce pays, & l’un des sept Catholiques romains, changé est depuis le décès de son père) estant allé à Paris couvertement avec Monsieur du Breuil-de-Chive, nostre allié88, ils auroyent veu ceux qui gouvernent & seroyent entré dans la Bastille par forme dont ils sont hors maintennant ; qui se fera quelque chose de tel à l’égard des autres à Cognac où réside le lieutenant du Roy, où à Saintes où est Monsieur d’Aumont89, général de ces troupes extraordinaires. Et aussi és autres provinces.

Or comme ils sortent de ce pas [tête] haute, la plus part du peuple menu sont ruinés : cette charge continuant, & restant tout où elle a lieu. Car comme vous aviez bien appris la cherté des bleds y est grande, le boiceau de froment qui vaut 40 livres en une bonne année ; estant à cent sols. Et le peuple n’a argent, ni de quoy en faire après d’autres charges supportées. Mesme quoy qu’il vienne des vaisseaux chargés de blé en quelques lieux, ils ne se débitent pas comme les marchands eussent espérés, parce que les moyennés ayant leur provision, & quelque uns des pleins greniers, les marchands craignent de se charger de chère marchandize qu’ils ne débiterons pas aysément. Et il y a apparence que devant la récolte la pluspart du bas peuple est en danger de mourir de faim, & d’apporter le fléau qui suit la famine, si Dieu n’y pourvoit par des voyes que nous ne voyons point.

Monsieur de Marsilly fait tout ce qu’il peut pour garantir le comté de Taillebourg du logement de soldats. Mais quelque promesse qu’on luy ait fait, on a logé jusques à Asnepont & Colonges. Pour cette ville nous espérons bien d’estre exempts ; mais nous craignons encore pour S. Savinien.

A Saujon y a cinq compagnies depuis huit jours qui n’en bougent pas encore ; et les armes de feu Monsieur le Cardinal qui sont fort relevées à la grande porte de la superbe maison qu’il a basti là, n’ont point détourné ce logement du bourg. Je n’ay point eu /3/ nouvelles de mon fils depuis ce temps là, mais je croy bien que il est exempt comme n’estant sur le roolle des tailles. Il en a esté ainsi à S. Jean & ailleurs.

J’espère d’aller bien tost là où demeure Madame Thévenot & la presse. Et quant à Chadeau, ma femme & moy vous remercions grandement du soin que vous avez eu de luy. Et je croy que Monsieur Thomas, mary de la sœur de sa mère, vous en déclare ses recognoissances. On a envoyé aussi ce que vous avez mis pour luy par la première qui ira, qui sera comme je croy, ce jeune homme d’ici que le décès de sa mère avoit fait retourner en ce lieu. Vous aurez bien sçeu de Paris les grands intrigues & difficultés que donne la bulle du Pape en faveur des Molinistes, que les Serbonistes & autres disent obreplicement obtenue & qu’on supprime ; & d’autres costé l’affaire de Monsieur de La Magdeleine beau-père de nostre cousin.

Dieu doint à vos ambassadeurs en Angleterre de moyenner la paix qui y est tant nécessaire. Il faut que là va ses maus, si elle ne se fait. Pour la générale, je n’y voy guère d’apparence, quoy qu’on s’assemble pour cela. J’escriray à mon gendre à Bayonne ou S. Sébastien, que vous avez envoyé à mon nepveu à Londres, & comme les moyens se rencontreront mieux pour solliciter pour luy. Il vous en aura & à luy grande obligation. Je loue Dieu de ce que Monsieur Spanheim réussit si bien & prend les choses de tel air. Comme aussi que Monsieur de Saumaize parachève cet œuvre qu veu le sujet & l’autheur doibt estre grande. Le Seigneur luy doint santé & vigueur pour cela mesme, & pour continuer à d’autres labeurs de telle utilité. Ma femme est guérie de sa quarte ; et je n’ay point eu de gouttes depuis cette venue durant laquelle je vous escrivis en novembre. Nous bénissons le nom du

86 François V de La Rochefoucauld († 1650), Ier duc de La Rochefoucauld, père du mémorialiste. 87 Louis de Beauchamps, seigneur de Bussac, fils aîné d’Isaac de Beauchamps et d’Esther de Granges. 88 En complément de sa lettre du 17 avril 1644, Guillaume Rivet détaille à son frère l’alliance qui les unissait à Abraham de Ponthieu, seigneur du Breuil-de-Chives dans la paroisse de Chives (Charente-Maritime) à l’ouest de Ruffec. 89 Antoine d’Aumont de Rochebaron (1601-1669), marquis de Villequier, alors maréchal de camp, maréchal de France en 1651.

Page 39: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

39

Seigneur de ce qu’il vous a conservé en santé avec Madamoiselle ma très chère sœur, & mes nepveux aussi. Et vous embrassons tous cordialement, moy particulièrement qui suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXVIIJe febvrier 1644. St Savinien vient d’estre rempli ces fascheux hostes qui font d’estranges ravages & sont là

contre la promesse du chef que Monsieur de Marsilly est allé trouver à Saintes. Monsieur de Boisrond vous escrit ayant sçeu le coup de fouet de vostre lettre que j’ay fait porter à nos nouveaux mariés, pour lesquels je crain jusques au délogement de ces gens.

Monsieur de Chardevene persévérant en ses dézirs d’estre employé és Pays-Bas unis, outre ce qu’il a tiré de moy une lettre expresse qu’il vous aura envoyé, m’a obligé de le vous recommander encore : ce que je fay de grande affection, comme luy le méritant.

B. U. Leyde, BPL 287/II/43

11 mars 1644 – Saujon Etienne Rivet à André Rivet

Monsieur mon très honoré Oncle, Je vous suis redevable d’avoir demeuré si long temps sans nous escrire. Ce qui m’a empesché &

m’a retenu iusques à maintenant, c’est que i’avoiz de bonnes nouvelles en partie à vous mander, en parties de mauvaises, & i’attendois un temps favorable pour ne nous en escrire que de bonnes.

L’accomplissement de mon mariage estoit voirement une nouvelle qui vous estoit autant agréable qu’il m’est advantageux, mais estant tombé incontinant dans une fiébvre quarte il noyoit de ce costé autant de sujet d’affliction qu’il y pouroit avoir de ioye de l’aultre. Ça esté là iustement ma pensée et néantmoins ce qui me pousse à escrire n’est point une entière délivrance, c’est plutost une trop longue suspension de mon debvoir que ma convalescense. Je suis encore icommodé, mais non, grâces à Dieu, comme par le passé : ma fiebvre quarte ayant des long temps dégénéré en quotidienne. Ie iouis mantenant de ce relasche d’espris quelques iours que ie n’ai au soir que quelque esmotion, et cependant i’ay aussi il y a plus long temps assés bon appétit.

C’est ainsi, Monsieur mon très honoré Oncle, que Dieu a voulu tempérer les douceurs du bien qu’il m’a faict voir y meslant de l’amertume de qui me repoussant mes affections ne permist pas que i’en fusse enyuré ; il a voulu que i’asprisse par la patience de l’affliction à ne toucher pas dans l’insolance de la prospérité. En fin i’espère que ce sera bientost que Dieu me fera voir son usage amiable qu’il me fera charger mon bien sur mes espaules & bon médecin m’envoyera une parfaicte guérison. Ma maladie m’aura esté un exercice sainct, une espreuve iuste, une correction amiable, un chastiment du Père, d’une instruction de vie qui me faict certainment regarder avec plus d’attention aux choses supernelles et à la vocation d’en haut et bien particulièrement à celle qui m’est publique le ministère dont Dieu m’a honoré. Je sçai que tout mon gain est dans les cieux que là sont les maux et les /2/ riches thrésor que dans la terre on ne peut recueillir que de la poussière. Je sçai que ceux qui regardent continuellement en devant et regardent à leur chef et au consommateur de leur foy sont véritablement les bien appris, enseignés de Dieu et enfants de la Sapience ; qui regarde derrière et contemple le monde, on est changé en statue de malédiction90. Je ne m’asseure pas seulement que mon affection m’aura servit pour ma régénération & pour la voye des Cieux, mais aussi pour me faire savourer ainsi qu’il appartient la bénédiction de nostre mariage. Nous ne pouvons bien gouster les douceurs si nous n’avons gousté des amertumes. Avec une paisible iouissance de cette bénédiction que Dieu verse sur moy et qu’il affermira s’il luy plaît en sa grâce. 90 Allusion à la femme de Lot qui en dépit de la recommandation des Anges apparus à son mari, regarda en arrière la destruction de Sodome et Gommorrhe et devint une statue de sel. Genèse 19, 26.

Page 40: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

40

Ie n’ay pour passion plus grande que de vous voir longues années continuer vos saincts labeurs à la gloire de Dieu & au bonheur de son Eglise et que Dieu vous donne nouvelles forces en vostre vieillesse et une entière santé en nous conservant Mademoiselle ma très honorée Tante, vostre compagne à laquelle ie baise très humblement les mains, et priant Dieu pour la prospérité entière de l’un & de l’aultre, ie m’estimerai fort heureux si Dieu me faict naistre les occasions de vous faire paroistre l’honneur a l’affection que nous porte particulièrement,

Monsieur mon très honoré Oncle, Vostre très humble et très

obéissant nepveu & serviteur Est. Rivet

De Saujon, ce 11 mars 1644. Ma femme vous baize très humblement les mains et à ma tante, vous priant l’excuser si pour

cette occasion elle ne peut vous escrire. B. U. Leyde, BPL 282/226

13 mars 1644 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je vous ay escrit amplement des nouvelles de ces provinces, & de l’accommodement de nostre

noblesse par Monsieur de Bussac qui entre en la Bastille pour un jour ; & non Monsieur de Breuil-de-Chive comme on m’avoit dit. Cependant le pauvre peuple a payé là où le fléau du logement de gens de guerre a passé.

Mon fils en a esté exempt pour son particulier à Saujon ; et se remet quoy qu’il ne soit du tout guéri. Il vous escrit et son beau-père la fait devant luy, n’ayant pas poli son style au Port d’Anvaux. Il n’avoit pas aussi accoustumé sa fille à escrire guère. Le bon est qu’elle vit fort bien avec mon fils, & luy a tesmoigné très-cordiale affection durant tout le cours de sa maladie si longue, ce qui refute amplement le bruit que ses proches faisoyent courir de contrainte en elle. Mais, Dieu merci, nous sommes tous d’accord, MM. Rossel & Baudouin nous ayans reconcilié. Il n’y a que celuy qui prétendoit & sa mère, lesquels se séparent tousjours de nous ; ne pouvons digérer, quoy que parens de mes enfens, que mon fils ait ce que le père ne vouloit en façon quelconque donner à ce gentilhomme.

On est après d’aillieurs à mettre quelque ordre en cette Eglise où nous devons avoir le Synode au mois de may. Et j’ay tesmoigné que je me pourvoyray si on ne me donne sujet de contentement, y ayant lieu où je suis déziré & où je pourroye commodément passer le reste de mes jours.

Je vous remercie de vos nouvelles d’Angleterre, & vous prie de continuer à m’en départir. Car La Gazette ne nous rapporte que quelques extraits de lettres d’Oxford qui déguisent partie & dissimulent le reste. C’est une chose horrible de cette grande division qui semble devoir aboutir à la ruine de l’un ou l’autre parti ou de deux.

Loué soit Dieu que tout soit en paix en vostre Estat. Il y a voit en ces lieux quelques bruits au contraire. Je vous ay escrit amplement sur le sujet de toutes vos précédentes & croy que mes lettres vous auront esté rendues.

Vous aurez avec celle-ci celle que m’a escrit nostre cousin de La Guyonnière escritte dès le mois de novembre & qui m’a esté rendue depuis peu. Vous verrez ce que vous aurez à faire sur de dont il escrit, & me manderez ce que vous voudrez que je face.

Je suis souvent d’esprit à La Haye avec vous & Madamoiselle ma très chère sœur ; comme aussi à Rhinsbourg dans deux secessus de mon nepveu, avec Mlle ma bonne niepce & leurs beaux enfans, que Dieu bénie. Je le prie aussi qu’il vous conserve longuement en santé avec Madamoiselle ma sœur ; comme font ma femme & nostre fille, toutes deux en santé, grâces au Seigneur, avec,

Monsieur mon très-honoré frère,

Page 41: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

41

Vostre très-humble & très affectionné frère & serviteur

Guill. Rivet De Taillebourg, le XIIJe mars 1644.

B. U. Leyde, BPL 287/II/45

Sans date - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je vous escrivis amplement il y a huit jours, & vous envoyay par mesme moyen une lettre de

mon jeune fils. Le mot n’est que pour accompagner la lettre que Monsieur d’Agonnay escrit pour response à son fils. Il vient de Périgord où il a demeuré cinq à six sepmènes chez ses proches durant l’orage. Je luy ay déclaré le contenu de l’apostille de vostre pénultiesme. Il dit qu’il faut que son fils ait joué & qu’il avoit pourveu à ce qu’il luy falloit pour beaucoup plus de temps, ses debtes payée. Il n’avoit pas encore reçeu une lettre que je croy estre parvenue à vous depuis & en suitte à luy.

Un de mes amis m’a mandé deux nouvelles d’Angleterre ; l’une du 24e janvier janvier style ancien qui n’est à nostre 3e de febvrier & l’autre du 1er febvrier revenant à nostre Xe jour de la date de vostre dernière ; lesquelles sont tellement circontantiée pour les noms & les nombres que ce seroit une estrange fiction, si ce n’est vérité. Elles disent de grand avantages au parlement contre les Royal devant Chipifiw par le colonnel Massés91 et devant Nortwith par le chevalier de Fairfax92. Cela pourroit ayder à la paix que promet vos ambassadeurs. Dieu la doint & vous conserve longuement en prospérité avec Madamoiselle ma sœur & mes nepveux & niepces & souhait de,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

Ma femme & ma fille qui se portent très bien comme je fay aussi vous saluant humblement & ambrassent cordialement.

B. U. Leyde, BPL 287/II/95

17 avril 1644 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Il s’est passé quelques sepmenes depuis que Monsieur Chardevene après la réception de vostre

lettre, me fit tenir la response que je vous envoye. Vous verrez qu’il ne se rebutte point pour toutes les difficultés & inconvénients qu’on luy propose ; & que vostre promesse conditionnelle de faire pour luy, sçavoir en cas d’occasion que je rencontre, est appréhendée par son avidité. Mesme depuis peu estant allé à Marennes pour y vendre du sel, mes raisons que je ne pouvois porter jusques à rompre, ne l’ont point d’émeu. Je conjecture que quoy qu’il ne couche que resentiment de l’injustice du passé, il en appréhende une autre à l’advenir ; qui est que sa fille faitte professe, on le contraigne de payer des pensions du passé & la doter pour l’advenir, dont il pense à se retirer avec tout ce qu’il a. Car le fonds qu’il possède appartient à sa fille du premier lit. C’est une grande persécution venant des couvents tant privilégiés pour ravir quand ils trouvent prise, les enfans & le bien. Tant des leurs propres que des nostres.

Monsieur nostre duc en a & aura l’expérience en son second fils et le pauvre Monsieur d’Agonnay s’estant absenté six ou sept sepmenes, durant la déroute de nostre noblesse, chès ses parents en Périgord et ayant laissé sa troisiesme fille chès la Dame de Montbron, sa niépce révoltée, 91 Edward Massey (1619-1674), un presbytérien, colonel dans l’armée du Parlement. 92 Sir Thomas Fairfax (1612-1671) avait défait le 25 janvier 1644 les troupes de lord Byron, l’obligeant à lever le siège de Nantwich, dernière place tenant pour le parlement dans le Cheschire.

Page 42: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

42

instruitte qu’elle avoit esté en la Religion par Monsieur d’Esnandes93, son père & sa mère, sœur du Sieur d’Agonay ; il a trouvé cette fille dévoyée & jettée dans le couvent des Ursulines à St-Jean94. Pour le regard de son fils, je ne peux rien vous en mander que ce que je vous ay escrit ci-devant du tort qu’il luy atribue & d’avoir mal mesnagé & joué. Car je n’ay manqué de luy représenter tout ce que vous m’avez escrit de l’estat d’iceluy.

Monsieur Amyrault a passé & repassé ici allant & retournant de La Rochelle à Bourdeaux95. Il m’a visité aux deux fois ; & nous n’avons eu que paroles de civilité, outre les nouvelles, & entre autres concernant vostre estat.

Nous sommes en cette province tombés de fiebvre en chaud mal ; en ce qu’après la paix de nostre noblesse, & nostre délivrance de gens de guerre, le Conseil a pris résolution d’envoyer armée de 15 000 hommes : dont desja y en a dans les Isles autour de Brouage & à nos portes. On ne sçait si c’est /2/ pour s’asseurer de Brouage, ou pour aller devant Fontenay ou pour faire un embarquement. Mais asseurement le pays en sera [] & ruiné. Il y a une sauvegarde pour nous qui tarde bien à venir ayant demeuré à Poictiers chès le messsager.

Pour nostre particulier, ma femme a esté encore reprise de fiebvre quarte, mon jeune se fortifie ayant encore des sueurs la nuit ; et moy de la goutte à la main gauche sans m’arrester jusques ici. J’apprehendoys bien cet apvril. Mais il faut passer & patienter en ce que Dieu veut, qui tourne tout en bien aux siens. Mon gendre de retour de son voyage de Bayonne en bonne santé, & à [] sa femme ma fille en pareil estat. Jean a sa femme fort indisposée. Ma nouvelle bru s’est portée vaillemment durant l’affliction de son mary, & luy a tesmoigné grande amitié. Ce qui me contente fort.

Je finis lassé de deux actions en lieux distans d’une lieu, & vous embrassons fraternellement. Madamoiselle ma très-chèr sœur & mes nepveux & niepces comme font ma femme & nostre fille, me souscris en vérité,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XVIJe apvril 1644. Vous aurés lettres de Monsieur Thomas & de moy par la voye de la mer /3/. Depuis ma fermeture de ma lettre, m’a esté rendue la vostre du 28e may à l’occasion de laquelle

j’adjouste ceci. Que vous remerciant bien fort des nouvelles d’Angleterre, je ne manquay de corriger la mesprise au nom de Monsieur de Chardevene.

Et que pour le regard de Monsieur du Breuil-de-Chive96, il est fils d’un gentilhomme de mesme titre que vous avez bien cognu aussi bien que Monsieur de Poupar, son frère. Leur sytuation est d’ancienne noblesse. Ils portent le nom de Ponthieu, & la mère de cettuy-ci estoit Mombron qui est le nom des comtes de Mataz, marquis de Fontenay-Chalendray & du baron de Thors, grand-père maternel de Monsieur de La Caze97. Cettuy-cy ayant un frère & force sœurs, s’est trouvé riche par les droits des aisné de Poitou, et espousa la vefve du fils aisné de Monsieur Le Coq-Modavin, qui estant de mesme profession, & ne laissa point d’enfans à cette femme, laquelle profita de ce mariage quant

93 X de Montbron, seigneur d’Esnandes, paroisse au nord de La Rochelle. 94 Cette troisième fille de Jacques Guiton de Maulèvrier, seigneur d’Agonnay, s’appelait Jeanne et fut religieuse ursuline à Saint-Jean d’Angély. 95 Dans sa lettre du 23 mai 1644 à Claude Sarrau, André Rivet précise que “ Monsieur Amyraut a esté à La Rochelle et à Bordeaux, sur le décès de son beau-frère ”. Hans BOTS et Pierre LEROY, Correspondance intégrale (1641-1650) d’André Rivet et de Claude Sarrau, op. cit., tome II, p. 276. 96 Guillaume Rivet dans ce complément décrit le lien de parenté qui unissait les Rivet à Abraham de Ponthieu, écuyer, seigneur du Breuil-de-Chives dans la paroisse de Chives, fils de Joachim de Ponthieu, seigneur du Breuil-de-Chives et de Marguerite de Montbron. Il avait épousé le 1er mars 1626 leur cousine Renée Favereau, dame de La Blanchetière, veuve de Vertunien Le Cocq. Henri BEAUCHET-FILLEAU, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, 2e édition, tome III, p. 363. 97 La mère de Jean-Jacques de Pons, marquis de La Caze, s’appelait Judith de Montbron. Elle était la fille de Jean de Montbron, baron de Thors et de Gabrielle de Pierre-Buffière. Frères HAAG, La France protestante, tome VII, p. 458.

Page 43: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

43

au bien. Elle estoit aussi fille unique de nostre cousin de La Blanchetière d’Esec, venu d’une sœur de nostre grand-père maternel, là où nostre mère apprit la Religion, y ayant demeuré un an. Elle est décédée en septiesme couche ayant laissé sept-six enfans que le père éleva fort bien. Je les avois veu en leur maison du Breuil à une lieue de Bois-Baudran98. Et mon jeune fils y a esté depuis le décès de nostre cousin. Ce gentilhomme fait fort estat de nostre alliance. Et vous pouvez penser qu’il vous y considère principalement.

Monsieur de Boisrond a parlé ainsi cuidant que le bien sur le plus obligeant, mais en effet sa fille est agréable & fort aymable, de très belle humeur, & que mon fils aymeroit passionnemént quand elle n’auroit que le quart de ce qu’elle paut avoir.

B. U. Leyde, BPL 287/II/46

22 mai 1644 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’ay reçeu deux depesches de vous, voir trois, depuis trois semènes ; et toutesfois me suis retenu

de vous rescrire sur l’estat grandement doubteux auquel estoit ma femme, dont la fiebvre quarte s’estoit tournée en continue avec pleurésie au costé gauche. Elle en est échappée, grâce au Seigneur, comme merveilleusement ; ayant esté si abbatue de maux compliqués & en l’aage de 67 à 68 ans. Elle s’est trouvée fort allégée dans sn 14e, & n’a guère que de la la foiblesse avec un petit restant de fiebvre à pene recognoissable, & peu de douleur au costé.

Pour moy, je tien bon, Dieu merci ; estant entré dans la 64e année , le 3e de ce mois ; quoy que ma naissance ait esté marquée au 23 apvril jour de S. Georges, car estant advenue en l’an 1581 en l’année suivante où commença à compter selon le nouveau style, par lequel ce qui estoit selon le calcul ançien 23 d’apvril, fut le 3e may. Dieu me doint de continuer en vigueur durant les jours qu’il m’a ordonné de reste, afin que je puisse travailler en sa moisson.

Le synode est assigné ici à mardy prochain. Et je ne faudray, Dieu aydant, de leur lire la clause de vostre pénultiesme, en laquelle vous les saluez. Je m’assure qu’ils s’en resjouiront fort, a prieront le Seigneur de bon cœur pour le prolongement de vos jours en prospérité & en continuant de servir si utilement à l’édification de l’Eglise. Je croy qu’on travaille à m’affermir en cette Eglise, en laquelle on se reverdist un peu quant au soin pour moy.

Ce seroit mon repos, puisque j’y ay mes habitudes, & ne suis pas éloigné de mes enfens, hormis du docteur, dont je vous parle peu, pource que j’ay du relasche tandis qu’il ne me dit rien ; & n’ay de nouvelles de luy que quand il veut demander, ou qu’il s’impatiente. Il m’a mandé depuis peu qu’il faut qu’il vienne en ce pays tost ou tard, & qu’il ne se pourvoira jamais là. & je ne l’exhorte à ne venir que tard & quand je n’y serois plus ; veu que lors il auroit sujet de venir prendre ce peu que je luy laisserois, & que maintenant il me troubleroit. C’est beaucoup qu’il gagne sa vie où il est.

C’est pitié en ce pays pour les subsides & les charges de gens de guerre, venues sur la disette de blés & vins. Et si Dieu n’envoye de la pluie, /2/ bientost, les grains ne pourront monter, & les herbes qui ont la gelée sur la pointe, ne croissent nullement. Force vignes aussi gelé entièrement, celles qui sont fort découvertes ayant eschappé. A[ins ce] pauvre peuple qui béoit après une meilleure année, est fort déconfist dans les commencements durs de cette-ci. Il passe vers l’Angoumois & [dans ce] pays une armée complette, qu’on conjecture, que conduitte par le marquis de Villeroy, elle se joindra aux troupes de Gascogne soubs Monsieur d’Ep[ernon] pour quelque siège vers la Navarre.

Je vous remercie de vos nouvelles d’Angleterre. J’en ay veu d’assés fresches de Londres qui ne sont point la paix, & donnent advantage en parlement, outre la prise de [gent] qu’on envoyoit d’Espagne és Pays-Bas, dont aussi La Gazette fait [état]. Nous avons appris que la Royne s’estoit fait entendre par quelques p[erson]nes parlant de sa part aux pasteurs de l’Eglise de Paris, qu’elle [déziroit] union entre les discordans en Religion. Et ce que le National est […] pour décembre à Charenton, donne à penser. J’ay leu aussi que le p[rimat] de Pologne avoit escrit à telle fin au Synode

98 Le Bois-Baudran, manoir appartenant aux Le Coq, était situé dans la paroisse de Sainte-Fraigne (Charente).

Page 44: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

44

de Warsovie, & offre [de réunir] collecuteurs de sa part en temps & lieu qui seroist arrestés99. Cela ne p[eut] aboutir à aucune bonne fin, comme les choses sont. Dieu veuille maintenir son Eglise & sa vérité en icelle.

J’auray grand contentement d’apprendre mon nepveu Frédéric retourné vers vous, & ayant emp[loy] tel que vous avez espéré & dont il s’est rendu fort capable. Aussi [me] réjouis-je de l’avancement de son aisné & de la prospérité de sa famille, comme s’il estoit mon propre fils. Dieu les bénit de plus en plus l’un & l’autre à vostre grande consolation. Je croy que Monsieur Bouff[onais] retourné en Hollande vous aura veu ; & rendu des lettres de Monsieur Tho[mas] & de moy.

Monsieur d’Agonnay peut estre maintenant chez luy, & avoir la lettre de Monsieur son fils. Il estoit allé jusques à Poictiers conduire deux de ses filles qui vont à Paris auprès de Madame ; l’aisnée pour quelque temps & l’autre qui est, ce croy je, la Ve pour long temps ; destinée à Madamoiselle. C’est là IIIe qui s’est jettée aux Ursulines à St. Jean100.

Vous ne m’avez rien mandé de Madamoiselle de Schurman, dont je vous priois de m’escrire l’estat.

Mon jeune fils sera ici lundy, qui m’a escrit que Monsieur de Saujon-Campet, ayant mené sa femme (qu’il a pris en Hollande, de nation Ecossoise, nommée Murray)101 chés son frère à La Tousche, maison révoltée. On l’y a tellement tourmenté, avec les missionaires disciples de Veron, l’un coustelier & l’autre mercier, qui preschent selon /3/ sa méthode que on l’a fait révolter. Elle fut par eux menée chez mon dit fils à Saujon. Et comme il taschoit de la fortifier, ils y firent entrer ces charlattans pour troubler & eux y faisans de leur part, cette pauvre femme pleurant & haussant les espaules. Et Monsieur de Chaillonnaye qui a tousjours mauvais cœur, vint jusques à dire, sur un propos de mon fils, exprimant des faux cultes de l’Eglise Romaine que cela sentoit fagot. Il faudra tascher de ramener cette personne infirme quand ell sera de retour en Hollande. On luy a usé d’estranges rigueurs parmi ses alliés. Et ce luy a esté un grand malheur d’entrer en cette famille toute apostasié.

Vous aurez sçeu où est Monsieur de Bouillon après avoir tourné la dos à Dieu. Je croy que son évasion est un mauvais remède à l’estat décliné de ses affaires. Monsieur la comte de Laval s’affermist en sa phantaisie102. Dieu en sçait les motifs. Je le prie qu’il fortifie Monsieur le prince de Talmond en la cognoissance de la vérité & en piété. Je croy qu’il est maintenant près de vous. A tout cela les humbles salutations de ma pauvre reschappée, & de ma Judith, comme aussi de moy, tant à vous que Madamoiselle ma très-chère sœur, & mes nepveux & niepces, estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXII may 1644. B. U. Leyde, BPL 287/II/48

6 juin 1644 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère,

99 Le primat de Pologne réunit en 1645 à Thorn un Colloquium caritativum réunissant 28 catholiques, 28 luthériens et 22 réformés. E. G. LEONARD, Histoire générale du protestantisme, op. cit., tome II, p. 202. 100 Monsieur d’Agonnay de son premier mariage avec Jeanne Grelaud eut cinq filles : Elisabeth, l’aînée, née en 1617, qui épousa Jacob Moreau, seigneur de Panlois, Marie qui épousa Jean de Beaufort, seigneur de Signac, Jeanne qui fut donc Ursuline à Saint-Jean d’Angély, Gabrielle qui épousa Paul d’Hautefort, seigneur de La Razaire et Julie qui épousa Guy de La Blachière, seigneur de Coutiers. 101 Louis de Campet, baron de La Rivière, fils de Samuel de Campet, baron de Saujon et de sa seconde épouse Marthe Viaud, avait épousé Anne-Marguerite de Murray. 102 Louis-Maurice de La Trémoille, comte de Laval, au début de l’année 1644 s’était jeté dans les bras des pères de l’oratoire, et était devenu un dévot.

Page 45: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

45

Il y a aujourd’huy huit jours que tout tard nous fismes heureusement la closture de nostre Synode, tenu en ce lieu fort tranquillement par la grâce de Dieu. Dès le premier jour, je leus la close de vostre pénultiesme par laquelle vous les saluïez. Et tous tesmoignèrent avoir grande joye d’apprendre vostre prospérité, & que vous vous souveniez d’eux. Ils me chargèrent aussi de vous l’escrire, & vous assurer que faisans estat particulier de vous estre tous les plus utiles serviteurs de Dieu, ils prient le Seigneur de tout leur cœur pour le prolongement de vos jours, en cette vigueur en laquelle vous édifiés si dignement la maison de Dieu. Nostre Eglise ayant esté fort consolée de la présence d’une telle asemblée, durant laquelle ils ont eu presche tous les jours où venoyent plusieurs des Eglises voisines ; s’est reverdie un peu pour le soin envers moy, la province aussi s’estant chargée de fournir 100 livres tous les ans pour me conserver à repos en ce lieu ; & en recognoissance de mes labeurs. D’ailleurs toutes les familles aliénées auparavant s’estans rangées à l’ordre & à la paix, j’espère de passer ici mes jours.

Toutes choses aussi sont fort bien allées en l’assemblée, dont le principal soin m’avoit esté commis. Nous avons nommé pour le Synode national. Et de bon heur et ce que j’ay eu infirmité à un pied qui me commença huit jours devant & me continue durant que nous avions cette compagnie, a fait craindre à quelques uns que je ne pusse pas faire ce voyage, dont est advenu que Messieurs Vincent & Rossel ayent eu plus de voix que moy, une seule de manque me libérant de cette pène. Et véritablement, quoy que les gouttes ne me prennent pas dans le fonds de l’hyver il me seroit grief de laisser mon lit & mon foyer en telle saison ; & mal aysé d’aller lors faire un si grand voyage, séjournant assés long temps à Charanton où on est mal logé. Ainsi si l’un des deux nommez, qui ne sont pas fort vigoureux manquoit, Monsieur Bohureau qui est subdélégué après moy se pourroit bien préparer. On nous assure de Paris que celuy qui avoit parlé d’accommoder les Religions comme les Royes y pensent a esté desavoué.

Monsieur Blanc pasteur de l’Eglise de St. Maixent venu en qualité de député de Poitou, m’a dit de bonnes nouvelles de tous nos parents de delà, à la réserve de nostre cousin de La Guionnière, qui est paralytic & en langueur ; son fils unique qui estudioit à La Rochefoucault & estoit de bonne espérence, estant mort là de mal du poulmon. Dieu veuille le regarder en pitié /2/ en cette affliction si grande !

Monsieur Chesneau, pasteur de l’Eglise de Soubize, m’ayant tesmoigné grande recognoissance du bien que vous avez fait à son fils, ne peut pourtant se contenter de luy de ce qu’il ne propose. Car il s’imagine que remettant ainsi, il en fera comme mon fils aisné auquel cas, il aimeroit mieux qu’il n’eust point estudié. Je vous prie de [] part de luy dire & le presser. Il doibt s’évertuer quand ce ne seroit que pour la satisfaction de son père.

Monsieur d’Agonnay, retourné de son voyage de Poictiers, a trouvé la lettre de Monsieur son fils qui luy a donné de la pène pource qu’il luy mande qu’il est indisposé. Il déziroit me mettre de l’argent en main ; & qu’en attendant l’occasion de luy faire servir, je vous priasse de l’avancer sur l’assurence que j’en donenrois. Mais je luy ay mandé qu’il valloit mieux qu’il tirast lettre de change à La Rochelle puis qu’il en faudra tousjour venir là pour vous rembourser.

Ma femme est si foible qu’elle ne peut se relever. Et hyer depuis huit heures jusques à dix, tomba en telle foiblesse par suffocation de matrice, luy ostant la parole, qu’il me fut impossible de l’abandonner pour aller faire le presche. J’espère pourtant qu’elle se remettra Dieu merci. Mon jeune fils est remis, mais non encore en la vigueur entière. Ma pauvre femme & luy avec sa femme & nostre fille et moy, vous saluons & ambrassons très affectueusement avec Madamoiselle ma très chère sœur & mes nepveux & niepces ; et je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le VJe juin 1644. Monsieur de Marsilly est tousjours à Paris. Et Monsieur de Chardevene tousjours dans ses

dézirs. Je luy montray ce que vous m’en escrivez. Il s’en promet beaucoup Je ne sçay que fait Monsieur Mareschal. Monsieur de Nanteuil, gentilhomme qu’il a conduit s’enquéroit fort de luy.

Page 46: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

46

Nous n’avons point nouvelle du Sieur /3/ Bouffonais qui vous a porté lettres de moy & de Monsieur Thomas avec l’argent que vous avançastes pour Nathanaël Chadeau, nepveu du dit Sr. & de ma femme. Sa mère qui est une fort digne femme, auroit grande consolation d’apprendre qu’il fist bien.

B. U. Leyde, BPL 287/II/50

18 juillet 1644 – Taillebourg [A Taillebourg], le XVIIJe juillet 1644

Monsieur mon très-honoré frère, Estant embarassé dans quelques préparatifs pour la nopce de ma Judith vendredy prochain, xxe

du courant, Monsieur d’Agonnay fils m’a veu, me priant de vous baiser les main de sa part & vous prie de faire tenir celle qu’il escrit à Monsieur de Lessigny. Je voy bien qu’il a fait un trou dans le vent & laissé là ses revenus du nombre desquels & des sommes dheues. Le père vient de me dire qu’il ne l’a point encore enquis et, pourtant, dit qu’un jour il y pourvoira à son loysir. Pour maintenant, il s’est fort mis en pène de l’équisper pour envoyer devant Graveline en la compagnie de cavalerie de Monsieur de Pontrisière dont il est désigné lieutenant.

J’ay reçeu vostre lettre du 13e juin & vos diverses nouvelles dont j’ay fait part à nos amis, notamment touchant la concertention de Dantzic & Prusse sur la lettre de l’Archevesque du Guesne.

Quant à ce que vous aviez pensé de mon aage comme estant de neuf ans au dessous du vostre, vous ne vous estiez guères mespris selon mon rapport & ce que vous en remarquez en effet, car vous estant né le 2e juillet 1572 selon qu’il revient à ce style & moy le 3e may 1581, il faut que vous ayez huit ans et dix mois et un jour plus que moy, entré de la 64e année le 3e may dernier, & vous en la 73e le 2e du courant. On bénit fort le Seigneur qui vous fortifie ainsi particulièrement avec Mademoiselle ma très-chère sœur vostre bonne & digne ayde. Je la prie tous les jours de tout mon cœur qu’il continue cette bénédiction & grâce avec les autres bien longuement.

Ma femme chemine par la maison, son plus grand mal ayant resté en sa jambe affligée par le nerf piqué en une saignée. Pour moy, je vay & vien assé commodément ; & ay beaucoup de vigueur quand la goutte ne me travaille pas ; ce qui n’est pas fréquemment et ni longuement, ni fortement grâces au Seigneur. Je n’adjouste rien que nos humbles salutations à vous, Mademoiselle ma sœur & mes nepveux & niepces de la part de ma femme, de ma fille & de Monsieur Thomas, Sr. du Petit-Port, car son frère est allé quérir sa mère & ses plus proches & seront ici ce soir. J’atten nostre sœur à demain, & mes enfans aussi. Le Seigneur bénit le tout, & vous conserve au souhait de,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

Monsieur de Marsilly venu il y a 3 jours vous baise les mains & Monsieur de Chardevene qui m’a envoyé copie de celle qu’il vous escrit addressée à Monsieur Keth. Je me résoubs de l’exhorter à s’estudier de faire moins bien pour faire mieux. Il a besoins de ces advis, pour se désabuser & n’abuser de ses dons.

B. U. Leyde, BPL 287/II/52

25 septembre 1644 - Taillebourg A Taillebourg, le XXVe septembre 1644

Monsieur mon très-honoré frère, Je vous escrivis comme j’estoye prest d’aller és isles de Marennes ; & me retins un peu au

retour attendant que quelque lettre me viendroit de vostre part à laquelle par mesme moyen je fist response. Et de vray le beau-frère de Monsieur du Petit-Port retourné de Paris dimanche dernier, me

Page 47: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

47

dit qu’il en avoit une qu’il me rendroit le lendemain que son sac seroit apporté de Saintes. Mais ne l’ayant trouvé là, il croit qu’elle sera parmi ses papiers & autres hardes qu’il a mis en une male qui vient par le chariot. Cela m’a despleu, mais j’excuse ce jeune homme qui est fort discret, & qui m’a fort obligé durent sept ou huit mois qu’il a demeuré à Paris supportant que sa passe d’affaires au départ luy ait fait laisser cette lettre avec d’autres de divers amis re[…]ans à son beau-frère qui le tenoit là. Je passay près d’une semène à Didonne & près de là fort agréablement, bien recueilli par la mère & les proches de mon nouveau gendre & y ay laissé ma jeune fille avec son mary.

Monsieur de Chardavène ne m’a guère désemparé. Il m’a remercié de ce que je vous ay escrit quant à la chaire de l’escole que luy déziroit Monsieur Keth, son fait estat de faire fonction d’Ecclesiaste en quoy il réussira fort bien. J’ay recogneu que j’avois bien jugé de la raison de cette sienne véhémente affection, & qu’il veut corvos deladere briantes. Car on le menace de bien des pensions mesme du passé. Il m’a dit que vous luy avez touché quelque chose de l’Eglise de la ville où est mon nepveu, vostre puisné. Et je luy ay promis de vous prier comme je faye de ne perdre aucune occasion qui se présente là où ailleurs.

Nous attendons avec solicitude l’événement du siège de Sas, aussi bien que de Philipsbourg. La Gazette nous déguise tousjours l’estat de l’Angleterre, & tait l’armée du comte d’Essex bloquée103. Néantmoins parlant de traité de paix, où acheminent à iceluy, je croy que la prince Palatin est arrivé à Grenwich. Sera allé pour s’entremettre & faire pour sa maison104.

Monsieur Vincent m’a mandé que Monsieur Amyraut a esté long temps à La Rochelle & qu’ils n’ont rien dit sur ses hypothèses, mais que le synode d’Anjou a résolu de se plaindre an National de quelques provinces qui ont envoyé de leur proposans, demander qu’on n’examine que sur la confession de foy & les articles d’Alençon ; Qu’ils espèrent l’emporter se servant de lettres de divers notables personanges qu’ils disent éclairés, c’est à dire recognoistre avoir eu tort entre lesquels vous estes des premiers.

Tout nostre peuple est aux champs à recueillir les vins dont & de toutes sortes de fruits autonnaux, y a abondance merveilleuse en ces quartiers, comme aussi de sel. Ma femme est Dieu merci remise, & vous salue & [mes enfans …]. Je le fay aussi de tout mon cœur, comme estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

Messieurs de Marsilly & du Petit Port vous baisent humblement les mains. Je me porte Dieu merci, très bien.

B. U. Leyde, BPL 287/II/53

3 octobre 1644 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je vous escrivis la sepmène passée & n’avois respondu à vostre lettre du 8e d’aoust, estant un

peu lors en pène de celle que j’ay reçu depuis, laquelle est du 29e du mesme mois, je feray sçavoir à mon gendre de La Rochelle ce que vous avez fait en sa faveur. Peut-estre que ses papiers auront esté portés à Phalmouth, qui est le point qu’ils y puissent parvenir pour l’assurance de son obligation.

103 Robert Devereux (1591-1646), IIIe comte d’Essex, était le fils du IIe comte d’Essex qu’Elisabeth Ière d’Angleterre avait fait exécuté en 1601 pour trahison. Mal vu de Charles Ier et de son épouse, il avait pris le parti du Parlement. Cette assemblée le nomma en 1642 Lord-Général de son armée. Ses talents militaires étaient limités et au mois de septembre 1644, il subit une sévère défaite à Lostwithiel. 104 L’Electeur-Palatin Charles-Louis, frère aîné du prince Rupert, était arrivé à Londres accompagné de rumeurs affirmant qu’un parti du Parlement se proposait de présenter sa candidature à la couronne. Cette arrivée intempestive de son frère embarrassa Rupert et empêcha Charles Ier de le nommer commandant en chef de ses armées.

Page 48: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

48

J’ay esté fort content de sçavoir l’estat d’Angleterre, Ecosse & Irlande ; espérant que la descente en Arguil n’aura pas grand effet, puis que la faction des comtes de Huntley105 & Montrose106 y a esté opprimé. Je plains cettuy-ci qu’on me dit prisonnier & ses biens confisqués veu qu’il a esté tousjours esté estimé fort affectionné à la Religion ; et l’histoire latine que vous m’avez envoyé le fait un des premiers convenanteur quant leur Roy fut en Ecosse où près de là en faveur des évesques. Il faut que la jalousie contre le général Lesley107 l’ait emporté d’un autre costé.

Pour l’autre, il estoit à Paris il y a neuf ans ; et je voyois Madame sa femme, sœur du comte d’Argail108, qui estoit fort pieux, & eslevoit tous ses enfans en la Religion, en ayant imbu son mary à ce qu’elle me disoit, cres qu’il n’en fist profession pour la crainte de ses père & mère lors encores vivans et enjésuités ; auxquels elle avoit eu grand pène à résister. Mais la pauvre Dame est morte despuis, aussi bien que son beau-père & sa belle-mère qui tenoyent de leur proche e Jésuite Gordon. Et ce seigneur a ainsi désolé sa maison, estant en fuite pour son regard.

Madame la comtesse de Darbie avec Monsieur son mary ont eu meilleur succès en mesme parti, elle ayant escrit qu’elle avoit esté délivrée d’un blocus de six mois & siège de deux par quatre mille hommes109. Mais, j’ay peur que cela luy estant advenu quand on ramassoit les forces contre le prince Rupert, son mal ait augmenté depuis.

On a publié en un extraordinaire la harangue de vos Ambassadeurs. Et nous avons eu par La Gazette la nouvelle de la prise ou Sas rendu des le 6e du passé. On nous dit aussi merveilles de nos François sur le Rhin quand il n’y auroit que la prise de Philipsbourg. Et nous attendons celle de Tarragone.

J’envoye à Monsieur de Chardevène advis de contenu de vostre dernière qui luy donnera de l’espérance. J’escrivois aussi hyer à Madame Thévenot /2/. Nous verons ce qu’elle fera. On dit que son fils s’est mis en une compagnie de cavalerie fort leste sous Monsieur de S. Maigrain.

Si elle pay[e], j’exécuteray vostre volonté & de Madamoiselle ma très chère sœur envers mes filles ; pour laquelle je vous remercie très affectueusement tou[s], tant de mon chef que au nom d’icelles. Elles sont toutes deux ensemble. Le mary de la jeune l’ayant mené de Marennes à La Rochelle, d’où [elles] nous doivent retourner ici dans deux ou trois jours. Que si cette femme [man]quoit après quelque attentes enfin nous la contraindrions ayant la scédule [de] son fils & la lettre d’elle. Mais je ne croy pas qu’il en faille venir là, [ce] seroit une trop grande injustice, n’y ayant pas d’impuissance.

J’attends vostre nouvelle édition du Catholique orthodoxe avec l’appendice, & après donneray le mien à mon fils. Je croy qu’en brief mon nepveu de Montdevis retournera de cette campagne, à sa bonne compagne & ses enfans […]. Dieu les bénit de plus en plus & mon nepveu Frédéric. Ma femme & mes nouveaux alliés qui restent ici maintenant vous saluent humblement. Comme je vous embrasse très cordialement avec Madamoiselle ma très-chère sœur, estant,

Monsieur mon très-honoré frère, 105 George Gordon (1589-1649), 2e marquis de Huntly, chef du clan des Gordons, fils de George Gordon (1563-1636)), 6 comte et 1er marquis de Huntly et de Lady Henrietta Stuart († 1642), fille du 1er duc de Lennox. En avril 1644, Charles Ier l’avait nommé lieutenant-général dans le Nord, mais bien qu’il ait recruté des troupes, en raison des différents qui l’opposaient à Montrose, il ne fit rien pour la cause royale et se retira à Stratnaver dans le Sutherlandshire. 106 James Graham (1612-1650), 5e comte de Montrose, en 1638 avait signé le National Covenant, et combattu contre Charles Ier pendant la guerre des évêques. Adversaire du marquis d’Argyll, chef du clan des Campbells, il prit en 1643 le parti de Charles Ier. Lorsque l’armée des Convenanters commandée par Lord Leven envahit l’Angleterre le Roi appointa Montrose lieutenant général en Ecosse. Il entreprit alors la lutte contre les Convenanters en Ecosse pour faire relâcher leur pression en Angleterre. 107 Alexander Leslie (1580-1661), comte de Leven, un vétéran de la Guerre de Trente ans, commandant de l’armée des Convenanters qui le 19 janvier 1644 était entrée en Angleterre. 108 George Gordon avait été capitaine des gardes du corps écossais de Louis XIII. Il avait été marié à Lady Anne Campbell, sœur d’Archibald Campbell (1598-1661), 8e comte et 1er marquis d’Argyll, chef du clan des Campbells, adversaire politique de Montrose et partisan du Parlement. 109 Charlotte de La Trémoille (1599-1664), sœur de Henri de La Trémoille, avait épousé en 1626 à La Haye, James Stanley, VIIe comte de Derby. Alors que son époux avait gagné l’ile de Man dont il était le seigneur souverain, pour la préserver, Charlotte de La Trémoille, dans leur forteresse de Lathom House, près de Newburgh dans le Lancashire, avait résisté pendant trois mois au siège conduit par le général Thomas Fairfax, avant d’être secourue le 5 juin 1644 par le prince Rupert.

Page 49: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

49

Vostre très-humble & très affectionné frère & serviteur

Guill. Rivet De Taillebourg, le IIIe octobre 1644. Monsieur de Marsilly vous baise les mains. Madame sa femme a failli mourir, & n’est pas bien

hors de danger. Je vous prie de me faire sçavoir en quel estat est Madamoiselle de Schurman. B. U. Leyde, BPL 287/II/54

12 octobre 1644 - Taillebourg De Taillebourg, le XIJe octobre 1644.

Monsieur mon très-honoré frère, J’ay reçu vos lettres du 12e & 19e du mois passé par lesquelles vous me donnez advis de la prise

du Sas110 dont nous avons rendu grâce à Dieu. Je vous prie de nous mender des nouvelles du Sr. Bouffansai, s’il n’a pas eschappé des danger ; comme aussi de l’estat & comportement de Nathanaeil Chadeau, petit nepveu de ma femme.

Mon gendre se tient fort honoré des tesmoignages d’affection que vous rendez à luy & à ma fille ; comme aussi Madamoiselle ma très chère sœur. Il vous respondra & son frère aussi. Ils estoyent tous deux à Marennes quand ma fille s’estant blessée, on ne sçait comment, délivra d’un abortif de deux mois. Ce qui fit venir son mary qui la traitté s’en allant remise. L’autre est demeuré là, où celle-cy le doibt suivre pour leurs affaires.

Je n’ay point parlé de vostre présent, m’estant réservé de leur faire sçavoir quand cette femme ayant payé, j’aurois fait faire les escuelles pour leur délivrer de vostre part. Mais cette babille ne m’a point respondu, quoy que je luy aye escrit deux fois. Je sçauray pourtant si elle veut payer ; & si elle restive, vous donneray advis d’envoyer sa lettre & sa scédule. Car sur celea, je le feray payer par contrainte.

Monsieur d’Agonnay se marie à Fontenay avec une riche vefve d’un advocat qui l’accomomodera. Il ne me voit point il y a longtemps. Mais quand il sera marié, je le verray, Dieu aydant, & luy ramenteray cette pauvre femme qui doibt prendre patience, & son mary aussi en attendant.

Monsieur Ferreau vous remercie bien fort du soin qu’il vous a pleut prendre pour son fils, & rendra volontiers les deux escus ; mesme me les voulut-il bailler incontinent. Mais je luy en doins, ma pauvre femme l’employant souvent. Il vous prie que si son fils (dont il n’a autre nouvelles) estoit encore là, vous l’advisiez de sçavoir du Sr. Marandion qui est en la colonnelle de Monsieur de Strades, a fait de 40 livres qu’il luy avoit donné pour délivrer à Ferreau. Car s’il n’a délivré cet argent, il a du bien pour s’y prendre. Que donc Ferreau responde sur cela à son père & en vérité.

Monsieur de Marsilly vous baise les mains & souhaitte la charge vacante à son prince, comme je fay aussi. Je n’adjouste que les prières très ardente de ma femme & de moy pour la longueur & prospérité de vos jours, & de Madamoiselle ma sœur & toutes bénédictions à mes nepveux & niepces. Nous vous embrassons cordialement, comme je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

B. U. Leyde, BPL 287/II/56

31 octobre 1644 - Taillebourg

110 Henri-Frédéric de Nassau en 1644 avait pris le Sas van Gent.

Page 50: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

50

A Taillebourg, le XXXJe octobre 1644 Monsieur mon très-honoré frère, J’ay respondu à toutes vos lettres reçeues jusques ici ; & depuis trois semène n’en ay point eu.

Mais peut-estre qu’il m’en viendra demain. J’ay de la pène pour l’Ecosse ; & ay tousjours appréhendé que le corps des Irlandois descendus là se grossit ; comme on dit que le comte de Montrose s’y estoit joint, a pris Johpston & Dondyc & fait grand ma[l] en Fife111. Aussi en Angleterre, l’armée du comte d’Essex112 a fait une desroute, dont on nous dit l’issue non fort malheureuse.

Mon beau-frère, le procureur d’ici113, fut à Thouars l’autre semène, où Monsieur le duc s’enquit de moy & si je reçevois souvent de vos lettres & comment Mlle de La Trosnière, à laquelle j’escrivois, estoit aux champs, durant lequel temps Madamoiselle de Fleury, logée en mesme logis qu’elle en ville, se résolva sur les discours de Monsieur le comte114, père de l’oratoire, qui ayant appris par cœur les passages qui sont contre la vanité du monde et dirigé d’ailleurs par des raffinés de cette profestion a pu esbranler une personne si foible & si décrépite venue de la papauté à nous.

Madame Thevenet m’a enfin respondu & promis argent à la Toussaint que nous touchons. J’attendray bien jusques à la S. Martin, cependant sur l’espérance, j’ay parlé à un orfèvre de Saintes voulant surprendre mes filles que le présent dont elles n’ayent vent auparavant.

Il y a deux jours que Monsieur de Chardavène m’est venu trouver & m’a monstré la lettre de Monsieur Raffelis, mais il dit vous avoir escrit sur cela & attendre vostre advis & ordre devant que rien avancer. J’ay creu qu’il avoit raison & luy ay promis de vous en escrire. J’estime qu’il édifiera fort en exhortations & en tout. Et vous prie de faire pour luy.

Monsieur de La Roche-Bruillet, gendre de feu Monsieur du Parc d’Archiac115, qui estoit beau-frère de Monsieur de Couvrelles, m’a fort prié de vous escrire pour son fils, qu’il dézire mettre page chés Monsieur le prince d’Orange. Il y a un colonnel qui a promis faire pour luy & qui luy a mandé que vostre adjonction porteroit grand coup. Et je croy qu’il vous en parlera. Le gentilhomme est fort craignant Dieu & Madamoiselle sa femme aussi ; tous deux de bon & grand lieu. Elle est de la maison de La Rochefoucault. Vous estes accoustumé d’obliger toute sortes de personnes. Ceux-là le méritent, & je me joins à eux en leur requeste. Ma femme & moy estans en santés, mais moy plus fermement vous saluant & embrassons très affectueusement avec Madamoiselle ma très-chère sœur & mes nepveux & niepces. Et je demeure,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

B. U. Leyde, BPL 287/II/57

14 novembre 1644 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère,

111 Le 15 juillet 1644, Alasdair MacColla MacDonald avait débarqué sur la côte ouest de l’Ecosse à la tête d’une force de 1600 catholiques Irlandais pour combattre pour le Roi contre les Covenanters et les Campbells. Montrose le rejoignit et renforcé de ses partisans Ecossais marcha sur les Highlands, défit Lord Elcho à Tippermuir, occupa Perth, puis prit et pilla Aberdeen. Pour ses succès, Charles Ier lui conféra les titres de marquis de Montrose et de comte de Kincardine. Pour leur part les Convenanters mirent sa tête à prix, mort ou vif. 112 Dans sa lettre du 25 septembre 1644, Guillaume Rivet avait fait allusion à la défaite que le comte d’Essex avait subit au mois de septembre 1644 à Lostwithiel. Il résigna le 2 avril 1645 sa commission de Lord-Général de l’armée du Parlement. 113 Michel Meschinet, sieur du Bouquet, avocat en parlement, procureur fiscal du comté de Taillebourg de 1641 à 1670. Il était marié à Marguerite de Rocquemadour. 114 Louis-Maurice de La Trémoille, comte de Laval. 115 François de La Roche-Brusillet, époux de Marie de La Rochefoucauld, fille de François de La Rochefoucauld, sieur du Parc d’Archiac et d’Isabelle Goumard.

Page 51: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

51

Vous aurés reçeu de ma part response à vos précédentes. Cette-ci accusera la réception de celle du 17e octobre par laquelle vous me représentés la bon estat du Sas, l’armée mise en garnison, la bonne posture & espérence de Monsieur le prince de Talmond, l’attente né jeudy qui fut 20e d’octobre de Son Altesse, l’estat de l’Angleterre tousjours déplorables & l’heureuse & industrieuse administration de mon nepveu de Mondevis en sa nouvelle charge ; dont j’ay loué Dieu ; comme je l’ay prié & prie ardemment qu’il garantisse la vie de son beau fils sans qu’avec diminution de la beauté, qui reviendra & importe peu. & garde sa seur donnant heureuses couches à ma niepce leur bonne mère & bonne espouze de mon nepveu. Et j’attendray avec perplexité toute cette issue, que j’espère bonne de la faveur su Seigneur, qui vous voudra continuer cette bénédiction & consolation de cette part, avec augmentation. J’ay fait part à Monsieur du Marsilly des nouvelles du monde ; & il m’a chargé de vous présenter ses affectueux baise mains.

J’estois profondément pensant au mal de Saumur quand vostre lettre m’est venue, avec les tesmoignages de vos appréhensions sur cela combien que je n’eusse point veu cette pièce sur le 7e des Rom. Monsieur Daillé l’a exposé ainsi en ses sermons à Charanton & publié en suitte.

Mais une pièce artificieuse touchant la grâce universelle ; & composée pour infirmer ces malheureuses opinions dans les esprits ; par divers degrés, avec employ de force passages de l’escriture, et raisonnemens probables et apparents, a esté envoyée de Paris en cette province, par un homme de condition demendant response à un pasteur ; & comme j’estime, en effet, cuidant luy communiquer ce à quoy on ne sçauroit respondre, et qui plustost tireroit acquiescement du lecteur. C’est Monsieur de Monceaux, secrétaire du Roy, qui est l’envoyant ; & l’escrit n’ayant le nom de son autheur que l’envoyant toust, à l’air entier de Monsieur Mestrezat. Le pasteur auquel on s’est addressé m’a communiqué la pièce & sa response à icelle. J’ay trouvé la pièce dangereuse, & la response fort manque en tout, & telle que je ne pouvois donner d’advis particuliers pour corriger et améliorer. Ce que je n’ay pas dissimulé à nostre frère ; & que j’avois mon esprit gros la dessus, tellement qu’il me falloit enfenter, en suite des conceptions. Comme, de fait, j’achevoy hyer de transcrire ce que je propose d’envoyer à ce personnage duquel on s’est servi pour mener la pièce en ces quartiers ; & en feray faire copie pour nos députés au Synode national. Mais je veux me mettre à vous en faire une copie dont par le prochain messager je vous puisse envoyer la moitié, & l’autre par le suivant ; pource que aussi tout seroit trop gros en un paquet et trop empeschant. Je trouve que Dieu n’y a bénit ; et en moy tant plus assuré si vous le confirmés. Je sçay aussi que vos addresses me seront très-utiles, & que vous me releverés & supporterez où, & selon qu’il escherra. Si on n’arreste point ce mal, je veux mourir en m’y opposant. Nous avons trop dormi : et j’ay aymé le repos appréhendant tousjours que on pensast que j’eusse des mouvemens /2/ de le chair en cela116. Et ceux qui n’oublient aucun artifice pour avancer leur mystère d’iniquité, & rendre les oppositions moins considérables l’ont […] à plusieurs jadis, vous y meslant aussi ; & le feront ci-après, s’ils me voyent en meslée. Mais il va de la gloire de Dieu & de sa vérité, qui me fera rejetter toutes les cachettes de honte, & mespriser tous ces traits de malignité. Je vous ay mandé que nos députés sont Messieurs Rossel & Vincent, très dignes personnes tous deux, & bien intentionnés. L’un & l’autre me pressant de prendre la charge […] disant me céder comme l’estimant nécessaire. Mais quand il n’y auroit que ce que Dieu ne m’y appelle pas, eux n’ayant aucun empeschement légitime, je ne le feray jamais.

Thévenot, le fils, m’est venu apporter les soixante-dix livres, me montrant qu’ils ont en effet donné tant…, tant de livres pour vous estre délivrés tant pour ceste somme que pour satisfaire à quelques autres. Il avoit dit qu’il m’envoyeroit une lettre pour vous prier de recevoir tousjours, si la lettre de change vous venoist, ou qu’on vous portast l’argent qu’il s’assure ne pouvoir estre gardé. Je luy ay donné acquet […] de vostre lettre.

Vous avez ici une lettre de ma sœur qui m’escrit du septiesme de S. Maixent avec grande liberté d’exprimer ses mescontentement de ce que je n’avois invité ses filles aux nopces, qui avoit fait qu’elle n’y eust cru là venir. [N’ayant] ainsi voulu admettre mes excuses sur ce qu’il m’eust fallu avoir une douzaine de nepveux & de niépces de ma défunte femme par la mesme raison , ce que je ne pouvois [faire] en l’estat infirme de ma femme, petitesse du lieu, temps que les vivres ne se gardent passé un

116 Ce paragraphe a été transcrit par J. A. M. SCHELLEKENS, La correspondance entre Guillaume Rivet et André Rivet en 1645, op. cit., p. 25-26.

Page 52: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

52

jour, estant morts, ni pour cela a[y]-je mesprisé ses filles qui m’eussent bien fait autant d’honneur que d’autres ; & force recerches à cela du tout de néant. C’est nostre sœur !117

Je luy ay passé que sur une petite mesprise de part de S. Maixent et des proximités, elle me dist à nostre dernière veue ce que je resvois prenant tout doucement que cela signifioit en fin langage que je mesprenois, mais je n’ay pû porter qu’en sa lettre sur les petits mescontentemens peu raisonnables, elle marquast que ceux qui remonstrent aux autres s’oublient bien quelque fois. Ains luy ay représenté qu’elle s’oublioit fort de traitter ainsi un tel père que moy, de tel aage & de telle condition, afin qu’elle se souvint d’estre plus retenue & respectueuse. Je vous avois tesmoigné combien je me resjouissois en l’espérance de la voir & embrasser, ne m’estant cruellement imaginé qu’elle prist telle quinte, dont je voye bien qu’estant déplaisante elle en veut jetter la faute sur moy.

J’ay commandé les deux pièces du don de vous et Madamoiselle ma très-chère sœur à mes filles. Et vous diray qu’hyer au soir après que j’eu escrit cette lettre jusques à l’endroit où ma réponse est manifeste en charactère un peu autre, la nuit venant lors, je fus chés mon nouveau gendre en festin avec Monsieur de Marsilly, sur une joye de ce que la descharge & mesurage du sel est remise ici ; en quoy mon dit gendre & d’autre pourront faire leurs affaires, il fut beu par toute la compagnie à vostre santé & de mon nepveu de Mondevis ; & que /3/ mon dit Sieur me requit encore de vous saluer de sa part humblement avec Madamoiselle ma sœur & aussi (pour user de ses services) Monsieur l’architriatin. Ma femme se porte assé bien, par la grâce de Dieu ; & moy atribution grâces au Seigneur auquel & ma femme & moy & mes enfans faisons nos vœux pour vostre prospérité, de Madamoiselle ma sœur, de mes nepveux & niepces, vous embrassans tous cordialement ; et moy particulièrement en la qualité de,

Vostre très-humble & très affectionné frère & serviteur

Guill. Rivet Du Taillebourg, le 14e novembre 1644. Hélas ! Ce[tte] date me remet en mémoire la pente que je fis il y a aujourd’huy vingt ans.

B. U. Leyde, BPL 287/II/58

25 décembre 1644 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je vous ay escrit la sepmène dernière. Mais comme l’affaire de Monsieur de Chardevène a esté

l’occasion des pacquet que je reçeus lundy, aussi est sa response l’occasion de vous faire cette despesche n’estant rien survenu depuis ma dernière. Vous verrés les fortes impressions de ce personnage pour se libérer de ses appréhensions. Il m’a envoyé l’original de l’acte de la liberté donnée à luy a à son collègue & un autre acte de l’Eglise de Marennes le priant de leur demeurer pour six mois dont je vous atteste en vérité. Il vous prie de fermer la lettre qu’il escrit à Monsieur Raffelis après que vous l’aurez veu. Et sur ce qu’il met à mon arbitre de vous envoyer la copie de celle que luy escrit ledit Sr. de Raffelis, j’ay pensé qu’il seroit bon que vous la vissiez, scachant que vous en sçauriez bien user. Je n’ay qu’envoyé à Monsieur de Chardevène ce qui venoit de vostre part ; & me donne bien garde de l’animer à ce qu’il propose ; mais je ne croy pas devoir travailler à le divertir ; estimant aussi que je n’y profiterois rien. Peut-estre que Dieu luy fera rencontrer selon son espoir ; et je sçay bien qu’il ne tiendra point à vous.

Monsieur d’Agonnay a renoué son mariage, & ne m’a point respondu, mais je le poursuivray pourtant ; veu qu’il est si raisonnable qu’il satisface à ces créanciers de son fils qui luy ont presté en telle nature de chose. J’appren que c’est en Lorraine qu’il est sous Magaloti118 ; & qu’on pense à luy

117 L’on remarquera que Marguerite Rivet avait hérité du tempérament de sa mère Catherine Cardel. Nous sommes bien loin de la vision théorique des femmes protestantes ne critiquant, ni mari, ni pasteur. 118 Magalotti un Italien, protégé de Mazarin, qui trouva la mort au mois de mai 1645 devant la place de La Mothe en Lorraine.

Page 53: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

53

donner la seconde fille de la femme qu’espouse son père qui est plus agréable & autant moyennée que l’aisné. Ce qui me fait espérer qu’il sera pourveu à tous, ces gens ayant patience.

Ma fille aisnée accoucha mercredy heureusement d’une fille qu’on aura baptisée aujourd’huy, par ce que je me suis excusé d’aller la présenter retenu par ma charge au temps de la célébration de la S. Cène. J’atten le succès de ma niepce Mlle de Mondevis ; & avec ma femme, mon gendre Josué & ma fille puisnée vous salue & embrasse de cœur ; comma aussi Madamoiselle ma très-chère sœur, estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXVe décembre 1644 B. U. Leyde, BPL 287/II/60

1645119 Les travaux du Synode national de Charenton s’achevèrent au mois de janvier.

Les pasteurs qui étaient réunis à Paris regagnèrent leurs Eglises provinciales. Au mois de juin 1645, la communauté protestante de France fut frappée par un cataclysme,

Marguerite de Rohan, la fille de Henri II de Rohan, la petite-fille de Sully, fit un mariage bigarré en épousant un catholique Henri de Chabot. Notons à ce propos que beaucoup oublient qu’il était le petit-fils d’un protestant.

Peu de temps après ce mariage courut le bruit que Marguerite de Rohan avait un frère, Tancréde, en Hollande. La venue de ce frère à Paris et le procès qui s’en suivit défraya les chroniques mondaines de l’époque.

L’année 1645 fut marquée pour Guillaume Rivet par une série de deuils : Josué Thomas, le mari de Judith, sa plus jeune fille, mourut le 5 mars au bout de sept mois de mariage, puis le 18 août survint le décès de son épouse Léa Chasteau. Mais la vie ne perdait pas ses droits : le 17 août Judith Rivet avait donné le jour à une petite fille, qui sera prénommée Elisabeth.

8 janvier 1645 - Taillebourg A Taillebourg, le VIIJe de l’an 1645

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre paquet du 5 décembre a tardé de huit jours à Paris, ce qui a fait vos nouvelles

d’Angleterre moins fresches. J’espère que j’en auray par le prochain messager & que vous me dirés vostre advis sur la résistance à nos novateurs. J’avois bien ouï parler de Monsieur de L’Angle les portant ; mais je le croyois seulement complaisant au mot. Son adjonction fera du mal. Et les deux pasteurs de Poictou aussi qui ont esmpesché la tenue du Synode dont la convocation appartenoit à l’Eglise de Thouars ; & ce pour empescher qu’on fit nouvelle nomination. Sur quoy le colloque du milieu Poictou assemblé à Aunay120 a donné ses mémoires aux anciens bien intentionnés, mais non si forts. Dieu vueille présider au milieu d’eux tant la non admission du mot de désers que l’expulsion de celuy de dedans.

J’enten des députés du synode national dont nous n’avons encores nulles nouvelles. Selon que vous m’avés escrit de Monsieur Spanheim, je croy a présent que le rapport des objections d’inconsistance, inutilité & fausseté en l’escrit de Monsieur Mestrezat le regardoit. Ces gens là s’arrestent où ils trouvent résistance & avancent là où ils rencontrent de la mollesse. J’espère que

119 Les lettres de Guillaume Rivet pour l’année 1645 ont été transcrites par J. A. M. SCHELLEKENS, La correspondance entre Guillaume Rivet et André Rivet en 1645, Kruiskampsingel 123, Den Bosch, Sans date, 160 p. 120 L’Eglise d’Aulnay dans l’Election de Niort.

Page 54: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

54

Monsieur Morus se retiendra ayant des collègues fermes. Je luy ay adressé un escrit ample touchant l’Eucharistie de S. Augustin & Théodore pour le faire imprimer121 s’il se peut. C’est une pièce de labeur ; & de disquisition plus exacte que ce que j’ay veu sur ce sujet, dont nos frères ont fait jugement avantageux. J’espère qu’il s’y comportera bien. Et vous prie qu’escrivant à Genève, vou luy en touchiez un mot/ Mesme si vous prïés Monsieur Liger de voir que c’est, & recommandez la pièce si elle le mérite, je croy qu’il viendroit à point.

J’ay loué Dieu de la naissance d’un second fils & troisiesme enfant à mon nepveu de Mondevis avec louable portement de la mère ma niepce. Et prie que conservant la progéniture avec le père & la mère il bénit abondamment cette postérité. J’envoye vostre lettre à ma sœur ; & luy escrit à cette occasion, ne scachant si elle me respondra.

Pour Chadeau, j’ay /2/ communiqué à sa mère la lettre de son capitaine. La pauvre femme déplaisante qu’il n’ait pas suivi sa vocation, & assée chargée d’ailleurs, n’entend pas qu’il se confie de recevoir rien d’elle à l’advenir. Et toutes fois mon ordre que le XII ou XV livres dont vous faittes mention, vous soyent restituées. Car pour le regard de Monsieur du Petit Port, beau-frère d’icelle. Il a du bien, il est pour ses enfans. Et c’est une follie à ce jeune homme de s’imaginer à recevoir de cette part autre chose que faveur & support de paroles les entant qu’il sera honneste homme. Il m’a dit qu’il vous en escriroit. Je ne sçay si parmi tant d’affaires qu’il a à chaque messager il ne s’oubliera point.

Monsieur de Marsilly est en Bretagne ; & doibt retourner à la fin de ce mois. La nouvelle que vous m’avez donné de Monseigneur le prince de Talmond touchant sa convalescence & sa fortification en piété m’ont fort resjoui. Je luy souhaitte toute prospérité et accroissement de grandeur.

Ma femme se remet un peu, trouvant l’hyver contraire, vrès qu’il n’ait esté rigoureux au passé, & ne faire que commencer à pincer. Je m’en porte mieux pour mon regard, vrès que j’aye esté assé bien au passé. Tous mes enfans se portent fort bien graces au Seigneur ; et vous baisent très humblement les mains & à Madamoiselle ma très chère sœur comme ma femme & moy vous embrassons cordialement avec mes nepveux & niepces, vous souhaittans à tous année prospère, de l’affection dont je demeure,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

Je n’ay point encore reçeu vos controverses. On attend une flotte de laquelle je les espère. B. U. Leyde, BPL 287/II/61

11 janvier 1645 – Taillebourg A Taillebourg, le XI janvier 1645

Monsieur mon très-honoré frère, Vous aurez reçeu mon paquet envoyé par le dernier messager ; depuis lequel j’ay eu de vostre

part la lettre qui accompagnoit celle de Mlle de Chardevène que je luy ay fait tenir. Je n’ay pas encore ma main bien forte, et eusse différé de vous escrire pour maintenant, n’estoit

que Monsieur Sanxais, le bon homme à qui j’ay beaucoup d’obligations, m’a prié de vous escrire touchant un sien petit nepveu nommé Huet122 dit La France, chirurgien, natif de Pons, qui esté plusieurs années au service de Messieurs les Estats en la compagnie de Monsieur de Miosans. Et depuis a pris parti entre ceux qu’on a envoyé aux Indes Occidentales, où il a servit quelques années. Or, depuis peu est venu un advis non assés testimonié qui porte que luy & d’autres retournans des Indes occidentales avoyent esté pris pas les Turcs & menés à Alger. Ce bon personnage & moy vous prions de faire voir sur le roole & papier de la compagnie s’il est mention du dit Huet. S’il avoit esté

121 Guillaume RIVET, Les Lumières de S. Augustin sur l’Eucharistie, Genève, 1646. 122 En marge Guillaume Rivet mentionne : “ Je ne say si son nom propre est Jean. La lettre de Monsieur Sanxais m’estoit tombée & moy tirant le reste de la mémoire ”.

Page 55: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

55

fait quelque mention de son départ, & s’il luy est dheu de ses gage. Savoir aussi si Messieurs de la compagnie ne retirent pas ceux qui auroyent esté employé à leur service & seroyent esclaves par les infidèles ; et si en tout cas ils ne délivreroyent pas ce qui se trouveroit deu à cettuy la ; pour lequel les parents seroyent pour faire quelque effort afin de le tirer de misère.

Le mareschal de Turenne n’est pas du tout si mal qu’on disoit, quoy qu’il ait reçeu un grand eschec. On taschera de réparer. Nous sommes en pène de l’Angleterre où on ne sçait faire la paix ni la guerre. Dieu bénie vostre campagne qu’on dit commencer.

Je n’ay nulles nouvelles de Monsieur Vincent. Il attend à me respondre quand on sçaura de la Cour si nous pourrons tenir nostre synode à La Rochelle ; sur quoy M. le comte de Doignon l’a gourmandé. Si nostre synode ne contribue pour l’impression de mon livre à Genève, j’en désespère, car je n’y mettray jamais du mien.

J’ay bien appréhendé pour Monsieur de Chardevène ce que j’en voy & que le jugemens de par de là ne respondissent à la confiance qu’il a eu de soy. Il édifieroit bien en un des deux lieux que vous m’avés nommé. Dieu le vueille addresser, & luy doint de se retenir, & moderez l’humeur du païs abondant en luy. Il avoit fait une response à l’abbrégé des trois méthodes, du tout confuse & sans force de laquelle il presumoit jusques à vous la vouloir envoyer. Mais je luy dis qu’il s’en doint bien garder ; lui déclarant que son talant n’estoit pas & estre employé en telles disputes.

Ma femme & ma jeune fille, vous baisent humblement les mains & à Madamoiselle ma sœur & mes nepveux & niepces, comme je fay vous embrassant de tout mon cœur, estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

Monsieur de Marsilly qui est ici m’a chargé de vous baiser les mains de sa part, & vous assurer de son très humble service.

Mon jeue fils aura bientost la lettre dont vous l’honorez, car je l’atten ici. B. U. Leyde, BPL 287/II/65

15 janvier 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je ne sçay comment les deux cahiers restant de mon petit escrit manquèrent de vous estre rendu

par le messager suivant celuy qui conte les quatre. Car Monsieur de Boisrond, beau-père de mon jeune fils, porta ce pacquet huit jours après l’autre ; allant avec le messager ; & Monsieur Pelé m’a escrit depuis avoir reçeu les deux & les avoir envoyer. Il faut que chés Monsieur l’Ambassadeur quelque fois on remette d’un voyage à l’autre selon que leur paquet se trouve gros. Tant y a que puis que les quatre cahiers ne vous ont pas desplu, j’espère que vous n’aurez trouvé rien de mauvais en la suitte qui respond à ce qui préside.

Je me sen fort confirmé par vostre jugement ; & ay pris grand plaisir de voir vostre déclaration sur ce dont on vouloit profiter, en abusant de vostre charitable modération. Monsieur Rossel m’a escrit l’avoir veu ; & me donne espérence que les choses n’iront pas au gré de ces artificieux. Dieu le vueille. Je pense bien que ce petit traitté que j’ay réfuté estoit accommodé pour le peuple, & et tiré du plus ample communiqué à Monsieur Spanheim, qui y aura respondu selon ses grans dons ; j’ay eu ma bale en ce moindre, qui estoit bale à souffler. Monsieur Vincent a eu sa charge que je luy destinois en moy mesme de longue main, et a pleu à la cour. On ne leur a pas parlé de ce que nous appréhendions, ce qu’on a fait proposer sont mémoires de Veron dont Monsieur Galand s’estoit bien chargé ci-devant & y a de nouveau ce qu’on voudroit que nous ne poursuivissions pas par la discipline des misérables pour qui envoyent leurs enfans aux Jésuites & nous causent cette poursuitte fascheuse. Vous me dittes comme histoire, ce qu’en ma préface j’ay posé touchant les Arminiens par conjesture.

Les dernières nouvelles d’Angleterre disoyent la préparition de l’hostel de Sommerset pour les députés du Roy à Londres pour traitter de paix. Je me suis resjoui de lire en La Gazette que le grand

Page 56: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

56

Seigneur avoit establi Parthenius archevesque d’Andrinople & élevé père Cyrille, père patriarche de Constantinople ; lequel estant de mesme sentiment que ce Martyr le veut faire censer entre les béats de l’Eglise Greque cela à sa conséquence en biens, si Dieu bénit le tout.

J’ay envoyé à ma sœur vostre response avec mes advis. Il faut qu’elle y acquesse. Pour mon Jean, je recognois qu’il a grand sujet de dézirer autre condition ; & qu’il est mesnager & bien vivant ; mesme douté de zèle. Ce qui, si la longue persévérance ne m’eust persuadé synon, j’eusse appréhendé de l’hypocrisie, mais je croy que Dieu l’a changé en mieux. Si vous pouviez quelque chose pour luy, & que vous en /2/ en vissiez les occasions, je vous prierois de la porter. Vous avez cognoissance de partizans, comme de Monsieur Merant ou des siens. Et il seroit propre à tenir un contrerole en quoy n’y ayant à manier d’argent il n’y auroit pas d’hazard d’aillieurs à tesmoigner de sa capacité & probité. Mais mon advis ne sera nullement qu’il allast à Paris en incertitude, laissant ses petites affaires, & interrompant son train. Il est bien vray qu’il voit beaucoup de petites gens qui ne le [va]lent pas, lesquels rencontrent. Mais cela dépend de la bénédiction de Dieu qui [fait] trouver amis & occasion. De moy, je suis en lieu, on ne passe devant mes yeux pour ce regard et toutesfois il s’imagine que j’y pourroy davantage.

J’ay mis son fils aisné en pension à Barbezieux pour le pousser aux lettres autant que je pourray, ma femme qui l’a élevé l’affectionnant grandement & vouloit qu’il soit comme fils de nous deux, disant qu’il est aussi de sa mère. Elle se fortifie, Dieu merci.

J’escris à Monsieur Chesneau les bonnes nouvelles que vous luy donnés de son fils. Comme Monsieur de La Roche-Bruillet vostre bonne volonté.

Monsieur d’Agonnay a passé ici deux fois sans me voir ; ayant tesmoigné à Monsieur du Petit-Port qu’il cognoit mon attent, & dit que pour les parties de nécessité dont je luy ay envoyé extrait luy faut donner un peu de relasche ; ledit Sieur qui me l’a rapporté adjoustant qu’il croit son intention est de payer, qu’il ne l’a pourtant pas promis. Je ne sçay s’il n’a point mesme dispensé ainsi ce mystère. Au fonds dit il bien qu’il faut que son fils paye & qui à de quoy, mais il se plaint de ce qu’il a fait pour sept cens escus de debtes, [&] qu’il le ruineront s’il l’en croyoit, chargé de familles qu’il est d’ailleurs. Dont [est] advenu qu’une de ses filles luy a encore eschappé à l’abbaye de Saintes, l’ambi[tion] enragée de ne pouvoir tenir où on veut fait cela. Cependant le père est poursuivi de donner argent & pensions, qui d’ailleurs est allé accomplir son mariage avec une femme qui luy portera 2 400 livres de revenu.

Ma femme & moy avec nos enfens vous saluons humblement avec Madamoiselle ma sœur, mes nepveux & mes niepces que Dieu conserve & bénir au souhait de,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XVe de l’an 1645. B. U. Leyde, BPL 287/II/66

27 janvier 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Vous aurez cognoissance de nostre estat, & de tout ce qui est de nostre correspondance par mes

lettres de l’ordinaire. Ce mot n’est que vous présenter le personnage dont je vous ay tant escrit, & pour lequel vous avés pensé & veillé si Monsieur Raffilis ne change ils pourront s’accommoder ; et sa présence respondre pour luy en cette occasion ou autre qui se pourroit présenter. Je sçay qu’il ne vous faut point d’inductifs par de là vostre charité & promptitude en offices à personnes de son mérite. Je vous diray pourtant que vous avés eu quelque sorte en luy (en égard à nostre conjonction fort particulière),

Monsieur mon très-honoré frère,

Page 57: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

57

Vostre très-humble & très affectionné frère & serviteur

Guill. Rivet De Taillebourg, le XXVIJe janvier 1645.

B. U. Leyde, BPL 287/II/68

5 février 1645 – Taillebourg A Taillebourg, le Ve febvrier 1645

Monsieur mon très-honoré frère, Je me recognois fort en demeure ne vous ayant escrit depuis trois semaines durant lesquelles

deux de vos lettres me sont venues ; l’une accompagnée de la copie de la lettre notable qu’on vous a escrit de Dantzik touchant la conférence de Pologne ; & l’autre portant vostre jugement arresté sur mon escrit releu, & celuy de Monsieur Spanheim. J’ay aussi receu il y a dix jours vostre riche présent du Catholicos orthodoxus, in-folio123 avec le carto des astra inextincta coeli Batavici et je pansois vous remercier de tout & vous faire response par le messager précédent.

Mais l’horrible tempeste qui advint en ces quartier la nuit du samedy venant à dimanche dernier 29e de l’an telle qu’on n’a point veu la pareille124 & advenue justement au gros de l’eau du renouveau ; m’estonna de telle sorte, & me mit en si grande pène sur les naufrages qui seryent advenus & les dégasts des inondations és costes & marests salans, qu je résolu d’attendre le détail du mal que je concevois bien en gros et de fait les naufrages ont esté espouvantables jusques à qu’un navire Anglois s’est froissé sur le pavé du Radon à La Rochelle, & est tombé dans un jardin par delà, un autre dans la porte de S. Nicolas ; et un navire Holandois Zelandois monté de ses pièces de canon a esté emporté si avant dans l’isle de Ré qu’il s’est trouvé dans un fief de vigne, après que la mer a baissé. On dit qu’en cette isle là les deux mons (celle qu’on appelle Sauvage & l’autre d’entre les pertuis) se sont jointes & ont divisé l’isle en un endroit pour lors ; [] ; la perte étant inestimable des sels & bleds & dissipation de marests & vignes. En Oléron y a aussi grand mal, mais moindre que l’autre.

Les marests depuis l’havre de Brouage jusques bien avant vers terre douce ont esté la plus part misérablement gasté avec la perte du sel qui estoit sur les bossis. Dans la rivière de Seudre du costé de Marennes où sont les meillieurs marests, y a eu aussi grand dégast qui m’a fort touché és meillieurs marest que j’eusse, de soixante sept ou huit mais de sel, ne m’en ayant pas laissé plus de vongt ; outre qu’il y a des brèches, es bossis qu’il me faut faire réparer avec grands frais. Les marests que j’estimois le moins, qui sont plus /2/ près de la terre vers S. Jean d’Angle, n’ont point eu de dommage ; & le sel y est demeuré, qui aydera à me relever de la perte de l’autre coté. Il y an a qui n’ayans rien perdu auront fort gagné ; pour que le […] haussera fort le prix, autres qui seront ruinés ; & aucuns qui perdant d’un costé seront compensés en quelque façon de l’autre. Dieu à voulu que je fusse de ce dernier ordre. Il faut le louer quoy qu’il nous envoye, & acquiesser à ses jugemens qui sont justes.

Je m’estois réservé comme le fruit plus revenant & plus assuré pour me soustenir en ma vieillesse, la p[ièce] en laquelle m’est escheue si grande perte, dont j’apprens à attendre & demander (avec plus grand sentimens du besoin) mon pain quotidien à nostre père céleste & de me confier d’aillieurs.

J’ay communiqué à plusieurs la lettre de Pologne, qui en ont esté consolé mesmes des adversaires l’ont veu & dut rongé leur frein. Quant à mon escrit, vous & Monsieur Spanheim m’avez fort obligé d’avoir pris la pène de le lire ; & grandement confirmé par vostre jugement charitable. Et pour les endroits marqués par Monsieur Spanheim je n’y trouve pas que Jésus Christ soit mort pour tous absolument, mesme quant à l’intention du père envoyant et du fils envoyé sous condition de foy ; ny que j’y pose de rédemption conditionnelle au conflit de Dieu & intention formelle du fils pour ceux qui périssent. Ains déclarant qu’absolument & simplement en l’intention formelle du père & du fils, Christ est mort pour les éleus & croyans à l’exclusion des autres, & je recognois d’ailleurs qu’en 123 Publié à Genève en 1644. 124 Dans son Journal, Samuel Robert fait également état de cette tempête du 29 janvier 1645, op. cit., p. 343-345.

Page 58: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

58

quelque façon, et ainsi sous autre raison formelle, et le pour pris équivoquement, il peut estree dit mort pour d’autres eu égard à la suffisance pour eux s’ils croyoyent, et à l’invitation à ce dont est fait l’apprest. De quoy je ne voy pas que pûssent profiter ceux que nous combattons, Car il faut prendre les dires selon leurs raisons formelles lesquelles vous avés aussi remarqué expressement. Quant à n’inférer ce pour à l’égard de ceux là en nulle façon sur ces raisons (qui est l’advis de ce très-docte personange) il est bien vray qu’en cela qui voudroyent prendre avantage. Mais je craindrois qu’ils eussent sujet de s’en plaindre & s’en prévaloir comme si en suivant Prosper & tant d’autres doctes, entre lesquels je vous ay considéré, nous nous apperçeussions que nous leur donnerions de l’avantage. Ce que je ne peux voir. Néantmoins sur un advis de si bonne part, je tascheray m’expliquer davantage à ce qu’on m’entende mieux. Toutesfois j’atten ce qu’aura fait le Synode National, duquel j’estime chose superflus de vous escrire ce que j’en appren ; veu que vous l’aurez sçeu aussi tost que nous. Vostre déclaration, que je garderay soigneusement, aura bien à propos prévenu cette dédicace du desein de la part du personnage qui on conduit avec tant d’art & laisse cela pour vous remercier très humblement & très affectueusement /3/ de vostre excellent présent au frontispice duquel vous avés mis de vostre main les tesmoignages si particulier de vostre affection fraternelle de laquelle porté vous me faittes un si riche don. Outre que l’honorable mention que vous faittes de moy en si haut lieu & si bonne compagnie y ayant adjousté mon banquet de sa sapience, me feront beaucoup plus cognoistre en honneur que mes propres labeurs. J’ay bien desja recognu diverses choses adjoustées & d’importance ; comme les dires & résolutions notables de l’évesque d’Ypre, le tesmoignage de Jaques Le Vasseur en sa chronologie, touchant Calvin &c.

Il seroit à déziré que vous ne vieillissoiés point. Mais loué soit Dieu qui vous donne tant de vigueur d’esprit & de corps en l’aage déclinant. Je le prie de tout mon cœur qu’il prolonge vos jours jusques au nombre de ceux du père de nostre grand-père maternel qui vescut 105 ans. Je souhaitte aussi toute prospérité à Mademoiselle ma très-chère sœur & mes nepveux & niepces ; comme fait ma femme qui se porte un peu mieux. Monsieur de Marsilly est encore à Laval. Derechef, je vous embrasse du cœur de,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

Monsieur de Chardevène vous baise très humblement les mains, et vous prie de luy continuer vostre bonne volonté. Il s’en alla hyer d’ici, estant venu prendre congé de moy, en résolution de s’embraquer au premier beau temps.

B. U. Leyde, BPL 287/II/70

23 février 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Le lieu où vous estes, & le crédit que vous y avés, fait que plusieurs de nos François que

l’humeur martiale porte és Pays-Bas, où est le plus noble champs de leur exercice dézirent d’estre cognus de vous par quelque recommandation de personne que vous considériés. Le porteur de ce mot, fils de Monsieur Sareau de Mattaz ; personnage de ma cognoissance particulière & fort honneste homme, & nepveu de Monsieur Maurin pasteur de l’Eglise de Thors & Mattaz, l’un de mes frères & collègues plus conjoints ; vous présentera requeste en sa faveur de la part de vostre plus proche & intime, à ce qu’il vous plaise l’addresser à un capitaine de vos amis, le recommander comme bien né & morigéné , & luy départir és occasion vos bons & salutaires advis avec vostre ayde & support. Son père à tant de cognoissance & correspondance avec des marchands de delà, qu’il trouvera aysément moyen de luy fournir tout ce qui luy sera nécessaire. Et ne manquera de rendre avec honneur ce qui luy seroit administré dans le besoin. Et il pourra quelques fois faire sçavoir de ses nouvelles à point par vostre moyen parmi nos communications. Dont je vous prie très affectueusement, comme d’offices dont j’ayrau le souvenir & la recognoissance avec celle des autres ordinaires envers,

Monsieur mon très-honoré frère,

Page 59: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

59

Vostre très-humble & très affectionné frère & serviteur

Guill. Rivet De Taillebourg, le XXIIJe febvrier 1645.

B. U. Leyde, BPL 287/II/73

26 février 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’ay envoyé vostre lettre à Marennes pour este délivrée à Monsieur Chardavène à son retour de

Bourdeaux ; d’où je croy qu’il sera retourné & ensuitte enbarquée. Je m’estois approché du lieu de sa demeure pour pourvoir à la réparation de mes marests salans endommagés par ce grand débord dont je vous ay escrit. Mon gendre d’ici estoit allé sur les lieux faire la visite, & n’avoit ozé fermer le marché avec l’entrepreneur. Et j’ay mis ordre que gens de journée payés par chaque jour travaillent à réparer une taillée qui est une espace de digue ; espérant par ce moyen en avoir meilleur marché des deux tiers & que ma besongne sera mieux faitte, car autrement les maistres faisaures de marests cerchent de profiter excessivement de la calamité publique. Or ma besoigne est grossière, & ne requière point ces entendu, les aires n’estans défaittes en nulle part.

Mais ma pène est de l’estat de ce mien gendre retourné malade d’un rhumatisme qui l’a mis fort au bas ; tellement que voyant sa fièvre continue avec un cours de ventre, je le tiens en péril ; & pleins fort ma pauvre jeune fille, laquelle, enceinte, est tousjours à soigner son mary sans pouvoir reposer non plus que luy. Dieu y mette sa bonne main. Je vous escriray par les prochains commodité quel événement il aura donné. Le médecin dit avoir bonne espérance, & qu’aucun de ceux qu’il a traitté de telle maladie n’en est mort, bien que la foiblesse grande ait tiré le mal en longueur.

Je fus jeudy à Saintes voir Monsieur Rossel retourné de Charenton ; qui me récita comme on a plastré des choses ainsi que vous vous en doubtiez bien. L’acception de personne anvers Monsieur Amyrault qui discourut trois heures ; & inclina plusieurs anciens non intelligens, & en lieu par les puissants efforts de Messieurs de L’Angle, Blondet & Cottiby. Et ce dernier ne s’est point faint de dire en particulier que vous vous meslez trop de nos affaires. Le commissaire aussi faisant les advis de Messieurs de Paris, a donné coup tant qu’il a pû. Mesmement a t’il empesché qu’on ne leust vostre décla/2/ration, & qu’on me respondist à Messieurs de la fac[ulté] de Théologie de Leyden, ni à l’Eglise de Genève, pour nous oster toute communication avec les estrangers.

Les nouveautés qu’on prend plaisir de voir jettées parmi nous, ont causé que cette communication dont nous pouvoyent venir des remèdes salutaires, nous retranchée. Voire mesme a t’on rendu aux commissaires ces bonnes lettres qu’il a remis és mains de Monsieur de La Vrillère & comme [ainsi] soit que Monsieur Rossel eust une copie de la bonne pièce venue de Hollande, elle luy a esté soustraitte à son logis. Il [croit] que c’est nostre parent Monsieur Le Coq des Forges, l’un des secrétaires du Synode qui estoit logé avec luy. Ce personnage passionné pour ceux de Paris & celuy qu’ils maintiennent, luy reprochoit souvent que mon voisinage l’avoit imbu de la doctrine en laquelle il se monstroit ferme, & qu’il suivoit mes mouvemens, à quoy il luy respondoit qu’il parloit selon le sentiment de sa conscience ; & louoit Dieu d’ailleurs de ce que mon voisinage luy estoit fort utile ; comme il se répaist très avidement de vos escrits, & n’a pas manqué d’apporter vostre Catholique orthodoxe de la dernière édition, en intention de laisser l’autre à son fils.

Monsieur Vincent qui a bon sentiment, est homme trop civile & accommodant quant aux personnes ; & a fort relasché. Monsieur de Garrisoles à un peu relasché aussi, ayant fait mettre grande partie parle de l’entretien de l’académie de Montauban sur la province d’Isle de France dont les deniers sont plus parés & assurés. Ce que je trouve de bon en l’article, c’est qu’amnistie estant décrétée par le passé, est déclaré que les vœux de toutes les provinces unaniment sont que on demeure és termes d’Alès, Charenton & Alençon. [En] quoy on confirme les décrests de Dordrecht sans nommer. Et il sera facile d’en mettre bon ordre dans chaque province doresnavant ; [&] interpréter le tout selon les sentimens prévalans. Comme aussi de ptrendre garde expressément à nommer pour un National gens assurés. Je croy qu’on se résoudra à ne recevoir aucun pasteur imbu de ces opinions.

Page 60: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

60

J’ay veu le dessus du livre qui vous est dédié par Monsieur Amyraut125 où il ne manque pas d’estaler les larmes de vostre lettre touchant son livre. Il a promis au synode de retirer toutes les copies pour n’obliger Monsieur Spanheim à respondre. Mais il ne sçauroit, ni ce croy-je, ne voudroit.

J’ay leu entièrement la pièce mauvaise du Sr. Corduer /3/. Il est suspendu jusques au Synode national prochain. Et quoy que son escrit soit dangereux, je trouve que ceux qu’on supporte sont moins, puis que luy a tant peut l’appuy de gens puissans & intelligens. J’espère pourtant de la grâce de Dieu que la vérité prévaudra parmi nous.

Le Seigneur le face & vous conserve longuement pour sa gloire à nostre consolation. Ma pauvre femme tousjours infirme vous salue & embrasse affectueusement avec Madamoiselle ma sœur & mes nepveux & niepces comme je fai de tout mon cœur, estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXVJe febvrier 1645. Je voudrois fort que nous pussions avoir copie de la lettre de la faculté de Leyden.

B. U. Leyde, BPL 287/II/75

5 mars 1645 – Taillebourg De Taillebourg, le Ve mars 1645.

Monsieur mon très-honoré frère, Vous escrivant la semène passée, je ne pus me retenir de vous toucher la maladie de mon

gendre, Josué Thomas ; & estant entre la crainte & l’espérance. Mais, maintenant je suis obligé de vous dire que Dieu en a disposé selon nos craintes & contre nostre espérence. Il y a une heure qu’il a pris son âme & l’a recueilli au faisceau des vivans. Il a esté secouru avec superfluité d’alimens, de remèdes & de médecins ; son frère aisné ayant employé tout ce qui se pouvoit, tant par l’affection fraternelle que pour satisfaire à leur mère qui l’aimoit uniquement parce qu’il luy avoit esté laissé en bas aage par leur père & qu’il avoit plus demeuré avec elle que les autres Il estoit pour faire de bonnes affaires, esquelles il commençoit fort bien, estant aimé de tous ceux qui le cognoissoyent ; lesquels le regrettoient fort. Il y avoit aussi grande amitié entre luy & ma fille qui demeure vefve de xx ans & sept mois, ayant esté en mariage sept mois et estant restée enceinte. Vous pouvez penser qu’elle est son affliction, son mary depuis que sa fiebvre a esté continué, n’a pû parler en propre de suitte, y ayant tousjours eu des délires, qui l’a empesché de faire testament en sa faveur et je n’en ay point parlé craignant d’augmenter ses égaremens. Les frères me disent que leur mère & eux feront tout ce qu’il eust pü faire en faveur de ma fille, mais le plus asseuré gist és avantage de son contrat de mariage qui porte 1 000 livres de guain de nopces ; & constitue tout le bien au ressort de Saintes pays de droit escrit, où la mère hérite de son enfent. Que si Dieu bénit son fruict, il aura honnestement de quoy ; et elle le sien & son avantage. Mais c’est grand pitié des choses du monde. Je croyois ma fille soubs un guide qui demeurast après moy ; et le soin m’en regarde encore. Aussi ayant fait festin de nopces en juillet, mars nous appelle aux funérailles. La volonté de Dieu estant telle, je mets ma main sur ma bouche & me tay de ce qu’il à fait126.

Je ne vous entretiendray d’autre chose par le présent tant cet événement récent occupe mon esprit. Seulement vous embrassant très-affectueusement avec Madamoiselle ma très-chère sœur & mes nepveux & nipeces ; comme font ma femme allittée & nostre pauvre fille affligée ; je me souscris,

Monsieur mon très-honoré frère,

125 Moïse AMYRAUT, Dissertationes theologicae quatuor, Saumur, Lesnier, 1645, dédié à André Rivet. 126 Sur le microfilm le passage “ juillet, mars nous appelle aux funérailles. La volonté de Dieu estant telle, je mets ma main sur ” est invisible. La transcription de J. A. M. Schellekens nous a permis de le rétablir. La correspondance entre Guillaume et André Rivet en 1645, op. cit., p. 84.

Page 61: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

61

Vostre très-humble & très affectionné frère & serviteur

Guill. Rivet B. U. Leyde, BPL 287/II/77

19 mars 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je vous avois escrit touchant le Synode national après avoir veu Monsieur Rossel, presques és

termes dont vous ni en touchez par vostre dernière. Ce fut durant la maladie de mon pauvre gendre que je vous escrivis sur ce sujet. Huit jours après je vous ay donné advis de son décès. Nous avons consolé & résolu du mieux que nous avons pû la pauvre vefve à ce qu’elle puisse amener son fruit à bien ; & pensons à l’establissement de ses affaires procédans à inventaires ; Selon que les choses vont en Angleterre & que porte le mémoire de mon nepveu, il n’y a pas grand sujet d’espérer la paix. S’il y avoit quelque escrit justifiant la condemnation de l’archevesque Laud, je dézirerois bien que nous les aussions. Car sa harangue qui court pas tout, est une apologie pour luy.

Monsieur Vincent n’est point encore de retour à La Rochelle, ni Monsieur de Marsilly ici. Je prie Dieu qu’il remette en plène santé Monseigneur le prince de Talmont, & luy face profiter ses visitations. Ma femme est encore au lit, & vous salue & ambrasse très-affectueusement avec Madamoiselle ma très-chère sœur ; ce que font aussi tous mes enfens qui se sont rencontrés ici en l’occasion de l’affliction de leur sœur, hormis l’aisné. Je me joins aussi à eux tous en cela mesme, comme estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XIXe mars 1645. Vous verrez la lettre que j’escris à Monsieur Spanheim, & prendrés s’il vous plaist la pène de la

cacheter & luy faire tenir. B. U. Leyde, BPL 287/II/79

30 mars 1645 – Saujon Etienne Rivet André Rivet

Monsieur mon très honoré Oncle, Il y a longtemps que ie vous doibs celle-ci, & confesse qu’elle a perdu mesme sa bonne grâce,

allant vers vous, puis que mes huy, il faut qu’elle suive un iuste reproche. Vous me croirés pourtant facilement que cette lenteur ne part ni de l’oubli de l’honneur que ie vous doibs ni de la diminution du désir que i’ay de sçavoir de vos nouvelles & particulièrement de vostre santé & de toute vostre famille, que i’apprens de iour à autre par mon père qui n’en recerche en ce monde aucunes qui approchent, ie ne dirai pas de l’agrément, mais de la consolation indicible des nostres. Le tout vient plutost de ma paresse afin que ie me iustifie devant nous en m’accusant, paresse qui toutesfois se peut associer quelques difficultés d’affaires dans le commencement d’un mariage qui m’ont donné quelque ennuy.

Mais, Dieu merci, i’y voids maintenant quelque iour sans doubte que vous seriés ioyeux de sçavoir et d’apprendre fécondité en nostre mariage, ie souhaitterois bien vous en pouvoir resjouir, mais nous n’en avons encore que les espérances. Je m’asseure en celuy qui nous a faict surmonter beaucoup de difficultés qu’à un mariage de tant de peines il donnera cette consolation. D'une chose nous puis-ie asseurer que l’amitié de moy et de ma femme faict touts les iours de nouveaux nœuds et que i’en ai tout le contentement que ie pourrois souhaitter à l’estonnement (afin que ie n’en die davantage estant peut-estre mauvais interprète) des mal intentionnés & malcontents.

Page 62: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

62

Je ne veux pas obmettre qu’hier ie preschai à Taillebourg pour la consolation de touts les nostres qui me le demandoient & aussi par la grâce de Dieu à leur consolation et principalement de mon très cher & /2/ très honoré père quoyque les affections paternelles ayent présenté et tesmoignages d’approbation qu’il m’a rendu par dessus ce qui on ces effort. Il faut que ie die aussi que ça été à me consoler, car ce me debvois estre une singulière ioye de me voir en santé ferme par la grâce de Dieu produire au centre de mon envie des opinions qui ont fait esvanouir toutes mes langueurs du passé […]son Dieu. Tout ce que ie viens de dire regarde le dedans, ie prens la liberté de vous dire aussi quelque chose du dehors.

I’ay appris que Monsieur Amyraut desfend plus ouvertement que jamais ses hypothèses, mesme dans un livre qui vous est dédié127, Monsieur Spanheim fera un grand service à l’Eglise de Dieu de dépouiller les [écrits] de ces personnes là, mais j’appréhende qu’avec eus il ne soit jamais faict, et qu’il en expérimente ce que ie me souvient d’avoir leu [dans] l’Anatome Arminianismi de Monsieur du Moulin128 que lors qu’ils [seront] vaincus, ils se porteront pour vainqueur. Véritablement ces gens n’ayants pas la mesme doctrine ont pourtant la mesme esprit qu’il céde vanité, car ie sçai pour en avoir hanté quelcun qui étoit des moindre d’entreux quell estat ils font des autres. Ils éludent l’authorité des Synodes nationaux ce véritablement il semble aussi [que] les synodes n’ont point assés usé de leur authorité, car il me semble [que] ces choses y debvoient estre examinées, mais ne que hi omnes capi[…] neque abomnibus capiuntus en outre cela il y a un support […] grand qui causera du mal ni deux ano prexaras occurat. Je prie de tout mon cœur & que nous continuant nostre santé, continue d’y estre un puissant instrument de paix et de réconciliation.

Je n’ay plus qu’à saluer très humblement ma très honorée Tante, Cousins et Cousine et vous asseurer que ie suis toute ma vie,

Monsieur mon très honoré Oncle, Vostre très humble et très

obéissant nepveu & serviteur E. Rivet

De Saujon, ce 30 mars 1645 Ma femme m’advertist, l’ayant obmise ci-dessus, de vous asseurer et à ma tante qu’elle [est]

vostre très humble servante ; pardonnez-moy cet oubli. B. U. Leyde, BPL 282/228

2 avril 1645 - Taillebourg129 A Taillebourg, le 2e apvril 1645

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre lettre du 17e mars me donne l’espérance des nouvelles éditions de plusieurs de vos

œuvres augmentées, & de l’ouvrage de Monsieur Spanheim contre ce présomptueux qui non content d’escrire & dire ce qu’il veut a bien osé entreprendre d’escrire ouvertement contre des thèses disputées à Leyden par l’authorité de la faculté théologique de l’Académie, & avec tel fait vous les addressant mesme afin de triompher des plus forts d’entre les orthodoxes. Ce qu’il eust fait à l’ayse s’il eust pu rendre la plume dudit sieur par artifice & promesse de supprimer les exemplaires de son livre lors mesme qu’ils estoyent distribués car devant le synode fini, il y en avoit à S. Jean.

J’ay leu la sepmène passée l’exemplaire qu’il donna à Monsieur Rossel ; & recognoist tant plus qu’il importe qu’il ait trouvé forme à son pied. Il forme toujours son argument des conditions annexées aux promesses, & du si en la dispensation de l’enseignement à volonté & décrits conditionnels proprement en Dieu. Et abuez tousjours de Calvin employant les termes de la

127 Moïse AMYRAUT, Dissertationes theologicae quatuor, Saumur, I. Desbordes, 1645. Elles étaient précédées d’une lettre à André Rivet datée du 7 décembre 1644. 128 Pierre du MOULIN, Anatome Arminianismi, Leyde, 1619. 129 Cette lettre a été classée à tort avec celles de 1646.

Page 63: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

63

dispensation de doctrine et taisant ce que ce grand homme distingue par exprès montant en la considération dece qui est proprement en en Dieu. Comme pour exemple, il s’est bien donné garde130 d’insérer ce qui est au commencement de la préface de Calvin sur la Bible où il montre comment Dieu a aimé ce qui estoit indigne d’estre aimé, en ce qu’il n’a pas du tout perdu & abismé les hommes, comme leur iniquité le requéroit, mais pour conserver le genre humain tant pour en tirer ses éleus, que pour rendre les autres hommes tant plus inexcusables, il les a soustenus & supportés en douceur & patience. Il forme des comparaisons esquelles le principal défaut ; & réduit Dieu au pied de l’homme. Il se donne bien garde aussi de s’expliquer és termes qu’on luy dicta à Alençon pour y ramener ceux qu’il retient absolument encherissant pas dessus. Particulièrement l’artifice de sa distinction d’imprétation par viam satisfationis & meriti, & par viam finis, mérite bien d’estre découverte. Car il pense déluder l’article de Dordrecht par dire que Christ n’ayant obtenu par son mérite le don de la foy à ceux que le père luy avoit donné & pour lesquels il s’estoit présenté, le père l’a fait a fin que sa mort décrétée hors cette considération ne demeurast sans fruit. Nous attendons le demeslement du tout par une main si adextre. Je trouve d’ailleurs beaucoup de vanité au premier traitté & au second dont n’est pas le différent. Et n’ay encore leu le dernier de la grâce particulière, qui doibt estre bon, veu le sujet ; mais cet homme en faisant bien, a tousjours pour fin d’establir leurs nouveautés.

Vous aurés reçeu l’advis de l’affliction grande de ma jeune fille, & ce que je vous ay escrit depuis. Mon fils, le pasteur, vous escrit. Il fit une fort belle action ici mercredy & se porte bien Dieu merci. Le médecin m’escrit de Paris qu’il est en propos de mariage avec une cousine de MM. de Talemant & Rambouillet, à laquelle ledit Sr. Tallemant donne 2 000 Escus ; & qui est son tout ; que ces Messieurs vous considèrent & moy aussi, pensent à l’establir dans Paris & faire qu’il y pratique. S’il m’eust veu, il y a long temps qu’il seroit à repos. Dieu le luy face rencontrer. Si on s’attend là que je face quant au présent pour luy, on se mesprend. Mais il m’insinue qu’en escrivant à ces Messieurs que je penseray à luy quand j’auray du relasche, cela servira.

Ma femme est tousjours au lit. Elle & nostre pauvre affligée, et moy vous souhaittons & à Mademoiselle ma sœur, mes nepveux & niepces, toute prospérité ; & vous saluons humblement & très affectueusement, particulièrement,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

Monsieur Honny Word, gentilhomme Anglois, que vous m’aviés recommandé ayant demeuré à La Rochelle chés Monsieur Espie passa ici le jour de nostre déluge. Je l’addressay à Monsieur Druhel à Saintes, mais s’accommode en l’hostellerie de son abbord ; & n’est venu voir depuis. Il y a quatre jours qu’il a repassé allant à La Rochelle pour de là s’en retourner en Hollande voyant les grandes villes du royaume & mesme Rouen.

B. U. Leyde, BPL 287/II/104

10 avril 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Combien que je vous aye escrit la semène passée par la voye ordinaire, si est ce que Monsieur

de S. André-Ponlevain131 m’ayant fait la faveur de m’advertir de son voyage en Hollande, & s’offrant à vous porter de nos nouvelles, j’ay volontiers pris cette occasion de vous faire sçavoir la continuation de nostre estat assés bon par la grâce de Dieu ; et pour vous recommander très-affectueusement ce gentilhomme très-bien né, & d’ancyenne maison dont aucuns se sont fait marque par l’histoire. 130 En marge Guillaume Rivet a ajouté : Abusant d’un bien qui suit. 131 Isaac de Pontlevain, chevalier, seigneur de Saint-André, fils de Paul de Pontlevain seigneur dudit lieu et de Léa de Lestang, était un un membre de l’Eglise réformée de Cognac. Il épousa Marie Bernard de Javerzac. Victor BUJEAUD, Chronique protestante de l’Angoumois XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, Réedition les Editions de la Tour Gile, Péronnas 1998, p. 222.

Page 64: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

64

Mademoiselle sa mère d’ailleurs estoit mon alliée, ayant contracté grande amitié avec ma famille pour y avoir demeuré bien demi-an. Il y a XXI ans que Monsieur son père nous la voulut confier durant son séjour à Paris, où il avoit affaire avec son frère capitaine d’une compagnie des gardes dont il avoit esté lieutenant. Et aujourd’huy ce sien fils orphelin continue en la piété qu’il a imbu d’elle, de sorte qu’ayant esté assés long temps à Arras sous Monsieur de Ponlevain son oncle paternel, qui estoit là sergent major, il est demeuré ferme en la profession de la vérité, prenant cognoissance là de quelques disciples secrets & priant avec eux. Ce qui me donne très-bonne espérance de luy, outre la douceur de ses mœurs. Et je vous prie de le fortifier pas vos eshoratations & salutaires conseils, & ès occasion luy rendre les offices que vous pourrés, obligeant en cela avec plusieurs personnes qualifiée auxquels il touche, aussi en particulier & bien fort,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le Xe apvril 1645. B. U. Leyde, BPL 287/II/80

30 avril 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’ay fait gouster vos solides consolation à ma fille qui vous en fait ses remercimens. Vous aurez

eu lettre de son jeune frère qui est fort déziré à Marennes. Et devra y penser, ceux de Saujon se relasches comme ils ont fait depuis qu’ils l’ont tenu pour riche au présent, vrès que ce soit plus en espérence qu’en effet. Mais quoy qu’il en fust, l’ingratitude est blasmable ; et ce défaut vient d’envie.

Son aisné sur telle présupposition luy a demandé deux mille Francs par prest se doubtant qu’il n’obtiendroit pas de moy que j’empruntasse cette somme sur ce que j’en prendrois les apports de luy. Ce que m’ayant proposé en disant qu’il falloit assez d’invention, je n’eusse pas creu qu’il eust eu le front de vous faire la demende dont m’escrivez & que son jugement tousjours fort manque en affaires & conduitte, luy eust failli à tel point. Je luy en escri mon advis, & le repren de ce qu’il vous escrit de 10 000 livres de dot & à moy de 6 000 seulement, me donnant sujet de doubter du dernier. S’il eust peu se laisser conduire à moy, il en eust eu beaucoup plus parmi nous & à propos.

Jean a enterré (de la picotte) une fille de neuf ans, belle de corps & d’esprit gentil. Ses propos ont esté en admiration à ceux qui l’ont veu. La mère ne s’en peut consoler. Mais je recognoi la grâce que Dieu a fait à ce sien enfant à qui il avoit donné de la cognoistre & le dire.

La goutte de la fin d’aoust qui m’a pris à la main gauche & despuis au pied droit, sans m’arrester pourtant a rompu un voyage que je proposois de faire à La Rochelle pour y voir mes enfans & entretenir Monsieur Vincent sur ce que Monsieur Morus escrit qu’il faudra que nostre province se charge de notable nombre d’exemplaires de mon labeur pour ayder à la debite. Il me promet de faire tout son possible, & m’escrit de vous en hauts termes, qu’il vous considère comme un monument singulier de nos Eglises, lisant vos escrits avec asmiration, comme ne trouvant rien qui approche de la clarté & solidité d’iceux. Il faudra remettre à une autre saison ce voyage aussi bien qu’un que j’ay besoin de faire à St. Maixent, où je rencontre de mauvais payeur en un temps que tout me fait besoin.

Monsieur Rossel vous baise très humblement les mains & vous prie de luy achepter un exemplaire du livre de Monsieur Spanheim. Il est a souhaitte que de vos libraires en facent débiter à La Rochelle & à Bourdeaux par leurs correspondans. J’en espère grand fruit & la bouche nous sera ouverte dans cet éclat. Dieu vueille tourner le tout en bien & vous conserve longuement à sa gloire. Ma femme, ma fille &moy saluons & embrassons cordialement Mademoiselle ma très chère sœur, mes nepveux & ma niepce ; comme je suis,

Monsieur mon très honoré frère,

Page 65: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

65

Vostre très-humble & très affectionné frère & serviteur

Guill. Rivet De Taillebourg, le dernier d’apvril 1645. Je salue très-humblement Monsieur Spanheim & prie Dieu qu’il bénit ses saints & doctes

labeurs. B. U. Leyde, BPL 287/II/82

28 mai 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Il y a onze jours que ma main droite estant affligée de la goutte ne m’a peu servir à escrire quoy

que Dieu mercy je ne soys pas arresté mes pieds et ma gauche ayant esté fermés. Cette incommodité m’empescha de vous respondre par le dernier messager et acuzer la réception de vostre lettre du 24 d’apvril avecq celle de Monsieur Spanheim et une autre de M. de Chardavène oultre ce que l’exemplaire de vostre Dodécade sur les 4 pseaumes m’est venu de La Rochelle par la direction de mon gendre ; j’ay à vous en remercier très affectueusement et les Messieurs aussy des tesmoignages de leur bonne vollonté et de l’honneur qu’il m’ont fait. L’estat ququel je suis m’obligeant d’abréger en attendant que je puisse m’estendre avecq facillité, fera que je ne vous diray rien sur toutes les particullaritez pour le présent ny ne respondray à Monsieur Chardavenne que je vous prie d’asseurer que comme dy Dieu me fait la grâce de me trouver au Sinode je ne faudray de faire là tout ce qu’il requiert de moy que je me resjouys de son heureuze arrivée. En ces bonnes espérances qu’il trouve pour son establissement prompt où à La Haye ou bien ailleurs à meilleure condition vostre utille employ et bon offices par lesquels vous l’obligés et moy en luy luy vollans ce bien.

Je vous adresse par la voye de la mer ung gros paquet qui est de Monsieur Cotier de Tours132. Il y a en icelluy ses thèses touchant la grâce universelle esquelles bien longues. Il semble se prendre fort à ceux qui inovent en sa province, may je ne trouve pas qu’il soyt bien propre pour cet affaire /2/, estant homme de fantaizie et qui croie donner instruction à l’une et à l’autre part, mais vous en jugerés et je ne tiens pas que il importe fort que cette pièce vous vienne promptement sans détour en hors. Il vous l’eust envoyée par Paris. Il en eust abrégé le chemin.

Au reste nostre sœur m’ayant prié de vous faire tenir une lettre qu’elle vous escript pour une affaire qu’elle me particularise. Je vous l’envoye. Et l’avois ouvert pour en diminuer la masse, mais j’ay trouvé qu’il ne se pouvoyt de la façon dont elle dispose ses pages. Vous n’aurés que de me mender ce que vous voullez que je face en cela. Je croy bien que comme les chozes vous à Saint-Maixan ses expédians ne seroyt point mauvay à ce qu’elle tire quelque fruit. En qu’il en demeure une somme principalle pour mes nepveus.

Ma femme qui est tousjours infirme et moy qui espère de ne l’estre longtemps, vous saluons et elbrassons cordiallement avecq Madamoizelle ma sœur, mes bepveus et mes niepces, comme faict noste jeune vefve qui s’avance vers son terme avecq vigueur. M. le procureur, mon beau-frère, qui m’a presté sa main vous baize humblement les mains et est vostre très humble serviteur, comme aussy je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

A Taillebourg, ce 28 may 1645. B. U. Leyde, BPL 287/II/83

132 Mathieu Cottière, pasteur de l’Eglise de Tours de 1607 au 14 décembre 1656, jour de sa mort. I. ARDOUIN-WEISS, Les protestants en Touraine (Les anciennes familles réformées de Tours au XVIe et XVIIe siècles), Centre Généalogique de Touraine, 6 volumes, 1995-1998, tome III, p. 70.

Page 66: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

66

9 juillet 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je suis fort ayse qu’enfin Monsieur Chardevène ait trouvé son repos. Et vous remercie bien fort

pour luy des grands coups que vous y avés donné, & de tout vostre support d’aillieurs. Il s’est montré fort recognoissant en la lettre qu’il m’escrit. & je luy donne aussi mes advis conformes aux vostres. Et espère qu’il fera bien n’ayant point de compagnon133. Vous m’avez nommé Monsieur Mareschal dont moy & ma femme avons esté resjouis. Je luy souhaite toute prsopérité & à sa famille.

Ma pensée est si Dieu le veut d’aller cette semène prochaine si Dieu le veur d’aller cette semène prochaine à La Rochelle voir mes enfans qui y sont, et conférer avec monsieur Vincent devant la tenuë du Synode qui eut assigné au XXV du courant à Mauzé ; Tout y ira bien sans doubte pour les réolutions de conserver la pureté de doctrine. Monsieur Rossel qui vous baise humblement les mains, et est tout rempli de zèle, s’y trouvera. Et je suis déplaisant que ce ne soit au tour de Monsieur Vincent d’y venir. Il m’advouë que Monsieur Amyrault protesté en fraude qu’il avoit tous les exemplaires de son livre en sa puissance et a cauzé l’esclat que fera la response de Monsieur Spanheim dont nous attendons grand fruit, ne doubtant pas qu’il ne soit long pour nous donner plus de substance, n’stant pas homme à perdre des paroles. Le did Sr. Vincent m’escrit aussi du mescontentement de nos hypothétiques touchant l’article de l’imputation du pesché d’Adam ; et qu’ils recueillent tous les arguments de Socin pour se défendre ; ce qui les rendra odieux.

La province de France nous fait beaucoup de mal. On m’assure que Monsieur Mestrezat est fort contraire à ses amis en ce dernier point. Je fus fort estonne il y a quinze jours que Monsieur Vincent m’envoya une lettre de luy escritte dès la fin de janvier qu’il avoit envoyé à La Rochelle parmi d’autres papiers, sans s’en estre resouvenu despuis dans les grandes pènes qu’il a eu sur l’exécution des chefs par luy obtenus aussi avec tant de pène ; contre quoy toute la moinerie a fait des efforts estranges. Il promet de s’excuser envers Monsieur Mestrezat ; duquel en sa lettre les termes sont de louanges excessives, & grande protestation d’observance & affection, nonobstant qu’il ait appris que j’aye respondu à un sien escrir de l’estenduë de la grâce. Ses termes sont : “ Je ne pense jamais à vous qu’avec une estime singulière de vostre érudition et de vostre piété ; ayant trouvé par mon expérience dans vos escrits et dans la cognoissance que j’ay eu de vous plus particulièrement ici, une force d’esprit particulière à pénétrer dans le fonds des choses. De quoy ayant un resentiment de vous honorer très particulièrement, j’ay à vous supplier que si nous nous trouvons en quelque dissentiment (lequel j’estime innocent) cela ne me face déchoir de l’honneur de vos bonnes grâces lesquelles je chéris prétieusement. Je me sen obligé à vous faire cette prière, d’autant qu’ayant mis és mains de Monsieur Ranconet un petit escrit de mon sentiment sur l’estendue de la grâce (lors que j’appris que dans le Synode de Poictou quelques uns avoyent des impressions de nostre opinion sur ce sujet beaucoup éloignées de la vérité), j’ay appris par un bruit sourd, que vous l’aviés réfuté sans qu’auncun (ce que j’eusse attendu de la charité fraternelle de Monsieur Ranconnet à qui seul je l’avois baillé) m’ait fait le bien de me donner ou faire voir, ce qui y avoit esté répondu. Je croy certes, que si je vous l’eusse communiqué, vous m’en eussiés donné vos advis ; lesquels j’eusse reçeu selon le respect que je vous porte , & selon la créance que j’ay de pouvoir profiter en vos méditations plus qu’en celles d’aucun autre. Je di seulement ceci (maintenant que le Synode de Charenton, qui vient d’estre achevé, & imposé, très sagement, silence à tous pasteurs sur ces choses de part et d’autre, & défendu d’escrire les uns contre les autres sur ces matières) pour vous supplier de ne me pas croire que je diminuë en rien l’estime très honorable & bienveillance singulière que /2/ vostre mérite a imprimé en mon esprit envers vous. Et si encore il advient que je puisse avoir vostre méditation & response sus mentionnée, je vous assure que sera non pour tascher à y contredire, mais en profiter purement & simplement sçachant bien que si mesme je n’y acquiessois pas du tout, je ne laisserois pas d’y apprendre, pour resserrer et restreindre ce que j’aurois pû porter trop avant. Telle estoit la véritable et syncère disposition d emon esprit envers vous, je vous prie monsieur très honorable frère de me continuer la

133 En marge Guillaume Rivet a ajouté : “ Et comme j’estois à la fin de la page, m’est venue une lettre de Monsieur Rossel qui me mande qu’il luy escrit qu’il est bien placé que l’intervention de son célèbre Mécenas Mons. Rivet ”.

Page 67: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

67

faveur de vostre sainte amitié, et croire que je suis entre tous vos frères en seigneur de ceux qui vous honorent à un plus haut point par le devoir que la cognoissance de vostre profond sçavoir, et de vostre singulière sagesse, piété, et intégrité, peut donner. Ce qui m’oblige à prier Dieu de très grande affection pour vostre conservation à l’Eglise de Dieu, afin qu’elle édifiée de vostre saint ministère, tant au regard de vostre troupeau que de vos frères les Ministres de l’Evangile, auxquels vostre présence est en diverses sortes très fructueuse, et à me dire très véritablement etc.

J’ay respondu luy rendant ce qu’il mérite en effet ; et tesmoignant recognoistre si bien ma petite mesure, que je ne suis pas pour présumer de moy approchant de ce qu’il luy plaist m’attribuer. Et luy respon en vérité de l’honneur que je luy porte, & l’amour que j’ay envers sa personne. Que si nous nous dissentons en quelque chose ; & notamment en ce point que j’estime très-important ; puisque cela vient de la diversité de nos jugemens ; puis que cela vient de la diversité de nos jugemens, il ne doibt altérer nos volontés, ni esteindre la dilection fraternelle dont je l’embrasse de tout mon cœur. Qu’il doibt absoudre Monsieur Ranconet, duquel je n’ay pas eu cet escrit venu dans cette province de Paris immédiatement, & envoyé par un personange qualifié de son Eglise comme y demendant response, que jugeans son intention avoit esté de la communiquer comme un escrit qui s’insinueroit és esprits de ses lecteurs, & faire recevoir cette doctrine, j’y avos respondu l’ayant communiqué à peu, & m’estant en fin résolu d’en donner une copie à Monsieur Rossel allant au Synode national, à ce que il eust, si besoin estoit, de quoy monstrer que si on n’éteignoit ce feu, il estoit pour s’espandre, & que nous esclatterions. Que pour ce qu’il semble dézirer de voir cette mienne response pour faire son jugement sur le tout, ayant retiré de Monsieur Rossel la copie qui jusques alors estoit demeurée entre ses mains, je luy envoyois par communication après voir évité d’éclatter en contention. Qu’il l’eust considérant que je ne sçavois bonnement à qui j’avois affaire, & eusse pû uzer de plus de respect, m’addressant proprement à luy ; duquel j’attendois bien des instructions en autre choses ; mais qu’en ce point j’estois plenement persuadé de soustenir la doctrine commune de nos Eglises tirée de la parole de Dieu. Si j’avois loysir, je vous eusse fait copie de toute la lettre qui est longue. Tant y a que j’ay pensé qu’on croiroit que j’appréhende qu’on voye mon escrit si je luy cachois après ces dézirs de le voir tesmoignés. Il aura telle suitte que Dieu donnera. Je croy n’avoir pas mal fait ; & me résous à forte résistance si Dieu m’appelle au combat, & me continuë la force qu’il m’a donné. Pour le public, undique turbatur.

Les dernières nouvelles de La Gazette & des lettres de l’ordinaire, nous posent Monseigneur le prince d’Orange avec ses forces extraordinaires dans le Was ; & adjoustant les particuliers devant Anvers. Mais on dit que par la poste sont venus plus frais advis de feinte d’aller à Anvers & descente effectuelle à Dunquerken assiége. Nous sçaurons demain ce qui en est. Dieu bénit ses armes à la propagation de son Evangile & conserve les chefs.

Monsieur de Marsilly n’est pas ici. On m’a dit que l’héritière de Rohan qui s’est diffamée & avilie, n’est pas révoltée. Et que la mère produit un fils nourri en Ecosse & Hollande par je ne sçay quelle dispensation de feu Monsieur de Rohan pour marier cette fille hautement, & conserve ce fils caché, que /3/ la mère vérifie bien qu’il est à […] et soin de luy envoyer pension modique d’an en an134. Et produit lettres de Monsieur de Rohan sur ce sujet. Il ne peut pas estre du tout un Pierre Warbek, mais il y a du roman en cela. Et cette fille en fait un véritable. Je voy que vous vous ennuyés de voir tant de désordres et quel cœur fidèle ne toucheroyent-ils point. Mais, c’est un grand bien que Dieu vous ait conservé tellement pour les voir que ce soit pour faire beaucoup à y remédier ou en empescher le cours.

J’ay reçeu par la voye de mer l’escrit de Monsieur Spanheim contre les indépendans. Il est très clair & solide ; et semble qu’il ait en effet en l’ordre mis en tel que vous me mandez. Je remercie très particulièrement ce très digne & excellent personnage, ne me sentant pas digne de ses éloges. Et j’atten avec avidité ses doctes lucubrations contre cet esprit présomptueux. Bien ayse que Courselles l’ait entrepris. Je trouve qu’il a beau jeu contre le paradoxe, et la foiblesse de la cuthodie pour empescher leur conséquences d’aller.

134 Tancréde de Rohan (1630-1649) fils de Henri de Rohan ou du duc de Candale. Cf. Solange DEYON, “ Les non-dits d’un étrange procès : Tancrède de Rohan et ses juges (1645-1646) ”, B.S.H.P.F., tome 136, avril-juin 1990, p. 191-207.

Page 68: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

68

Ma jeune fille est sur…, sur son terme & ma femme se tient un peu. Elles vous saluent & embrassent de tout leur cœur avec Madamoiselle ma sœur, comme je priant Dieu pour la conservation de vous deux, et advancement de mes nepveux avec la bénédiction du Seigneur sur ma niepce, Mademoiselle de Mondevis et son petit peuple ; comme je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le 9e juillet 1645. B. U. Leyde, BPL 287/II/84

24 juillet 1645 – Taillebourg A Taillebourg, le XXIIIJe juillet 1645

Monsieur mon très-honoré frère, J’ay esté à La Rochelle voir mes enfens et y embrasser ma petite fille de sept mois, que j’ay

trouvé fort jolie. Dieu la bénie. Sa mère est venue ici voir sa sœur & esté à ses couches. Elle m’a dit vous avoir escrit par les jeunes fils de Mademoiselle des Roches.

Ayant veu Monsieur Vincent, je l’ay tellement touché sur ce que les hypothétiques le rangent à leur troupe, que il en a écrit une forte lettre à Madame nostre duchesse, luy tesmoignant ne pouvoir supporter qu’on le tienne joint à ceux qui troublent l’Eglise par une doctrine dont mesme il luy déclare assés amplement les défauts & le danger.

Il m’a appris que Messieurs Capel, Amyraut & de La Place s’estoyent trouvés au synode de Poitou135, comme chacun pour sa fin propre, quoy qu’ayant tous un but. Le premier comme recteur ayant parlé des arresrages d’eux & demandé qu’on pourveust à l’advenir ; & le second ayant harangué sur ses bonnes intentions, son enchère en orthodoxie sur les autres & sa résolution de se tenir à l’ordre des Synodes nationaux ; sur quoy le premier renvoye avec promesse, l’autre fut reçeu és siennes. Mais le troisiesme s’estant fort plaint d’avoir esté condamné sans estre ouï, protesta ne vouloir pas pourtant s’en piniastrer, & que mesme il s’en soumettroit à l’advis de cette compagnie après qu’elle l’auroit ouï, mais qu’il demandoit d’ailleurs que au moins ne fust exécuté ce que l’article du National porte que ceux qui seront reçeus au S. Ministère, seront obligé de jurer qu’ils ne tiennent la doctrine condemnée touchant l’imputation du pêché d’Adam. Sur quoy le Synode ayant déclaré ne pouvoir qu’obéir à l’arresté du National qui est très juste, le dit Sieur outré redemanda sa parole donnée de se soumettre ; et en fut bafoué ; s’en allant fort mal content & les autres qui l’espaulent sans le dire, peu satisfait.

Je vay, Dieu aydant, dans trois jours en nostre Synode à Mozé ; & proposé d’aller de là à S. Maixent, où je porteray vostre lettre pour faire selon le contenu d’icelle. Je me souviendray aussi de Monsieur Chardevene au Synode ; où j’espère que tout ira bien. Je participe à l’affliction qu’aura mon nepveu vostre aisné du décès de son petit fils en son absence, prenant d’ailleurs en toutes cettes occurrences la mesme résolution que vous.

Nous avons sçeu que le Parlement en Angleterre est fort relevé par le guain de la bataille136, dont je leu à La Rochelle les gazettes & relations Angloises de Londres. On nous dit Mardik pris par les nostres qui est acheminement à un siège de Dunkerque et que aussi Monseigneur le prince d’Orange a assiégé Hulst. La Gazette nous le dira dans dix-onze jours s’il est…, il y a merveille en Catalogne, où l’armée du Roy d’Espagne a esté entièrement défaitte après la passage du comte de Harcourt de la Segre. Mais le mal est que nous ne nous amendons point, & que nous abusons des

135 Le Synode du Poitou s’était tenu à Thouars du 13 au 24 juin 1645. Frans Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 252. 136 Le 14 juin 1645 la “ New model Army ” de Thomas Fairfax et Olivier Cromwell avait défait à Naseby dans le Northamptonshire l’armée royale.

Page 69: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

69

grâces de Dieu. Encore si nous luy estions un petit sanctuaire ; non qu’il a advoué de sa connoissance. Je le prie qu’il le face & vous conserve longues années à sa gloire & au bien de vostre famille & nostre consolation commune ; vous embrassant de cœur avec Madamoiselle ma très-chère sœur & mes nepveux & niepces. Comme font ma femme & mes filles avec moy, qui suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

Mon jeune fils a esté ici qui m’a promis d’escrire à vostre allié d’Oléron. B. U. Leyde, BPL 287/II/86

6 août 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Retournant du synode de Mozé, qu’on n’a pas voulu qui fust tenu à La Rochelle lorsqu’il est

venu au rang du colloque d’Aulnis de l’avoir en son destroit (ce qui nous a causé le long délay, & non qu’on ne permist de tenir nostre synode aillieurs), j’ay trouvé vostre lettre du Xe du passé sur laquelle je vous diray que pour le regard de Huot, chirurgien (non Huon) j’escriray à Monsieur Sanxais touchant les particularités qu’il faudroit sçavoir, et ce que vous ferés recercher par un ami s’il est au roole d’Amsterdam. Vous en remerciant très affectueusement.

Et quant à Monsieur Chardevene, je vous envoye son tesmoignage de tout nostre Synode & son congé par ceste esprés. On recognoistra aysément que c’est tout ce que nous avons pû faire, & qu’il est à ouïr & à croire quant à ses necessités d’aller si loin, dont il nous a fait déductions en particulier, telles que nous y acquiessions pour approuver la chose autant qu’en nous estis, luy aussi ayant veu le gouverneur des Isles résidant en Brouage.

Pour Monsieur Spanheim puis que son long travail est exact & solide, comme il est peut-estre autre venant de luy, il faudra l’attendre en patience, et prendre pour grande récompense d’icelle, ce que le bien & profit en ses plus grand.

Je vous ay escrit l’air de Monsieur Vincent, & ce qu’il m’avoit dit du Synode de Poictou. Mais pour ce dernier, Monsieur d’Artois qui a esté député parmi nous, et s’y est comporté fort bien avec bon jugement et zèle, nous ayant aussi donné un bon presche ; vous a fait recognoistre que quoy qu’on ait résolu de faire signer l’article du National aux proposans, la définition en estant péremptoire il a passé qu’on les recevroit sur la promesse de retenir dedans eux mesme le sentiment qu’ils auroyent autre, et que cela fut prattiqué envers Monsieur Barbier donné à l’Eglise de Poictiers, qui signe & promet de ne prescher au contraire.

Mais Monsieur de La Place nous fit présenter une lettre par Monsieur du Mesny (qui estoit nostre député au Synode de Poictou, et est le seul qui adhère aux hypothétiques en cette province ; et se couvre pourtant, estant fort modéré) par laquelle il requiert que nous luy ottroyons deux choses. La première de ne le tenir pour hérétique, ni le jugment du Synode national comme définitf ; et l’autre de ne prattiquer ce qui est ordonné, sç. de faire signer l’article posant l’imputation du péché d’Adam, aux proposans qui seront reçeus au S. Ministère. Pour le premier ses raisons sont que les règlemens d’Alençon, d’escrire à celuy qui auroit avançé quelque chose qui ne semblast purs, afin de tirer satisfaction de luy ; et en suitte s’adresser à son Consistoire ou au Sénat académique, puis à la province, s’il ne donnoit contentement, afin qu’après le National y pourveust. Que aussi l’article 30 du chap. 5 de la discipline oblige d’ouïr celuy qui enseigne quelque doctrine non recevable, et le convaincre devant que condemner. Ce qui n’ayant esté fait à son égard, mesme depuis nul ne s’est mis en devoir de l’instruire, & refuter les raisons de ses thèses où on a trouvé la proposition condemnée. Et quant au second chef, il dit que ce seroit forçer les consciences & faire des hypocrites, ou priver l’Eglise de l’employ de personanges bien capables qui auroyent travaillé piur la pouvoir édifier ; et que leur Académie se dissiperoit au grand détriment du public d’entre nous. Nostre response a esté que nous n’avons pas pensé à le tenir pour hérétique pour ce que nous nous sommes persuadés qu’il ne

Page 70: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

70

s’opiniastrera pas contre le jugement du Synode national, et une définition du tout péremptoire veu qu’il n’y avoit pas d’apparence qu’une province éloignée de la leur (sç. du hault Languedoc) et preste d’envoyer au Synode national, bien informée de ce qu’un tel dogme nouveau estoit enseigné, laissant la voye parée pour le remède en un National proche, pour prattiquer des règlemens donnés à des particuliers en l’entretien de deux Synodes nationaux, à ce qu’on n’eclattast en débats scandaleux durant ce temps, ni que le Synode national les deust renvoyer à tel circuit. Que aussi constant du fait de tel enseignement en termes clairs & que ne demandant explication, le Synode pouvoit juger par la parole de Dieu ce qu’il en falloit tenir & déclarer ce qui est du fait du sentiment de toutes les Eglises protestantes dont ils couchent, sans l’envoyer cercher pour les éclaircir sur cela. Et que l’article de la discipline obligeast d’ouïr, regarde la cause de ceux auxquels on se prendroit nommement pour leur faire censure. Mais que la charité du Synode Nat. ayant espargné son nom et sa personne, pour amener /2/ doucement luy & tous autres de tel sentiment à la doctrine commune de nos Eglises, manqueroit nullement ces formalités. Outre que d’abondant Monsieur Amyraut qui luy est collègue très-conjoint, avoit esté ouï proposant disertement les raisons d’iceluy, dont aucune ne luy estoit incognuë et que quant à l’instruire, il n’estoit pas à propos d’attendre qu’un homme gagé par nous peu enseigner à nostre jeunesse la doctrine reçeue en nos Eglises, fust luy mesme instruit par tout un tel corps, devant que définir ce que luy & les autres devroyent enseigner. Que si considérant que les esprits des prophètes sont subjets aux prophètes, il venoit à rabbatre tant soit peu de la bonne opinion de ses raisons, a cause de la résolution contraire de tant de serviteurs de Dieu agissans en tel nom & de tel ordre, il recognoistroit bien de luy mesme leurs fondemens & ses propres manques. Pourtant aussi que nous serons à ce qui estoit si saintement résolu nous pratiquerions ponctuellement ce qui est enjoint envers les proposans à recevoir. Et ne ferions point d’hypocrites en renvoyant pour mieux s’instruire ceux qui tesmoigneroyent hésiter, veu que de faire signer un article condemnant une doctrine que le signant approuveroit en son cœur, seroit l’obliger à faux, comme de promettre qu’on ne dise point ce qu’on sent, est toujours enfreint. Que si ou les proposans, ou l’Eglise, ou leur Académie en ont détriment, qu’il en sera la cause. Qu’il prenne donc garde à ne les faire obstiner en cela, par sa résistance à tout un Synode national, et d’autant qu’il cerche de quelques provinces qui ayent sursis ; nous représentons que s’il s’en trouve une ou deux esquelles ceux qui la favorizent façent surseoir l’exécution de ce qui est arresté nous ne croyons pas que Dieu abandonnera tellement nos Eglises que les autres ne revassent et roidissent tant plus à l’occasion d’opposition de si mauvais exemple. Mais que nous esperons de luy, qu’y ayant bien pensé, et la cuison de sa douleur estant un peu relaschée, il viendra dans l’assiette de sa modestie et humilité tesmoignée auparavant ; de quoy nous prions Dieu.

Et quant à Monsieur Amiraut, nous avons escrit ànla province d’Anjou és termes que vous exprimera l’article dont je vous envoye copie. D’où vous verrés que nostre province va excellement ; et nous sommes résolus d’envoyer en d’autres les copies de nos articles et de nos lettres. On m’a aussi nommé pour me trouver à Fontenay au prochain Synode de Poictou.

Je laisse d’ailleurs les nouvelles dont les gazettes parlent, pour venir à vos affaires de S. Maixent où mon allié vous a gagné 350 livres. Je trouvay que Monsieur de La Guyonnière estoit parti le mesme jour porté dans une charrette pour aller aux champs y passer mestives. Et pourtant parlay au bon homme Monsieur Chesneau & à son fils, gendre de nostre dit cousin, de ce que ne vous estant offert que 400 livres de vos bois, vous le vouliez préférer pour ce qu’il les avoit offert il y a long temps. Ils ouvrirent les oreilles à cela, disans qu’ils valoyent bien 400 livres pour le moins ; & arrestèrent d’envoyer le lendemain de bon matin , & que j’attendrois la response de Monsieur de la Guyonnière. Sur cela je me retiray pour escrire ; et afin de ne rien précipiter mis des embarras en ma lettre disant que vous le vouliés préferer s’il ne s’en trouvoit plus, & qu’après avoir appris sa volonté, il me faudroit voir si cuex qui avoyent offert les 400 livres n’y voudroyent rien adjouster.

Sur cela mon cousin de Soignon que je n’avois pû rencontrer chès luy, me vint trouver à mon logis du père Espic entre neuf et dix du soir. Et comme je luy en représenté cet affaire me dit qu’il me respondoit de Monsieur de La Guyonnière qu’il laisseroit le marché à Monsieur Servant ; et qu’encore qu’il valust quelque peu plus, il estoit bon qu’il en profitast, vous estant assés riche. Que d’ailleurs Monsieur de La Guyonnière ne pourroit retenir ce bien. Monsieur le Grand maistre de La Melleray voulant se l’approprier. Si ainsi estes dis< il y aura un pris pour chaque portion, et son frère recevra autant qu’un autre. Car puis qu’il m’a commis son affaire, je ne veux ni ma laisser surprendre par simplicité, ni aydes à le frauder à escient. Et le lendemain l’ayant veu au lit, et luy tenant mesme

Page 71: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

71

mesme propos, il me dit enfin que Monsieur de la Coussaye qui avoit deux portions me pourroit donner advis.

Je le vis donc et sçeus de luy qu’on l’avoit prié de ne me descouvrir pas ce qui se /3/ passoit qui est que Monsieur le Mareschal & Grand Maistre avoit contracté avec tous les autres et payé actuellement à 750 livres chaque seziesme part, que luy avoit eu 1 500 livres de deux et Monsieur de La Guyonnière 750 livres d’une ; et qu’on avoit voulu qu’ils contractassent pour vous et reçeussent l’argent en s’obligeant de tirer ratification de vous. Ce qu’ils n’avoyent voulu, Monsieur Servant leur remonstrant que l’usufruit estoit à ma sœur, et qu’il auroit procuration de vous.

Toutes fois iceluy Sr. de La Coussaye me priant qu’on ne sçeut pas qu’il m’eust dit cela, m’advertit de ce que l’Advocat du Roy mesnageoit cett’affaire, que l’alalnt voir j’apprendrois le tout de luy, et que je dirois en vérité que il m’auroit déclaré l’affaire, sur ce qu’apprenant en gros cet emparement de ces bois par ce puissant, j’aurois sçeu que cet advocat mesnageoit le tout. Et ainsi advint. Car m’ayant dit qu’il n’y avoit plus que vostre portion à acquérir, et qu’il attendoit Monsieur Servant, je luy déclaray que Monsieur Servant vous ayant fait escrire par mon moyen, c’estoit à moy que vous aviés donné charge de vendre, que s’il vouloit contracter avec moy, je m’obligeroye de faire ratifier, et donnerois caution en attendant pour la somme, luy nommant Monsieur de La Coussaye qui savoit offert de l’estre s’il en falloit. L’autre respondit que sans caution il feroit le tout avec moy si je voulois attendre deux jours, dans lesquels il tireroit l’argent du meneur de La Melleraye. Je luy dis que j’aimois mieux vous escrire et sçavoir que vous voudriez que je fisse de cet argent, après que sur vostre procuration j’aurois contracté et reçeu ; ce qui se pourroit dans six semenes, que cependant il préparast la somme. Ainsi fut résolu entre nous.

En suite de quoy retourné chés Monsieur Chesneau, le gendre de Monsieur de La Guyonnière, venant de le voir luy-mesme, me dit que il ne vouloit aller au dessus de Monsieur Servant, sans me rien toucher de ce qu’en suitte je leur dis avoit appris de l’Advocat du Roy touchant les 750 livres à quoy nous nous tiendrons. Ce fait partant de S. Maixent je fus au Plessis-Verac, ferme de mon nepveu Sarvant où je comptay avec luy de mes petites affaires, et interrogé de vostre response, luy dis le coutenu de la vostre et la response de Monsieur de La Guyonnière en sa faveur, taisant tout le reste. Mais comme il eut monté à cheval pour m’accompagner allant an leur chès ma sœur, il me proposa de passer avec luy le contract à raison des 400 livres, et tirer ratification de vous ; sa pensée estant de après revendre à 750 livres. Alors je luy dis, vous en estes venu : je sçay toute l’histoire ; et luy comptay par le menu, adjoustant une grave censure. Il respondit que ce pesché n’estoit pas sien originairement, et que Monsieur de La Guyonnière luy en avoit fait l’ouverture. et en effet luy et Monsieur de Soignon estoyent inteligens en la faveur d’iceluy Sr. Servant ; et on avoit fait office envers Monsieur de La Coussaye sçachant que je devois venir sur les lieux.

Mon grand déplaisir estoit si nostre sœur y eust trompé. Mais je recognus manifestement qu’on l’avoit surpris, luy disant qu’il luy vaudroit mieux avoir la rente de 400 livres bien assurés ; elle ayant tesmoigné trouver estrange que ce qui vous estoit donné pour 800 livres fust réduit à la moitié. Sur quoy on avoit réparti que ce bien estoit decheu et valoit peu. Ainsi elle se porta à vous escrire. Mais ayant sçeu l’histoire, elle blasma son gendre de ce qu’il auroit voulu vous frauder au principal et elle en son usufruit, bien ayse que j’eusse descouvert la mèche. Le lendemain, elle me dit n’avoir point dormi, ses pensées l’ayant travaillé à l’occasion de cette déception, sur l’appréhension d’avoir esté circonvenue en un autre affaire par ses gendres, et cettuy-là ayant esté principal acteur.

Que donc Monsieur de Villemontée, intendant, l’ayant taxé à la taille à deux escus, elle appréhende tellement d’estre chargée de grande somme ; comme c’est la coustule ; qu’elle se laisse aller à se despouiller de tout son bien en faveur de ses deux filles à condition qu’elles donansent 800 escus à son fils, elle estant laissée jouir toute sa vie. Et qu’elle se défenderoit de taille disant qu’elle n’avoit point de bien, estant nourrie par ses enfans. Je fus tout estonné & la blasmoy grandement d’avoir fait une tel affaire sans mon advis, luy remonstrant qu’en une nécessité elle ne pourroit trouver d’argent à emprunter n’ayant de quoy l’asseurer. Sur quoy elle ma prie de recher s’il y a remède. Mais je n’en voy pas. Et par là aussi ne compren pas que vous soyés pour luy laisser prendre les 750 livres pour en jouïr, & en assurer le fonds à mes nepveux vos enfens. Mais pour revenir à l’affaire, il convient que vous m’envoyez procuration de vendre comme je voudray, ou bien au pris arresté de 750 livres. Et recevoir l’argent et en donner acquit en donner acquit en vostre nom avec promesse de

Page 72: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

72

ratifier. Je croy qu’il sera bon que la procuration soit par notaire. En tout cas faudroit-il me donner la charge par escrit privé de vostre main en une feuille à part, à ce qu’on la pust joindre au contrast, attendant la ratification. Mais l’autre est le meilleur. Pour l’argent si vous voulez me donner charge de le prendre pour en estre obligé à mes nepveux vos enfens, et en donner la rente au denier vingt à ma sœur durant vostre vivant, ce qui reviendroit à 37 livres 10 sols par an, j’y obligeroy tout mon fonds qui est de 7 000 livres outre mes meubles, après mes mariagespayés. La commodité que j’en aurois seroit que je donnerois à ma sœur à recevoir à S. Maixent sur mes rentes très assurées & bien payées, et n’aurois besoin de les aller cercher là ou si vous avez quelque meilleur expédient, je suivray ponctuellement vos ordres. Le papier me manquant je finis vous embrassant avec Mlle ma très chère sœur avec mes mepveux ; comme font ma femme & mes filles & mes alliés ; Et me disant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

J’avois obmis de vous dire que Monsieur de la Coussaye me dit que ses bois valent beaucoup plus à cause des laisses abondantes ; et que c’est une excellente pièce. Mais qu’il en faut passer par là. Aussi vous voulois-je prier de ne tesmoigner point à nos proches que vous avés sçeu ces particularités, que j’ay creu vous devoir dire, pour purger ma sœur des soupçon qui vous eust pû demeurer. & je l’ay promis.

J’ay veu Monsieur de Vilars à Pauléon-Gaillard, & qui vous baise les mains s’estant fort enquis de vous, et ay trouvé à S. Maixent que nostre oncle de l’Estreuil est mort, ayant laissé une famille fort mal faitte & en mauvais estat. Monsieur de Blanchardière, nostre cousin, est aussi décédé, et son fils devant luy, qui a laissé force enfans d’une mère sage et aysée.

B. U. Leyde, BPL 287/II/87

19 août 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je vous escrivis dimanche dernier que ma pauvre femme ayant souvent des fiebvres nocturnes

estoit encore en la fiebvre, mais ç’a est une continue suivie le lendemain d’un grand cours de ventre, lesquels deux maux l’ont pressé de sorte que dans le sixiesme jour elle est décédée. Et ce matin, XXV heures après son décès, nous luy avons rendu les derniers devoirs. Elle a vescu avec moy dix-neuf ans & cinq mois, m’ayant fort aydé à l’éducation de mes enfans & conduitte de mon mesnage & moy à elle en ses pièces qui se sont trouvés grandi & ses maladies griefves & fréquentes. Mais depuis quinze mois elle a pas sorti en public ; et vivoit en languissant & avec douleurs grandes. C’est ce qui me résout davantage à acquieser à la volonté de celuy qui a arresté le cours de ses maux pour luy donner le vray repos.

Ma jeune fille accoucha jeudy137 à 4 heures d’une fille qui luy resemble et je me vis en pène de ma femme & de ma fille tout ensemble, car cette-ci fut un jour & demi en travail & fut presques défaillante entièrement, & l’autre défailloit en effet. Ma fille donnera sa fille à nourrir & viendra me gouverner durant sa viduité.

Je sorts d’avec les héritiers de ma bonne femme par le moyen [] testament leur laissant son fonds amélioré & assuré contre les procès tel que [], & outre cela payé six cents vingt livres de lègues dont il y a 300 livres pour faire étudier mon petit-fils, ou luy faire apprendre quelque vocation, Du reste ils ne mettront point de nais en mes affaires. Sans que ma fille se trouve à propos, j’eusse pris nostre sœur et je pourray un jour si Dieu prolonge mes jours & fait trouver honneste parti à ma fille. Je vous prie de prier Dieu qu’il me face trouver soulagement et repos dans le triste estat auquel il m’a

137 Guillaume Rivet a rédigé sa lettre le samedi 19 août 1645. Judith Rivet a accouché le jeudi 17 août et Léa Château est décédée le vendredi 18 août.

Page 73: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

73

réduit ; après m’avoir préparé à iceluy dans un mariage où j’ay eu beaucoup d’espines & cueilli quelques roses.

Je finis près d’aller prendre le repos autant que l’ennuy m’en pourra permettre ; & prie Dieu pour la condinuation de vostre prospérité & de Mademoiselle ma très-chère ssœur avec mes nepveux & niepces vous saluant aussi très-humblement de la part de mes filles & demeurant pour jamais,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le XIXe aoust 1645. Monsieur Rossel qui s’est trouvé aux funérailles de ma bonne compagne vous baise

humblement les mains. Je luy ay leur vostre lettre. Monsieur de Marsilly aussi qui est ici vous salue humblement. Il a esté fort ayse de voir les bonnes nouvelles de Monseigneur le prince de Talmont. On nous parle fort de ce duc de Rohan trouvé. Vous en sçavés des nouvelles.

B. U. Leyde, BPL 287/II/89

17 septembre 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je ne sçay comment j’ay coulé quatre semaines sans vous escrire. Le sujet traite de ma dernière

m’a laissé tout estonné ; et j’ay demeuré jusques ici dans la solitude mélancholique, ma jeune fille ayant esté tellement mal & foible que jusques ici elle n’a pû se commettre à l’air pour pouvoir venir de le basse ville jusques en la haute où je réside. Mais elle commence à se fortifier et j’espère que la semaine prochaine, elle me viendra tenir compagnie. Monsieur Rossel fut ici mercredy y eut huit jours pour baptiser nostre petite Elizabeth Thomas que je présentay avec Madame Thomas du Petit-Port, faisant pour la grand-mère dont le nom a esté donné à l’enfant qui se fait fort bien nourrir.

Je n’ay point eu de vos lettres depuis assés long temps que vous m’en faisiez espérer par le prochain ordinaire. Mais la relation de cette promesse ayant regardé ce qu’on attendoit de vostre grande armée de laquelle nous n’avons pas sçeu que jusques ici elle ait fait autre chose que bénir les ennemis attachés tandis que les nostres ont fait de grands progrès en Flandres, j’ay creu que c’est ce qui vous à retenu. Mais j’espère d’avoir demain response à mon paquet escrit au retour de Poictou.

Depuis, nostre cousin Le Riche de L’Ingaimière, a passé ici allant à Montauban où je l’ay recommendé. C’est un jeune homme de fort bon air & qui tesmoigne vouloir bien faire. Il me prie fort de vous escrire pour luy, vous priant de penser à luy trouver moyen de subsister en vos quartiers. Je croy que la prébende de Groeninghen seroit la meilleure. Vostre charité & prudence y prendra garde. Monsieur Chardevene aura eu contentement. Je n’ay rien reçeu de Monsieur Mestrezat ; & ne sçay comme il aura pris ma despesche car j’ay bien advis de ce qu’il la reçeu.

J’espère que le livre de Monsieur Spanheim ne tardera guères. Il est fort déziré .par les amateurs de la syncère vérité. Je suis après en travail assés important & en latin, dont je vous communiqueray plus particulièrement une autre fois, estant maintenant sur le point de monter en chaire, qui me fait finir par mes prières à Dieu pour la continaution de vostre prospérité & de Madamoiselle ma très chère sœur comme aussi de mes nepveux, Mlle de Mondevis & ses enfens.

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le XVIIe sept. 1645. B. U. Leyde, BPL 287/II/90

Page 74: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

74

1er octobre 1645 - Taillebourg

Monsieur mon très-honoré frère, J’ay reçeu vostre pacquet & vos deux lettres dont la dernière avec la procuration est du 4e de

septembre. En suitte de quoy je m’estois disposé de partir demain pour aller à S. Maixent. Mais cette nuit passée la goutte m’a pris à un pied, dont je cloche. Ainsi, il faudra différer jusques à ce que cette infirmité soit passée. J’espère qu’elle ne me tiendra pas longtemps.

J’ay envoyé à Monsieur Vincent la lettre que vous escrivez à Monsieur Dartois, & l’ay prié d’en faire faire copie, pource que le messager de Bourdeaux à La Rochelle qui n’a pas d’heure assurée, m’a surpris comme j’estois après cette despesche qu’il m’a fallu coupper court. Ce qui a fait que je n’ay pas mesme escrit au dit Sr. Dartois, comme je l’avois proposé. Mais vostre lettre me défend ; Et il m’a fort surpris. Je le trouvay bien froid envers moy à l’abbord ; & me doubtay qu’il n’estoit pas content. Mais je luy communiquay tout les choses principales, l’ayant visité à diverses fois en des occurrences plus importantes, & le traittay de sorte que je le trouvay aussi tout changé en mieux ; et nous retirans, nous allasmes de compagnie jusques à Espanès138 sur le chemin de Niort, nous estans à la séparation acollés avec grande protestation d’amitié, dont aussi vous avez eu l’effet de ma part.

Il me souvient bien que une fois ou deux pource qu’il estoit à ma gauche après le commissaire du Roy, et que Monsieur Rossel adjoint & Monsieur Gautier139 estant à ma droitte, il m’eschappa dans le traversement de diverses pensées de continuer de demender l’advis après ces deux au pasteur plus proche de cette main, & me retournay incontineznt à l’autre main vers ledit Sr. Dartois dont Monsieur Rossel m’advisa doucement et vo[us sa]vez combien cela est aysé. Cet esprit ombrageux a dans sa passion d’aillieurs fait reflexion sur mesgard que Monsieur Rossel mesme m’a dit n’estre advenu guère, car je l’ay veu à Saintes cette semène. Il vous salue très humblement & se sent grandement obligé de vostre souvenir.

Je n’ay rien de Monsieur de Mestrezat, que je sçay avoir reçeu mon paquet il y a près de trois mois. J’appren qu’il a bien tesmoigné n’approuver le dogme de la non imputation du péché d’Adam & trouvé la condemnation juste. Aussi est bien formel ce que vous en alléguez. Mais le [myst]ère d’iniquité és hypothétiques, regarde à nier l’imputation de l’obéissance du Christ, & que nous soyons justes pas là ; quoy que punis en luy.

La Gazette nous a dit une fort mauvaise nouvelle d’Ecosse. Autres nous disent Bristol en Angleterre prise par Fairfax140. C’est un grand point qu’on se soit résolu aux Synodes classes & presbytères. Dieu doint quelque bonne issue à Monseigneur vostre prince, & continue de bénir le fils. Je le prie pour vostre conservation en santé par longs jours, avec Madamoiselle ma très chère sœur, mes nepveux & ma niepce, Mlle de Mondevis. Ma fille qui est avec moy se joint à ses vœux, & je demeure,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le 1 octobre 1645. Je n’avois point sçeu la maladie de mon fils aisné ; duquel les nouvelles qu’il m’envoye ne sont

que pour m’importuner, autrement ne m’escrit-il point. Et je ne luy ay point mandé mon affliction, craignant qu’il ne vint chercher, car il appréhendoit ma pauvre femme qu’il avoit aussi très mal traittée.

138 Espanes (Haute-Garonne) 139 Jacques Gautier, le ministre de Cognac. 140 Après avoir défait Lord Goring le 10 juillet 1645 à Langport, Thomas Fairfax avait enlevé le 11 septembre Bristol au prince Rupert. A la suite de cette nouvelle défaite, Charles Ier démit son neveu de son comamndement des frorces royales.

Page 75: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

75

Je vous prie de me mander par la première en ce que vous sçaurez de Nathanaël Chadeau. Sa mère en est en pène d’autant plus qu’elle ne sçait qu’est devenu son fils aisné qui travailloit à Bourdeaux.

La marque ϖ dit escu, comme celle de // livre. B. U. Leyde, BPL 287/II/91

15 octobre 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’ay reçeu vostre lettre responsive à celle de l’advis de l’affliction dont Dieu m’a visité en

retirant d’avec moy ma bonne compagne ; languissante, voirement, & travaillée au monde, mais dont l’absence m’est tousjours fort dure. Il est vray que j’ay tant plus de sujet de m’adonner davantage aux choses du ciel & de ma charge. Et aussi je voy que Dieu m’a réservé à un temps de combat au dehors & au dedans et dernière estant plus fascheux.

Par le mesme messager qu’est venuë vostre lettre, j’ay eu un gros paquet de Monsieur Mestrezat. Mais c’est qu’il a fait copie de lettre d’escrivain, tout mon escrit & des notes marginales de sa part assée briefves. En effet il n’est point là luy mesme. Jamais ne fut response plus platte, foible, puérile, indigne. Il ne sçait ni acquiescer, ni se défendre, ni attaquer, son esprit luy manquant en cette cause mauvaise. Tenniez-vous bien qu’il n’a ozé entreprendre aucune de mes interprétations des passages de l’escriture ; mesme où je le bafouë & l’oyuë de pervertir les paroles et renverser le sens ? Qu’il ne s’est pû prendre à aucune de mes distinctions ; ne se met à démonter aucun de mes raisonnemens ? Ce ne sont que saillies impuissantes, pétitions de principe, vieilles chansons redites ; chestives objections d’inconvéniens là où il ne peut respondre ; et outre cela quelques chevilles nouvelles pour faire tenir ce qu’il voit que je faisois tomber par mes raisons. Je le croy homme de bien, & bon serviteur de Dieu, qui ne peut, ni ne veut aller contre la lumière qui se fait apercevoir à luy. Mais il est embeguiné, & ne se peut desfaire de ce qu’il a fermement conçeu quoy que mal. Je ne désespère pas de le ramener, luy portant la clarté par tout ubi coespitiet. En effet je luy tien le genou sur le ventre. Et s’il ne se rend, j’espère de l’ayde de Dieu que je le mettray hors de toute défense.

J’achève d’ailleurs mon ouvrage latin qui sera de quelque importance. Cependant Monsieur Spanheim en donnera au chef des hypothétiques. Et vous ferez le tombeau de Grotius pour montrer qu’il est mort en vivant.

Je par après disner pour S. Maixent ; & remets de vous entretenir plus au long à mon retour, vous donnent le bon jour & à Mademoiselle ma sœur, prest d’aller monter en chaire, & me souscrivant de cœur,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le 15 octobre 1645. Ma fille, qui est avec moy, vous baise à tous deux les mains très humblement & à ma niepce

Mlle de Montdevi, comme je fay pareillement. Monsieur de Marsilly enfin vous salue humblement. On nous escrit la perte [de] Bristole & la défaitte du marquis de Montrose141.

J’avois laissé ce mot partant pour S. Maixent afin qu’on le mist dans le paquet de Monsieur du Petit Port, car ledit Sr. s’estant trouvé absent lors, je l’ay retrouvé ici. Et adjousté que j’arrivois hyer au soir à une heure & demie dans la nuit, estant parti d’onze lieues. Au reste, n’ayant trouvé l’affaire preste comme m’avoit promis l’advocat du Roy. Il m’a dit que Monsieur de La Mesleraye avoit dit qu’il faloit voir vostre procuration, & puis contracter. Or il eust esté long d’attendre son à propos. Et pourtant de l’advis des dits advocat ; j’ay donné procuration passée par notaire public à mon cousin Rivet de La Coussaye de contracter pour vous en vertu de la porcuration que vous m’avez envoyé, &

141 Le 11 septembre 1645, le prince Rupert avait remis Bristol à Fairfax et le 13 septembre, le général Leslie avait défait le marquis de Montrose à Philliphaugh. Celui-ci put toutefois s’enfuir à Stirling.

Page 76: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

76

obliger tant vous que moy à la ratification & entretien du contract à pène de tous despens, dommages, & interests et recouvrer l’argent & me le fera tenir par une voye seure que je luy ay ordonnée, & payera les 100 livres au Sr. Dieumegard duquel il tirera cession de l’obligation à vous. J’ay aussi disposé que nostre soeur receust sa rente à Noël. Les 650 livres seront entiers. Veu que ma despense & d’un homme de pied ayant 7 sols par jour & nourri, n’excédent guères les deux escus donné à Ferreau.

Monsieur Vincent a retenu copie de vostre lettre à monsieur d’Artoit, auquel aussi il a escrit de bonne sorte. Mais vous accablés ce personnage en tout, joignant à cette conviction une offre si favorable. Je suis entièrement d’advis que vous mettiés vostre nom à cette enqueste touchant l’imputation du péché d’Adam. Monsieur de Garisoles prépare aussi une défense de l’arrest du Synode142.

B. U. Leyde, BPL 287/II/92

27 octobre 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Monsieur Le Blanc, pasteur de l’Eglise de S. Maixent, mon allié, & à qui j’ay beaucoup

d’obligation affectionnant bien particulièrement le fils d’une damoiselle de Fontainay, qui est à présent à Paris & s’appelle Madamoiselle du Payré, belle-sœur de défunt Monsieur de Beauchamps ; a déziré de moy que je vous priasse d’addresser quelqu’un en vos quartiers qui prist la pène de recevoir l’argent de ce jeune homme pour luy distribuer de temps en temps pour sa nourriture & son vestement par desous sa solde, selon qu’on entend qu’il soit là portant les armes. Je voys bien qu’il feroit scrupule de vous prier de prendre vous mesme ce soin. Combien que occupé à choses plus dignes vous ne vous relaschiez guères quant aux offices qu’on pourroit dézirer de vous notamment de nos cognoissans & amis de deça.

Et j’oseray vous supplier d’en vouloir prendre la pène & m’obliger avec Monsieur Le Blanc, dont je n’oublieray jamais les offices qu’il nous a rendu, consolant nostre père en son extrémité au défaut de nous absens & selon sa charge en ce lieu de nostre naissance outre les maîtres qu’il a d’ailleurs, ses dons & sa noble extraction. Je n’adjouste rien, vous ayant escrit dimanche dernier, sinon que je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère et serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXVIJe octobre 1645. B. U. Leyde, BPL 287/II/93

5 novembre 1645 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Après m’estre un peu reposé du voyage de S. Maixent, j’ay passé huit jours entiers avec

Monsieur Rossel (qui vous salue humblement) à Morans & Arvert où il nous a fallu ouïr tant de plaintes contre les pasteurs de ces Eglises, & combattre avec pène incroyable des passions furieuses, & non avec tout le fruit que j’eusse désiré que j’en suis demeuré estonné. Monsieur de La Monnerie que vous cognoissez est le pasteur d’Arvert143 ; bon homme au fonds, mais si prompt que la moindre parole d’une femme le met aux champs. Ce que s’il ne corrige, je ne croy pas qu’enfin, il ne soit obligé de changer de demeure ; et les non compatibles trouvent difficilement. Car il se trouve ordinairement que naturam furca expellas &c.

142 Ces deux dernières phrases étant illisibles sur le microfilm, nous utilisons la transcription de J. A. M. SCHELLENS, La correspondance entre Guillaume et André Rivet en 1645, op. cit., p. 134. 143 Louis Le Cercler, ministre d’Arvert.

Page 77: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

77

Nous retirans nous avons passé en beau temps la rivière de Seudre pour venir à Marannes, où j’ay veu le collègue144 de Monsieur de Chardavène, beau-père du pasteur de Mornac & père du baillif de Soubize. Tous se trouvent là, ont beu à vostre santé & m’ont chargé de vous baiser les mains de leur part. On a pourveu cette Eglise de là d’un pasteur adjoint qui aura grande pène à visiter les malades par ce grand bourg où on establit un présidial & par les villages qui sont des bourgs ; les gages n’estans que de 500 livres & se loger sur cela, qui ne vaut pas 300 livres ailleurs. J’ayme mieux que mon fils ait plus de repos pour estudier ; & sa condition d’ailleurs est meilleure.

Je vous prie de faire tenir la lettre que j’escri à Monsieur Chardevene pour response à une grande qu’il m’avoit envoyé. Je croy qu’il a présent sa femme & ses enfans. On ne m’a encore rien mandé de S. Maixent. D’ailleurs mes voyages ont interrompu mes estudes de sorte qu’il faudra que Monsieur Mestrezat attende un peu. J’espère pourtant estre aussi prompt que luy si ma main continue à me servir comme elle fait.

Monsieur de Garrissol a advis de vostre enqueste & de ce qu’elle n’oste point le lien à son traitté au fonds. Monsieur Amyrault est après Courcelles, ayant fait une remise à Paris, accoustumé qu’il est à tretter et ce n’est pas sans négotier pour leur faction. N’inserrez vous point les Judaismes de Grotius in Grotiana discussionis decusso ?

Depuis vos dernières, les choses sont devenues fort avantageuses au Parlement en Angleterre & en Ecosse mesme. Et ici parle t-on fort de ce que nos généraux ont passé pour conduire vostre armée où elle est. Dieu doint bien tost la prise de Hulst145 dont ma conséquence seroit grande, & face réussir tout à sa gloire & au bien de ses Eglises, vous conservant longuement pour leur édification & nostre joye & consolation. C’est le souhait de moy, de mon fils que j’ay veu passant à Saujon, & de ma fille demeurante avec moy. J’appren que les autres se portent bien ; & souhaitte qu’ainsi soit de vous & de Mademoiselle ma très chère sœur, vous embrassent tous deux cordialement avec mes chers nepveux & ma niepce Mlle de Mondevis, & ses enfans, comme estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le Ve novembre 1645. Je vous ay prié de m’escrire des nouvelles de Nathanaël Chadeau si vous en sçavez et vous ay

mandé que nostre cousin de Roche est à Montauban, qui espère que vous vous souviendrez de luy, le père, après d’estranges saillies, s’est résolu.

B. U. Leyde, BPL 287/II/94

26 novembre 1645 – Taillebourg A Taillebourg, le XXVJe novembre 1645

Monsieur mon très-honoré frère, J’ay reçeu vos lettres du dis 7bre & 30e octobre ; et ay respondu à toutes celles que vous spécifiez

en icelles reçeues aussi auparavant. Et maintenant apprenant l’heureuse issue du siège de Hulst dont vous m’aviez escrit le commencement, & le grand avancement de depuis, j’en loue Dieu de tout mon cœur ; & aussi de la conservation de Son Altesse parmi ces périls. Car il y [a] huit jours que La Gazette nous a dit la prise de cette place du 5e du courant ; & Monsieur Vincent me l’a confirmé de La Rochelle ; me rendant aussi raison de son entremise envers Monsieur Dartois pour calmer son esprit vaincu par la force de vos lettres. Si bien qu’il vous ait escrit d’un autre stile & recognoissant sa faute.

Je n’ay pas encore respondu à Monsieur Vincent, estant si attaché à Monsieur Mestrezat, que j’oublie toutes autres choses. J’ay en quinze jours de voyage qui ont retardé d’autant le commencement de mon travail ; et depuis y ay vaqué incessamment, avançant maintenant à transcrire

144 Pierre Richer, second ministre de Marennes. 145 Après l’échec de sa tentative sur Anvers, Frédéric-Henri de Nassau avait entrepris le siège de Hulst en Flandres. La chute de cette place le 3 novembre 1645 sera sa dernière grande victoire.

Page 78: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

78

ce qui est parfait il y a 4 jours ; et espérant de luy envoyer sa response par le prochain messager ou au plus tard le suivant. J’auray bien douze fueilles de minute telle que ceci, & plus serré. Je vous diray que je fay bien mesme jugement de le noter que je fi les ayant parcouru & vous en escrivant ; quant à ce qui est de la foiblesse. Mais je voy à présent que la non résistance aux expositions de passages & tant de choses passées sans mot dire sont de cette foiblesse, non de candeur. Car d’aillieurs, je voy une opiniastreté estrange ; & un recours à calomnier, mesme blasphemer là où là raison manque. De sorte que ne faisant pas difficultés que il ne se trouve fort estonné, je n’en espère pas tant bien que je faisoye. Je n’eusse jamais pensé qu’un tel personnage entendist si mal la dispute, où que sa cause ne luy laissant moyen de faire autrement, il n’eust pas mieux aimé se taire. Nous attendons Monsieur Spanheim ; auquel peut estre l’autre pense satisfaire par des saillies pareilles se vantent si mal à propos de réfuter ce qu’il n’a point veu. Et je m’estonne que troublant ainsi l’Eglise de Dieu, il vueille attribuer vostre résistance à défaut d’amitié qu’il n’ait pû gagner par offices. Il s’est tant voulu élever qu’il tresbuchera.

Je vous envoye une lettre de mon bon voisin Monsieur Rossel qui vous parle de cett’affaire. Luy & moy souhaittons grandement cette notable pièce de Monsieur de Saumaise ; dont le sujet grand me fait attendre de très grandes choses d’un si grand homme. J’ay prié Monsieur Druel collègue de Monsieur Rossel fort intelligent à Saumur (qui toutesfois dit n’en approuver les sentimens) de nous en faire venir s’il y en chés son cousin M. de L’Erpinière.

Je vous remercie du souvenir que vous avés eu de Chadeau qui a resjouï la mère ; quoy que nous attendions nouvelles de son issuë en ce siège. Je n’ay encore rien de S. Maixent, mais j’atten des nouvelles demain par le messager ayant chargé nostre nepveu Le Febvre d’envoyer de Brioust un exprès à Monsieur de La Coussay à qui j’escri, & me renvoyer response par le messager qui parle tousjours à luy en passant.

Dieu doint la paix à l’Angleterre & l’Ecosse. La Gazette nous parle de Plymouth encore pressé. Je m’en estonne. Elle dit pourtant Fairfax allant au secours.

Vous aurez sçeu la révolte ouverte du palatin Edouard146 ditte occulté dès son mariage & dispensation à temps de profession à la mode de Monsieur de Bouillon, retiré à Venize pource que le Pape n’a voulu le traitter d’Altesse. Cettuy-ci qui l’a suivi, s’est acquis du pain ici, au lieu que l’autre s’est comme ruiné par sa femme & sa révolte avec les suittes. Je m’estonne fort du traittement fait à ses deux frères147 en Angleterre. On me dit qu’il y a de la jalousie de l’aisné148, logé par le Parlement à Whithal.

Tout mon peuple se porte bien grâces au Seigneur ; particulière notre vefve & sa petite. Elle & moy vous souhaitons & à Madamoiselle ma sœur, mes nepveux, ma niepce Mlle de Mondevis, & ses enfans toute prospérité et vous embrassons cordiallement, notamment,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

J’oubliay de vous mander que vi Monsieur de La Roche-Breuillet à Mornac, qui me chargea de ses baisemains à vous, & de vous prier de vous souvenir de luy pour occasion & temps. Monsieur de Marsilly aussi à qui j’ay fait part de vos nouvelles vous salut très affectueusement.

B. U. Leyde, BPL 287/II/96

146 Edouard de Bavière (1625-1663), huitième enfant de l’Electeur palatin Frédéric V et d’Elisabeth Stuart, avait épousé le 24 février 1645 Anne-Françoise de Gonzague (1616-1684), sœur de la reine de Pologne. 147 A la suite de la capitulation du Rupert à Bristol en septembre 1645, Charles Ier l’avait démis du commandement de l’armée royale. Blessé dans son orgueil, il demanda a être jugé devant une court martial qui le blanchit. Rupert ne joua désormais plus aucun rôle dans l’armée royale et après la chute d’Oxford en 1646, le Parlement le bannit d’Angleterre avec son frère Maurice. 148 Charles-Louis de Bavière (1617-1680), second fils de Frédéric V était devenu l’aîné à la suite de la noyade le 17 janvier 1629 de son frère aîné, Henri-Frédéric. Aux traités de Westphalie, il recouvre une partie des états paternels, le Bas-Palatinat et le titre d’Electeur.

Page 79: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

79

1646 Frédéric-Henri de Nassau nomma André Rivet curateur de l’Ecole illustre qu’il venait de fonder à Bréda. André Rivet, avec déplaisir, dut quitter La Haye pour cette ville du Brabant du Nord.

En cette année 1646, Marie de La Tour d’Auvergne gagna le surnom de “ reine des huguenottes ” en inaugurant les nouveaux temples de Thouars et de Vitré et en invitant fermement André Rivet à se réconcilier avec Moïse Amyraut.

Elie Thomas du Petit Port au grand déplaisir de Guillaume Rivet favorisa le remariage de sa seconde fille, Judith, avec un des frères de sa femme.

2 janvier 1646 - Taillebourg

De Taillebourg, le 2 de l’an 1646 Monsieur mon très-honoré frère, J’ay reçeu vostre paquet du 4e décembre et incontinent envoyé à Monsieur Vincent sa lettre &

celle de Monsieur d’Artois. J’attendray vostre recueil & le gros ouvrage de Monsieur Spanheim qui viendra fort à propos.

Je reçeu hyer lettre de Monsieur Delon qui se tesmoigna très mal satisfait de ceux de Saumur en effet, il escrit contre la non imputation du pesché d’Adam. Et me mande avoir leu soigneusement S. Augustin & trouver que ces Messieurs suivent entièrement les écris des Pélagiens. Il dézire fort que je luy face part de vostre escrit. Mais on a bien mandé qu’ils n’empeschèrent que leurs labeurs ne vinssent à propos. L’équipée de l’espostulateur me fait souvenir de ceux qui vous envoyèrent l’escrit du Jésuite Mousault pour pouvoir s’attacher à vous & vous destacher d’aillieurs. Mais celuy qui ne se peut tenir en sa pène avec de quoy s’employer.

Je ne sçay comme nostre frère de Paris, aura pris ma liberté. Dieu sçay je qu’il m’en a donne juste sujet. Quant à mon ouvrage latin, je vous en envoye le titre, & le plan és parties & chapitres avec leurs arguments. Vous verrez par là de quoy il s’agit. Cette pièce m’a semblé nécessaire, pour ce qu’en Languedoc les pasteurs ne s’estoyent point, ou peu, émeus de l’escrit du Sr. Cader ; & qu’il a fallu que les anciens fussent les plaintifs. Et les pasteurs députés de la ne donnèrent nulles lumières en la chose, d’ailleurs la doctrine de la justice poenale gagne à Saumur & ailleurs sans que personne dit mot mesme donna t’on charge à Monsieur Amyraut de disputer contre Milletière de sa justification durant le National. Enfin il faut donner l’alarme au camp & crier de tous costés pour faire qu’on y pense à bon escient. Et sera à propos qu’après que Monsieur Spnaheim aura paru, je leur en donne par les endroits que vous recognoistrez.

Mais j’ay esté un peu estonné quand j’ay veu que vous parliez de Genève & de ce labeur. Car sur ce que souvent vous m’avez escrit que si j’escrivois en latin, vous pourriez faire imprimer en Hollande, j’ay travaillé sur cette espérance. Joint que je dézire que vous voyez tel escrit devant qu’il paroisse. Car il me semble que sur tout cela j’ay de grandes lumières. Mais pour ce que je ne suis pas partout le chemin battu, je dézire vostre jugement & de Monsieur Spanheim ; & que vous particulièrement, usiés de liberté à corriger ce qui se pourroit la seule demeurant. Tout est achevé, mesme la préface à vous dressée et Dieu aydant, je commenceray avec l’année à transcrire.

J’ay reçeu lettres de S. Maixent du 12e décembre. Esquelles nostre cousin de La Coussaye dit n’avoir pû rien faire ; qu’il vouloit escrire à Nantes à Monsieur le Grand maistre, mais que l’advocat du Roy l’a retenu, disant avoir envoyé un exprès pour des paquets, & qu’à son retour l’affaire se pourra terminer. S’il n’est ainsi, il y a quelque chose. Et je ne doute que ce personnage doublement officier de la Couronne, riche inestimablement, & qui a joint S. Maixent & Parthenay à La Melleray ; lequel quand nos compatriotes pensent complimenter, se trouve presques tousjours choqué ; ains trouva mauvais que vous ne luy ayez escrit & que je ne l’aye esté voir. Si les difficultés continuent, il faudra que vous luy escriviez.

J’ay fort gousté avec Monsieur de Marsilly les avantages de la conqueste de cette année. Dieu veuille affermir [vostre santé] de plus en plus. Mondit Sr. vous salue humblement & Chadeau, que sa mère dézire ne mespriser ni oublier sa chirurgie. Je parleray aussi à Monsieur d’Agonnay qui a tousjours promis de payer, dézirant du temps à cause des grands frais que son fils aisné luy a fait.

Page 80: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

80

Vous aurez à cet heure mon nepveu de Mondevis, à vostre joye & de vostre niepce sa femme. Je prie Dieu qu’il vous doint à tous l’année où nous entrons prospère, & vous conserve longuement en santé avec Madamoiselle ma très-chère sœur & mes nepveux, avec ma niepce & leurs petits. Ma fille vefve se joint à moy. Nous sommes tous en santé grâce au Seigneur. Et je suis de cœur entier,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

B. U. Leyde, BPL 287/II/96

3 février 1646 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Vous aurez reçeu un eschantillon de ma response à Monsieur Mestrezat, lequel accuse la

réception de mon paquet du 20e de décembre, n’ayant pû lire que ma lettre dont vous avez copie d’autant qu’il estoit occupé en l’extraordinaire des actions pour la S. Cène. Il me prie que la chose demeure entre nous, comme pour sa seule satisfaction dit qu’il n’en a communiqué à personne, & que je doibs faire le semblable pour demeurer es termes du National. Et que si d’autres s’eschauffent, nous ne le devons pas. C’est un trait de leur prudence par laquelle ils jugent qu’il feront mieux leurs affaires à couvert & l’éclat évité. Je croy bien qu’ils voudroyent que leur confrère n’eust pas provoqué Monsieur Spanheim duquel nous attendons l’ouvrage avec avidité, comme aussi vostre enqueste, tandis que vous ferés le tombeau de Grotius qui vous y a voulu obliger devant mourir.

Vous aurez veu le plan de mon travail sur la matière de la justification, à la transcription duquel j’ay vaqué depuis le premier de l’un autant que la rigueur du frois & quelque infirmité survenue à ma main l’ont peu permettre. J’en ay treze cahiers ; et y aura une main de ma minute semblable à ceci. Tendis que travaille en cela, & suis assés travaillé d’ailleurs.

M’est venue une grande lettre de Monsieur Chardevene qui m’a esté fort important après deux autres. Et faut que je vous en die quelque chose. Dès lors que je luy rendis mes bons offices pour ses favorables tesmoignages, je sçavois qu’il avoit envoyé un escrit & méditation pour sa famille, & qui fut communiqué à plusieurs autres, comme une telle pièce, où il y avoit des traits qui tesmoygnent en luy un cœur double, & que de tels qu’il semblent adorer, il en mesdisent en dernière non supportablement dans sa vanité. Je l’en réprimay, luy envoyant ce qui luy estoit important ; & passay jusques à luy de dire qu’il avoit besoin de regénération ; assaisonnant d’aillieurs le tout avec tesmoignage de ma dilection. Il ne put supporter cela ; & par sa response s’enferra, & se charger d’avantage me donnant sujet de recharger fortement pour faire qu’il se cognoit. En quoy j’ay perdu ma pène envers un homme qui a beaucoup de langage, peu de raison, et qui n’est pas syncère, ni candide. Il me faudroit faire un volume pour luy marquer ses défauts & j’y travaillerois en vain, ayant d’autres plus importantes occupations. C’est pourquoy je luy escri briefvement résumant les faits dont il couste, & rompant avec luy pour le commerce des lettres, par dire que seulement nous prions Dieu qu’il nous pardonne selon qu’il cognoist nos fautes. Mais parce qu’il y a un chef qui est du jugement de ceux qui entendent comment il faut appliquer les sentences de l’escriture sur lequel luy ayant fait une animavocasion briefve & qui portoit, il m’a fait une réplique impertinente & indigne de response laquelle aussi n’espéroit rien en son endroit. Je vous envoy l’extrait /2/ de son dire par lequel il fait application à l’égard de soy des paroles des Samaritains à la femme149, touchant leur foy en Jésus-Christ qu’elle leur avoit recommendé, puis mon animadversion, & après sa réplique, tout en propres termes, afin que en soit jugé sans plus d’estrif ; & qu’il ait advis de mieux appliquer l’escriture & […] de sa raison. Que s’il vouloit plus m’importuner de ses lettres, vous les addressant. Je vous prie de les luy renvoyer.

149 “ Ce n’est plus à cause de ce que tu as dit que nous croyons ; car nous l’avons entendu nous-mêmes, et nous savons qu’il est vraiment le sauveur du monde ” (Jean 4, 42).

Page 81: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

81

J’ay bien une autre chose dans la teste qui me travaille fort. J’espérois que ma jeune fille me soulageroit quelque temps, & attendroit patiamment que Dieu luy addressast avec le temps quelque bon parti. Mais il est advenu que des proches de son défunt mary, desquels je n’eusse pas pensé qu’ils l’entretinssent de mariage dans l’année de son dueil, luy ont à mon desça & à l’occasion des visites chai son beau-frère, Monsieur Thomas du Petit-Port, luy parla de la marier avec un frère de Madame Thomas, le personnage s’estant en […] ouvert à elle de son dessein et depuis quatre mois en ça, cela a esté mené là, & le […] la nourrice de la petite. Si bien qu’elle est imprimée tout a fait de l’amour de cet homme et on m’en a parlé après l’avoir gagné.

Le personnage est aimable & aimé de tout le monde ici, de bon esprit, actif, industrieux, vaillant & capable de toute affaire que peut un homme non lettré. Il a grandement aydé à la fortune de son beau-frère, & à toutes ses affaires, l’a empesché d’estre pris en une occasion importante ayant en chemise repoussé deux archers antrés en sa maison. Madame la duchesse de La Trémoille l’a demandé pour estre œconome de sa maison, recognoissant sa capacité, de quoy s’escusa honnestement. Mais le mal est qu’il n’a que deux mille Francs de fonds et employ dans le trafiq du sel ici, avec une recepte sans risque qu’il fait ici, dont il []version. Son beau-frère promettant de l’associer en quelque portion de ferme, le faire a[] par sa mère, son frère avec luy pour curateur du bien de la petite sans rendre compte l’entretenant jusques à certain temps, le loger en corps de logis, à part chai luy.

On m’adjouste que la grand-mère de la petite le désire, que ce sera un moyen de l’obliger à ne la désavantager, crainte que si Dieu la retiroit le bien allast à des estrangers, qu’elle & les autres tiendront cettuy-ci comme le défunt. On me représente la difficulté de retenir une jeune vefve contre sa volonté. J’ay néantmoins rompu tout à fait par ma response, dont j’ay pour froid & à demi ennemis ceux que je tenoy pour mes meilleurs amis. Et après tout ma fille ayant promis de se tenir à ce que j’ordonnerois ; dit il y a deux jours à son frère qu’elle n’en auroit jamais d’autre, quoy qu’on fist penser que[] est, me pène.

Je luy avois parlé d’un pasteur personnage doué de beaux dons, & qui aura quelque bien ; elle me respondit vouloir un marchand & s’aymer à recevoir comptes & occuper son esprit en action. Et si on luy en présente un qui soit bien conditionné, comme il m’en a esté parlé, elle ne le prendra pas. Dieu luy doint de se ranger à son devoir & me croire.

Je vous prie de faire tenir Nathanaël Chadeau dix-huit livres, que je vous envoyeray par la première voye seure. Je le prends sur un petit lègue de ma femme à luy & à ses frères. Je n’ay nulle nouvelle de se mai[…] et pense qu’il faudra attendre Monsieur le grand maistre à retourner en Poictou ; & que /3/ sera nécessaire que luy escriviez une honneste lettre. J’appris hyer qu’il a le Sr. de Chaillonnaye pour gouverneur de son fils et m’en estonnay. Cet homme nous est fort ennemi. Mais il n’y a nulle apparence de retenir vostre bien & avoir payé tous les consorts. Il faut toutesfois y aller doucement, comme vous sçavés trop mieux. J’auray un peu plus de pène pour l’envoy & réception de mes lettres dans l’irritation des alliés de ma fille tant qu’elle durera. Je prie Dieu qu’il maintienne en santé et prospérité avec Madamoiselle ma très-chère sœur, & mes nepveux, ensemble Mlle du Mondevis, ma niepce. Nostre vevfe amoureuse vous salue aussi humblement ; comme je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le 3e febvrier 1646. B. U. Leyde, BPL 287/II/98

Sans lieu ni date Je vous prie de voir ou plustost en faire jugs quelques graves personnages pour ce que vous y

pourriez avoir quelque interest, qui a tort de Monsieur Chardevene ou de moy, en ce qui suit : Ecrivant lettre du 25e septembre portant à propos de son introduction en l’Eglise de Bois-le-Duc

et des recommandations qu’il pourroit avoir eu, il dit : “ Combien que mesme un Ange qui fust descendu du ciel pour me recommander, n’eust rien profité envers ce troupeau, qui est en possession

Page 82: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

82

de dire comme les Samaritains, ce n’est plus pour la parole que nous croyons, car nous mesmes l’avons ouï ”.

Luy respondant du 5e de novembre je di à cela : “ Vous vous mettez bien hautainement (pour vous en parler fort doucement) en la place de Jésus-Christ faisant par sa parole que les Samaritains creussent en luy pour l’avoir ouï ; & non pour la parole de la femme qui avoit dit : Venez & voyez un homme qui &c. Cettuy-ci n’est-il point le Christ ?150 Aussi le peuple de Dieu est en possession de parler ainsi à des pasteurs tels que vous, touchant Christ ; non à d’autres touchant quelcun tel qu’eux ”.

Il a répliqué du 19 décembre sur le 4e de S. Jean : “ Ce n’est plus pour ta parole &c ”. Vous improuvez fort doucement, comme vous scavez, l’application que j’en fai. Et moy sans fait comme Dieu sçait, je la soustien contre vous & fort briefvement. Je n’ay pas ainsi appris Christ de m’arroger ce qui se dit de luy ou essentiellement ou personnellement, ou de ses actions incommunicables à la créature. C’est à faire aux Jésuites qui se révestent insolemment de son nom ; et à ceux de l’ordre de S. François qui donnent à leur parade patron des impudentes & blasphématoires conformités avec Christ je ne m’advienne que je songe à aucune égalité ou identité avec luy, mais bien à une analogie & convenance, laquelle ceux qui ont les sens exercités & sont nourris és paroles de la foy voyent par plusieurs rapport dans l’Escriture, et particulièrement par celluy-ci, que luy estant ministre & nous estans honorés par luy d’un mesme titre, ce qui se dit du ministère de l’un se peut dire de l’autre, comme en ce fait, par analogie de tous. Ainsi je vous nie très fortement qu’en ce sans le passage ne soit très-bien adapté à ceux de nostre Eglise à mon regard. Et en cela véritablement estes vous sans fard. Car vous avez tout à descouvert destourné la comparaison à la fin du discours des Samaritains ; Nous sçavons que cettuy-ci est véritablement le Christ le Sauveur du monde, ce qui est un nobi me tengere aux Anges mesmes ; au lieu qu’elle alloit tout droit à leur commencement, ce n’est pas pour la parole que nous croyons (c’est à dire pour les recommandations faites pour le pasteur lesquelles peuvent aller ad posteriore analytica) car nous mesmes l’avons ouï, qui vous escoute il m’escoute non seulement pour croire, mais aussi pour recevoir ceux par le ministère desquels on doibt croire, comme Jésus-Christ a voulu estre reçeu sans estres recommendé d’ailleurs que de sa doctrine.

Je sçay que quant la philosophie seroit ensevelie dans le puist de Benonise, vous la remettriez sur son throne, mais elle s’émousse aussi bien que la théologie quand on est en cholère, cela passe quant on n’agist que contre un chétif frère comme je suis /2/ mais vous estes trop prudent pour raisonner ainsi en d’autres matières contre és adversaires de la vérité. Car vous sçavés qu’ils enlèveroyent la pièce. Assurément il croit l’avoir enlevé, & fait un chef d’œuvre en ce beau discours et je confesse que j’aurois bien de la pène à le demesler. J’en demande seulement l’advis aux entendus, qui soit signifié à luy & à moy pour l’instruction de qui à besoin.

Guill. Rivet B. U. Leyde, BPL 287/II/99

24 février 1646 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’ay reçeu vos deux lettres du XVe janvier et du XXIXe. Vous aurez bientost celle en laquelle je

parle de Monsieur Chardevène, de vostre affaire de S. Maixent (dont Monsieur Blanc, qui a esté ici, m’a promis de s’enquérir & m’informer bientost) et de ma mauvaise affaire , à laquelle quelque obstacle que j’apporte, je me voy forcé pas les déplaisirs que j’ay d’intelligences continuées & d’entreveues que je ne peux empescher ; n’estant pas comme d’une fille qui n’eut esté mariée. Je ne peux digérer de faire une telle chose à contre cœur et quoy que le personnage m’est esté agréable, s’il eust eu plus de bien. Je me tiens si offensé de ce que on m’a desrobé l’affection de ma fille, qu’elle misère me déplaire, & qu’à pène pourray-je déposer le sentiment de cette désobéissance.

Ces perplexités m’ont retenu de vous escrire si fréquemment, tandis pourtant que après vous avoir envoyé un spécimen de ma response à Monsieur Mestrezat, j’ay pris mon temps pour mettre au net mon escrit de justifis qui a 26 grandes fueilles. Monsieur Rossel a veu le tout à mesure que

150 Jean 4, 29.

Page 83: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

83

j’avançois, & m’a aydé en marquant les fautes de la plume. Il en fait de grandes louanges, & croit que cet ouvrage sera utile à l’Eglise de Dieu ; me mandant qu’il trouve tout excellent. Je m’en vay en voyer à Messieurs Guyot & Chesneau qui ont charge d’examinateurs en nostre colloque protempor. Ils ne seront pas si exacts que Monssieur Rossel, qui vous remercie grandement de l’honneur que vous luy avez fait en vostre response à sa lettre. Il m’a parlé de vous assurer qu’il s’employera avec Monsieur Vincent & moy pour le débit des livres de Monsieur Spanheim que nous attendrons avec ardeur. Il est vray qu’il faudra s’estendre contre ces gens là, qui faisant ostentation de leurs airs de raisons, se retiennent tant qu’ils peuvent, se tenant à laquel pour prendre quelque mot & laisser quelques traits sans suites de raisonnement. Comme vous venez en Monsieur Mestrezat, dont ayant repris à copies m’a dupliqué je vous envoye cinq feuilles, que le reste suivra bientost, Dieu aydant. Car d’aide d’ailleurs je n’en puis avoir escrivant si serré, & changeant beaucoup quant je revoy ; qu’il n’y a que Messieurs Rossel & Vincent qui sz ouissent se mesler de mes minutes. Vous verrez en toute la suitte, que il faudroit une grande patience pour supprimer les opiniastretés, cavillations, & grandes rimes, défaut au fond, d’un tel personnage ; et que ma lettre bien dure parmi les insinuations, est bien raison noble. Monsieur Blanc qui a aussi promis de travailler pour le débit des livres de Monsieur Spanheim, & emporté copie du désalve du Synode à Londres qu’il communiquera en Poictou. Vous faictes fort bien de ne recevoir rien de la main de celuy qui est démenti ; qui aura de quoy s’exercer. Ils ne s’attendent pas d’estre pris par d’autres endroits, comme ils seront de ma part Dieu aydant car l’exposition donné à vostre lettre & vostre promesse raisonnée, me font espérer que les signes ne manqueront pas mon escrit dans mon cabinet. Vous joignez aussi l’ayde que je pourray avoir de Monsieur Spanheim, auquel d’ailleurs j’au de grandes obligations pour l’honneur qu’il me fait, continuant de me tirer de l’obscurité par la souvenance qu’il luy plaist avoir de moy dans doctes lucubrations. Dieu vous veuille fortifier tous deux en ces saints combats.

J’ay loué Dieu d’apprendre que Son Altesse se portoit mieux. Car j'estoye fort en pène de son mauvais estat de sa santé. Pour Monseigneur le prince de Talmont, il est jeune et Monseigneur son père à bien eu une telle ataque de défluxions sans suite de goutes. Elles ne m’ont point arresté grâce à Dieu ; et ne m’ont empesché d’escrire devant cet hyver que deux jours durant ; point de sortir & de prescher.

J’ay esté fort ayse d’apprendre & de communiquer ce que vous me mendez de la conférence de Thorn, dont je remercie bien fort. Dieu doint à l’Angleterre de s’accomoder. Je verray avec grand contentement des pièces de mon nepveu, M. de Mondevis. Je m’attendois aussi à son paris.

Pour nostre cousin, Le Riche, il est de 19 à 20 ans, de taille belle & bonne façon, son parler & son entregents bon & honneste. Il avoit appris ses humanités, estudie en philosophie à Poictiers. Mais il a recommencé à Montauban pour se bien fonder. Messieurs de Chaurray, Regné & autres fournissent à son entretien que Monsieur Blanc accueille & envoye. Je vous salue & embrasse cordialement avec Madamoiselle ma très chère sœur, mon nepveu & ma niepce avec leurs petits ; et priant Dieu pour vostre prospérité & conservation à son Eglise & à nostre joye & consolation, suis, comme vous sçavez,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXIVe febvrier 1646. Je tascheray d’envoyer mon escrit à Monsieur de La Trosnière au plustost. Mon ouvrage, qui est

à Genève, touche principalement S. Augustin, duquel je tire un traitté complet de l’Eucharistie. Théodoric n’est qu’en accessoire. Si Monsieur Morus ne respont à Monsieur Vincent qui a offert 100 livres, nous escrirons à Messieurs Leger & Pictet comme dirigés de vostre part.

B. U. Leyde, BPL 287/II/101

25 mars 1646 - Taillebourg

Page 84: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

84

Monsieur mon très-honoré frère, Vous sçavez que ce que ceux de nostre profession ont de plus illustre & important dans cest

Estat consiste és Cours & Chambres souveraines establies selon l’Edit ; & que particulièrement le mi-parties comme elle est celle de Guyenne à présente séante à Bourdeaux151, sont un grand soustien de nos vies, biens & honneurs. Dont aussi il nous importe grandement que tels d’entre les nostres qu’on destine pour entrer en si hautes charges soyent instruits bien particulièrement & fortifiés puissamment en la piété & au droit, pour avoir l’affection & suffiance requise. C’est ce qui a fait que les proches de feu Monsieur de Launay de Vivans152, qui a esté un conseiller notable de la chambre de Guyenne lors séante à Agen & durant quelque temps à Bazas ; et estant en réputation d’un des plus puissans & indéfatigales esprits de tout le parlement ; ont pensé d’envoyer Monsieur son fils, nommé aussi de Launay-Vivans153 en une des universités des Provinces-Unies des Pays-Bas, à ce quy faisant ses estudes en jurisprudence, il se confirme aussi & s’instruise de plus en plus en la piété ; et Monsieur de Poulignac, gentilhomme craignant Dieu, prend la pène de le conduire là.

Mais ces Messieurs ne sçachan pas assurément quelle université est la meilleure & plus complette ont déziré que vous fussiez consulé là dessus, afin que le choix en soit selon vostre advis, & qu’un jeune gentilhomme de telle espérence, vous estant recommandé, il vous plûst d’en prendre soin bien particulièrement pour luy départir vos bons & salutaires advis ; en toutes occasions, & luy rendre vos offices possibles.

J’ay proposé de vous en supplier par estraordinaire, au dela toutes les recommandations que vous ayez eu de ma part. Et je sçay que la simple déclaration du sujet vous seroit plus que suffisante. Mais je suis tellement obligé à la mémoire de feu Monsieur de Launay de Vivans duquel tant à Agen qu’à Bajas, j’ay autresfois reçeu tant de tesmoignages de bienveillance & d’affection pour la conservation de mon droit, que je ne peux ne radjouster point. L’histoire aussi vous aura fait cognoistre le nom & la maison. Particulièrement aussi Monsieur de Ségur154, oncle par alliance du fils de cet illustre personnage défunt, estant le principal de ceux qui le dirigent ; comme sans contredit & de l’aveu de Messieurs les Catholiques Romains, il est un des plus suffisans & assurés juges du du Royaume ; auquel j’ay des obligations très particulières. Je ne peux pas me tenir de vous redoubler mes instantes prières. Quoy que les seuls noms que vous sçavez trop mieux, vous eussent assés indui à ne rien obmettre de vostre possibles. Mais il est vray qu’en cela ayant égard à si dignes & illustres personnages, voire à la gloire de Dieu, vous continuerez d’obliger bien particulièrement & par dessus tout le passé de tel ordre & raison, celuy que vous cognoissez,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXVe mars 1646. B. U. Leyde, BPL 287/II/102

9 avril 1646 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère,

151 La chambre de Guyenne siégea à Nérac jusqu’en 1621, puis à Agen et enfin en 1640 à Bordeaux. 152 Jacques de Vivans, né en 1596, seigneur de Launay, un huguenot, était devenu en 1620 conseiller à la chambre de l’Edit de Guyenne. Frères HAAG, La France protestante, tome IX, p. 524. 153 Jean de Vivans, seigneur de Launay, fils aîné de Jacques de Vivans et de Marie Denis, acquit en 1651 la charge de conseiller en la chambre de l’Edit laissée vacante par son oncle par alliance Joseph de Ségur. Il mourut en charge le 8 décembre 1691. P. L. COŸNE, Dictionnaire des familles protestantes de Bordeaux au XVIIe siècle, op. cit., tome VIII, p. 64. 154 Joseph de Ségur († 1651), sieur de Grand Puch, conseiller huguenot en la chambre de l’Edit de Guyenne. Son neveu, Léonor de Ségur († 1682), vicomte de Cabanac, avait épousé en 1643 Jeanne de Vivans de Launay, fille de Jacques de Vivans de Launay et de Marie Denis. P. L. COŸNE, Dictionnaire des familles protestantes de Bordeaux au XVIIe siècle, op. cit., tome VII, p. 36-37.

Page 85: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

85

Vous aurez eu trois paquets de ma part. Le premier ayant une lettre pour Monsieur Chardevène & un mémoire le concernant ; lequel paquet aura esté gardé huit jours à Paris, puis que vous ne l’aviez pas le 5e de mars ; comme vostre lettre dernière de tel date y a séjourné autant ne m’ayant esté rendu qu’au bout d’un mois. Les deux autres de ma part estans consécutifs, contenoyent chacun cinq cahiers de ma response à Monsieur Mestrezat & en faisoyent le tout avec les deux cahiers précédens. Je ne sçay s’il me prépare nouvelle besongne, mais j’ay recognu par l’accusation qu’il me fit de mon paquet, qu’il estoit bien résolu de tenir le tout caché de son costé me priant d’en faire le mesme du mien ; & me ramentevant que comme je luy avois mandé que je n’avois communiqué mon escrit premier qu’à Monsieur Vincent comme à un autre moy-mesme, il s’estoit retenu de le communiquer avec ses notes hormis à un seul qui est Monsieur Drelincourt pour ne faire que le pareil sur ce que ledit Sr. duquel il s’estoit enquis de voyr pour m’envoyer sa response le luy avoit instamment demandé à voir. Mais il s’est mespris en cela. Je luy avois escrit qu’outre l’exemplaire que j’avois par devers moy, & celuy que Monsieur Rossel porta à Charenton lequel j’avois retiré pour le luy envoyer, il n’y en avoit qu’une autre que je vous avois envoyé tout premièrement ; ayant déziré vostre advis sur telles matières & questions devant que produire ce que j’avois mandaté.

Et pour Monsieur Vincent, ce qu […]y avoir parlé de luy n’estoit à propos de ce qu’il pourroit sembler avoir sujet de se plaindre de ce que j’estois jusques au 1er juillet 1641 à luy respondre à une lettre commise à Monsieur Vincent en recognoissant dès la fin de janvier de mesme année. Mais il s’est m’esprit comme quant à une lettre de mon jeune fils l’appelant Monsieur Chesti père, signant Est. Rivet, & d’abord de Saujon, il fit response luy représentant que c’estoit luy qui devoit plustost luy donner titre de père, & ainsi le prenant pour moy. Et assurément quand il verra par la mention que Monsieur Spanheim fait de moy que il vous auray envoyé mon escrit, il se plaindra de ce que j’auray fait autrement que je ne disoye. Mais j’ay copie de toutes mes lettres et ne cuide pas que pour luy il se retienne de communiquer à ceux de son sentiment crés qu’il se cache des autres. De moy, je luy ay franchement déclaré que je ne croyois pas devoir tenir caché mes labeurs qui pourroyent servir à d’autres pour les esclaircir & qui en auroyent besoin. Mais pour eux, ils font tout avec finesse. Ce que nostre province a escrit à celle d’Anjou, je vous l’avois bien escrit et véritablement tout nostre corps fut tellement offensé de voir qu’on avoit des libraires debitans à la porte de nostre assemblée l’escrit de Monsieur Amyraut que nous tenons opposé à la doctrine de nos Eglises, qu’apprenans de nos députés qu’il avoit promis de le supprimer en ayant toutes les copies par devers soy ; & que cependant ayant demandé s’il seroit obligé de se taire en cas que de dehors le Royaume on l’attaquerait ; sur quoy on l’auroit remis à prudence l’advis de sa province ; nous creusmes que puis qu’il avoit laissé aller son escrit contre sa promesse, il devoit en supporter la réfutation ; & que s’il rescrivoit au contraire, ce seroit une débat qui feroit partis. Et ainsi pensa à descharger nos consciences en escrivant à la province qui devoit résoudre de ce qui luy devroit estre permis ou non, nostre sentiment pour y avoir tel ayant qu’il y verroyent devoir faire.

Et ces Messieurs qui s’en offenssent n’en ont pas de sujet. Or attendons nous au premier beau temps ce que vous nous promettez & dans un autre temps vostre grande & notable pièce contre Grotius. C’est une merveille pour d’autres que vous ayez tant travaillé en si peu de temps. Mais c’est vostre ordinaire pourtant. J’atten mes Exercitationes de nos examinateurs dont Monsieur Chesneau est l’un, qui a esté retenu par avoir enterré son frère à La Rochelle, notaire royal, très-employé & de notable conseil & fort assuré.

J’ay Dieu merci esté en santé tout l’hyver n’ayant esté retenu que deux jours d’escrire par infirmité à la main. Et à présent suis en vigueur, résolu au mariage de ma fille & prêt de passer contract puisque je ne m’en peux empescher, elle le voulant si résolument. J’espère bien beaucoup de ce jeune homme. Mais je voulois un homme de lettre & de nostre profession, en ayant un en main fils de mon bon ami & voisin qui vous salue humblement ; comme je fay cordialement & ma fille avec moy, baisans humblement les mains à Madamoiselle ma très chère sœur que Dieu vueille fortifier & conserver à vous & vous à elle & à l’église de Dieu. J’adjouste aussi que de bon cœur j’embrasse mes nepveux & ma niepce […] loué fort de son œconomie. Dieu le bénit & mon nepveu son frère à vostre joye & de,

Monsieur mon très-honoré frère,

Page 86: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

86

Vostre très humble & très affectionné frère & serviteur.

Guill. Rivet Je vous supplie que Monsieur Spanheim sçache que je luy baise très-humblement le smains ; &

prie Dieu qu’il espandises bénédictions sur ses saincts labeurs. B. U. Leyde, BPL 287/II/105

15 avril 1646 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’atten que vous accusiez la réception de mes paquets et vous diray cependant qu’ayez retiré

mon escrit latin de Messieurs les examinateurs qui luy donnent une honorable éloge. Je l’ay envoyé à Monsieur Vincent afin que trouvant occasion seure par ami ou par le messager qui est de la Religion, il l’envoye à Monsieur de La Trosnière pour le vous faire tenir. Il est vray que j’ay retenu la dernière fueille parce qu’ayant veu des thèses de Monsieur Amyraut De Spiritu servitatis que je trouve dangereuses, & par lesquelles failles soustenir au fils d’un pasteur de cette province, il a triomphé du père & de ce jeune homme qui n’en comprenoit pas le mal & n’avoit voulu soustenir des thèses de Monsieur de La Place De Sacramentis pour ce qu’il mine en icelle que la Pasque fust un sacrement & n’en fairoit quant outre j’espère pourtant prévenir le temps que Monsieur Vincent envoyera à Paris, & dans deux ou trois jours luy renvoyerois cette dernière fueille & l’appendix.

Si les fiances de ma fille arrestées à jeudy & qui m’obligent d’aller demain à Saintes pour communiquer la minute du contrat au conseil, ne m’occupoyent. Ce m’est une nécessité, Dieu luy doint de s’en trouver bien. Ils demeureront sur la rivière en un apartement du logis de Monsieur de Petit-Port et ce personnage négotier pour les deux le sel, outre une recepte qu’il fait ayant bureau là dedans. Cela fait que tout éloigné que je suis du temple & trop près de l’eau et du bruit des barques & galériens & autres marchans que mesme me sçachant là n’y n’ayent pas si librement, je ne peux estre avec eux non logés, aussi assés à large pour cela. Et je désire d’estre maistre d’un foyer, pourtant j’ay fait marché avec une vielle fille propre à me servir. Nostre sœur estant un peu libertine qui ne peut demeurer plus de quatre jours chés ses gendres sans retourner en sa maison ; et ainsi me laisseroit quant la fantaisie la prendroit, & cuideront me fort obliger joint qu’elle ne me semble assés respectueuse pour continuer & s’aseujettir. Je trouve bien que ma solitude sera ennuyeuse ; mais Dieu m’appelle à cela. Il faut acquiescer à sa volonté ; & luy servir avec tant plus d’assiduité. Je le prie qu’il me le doint & qu’il vous conserve longuement à sa gloire avec Madamoiselle ma sœur, mes nepveux & nièpces. Ma fille & son promis vous baisent à tous très humblement les mains ; comme je demeure,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le XVe apvril 1646. B. U. Leyde, BPL 287/II/106

30 avril 1646 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’ay reçeu tout à la fois vos dépesches du 26e mars & 2e apvril par icelle j’ay esté tiré hors de

pène apprenant la continuation de vostre santé & la convalescence en fortification de Madamoiselle ma très chère sœur de laquelle les incommodités & infirmités senties de l’hyver, me touschent très vivement, car si son affection luy fait prendre part à mes biens ou à mes maux, j’en suis véritablement de mesme en son endroit et prie Dieu de tout mon cœur qu’affermissant sa santé, il vous la conserve longuement à vostre soulagement et consolation. J’avois appris quelque chose du meilleur estat de

Page 87: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

87

Monsieur son père ; & me suis esjoui de la voir si particulièrement spécifié en la vostre. Nous avons bien besoin que nous demeurent tels personnages pour se tenir en la brêche que d’autres font & la réponse.

Monsieur de Marsilly est ici qui vous salue humblement & me dit qu’à Thouars le pasteur155 dit tousjours que nostre opposition vient d’animosité, parlant de vous & de moy, mais j’espère que la vérité parlera plus hautement.

J’ay reçeu les 4 exemplaires de vostre collection addressés à mon gendre qui trouvant le pacquet ouvert par un bout d’usure en la poche & y voyant un mémoire par lequel un estoit destiné à Monsieur Vincent le luy délivra. Des trois autres, j’ay rendu à Monsieur Rossel le sien qui vous en remercie très-humblement. Et j’en envoye un autre à Monsieur Delon.

J’ay veu une lettre de Monsieur Garrissoles qui tesmoigne estre fort joyeux que vous ayez entrepris ce labeur duquel vous vous pourriez mieux acquitter que luy dans vostre grande lecture, & l’intendance de vos livres. Il dit que pour les anciens vous n’aurez rettiré à son advis le passage exellent de S. Augustin qui est en son opus imperpétum in pationum [] en ces termes auxquels soubs la subtilité du monde ne sçauroit rien opposer. Inteligens sic imputeri parvalis gennatis injustitiam primi hominis ad intenndum judicium, quemad modum imputatur parrolis regeneratis justitia secundi hominis ad oblinnadum ergeum volumen.

Et je croy qu’entre ceux que vous cités comme allégués au long par Vossius, c’est celuy que vous cottez lab. 1 in pat. Imp. XXXIII. Mais l’ayant cerché en exemplaire de S. Augustin qui est l’in-8° d’Honorati, je n’ay trouvé que trois chapitres combien que le livres soit fort grand. Et ne doubte pas qu’en d’autres le nombre ,(e, soit multiplié.

Le dit Sieur escrit que Monsieur Basnage luy mande qu’on a publié qu’il n’a voulu continuer l’entretien avec Monsieur de La Place pour venir au fonds de la question. Le fait estant que peu après son arrivée de Paris à Montauban il reçut une lettre de Monsieur de La Place s’enquérant de luy si le Synode entendoit parler de la postérieure imputation ou de la prieure ; appellant prieure celle qui précéda la corruption, & postérieure celle qui l’a fait par laquelle dit-il nous soyons estimés coupables à cause de la corruption qui est dedans nous inhérente, comme si nous avions commis le pêché d’Adam. Car comme de similitude pour dire aussi bien que si le Synode n’a entendu parler que de la postérieure comme il l’explique, il acquiessoit. Si de la première, il en est bien marry pour le mal qui pouvoit naistre de telle détermination. Ledit Sr. respondit que cette distinction estant apporté par Monsieur Amyraud dans le Synode sur la fin de la dispute, n’empescha que le demi ne fut formé tel. Puis il luy monstre que cette distinction est illusoire, quant à faire une imputation du pêché d’Adam de l’imputation de la corruption propre que tien chacun en soy. Et qu’ainsi tenant dans ses thèses les raisons de nos docteurs pour les réfuter, il a clairement voulu dessentir d’avec nous.

Cette response envoyée, avec une autre de Monsieur Delon l’exhortant à acquiesser, sa réplique fut pour plaindre sur la procédure du Synode au termes assés fascheux & puis venant à la question il taschoit de respondre à ce qu’ils luy avoyent manqué dans leurs lettres. Ce que leur Académie ayant veu, elle ne trouva pas bon de continuer cette condition, iceluy sera chargé par la première de travailler sur cette matière pour la porter au prochain National qui coupera broche. Néantmoins qu’on juge à propos qu’il respondit satisfaisant touchant la procédure de Synode duquel il disoit qu’il l’avoit condemné sans l’ouïr, qu’on avoit mis parmi les juges ses parties, qu’une partie des juges ignoroyent la question, & qu’il se consoloit de ce qu’on faisoit envers luy ce qu’autrefois ceux qui avoyent l’auctorité ont fait contre Jésus Christ & les Apostres & les Martyrs. Que response faite à cela la chose s’est arrestée & qu’ils n(ont continué ce commerce.

Monsieur Rossel me mande que le Synode ne devoit tenir de long temps, il luy semble qu’il falloit respondre au fonds. Mais de ma part j’estime que comme ainsi, soit que ces gens demandent que la chose soit mise à procès ordinaire, et ne les tant presser que sur l’authorité du jugement péremptoire. Et ce que vous avés fait, demeure fort bien en ces heures, & est pour les accabler ; vostre action estant très-puissante, & ne mettant pas la chose de nouveau en débat. C’est chose agréable à voir que ce consentement de tout du tesmoins rapporté si diligemment & si judicieusement. Et est très 155 Jean Chabrol, frère de l’avocat au parlement de Paris et ancien de l’église de Charenton Jacques Chabrol, était ministre de Thouars depuis 1637.

Page 88: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

88

considérable l’approbation avantageuse de la faculté théologique de Leyden & leur grave jugement. Nous attendons la flotte & les livres que vous envoyez. Et je remets à ce temps de respondre à Monsieur Spanheim, que je salue très humblement. J’y esté fort ayse que vous m’ayez donné l’advis de ce mauvais vent qui a cours en Hollande touchant […]156 veut estre gourmandé & tenue en bride. J’estime que ce gouvernement leur estoit plus seur, mais Rome d’ailleurs avoit ouverture pour entrer. Dieu leur veuille toucher le cœur & avoir pitié de son Eglise, au moins adis ut illi sed pax a filiis suis.

Au reste, mon œuvre De justif. est, comme je croy, entre les mains de Monsieur de La Trosnière, Monsieur Vincent ayant trouvé un ami qui s’en est chargé jusques là. Quand il sera parvenu à vous, je vous prie d’user de toute liberté pour corriger selon vostre jugement. J’attend des nouvelles de vostre affaire de S. Maixent, & ce qu’aura fait Monsieur de La Bouchetière, qui en devoit parler à Monsieur de La Melleraye, lequel est à présent en sa maison.

J’ay fiancé ma fille sur les raisons que vous me touchez ; & espère beaucoup du personnage. Moy & elle, comme aussi mes autres enfans vous saluons & embrassons très affectueusement & humblement avec Mademoiselle ma sœur & mes nepveux & niepces ; comme je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

B. U. Leyde, BPL 287/II/107

27 mai 1646 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je n’avois point reçeu lettre devant la vostre du 23 apvril qui accusast la réception de tous mes

cahiers, dont la longueur vous aura pû ennuyer. Et vos autres occupations estant si grandes & si utiles. Mesmes vous aurez à présent, comme j’espère, mon ouvrage latin qui requière vostre attention & correction avec support.

Le flotte de Hollande est arrivée ; & quoy que je n’aye encore rien reçu, j’ay sçeu que le Sieur Figuier de Marenne atendoit là son coffre pour m’envoyer un paquet de livre qu’il a. Et un fils de feu Monsieur le Président Charron, qui m’a veu, a dit en avoir laissé un autre pour moy entre les mains de Monsieur Vincent. Ainsi à la veille d’avoir le tout.

Le 10e de may, j’avois ici Messieurs Vincent & Le Bloy ayant esté avec Monsieur Rossel contribué juge entre le dit Sr. Le Bloy & Monsieur du Moutier sur un nouche du fils du dernier de la fille de M. Le Bloy. Ce ne fut pas sans parler de vous, & vous sousgaitter prospérités & bénédictions. Comme deux jours après à la visite dont m’honorèrent Messieurs de La Magdelaine-Le Coq & son frère qui le suit d’aage, lesquels vous avez veu tous deux en Hollande. Ils sont fort sages & honnestes. Et toute cette maison fort recognoissante de vos grands offices.

Je ne sçavois pas le décès de Monsieur Polyander157 : l’aage l’appeloit. Mais c’estoit un très digne personnage, duquel je suis bien ayse qu’il ait souscrit cette bonne pièce de l’approbation de vostre collection & censure des novateurs, et qu’il l’aura fait à l’égard du labeur de Monsieur Spanheim.

Je me suis estonné du trait de ce conseiller, les calomnies de gens qui se devroyent estre plus éloignés que quelques fois court, mais la vérité a tousjours le dessus. C’est la >>>>> de la famille de >>>>>> en laquelle la vostre qui y doit prendre part, n’est point si impuissant qu’elle ne porte sa juste partie de faix commun. Monsieur Amyraut s’est pris à moy & Monsieur Mestrezat au fin a fait un 156 Une ligne dissiumulée par la reliure. 157 Jean Polyander de Kerckhoven, né en 1568 à Metz, pasteur de l’Eglise Wallonne de Dordreche (1592), avait succédé en 1611 à Gomarus en une des chaires de la faculté de théologie de Leyde, charge qu’il exercera avec une orthodoxie au-dessus de tout soupçon. Frédéric Spanheim dans son éloge funèbre prononcée le 17 février 1646 le qualifiera de “ Præceptor Fœderatæ Belgiæ ”. Paul DIBON, Regards sur la Hollande du siècle d’or, Biblioteca Europea, Vivarium, Napoli, 1990, texte 15 “ Une famille noble du refuge Wallon : les Polyander à Kerkckoven ”, p. 359-387.

Page 89: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

89

effort contre mon prologue. Je ne vous en réciteroy rien ici, pour que vous verrez l’estat de tout par lecteur des copies de mes lettres à ces deux Messieurs que je vous envoye. Le premier aura assés de besoigne et l’autre s’est trouvé en avoir tropite voudroit bien que je le laissasse après ce coup tiré. Ils font profit de tout par souplesse estrange, comme vous verrez mesme d’un mot d’une de vos lettres à Monsieur Blondel. Ils voudroyent gagner que fust indifférent ce que après ce degré, ils porteroyent en leur vray extrémité mal. Je m’estonne de n’avoir nouvelle de vostre affaire de S. Jean pour la part és bois. Vous ne m’avez rien escrit touchant cet accor. Je prie Dieu qu’il donne paix à l’Angleterre & l’Ecosse, & y establisse fermement son Eglise.

Cette semène ma fille espouse. J’espère que le personnage sera bien et en effet en atten plus de service que d’aucun de mes enfans. Il vous escrira estant vostre nepveu. Luy é sa fiancée vous baisent humblement les mains ; comme je vous embrasse de tout mon cœur avec Madamoiselle ma très chère sœur, que je félicite de la compagnie restituée de sa chère & digne niepce. Et prie Dieu pour le prospérité de vous tous , & de mes nepveux & niepces au special, estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXVIJe may 1646. Le charactère de vostre διαλυσις sera bien net ; & la pièce d’importance. J’ay pensé à une clause de ma présent. Et doubte si après cet accusatif qum non juduis (in és

inssilium >>>> pasteur saem) suit bien quoy qu’un p>>>>>>>. Je vous prie de mettre en cette par >>> (<<< que insallium ipsa prod>>> >>>>>).

B. U. Leyde, BPL 287/II/108

1er juin 1646 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Il m’advient souvent de vous recommender des jeunes gentilhommes qui vont en Hollande pour

apprendre le mestier de la guerre, mais par sa point qui attend pour les lettres et pour s’instruire en vostre très célèbre académie le Leyden. Seulement vous ay-je escrit depuis peu pour un fils de feu Monsieur de Launay de Vivans, qui estoit conseiller de la Chambre de Guyenne, auquel ses proches espérans un tel employ ont déziré qu’il appprit là la jurisprudence avec la piété & cognoissances des choses saines.

En voici un autre qui est de la maison de S. Hermine158 fort notable en Angoumois & en Saintonge ; et qui du costé de Madamoiselle sa mère appartenent à des principaux de la robe, comme petit-fils d’un lieutenant-général de S. Jean d’Angély & nepveu d’un conseiller de la chambre, mes enfans à cause de ma première femme, leur mère, ont l’honneur de luy attracher aucunement. Mademoiselle sa mère l’envoye aussi pour estudier là & s’avançant en la cognoissance vraye de Dieu, éviter les séductions d’impiété & d’erreur & les conceptions du siècle.

Je vous supplie très affectueusement luy donner & départir un bon advis & occasions ; & spécialement l’addresser en quelque maison de sa profession ou autre en laquelle il ait de bons exemples & des addresse & aydes pour se former & avancer en bien, se servant d’ailleurs des eaux de la source de l’Académie & Université. Beaucoup de personnes qualifiées vous en auront de l’obligation et avec eux en particulier,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

158 En l’état actuel de notre recherche nous n’avons pu déterminer de quel membre de la Maison de Sainte-Hermine il s’agit.

Page 90: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

90

De Taillebourg, le 1er juin 1646. B. U. Leyde, BPL 287/II/109

24 juin 1646 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je vous escrivis par le dernier ordinaire la seule histoire de nostre synode ; depuis quoy & le

lendemain je reçeus vostre billet de la réception de mon escrit latin, dont j’attens vostre jugement avec support et tascheray s’avoir ce qu’à escrit Codur contre Levy Guischarduis ou peut-estre Guizardus159, car il y a és Sévenes trois pasteurs de ce nom160 ; l’un ancien, le second son frère qui a esté mon domestique en Aunis étant André, le troisième fils du premier, que je vi jeune pasteur à Paris, qui sera, à mon advis, celuy qui aura fait ce manuscrit qui touche Codur, que je ne sçavois pas estre apostat, sinon depuis ce que j’eu leu un livre de Monsieur de Saumaize sous le nom de Simplicius Verinus161. & vous m’aviez fait pensé auparavant escrivant que c’estoit un prévaricateur, qu’il estoit mort ou révolté, mais quoy que je le visse dans le train du dernier titre, je ne le croyois pas le moins, pour ce que La Gazette n’en avoit rien dit. Je dirois quasi qu’il seroit à dézirer que ceux qui nous troublent eussent député du tout, plustost que de continuer leurs menées.

Que diriez vous de l’homme qui dans le Synode regardant Monsieur Vincent & moy nous disoit : “ Si vous aviez une prière en un sac qui peust servir à une justification,, je croy que vous le conserveriez qu’il a fait quelque chose respondant à ce moine de Lajon qui disoit au pasteur de Glenay qu’il vouloit changer cet habit de fraude pour celuy d’un homme de bien162, car lundy dernier ouvrant un rouleau de feuilles escrittes envelopé & qui estoit dans mon sac à Archiac, où logé en maison d’un médecin mon ami, je laissois le tout sur la table de ma chambre, j’ay trouvé au beau milieu du paquet un article comme de nostre synode, escrit selon l’intention & de la main de Monsieur Amyraut ; lequel m’ayant vu quelque jours avant son départ dans cette chambre, et remarqué mon sac, y fut entré en mon absence comme pour y rechercher quelque chose qu’il eust laissé, ou l’aura fait faire par un autre163. Car je n’en ay point enquis les domestiques & mon hoste, n’ayant rencontré la pièce que lors que je déployay ici mes feuilles du manuscrit contre Monsieur Mestrezat pour commencer de respondre à son dernier escrit contre mon avant-propos, que je rencontray avec grand estonnement cette pièce au cœur du rouleau. Cet homme monstre en cela sa chicanerie & sa mauvaise foy. Car il pose là des faits qui ne sont point & dont le vray acte du Synode le demande. Il peut bien l’assurer que je garderay la pièce.

Je trouve que Monsieur Mestrezat laissant la défense de son traitté, a fait de grande et longs effort contre mon avant-propos, & que véritablement il donneroit dans la veuë d’un homme non assuré, & l’embrouilleroit, par ses apparences de raisons immoncélées avec autres présomption de force. Mais tout est de sophisme & de confusion que j’espère moyennant l’ayde de Dieu refuter si clairement tout au long & le rembarrer de sorte qu’il n’entreprendra pas de me respondre pied à pied, ni mesme en tout se relever164.

Mais quoy que je ne perde pas temps, il m’en faut beaucoup pour escrire & copier et cela fera que je n’auray pas si tost achevé de lire des très doctes Exercitations de Monsieur Spanheim ; & auray

159 Philippe Codur ou Codurc était un ancien professeur d’hébreu à l’académie de Nîmes déposé en 1623 qui abjura en 1645 et à cette occasion publia à Paris deux ouvrages intitulés : Tractatus de missœ sacrificio et Diatribœ de sanctorum jusitificatione defensio adv. Levi Guichardi criminationes. 160 En 1620 un Jacques Guisard était pasteur de Sainte-Croix et en 1626 Jacques Guisard le jeune était pasteur de Florac. 161 Claude Saumaise fit quelques coquetteries avant de reconnaître qu’il était l’auteur des deux pamphlets contre Hugo Grotius qu’il avait publié sous le nom de Simplicius Verinus. Hans BOTS et Pierre LEROY, Claude Saumaise et André Rivet. Correspondance échangée entre 1632 et 1648, op. cit., p. XX et p. 467, note 2. 162 Guillaume Rivet reprendra dans une lettre suivante l’aventure qui survint au ministre de Glenay, tirée du livre III des Aventures du baron de Faeneste d’Agrippa d’Aubigné. 163 Cette anecdote est citée par Frans Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 289, note 145. 164 Ce passage est cité par J. A. M. SCHELLENS, La correspondance entre Guillaume et André Rivet en 1645, op. cit., p. 29.

Page 91: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

91

à me exercer à voir après le livre de Primatu d’un si grand personnage. Tout cela me fera tant mieux passer le temps dans ma vie solitaire qui autrement me seroit fort ennuyeuse sans ma compagnie muette qui dit beaucoup.

Je ne vous diray rien des affaires du monde dont nous avons les nouvelles ordinaires qui semblent proposer disposition à la paix de l’Angleterre, & faire l’Hespagnol fort. Mais je suis fort déplaisant de mescontentement que vous avez de mon nepveu vostre aisné & ce /2/ qui vous fait toucher ses manques d’ailleurs. Il est bien vray qu’il est ayse de laisser un mauvais pli, mais vostre support pendant servira pourtant à le mener. J’ay creu luy en devoir escrire un mot, pour l’induire à ce qui est son propre bien par se mettre en son devoir Nil omni ex parte bentum, mais beaucoup que Dieu nous visite supportablement. J’ay bien eu des exercices de semblable qui m’ont bien avancé les cheveux blancs. Dieu m’a pourtant donné de posséder un esprit en paix. J’ay loué Dieu de la convalescence de Monsieur du Moulin. J’escriray demain, Dieu aydant, en faveur d’un étudiant en Théologie qui est de Genève & va à Sedan.

Monsieur de Marsilly & Messieurs Rossel & Vincent vous baisent humblement les mains, comme font nos nouveaux mariés qui sont contens. Mon fils, Estienne, n’a point encore de postérité, ni de commencement d’e[spérer] une blessure de sa femme.

Cela viendra avec le temps, Dieu aydant. De moy, je prie continuellement le Seigneur pour vostre conservation & prospérités ; comme aussi de Mademoiselle ma très chère sœur à l’affection de laquelle je respon très [cordi]alement Dieu doint à mes nepveux & la famille de l’aisné comble de bénédictions [&] aussi très-humblement Mademoiselle du Moulin, & suis de cœur entier,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le 24e juin 1646. Je me suis resjoui d’apprendre que Troissus qu’on vous fait mourant, est en vie & ay[…] pour

l’orthodoxie. Je ne sçay s’il en seroit de mesme de Jacobus Lesserius. B. U. Leyde, BPL 287/II/110

9 juillet 1646 – Taillebourg A Taillebourg, le IXe juillet 1646

Monsieur mon très-honoré frère, Vous aurez eu ma lettre ample concernant nostre Synode, & un autre de supplément de depuis.

Je vous envoye celle de mon nouveau gendre, qui estant empesché à festiner ses amis pour son remue pied (comme on parle) quand je vous escrivis la dernière fois, j’ay reçeu depuis la vostre du 4e juin qui m’advertit du jugement favorable de Monsieur Spanheim touchant mon livre latin ; qui me fait espérer vostre approbation du corps de Dieu comme vous avez fait de la préface. Mes dernières vous disant comme ces MM. les hypothétiques se garderont de se descouvrir en un respondant pas pied à pied.

Et je m’en suis doubté voyant l’air de Monsieur Mestrezat. Je touche la fin de son reste que je luy fay. C’est la plus grande & plus desraisonnable opiniastreté maligne que se pust jamais rencontrer en adversaire ; et prodigieuse en un tel personnage. Mais je luy feray sentir, Dieu aydant, combien la vérité est forte ; et me donneray bien garde de luy laisser aucune matière de dire que j’aye esté bien content de laisser là cet affaire ; comme je voy qu’il le compte, par tesmoigner qu’il souffrira que je ne prenne son escrit pour response, & le laisse là. J’advoue qu’ils nous surmontront en prattiques & artifices, dont nous abhorrons. Mais ils auront, sinon la honte par sentiment auquel ils seroyent obligés, au moins le blasme d’estre courts au fonds, où ils ont le tort165.

165 Ce passage est cité par J. A. M. SCHELLENS, La correspondance entre Guillaume et André Rivet en 1645, op. cit., p. 30.

Page 92: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

92

J’ay reçeu lettres de Monsieur Morus & de Monsieur Léger de Genève. Ils me mandent que mes Lumières de S. Augustin sont enfin sur la presse. Et le premier s’excusa sur ce qu’il n’avoit reçeu en lettre qui offroit 100 livres pour des exemplaires à prix ordinaire ; et que quoy que quelques esprits envieux taschant à le mettre mal avec tout le monde, il honorera nostre nom. Monsieur Léger met à la fin qu’il prie Dieu qu’il vous conserve & moy ensemble en santé pour le bien de son Eglise & la conservation de la pureté de la doctrine.

Monsieur Morus m’a escrit la mort de ce jeune homme qui devoit aller à Sedan, & pour lequel j’avois escrit à Monsieur du Moulin, qui ainsi ne recevra pas ma lettre. C’est un grand dommage de ce personnage qu’une pleurésie a emporté dans six jours. Il estoit de très bonne espérance.

Je trouve par les relations que nous avons, que les Escossais se sont fort bien tenus au Convenant ; & on me mande que le Roy d’Angleterre accorde tout au parlement tant pour l’Eglise que pour l’estat, estant bien gardé à Newcastel166. Mais il est bien vray par ce prescheur qui prit le texte que vous me marquez au 19e du 2 de Sam.167 avoit bien le mot de ce prince, on cerchoit bien ce qu’il vouloit. Dieu doint fin bonne à cet affaire, & cette campagne heureuse à Messieurs les Estats, conservant Leurs Altesses d’Orange.

Je vous souhaitte aussi continuation de bénédictions & prospérité comme à Madamoiselle ma très chère sœur avec Mlle sa niépce ; & prie Dieu qu’il bénit mes nepveux. Tous les nostres se portent bien ; & moy aussi grâce au Seigneur.

Je vous supplie d’assurer Monsieur Spanheim que je le considère en mes vœux comme un des principaux serviteurs de Dieu en ce temps, pour dézirer la conservation de sa personne & bénédiction de ses saints & très doctes labeurs. Je vous auray à tous deux grande obligation du soin pour l’impression de mon livre. Je n’ay nulle nouvelle de S. Maixent ; & voy bien qu’il vous faudra escrire. Faittes le, je vous prie. Je ne m’en serviray pas, si je peux tirer autrement en effet, son agent advocat du Roy m’avoit donné jour pour terminer l’affaire à l’instar des autres ; & n’y avoit lieu de penser d’en escrire à ce seigneur. Je vous embrasse de cœur, comme estant,

Monsieur mon très honoré frère, Vostre très humble & plus obéissant

frère et serviteur. Guill. Rivet

B. U. Leyde, BPL 287/II/112

15 juillet 1646 – Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Depuis ma dernière par le dernier ordinaire, deux jeunes hommes estudians, l’un de Gare &

l’autre des Grizons, ayant passé à Saumur & allans à Montauban, me sont venus voir ; et m’ont asseuré que Monsieur Amyraut a changé d’advis pressé de ses intelligens de tous costés qui luy ont mandé que les Exercitations de Monsieur Spanheim faisoyent grand bruit, & qu’il se feroit grand tort de penser réspondre par une epistre ; qu’ainsi il se résoud de considérer le tout pour suivre ceula Ποδα, abzere inentus in piorinens vadit. Il en a pour long temps ; & sera désorienté. Car ces gens affectent certains airs hors lesquels ils seroyent decontenencés.

Je le trouve en mon antagonisme secret que j’ay achevé de défaire en le suivant pied à pied, là où mesme il ne l’avoit pas fait à l’égard de mon avant-propos. Il faudra que je copie à loysir quinze feuilles de ma moindre minute. Je n’ay eu en aucune part pène à mon jugement, sinon que dresser mon propos ordonné sur un discours embarassé. Et les redites m’ont fort ennuyés car la conscience de ne

166 Au mois de mai 1646, Charles Ier espérant arriver à un compromis avec les Ecossais s’était rendu à eux. Ceux-ci exigèrent l’abolition de l’épiscopat et l’instauration de l’Eglise presbytérienne en Angleterre. Charles était disposé à concéder un essai de ces mesures pendant trois ans, mais pas davantage. Les négociations s’éternisèrent, les Ecossais perdirent patience et le livrèrent aux Anglais. 167 “ L’élite d’Israël à succombé sur tes collines ! Comment des héros sont-ils tombés ? ”.

Page 93: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

93

satisfaire pas bien au point luy fait entasser force passages et preuves pour accabler son labeur. Ce qu’il ne peut faire qu’en redisant168.

Ces jeunes hommes que je vous ay dit m’nt dit avoir esté en Hollande & vous avoir veus là, confirmans l’alarme de vous au pays, là que le labeur de Monsieus Spanheim fera plus grande.

Ne pensez plus à nostre beau cousin La Roche après avoir reçeu cent Francs de Messieurs de S. Maixent, il s’en est allé à Tholoze sans dire adieu à Messieurs de Montauban et le croit-on en un couvent. Il s’estoit imaginé d’estre entretenu splendidement & parkit haut dans sa nécessité. J’ayme mieux qu’il se soit descouvert de bonne heure, que de nous avoir trompé davantage. Et quoy que Monsieur Le Blanc en conçeust grande espérance, je n’en voyoit pas tant de sujet ; Sur tout suis-je bien ayse d’avoir détourné de vostre costé l’iportunité inutile. Monsieur de La Coussay nostre cousin, m’avoit bien prédit ce qui en est advenu.

Je vous escrivis par ma dernière touchant Monsieur de La Melleraye qu’il faudroit luy escrire, mais La Gazette m’a fait sçavoir qu’il exerce sa charge de grand-maistre de l’artillerie devant Courtray. Et avec mémoire que j’ay eu de la bataille, ne le nomme poin entre les grands auxquels soit mesdisant.

Je vous prie de faire tenir ce paquet à Monsieur de La Matassière pour luy & le fils de Monsieur de La Plessée gentilhomme Catholique Romain, mais fort honneste & obligeant. Je continue aussi mes vœux pour vous Madamoiselle ma très chère sœur & tous les vostres mieus, comme estant,

Monsieur mon très honoré frère, Vostre très humble & plus obéissant

frère et serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le 15e juillet 1646. Je baise très humblement les mains à Monsieur Spanheim. Les mesmes m’ont dit que ses

Excertationes nous produit venatas Salmurii. B. U. Leyde, BPL 287/II/113

30 juillet 1646 – Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Vous aurez sceu par mes précédentes, comme j’ay reçeu toutes les pièces qu’il vous a pleu

m’envoyer, hormis que je n’avois encore accusé la réception de l’escrit de Monsieur Guillard pour Nestorius qui m’est enfin venu la dernier169. Ce seront les matières de ma lecture quand j’auray achevé de transcrire mon exacte response à Monsieur Mestrezat pour la partie en laquelle il m’attaqué, que cependant je prie des heures pour poursuivre la lecture des doctes lucubrations de Monsieur Spanheim qui ont une prolixité rendant le bien plus abondant & ce sans ennuy & dégoust ; tant il donne à propos les pauses prépare par les abbrégés & assaisonne le tout excellemment d’agréables condimens parmi ses recerches solides & profondes ; sa scholastique estant toute docte & greque. Nostre fanfaron n’y atteindre jamais avec ses raisons superficielles & ses naïs couleurs.

Monsieur de Marsilly venu depuis peu de Thouars & qui vous baise les mains, l’ayant veu à Thouars où il n’avoit manqué d’aller avec Madame170 & luy ayant représenté que j’avois trouvé estrange ce bruit de la pièce escritte de sa main mise furtivement dans mon sac de besongnes parmi mes papiers & au milieu du rouleau ; il en eut honte & nia que cela fust de luy, m’escrit de sa main, mesme le suivit jusques à son huis en luy protestant qu’il n’avoit point escrit cela. On luy ay je fait 168 Ce passage est cité par J. A. M. SCHELLENS, La correspondance entre Guillaume et André Rivet en 1645, op. cit., p. 30. 169 Gilles GAILLARD, Disputation de supposito, in qua plurima hactenus inaudita de Nestorio tanquam orthodoxo et Cyrillo Alexandrino aliisque episcopis Ephesi in synodum coactis tanquam haeriticis demonstrantur, ut soli scripturee sacrae infallibilitas asseratur, Francofurti, 1645. 170 Marie de La Tour d’Auvergne après plusieurs années d’absence à Thouars y était venue pour l’inauguration du nouveau temple qu’elle y avait fait édifier. A cette occasion, elle invita Moïse Amyraut à y venir prêcher.

Page 94: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

94

voir le pièce depuis peu au séneschal de Benon, parent & intime de Monsieur Amyraut, qui recognut que c’estoit sa main, que je conteray aussi avec la lettre qu’il m’avoit escrit ; sa main estant moins mescognoissable que sa face, & n’y ayant escrivain qui la sçeut contrefaire. Monsieur de Marsilly requit que je luy commise cette pièce pour la monstrer à Madame ; mais je luy tesmoignay ne m’en vouloir défaire, & que si Dieu me continuoit la santé, j’esperois d’aller baiser les mains à Monseigneur & à Madame au retour du synode de Fontenay assigné au 5e de septembre.

J’ay communiqué le billet de Bergiers ; et seray bien ayse de cette Epistola ad amicum de Monsieur Spanheim dont vous me parlez. Aussi ay-je grand contentement de ce que mon escrit après une lecture attentive à remporter vostre approbation ; de laquelle j’estois tousjours en attente, avec quelque appréhension. J’auray grande obligation à vous & à Monsieur Spanheim s’il se trouve bien imprimé par les soins que vous prendrez d’y faire pourvoir. Car il est vray qu’un discours de tels raisonnement qui demande grande attention du lecteur, ne seroit pas gousté si on trouvoit des achoppemens par les fautes de l’impression.

Monsieur de La Trosnière m’a fait part de vos nouvelles outre celle de voste lettre et j’ay escrit à Monsieur Chesneau pour son fils. Dieu doint à Monsieur Chardevène de bien faire. Je luy souhaitte toute prospérité. Mon nouveau gendre vous a escrit ; & j’advertiray mon jeune fils de vostre souvenir.

Je compte bien vos ans & des le jour propre de la naissance aussi bien que les miens ; plaingnat que les vostres coulent, qouy que vous les passiez en si grands & dignes employs. Nous aurions besoin d’une continuation aussi grande que des jours de la pérégrination de Jacob, lesquels encore furent courts, pour vous & Monsieur du Moulin rajeuni par merveilles en temps que tels personanges sont si nécessaires à l’Eglise de Dieu. J’en escri à Mlle sa fille, bien déplaisant de la mauvaise huneur de mon nepveu.

Ce fait du prince Philippe est fort indigne en toutes les façons171. On l’avoit sçeu à Thouars. J’escriray à Madamoiselle de La Trosnière pour solliciter Madame la mareschale de La Mesleraye. Nous avions en un faux mémoire de [la] bataille en Flandre, dont un Jésuite se trouve le premier porteur en ce pays. Je vous prie me mander si Chadeau a eu les 18 livres. Je vous les renvoyereay en un paquet. Mon gendre, ma fille & moy vous saluons humblement & embrassons affectueusement avec Mademoiselle ma très chère sœur ; comme je suis de cœur,

Monsieur mon très honoré frère, Vostre très humble & plus obéissant

frère et serviteur. Guill. Rivet

Tous nos frères pasteurs voisins prient Dieu pour la continuation de vos jours & vous saluent humblement.

B. U. Leyde, BPL 287/II/114

Sans date - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’ay esté fort touché de l’alarme que vous avez eu au sujet de la maladie de Madamoiselle ma

très chère sœur, telle que vous me la descrivez, mais Dieu soit loué de ce que vostre consolation ell’est promptement retournée à convalescence. J’espère que les forces luy seront revenues ; & que puisque nature a prévalu contre cette attaque si grande en elle, elle […] sera longuement conservée à vostre joye & soulagement, auquel aydera la présence de sa bonne niepce, à laquelle j’ay fait responce affectueuse et suis très-déplaisant que mon nepveu de Mondevis prenne si mal les choses, ne vous considèrant, ni soy mesme, comme il doibt. Cela luy passera ; ce peut-estre que cette campagne finie, vous le trouverez tout autre.

171 Le prince Philippe de Bavière (1627-1650), dixième enfant de l’Electeur palatin Frédéric V et d’Elisabeth Stuart, avait tué traitreusement le 20 juin 1646 le Sieur d’Epinay un gentihomme français qu’il accusait de courtiser sa sœur Louise-Hollandine (1622-1709), future abbesse de Maubuisson.

Page 95: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

95

D’ailleurs vostre dernière m’a estonné de ce que ma grande lettre du XVIIe juin narrative de ce qui s’estoit passé en nostre Synode & l’article d’iceluy sur ce chef y estant joint, ne vous avoit point esté rendue. Mais comme je fus en parler à Monsieur du Petit Port-Thomas, pour faire recercher de quoy elle seroit venue, puis qu’elle estoit allée à Paris dans son paquet, il s’en sourcit ; et me dit qu’on m’avoit voulu taire que Monsieur Pinet, maître clerc de Monsieur Pelé, s’estant m’esprit, l’avoit renvoyé ici comme lettre venant de Hollande, ce que mon gendre son beau-frère s’estant trouvé à l’ouverture du paquet l’avoit incontinent renvoyé audit Sieur Pinet son intime ami, le priant de r’habiller le fonds & vous envoyer promptement cette lettre avec celle qu’il vous escrit ; & de prendre garde une autre fois ; qu’il y aura trois semenes que vous l’aurez reçeu ; & que le prochain moy, on me pourra apporter lettres de vostre part qui m’en assurent cela m’exempte de la pène que j’eusse eus à redire.

Et je croy que vous prendrez bien ce qui sera le fruit de Monsieur Amyraut lequel en son adieu au synode présente un papier contenant un article ou des protestations à sa phantaisie, que je l’obligeay de remporter & du lors : “ Je croy que si vous aviez en vostre sac une pièce qui servit à ma justification, et vous la voudriez conserver ”. Sur quoy je respondis que : “ Nous n’avions ni promi ni sac ”. Ce que depuis j’ay trouvé qu’il avoit mis ou fait mettre dans mon sac de besoignes au milieu du rouleau de mes papiers, cette mesme pièce escritte de sa main (d’où j’appris que sa locution n’estoit pas figurées). Je vous ay dit qu’il avoit (quant à l’instelligence des paroles) quelques [choses] de semblable au dire du moine de L’Ajon172 au pasteur de Glenay.

Monsieur d’Aubigny escrivant en son Pha[eneste]173 que le ministre de Glenay venant d’un colloque & passant à L’Ajon à heure du soir qu’il n’eust pas eu assez de temps pour aller jusques à Glenay, s’y arresta pour y passer la nuict ; & qu’estant allé faire un tour au jardin, en attendant la nuit & le souper, un moine l’alla rencontrer là ; duquel comme ce personnage se revélant un peu, tesmoignast aversion, l’autre luy dit : “ Monsieur, je voy bien que je ne vous suis pas à gré à raison de ma profession, mais je vous assure que mon intention est de changer, déposer ce vestement de faintise & hypocrisie, pour prendre l’habit d’un homme de bien ”. Sur quoy accotté & reçeu à mesme table, & couchant en mesme lit, il se leva la nuit de bonne heure, laissa sa robe & son froc, prit l’habit de ce bon personnage, & s’évada à l’insceu d’iceluy. Le bon homme esveillé au matin, trouva qu’il n’y avoit point de figure au dire du compagnon, & fut contraint de prendre l’habit du moine & s’en aller ainsy à Glenay ; où le bon récitateur de ce compte n’oublia pas de représenter le bon gentilhomme que vous avez cognu, recognoissant en l’abbord la face de son pasteur et voyant cet habit, s’escria : “ Bonté de Dieu ! Quelle mauvaise facture de gens est ceci ? ” Qu’alors il ouït l’histoire de tout.

J’ay céans le proposant dont estoit question, lequel a leu partie du premier tome des Exercitations de Monsieur Spanheim174 & tout le troisième, avec mes deux p[…], mais excrit contre la grâce universelle ; estant bien instruit contre les nouveautés & protestant d’en estre entièrement aliéné, & qu’il ne s’y estoit point engagé, ayant esté prévenu par estude de deux ans auparavant sous Monsieur Garrissoles175. Demain nous partons pour aller au colloque d’Arverd ; & au retour de là, me faudra aller à Fontenay, si Dieu me conserve la santé.

J’atten de vos nouvelles de depuis le retour de Monsieur Spanheim de Frize & le vostre de Bréda ; espérant de vous escrire au long après. Pour maintenant, je finis avec le papier, par mes prières pour vostre conserrvation & de vostre douce moitié, avec mes nepveux, à Madamoiselle du Moulin ; estant entièrement,

Monsieur mon très honoré frère, Vostre très humble & plus obéissant

172 Lageon (Deux-Sèvres) près de Parthenay. 173 Agrippa d’Aubigné conte au chapitre XII “ Du Ministre de Glenay ”, du livre III des Aventures du baron de Faeneste, cette mésaventure, arrivée à La Fleur, le ministre de Glenay, à Lageon avec un Cordelier, alors qu’il revenait d’un Synode à Niort. Agrippa d’AUBIGNÉ, Œuvres, Ed. H. Weber, Bibliothèque de La Pléiade, Ed. Gallimard, 1987, p. 743-744. Guillaume Rivet au début de sa carrière avait connu Agrippa d’Aubigné et connaissait ses œuvres. 174 Exercitationes de gratia universali (1646) où Frédéric Spanheim redoublait ses attaques contre Moïse Amyraut. Emile G. LEONARD, Histoire générale du protestantisme, tome II, p. 340. 175 Antoine Garissoles (1587-1651), pasteur et professeur de théologie à Montauban, sa ville natale.

Page 96: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

96

frère et serviteur. Guill. Rivet

Vous avez ici une lettre de Monsieur Chesneau qui est tousjours resté et en dit ses raisons, quoy qu’il en soit, le fils doibt s’humilier & escrire luy mesme à son père & à sa mère.

B. U. Leyde, BPL 287/II/115

Copie de ma lettre du XXIe d’octobre à Monsieur Mestrezat

Monsieur & très-honoré frère, La parabole de l’Israëlite, qui allant à Jéricho, tomba entre les mains des brigans & reçeut tant

de playes, puis outrepassé par plusieurs de son propre peuple, fut soigné par un Samaritain176, nous démonstre qu’est nostre prochain auquel nous devons les offices de secours ; celuy que Dieu nous fait rencontrer en ayant besoin & nous y pouvant. Ainsy sa providence vous ayant présenté à moy par vous mesme et escrite que vous m’avez dirigé, pour objet qui eust des playes de telle nature qu’un Samaritain n’eust pû penser : je me trouve particulièrement obligé d’y travailler de mon pouvoir. Et puis que je n’ay pas réussi du passé, selon qu’il me paroist de vostre dernier escrit reçeu dès le mois de may : je supercroye, quant à mon travail et mon huile encor quelle vous adresse ; et ne m’en acquitte pas à la légère, ne laissant rien non soigné. Que si je semble retourner tard, je n’ay pourtant point paresse, n’estant aydé d’autre mains, & sis semnènes entières s’estant passées hors de la maison par ordre public y jointes quelques visites en cette occasion. Je vous prie de prendre ce que je vous présente en bonne part, et jetter dessus des yeux attentifs. Et au cas que le tout considéré et pezé, vous cuidiez encore que les playes soyent de son costé : traittez-moy, je vous prie, avec pareille diligence & n’oubliant rien. Mesme m’espargnant vostre travail, n’espargnés aussi ma personne, car je ne suis pas délicat177.

Tractes licet duritur dum cum ; si forte carrige ubi errantum deprehenderis ; et purgas modo doceas. J’en attendray du bien pour vous, si vous l’entreprenez je souhaitte que Dieu vous la doint entier sans que vous le faciez, cet employ y servant de sorte que sa grâce ait tout fait, c’est à icelle que je vous recommande de toutes mes affections ; estant d’ailleurs le mesme envers vous qu’avant tout ceci ; et (hors ce misérable différent) en l’estime grande de vostre personne, et affection respondant à l’honneur de mes mérites que recognoist,

Monsieur & très honoré frère, Monsieur mon très-honoré frère,

Vostre très-humble & plus obéissant frère & serviteur en nostre Seigneur

Guill. Rivet B. U. Leyde, BPL 287/II/116

Copie de la response de Monsieur Mestrezat du 1er novembre 1646

Monsieur & très honoré frère, J’ay reçeu vostre paquet, et ai esté consolé de vos lettre, y ayant veu les tesmoignages de

l’homme de vostre bienveillance. Certes je m’en san grandement vostre obligé de ce que je voy que vous avés pris une si grande pène pour moy ; puis que je remarque en vos lettres que vous ne l’avés pas prise pour qu’elle nous sommes obligés. Certes, Monsieur & frère, j’aime ma vérité, & la reçoi de

176 Il s’agit de la parabole du bon Samaritain, Luc 10, 25-37. 177 Des passages de cette lettres sont cités par J. A. M. SCHELLENS, La correspondance entre Guillaume et André Rivet en 1645, op. cit., p. 30-31.

Page 97: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

97

qui cragne elle soit proposée ; mais j’advoue qu’en la cerchant, il n’y a personne (si les préjugés en quelque force sur mon esprit) dont les escrits passent plus sur moy que les vostres. Je les liray donc avec soin ; comme je ne doute pas que vous n’ayez bien pezé les considérations par lesquelles j’estime que la méthode & les hypothèses que j’ay proposées s’ajustent mieux à l’Escriture S. & à la conduite de Dieu envers ceux qui périssent, & sont plus propres à la réfutation des Arminiens que les autres. Mais quelque jugement que j’en face, j’examineray religieusement ce que vous y opposez et ce cependant posséderay cette consolation que tenons tous une mesme office de grace particulière à salut provenant d’une particulière élection gratuite, il n’y a rien qui doive altérer la paix entre ceux qui dissertent en l’ordre qui aboutist à ce point.

Je travaille à présent à un traitté de l’Eglise dont j’ay eu autrefois le dessein en escrivant de l’Escriture contre le jésuite Regourd, lequel le Synode National d’Alençon m’a exhorté de donner ; vos dernières m’ont trouvé dans de le feu de mon travail, qui est la raion pour laquelle je ne pourray pas vous donner si tost avis du jugement que j’auray fait de vos méditations, que j’eusse pû faire autrement bien que sans cela je n’eusse pas laissé d’estre bien éloigné de vostre diligence & promptitude, mais je ne laisseray pas pourtant de prendre du temps /2/ pour satisfaire à l’estime que je fay de vos [] &au dézir d’y profiter vous rendant grâces très humbles de ce que vous n’avés point espargné tant du labeur que j’en [] en la quantité des cahiers que vous m’avés envoyé. Je prie Dieu de toute mon affection qu’il me donne de les méditer vostre l’attention qu’ils méritent ; et que comme je prie Dieu de pareille affection pour vostre prospérité , vous me continuiez l’honneur de me tenir,

Monsieur & très honoré frère Pour vostre très humble serviteur

& Frère au Seigneur Mestrezat

De Paris, le … B. U. Leyde, BPL 287/II/116

Extrait d’une lettre de Monsieur Delon escritte de Montauban le 5e novembre 1646

Pour le livre de Monsieur Spanheim, nous l’avons ici leu avec un singulier contantement pour la profondeur de sa doctrine, la solidité de ses raisonnemens & l’exactitude de ses responses. Nous sommes pour[tant] marris que le sujet soit donné d’escrire les uns contre les autres. Il seroit à souhaitter que ce ne fust que les adversaires. Il sera malaysé que Monsieur Amyraut y responde (comme on en parle) par une épistre ; où il accomplira la prédiction que Monsieur Spanheim a fait en son livre qu’il respondroit par épistre. Nous n’en avons point ici d’exemplaires, qui y auroyent eu beaucoup de débit. Car nous l’avons si fort loué à tous les pasteurs de cette province, qu’il y en a peu qui ne l’acheptent si on donnoit à un prix plus bas que ne l’on vendu nostre libraire, qui en a eu trois escu d’un seul exemplaire et qu’il avoit fait venir de Lyon. Il n’y en a plus pour tout ici. Et j’estime que ces exemplaires []dites estre à La Rochelle estoyent transportés en cette ville, ils s’y vendroyent fort bien. Vous nous obligerez de les y faire venir ; et disposerons nos libraires de les prendre.

B. U. Leyde, BPL 287/II/116 V°

Extrait d’une lettre de Monsieur Vincent de La Rochelle du 14e novembre.

J’ay esté fort esmerveillé de ce bel advis de Monsieur de L’Angle à Monsieur vostre frère de vostre communication accord avec Monsieur Amyraut à nostre Synode. Il y a apparence que c’est son fils qui luy a escrit de Saumur au retour de Monsieur Amyraut. Ils espendirent ce bruit, selon leurs maximes de céler à leurs escoliers le plus qu’il veut ce qui n’est à leur avantage. Cependant ces gens qui sont pleine de tels artifices nous le voulont imputer ; mais Dieu soit loué que c’est contre raison & vérité.

Page 98: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

98

Je suis fort ayse que vous soyez hors du labeur pénible de vostre transcription. Vous en aurez sans doute, cauze un plus grand à Monsieur Mestrezat la lecture de ce que vous luy avez addressé ; car le pressant comme vous faittes, il sera à la gehenne. Dieu vueille qu’elle luy face confesser la vérité.

J’ay leu tout du long vostre addition touchant le []ment de Tertullien. La pièce à vostre ordinaire est exacte, & de très profonde & solide recour. Ainsi il sera de grand fruit qu’elle soint jointe avec le reste.

Je vous remercie de la communication de celle de Monsieur Delon auquel selon vostre advis je feray tenir des exemplaires des Exercitations de Monsieur Spanheim. Je suis fort ayse qu’il loue cet ouvrage et par ce moyen il se destasche de ce parti où on l’a creu continuer.

B. U. Leyde, BPL 287/II/116 V°

Extrait d’une lettre de Monsieur Rossel

de Saintes le 17e novembre Monsieur Amiraut est bien en pène, car assurément il est abbatu & ne sçauroit résister à la

[force] de celuy qu’il a provoqué, qui est la force de la vérité, à laquelle je crain qu’il ne vueille pas qu’il face la vague, qu’il triomphe de paroles, qu’il parle de ces bonnes gens de Saintonge avec son ordinaire mespris. Il y a trouvé un homme qui luy a vigoureusement résisté en Saintonge & en Poictou et j’y applique le dire des bonnes femmes pour dire d’une femme >>>>> & impiété qu’elle a trouvé qu’un mary qui la mène à raison, elles disent que Pivert a trouvé Re>>> grand.

Que me marquerez en la vostre sur le sujet de Monsieur Spanheim, duquel j’admire l’ouvrage. Et ne croy pas qu’il puisse dire chose qu’un des escoliers de Monsieur Spanheim qui aura conceu sa doctrine ne puisse réfuter Dieu >>>>> ce personnage pour résister à ce mal, et il y a provoqué. Dieu le veuille conserver, & tous les autres grands instrumens de sa gloire desquels &c.

B. U. Leyde, BPL 287/II/116 V°

2 décembre 1646 – Taillebourg178 Monsieur mon très-honoré frère, Vostre paquet du 5e novembre m’a grandement resjoui et consolé, apprenant par vostre lette la

paix de vostre famille & mon nepveu, vostre fils aisné, remis en vos bonnes grâces & de tous les vostres. Comme aussi les particularités de vostre establissement à Bréda qui se préparoit. J’ay soigneusement observé le temps du 5e novembre & 15 jours après ; trouvé que le 20, 21 & 22 ayant esté servies tout estoit tempestueux devant et après. J’espère que vous aurez heureusement passé lou. Et en attens les nouvelles avec grand dézir.

Je vous ay desjà escrit mon sentiment sur cette condition venue inopinément, laquelle je trouve avantageuse en toutes sortes, pour le vivre commode, le repos plus grand, & l’honneur très considérable dans lequel vous estes plus à vous qu’auparavant. J’ay regret de n’avoir point veu Bréda pour vous représenter en mon idée dedans vostre lieu, comme je faisois pour La Haye. Mais tousjours mon esprit sera avec vous en quelque lieu que vous soyez. J’atten vostre livre, vostre louange & les solennités de l’inauguration de l’Eschole illustre & collège d’Orange à Bréda.

Je croy que la ratification sera fort bien comme elle est. J’escriray à nostre cousin Fradin qu’il face tenir les 172 livres 10 sols prestés, afin que je rende ensemble la contre promesse & le contract ratifié. Après quoy, je vous envoyeray la recognoissance d’heues de ce qui me demeurera, attendant la commodité de vous envoyer les 50 livres avec les 18. Cependant, je demeure bien toujours chargé de tout par le contract jusques à ce que j’ay compté et soye deschargé de vostre part.

Moy & les miens ne nous pouvons défendre de la rétention de ce qui vous reste que par vos lettres que je conserve et pour ce que je vous envoye l’obligation de Dieumegard, qui monstre que j’ay

178 Cette lettre adressée à Monsieur Rivet, docteur & professeur en théologie, conseiller de Monseigneur le prince Guillaume et curateur de l’Escholle illustre & collège de d’Oragne à Bréda, curieusement datée du 2 décembre 1636 et classée parmi les lettres de 1636, est en fait de 1646.

Page 99: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

99

fait de ces 100 livres, vous me menderez avoir reçeu l’obligation, & m’allouer ces 100 livres sur le tout pour autant de payé.

J’ay peur qu’il se trouve quelque petite perte à la fouire, recevant guère d’argent au poids que je n’y perde, car quoy que tout trébuchast au poids de S. Maixent, hyer ayant fait payer une douzaine de pistoles, il s’en trouva bien la moitié de non trébuchantes, sur lesquelles chacun y aura 5 Γ de perte179. J’y feray voir plus particulièrement par mon gendre. Il y a 108 livres en or léger donné en mars où je ne trouve que 4 grains de manque. Cela ne va pas loin. Je voudrois avor reçeu tout de mesme.

Je croy Monsieur le Grand-Maistre retourné en France après avoir pris Piombino & Porto Longone. Et croy bien que Messieurs les Estats feront la paix avec l’Hespagn, & l’Empereur la trève avec le Roy & les Suédois tandis que nous demeurerons en guerre avec l’Hespagnol. Duquel je ne m’estonne plus qui se soit plus fort opposé à Messieurs les Estats pour empescher leur progrès qu’à la France ; puis qu’il pensoit à leur laisser tout ce qu’ils ont, l’>>>>> du derrière & mis ses forces des Pays-Bas toutes contre nous.

Monsieur Clémenceau estant venu me voir, m’a laissé une grande lettre ouverte pour vous envoyer & pour ce que le messager a doublé le pas d’ici à Paris. Je retranche sa feuille blanche, ayant à mettre l’obligation de Dieumegard qui m’a change de la monnoye blanche pour 25 pistoles données à fiance. C’est toute la gratuité qu’il m’a fait & que je luy aye requis, en quoy s’il se trouve marque il aura grand tort.

Je n’ay point la copie de la lettre par ample que vous escrivites à Madame nostre duchesse ; Monsieur de La Messonière ne me l’ayant envoyé. Je l’avois aussi prié de faire trouver à Paris ces fueilles de l’ode contre Levi Guschardus, mais il ne m’a point respondu sur cela.

Je vous escrivis par ma dernière que j’avois envoyé à Monsieur Mestrezat et ici vous envoye copie de sa lettre & de sa response. Après m’estre acquitté de cette part, je me suis /2/ mis à la lecture, & ay achevé de voir […]lièrement tout l’exquis ouvrage de Monsieur Spanheim ; lequel j’admire le voyant par […]galement & abondant ; et ne doute pas que Dieu le conservant selon les vœux de tant de ses bons serviteurs, il me menace tousjours son me. Je luy ay une obligation très particulière pour l’affection dont il m’honore, laquelle luy fait moy comme estant, ce dont je me sen fort loin , et à quoy je travaille.

Selon le mesme que j’ay reçeu Amiraut à un tel os à ronger, qu’il n’a pas pensé à ma lettre touchant sa thèse de Sp. Servitatatis [&] mes notes sur son livre de l’estat de fidèles après la mort180. Au moins n’en ay je point ouï parler.

[Je vous] envoye l’advis de Montauban pour le labeur de Monsieur Spanheim. Il ne faut pas douter que l’Are[] de Dieu n’en aille là avec les autres que vous me nommez, entre lesquels j’eusse volontiers veu les […]. Je voys que la confiance de ceux qu troublent qu’il en leur pratique de gens de […] & d’autre sera qu’ils escrivent & surprennent. Ils vont aussi des émissaires parmi les moindres mesdisant de nous & promettant des merveilles de l’autre part. Mais à leur fruits & œuvres ils se [s’uf]firont.

Pour Monsieur Sarrau181, il aura trouvé peu de nos Messieurs à Bourdeaux. Mais il aura […] envers Monsieur de Maurin182, son beau-frère, qui est homme très judicieux & ne se prendra pas ainsi []. Les pasteurs de l’Eglise de là vont fort bien.

J’ay bien peur qu’il me faudra faire un petit [séjour] là pour recommander un procès que j’ay en nom qualifié d’excuteur testamentaire, nommé par feu Madame Tourterea sur Pitard, procureur à Bourdeau, demeuré héritier unique & chargé de tout j’atten qu’il […] la partie. Sinon joint à la vefve

179 Dans la marge Guillaume Rivet a ajouté : “ J’appris depuis que le poids que nous avions uzé estoit trop léger, ce qui diminue mon […] ”. 180 Moïse Amyraut, Discours sur l’état des fidèles après la mort, Saumur, Lesnier, 1646. 181 Claude Sarrau soutenait Moïse Amyraut et était désormais brouillé avec André Rivet. A la fin de l’année 1646, il était venu en Agenais où sa famille possédait le château de Boinet dans la paroisse de Monflaquin. 182 François de Morin, conseiller à la chambre de l’Edit de Guyenne. Il avait épousé en 1625 Marie Sarrau, fille de Jean Sarrau, sieur de Brie et de Boynet et d’Antoinette Vallet, sœur de Claude Sarrau. Paul-Louis COŸNE, Dictionnaire des familles protestantes de Bordeaux au XVIIe siècle, Bordeaux, 1994, 8 vol, tome V, p. 94.

Page 100: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

100

de mon collègue en cette exécution, j’iray le faire condemner. Je [] l’occasion (dont d’ailleurs je fay dépuration) pour en désabuzer plusieurs. Au fond il n’y a que du […] le combat.

Vous pourrez assurer la Sieur Blaeu que volontiers moy & mes amis travaillerons [] débiter une balle d’exemplaires de mes livres. J’ay eu une petite venuë de gouttes aux pieds et [à quel]ques doigts qui m’a fait garder la chambre toute la semène passée. Mais aujourd’huy je me suis transporté au temple avec facilité & sans baston, n’ayant eu une fiebvre ne degoust que pour un jour & loue le Seigneur à la grâce duquel je vous recommende de tout mon cœur, avec Madamoiselle ma chère sœur & toute vostre maison. J’ay prié extraordinairement le Seigneur pour sa bénédiction […] vous tous en cette nouvelle station, & vous embrasse de tout mon cœur ; comme les miens vous saluent très-humblement et suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le 2e décembre 1636 (sic). J’ay leu aussi et avec grand profit l’excellent ouvrage de Monsieur de Soumaize De primatu qui

nous fait encore attendre de grande choses. Dieu le veuille conserver & fortifier pour nous les donner. Si je peux trouver ayde à copier, je vous envoyeray la feuille de ma dernière response à Monsieur Mestrezat. Il importe bien de voir ce qu’ils disent & ce que nous opposons mesmement, les advis me seront utiles sur cela.

B. U. Leyde, BPL 287/I/119

Sans date ni lieu Monsieur mon très-honoré frère, Vous avez à présent la relation de mon voyage de Poictou & le contract que j’ay passé pour

vous avec l’agent de Monsieur le Grand-maistre. J’ay depuis reçeu celle par lequelle vous me faittes sçavoir ce que vous avez fait à Bréda en l’inauguration de cette escole illustre & collège d’Orange de très digne institution. Je loue grandement Madame la princesse de s’y estre portée avec tant de soin & d’assiduité ; et ne doubte pas que Dieu ne bénit un tel dessein tendant à sa gloire. Aussi a t-on fort bien pensé que vostre résidence là y sera très utiles. Et je ne doubte pas que vostre séjour entièrement parmi les muses ne vous agréa plus en cet aage que le tracas de la Cour. Pourveu que nostre communication n’en soit pas plus difficile ; comme vous y pourrez bien pourvoirs je seray sans intérest là où d’aillé mes vous n’y en aurez pas.

J’ay esté bien joyeux d’apprendre que Monsieur Spanheim a convenu avec le Sr. Blaeu d’Amsterdam pour l’impression de mon livre. Et vous luy & luy changerez le titre & ce qu’il vous plaira en iceluy, ayant tout droit sur l’autheur. J’atten vostre discussion avec gran dézire la pièce sera grande à ce que je voy, & agréable en la diversité des matières à cet homme d’ailleurs ayant fait ses derniers efforts vous aura donné sujet de déployer grandes choses à l’Ilustration & gloire de la vérité.

Monsieur Carrière frère utérin de Monsieur Garrisolles m’escrit qu’en Languedoc on a pris de très bonne résolution contre les nouveautés, & qu’on a fort approuvé ce que nous avons fait. Si vous escrivez [à Monsieur] Garrissoles, je joinderay une lettre à la vostre.

Monsieur Sarrau, à qui Monsieur Vincent avoit escrit de bonne ancre, luy a respondu d’Aunay, se plaint de ce que vous ayant escrit familièrement, vous m’avez communiqué cette partie de sa lettre & dit qu’il faudra qu’il pèze ses mots doresnavant. Mais après tout extolle son Monsieur Amyraut & sa cause blasme nostre synode & son bal arresté, dit que je n’ay pas fait en Poictou ce que je voulois , & que j’ay parlé de luy dans le Synode avec chaleur. Mais il ne fut aucunement nommé dans le Synode, seulement Monsieur Dhuisseau & moy estans de mesme chambrée & nous entretenans de la substance de leur Académie, je dis qu’on auroit tort de se plaindre de nostre province, sur quoy luy disant que les effets ils s’en louoyent, je dis qu’il falloit bien qu’on eust informé Monsieur Sarrau au contraire alléguant ses termes. Mais ces gens sont malicieux et prattiquant les hommes par art.

Page 101: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

101

J’envoye par ce messager une response très exacte à Monsieur Mestrezat. Dieu luy doint d’en faire son profit. J’en adverty Monsieur Dfrelincourt dont je reçeu lettre hyer par un jeune proposant que le père dézire mettre près de moy.

Je vous escrivis touchant Monsieur Morus []ez mesnager l’advis. Et je luy ay respondu en relevant avec dextérité selon que l’estime Monsieur Vincent qui tient que vous feriez une belle œuvre de l’accommoder avec Monsieur Spanheim, & que cela le ramèneroit à nous, mesme se voyant veillé à Genève. Je souhaitte qu’ainsi soit. Mais ces gens ont leur intérieur mal disposé & l’entretiennent par intelligences. Certes cet éclat m’a estonné en ce qu’il se laisse aller de la sorte partant de sa plume contre les meilleurs escris veues. Mais il sera bon à mon advis de tenter.

Je finis ici avec la papier ayant travaillé à ma despesche de Paris ; & vous embrassant très affectueusement avec Madamoiselle ma sœur, & saluant humblement Madamoiselle du Moulin, me scachant de cœur entier,

Monsieur mon très honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère et serviteur. Guill. Rivet

Je salue très humblement Monsieur Spanheim. B. U. Leyde, BPL 287/II/117

30 décembre 1646 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’atten avec impatience de vos lettres escrites de Bréda pour sçavoir vostre heureuse arrivée &

establissement en cette station et j’espère d’en avoir demain aydant Dieu. Mais ce mot sera pour response à vostre dernière. Vous me disiez vostre départ prest ; & les vents qui lors ont esté grands en ce pays m’ont fait souhaitter que vous prissiez un chemin de terre s’il se pouvoit.

D’ailleurs j’ay esté consolé de ce que vous avez apris la relation de mon voyage de Poictou. J’attens le mois de febvrier pour aller ou envoyer achever l’affaire de S. Maixent délivrant le contract ratifié & recevant le restant.

J’ay esté fort satisfait des bons propos de Monsieur de Croy. Mais Monsieur Vincent, à qui j’ay communiqué le tout, m’escrit que c’est un né de rien et que à Charenton il fut tourné en un instant quand M. Amyraut l’eut abouché, duquel il se dit satisfait. Que despuis ayant trouvé l’air de ses voisins contraire, il est revenu ; mais que non est magna occassio. Je trouve portant que quoy qu’il en soit du passé, c’est beaucoup qu’il parle ainsi maintenant & vueille faire ce qu’il dit, s’engageant au combat en escrits publics.

J’ay lettre de Messieurs Leger & Piolet, le dernier m’escrivant qu’ils ont appris que M. Amyraut tenant la meilleure contenance qu’il puisse, est estonné en effet ; et qu’ayant escusé de suivre pied à pied il y a trouvé tant de difficultés qu’il s’est résolu de faire un escrit général & libre sur ces matières.

J’ay leu l’escrit concernant le dessein de justifier Nestoriens comme orthodoxe & martyr & noircir Cyrille comme hérésiarche & tous ses adhérents pour héritiques183. Je trouve la chose non seulement odieuse & non nécessaire, mais encore trop hardie, & aucunement irénique. Car quoy que il y ait eu plus de zèlle superstitieux és laïcs & ex moines avec plusieurs évesques pour élever la vierge Marie, >>>>>> et Pulchérie184 & ces femmes d’Esphese qui bruslèrent de l’encens en contestant aux 183 Il s’agit de l’ouvrage de Gilles GAILLARD, Disputation de supposito, in qua plurima hactenus inaudita de Nestorio tanquam orthodoxo et Cyrillo Alexandrino aliisque episcopis Ephesi in synodum coactis tanquam haeriticis demonstrantur, ut soli scripturee sacrae infallibilitas asseratur dont Guillaume Rivet fait état dans sa lettre du 30 juillet 1646. Dans cet ouvrage Gaillard défendait l’archevêque de Constantinople Nestorius mort en exil vers 451 contre le patriarche d’Alexandrie Cyrille mort en 444, se plaçant à contre-pied de la décision du concile d’Ephèse, qui avait condamné les positions de Nestorius sur la double nature du Christ. 184 Pulchérie (399-453), impératrice d’Orient, canonisée par l’Eglise grecque. Elle fit rédiger le code Théodosien et lutta contre les hérésies.

Page 102: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

102

flambeaux les condemnateurs de Nestorius ; et que ce condemné en son Epistre & empeschies Quater nous definisse bien clairement ce qui est de la vérité ; ce que Cyrille & Celestius luy advouent ; il dit choses qui s’en éloignent aucunement outre qu’il eut fort de faire prononcer autheur & de qualifier Cyrille hérétique, devant son jugement & ses anchématismes. Et ne se trouvera point que Cyrille prenne tousjours hypothèse pour nature, (ni Nestorius pour personne). Ce qui est fort scandaleusement et injurieusement attribué au grand Athanase pour le faire très >>>>>> & establir en ses hypothèses (deux mots indéchiffrables) singulières, une seulement en espèce, cela va à rejetter tous les limites & au but de ceux dont vous escrit le moine Mersennus185.

Je croy bien qu’un escrit judicieux & modeste eust pû contrer & édifier sur ces faicts. Si au lieu de /2/ déclarer la guerre si ouverte à ces anciens & découvrir ce but de rabaisser [l’au]thorité des conciles (qui fera dire aux adversaires que nous nous trouverions rien à cela pour défendre nos doctrines dont ils se prévaudroyent contre nous) monstroit pas beaucoup de défaut des hommes rabillés après en diverses occasions par d’autres conciles, comme Dieu a merveilleusement conservé sa vérité touchant ces ponts fondamentaux, à ce que la gloire luy estoit rendue entière. Et ce grand bruit me déplaist , quoy que qu’il y ait beaucoup d’érudition en ces entreprises.

Quant à Nathanaël Chadeau, il a tesmoigné à sa mère s’estonner de ce qu’elle []iré qu’il touchast les 18 livres que je vous avois prié luy faire délivrer, s’imaginant qu’elle le voulust rappeller ; ce qui n’estoit nullement son intention. Et cependant [a] creu en suitte que elle luy en donneroit bien encore autant. En quoy elle dit qu’il abuze ; & qu’elle ne veut pas luy donner sujet d’attendre qu’elle en use ainsi. Qu’il [a] mestier, outre sa condition de soldat ; qu’il gagne de quoy payer ce qu’il a enprunté sans [] d’elle, de laquelle il sçait la condition. Que son mary l’avoit laissé avec grand nombre d’enfans sans aucun bien de sa part ; & que ma bru, femme de mon fils, Jean, fille aisnée de [son père] s’est tenue aux droits de sa mère première femme, & a entièrement renoncé à l’héritage de leur père commun. Et je suis bien déplaisant que vous soyez importuné de ce recours, et d’en donner advis, comme je vous en prie.

Vous saluant très humblement & affectueusement, avec Madamoiselle ma sœur, mes nepveux & niepces & Madamoiselle du Moulin ; comme font aussi mes enfans qui se portent tous bien, & moy aussi au Seigneur, auquel je demande ardemment la continuation de vostre prospérité, comme estant,

Monsieur mon très honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère et serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXXe décembre 1646. Je vous supplie qu’escrivant à Monsieur Spanheim, il vous plaise le saluer très-humblement de

ma part, & l’assurer de ce que je prie Dieu de grand cœur qu’il conserve longuement à son Eglise un tel défenseur de la vérité.

B. U. Leyde, BPL 287/II/118

1647 s’ouvre par deux décès celui de Claude Rivet, sieur de Mondevis, second fils d’André Rivet, puis celui du prince d’Orange Frédéric-Henri de Nassau.

Au début de l’année 1647, Timoléon de Campet, prieur de Saint-Martin de Saujon, l’un des fils de l’ancien baron de Saujon, assigna en justice Etienne Rivet parce qu’il prêchait à Didonne, terre

185 Marin Mersenne, né le 8 septembre 1588 à Oizé (Sarthe), appartenait à l’ordre des Minimes. Philosophe, mathématicien, musicien, il fut en relation avec les plus grands esprits de son temps. Bien qu’homme d’église catholique, il entretint une correspondance avec André Rivet, échangeant avec lui des informations sur les ouvrages de théologie, d’exégèse, de patristique, d’érudition imprimés tant en France qu’aux Provinces-Unies. La Bibliothèque de l’Université de Leyde conserve 71 de ses lettres. La première est datée du 30 octobre 1628 et la dernière du 9 mai 1648185, trois mois avant sa mort le 1er septembre 1648. Cf. Cornélis de WAARD et collaborateurs, Correspondance du P. Marin Mersenne, religieux minime, Paris, Beauchesne et Ed. du C.N.R.S., 1933-1988, 17 volume et un supplément.

Page 103: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

103

appartenant aux La Trémoille. Il s’en suivit un procès à Bordeaux devant la chambre de l’Edit de Guyenne.

27 janvier 1647 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Enfin j’ay reçeu vos lettres escrittes de Bréda le 5 décembre qui me sont venues six semènes

après ; & ceux quelle je n’ay pû respondre que à présent pour avoir depuis quinze jours esté affligé au bras droit & à la main dont encore escri-je avec pène. Or ay je grandement loué Dieu de vous voir establi avec tous en avantages en tel lieux & pour l’avancement de la gloire de Dieu & sa louange en sa subsistance de cette digne contitution du Prince auquel Dieu a rendu sa maison, à ce que la maison du souverain maistre y soit affermie pour l’avenir & les lieux proches.

Je me suis ramenteu que quant la nouvelle de la prise de Bréda par l’Hespagne186 fut venuë à Monsieur de Feuquerole, que le Roy avoit mis ici en la place de Monsieur du Plessis-Bellay, il luy tarda bien bien qu’il ne me fist part de ce paquet ; et aujourdhuy, dit-il, les louanges de Dieu sont chantées dans Bréda ; par lequel dict il entendoit bien me navrer le cœur. Je luy respondis qu’elles y estoyent très bien chantées & annoncées auparavant. Mais non pas, tel, à la façon de l’Eglise. C’estoit réparti je à la façon que Dieu requiert. Et n’y a pas sujet de se resjouir pour cette perte que font les bons & assurés alliés du Roy. Je m’asseure qu’à la Cour y en de la douleur. Et quoy qu’il en soit, il faudra que la France pense à bon escient à d’opposer aux progrès de la maison d’Austriche pour establir sa propre seureté. Je ne pensois pas que peu d’années après Dieu restituroit cette place à son droit maistre, & qu’une personne qui me touche de si près en feroit les premières actions de grâces dans l’atente du prince victorieux. Et moins encore que l’Eglise remise avec l’ordinaire des vrayes louange de Dieu, il mettroit au cœur de ce prince d’y fonder une illustre escole de doctrine sainte & orthodoxie, le loger dans un hostel dédié à superstition féminine ; laquelle arrachée de là, y succédast cette forte & virile congrégation d’hommes vrayement religieux & sçavant pour former une jeunesse qui leur puisse ressembler à l’édification de l’Eglise ; & que la surintendance vous en estant donnée, vous auriez là pour vos derniers jours une retraitte commode & de tranquillité douce, et otia in queis grande exerceres negotium. Et Dieu, merveilleux en ses œuvres, m’a fait voir cela, pour me consoler bien plenement & consolée tout entièrement la pluye qu’on désigne lors sur mon âmes, comme on souloit en toutes occasions de nos maux avec espiément de ma clémence & payement de mes paroles.

Or vueille le Seigneur affermir cet œuvre qu’il a fait, regarder ce prince en sa bénignité dans ses infirmités corporelles, bénie de plus en plus sa maison ; & vous donner de continuer longues années vos saints labeurs à sa grande gloire & mervelleuse édification de son Eglise & que Madamoiselle très-chère sœur y trouve de plus en plus son contentement & continue de vous estre en consolation, mais Mlle sa niepce en ayde ; à quoy contribunent mes nepveux & niepces /2/.

Je n’ay point vostre advis que vous ayez receu le paquet contenant l’obligation de 100 livres que mon nepveu de Mondevis que j’ay acquitté par vostre & autres lettres de depuis. J’atten nouvelles de St. Maixent pour parachever vostre affaire. Après quoy je pourvoiray au reste & pour ce qui concerne Chadeau, qui reçeu le double de ce qu’on luy avoit désiré.

Tout mon peuple se porte bien grâce à Dieu, & je ne me suis point arresté ; Ains nonobstant mon infirmité fut jeudy dernier à S. Savinien bénir un mariage & baptiser 4 enfens en la place de Monsieur Baudouin, homme fort sobre & de célibat perpétuel qui ne bouge si on ne le remuë, i[mmobilisé] jusque au col par la goute. Mais, Dieu merci, je coule tousjours pour ce que j’en [avois] à vous dire. Au reste (Monsieur Marsilly n’estant point ici), je vous anvoyeray des ex[traits] de lettres me hastant par la nécessité de main de vous proposer l’affection de mon cœur & l’assurance de ce que je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

186 Bréda avait capitulé le 5 juin 1625 entre les mains de Spinola. Cette capitulation a été le thème du chef-d’œuvre de Vélasquez.

Page 104: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

104

frère et serviteur. Guill. Rivet

Je vous supplie d’assurer Monsieur Spanheim de mon très humble service & de ce que l’estime de luy a l’affection à sa personne >>>>> ousoit in >>>>.

Monsieur Darbois me presse fort de luy mander quelle response j’ay de vous et je ne sçay que dire.

B. U. Leyde, BPL 287/II/120

18 février 1647 - Taillebourg187 Monsieur mon très-honoré frère, Monsieur Thomas du Petit Port, venant de me faire advertir par mon gendre, son beau-frère, que

tous deux s’en vont à Paris à la Sourdine & passant par Vitray, j’ay chargé mon gendre d’un paquet contenant trois cahiers de six feuilles de ma triplique à Monsieur Mestrezat. Elle est escrite en lettre fort menue, & n’y eu loysir de la relire, mais j’espère qu’il n’y aura pas beaucoup de fautes. Ce vous sera courvée de lire en toute façon. Mais cette partie vous fera juger du reste tant d’un costé que d’autre ; & à Monsieur Spanheim si ses meilleurs occupations luy laissent quelques heures à perdre. Je li & ay presque achevé de lire vostre très excellent διαλυσις 188, par laquelle la vérité triomphe de l’impuissance des plus doctes adversaires.

Je ne sçay les adversaires n’auront point quelque dépit de cela ; et si le prieur de Saujon, fils du malheureux qui a vendu cette maison189, revenu freschement de Paris n’a point pris cette occasion comme de temps propre (et en l’occurrence publique) pour harceler mon jeune fils qu’il a fait assigner pour comparoistre en personne devant le parlement de Bourdeaux sur ce qu’il presche près de Saujon en la terre de Didonne190. Cela vient de m’estre dénoncé & que mon fils ayant envoyé au conseil de Saintes ; on luy donne advis d’envoyer présenter requeste à la Chambre à ce qu’il soit enjoint au greffier de porter en icelle les informations ; sur quoy se trouvant conflict de jurisdiction, il faudra aller au Conseil du Roy. Je croy que Madame la duchesse y pourra faire quelque chose. C’est une pure malignité et je plain cette Eglise ainsi troublée, & mon fils travaillé. Mais Dieu y pourvoyra par sa bonté.

J’ay reçeu l’advis de la réception de l’obligation qu’avoit Dieumegard ; & ce que vous adjoustiez sur l’affaire de S. Maixant, d’où j’atten ordre pour aller ou commettre. Je réserve d’aillieurs de vous escrire à loysir dans huit jours par le messager ; & mes lettres seront à Paris peu après ceci. Ces froids de fevrier m’ont un peu incommodé au pied droit. Mais nonobostant j’ay esté faire un second presche à une lieu d’ici ; & espère d’estre bientost entièrement remis. De cela, je prie Dieu qu’il continue longuement vostre heureux & prospère estat, vous conservant pour sa gloire avec l’aide qui vous est la consolation si grande dans l’aage auquel vous este, sçavoir Madamoiselle ma très chère sœur à laquelle & Mlle sa niepçe je baise humblement les mains, priant Dieu pour la prospérité de mes nepveux & niepçes et estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XVIIJe febvrier 1647. B. U. Leyde, BPL 287/II/72

187 J. A. M. Schellekens signale que cette lettre datant de 1647 a été classée à tort parmi les lettres de 1645. La correspondance entre Guillaume Rivet et André Rivet en 1645, op. cit., p. 2. 188 André RIVET, Grotianœ discussionis διαλυσις, Roter., 1646, in-8°. 189 Timoléon de Campet, fils puîné de Samuel de Campet, baron de Saujon, était docteur en théologie et prieur de Saint-Martin de Saujon . 190 La baronnie de Didonne appartenait aux La Trémoille.

Page 105: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

105

24 février 1647 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je joins ce mot au paquet qu’a porté à Paris le Sieur Villain, l’un de mes gendres, pour vous dire

que j’ay reçeu il y a un peu plus d’un mois (et ainsi fort tard) la copie de vostre bonne & judicieuse lettre à Madame nostre duchesse, en laquelle vous découvrez bien le mal de Paris, auquel porte bien violememnt celuy que vous avez en vostre διαλυσις qualifié vostre amicus & popularis. Je voudrois bien qu’il satisfict autant sur cela qu’il fait sur les satisfactions.

J’ay communiqué cette pièce à de nos frères ; comme aussi vos recommendations. Ils me tesmoignent tous le resentiment qu’ils ont de vostre souvenir d’eux, leur joye de vostre prospérité, & leurs vœux pour la continuation d’icelle & de vostre repos si laborieux et fructueux. Vous pouvez penser si je les devance tous en la pène que j’ay bien plus grande en vous qui avez encore voulu me donner des tesmoignages publics de vostre affection fraternelle, recommendant avec éloge mon histoire de l’invocation des saints.

J’ay envoyé à mon jeune fils l’un des deux exemplaires dont vous m’avez fait présent ; toutefois ayant mis ordre que Monsieur Rossel le vit devant ; lequel nonobstant en veut un à soy, & de tout ce qui vient de vous à quelque prix que ce soit.

Aujourd’huy, j’ay encore reçeu ma lettre de Monsieur Dartois qui me mande qu’il apprend que quoy que vous l’ayez couché sur les rangs, on porte Monsieur Brecciardin. Il vous prie de prendre à cœur cet’affaire d’autant plus que l’espérance qui luy a esté donnée l’a mis en despense & essulé de ses affaires. Je luy mande que je ne doubte nullment que vous n’y façiez vostre possible, & que je vous en prie. En effet, je souhaitterois fort qu’il eust un employ utile. Et il le mérite ayant de très-beaux dons, & estant homme de belle réprésentation & grâce.

J’espère qui le Sieur Blaeus aura enfin commencé mon livre qui tombera bien. Je souhaitterois qu’en la préface où je fay mention de Monsieur Spanheim il eust titre de celebrissimus au lieu de doctissimus. Il le mérite trop et je n’aurois pas degéa[] de luy en donner à présent moins que Messieurs ses collègues n’ont fait.

Je voudrois aussi avoir donné le titre de vir doctissimus à Monsieur Cappel, qui se sert si mal de son érudition et me repu, advizé par Monsieur Spanheim d’avoir dit prefeactum mendatur à l’égard de Dieu, au lieu de praecisum ; là où je traitte de la nécessité de boire le calice d’amertume.

Mon jeune fils est allé à Bourdeaux se présenter à la Chambre de l’Edit & requérir qu’il soit enjoint au greffier du parlement porter au greffe de la Chambre de l’information. Ce qui fera conflit de jurisdiction pour recevoir au Conseil du Roy. J’espère qu’on ne voudra pas que rien soit innové de ce qui passoit sous le règne du Roy dernier mort ; qui est l’intention de la Royne régente. Et si comme on dist les Pays-Bas unis ne point de paix sans la France, il rn irray semblablement mieux pour nous, et notamment pour vostre nepveu.

J’atten Monsieur d’Agonnay au passage pour le presser. Il faut qu’il paye. Son fils a laissé de quoy. Je vous prie de faire rendre à mon nepveu de Mondevis celle que je luy escris. Monsieur de Couvrelle m’en ayant donné sujet. J’atten nouvelles de S. Maixent & le beau temps. Et on vous rendra le passé de Chadeau, sans plus. Je vous embrasse cordialement avec Madamoiselle ma très chère sœur & salue très affectueusement Madamoiselle du Moulin (ayant lu avec plaisir les pointes de digne amie), estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère et serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXIVe febvrier 1647. B. U. Leyde, BPL 287/II/121

Page 106: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

106

24 février 1647 – Taillebourg

à Monsieur de Mondevis, maistre d’hostel de Son Altesse le prince Guillaume d’Orange

à La Haye191 Monsieur mon cher Nepveu, Je vous prie d’excuzer si je suis tardif à respondre à vos longues & affectueuses lettres. Il vint

fort bien qu’elles furent envoyées droit à Monsieur de Couvrelles sur ce que mon frère sçavoit qu’au temps de leur arrivée en ce pays, je devois estre en Poictou.

Et ainsi estant pourveu autrement à cett’affaire principal, je me suis retenu de toucher à l’autre qui vous regardoit, craignant de gaster au lieu de rahabiller. Car aussi espérois-je que il naistroit occasion sur le lieu & au retour de la campagne, de vous remettre en bonne intelligence & correspondance avec celuy qui ne peut avoir que de grandes tendresses pour les siens. Mesme sçay-je quelle il l’a envers vostre postérité. Il est raisonnable de le laisser gouverner. Car assurément, il a l’esprit très ferme en cet aage, comme il paroist plus par son dernier escrit, qu’il ne consta aux enfans de Sophocles par ses vers.

Je loue grandement Madamoiselle ma chère niepce qui vous a aydé à le considérer & vous porter à cette raison d’acquiescence et Dieu bénira vos respects & déférences à un tel sien serviteur, vostre excellent & très digne père. Il m’ennuye bien que je n’aprenne mon nepveu vostre frère arresté dans le pays en quelque digne charge é chef de famille. Je l’espère pourtant bien tost, Dieu l’accomplissant.

Monsieur de Couvrelles m’a escrit depuis peu avec grand resentiment de vos bons offices rendus à son fils vivant & mort. Il m’adjouste toutesfois qu’il attendoit quelques nouvelles de vous touchant l’estat de ce qu’il avoit laissé. Je vous prie de luy en escrire. Et si vous me l’addressez, je doibs passer chez luy dans quelques mois allant à un Synode ; & seray bien ayse de luy porter vos lettres, on luy faire tenir d’avance.

Je suis dans ma solitude passant assés doucement, une servante prudente conduisant mon mesnage, tous mes enfans estant éloigné de moy ; hormis ma jeune fille que la demeure sur le bord de la rivière & le tracas du négoce de son mary empesche de m’avoir avec soy, mais elle est pour accourir à mon besoin.

Vous & les vostres qui estes si loin, conservez l’affection envers nous & les miens. Je vous salue & embrasse très-affectueusement avec Mlle ma chère niepce & mes chers nepveux & niepce vos enfans. Et je m’assure que vous noublierez jamais,

Monsieur mon cher Nepveu, Vostre très-humble & très affectionné

oncle & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXIVe febvrier 1647. B. U. Leyde, BPL 287/II/122

3 mars 1647 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Ce n’a point esté sans grand estonnement & douleur que j’ay veu l’advis que vous m’avez

donné du décès de mon nepveu, l’aisné des deux qui vous restoyent. Il avoit de beaux dont, & estant propre à la charge qu’il exerçoit eust esté capable d’avancer et vous estre en consolation s’il eust bien mesnagé son talent. Mais Dieu nous fait voir en luy que c’est que de cette vie, mesme en la verdeur 191 Claude Rivet étant décédé au début de la seconde quinzaine du mois de janvier 1647, il ne reçut jamais cette lettre qui fut transmise à son père.

Page 107: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

107

d’icelle ; & qu’il n’y a que d’aspirer à une meilleure. C’est beaucoup puisque sa course a esté abbrégée, qu’il est en temps & moyen d’appréhender le but, mourant au Seigneur.

Ce petit que vous prenez, vous sera une compensation, laquelle pource estre par dessus, dans le soin que vous & Mademoiselle ma sœur en prendrez. Et n’y a pas grande difficulté à la conduite de la fille qui sera auprès d’une bonne mère, que Dieu veuille diriger en sa viduité. Je luy escri un mot en cette occurrence. Et vous aurez eu par le précédent messager une lettre que j’escrivois au pouvre défunt maintenant que je m’imaginois florissant sur la terre. Mais celuy qui porte ma lettre à Saintes, m’apporta la vostre narrative de cet événement. Je considère bien fort tout ce que vous me proposez pour recognoistre que Dieu fait tout bien ; et fay bien un grand commentaire sur cela à l’égard […] des vostres.

Tandis que je pense aux long exercices que me donnent les miens. L’aisné commence de troubler mon repos sans m’escrire, mais me faisant dire qu’un médecin papiste establi à S. Denis luy a osté toutes ses pratiques ; & n’en trouvant durant une longue maladie dont il sort qu’il va à Montmorenci fort empesché. Ce qui me perce le cœur de compassion du mal qu’il a pour s’estre voulu gouverner à sa teste, tout remède manquant à présent ; & me donne des transes estanges dans l’estat où je suis auquel j’ay besoin de me rendorcer un peu devant que je m’en aille, & me reposer après tant de labeur. Mais il semble que je suis tousjours à recommencer.

Je n’ay point de nouvelles de mon jeune fils allé à Bourdeaux ; & n’attend qu’un partage. Le second s’ennuye de sa condition & n’est pas an partie d’autre. Ainsi il nous faut tousjours des eschardes en ce monde pour ne nous y plaire pas trop.

On nous dit la paix d’Hollande rompue par les offices de Monsieur Servien. Dieu veuille que tout aille bien. J’ay escrit à nostre sœur & le charge d’envoyer à St. Maixent pour voir Monsieur Chole, advocat du Roy, auquel j’escri. S’il ne me respond, je seray pour escrire au maistre & faire présenter le lettre par Monsieur Thomas ou mon gendre à Paris.

J’atten Monsieur d’Agonnay à la rencontre pour le soliciter. En effet son fils a laissé du bien pour payer ses debtes ; & il me l’avoit promis en donner delay. J’oubliois de vous parler de mon nepveu vostre unique dont le rappel me resjouist. Il est temps qu’il s’establisse & face chef & souche à vostre veue & joye. Dieu me doint & vous conserve en prospérité aves Madamoiselle ma sœur. Je vous embrasse tous deux de cœur, & salue humblement Madamoiselle du Moulin, estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère et serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le IIIe mars 1647. B. U. Leyde, BPL 287/II/123

1er avril 1647 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je n’ay rien reçeu de vous depuis la lettre par laquelle vous me donniez advis du décès de mon

nepveu vostre fils aisné, à laquelle je vous respondi en tesmoignant mes resentimens & par mesme moyen escrivis à sa vefve.

Je vous ay escrit encore une autre fois joignant trois cahier de ma triplique à Monsieur Mestrezat. Et par le messager suivant vous envoyay un paquet de Monsieur de Couvrelles la response auquel pourra venir au temps de nostre synode à Jonsac qui me donnera occasion de le voir chez luy si Dieu me continue vie & santé.

Mon fils, le pasteur, ayant esté à Bourdeaux se présenter à la Chambre de l’Edit qui donna arrest de rétention de la cause. Il prescha aussi le dimanche à Bègle & édifia. Mais on dit que le procureur général a fait décréter au parlement prise de corps contre luy ; le prieur de Saujon en menaçant. Néantmoins la sepmène que mon fils estoit à Bourdeaux, il y eut lettres du Roy envoyées à la

Page 108: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

108

solicitation de nostre député-général assignantes à ce procureur général, par lesquelles luy estoit inhibé de se mesler des affaires qui concernent es Edit. Mais ces Messieurs veulent tousjours donner la pène aux nostres de recourir au Conseil contre leurs vexations. C’est ce qu’il faudra que mon fils face avec son Eglise, & que cependant on se garde de l’affront.

Voilà nostre condition en divers lieux. Sans le mariage de mon fils (duquel il n’y a point encore de fruit) il seroit peut-estre avec vous à Bréda. Mais Dieu en a disposé autrement. Mon fils, le médecin, m’a escrit & a fort embrassé son nouveau beau-frère. Il espère vivotter à Montmorancy. Et j’appréhende bien que la lettre d’honnesteté soit suivie d’une autre demande. Jean est malade d’une scyatique. Ma jeune fille accoucha le 22e mars d’une fille heureusement. Mais l’enfant décéda la nuit du 5e jour après, & ce sans qu’on s’en apperceust. Ainsi, le père qui est à Paris, avez eu la courte joye. Ma fille aisnée s’est aussi blessée & a fait un fruit masle abortif de deux mois, estant à présent remise. Il luy reste une fille qui est bien jolie ; comme aussi celle du premier lit de sa sœur.

J’appren par La Gazette le décès de ce grand héros Monseigneur le prince d’Orange vostre bienfaiteur. Quoy qu’on le mist mourant il y a assés longtemps, la maison & le pays, & vous particulièrement en aurez reçeu grande affliction. Dieu bénie son successeur & console toute la maison. Je croy que cela aura fait résoudre a la ratification de la paix qui viendra bien à propos pour ce pays là, quoy que non pour nous en cet estat qui demeure en guerre contre l’Espagne.

J’espère de vos nouvelles bien tost & prie Dieu qu’il me les doint bonnes pour ce qui vous regarde & Mademoiselle ma sœur avec toute vostre maison. Je vous salue humblement tous deux avec Madamoiselle du Moulin, souhaittant que mon nepveu revenu heureusement de Londres pour vous estre en ayde & consolation et en support à la postérité de son frère défunt. Ma jeune fille qui n’est pas encore relevés de couches, vous baise humblement les mains ; comme je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère et serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le 1er apvril 1647. B. U. Leyde, BPL 287/II/124

7 avril 1647 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Estant en attente de vos nouvelles depuis assés longtemps, je vous veux entretenir un peu entre

les deux et vous diray premièrement que recognoissant que les Pays-Bas unis ont fait une perte signalée en la mort de leur chef, il est à désirer de sçavoir qu’ils ayent pris une bonne résolution pour se lier ensemble en correspondance ferme non seulement quant au politic, mais aussi pour conserver la Religion entière. Je croy que la survivance ayant esté donné il y a quelque années pour le fils, quant aux charges de peu cela aura demeuré ferme à l’avantage de cette grande maison, laquelle appuye sa patrie. Et pense bien qu’en cette occurrence la ratification des articles des paix aura passé ; quoy que j’appréhende que nostre France en ait du mescontentment & du mal.

Je crain aussi que le Roy de la Grande-Bretagne prétende plus tirer de son gendre qu’il ne faisoit du père, & l’engage davantage. Mais il aura de sages conseilliers ; & notamment Madame sa mère & Monsieur l’Electeur son beau-frère ; outre qu’il est fort advisé de soy ; & heureux conservant ce qui luy vient sans main mettre, après les labeurs des trois héros de sa maison.

Je vous escrivis dernièrement les pènes que j’ay pour mon jeune fils, menacé de prise de corps décrétée par le parlement, nonobstant la rétention de sa cause par la chambre & selon l’édit. Et ce mal est que le j’atten plaindre au conseil & faire interdire la Cour du Parlement sans avoir ce décret que le greffier ne délivrera pas aux nostres, seroit pour néant, & d’attendre la matière de requeste par l’emprisonnement injuste, seroit fascheux. Mesme j’appréhende du mal en la résistance que pourroit faire le peuple si on l’entreprenoit. C’est pourquoy je doibs aller demain à Saintes, Dieu aydant, & voir un gentilhomme de nos amis, parent du prieur de Saujon, qui a eu parole de luy pour quatre jours

Page 109: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

109

& je pourray aller aussi sur les lieux avec cet entremetteur pour tascher d’arrester la victoire personnelle, & obtenir moyen de se pourvoir paisiblement au Conseil en règlement du juges. Tout cela se rencontre très mal en cette conjoncture d’affaires. Et nous avons besoin de prier Dieu qu’il destourne cet orage. Je vous envoye deux cahiers de deux fueilles chacun de le suitte de ma triptique. Monsieur Mestrezat en ayant deux autres pour la prochaine. Et ce sera le tout.

Vous verrez, vous & Monsieur Spanheim, si vous pourrez perdre quelques heures à voir ce que l’intelligence des choses vous fera mieux lire. Car je l’ay escrit menu pour plus avançer & à ce qu’il y eust moins de masse pour les messagers. Vous me ferez sçavoir s’il vous plaist le particulier de l’estat de la famille de feu mon nepveu de Mondevis ; & si mon nepveu, vostre unique fils immédiat, sera retourné, on ne s’y disposera pas pour le premier beau-temps. Je prie Dieu que vous en ayez tout contentement, comme je l’espère ; & que vous continuerez long temps en vostre station en toute prospérité avec Madamoiselle ma très chère sœur ; comme vous embrassant affectueusement tous deux, & saluant humblement Mlle du Moulin, je demeure,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le VIIe apvril 1647. B. U. Leyde, BPL 287/II/125

21 avril 1647 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Après avoir long temps attendu, j’ay reçeu tout à la fois vos deux lettres dont l’une est du 10e de

mars & l’autre du 24e.. Cette dernière escritte de La Haye où vous estiez allé pour la consolation de Madame la princesse, veufve de ce grand héros & de ses dignes héritiers. Il est vray que ce que vous m’escrivez de sa foy & de son zèle à la religion & conservation d’icelle dont il ait si fort cousté par ses derniers propos & sa fin est de grande consolation & d’édification pour estre ensuite.

Je ne doubte pas que Monseigneur le prince successeur ne vous considère fort particulièrement, comme le tesmoigne l’office qu’il a fait pour mon nepveu, luy donnant une entrée d’employ commun pour venir à une admission plus intime. Je croy que vous le devez marier au plus tost ; et il est pour trouver assés avantageusement. Je seray bien ayse de le sçavoir retourné heureusement. Il sera autre mesnager que son frère, lequel à ce que je voy estoit pour dissiper tout, puisqu’il avoit conservé 4 000 livres du bien de sa femme par sa propre conpassion, pouvant bien y avoir des debtes créées oute cela. Si elle veut se tient à ses droits ; comme il me semble permis aux femmes en tous pays, elle aura tout son bien, ses orenments & habits, perles & joyaux, & tous les meubles qu’elle a apporté ; renonçant au reste. Et faud que les enfans prenant ce reste avec le fonds du père entier, moyennant qu’ils laissent les meubles ; comme il semble que vous l’insinnuez ; je ne compren pas qu’il se puisse, ou bien la règle est autre là qu’en ces quartiers tant de pays de droit escrit que coutumier. Tant y a que les pauvres enfans ont un bon père en vous & auront un bon curateur en leur oncle. Dieu les vueille bénir abondamment. N’estimeriez-vous point à propos sur la considération de divers cas qui pourroyent advenir de substituer vostre fils à ces enfans quant au bien qui leur viendra de vous. Car la mère & par elle tel qui ne leur seroit rien pourroit autrement en hériter. De celuy que vous avez desja donné, il n’est plus en vostre disposition pour cela. Ce que selon le droit escrit le père ou la mère héritent à l’exclusion d’un oncle, ou un oncle et tante à l’exclusion du nepveu post fraties, fratum & filios donne grand sujet à des substitutions.

Pour revenir à mon pauvre nepveu défunt, je regrette fort qu’il n’ait eu le temps de se remettre pour mieux employer ses dons qu’il avoit grand. Mais je loue Dieu qu’il ait recognu ses offenses envers vous & celle dont il a tesmoigné qu’il sçavoit les vertus. Elle luy aura si bien pardonné selon la charité que le petit Willem-Ludwik en aura grand fruit. Monsieur le Recteur magnifique de Leyden que je salue très humblement & le remercie de son soin envers l’imprimeur Blaeu qui aura commencé) aura pû avoir fait l’oraison funèbres à l’honneur de ce grand prince.

Page 110: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

110

Je dézirerois bien avoir les pièces qui se seront faittes à ce sujet, & ce qu’en vostre διαλυσις vous promettez de Monsieur Haye touchant le Parthénias d’à présent & les deux précédens patriarches Ephémères avec leurs conciles lesthiques (?). De laquelle διαλυσις, je vous ay escrit mon sentiment et vous diray encore que l’ayant releu une fois tout entièrement, j’y trouve une admirable force de vostre esprit & une merveilleuse & agréable abondance de choses tirées dun riche magazin & appliquée très-judicieusement, dont reste que selon la pointe de Madamoyselle de Shurman, l’univers recognoissance écrite, tesmoignage à vostre triomphe sur ce malin esprit qui a serti les jugemens de Dieu.

Il y a quelque temps que je fus à Saujon pour débaraser mon fils & faire qu’on ne se prise pas à sa personne. Mais, Dieu merci, le lieutenant du Roy qui est en Brouage le protège, empeschant qu’on exécute l’arrest du parlement qui n’est pas nostre juge là où la chambre a retenu la cause. Et je croy qu’on a interdiction du Conseil au parlement.

J’ay icy mon jeune fils & sa femme, se portent fort bien ; mais elle n’est point grosse encore. Ils vous baisent très humblement les mains. Il avoit leu vostre dernier escrit fort avidement & l’admiroit. Il me dit qu’estant à Bourdeaux, dès que Monsieur de Morin192 le sceut il cercha le prévenir de le voir ; & luy tesmoigna l’obligation qu’il vous avoit à l’égard de son fils page de Son /2/ Altesse, luy offrit tout ce qui estoit de soy ; adjoustant que s’il n’estoit son juge il eust fait [au]tre chose. Monsieur de Ségur creut que la chambre seroit partagée en cest affaire par le parlement [a]près. Mais il eut pour rapporteur Monsieur de Montagne un des juges Catholiques Romains, duquel la mère de sa [femme] estoit cousine germaine à ma seconde femme & issue de germain de la première. Il s’enquit de moy, & [luy dit qu’il] sera bien ayse de le servir en cet affaire. Et le président Monsieur de Salomon s’y porta aussi.

Mon fils m’adjousta, touchant les Exercitations de Monsieur Spanheim, la grande estime qu’en faisoyent les gens de là. Mais que Monsieur Goyon, qui les lut avidement, luy dit que Monsieur Sarraut les avoit dénigré comme n’estant que redites, voir en voulant en dire, le latin manque, disant qu’il y a…, avoit Es Rh[odus] noster dont estoit advenu que quelques pasteurs de Guyenne prévenus ou circonvenus donnoyent raison de ce qu’ils ne s’approproyent ces livres pour les lire. Je m’estonne qu’un tel personange se soit […] de telle sorte à ces gens pour se faire un si grand tort, car tout le monde admire cet digne & […] latin tant doctement meslé de Grec. Et j’ay cerché l’endroit où est touché le proverbe ιδουρσδοι [] ταδνµα que je trouve parvenu en Grec pag. 57, mais je croy avoir leu en un autre lieu, hû Rhodus est, & s[…] noster, à raison de quoy l’impuissance de ces gens ait construit noster avec Rhodus. Mais c’est ce que je disois au sçeu de grand mesmes qu’il faisoit comme les moines qui ne pouvant respondre à un grand œuvre, la dénigrent par médisance qui tourne à leur confusion193. Et je croy que ce sera tous ce que nous aurons d’eux.

Monsieur Vincent m’ayant escrit il y a plusieurs mois que ce brave avoit dit n’avoir pas encore pensé à respondre à Monsieur Spanheim, iceluy nostre ami adjoustant qu’il n’en falloit pas faire tant si tost.

J’ay reçeu advis de S. Maixent par messager esprès envoyé par nostre cousin Fradin greffier, qui mande m’avoir escrit deux fois. Or n’avois-je [rien] reçeu. Selon son advis, je me propose, Dieu aydant, d’aller de demain en huit jours porter vostre ratification & la promesse qu’on m’a donné pour recevoir argent & pourvoir à ce que vous ordonnez pour nostre […] et ce qui restera des 600 livres, dont je feray rente à nostre cher sœur demeurans entiers. Je le vous envoyeray par la proche commodité de quelque estudians qui ira, ensemble avec le contenu en la scédule de Chadeau que vous m’avez envoyée.

A mon retour, Dieu aydant, je trouveray de vos nouvelles, & vous entretiendray plus plus particulièrement. Cependant je prie Dieu qu’il vous conserve longuement en cette heureuse vigueur avec Madamoiselle ma très chère sœur que je salue très humblement, & qu’il vous ramène mon

192 François de Morin, conseiller huguenot à la chambre de l’Edit de Guyenne. Il était marié à Marie Sarrau, fille de Jean Sarrau, sieur de Brie et de Boynet, et de d’Antonette Vallet. 193 Notons que Daniel Ligou ne partage pas l’avis de Guillaume Rivet écrivant que cet ouvrage de Spanheim “ est une composition lourde, indigente, où ne manquent ni digressions, ni longueurs, ni répétitions ”, Daniel LIGOU, Le protestantisme en France de 1598 à 1715, op. cit., p. 154.

Page 111: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

111

nepveu […] prospérité le bénissant en vostre présence avec mes petits nepveux. Je baise les mains aussà à Mlle du Moulin & demeure de sœur entier,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXIe apvril 1647. B. U. Leyde, BPL 287/II/126

13 mai 1647 – Taillebourg A Taillebourg, le XIIJe may 1647

Monsieur mon très-honoré frère, Je voy que vostre demeure à Bréda éloigne & retarde nostre communication, puisque je n’ay

rien de vous depuis vostre lettre du 24e mars escritte à La Haye. Il m’attendit d’avoir à porter à Monsieur de Couvrelles (que j’espère voir demain allant au Synode à Jarnac) la response à son paquet ; laquelle pourtant il pourra avoir reçeu immédiatement de Paris. Et vous avez ou devez avoir six cahiers de ma triptique à Monsieur Mestrezat. En reste deux seullement que je diffère d’envoyer jusques à ce que j’aye quelque advis de vous touchant les précédens.

J’ay esté à S. Maixent en un temps qui s’est rencontré fort pluvieux & tempestueux sans m’en estre senti incommodé. Bien me suis-je ennuyé d’attendre là deux jours antiers l’advocat du Roy qui estoit à La Malleraye & lequel (quoy qu’on m’eust envoyé exprès pour m’advertir de sa part que je finiroy vostre affaire allant 7 ou 8 jours après Pasques) me remit après la venue de Monsieur le Grand-maistre qu’on attendoit dans trois ou quatre jours. Ainsi tout ce que je fis fut de mettre entre les mains de nostre cousin Fradin grefier vostre retification & la promesse de l’advocat du Roy à ce qu’il reçeust l’argent de luy promettant de luy délivrer en recevant ces pièces, desque nostre dit cousin m’a donné récépissé avec déclaration de la charge que je luy ay laissé . Il doit me faire tenir les 150 livres reçeus qu’ils soyent ; & payer à nostre sœur les 22 livres qui soit de jouissance. Et je luy ay payé ses 20 livres de rente pour l’année courante.

Elle m’a assuré que nostre bonne & excellente mère décéda le dernier de juillet 1603. Si vous escrivez vostre vie (comme je le souhaitterois), imitant en cela d’autres grand personnages. Sa ferme piété qui luy fit faire profession ouverte de la Religion à 13 ans, ayant père & mère papiste. Sa constance en icelle, en laquelle elle a soustenu nostre père dans les plus rudes persécutions. Le soin de l’éducation de trois fils élevés aux lettres, elle ne pensant qu’à en faire des serviteurs de Dieu, le vœu qu’elle fit à Dieu de vous comme d’un autre Samuel, vous tenant pasmé entre ses bras après la cheute & froissure de vous hinerte, laissé tomber par une servante dans une cave (& sur des pierres) par l’huis on ouït d’icelle qui respondait à la rue vostre merveilleuse délivrance & l’accomplissement de ce vœu, l’avidité continuelle d’apprendre les choses droites par lecture, ouïr la parole & conférence avec des serviteurs de Dieu qu’elle voyoit & auxqueles elle escrivoit, la fin respondante à cette vie, en effet admirable en foy & en propos d’édification, ce que lors elle ne vouloit qu’on nous mandast & fit retirer nostre sœur pour n’estre distraitte de ses pensées célestes par l’affection qu’elle m’avoit dit auparavant avoir excessive envers ses enfens & s’en sentir coupable envers Dieu ; tout cela dis-je mériteroit bien d’estre touché & que sa mémoire demeure avec la vostre.

J’avois pensé d’en escrire exprès à l’occasion de ce que le capucin Gervais qui avoit demeuré à St. Maixent, preschant ici le quaresme en l’an 1624 et ayant choisi le lendemain de Pasques, qu’il disoit si Dieu à ses auditeurs de six parroisses assemblée sous le hale, leur donna pour arrière-met qu’une femme huguenote avoit dit qu’elle estoit plus que la vierge Marie qui n’avoit enfanté qu’un prophète, puisqu’elle en avoit enfanté deux, qui sont (disoit-il) : l’un ministre de Thouars & l’autre de Taillebourg. Et il confirma cela au gouverneur Monsieur de Fauqueroles, disant qu’il l’avoit appris à S. Maixent de gens digne de foy. Je dis à ce gentilhomme que nostre mère sçavoit plus de l’Escriture S. que ce capucin ; & mieux discerner que luy la différence de Dieu manifesté en chair & des prophètes, comme aussi des prophètes avec tels ministres que ses enfans, que je n’avois jamais esté

Page 112: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

112

avec elle sans appréhension qu’elle trouvast quelque chose à reprendre en moy194. Que cette fillion monachale auroit contenu à raison de quelque femmelette niase & ignorante, non de celle que des papistes mordans appeloyent entre eux Madame de S. Paul pour tourner en reproche sa lecture des Epistres de ce vaisseau d’élection195 ; et dont quand on parlat de ce que nous avions presché & édifié, ils disoyent : “ Comment ne prescheroyent-ils ! Leur mère leur a appris dès leur bas aage ; car elle prescheroit aussi s’il luy estoit permis ”.

De Jean Rivet, mary de Jeanne Fortin, je n’ay rien pu apprendre, sinon que mon cousin de La Guyonnière m’a dit que l’asseseur de l’aumosnerie de l’abbaye luy a dit que la mesterie de Chauvet, valant 6 à 700 livres de revenu, appartenant à cet hospital, estoit du don de ce Rivet qui fait voir qu’il estoit puissant & zélé en la Religion, de laquelle seule il avoit ouï parler. Ce que tesmoigne aussi une maison près du temple (qu’on l’appelle Eglise) de Romans & qu’on appelle encore la maison des Rivet, laquelle il fit bastir pour s’y retirer & y répondre avec sa famille quant il venoit à sa dévotion.

An reste nostre sœur, ses gendres, ses filles & tous nos parens & amis ; le bonhomme Monsieur Chesneau aussi & Monsieur Blanc , vous saluons très affectueusement et se sont resjoui d’apprendre vostre bon estat, comme ils ont regretté mon nepveu de Mondevis. Je joins à leurs salutations les miennes plus particulières à vous Mafamoiselle ma sœur, & Mlle du Moulin, priant Dieu qu’il vous rémène mon nepveu en santé & bénit vos petits fils & fille, & demeure,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

B. U. Leyde, BPL 287/II/128

20 mai 1647 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je vous ay escrit depuis mon retour de S. Maixent ; se depuis me suis trouvé au synode de

Jarnac, où Dieu m’a fortifié pour y conduire l’action. Nous y avons appris que ceux de Saumur s’opiniastrent & qu’en fin M. Amyraut ayant proposé un escrit long, commençe de faire imprimer ; & qu’il veut préalablement donner au public une apologie pour nos Eglises. Sans doubte pour apologizer pour luy & les siens comme si la résistance à eux faitte estoit contre nes Eglise.

Monsieur Capel & escrit que cette resistance n’a point esté proster Jesum, mais pource que mons>> alta mente raportum, & que peut-estre toute cette histoire se verra. Ce sera à leur confusion qu’ils évalueront cette calomnie de laquelle M. Amiraut luy mesme me tesmoigne estre déplaisant & ne croire plus de qu’on luy avoit persuadé. Mais c’estoit pour m’amadouer, en quoy n’ayant réussi, on est retourné là.

Nous avons fait défense expresse d’envoyer aucun estudier en théologie à Saumur et avons recognu qu’il n’y en avoit aucun de cette province. Il a esté proposé d’approuver par acte les Exercitations de Monsieur Spanheim, mais cette proposition ayant esté faitte sans qu’on m’en eust communiqué, je jugeay qu’il seroit à dezirer que d’autres provinces commençassent. Cependant fut dressé un acte portant que sur le louable rapport que plusieurs ont fait de cet ouvrage, la compagnie exhorte tous les pasteurs de la lire soigneusement pour pouvoir en faire rapport au prochain synode afin qu’en l’occurrence de ces contentions soit délibéré meurement pour résoudre ce qui sera de la gloire de Dieu & édification de l’Eglise au [service] de la vérité. Et en cette occurrence j’advertis qu’on avoit de nouveau reçeu 24 exemplaires […] à La Rochelle. J’espère que mon nepveu vous sera retourné ces vents pluvieux ayant esté [favorables pour] passer d’Angleterre en Hollande.

194 Ce passage que nous portons en italique a été rajouté par Guillaume Rivet au bas de sa page. 195 Référence au passage du verset de la première Epitre à Timohhée où Saint Paul énonce : “ Que la femme écoute l’instruction en silence, avec une entière soumission. Je ne permets pas à la femme d’enseigner, ni de prendre de l’autorité sur l’homme ; mais elle doit demeurer dans le silence ” (1 Tm 2, 11-12).

Page 113: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

113

J’ay fait en sorte que mon fils aisné, qui avoit l[aissé &] quitté la station en laquelle il vivettoit, l’ait repris, & l’ay un peu assisté196. Car le conseil de venir au pays plein de médecins, & où il n’a rien, moy vivant, estoit pour me procurer une charge insupportable & sous le faix de laquelle j’eusse succombé. Je ne le souhaitte en ces quartiers que pour le temps que je n’y seray plus.

Monsieur de Couvrelles que j’ay veu en sa maison, vous baise les mains, & s’estonne de n’avoir response à son paquet que je vous ay envoyé il y a plus de deus mois & demi. Je prie Dieu pour la continuation de vostre santé et de celle de Mademoiselle ma sœur avec mes nepveux, vous embrassant très affectueusement ; comme je salue humblement, Monsieur Spanheim, et Mademoiselle du Moulin ; estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le 20e may 1647. B. U. Leyde, BPL 287/II/129

24 mai 1647 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je vous ay escrit amplement par la poste il y a trois semaines vous parlant au long de mes

δευτερωσεοι ad replicationen Amyraldi & du calme qui nous estoit revenu. Et de vostre part, j’ay eu communication de la lettre du 28e apvril escritte à nostre singulier ami Monsieur Vincent ; n’ayant encore reçeu celle de huit jours auparavant dont vous faittes mention.

Peut-estre que mon nepveu Meschinet attandant d’escrire à son père aura retardé. Il a mandé qu’il se résoubt d’aller vers vous, dont je seray très content ; comme pareillement ses père & mère. Ils luy ont envoyé 200 livres et auront grand soin de luy. Monsieur nostre cousin vous dira qu’il m’a trouvé un peu fatigué & avec quelque défluxion à la main droitte venue après que j’ay escrit durant six semaines continues ; sçavoir trois à la première traçure, et autant à transcrire. Car je n’ay nulle ayde. J’espère que cela ne sera rien, vous escrivant assés aysément.

Monsieur Vincent est après une comcomitio nécessaire contre le plus virulent, le plus menteur & le plus impudent escrit qui se puisse. J’ay grande avantage d’avoir une cause telle que sa rhétorique n’y peut rien. Espérant, si les choses matérielles ne me défaillent, que je l’abbatroy.

Monsieur nostre cousin me vit comme un esclair. Pour vos affaires, je vous diray qu’ayant reçeu de S. Maixent porté à La Rochelle & le salaire du messager payé, 168 livres, dont 100 me restoyent à reçevoir des 600 livres, outre les 100 livres délivrées au Sieur Dieumegard, il a resté 68 livres, dont nostre sœur a eu 22 livres ½. Et mon fils, Jean, par vostre ordre 34 livres. Il y avoit de fraits faits à S. Maixent 10 livres. Ainsi la mise estant de 68 livres et demie, la recepte doibt 2 livres 10 deniers. Et de plus, j’ay receu du frère de Monsieur de Champdor 6 livres 5 sols qui font 8 livres 15 sols. J’ay pensé de ne l’en charger par la chose estant de si peu de peur qu’il trouvast cela mesquin. Il se pourra rencontrer ailleurs. Mesmement sur les exemplaires de mon Epistola responsoria.

Je vous embrasse de tout mon cœur avec Madamoiselle ma très chère sœur, mon nepveu, Monsieur Rivet, ma niepce sa belle-sœur, mon petit nepveu Williem-Ludowik que Dieu bénie, & son frère avec sa sœur. Saluant, très-humblement, Madamoiselle du Moulin, que j’honore & aime singulièrement sans l’avoir mesme veu ; moy qui vous voy continuellement en esprit de l’œil interne,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère et serviteur. Guill. Rivet

196 La situation d’André Rivet, fils de Guillaume, médecin à Saint-Denis, n’était guère brillante.

Page 114: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

114

De Taillebourg, le XXIVe may 1647. B. U. Leyde, BPL 287/II/130

1er juillet 1647 - Taillebourg

Monsieur mon très-honoré frère, Je ne sçay comment il est advenu que diverses de mes dépesches ayant dormi à Paris ou à La

Haye pour vous estre conduit à la fin si tard. Il peut estre ainsi advanu d’autres de vostre part escrittes depuis celles qui accuse la reception de mes susdittes, car je me suis estonné de n’avoir point de response aux miennes de depuis, et notamment au paquet qui contient trois autres cahiers de ma response à Monsieur Mestrezat. Ce qui a fait que j’aye retenu les deux restans pardevant moy. Il ne m’a rien dit jusques ici. Et je commence à croire qu’il sera dépitté pource que je ne l’espargne pas.

Mon gendre d’ici arrivé hyer de Paris eust pû apporter ce qu’il eust voulu ; celuy qui m’a fait tenir ses pièces précédentes ayant esté veu tous les jours d’iceluy mien gendre. J’atten avec impatience les nouvelles de l’arrivée de mon nepveu ; et appris hyer avec déplaisir l’enlèvement du Roy de la Grande-Bretagne qui aura ses suittes de troubles. J’ay regretté aussi que l’héritière de La Force, que j’estimois le fait de Monseigneur le prince de Talmont, soit arrestée pour un autre, & pour aller prendre des fourrures en Pologne197.

Monsieur Vincent a esté ici qui m’avoit communiqué l’escrit de M. Amyraut De lib. arb.198 sur lequel je luy fis diverses observations. Tout cela est à […] de mesnage & pour insinuer ses opinions particulières & la lettre à Monsieur de Croy qu’il fait discantem & dediscantem est comme celle qu’il vous addressa pour persuader qu’est de son costé tel que y est tout contraire. Comme l’extrait de lettre que vous m’avez envoyé verifie.

Son apologie pour nos Eglises est autre chose que je ne cuidois. Il maintient qu’on ne nous doibt pas hayr comme hommes & qu’on nous doibt aismer comme bons concitoyens. Et sur cela dit que si quelques grands on fait la guerre pour leur ambition propre cela leur est particulier199. Et si quelque ville a pensé se faire république, ce mal a esté borné & retenu dans l'anolos de ses murailles. Il s’est voulu faire du faste là pour flatter nos adversaires & noircir La Rochelle après plusieurs de nos grands. Là aussi s’est-il souvenu d’avoir des approbateurs, entre lesquels se trouve Monsieur Vacher auquel son beau-frère a bien lavé la teste, le priant de monstrer sa lettre à l’autheur à ce qu’il voye ce qu’il préoccupe de respondre à ce qu’il dira qu’il ne dit rien absolument, ains parle sous si, on dit qu’il s’en pendroit si on disoit que toutes nos Eglises & Académies sont grâces à Dieu unies en doctrine, & que s’il y en a qui troublent & veulent establir des nouveautés de son enclos dans les murailles de Saumur.

J’espère que nous aurons bien tost de Genève mon livre François & attends des nouvelles du latin, dont Monsieur Spanheim a mandé à Monsieur Vincent qu’on est après à l’imprimeur dès le fin de mars. J’escriray bientost à mon dit Sieur, lequel je salue très humblement. J’atten de vos nouvelles entre-deux ; & continueray de prier Dieu pour vostre prospérité de Madamoiselle ma très-chère sœur & de mes nepveux, saluant très affectueusement Madamoiselle vostre nieoce, & demeurant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le 1er juillet 1647.

197 Le prince de Radziwill avait sollicité la main de Mlle de La Force, mais cette demande n’eut pas de suite. 198 Moïse AMYRAUT, De libero hominis arbitrio disputatio, Saumur, Lesnier, 1647, dédié au ministre de Béziers Jean de Croi. 199 En soulignant cela Amyraut fait apparaître la distinction entre la conduite de Henri et Benjamin de Rohan qui prirent la tête de la lutte contre Louis XIII et celle d’Henri de La Trémoille qui poussé par sa mère et Duplessis-Mornay rechercha une solution négociée. En écrivant cela Amyraut obligeait les La Trémoille qui voyaient à nouveau de dresser devant eux aux Etats de Bretagne le Henri de Rohan-Chabot protégé par le Grand Condé. L’on notera que sur ce point que Guillaume Rivet n’a pas perçu que ce rappel s’inscrivait dans la stratégie politique de la IIIe duchesse de La Trémoille, la reine des huguenotes.

Page 115: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

115

B. U. Leyde, BPL 287/II/132

8 juillet 1647 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je vous ay escrit par le dernier ordinaire ce que nous avions pour l’heure et despuis j’ay reçeu

vostre lettre du 28e may avec celle de ma niepce, vostre belle-fille. Elle m’escrit avec beaucoup de tesmoignages de piété & de sainte résolution en l’estat d’affliction auquel Dieu l’a appellé. Quand j’auray sçeu l’issue de son accouchement, je luy escriray, Dieu aydant, selon que comme j’espère, il y aura matière de consolation.

Je trouve le don de Son Altesse fort considérable ; & que ses affaires telles que vous les représentez, seroit assés bien establir. Mesmement son aisné estant entretenu gratis en si bon lieu ; & si dignement élevé près de vous, par des personnes si capable & ayant telles tendresses pour luy que vous m’exprimez en Mlle ma sœur & Mlle sa niepce. Cela me fait croire que Dieu qui a ainsi pourveu à luy maintenant, en fera quelque digne instrument de sa gloire & vaisseau de sa grâce.

Mon fils, le pasteur, n’a pas encore de son costé de quoy me faire rencontrer pareil plaisir en ma vieillesse que vous avez en cet enfant, mais j’en ay de Jean Rivet200 qui estudie à Barbezieux et donne espérance.

Pour maintenant la petite de ma jeune fille me resjouit quand je la voye ; ce que je ne fay pas dans mon saoul, estant logé loin de son beau-père & de sa mère. C’est bien une aussi plaisante & agréable petite créature qu’on pouvoit voir comme et aussi celle de La Rochelle que je n’ay veu qu’une fois.

J’atten mon fils, Estienne, ici, et sçauray s’il devra eller au conseil ou si le conseil authorizera la chambre de Guyenne.

Monsieur le prince de Condé a esté contraint de lever le siège devant Lérida201. 3 000 hommes des nostres s’estans rendus à l’ennemi. Mais Dieu veuille bénir les armes du Roy & maintenir ses Eglises sous la protection d’iceluy & la régence de la Royne.

Je le prie aussi qu’il vous conserve longuement en santé pour sa gloire & nostre consolation, et qu’il continue celle de Madamoiselle ma très-chère sœur avec toute prospérité, qu’il ramène heureusement mon nepveu à vostre joye & face croistre es tout bien devant vos yeux le petit William. Je baise aussi humblement les mains à Madamoiselle du Moulin, sa bonne gouvernante ; & suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le 8e juillet 1647. B. U. Leyde, BPL 287/II/133

15 juillet 1647 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, A un paquet préparé dès l’autre semènes, mais qui n’est pas allé parce que je ne trouvay la

commodité de l’envoyer à Saintes, je join cette lette en suite de la réception de la vostre escritte du 15e juin. J’ay veu par icelle que vous estiez encore à attendre mon nepveu qui doit retourner avec l’Ambassadeur mesme. Et j’espère que son heureux retour vous aura consolé & resjoui. Ce sera le baston & appuye de vostre vieillesse, & le petit Williem le jeu. Je loue Dieu de ce que cet enfant se

200 Jean Rivet, fils aîné de Jean Rivet et de Marthe Chadeau, élève au collège de Barbezieux. 201 Laissé sans renfort, Condé avait été obligé de lever le siège de Lérida.

Page 116: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

116

trouve si bienfait de corps & d’esprit & est si aimé de la princesse de laquelle luy viendra grand & excellent soustien pour profiter & croistre heureusement en tout bien.

J’attendray d’escrire à Monsieur Spanheim quand j’auray veu son excellente harangue ; et vous prie en attendant de l’assurer non tant de mes services que je ne luy peux rendre que de [] de mes vœux pour sa conservation à la grande édification de l’Eglise de Dieu. Il sera tousjours le fléau de nos brouillons ; & en aura facilement raison.

Pour Monsieur Hotton202, je ne le cognoy que par ce que vous m’en touchez ; ne sçachant s’il est pasteur Anglois, Flamen ou François : son nom me semblant Anglois. Quand vous m’en aurez informé & que je sçauray quels titres je luy doibs donner, je luy escriray volontiers pour recognoistre & provoquer ses offices.

J’ay des nouvelles de S. Maixent & du retour de nostre cousin Fradin, estimant bien que veu ce que vous me dittes de ce petit précipu à Puisgazon. Le mémoire de nostre cousin de La Guyonnière fort apocryphe. Quant à ma sœur, elle ne se mesprend nullement & je sçavois bien certainement que le décès de nostre mère advint vers la fin de juillet en 1603. Seulement doubtois-je du jour, car elle mourut devant que je fusse marié & que mon défunt nepveu Claude fust né peu de temps après son décès203 & au mois d’aoust de cette année là, vous fustes à S. Maixent & de là vinstes ici & vous me parlastes d’aller à Thouars présenter au baptesme l’enfant qui vous naistroit, & penser à autre chose. Madame défunte le voulut présenter & s’adjoignant Monsieur du Plessis-Bellay ; & ainsi vous ne me donnastes point d’advis d’aller, & je vous fus voir sur la fin d’octobre, vous parlant de mon mariage, pour lequel accompli je prie nostre père en repassant à S. Maixent et avec luy nos oncles & trois cousins & fiançay en dueil le xje novembre 1603. Cela est plus seur que le mariage de Madame Richou et vous avez pû trouver matière de tristesse chez nous, en 1603. La réception n’y estant pas comme jadis. Du reste, je suis du sentiment de ceux qui vous conseillent d’escrire vostre vie, laquelle je prie Dieu vouloir prolonger jusques aus plus éloignés termes macrobias. Le contentement que le Seigneur vous donne en vostre famille y servira beaucoup & ce bon air du lieu auquel Dieu vous a colloqué pour cette dernière partie de vostre pérégrination. Mes vœux vont pareillement à la conservation de Madamoiselle ma sœur vostre digne compagne et je vous embrasse tous deux cordialement avec mes nepveux. Mes enfans aussi vous saluent humblement, comme je baise particulièrement le smains à Mademoiselle du Moulin ; & suis par toute raison & de cœur,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère et serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le XVe juillet 1647. B. U. Leyde, BPL 287/II/134

7 septembre 1647 - Taillebourg A Taillebourg, le VIJe septembre 1647

Monsieur mon très-honoré frère, J’ay reçeu vos deux lettres ; l’une de la fin de juillet, l’autre du commencement d’aoust, mais

non ceste grande à laquelle vous en joigniez une autre à Monsieur Vincent par le moyen d’icelle. J’ay leu la très éloquente oraison funèbre de Monsieur Spanheim ayant eu son exemplaire par prest, en attendant que je reçoive celuy que l’aucteur m’a addressé. Peut-estre l’auray-je avec les pièces de l’Escole illustre de Bréda dont vous me donnez l’espérance. C’est chose bien notable que l’authorité de Madame la princesse d’Orange douairière donne ouverture à la parole de vérité à Spa, & par un on

202 Godefroy Hotton (1596-1656), un des ministres de l’Eglise wallonne d’Amsterdam. 203 Claude Rivet dans sa lettre du 18 octobre 1645 à son père il mentionne que le jour de sa naissance était le 18 octobre. B. U. Leyde, BPL 282/220.

Page 117: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

117

deus personnages si choisis, à l’ouïe desquels quelque uns pourroyent bien estre touchés pour recevoir cette bonne semence.

J’ay d’ailleurs très grande obligation à ce très excellent personnage qu’en tout lieu il tesmoigne se souvenir de moy, qui aussi honore singulièrement sa personne & admire ses dons. Monsieur Vincent que j’ay prié de sçavoir où en est l’imprimeur de son antagoniste, l’apprendra beaucoup mieux que moy par les intelligences qu’il a à Saumur où je n’en ay de tout point. Je trouve que ceux qui innovent là ont une grande punition de voir que n’ayant qu’une douzaine de proposans, il s’en compte jusques à 80 à Montauban ; qui est une voix bien haute contre eux. Le paquet où estoyent mes derniers cahiers que vous n’aviez pas reçeu aura attendu voye d’amis à cause de sa grosseur ; Nous courons l’onziesme mois de depuis la réception du total par Monsieur Mestrezat.

Je ne sçay s’il continuera ce silence et n’appren pas que ces Messieurs ayent parlé de ce débat chez Madame nostre duchesse, où Monsieur Thomas du Petit Port à demeuré huit mois, et s’en retourne ici la sepmaine prochaine. Monsieur le prince Talmont est à Vitray, ayant quitté Thouars à cause de la piquette qui y a cours.

J’atten de vostre part advis de deux choses importantes que Dieu vous ait ottroyé par grande bénédiction ; la naissance d’un second petit-fils ou d’une autre petite-fille ; & le retour heureux de mon nepveu que estimiez pouvoir estre en Zeelande. Mais je croy bien que Monsieur l’Ambassadeur avec lequel il devoit venir, aura attendu la catastrophe de ce demeuré du Parlement, de l’armée & de la ville de Londres, dont vos dernières m’ont donné bonne espérance, un bruit d’accomodement entier nous estant venu despuis. Dieu le veuille : ce sera un grand bien.

Je croy nostre cousin Fradin à Paris encore ; n’ayant point de response de S. Maixent, quoy que j’escrive. Mais ce Parlement finissant la semène, chacun retournera du playdoyer chés soy ; et je tascheray de finir vostre affaire pour vous envoyer le reste & ce que vous avez délivré à Chadeau.

J’ay eu ma main droitte affligée quelques jours ; ce qui m’a fait différer ceste response d’un messager à l’autre à présent, dieu merci, je me porte bien, environné que je suis de malades. Ma jeune fille a eu la fiebvre tierce & en est revenue. Mon fils, le pasteur, a demeuré en son Eglise sans se mouvoir ; et l’Eglise n’a pas jugé se devoir mettre en fraiz pour avoir un arrest du conseil, les parties ne disent rien ; & Monsieur le gouverneur de Brouage les maintenant en la possession.

J’escri à Monsieur Hotton, & atten le présent de Monsieur Spanheim pour luy en faire les très-humbles remerciemens. Cependant, je vous supplie de le saluer très-humblement de ma part. Aussi prie-je Dieu de bon cœur pour la continuation de vostre prospérité de Madamoiselle ma très-chère sœur, & de Madamoiselle du Moulin ensemble avec vostre petit Willem, & vous embrasse tous cordialement, avec mon nepveu, qui pourra estre avec vous, Monseigneur son maistre étant en sa ville de Bréda, comme je conjecture de vostre dernière. Je finis avec le papier pour me souscrire,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère et serviteur. Guill. Rivet

… Cette pièçe de Codur contre Lévi Gischardus. Vous m’obligeriez de me l’envoyer par la voye d’Amsterdam. Ou de quelque ami allant à Paris, à ce que je puisse la voir & faire un appendix […] icelle devant l’impression de mon livre.

B. U. Leyde, BPL 287/II/135

7 octobre 1647 - Taillebourg A Taillebourg, le VJe octobre 1647

Monsieur mon très-honoré frère, Il y a quelque temps que je suis en pène des moyens de continuer vostre communication par

lettres, car Monsieur du Petit Port, maintenant baillif d’ici, retourné de Paris sans avoir veu à son départ Monsieur de La Trônière, me dit que ledit Sieur luy avoit déclaré quelques jours auparavant qu’il vouloit m’escrire afin que pour un temps je prisse autre addresse que à luy, qui devoir aller en

Page 118: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

118

Poictou. Et depuis j’ay sçeu que Monsieur Pelé estoit décédé, & que sa vefve changeroit de logis à la S. Rémy qui est desjà passée. Toutesfois en attendant que nous sçachions ce nouveau logis où se trouvera le Sieur Pinet, maître clerc du défunt, qui gouvernera son estude, j’hazarde ce mot pour vous assurer de la continuation de ma santé & de tous mes enfans.

Et vous diray aussi que enfin j’ay reçeu toute la dernière cette grande lettre que vous avez mentionné en deux autres de plus fresche date ; & que je l’ay envoyé à Monsieur Vincent avec celle qui estoit pour luy. Il aura veu dans la plus ample les choses qui sont encores de saison & que le temps n’a pas changé comme il y en a encores de l’Angleterre& des Pays-Bas.

Je n’appren rien de Saumur sinon en général qu’on respond & laisse à Monsieur Vincent, qui a là ses habitudes, de sçavoir le détail qui peut estre cognu. Il est du tout hors d’avec cet homme orgueilleux qui s’est rendu fort odieux aux Rochelois par son audace imprudente204 et m’estonne bien fort qu’il ait pour barricadeur de ses vanités Monsieur Sarrau, s’il n’a pène qu’à escrire, il faut qu’il se penche pas & fort du tout superficiel ; tout cela d’ailleurs sentant son Phaneste.

Monsieur Spanheim sera de retour de Spa ; et je vous supplie de l’assurer de la continuation de mes voeux pour luy & de mon très humble service. J’attribue beaucoup à sa bienveillance de son jugement favorable de ma triplique dont je croye que vous aurez les derniers cahiers.

Au reste ayant esté déziré par nostre nepveu Monsieur Le Fevre & nostre niepce sa femme pour présenter au baptesme un fils qui lui estoit né, j’ay trouvé l’enfant mort & eux en maladie, nostre sœur les soignant & se portant assés bien hors un mal de hanche & espère d’eschialique. Le dit Sieur Le Fevre, appellé Sr. de La Prie, appréhendant grandement de n’estre continué en sa charge de receveur des tailles à Brion s’il n’est recommendé aux intéressés de ce parti, & recognoissant que Monsieur des Moulins luy a fort aydé jusques ici, implore vostre ayde & vous prie par moy de le recommender à vos amis qui pourroyent le soustenir, si vous avez quelque cognoissance d’aucuns interessés aux cinq grosses fermes de France, qui sont les traittes foraines & domaniales. Il y a Messieurs d’Agaury, Gendraut & Cuper de la Religion, les autres sont Messieurs Chastelain, Doublet & Gargant205. De Monsieur Gendraut, j’espère que Monsieur Vincent que j’employeray pourra beaucoup envers luy. Des autres, outre Monsieur La Coq & Monsieur des Forges qui requis par vous y pourroyent envers eux, Monsieur Drelincourt si vous l’en requerez y fera beaucoup, mesme sçachant que c’est un fils de feu Monsieur Le Fevre, pasteur qui estoit son parent.

En ce voyage, je fus aux Moulins Jousserans où, avec le Seigneur du lieu & sa famille, estoit Monsieur de Maurin & Madame sa femme à l’occasion d’un mariage qu’ils avoyent fait de la fille aisnée de Monsieur des Moulins avec un gentilhomme gascon appelé M. de Samazan. Monsieur de Maurin estant l’autheur. Il me tesmoigna grande resjouissance de me voir, s’enquit fort particulièrement de vous & tant luy que Madame sa femme se déclarèrent fort vos obligés et tous beurent à vostre santé avec affection. Vous saluant très particulièrement.

De S. Maixent, je sçeu que l’advocat du Roy n’y estoit pas ; & mis ordre qu’on luy dist à son retour que s’il se mécontentoit, bientost je croirois qu’il se moque de moy & ne m’addresserois plus à luy, ains en ferois plainte à Monsieur son maistre ou le poursuivrois en justice pour l’obliger à payer luy mesme. Et ne sçay si en fin il ne faudra point une lettre de vous.

Je croy que mon nepveu sera de retour d’Angleterre & ma niepce de Mondevis …206 B. U. Leyde, BPL 287/II/136

204 Dans son Apologie pour ceux de la Religion sur les sujets d’aversion que plusieurs peuvent avoir contre leurs personnes et leur créance publiée en 1647 à Saumur chez Lesnier, dédiée à Claude Sarrau, Amyraut avait mécontenté Philippe Vincent en mettant en cause la rebellion des Rochelais contre Louis XIII. Cf. François LAPLANCHE, Orthodoxie et prédication. L’œuvre d’Amyraut et la querelle de la grâce universelle, op. cit., p. 63-64. 205 Les protestants Olivier Bidé, sieur d’Agaury, Charles Gendrault et Sulpice Cuper et les catholiques Claude Chastellain, Jean Doublet et Pierre Gargan étaient des principaux financiers de cette époque. Cf. Françoise BAYARD, Le monde des financiers au XVIIe siècle, Flammarion, 1988 et Daniel DESSERT, Argent, pouvoir et société au Grand Siècle, Librairie Arthème Fayard, 1984. 206 La fin de la lettre est dissimulée par la reliure.

Page 119: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

119

20 octobre 1647 - Taillebourg A Taillebourg, le 20e octobre 1647

Monsieur mon très-honoré frère, Je reçeu hyer vostre lettre du Ve septembre et en communiquay les nouvelles publiques avec les

domestiques à Monsieur de Marsilly qui vous remercie affectueusement de vostre souvenir, & vous baise les mains. Il n’a pû me taire ce que je sçavois d’ailleurs que Monseigneur le prince de Talmond est tellement résolu de demeurer en la religion qu’il ne veut point de femme qui n’en soit. Ce qui nous resjouit fort.

J’espère que vous aurez eu le reste de mes considérations responsives, si on a trouvé commodité d’amis. Je les ay escrit en lettre plus menue que je n’avois pas fait mon Thesaurus Evangelicus (qui me semble assés net & lisible) par ce que je voulois diminuer la masse des paquets. Où m’attendois-je bien à la censure que vous me faittes, & dont vous trouverez encore sujet en la suitte car je m’advize bien de la rigueur & rudesse de beaucoup de mes dires taxatifs du mal que je trouve en l’escrit qu’on m’a opposé. Mais j’en trouve tant de raison dans les lieux que je ne m’en peux retenir et pour cela me laisse d’avoir l’affection de frère.

Ce personnage notable m’a escrit quelque fois que j’approfondis les choses jusques au centre, mais je sen en effet les mauvais tours pencher profondément en mon cœur ; & plus encore de frères se roidissant contre le sentiment de nos Eglises. Qu’un moine calomnie & dit faux, je ne m’en esmeu pas, parce que cela est son mestier ; bien d’un frère & d’un tel serviteur de Dieu d’ailleurs. Vous eussiez déziré, peut-estre que j’eusse invité la civile dispensation de Monsieur Spanheim, qui en tels endroits se contente de dire à Monsieur Amiraut que s’il avoit affaire à un autre, il appelleroit ce qu’il dit ou commet blasphème ou calomnie &. Qui est de dire à cettuy-là honnestement, puis qu’il suppose la pouvoir dire en vérité à un autre qui fist le pareil. Mais, je n’escri pas au public devant lequel la tant ouverte est plus offensante ; c’est en privé pour guérir, si je peux, celuy que je marrie un peu rudement ou moins doucement. Je me suis bien assuré que si quelques jésuites ou moines s’en prenoyent à cet adextre et subtil disputes susdit ils sentiroyent sa force pour n’y retourner une autre fois. Et eust esé bon à nostre cedere nescius de ne s’exposer plus. En effet il est bien homme à s’arrester cres qu’il n’acquiesse, là où il voit de la pène. Mais les siens l’ont pressé ; & attendent de luy ce qu’il ne pourra jamais.

Cet homme entremis & qui sème les discords parmi nous, pour s’insinuer envers le prince de Hesse207, a entrepris de vous accommoder avec les Luthériens. Et pour ce que ce jeune prince l’a volontiers ouï haranguant ou le visitant, les siens exceptant les Académies de Hesse de celles qui dissentent d’avec luy.

Je prie Dieu que tout aille bien en Angleterre ; & que la paix de Pays-Bas soit bonne & avec la nostre. Aussi le louë-je de l’heureuse augmentation de vostre postérité par un André Rivet208 que Dieu face un autre vous mesme en tout. J’espère beaucoup de son frère, l’eschantillon des gentillesses duquel m’ont fort resjouï. Ma petite qui me donnoit du plaisir, me met en pène par une double quarte qui l’abbat fort.

J’ay eu advis de S. Maixent que l’advocat du Roy estoit prest de payer ; & ne voulant plus voyager pour ce reste, ay chargé mon gendre de La Rochelle de donner la pièce que j’avois au messager qui reçoive & luy apporte pour salaire compétent.

Quant à nostre Gascon, je voy que tant qu’il a seu que vos sermons vous pouvoyent imposer, il a faint le recognoissant ; mais que sentent bien que vos offices désormais envers luy sont de charité envers un ingrat découvert, il a honte de s’addresser à vous ; ou bien cuide n’en avoir pas besoin désormais, comme il présumoit en effet avoir tout fait du passé. Il n’a tenu qu’à luy que vous ne sceussiez ce dont je l’avois blasmé. Dieu vueille qu’il édifie vostre bien est par devers le Seigneur.

207 Guillamue VI de Hesse-Cassel (1629-1663), fils de Guillaume V de Hesse-Cassel (1602-1637) et d’Amélie-Elisabeth de Hanau-Muntzenberg (1602-1651), séjournait alors en France. A cette occasion, Marie de La Tour d’Auvergne négocia le mariage du prince de Talmond avec sa sœur aînée Emilie (1625-1693). 208 Geertruyt Burgersdijk, veuve de Claude Rivet de Montdevis, venait de donner le jour à un fils posthume qui reçut le prénom de son grand-père paternel : André. Il épousa en 1677 Marie van den Liden.

Page 120: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

120

Je communiqueray vos lettres à Messieurs Vincent & Rossel qui ne m’escrivent point sans faire mention de vous. Les termes du premier en sa dernière sont : “ Je vous renvoye la lettre de Monsieur vostre excellent frère qui a trop de bonté pour moy, & à la charité duquel je suis infiniment redevable ”.

J’envoye encore ce mot à l’hazard d’attendre à Paris ; & le ferme par ma prière pour la continuation de vostre prospérité, de Mademoiselle ma sœur, ma niepce de Montdevis, Mademoiselle l’excellente femme de ce petit mary, mon Nepveu (que Dieu vous rende bientost vers vous) & ses nepveux & niepces ; estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

B. U. Leyde, BPL 287/II/137

18 novembre 1647 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Le lendemain après ma dernière escritte, je recognu lisant en La Gazette Monsieur Joachimi

arrivé le 27 septembre à Rotterdam que mon nepveu estoit près de vous, sinon chez vous. Ce que la vostre du 3e octobre m’a confirmé. Je participe bien fort à la joye que vous avez maintenant ayant ce columen de vostre famille, que vous establirez selon vostre crédit & son mérite et j’attendray en sçavoir l’avancement & la fin.

Dès la fin d’aoust, j’ay envoyé ce qui restoit de mes considérations responsives ; & ne croy pas que ce paquet puisse estre égaré. Mais il aura attendu une voye d’amis. Et peut-estre que pour le paquet de divers escrits que vous me mentionnez. On attend à Paris quelque cognoissans qui vienne en ces quartiers. Car je ne l’ay pas reçeu ni aussi rien d’Amsterdam. Mais cela vient pat la flotte qu’on attend. Je verray cette pièce de Codur ; & seray bien ayse de voir ce qu’on a imprimé de mon escrit pour marquer les fautes. Mais je souhaiterois bien que tout cela fust dans cet hyver, afin que nous pussions avoir l’exemplaire prests au temps de nostre synode. Il entendroit à point quand Monsieur Amyraut aura sa réplique.

Le synode d’Anjou tenant le député de Poictou fit plainte des livres imprimés sans approbation. Sur quoy l’autre apologize fort, finissant avec larmes sur qu’il sembloit qu’on prist à tasche de le choquer. La résolution du Synode fut que doresnavant, il ne s’en imprimast plus ; mais avec exception de réserve mentale de la response à Monsieur Spanheim prétenduë permise par le National fut ordonné de plus ; que la province de Poictou seroit priée de nommes deux députés, & procurer que nostre province en nomme aussi deux modérés & amateurs de paix à ce que ces quatre avec deux d’Anjou & un de Saulmur concertent des moyens d’assouvir ces différents. Et tient on que par la qualité de modérés ils prétendent exclure Monsieur Vincent & moy, qu’ils tiennent pour passionnés. Il est vray qu’il y a des gens de bien qui sont de tel tempérament que dès qu’on parle de recercher des moyens de paix, ils reçoivent ces propositions sans pencher au fonds des intentions. Et je croy bien mesme que en Anjou y en a maints qui on eté de cet advis ayant un louable dézir. Mais je ne doubte point que ceux qui les premiers ont mis cela en avant ne soyent de l’intime admission de Monsieur Amyraut & poussés par luy. Il voit que plusieures pensent à des remèdes puissants en un Synode national ; & que la nostre a résolu d’estre plaintive. C’est pourquoy il voudroit que l’affaire mise entre les mains de peu de personnes flexibles, y joints trois des leurs afin d’endormir le mal en lieu de l’ordre. Et après avoir tiré son coup contre Monsieur Spanheim dont il appréhende la risposte, il cerche le moyen de rendre ce qui seroit escrit contre luy, moins considérable après des expédients concertés en un corps si abbregé ; et de se faire tenir pour excuzé s’il s’arreste209. Car il tesmoigne ne vouloir plus rien dire là dessus ce coup donné. Qui est son ordinaire, de frapper ; & qui prendre pène d’empescher par artifice 209 Ce paragraphe a été publié par Frans Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 464.

Page 121: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

121

qu’on ne luy rendre. Mais cela ne luy réussira pas, la mesche est trop découverte. [Il] demende qu’on luy [] sentimens d’>>>[] >>>>>> [] pour tous les [] promettois de ne [] de l’ordre des [] >>>>>>> [] en avoir dit tout ce [] >>>> & obtenu [] fonderoit son ordre, s’en tairoit !210

L’escrit de Monsieur du Moulin en François fera grand fruit parmi tous, notamment les peuples qui l’estiment fort ; & que ceux qui flattent s’accomomodans à ce qui reviendroit plus à leurs sens que les mystères des conseils divins que l’escriture propose. Vos observation aussi, qui descouvrent d’où ont puizé nos novateurs, seront fort considérées par les doctes.

Je vous diray que mon fils, le pasteur, m’a envoyé un grand escrit latin De pradestinatione, natura & gratia en trois livres selon ces trois sujets esquels il traite /2/ & dispute fort exactement & subtilement de ces choses & demeurant ferme en l’orthodoxie. Je suis fort ayse qu’il s’exerce de telle sorte pour pouvoir un jour succéder aux labeurs d’autres. Et j’espère qu’il le fut fort bien. Pour maintenant je le trouve un peu trop hardy, & entreprenant ; & luy marqueray que sa libera dissertatio est trop licentieuse. Mais le jugement se confirmant corrigera cela. Quoy qu’il en soit, il a surmonté mon espérance à son estude de présent.

Monsieur Vincent est d’advis que nous nous pourvoyrons à Saumur pour le livre de Monsieur Bochart.

Vous aurez sçeu la mort du maréchal de Gassion. C’est une perte en laquelle nostre Gazette pare mal aux avantages qu’en prennent les ennemis. [Disant] que la France peut fournir mille Gassions. Il ne s’en trouvera peut estre pas un en tout ce siècle. Son frère Monsieur de Bergeret est mort en regret & de desplaisir.

On m’a dit que les Hespagnols avoyent rendus tous les vaisseaux Hollandois qu’avoyent pris les Biscayens ; tesmoigne qu’ils veulent la paix avec les Pays-Bas unis, laquelle nous préjudicieroit fort si elle se faisoit sans nous.

De l’Angleterre le mal y est grand. Mais je trouve que l’arrêt[] confirmatif de l’ordre presbytérien pour sept ans, est considérable ; entrant que y a & espérance que les sectes séparées déchirrent par leur désordre tandis que le corps principal sera dans […]. Dieu y mette sa bonne main.

Je n’ay point encore appris que nos gens de St. Maixent [aient] envoyé à La Rochelle. Je vous en donneray advis dès qu’il sera, & pourvoir à vous envoyer […] vous enterré avec ce qui est dheu d’ailleurs.

Je vous prie de faire sçavoir à M. Spanheim que je le salue très-humblement & prie Dieu pour sa conservation ; comme [je] fay pour la continuation de vostre prospérité, de Madamoiselle ma sœur, mon nepveu, Madamoiselle du Moulin, & mes petits nepveux & niepce avec ma niepce leur mère. Tous mes enfans d’ici près se joignent à moy en cela, se portant tous bien ; comme aussi j’ay [une] santé assés ferme & continuante grâces au Seigneur qui me doint que ce soit à sa gloire. En cet estat & en tout autre, je seray continuellement,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le XVIIJe novembre 1647. B. U. Leyde, BPL 287/II/138

1648 La dernière lettre de Guillaume Rivet conservée pour l’année 1647 était du 18 novembre et sa première lettre pour l’année 1648 qui soit parvenue à nous est datée du 5 mai.

Au printemps, le prince de Talmont prit le chemin de l’Allemagne pour aller épouse à Cassel Emilie de Hesse ancrant pour un temps encore la Maison de La Trémoille dans le protestantisme.

210 Ce passage porté sur la marge de la feuille par Rivet est peu lisible.

Page 122: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

122

Cette année 1648 est marquée par la politique extérieure. Alors que les traités de Westphalie marquent la fin de la guerre de Trente ans qui avait vu s’opposer la plupart des pays Européens, la France pendant onze années va poursuivre encore la guerre contre l’Espagne.

La poursuite de la guerre va être une des causes principales de la Fronde en raison de l’accroissement de la pression fiscale qui en résulta et des mécontentements que cette pression provoqua dans toutes les classes sociales. A la suite de l’arrestation de trois conseillers au parlement, comme aux temps de la Ligue, Paris, les 26, 27 et 28 août, va se couvrir de barricades et les protestants de Paris purent craindre pour leur sort. Tout à sa lutte contre Amyraut, Guillaume Rivet n’attacha aucune importance à ces faits.

Le 17 novembre 1648 se produisit pour Guillaume Rivet un événement familiale très important à ses yeux : Jeanne Baudouin, l’épouse d’Etienne Rivet donna le jour à une petite fille, Anne. Guillaume Rivet vint à Saujon pour la présenter, le 3 décembre, au baptême.

5 mai 1648 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, La dernière fois que je vous escrivis fut devant Pasques, lorsque j’accompagneray mon

Appendix in defensionum Coduroi. Je fus contraint de faire la lettre bien briefve, pressé de la goutte à la main, laquelle en suitte me rendit incapable d’escrire quinze jours durant. Je souhaitte fort que Monsieur de La Trosnière vous ait fait tenir ma pièce, que vous l’ayez approuvé & envoyé, et qu’on achève.

Et puis que je n’ay pû voir aucune facile, je voudrois bien vous prier d’user de vostre jugement & prendre la pène de dresser un errata si quelque autre propre à cela & affectionné ne vous en deschargeoit. Il est vray que s’il y avoit omission de signer, cela ne se pourroit réparer qu’en voyant la copie. Monsieur Spanheim travaille à cette heure à sa nouvelle tasche sans doubte. Le Specimen211 au lieu d’une response suivie, ne couvre pas celuy qui morgue ; & sa manière d’escrire offense les gens de bien. Sur tout sa préface passionnée en laquelle vous & moy sommes les plus touchés. C’est chose à mespriser quant à voir qui estes au dessus de tout cela. Mais je pense à une apologie pour nous deux qui rabbaisse cet orgueil & convainque des mensonges calomnieux. Il m’a donné beau jeu. J’ay respondu à Monsieur Mestrezat ; & espère avec le temps vous communiquer le tout.

Je ne sçay si je vous ay dit que par le messager de La Rochelle à Paris m’est enfin venu le paquet contenant les harangues inaugurales & la funèbre avec le livre de Monsieur Hotton que j’ay aussi eu de sa part par le voye de mer ; & vostre pourtrait en taille douce que je trouve fort bien. Je l’ay attaché au dessus de la contenance de mon lit pour avoir souvent devant mes yeux cet objet de figure dont la chose est de mon cœur par l’estat de vostre Escole illustre.

J’ay jugé que le fait de mon nepveu Meschinet212, fils de Monsieur le procureur d’ici, mon beau-frère, n’estoit pas d’aller là. Il va à Leyden, où je le recommende à Monsieur Spanheim ; auquel aussi je vous prie d’en escrire à ce que par son moyen il soit accouragé & porté à bien faire. J’escri ceci par luy qui vous l’envoyera & ne sera point un an là sans vouloir vous voir & Bréda. Je m’assure que vous luy tesmoignerez l’affection que vous avez envers ceux qui me touchent. Comme aussi de mon costé priant Dieu pour le prolongement de vos jours, & la prospérité de toute vostre maison, je vous embrasse cordialement avec Madamoiselle ma très chère sœur que Dieu vous conserve, & mon nepveu avec les petits, comme je baise les mains à Madamoiselle du Moulin, & suis,

Monsieur mon très-honoré frère,

211 Moïse Amiraut en réponse aux Exercitationes de Spanheim avait rédigé un ouvrage intitulé Specimen animadversionum in Exercitationes de gratia universali, Saumur, Lesnier, 1648, dédié aux ministres des Eglises réformées de France. Ouvrage où, selon Daniel Ligou, Amyraut généralement très bon écrivain se montre aussi long et ennuyeux que son adversaire. Daniel LIGOU, Le protestantisme en France de 1598 à 1715, op. cit., p. 154. 212 Jacques Meschinet, fils aîné de Michel Meschinet, sieur du Bouquet, procureur fiscal du comté de Taillebourg et de Marguerite de Rocquemadour. En 1670, il succéda à son père dans la charge de procureur fiscal du comté de Taillebourg. Il cumula cette charge avec celle de receveur général du comté.

Page 123: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

123

Vostre très humble & très affectionné frère & serviteur.

Guill. Rivet De Taillebourg, le Ve may 1648. 3e jour de ma 68e année, commencée le 2e de ce mois. Si je poursuis mon dessein, je voy que je ne pourray parler de ce qui vous touche assés

exactement. Et d’ailleurs ce que je mettois en lumière en ce pays ne courroit pas loin comme fera la response de Monsieur Spanheim qui aura vos mémoires. Je vous prie que je scache si ce n’est pas Paulus Tannovius qui vous a loué, escrivant sur Ozée213.

Je viens de reçevoir advis de mon gendre Thomas qu’il a reçeu ce qui estés deu à St. Maixent. B. U. Leyde, BPL 287/II/140

20 juillet 1648 - Taillebourg A Taillebourg, le XXe juillet 1648

Monsieur mon très-honoré frère, Je mets ce mot dans le paquet de mon beau-frère, procureur fiscal, à mon nepveu Meschinet son

fils ; duquel la lettre escritte du 29e juin, me faisant mention de vous & de ce qu’en suitte de ma lettre il vous a plû le recommander à vos amis, m’a resjouï ; par ce que j’en ay présume la continuation de vostre prospérité & m’oblige de vous rendre grâces de ce soin. Ce jeune homme me mande qu’il est résolu de vous aller voir et en l’affection qu’il a envers moy, & l’honneur qu’il vous porte, il se trouvera ravi de vous voir, et une telle famille si proche à moy & à ses cousins mes enfans. Mais vos grâces & salutaires advis luy seront plus profitables que tout. Il est bon au fonds & à un gentil esprit. Il n’a qu’à le bien employer.

Mon livre ne va point à Amsterdam ; et j’ay soupçonné que le correcteur estant le Sr. de Couvrelles, l’imprimeur n’eust de leur impression. Mais son intérest l’obligera d’achever combien que mon appendix contre Codur que vous avez reçeu, je m’assure []dera encore si mesme il ne l’estonne. Mais l’œuvre en sera plus con[…] cependant après que Monsieur Vincent a eu fait tenir à Monsieur Spnaheim nos lettres apologétiques que j’espère qu’il fera imprimer promptement.

J’ay pezé les Considérations sur le VIIe de l’Ep. aux Romains d’une autre façon que ne déziroit celuy qui m’y a exhorté. Son artifice a esté grand, de penser d’avance triompher de la vérité & de moy par cet escrit214, ayant préparé qu’on nous accordast sur cela ; & voulant faire trouver à cette haute maison qu’il est fort recerchant & raisonnable, & moy dur et têtrique. Si je ne luy applaudis là où il pose que de deux interprétations qu’il combat ; l’une de plani>>> geniti, l’autre de plene vet propemetum plene regenitis, la première est totalisation et l’autre en ses conséquences d’erreur permicis sire qu’elle est injurieuse à l’Apostre & offuscant son lustre, perilleuse aux fidèles & les flattent dans le peché, & honteuse à l’Evangile. Cependant je monstre que sur le fondement de nostre interprétation (qu’il explique mal) est dressé (art XIe de nostre confession. La confession liturgique des pêchés, à l’entrée de nos actions, & la clause de la grande prière de la fin qui vous mène par finalement à Dieu et p>>>> que droittement & sans hypocrisie nous recognissions &c. En suitte dequoy je dresse une prière & déclaration pharisaïque convenable à leurs hypothèses, qu’ils ayent à faire sans feintise & hypocrisies pour déclaration raison de leur présomption qui est hypocrisie au fonds. Je représente aussi la fausseté de ses fondemens et ce qu’il nous attribue un sens qui face l’Apostre vaincu en son entendement & consentant aux convoitises mauvaises, luy représentant commune S. Augustin s’en est expliqué. Et je mis cela de telle entrée, résolu Dieu aydant, de faire

213 Osée, prophète d’Israël. 214 Cette critique de Guillaume Rivet a été noté par Frans Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 360, note 140.

Page 124: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

124

imprimer cela à mes despens à Saintes, & envoyer des exemplaires par les provinces aux nostres comme les membres de la concubine du Lévite215. Je ne vous ne diray pas davantage.

Attendant de vos nouvelles dont j’ay grand soif, & mesmement de sa santé de Mademoiselle ma très chère sœur dont Monsieur de Marsilly qui vous baise les mains m’a mis en émoy. Je vous embrasse tous deux cordialement avec mon nepveu & vos petits et leur mère, baisant les mains à Madamoiselle du Moulin. Tous mes enfans se portent bien & vous saluent humblement. Mon fils Estienne est ravi de voir enfin sa femme grosse bien avant. Elle en a pareille joye. Dieu luy en donne heureux succès. J’ay espéré que cette matière qui avoit porté ses fumées à la teste venant à se remettre concevroit. Il en eut advenu comme je….

B. U. Leyde, BPL 287/II/141

12 août 1648 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’ay esté fort estonné par plusieurs mois de n’avoir nulles lettres de vous. Et eubt esté plus en

pène si je n’eusse appris de vos nouvelles d’ailleurs. Mais depuis trois semèn en ça, par chacune m’est venu une lettre de vostre part. Et toutes bien tard. La première de trois qui estoit sans date mais accompagnée d’une de mon nepveu, vostre fils, escritte de La Haye du XIIe apvril, est venue bien avant en juillet. Le 2e du 4e juin m’a esté rendue le 3e d’aoust courant ; & là la 3e du 20e juin, me vint hyer. Les deux premières moins fresches que celle que vous aviez escrit à Monsieur Vincent & qu’il m’avoit communiqué ; et ceste dernière escritte devant celle de mon nepveu Meschinet du 4e juillet, reçeue il y a trois semènes en laquelle il me rappelle sou voyage de Bréda, dit que vous l’avez reçeu à merveille & qu’il a trouvé chés vous Madamoiselle ma sœur & Madamoiselle du Moulin, ma niepce de Mondevis et ses enfans qu’il loue fort, mais me disant des merveilles du petit Guillaume-Loys. Dieu le bénit & les autres à vostre joye. J’ay esté ravi d’apprendre ainsi par la mère l’estat de vous tous.

Vous aurez une lettre assés fresche de moy, miré en une autre escritte à Monsieur Spanheim, qui vous aura, comme je croy, communiqué mon apologie contre la virulente préface de l’homme qui m’a voulu amadouer, en m’attaquant depuis soubs prétexte d’offices, afin de triompher de la vérité & de moy. Ce que je ne suis pas résolu des souppir. Quant à la première pièce, en laquelle il faudra mettre Joannes au lieu de Paulus Tannovius, j’en laisse la disposition ou du total ou de partie à vostre jugement & au sien véritablement ce qui vous regarde m’a bien plus émeu que ce qui me touche. Et j’ay creu pouvoir dire choses de vous qui seroyent trouvées bonnes venantes de moy. Néantmoins quoy que j’eusse jugé moins digne de que vous escrivissiés exprès pour cela, j’approuve fort l’expédient d’employ en une préface à vostre synopsis.

Mais de ma part, je suis tout confus de ce quelque pène que je prenne, ces mauvaises gens par leurs intelligences à Genève & à Amsterdam tiennent mes labeurs sous la clef. Et desja pour l’ouvrage que j’attendois de Genève, il aura cette disgrâce s’il vient, de venir après le décès du Jésuite Audebert auquel je me prenois.

Je suis bien consolé de voir que mon appendix contre Codur a vostre approbation. Et j’atten celle de nos examinateurs à ma lettre responsive à M. Amyraut & a ses considérations sur la VIIe de Rom. Et pense fort à vous l’envoyer, veu l’espérance que vous le donnez de faire imprimer à Bréda cat j’appréhende l’infidélité d’un imprimeur papiste, & ma bourse aussi, outre le tracas du débit de tout. Nous en ferions tousjours courir deux cents exemplaires qu’on envoyeroit de Bréda à La Rochelle.

J’ay leu l’escrit de Monsieur du Moulin216 qui est excellent & d’un esprit aussi vert qu’il ait jamais escrit. Nous en attendons un balot pour le /2/217 disperser et fera grand fruit en ces contrées. Je

215 En raison de leur violence Lévi et son frère Siméon furent dispersés dans Israël (Genèse, 49, 5-7). 216 Pierre du Moulin, Esclaircissement des Controverses Salmuriennes, Leyde, 1648, ouvrage qui visait à montrer l’incohérence de la doctrine d’Amyrault. 217 Des passages de cette page ont été publiés par Frans Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 464.

Page 125: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

125

li avec merveilleux contentement le docte escrit de Monsieur Garrissole touchant l’imputation du pêché d’Adam218. Les réfractaires au Synode national avoyent mis toutes les premières subtilité en œuvre pour en renverser le décret. Mais il les releva très-bien, & les [] en toutes leurs cachettes. Je ne doubte pas que Monsieur Spanheim me soit très exact ; mais fera bien d’abréger le plus qu’il pourra & choisir ses matières, comme vous me mandez […] fait.

Monsieur Cottière est homme testu qui se pense plus entendu que les autres s’entend pas bien soy-mesme. Je ne sçay s’il mérite que son nom paroisse à la […] l’escrit ; au moins croy je qu’il le faut toucher légèrement en sa légèreté assés présomptueuse sous apparence de simplicité ; ceux qui se mettent à blasmer les remèdes auquel le mal comme les déclamations pour la paix par faire le tout léger, blasmer ceux résistant aux nouveautés & larder la tolérance d’icelles sont d’homme faisant la respect à la vérité. Et s’il est celuy duquel vous m’avez envoyé un eschantillon de son […]. J’y voy ce que je recognu en ce qu’il éclatte en une lettre dont je vous envoyay extraiit.

Et crain bien que Monsieur de Saumaise introduisant un tel homme à Middelbourg219, qui est pour faire une subdivision en vostre corps dont sont […] les Remonstrans, façe sans y penser, autant ou plus de mal que ses escrits feront de bien ; ainsi qu’il est advenu à Monsieur du Plessis ne s’arrestant […] d’éclat d’un homme dangereux qu’il introduisit à Saumur. Son petit-[fils, le] sieur de Villarnoul220, a fort pateliné pour les novateurs dans le Synode & tellement travaillé avec le député d’Anjou & Monsieur Chabrol que leur [présentant] tant un moyen de paix & d’accord qui lieroit les mains à Monsieur Amyraut doresnavant ; & à tous dans les provinces d’Anjou, Poictou & Saintonge que [les autres] provinces suivroyent.

Et ce moyen estoit que celuy qu’il porte ayant espuisé ses [forces] contre Monsieur Spanheim, & fait cette modeste disertatio sur la 7e des Rom221. que zelum meum miligatum icet, deux députés de la province d’Anjou [pro]posant cet espédient, deux de celle de Poictou nommé, là à la solicitation de leur député ; & deux de nostre province de la qualité requise, nommé en ic[elle]. La semence de celle de Poictou, avec un superanuméraire de l’Académie de Saumur acceptassent cet ordre, estant assemblé en lieu assigné ; & reconcilier Monsieur Vincent & moy avec Monsieur Amyraut. Mais la province de Poictou ayant ordonné que si nostre province n'estoit d'advis de nommer leur nomination seroit [nulle].

Tout cela est venu à rien, nous l’ayant trouvé insidieux, & ne jugeant pas [que ce] qui est de telle importance deust estre commis à tel nombre, & ainsi ordonné. Ils [essai]royent de faire passer ce qu’a fait Monsieur Amyraut pour défense de nécessité [], promettant de ne rien plus adjouster, nous fussions obligé & de ne rien dire [], ni recevoir, ce qui viendroit contre luy de dehors le Royaume.

Mon dép[laisir] est grand de ce que le nom de Madame la duchesse de La Trémoille & de Monseigneur le prince, son fils, y fut employé ; & les osfices de Claude pour l’é[loi]gner. Et depuis Monsieur de Villarnoul a déploré que leur travail soit /3/ fumée, qui fera pleurer, & laissera de la suie d’amertume ; que les armis de de Monsieur Amyraut ne sont pas déplaisant que Monsieur du Moulin luy ait donné sujet de parler François &c. Mais quoy qu’il en soit, ces perturbateurs se trouveront troublés par la résistance de toutes parts, et sont estonnés de ce que leur immodestie deplaist généralement.

Mais pour retourner à Middelbourg, & venir au povre Monsieur Dartois, j’espère encore que le Synode des Eglises Galle-Belgiques y remédiera, vous, Monsieur Spanheim & d’autres remonstrans le danger ; J’ay leu vostre sermon de la paix que mon nepveu Meschinet avoit envoyé. Il est selon vostre digne jugement. J’ay esté bien ayse dy voir ce que vous déplorez que on n’ait atendu d’y comprendre

218 Antoine GARRISSOLES, Decreti synodici Carentoniensis de imputatione primi peccati Adae explicatio et defensio, Montalbani, 1648. 219 En dépit des rumeurs qui couraient sur Alexandre Morus (1616-1670), Claude Saumaise, contre les avis d’André Rivet et de Frédéric Spanheim, favorisa sa venue à Middelbourg. Cf. Pierre LEROY et Hans BOTS, Claude Saumaise & André Rivet. Correspondance échangée entre 163é et 1648, op. cit., p. XXI-XXIV. 220 Philippe de Jaucourt (1611-1669), baron de Villarnoul et seigneur de La Forêt-sur-Sèvre, fils de Jean de Jaucourt, baron de Villarnoul et de Marthe de Mornay, était le petit fils de Philippe de Mornay, seigneur du Plessis et de Charlotte Arbaleste. Moïse Amyraut lui dédiera sa Morale chrestienne, Saumur, Desbordes, 1652-1660, 6 vol. 221 Moïse AMYRAUT, Considerationes in cap. VII Epistolae Pauli Apostali ad Romanos, Saumur, Lesnier, 1648.

Page 126: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

126

les alliés & que vous renvoyez aus supérieurs la response là dessus. Et ay fort remarqué que le 5e juin 1648 auquel la paix a esté publiée, responde au 5e juin 1568 auquel les comtes d’Aiguemond & de Horn furent décapités. L’Angleterre est tousjours brouillée ; & ne sçay comment elle se pourra départir des suites si cette année à défaut d’armée levée pour le parti du Roy ; & crain que l’Ecosse voulant remédier se brouille.

Il y a assés long temps que je n’ay eu des nouvelles de ma sœur, ni de son gendre. Elle a reçeu ses contes ; & luy est dans […]. Mon gendre Thomas est allé au Havre de Grâce pour y vendre la marchandise d’un vaisseau qui n’ayant pû gagner la coste de Barbarie où il luy eust fait grand profit, a abordé le Normandie lieu non favorable à sa marchandise de luy & deux autres. Il s’est servi en l’occasion de ce qu’il avoit en main ; & a pourtant praiveu que si j’en avois besoin, il me fust rendu. Cela a fait que j’ay attendu de pourvoir à ce qui vous reste & à regard de Chadeau, dont je prendray mon temps. Je vous ay envoyé un acte suffisant outre la charge que j’en ay d’ailleurs jusques à ce que j’aye rendu compte. Les parens de Nathanaël Chadeau vous remercient humblement des tesmoignages que luy avez rendu. Il fera bien de s’accommoder s’il peut, car les affaires de sa mère sont fort mal.

Désormais puisque M. l’Ambassadeur des Pays bons amis222 n’est point pour retourner à Paris & que cela retarde vos lettres & les miennes, il vaut mieux que nous nous escrivions de mois en mois avec quelques frais de part & d’autres. Monsieur Vlaming marchand à La Rochelle223, qui escrit toutes les semaines en Hollande par la poste m’a nommé le Sieur Nicolas van Beccq224 à Amsterdam, & le Sr. Pierre van des Meers à Rotterdam, auxquels vous pourrez addresser vos lettre à ce qu’ils luy facent tenir. Il payera & je luy rendray. Et lui envoyera chés Monsieur Thomas ici, y ayant deux poste la semène de La Rochelle à Bourdeaux qui passent ici. J’envoyeray aussi par luy que par l’un des deux vous fera tenir et on vous mandera le prix. Que si vous trouvez commodité d’envoyer à Paris, addressoit à Monsieur Pinet, demeurant chez Monsieur Chassepot, procureur en parlement, demeurant en la rue de la Bucherie, près le collège de Médecine. Mais par Monsieur Vleminq, nous recevrons au bout de dix-huit jours.

Il est raisonnable que Dieu vous ayant mené à ce grand aage enquel par sa grâce vous estes ferme, mais ayant la maturité de 76 ans passés ; & moy moins vieux de près de neuf ans et plus infirme, nous ayons nouvelles asseurées l’un de l’autre de temps en temps à nostre coustume. J’atten d’escrire à mon nepveu…225

B. U. Leyde, BPL 287/II/142

16 septembre 1648 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Vostre lettre mise es un paquet de Monsieur Vincent addressée à Monsieur Martin n’est point

venue. Mais j’ay reçeu & bien tard celles du 2e & 20e juillet en suite desquelles j’ay loué Dieu pour le bon estat de vous & toute vostre maison. Notamment de Madamoiselle ma sœur dont la santé m’avoit esté mise en en doubte pour mon nepveu comme sa convalescence m’a resjoui, joint à icelle son employ présent considérable en attendant une plus profitable, j’ay du déplaisir de ce qu’il n’a pas d’inclination à se marier, estant désormais temps226. Mais comme il est fort considéré, je croy qu’il juge qu’il rencontrera plus avantageusement, s’il a une charge qui le mette dans les affaires. Cependant les jeunes plantes de la propagation de son frères, vous esjouissent en les voyant croistre devant vous. Notamment vostre Guillaume qui est bien ayse d’avoir un oncle de son nom. Je prie Dieu qu’il 222 Willem van Liere (1588-1649), sieur d’Oosterwijk, ambassadeur ordinaire des Etats généraux des Provinces-Unies des Pays-Bas à Paris depuis 1637, employeur d’André Pineau, sieur de La Trosnière, avait demandé son rappel. 223 Les “ Flamands ” étaient le groupe étranger le plus nombreux à La Rochelle vivant dans “ le canton des Flamands ” à l’ouest de la ville. Marcel DELAFOSSE, Histoire de La Rochelle, Coll. Univers de la France, Ed. Privat, Toulouse, 2002, p. 190. Leur religion leur permit de s’allier aux familles locales. M. Vlaming doit-être Henri Vlamincq qui épousa le 22 septembre 1642 Suzanne Henry. 224 Nicolas van Beeck. 225 La fin de la lettre est dissimulée par la reliure. 226 Frédéric Rivet, né en 1617, était alors âgé de 31 ans.

Page 127: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

127

continue de les bénir. Et ay véritablement l’affection envers luy, comme je pourrois avoir envers un qui me vint de mon fils le pasteur qui en attend en brief & se réserve de vous escrire alors.

J’ay nouvelles de mon gendre Thomas qu’il a aucunnement fait ses affaires en Normandie & Dieu, luy ayant fait rencontrer une occasion de vendre assés bien lors qu’il ne l’espéroit plus ; de sorte qu’il doibt en suite retourner bien tost. L’autre de mes gendres prospère, Dieu merci.

Mon fils aisné vouloit se marier en Brie, & m’en escrivit. Je luy mis la bride sur le col ; mais luy remonstrant gravement quelle suitte ce luy seroit s’il le faisoit mal à propos ; & si ayant peut à se maintenir seul, il se trouvoit chargé d'une femme & d’enfans sans avoir de quoy les soustenir. Il m’a mandé qu’ayant gousté ma lettre & ruminé sur icelle, il s’est retiré le plus civilement qu’il a pû, considérant que c’eust esté sa ruine. Son second frère vit bien & chrestiennement, mais c’est une famille qui s’accroist, & est à soutenir.

Quant aux exercices que nous donne le chef des innovateurs, j’ay esté bien content de sçavoir que vous ayez reçeu mon Epistre apologétique, & que vous me faciez l’honneur de la joindre à la vostre. Monsieur Vincent (qui se sent très obligé de vostre souvenir & vous salue très affectueusement) & moy attendrons avec avidité ce volume de 20 fueilles pour le faire courir ; et il sera très bien reçeu à raison de la première partie de laquelle des eschantillons veux par Monsieur Spanheim ont fait qu’en une lettre, qu’il m’a envoyé dans un paquet de mon nepveu Meschinet, il admire vostre mémoire & vostre jugement & tesmoigne aussi avoir leu avec contentmeent ce qu’il vous a envoyé de ma part. Vous aurez, je m’asseure, mis Joannes au lieu de Paulus Tannovius. Et m’avez obligé d’user de liberté en tout le reste.

Selon ce que vous m’avez donné des advis sur les Considérations de M. Amyraut, j’ay inséré ces trois remarques touchant Covanus (dont j’avois trouvé mention en des Epitre de Bèze : l’une à Edw. Grindelles, evesque de Londres, l’autre à Cognatus pasteur de l’Eglise Française de Londres, & la 3e à luy mesme où pour rabbatre son orgueil en ce qu’il demendoit chose qui pussent satisfaire un Espagnol, il appelle des raisons très vaines hispanisantes) Socinius & Arminius. J’eusse déziré avoir desja cotté l’escrit & le lieu où Socianus plus pur en cela que nostre homme a restreint à qui seroit venu à un excellent degré sur la discipline de la Loy ce que cettuy-ci a estendu aux payens en ses thèses de Spiritu Servitatis et en ses Consider à un semblable à Médée furieuse, & tel que maints payeur ayent plus gagne par la raison sur leurs appétit. Et à propos de ces Thèses, je vous diray que considérant le retardement de la pièce que j’ay à Amsterdam ; & que mes observations sur cette thèse seront très à propos jointes à l’Epistre par laquelle je paye les raisons des considérateur & que ma résidance en sera plus complette, j’ay consigné le tout entre les mains d’un imprimeur de Saintes /2/227 avec lequel j’ay convenu & qui s’en va travailler. Ainsi le Sieur Blaeu qui peut estre [n’a] pas pris plaisir que je luy aye augmenté la besaugne par l’appendix contre la def[…] de Codur sera déchargé en partie par laisser & obmettre ce premier appendix [] Monsieur Amyraut & faire suivre l’autre contre lettre après le dernier chapitre departie, le abia estant effaçé du titre qui a abia appendix. De quoy je vous prie donner advis à Monsieur Hotton, à ce qu’il adoucisse l’imprimeur & pourvoye. Ou si [M. de] Courcelles qui, à ce qu’on m’a mandé, corrige, & vous a envoyé des fueilles, & quelque avec vous. Il en recevroit l’advis & exécuteroit la chose.

Quant à ce que vous esse nobis ut omnen absiciam super et collationis cum consideratore spem & nihi ces fit qui de priou son pertinacia & sui ipsius confidertio eliquid remiserit, putater tandem & sis accipis ut intelligam qui amimatus esse debeam ut si in illo detur uta condi[] ratus sim ad collitionum. Verissimum emin est quod subjumgis qui eum norunt quantum sit a conditiones alienus non ignorare. Je luy fay d’ailleurs bien cognoistre qu’en la première que il ne m’a pas satisfait ni les autres serviteurs de Dieu qu n’approuvoyent pas ses doctrines ; et [] qu’il a un antagoniste qui luy fera voir & luy mesme. Car nous espérons beaucoup de l’issue de ce labeur auquel vaque Monsieur Spanheim.

Je vous ay ci-devant escrit mon advis touchant la très docte pièce de de Monsieur Garrissoles, auquel j’ay envoyé vos recommandations. Il a bien épluché les cachettes de ces gens qui ont fatigué

227 Des extraits de cette lettre ont été publiés par Frans Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 465.

Page 128: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

128

leur esprit à la recerche & […]tion de moyens de se défendre & contre la doctrine orthodoxe implicante ou éloignée de vous.

De Monsieur d’Aubus228, je le cognois de long temps pour un personnage fort sçavant et vous m’avez resjoui me touchant l’épistre que vous avez veu de luy, en laquelle il […] bien le mal de feu Cameron & ses adhérens. Car je le soupçonnaye d’aller là, depuis l’an 1631. Je luy ouï faire une prédication à Charenton en laquelle il estala pour […] l’imposition & construction de la colonne & appuy de vérité est Dieu & sans contri[…] grand secret de piété, est &c. Il tesmoigne en cette action n’avoir pas le jugement si ferme, y fust si ennuyeux au conciliateur, auquel respond premièrement Monsieur Spanheim, me dit qu’il eust voulu avoir esté hors de là à lire quelque histoire, mais à la vérité [cet] homme est morose & précipité en son jugement.

J’ay veu une autre pièce de Monsieur [d’Aubus] annoyée à l’ouvrage de Monsieur Garissol229, laquelle escritte pour le louer de son soutient, un traitté de la mesme chose en abbrégé, avec une liste ordonnée par distinction [cou]chés de tesmoignages humains. Il me semble que ne voulant pas que ses observations [….], il a porté de l’eau en la mer. Et je trouve que Monsieur Garrissoles a bien jugé qu’en [] par cette adjonction à son labeur, il ne l’a point pêché. Je suis pourtant très [ayse de] sçavoir les bons sentimens de ce personnage qui peut beaucoup servir. Il m’a d’ail[leurs] en diverses occurrences tesmoigné beaucoup d’amitié & j’adjouste qu’il a grand zèle.

Je vous ay escrit touchant le Synode de Poictou & le nostre. Mais j’ay failli en avoir […]. Quant à la relation de ce qui se passe en Poictou, vous disant Monsieur de Villarnout [ici]. Car il alla là sans vocation en l’assemblée. Et comme après la lecture de vostre lettre & [celle de] Monsieur Vincent, le Synode prit de bonnes résolutions, quoy que tout la table fut à la dévotion de ceux de Saumur, Messieurs Cotyby & Pin230, modérateurs & Monsieur Chabrol secrétaire. [Mais] après la présentation du livre de Monsieur Amyraut & Monsieur des Loges231, député d’Anjou, ouï [sur] une ouverture de paix, à quoy la compagnie ne voyoit pas de moyen, il fut [suggé]ré de la table que Monsieur le baron de Villarnoul estoit là, & que si l’appelloit, il [donne]roit des ouvertures notables. Cela obtenu, il coucha de Madame la duchesse de La Trémoille & de Monsieur le prince de Talmond & Monsieur Chabrol alla recercher les mérites du[dit livre] et enfin fut résolu, ce à quoy nous ne consentons pas, il demeura nul.

J’ay lu & fait [lire à] d’autres le fragment de la lettre de Monsieur Zwingarus232 touchant l’apologéticum de /3/ homme à Monsieur Irmingerus233. Ce personnage très digne déclare son sentiment d’une façon qui nous a fort pleu.

Monsieur de Couvrelles qui n’a point eu de response depuis la venue de mon nepveu a failli le mariage de son fils234 avec l’héritière de Douhet, laquelle après des promesses faittes à changé d’advis, ou déclaré celuy qu’elle cachait par respect envers sa mère. Le dit Sieur venu depuis peu de chés Monsieur de Balzac, me dit qu’il admiroit l’oraison funèbre de Monsieur Spanheim, laquelle il luy avoit envoyé avec une très-obligente lettre. Et adjouste qu’étant infirmer & luy estant défendu de bander son esprit à quelque pièce, il attendoit d’estre mieux pour luy faire response.

Les affaires publiques ont fort changé depuis vos dernières. Je ne sçay si on aura réparé l’infraction Hespagnole & la paix en la prise des vaisseaux et croy que la perte de la bataille de Lens fera qu’ils appaiseront les chose de vostre costé. On nous assure que l’entremise des Ecossois en Angleterre avance la paix. Dieu le veuille.

Je le prie qu’il vous maintienne en prospérité & toute vostre maison. Et vous embrasse cordialement avec Madamoiselle ma très-chère sœur, mon nepveu, ma niepce sa belle-sœur & les 228 Charles d’Aubus, ministre de Nérac. 229 C. d’AUBUS, De imputatione primi peccati Adae epistola et carmen … ad Antonium Garrissollum, Montalbani, 1648, 47 p. publié en annexe du livre de Garrissoles. 230 Jacques Cottiby et Daniel Pain étaient les ministres de Poitiers et de Châtellerault. 231 Jacques de Brissac, sieur des Loges, était le ministre de Loudun. 232 Théodore Zwinger (1597-1654), pasteur, professeur d’Ancien Testament et antistes de Bâle. 233 J. J. Irminger un antistes amyraldien de Zurich. 234 François d’Ocoy, sieur de Saint-Trojan et Saint-Brice, fils de Jean-Casimir d’Ocoy, sieur de Couvrelles, épousa Anne Gombaud.

Page 129: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

129

petits, William particulièrement. Comme je baise les mains à Mademoiselle du Moulin, au sujet de laquelle je me resouvien d’adjouster que j’ay leu le livre de Monsieur son très-excellent père avec un merveilleux contentement ; & croy qu’estant leu il dézabusera pluiseurs que les discours & sermons avoyent pris. Je l’ay envoyé à mon beau-frère qui a son fils à Saumur à ce que la lecture d’iceluy il voye en quel danger il le laisse. Mais il y a des pères abusés qui croyent plus leurs enfans que les sages ; & me font souvenir de quand le nostre disoit de (illisible) à sa fille, nostre sœur : “ Laisse les là. Tu es plus sage fille ”. & équitable que Dieu a conservé jusques ici nous deux & elle, nous ayant de six réduit à ce nombre de trois, il y a 52 ans. Puissiez-vous demeurer le dernier, le Seigneur prolongeant vos jours à sa gloire au souhait de,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le XVIe septembre 1648. Comme je finissois, Nathanaël Chadeau m’est venu trouver & m’a dit vous avoir veu en bonne

disposition au mois d’aoust. Pour l’argent qu’il a pris de vous, je le vous feray envoyer par mon gendre dès qu’il sera de retour.

Monsieur de Marsilly qui est ici vous baise les mains. Monsieur Rossel mon bon voisin pareillement.

B. U. Leyde, BPL 287/II/144

12 octobre 1648 - Taillebourg A Taillebourg, le XIIe octobre 1648

Monsieur mon très-honoré frère, J’ay receu diverses de vos lettres venues plus a temps par la voye de Paris que les précédentes ;

notamment celle du xiie septembre. Je n’ose vous respondre par cette mesme voye depuis que Monsieur de La Trosnière s’y soit pas, ni mesme Monsieur Pinet qui est natif de Niort & fils de l’hoste de La Grue, lequel pourroit durant les vacations estre en Poictou. C’est pourquoy j’addresse cette-ci à mon nepveu Meschinet ; vous ayant escrit par le moyen de Monsieur Vlaming à ce qu’il vous plûst faire mettre ordre qu’on n’imprime point l’appendix és Thèses de Spiritu Servitudis que je fay imprimer avec ma response aux considérations de Monsieur Amyraut et ains que faisant suivre l’appendix contre la défense de Codar. On oste de titre le mot alias. Si j’eusse creu que tout laissé, on travaillast à cette pièce, comme porte vostre dernière, je n’eusse pas pris cette résolution.

Dans la fin de ce mois, Dieu aydant, on aura fait à Saintes, les vendanges (quoy que mon gendre cette année) ayant un peu retardé. Et ainsy diverses pièces se rencontrèrent. Nous attendrons des exemplaires de de là à La Rochelle, & en envoyèrent des nostres de deça à Amsterdam. Monsieur Amyraut est aux eaux et Monsieur de La Place battu comme il est par Monsieur Garrisoles, dit qu’il n’a ni compris, ni résous ses argumens235, tant ces gens font bonne mine en mauvais jeu. Mais Dieu descouvrira les cachettes de hontes. La lettre de Monsieur Chauvé fera beaucoup ; & aussi celle de de Monsieur de Croy, qui devroit encore parler sur cette préface & son dire.

Le pauvre Monsieur de Champdor-Gabart vous a dit vray et si les parens de ce baron qui le força à faire le coup s’il m’eust voulu se laisser tuer, le sçavoyent là, ils envoyeroyent le tuer. Il est digne de compassion, autant qu’il peut estre ennuyeux en si longue histoire. J’atten nostre cousin du Fayan236 pour pouvoir faire un Errata ; mais il ne vient point.

Mon gendre est de retour à La Rochelle ayant fait du moins mal qu’il a pû en Normandie et arrivé qu’il a esté luy est venu advis d’une barque venue du grand bans & chargée de grand poisson, 235 Remarque citée par F. P. van STAM, The Controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 362, note 148. 236 Jacques Le Cocq, sieur du Fayan, était l’un des fils de Jacques Le Cocq, sieur des Roches de Vendoeuvre, ancien maire de Saint-Jean d’Angély.

Page 130: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

130

où il avoit intérest, prise par les Biscayens mais deux jours après est arrivé dans le havre de La Rochelle un navire de 150 tonneaux chargé de poisson sec où il a notable part qui le relève. C’est une estrange chose que de ces risques & de l’avidité au gain hazardeux. Je luy mande qu’il vous envoye 74 livres monnoye de ce pays ; qui sera pour les 36 livres monnoy d’Hollande délivré à Chadeau & le restant de vostre argent après les 100 livres de Dieumegard & mon hérédité demeurant redevable à la vostre de 600 livres dont nostre sœur a la rente de vostre vivant. Mon fils de Saujon est à sa mestairie, & sa femme attendant son accouchement & se portent bien. Tout le reste se porte bien. Et moy aussi grâces au Seigneur.

Monsieur de Marsilly vous baise les mains. Et nous sommes en espérances d’accommodement à Paris. On le croit d’Angleterre, le Parlement le faisant hautement en sa prospérité. Je prie Dieu pour la continuation de vostre santé & de Madamoiselle ma bonne & très-chère sœur avec Madamoiselle sa digne niepce. Mon petit nepveu sçaura s’il vous plaist que son grand oncle (duquel il parle souvent) pense fort à luy pour luy dézirer toute bénédiction. J’escri à mon nepveu, son oncle, me souscrivant selon que je suis de luy & d’affection,

[Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet]

Monsieur Chassepot fut enterré lundy. C’est une notable perte. Il es[toit un] orthodoxe ferme. B. U. Leyde, BPL 287/II/146

9 novembre 1648 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Il y a huit jours que j’ay reçeu vostre ample lettre du 8e octobre avec l’autre escritte à nostre

singulière avec Monsieur Vincent qui me l’a communiqué ; et j’ay envoyé le tout à mon bon voisin, Monsieur Rossel, qui alloit à un colloque à Chalais & en lieu à nos frères ce dont ils seront consolés & affermis.

Aussi ay-je eu céans il y a quatre jours nostre cousin Monsieur du Fayan avec son frère de La Magdelaine. Il me resjouit fort de me rapporter les particularités de vostre estat & de toute vostre maison. Nous nous promenasme par tout chez vous en pensée & propos ; et considérasmes les ouvrages de mon petit nepveu, Willem, qui pourroit bien avec les grecs, commencer par les mathématiques s’il ne falloit premièrement prendre leurs Grec après le latin. Dieu veuille bénir cette jeune plante qui croist devant vous à vostre joye, & doint pareille grâce à don père.

Or ay je aussi veu les fueilles que vous m’envoyez dont j’ay fait l’errata que j’envoye à Monsieur Spanheim ; et je vous prie d’en faire un depuis la 169e fueille, pour estre joint au mien, dans lequel je déclare n’avoir veu que jusques là. Je vous remercie de l’adjoustement de l’importante pièce de Tonnarius & de la remarque de Hispalusis mis pour complistensis par Codur. Mais je crain que là où vous avez touché sa cheute finale, vous me feriez aller contre ce que après par tout je parle) luy comme à un homme que je tenois encore entre nous. Et ne sçay s’il ne seroit point à propos que vous missiez que c’est une note que vous aviez mis en marge, lisant mon manuscript & ayant la nouvelle de sa révolte. C’est en la page 150 où vous avez mis quod postie in ipsius Coduroi defection plena patruit. Nous attendons les sept exemplaires de nos Apologies avec les dix fueilles Et je m’estonne qu’elles ne sont venue, le vent de Noël ayant tant soufflé.

Cela avec ce que Monsieur Augeard a récité au duel de son fils avec Monsieur de Launay fait en Clèves, nous fist appréhender que mon nepveu Meschinet (à qui vous aviez envoyé ce paquet) ait esté de la partie. Car nous avons sceu que le premier, duquel il est parent l’avoit voulu engager à porter l’appel ; et il est assés mondain pour ne s’en estre excuzé. C’est pourquoy (& luy n’escrivant rien depuis assé longtemps), j’ay prié Monsieur Spanheim de nous mander s’il est à Leyden & faisant ce qu’on dézire de luy. Le père qui vous baise humblement les mains, en est en esmoy, & j’en tais à la mère, qui d’ailleurs se tourmente de songes touchant son fils.

Page 131: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

131

Monsieur Vincent & moy pour voirons, Dieu aydant, au débit des exemplaires que vous envoyerez, & ce selon le prix qu’il faut mettre raisonnable. Ma response aux considérateur est achevée d’imprimer ; & on y joint les observations sur les thèses de sp. serv. Cela sera prest dans la fin de l’autre sepmène. Il faudra en envoyer des exemplaires à Monsieur Spanheim pour estre dispensé en divers lieux des Pays-Bas. Nous en envoyerons en divers quartiers de nos Eglises ou provinces, comme les membres de la concubine de Lévite par Israël237. Car l’attentat de cet homme se trouvera estrange en cette part.

Tout se porte bien ici grâce au Seigneur. Et tous les miens font avec moy, vœux pour la continuation de vostre santé & force, & de la prospérité de Madamoiselle ma très chère sœur & de mes chers nepveux. Comme je vous embrasse tous cordialement, & salue humblement & très affectueusement Mademoiselle du Moulin ; estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le IXe novembre 1648. …238 venu de S. Maixent tout déduit, n’estant que 36 livres vous sera porté au printemps par

nostre cousin du Fayan, qui m’a assuré qu’il me viendroit voir, devant partir pour aller à sa charge. Monsieur de Marsilly vous remercie de vostre souvenir & vous salue humblement. Je l’ay fait rire du changement du nom d’Henry pour celuy de l’idole d’Assise.

B. U. Leyde, BPL 287/II/147

20 novembre 1648 – Saintes Théophile Rossel

ministre de Saintes à André Rivet

Monsieur & très-honoré frère, Entre les faveurs que je reçoi de Monsieur vostre excellent frère, mon très honoré voisin , cette-

ci m’est grandement considérable que par son moyen j’apprens ordinairement de vos nouvelles qui me sont en singulière consolation. Je vous révère comme l’un des grands serviteur de Dieu de ce siècle & des plus considérables instrumens de sa gloire. Il vous a rendu l’une des plus fermes colomnes de la pureté de la doctrine & l’un des plus rudes & puissans adversaires de l'hétérodoxie. Aussi reçoi-je avec grande joye les advis de vostre Estat prospère.

Quand je vous considère en ce grand aage après tant de labeurs & de fatigues rempli de vigueur d’esprit & de corps, vous opposer courageusement aux novateurs & sous tenir vertueusement le combat pour la foy, comme l’un des premiers & plus expérimentés chefs de l’armée de l’Eternel. Mon cœur s’égaye, j’en rens grâces à Dieu, je le prie qu’il vous conserve longuement en ce bon estat & espère qu’il vous donnera comme à Caleb, en un pareil aage, la mesme force pour ces combats spirituels que ce personnage si considérable en eut jadis pour les charnels. Vous m’honorez de vostre souvenir, c’est m’obliger estroitement.

Agréez Monsieur ce tesmoignage de ma recognoissance, & la résolution où je suis de vous suivre puis que je ne suis pas capable de vous imiter, s’il nous est permis de parler de nos maux, j’oseray vous dire que je n’ay point attendu de sincérité de ceux qui nous troublent depuis que j’ay veu et cognu les artifices & finesses de leurs procédures. MM. Cottibi et Chabrol sont voisins et deux doctes personnes, mais cettui-ci est autant attaché aus sentimens & intérests de son maistre que les disciples de Pytagore le furent jadis à ce philosophe qui n’est plus ; cettui là les a embrassé avec telle affection, & tellement employé es occasions que j’ay veues sa prudence et d’extérité qui n’est pas

237 Guillaume Rivet a déjà utilisé cette formule dans sa lettre du 20 juillet 1648. 238 Le début de la phrase est masqué par la reliure.

Page 132: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

132

petite pour favoriser M. Amyraut que je ne me laisserois pas aisément traîner dans les desseins qu’ils pourroyent former pour remédier aux troubles suscités par des personnes qu’ils soustiennent. Quand j’eu leu la préface virulente du spécimen je creu que vous, M. du Moulin, M. de Champvernon & M. Vincent estiez obligés à ce que vous avez fait. Je ne puis aussi assé m’estonner de l’humeur de ce personnage, qu’après avoir vomis sa bile contre de tels serviteurs de Dieu, qu’il traitte avec tant d’indignité a pensé les appaiser pour leur fermer la bouche, intéressant des personnes relevées afin de plastrer que leur accord pour arrester leur plume & authoriser ses opinions. La proposition de députez de la part de trois provinces tendoit à faire esclat & avoit esté escluse par vanité, & je m’estonnaydu consentement que nostre si judicieux & clair voyant frère y avoit presté d’abord par un excès de sa bonté & charité. Dès que M. de Champvernon m’en eut donné advis j’y repugnay sans hésiter. De vray nos frère n’ont autre différent avec M. Amyraut que sur le sujet de la doctrine de salut qu’il a altérée. C’est un intérest public, s’il se rengeoit à son devoir pour sentir ou parler avec nous é osteroit les troubles qu’il suscite, ils seroyent prests à l’embrasser.

Puisqu’on ne peut espérer qu’il le fasse que nos frères ne peuvent ni ne veulent rien relascher en ces intérests publics qui regardent la gloire de Dieu, et n’auroyent pas assés d’authorité pour venger M. A. à la raison, cet abbouchement n’eust produit que du mal, & eust donné matière d’esclat à la vanité de celui qui se veut prévaloir de ses propres désadvantages. Dieu veille oster ce mal de sa maison et consolider cete playe de son peuple. Je voy que le remède en vient de vos Académies ainsi que je l’avois espéré. Monsieur Spanheim y a desja très heureusement & très puissamment travaillé. Mais son second labeur sera du tout nécesser /2/, car je voy de nos frères esloignés d’ailleurs de l’opinion des universalistes semblent faire grande considération des arguilmens artificieux de ce esprit inquièts, quoi qu’ils ne fassent rien au fonds & n’esbranslent aucunement raisons puissantes qui l’accablent. Je souhaitterois aussi bien fort que quelqu’un fist voir au jour un crayon de la théologie de Saulmur. Car après avoir reçeu l’ordre des décrets de Dieu pose une miséricorde grâce & vocation universelle re[…] une foy par la nature elle sappe le fondement et la doctrine du pêché originel duquel le dit franc arbitre ne recognoist en la conversion de l’homme autre opération de Dieu immédiate qu’est l’entendement afin d’establir le mouvement posé par feu M. Cameron. Elle déguise le sens du Ch. 7 des Rom : ne faire Christ nostre justice qu’en la seule passion, à l’exclusion de son obéissance & pose en l’estat des âmes séparées des corps des fantaisies vaines qui pour aboutir à que le mal ; outre les discours du traitté de l’œconomie des trou[] et la distraction des pêchés contre le père, le fils & le St. Esprit, ce que n’entens pas. Le gouste encores moins & ne le voy point conforme à la parole de Dieu. Un tel eschantillon descouvriroit le mal de toute la pièce resveil[lent] beaucoup d’esprits & feroit penser aux moyens d’y pourvoir. Et j’ose croire que [plu]sieurs de ceux qui posent l’universalité de la grâce sont esloigné des autres hypothèses de Saulmur.

Mais, Monsieur, je m’avance trop, & vous supplie donner à mon affection si elle abuse de la liberté que vous lui octroyez entretien & puis qu’il vous plaist me donner place en vostre mémoire, je vous supplie que ce soit au rang de ceux du service desquels vous faites estat, la fermeté desquels au maintien de la vérité vous ne faites point de doutes en cet estat espère-je que mon Dieu me fera la grâce de finir ma court le ministère que j’ay receu de sa grâce, mais tousjours en vous honorant & l’affection de me faire tousjours cognoistre,

Monsieur & très honoré frère, Vostre très humble, très affectionné & obéissant

Serviteur & frère au Seigneur Rossel

A Saintes, le 20 novembre 1648. B. U. Leyde, BPL 287/II/148

24 novembre 1648 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Monsieur Rossel m’ayant envoyé sa lettre ouverte, laquelle je vous addresse par la voye de la

mer ; si pour estre les vents se trouvant favorables, elle arrivoit promptement ; j’y insère ce mot

Page 133: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

133

d’assurance de nostre santé à tous, & de l’accouchement heureux de ma belle-fille de Saujon, d’une grosse & belle fille (dès le 17e du courant) qui estoit le souhait d’icelle et en pourra venir après de l’autre sexe.

Si j’eusse eux deux jours de terme, je vous aurois envoyé des exemplaires de ma response aux considérations qui est achevée d’imprimer pour ce que j’ay fait exprès sur vostre advis du 12 octobre ce qu’on avoit commencé ses Observationes in theses de Spiritu servitatis.

J’atten encore les dix feuilles de mes Vindiciae thel. Er. R., les 7 exemplaires de nos Apologies qui ne peuvent pas tarder. Je vous adjouste que je trouve la lettre de Monsieur Rossel fort bonne ; hormis que quant à cette synople qu’il demande, n’ignorant pas que le vostre, j’en veu paroistre bien fortifiée et pour ses autres matières qu’il sçait que j’ay baillé par exprès en ce qui est prest s’esclore, je ne sçay qu’il veut.

Un faut advis donné par Monsieur Augeard, conseiller, touchant mon nepveu Meschinet meslé avec son fils en son duel, nous avoit mis en alarme & fait faire la despesche que vous aurez veu, mais les lettres de mon nepveu du XXVJe octobre nous ont assuré du contraire. Je continue à le vous recommander ; et il tesmoigne vous avoir grande obligation & vous regarder comme son appuy principal. Son père vous baise très humblement les mains ; & je vous enbrasse de tout mon cœur avec Madamoiselle ma très chère sœur & mes nepveux & niepces ; notamment Willem & Madamoiselle du Moulin, son excellente directrice ; comme je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble et très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXIVe novembre. B. U. Leyde, BPL 287/II/149

13 décembre 1648 – Saujon Etienne Rivet à André Rivet

Monsieur mon très honoré Oncle, Il y a fort long temps que ie n’ay parlé à vous, quoy que ie parle ordinairement de vous, c’est en

mes prières esquelles ie vous ioings chaque iours avec ma très honorée Tante. C’est ainsi que ie m’acquitte de ce que vous avés demandé de moy par la dernière des vostres. Je la fais avec toutes les affections de mon cœur n’ayant rien au monde qui me touche davantage que vostre conservation & de mon très honoré Père que ie regarde avec beaucoup de respect comme autant de colonnes en l’Eglise et d’en êtres ornements dans nostre famille.

J’adjousterai à cela que i’attenderois quelque nouveau sujet de vous escrire & cette mesme bénédiction qu’il a pleu à Dieu de verser dessus moy ; car de vous parler du succès de mon employ, ie ne le puis & s’il y en a c’est à d’autres de vous le dire. Je suis religieux à ne vous interrompre pas ; ie me contenterais de vous dire que ie suis de ceux qui par la grâce de Dieu ne s’estonne pas des nouveautés dont quelque cognoissance de causes.

Mais ie reprends pour vous dire qu’après cinq années entières, Dieu me donne une Anne Rivete bien formée de corps, ce qui donne tout le contentement que peut donner la naissance. Mon père à qui ie doibs plus que le bien de la naissance a voulu adjouster cette obligation de la présenter au baptesme239. Me voilà satisfaict pour le regard du temps en ce qui m’intéressoit fort.

Je souhaitterois seulement après cela que Dieu me fournist les moyens de vous faire voir à quel poinct ie suis vostre et à ma très honorée Tante, c’est à dire,

239 Anne Rivet, fille d’Etienne Rivet de Jeanne Baudouin, a été baptisée le 3 décembre 1648 à Saujon. Guillaume Rivet était son parrain et Rachel Gouaud la marraine.

Page 134: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

134

Monsieur mon très honoré Oncle, Vostre très humble et très

obéissant nepveu & serviteur E. Rivet

De Sauion en Saintonge, ce 13 décembre 1648 Je vous prie agréer que ma femme vous baise très humblement les mains et à Madamoiselle ma

Tante. Monsieur mon très honoré frère240, J’ay retranché la seconde feuille en blanc que mon fils laissoit par honneur y ayant mis là sa

prescription. Le paquet des lettres pour Monsieur de Champdor241 grossissant trop et pource que j’espère vous escrire par la poste, vous diray-je seulement que j’ay reçeu du frère d’iceluy Champdor 6 livres 6 sols qu’il vous rend. Et que je les joindray à ce que portera nostre cousin du Fayan. Que je vien de recevoir nos apologies, & des fueilles de mes Vindiciae & la lettre de Monsieur Spanheim […]. Que Dieu merci, je suis en santé. [Je souhaite à vostre] excellente compagnie, toute prospérité,…

B. U. Leyde, BPL 282/229

240 Cet ajout est de la main de Guillaume Rivet. 241 Jean Dumonceau, sieur de Champdor, un huguenot, était le trésorier général du duché de Thouars.

Page 135: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

135

21 ANNEE 1649

-=-

Les Cours continuaient leur opposition, Paris s’agitait. Anne d’Autriche et Mazarin ne voulant pas être leurs prisonniers, dans la nuit du 5 au 6 janvier 1649, alors que les Parisiens étaient occupés à tirer les rois, quittèrent subrepticement la capitale avec le Roi et s’installèrent à Saint-Germain. Condé, leur bras militaire, entreprit alors le siège de Paris jusqu’à la conclusion de la paix de Rueil le 11 mars.

Le prince de Conti, les ducs d’Elboeuf, de Bouillon, de Longueville, de Beaufort se prononcèrent pour le parlement. Pendant les trois premiers mois de l’année 1649, le duc et la duchesse de La Trémoille s’engagèrent brièvement dans la Fronde. Pendant que Marie de La Tour d’Auvergne était à Rennes, recevant les engagements des parlementaires bretons242, son mari était nommé gouverneur de l’Anjou, sous l’autorité du Parlement Paris, par une assemblée générale élue par les seize paroisses d’Angers, marchait sur cette ville à la tête de ses vassaux pour prendre le château. Il arriva à Angers le 29 mars, le lendemain il alla reconnaître les alentours du château, le surlendemain l’assemblée générale des paroisses votait les crédits nécessaires à l’opération. Quelques jours plus tard, la promulgation de la paix de Rueil mit fin aux velléités guerrières du duc de La Trémoille.

Le siège de Paris l’agitation en province désorganisa le commerce d’écritures entre Guillaume et André Rivet. Le 3 mai, Guillaume Rivet put reprendre sa communication avec son frère qui avait été interrompue pendant les mois de mars et d’avril.

Le prince de Tarente qui depuis un an était en Allemagne, à la fin du printemps revint en France avec sa jeune épouse. Alors que celle-ci attendit à Duras puis à Paris que le duc et la duchesse soient à Thouars pour y faire son entrée, Henri-Charles de la Trémoille se rendit à Taillebourg, terre que son père lui avait donné à la suite de son mariage, pour se faire connaître des officiers qui administrait le comté. A cette occasion, sa mère lui avait également demandé pendant ce séjour de convaincre Guillaume Rivet, de mettre fin à sa querelle avec Moïse Amyraut.

La paix fut conclue entre Moïse Amyraut et Guillaume Rivet le 16 octobre au château de Thouars, en présence du prince de Tarente243.

18 janvier 1649 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’ay eu presques en mesme temps vostre lettre du 2e décembre & quelque exemplaires de nos

Epistres Apologétiques. Après avoir leu la vostre, j’ay admiré que vous ayez pû estre si exact en tant de particularités & es preuves tirées de lettres escrittes de long temps & que vous avez aisin rencontré à propos, comme si dès la réception d’icelles vous eussiez pensé à les mettre a part à telle fin. Ce qui fera bien songer noste homme qui escrit tout ce qui luy vient en la pensée confirmé par allégation en l’air de quelcun ou d’honnestes gens. Et ce que vous produisez de Monsieur Chauvé luy met la honte sur la face ; comme aussi l’Epistre de Monsieur de Croy, qui seroit le plus grand triboulet du monde s’il alloit contre cela, aussi bien que Monsieur de L’Angle s’est fait un indigne tort.

Outre cela, j’ay esté grandement touché des tesmoignages de vostre amour fraternel, & de l’honneur qu’il vous a pleu me faire vous addressant ainsi à moy, puis joignant mon Apologie à la vostre. Je suis fort déplaisant que tant de fautes se soyent coulées en la mienne, dont peu sont corrigées en l’Errata. On aura eu à Amsterdam l’Errata que j’ay envoyé sur ce que m’apporte Monsieur de

242 Abraham de WICQUEFORT, Chronique discontinue de la Fronde (1648-1652), op. cit., p. 131. 243 Lettre de Monsieur Vincent, pasteur de l’Eglise réformée de La Rochelle à Monsieur Rivet, docteur & professeur en théologie & curateur de l’Eschole Illustre & Collège d’Orange à Breda sur ce qui s’est passé à Thouars le 15 & 16 octobre 1649, sur la copie imprimée à Saumur chez Isac Des Bordes, imprimeur & marchand libraire avec quelques autres lettres & pièces concernantes le mesme faict, Sans lieu, 1649. Bibliothèque publique et universitaire, Ville de Genève, Archives Tronchin 8, fol. 209-216.

Page 136: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

136

Fayan-Le Coq, car Monsieur m’a mandé à temps l’avoir reçeu & qu’il l’envoyera à M. Blaeu. On aura joins ce que vous aurez adjousté sur le reste. Et nous attendrons la bale qui sera addressée à Monsieur Vincent, pour lé débit de laquelle nous ferons devoir des exemplaires qui seront pour moy, il vous plaira d’en disposer de partie pour delà à qui vous sçavez este convenable. Et je voudrois bien que mon nepveu Meschinet en eust un. De la relieure de vostre & de celuy de Monsieur Spanheim, peut-estre des exemplaires de mon Epistre sur le VIIe des Rom. à Monsieur Amiraut se tirera de quoy faire des frais & d’autres ; autrement j’y satisferay, car quant à cette Epistre, je croy que outre quelques exemplaires reliés, le paquet de 40 en blanc sera arrivé ; & on nous le fait espérer. J’attendray vostre jugement sur cette pièce dont j’envoyay un petit paquet à M. Amiraut, m’estant addressé à Monsieur d’Huisseau244 à ce qu’il me fit la mesme offre envers luy qu’avoit fait Monsieur Flans pour luy envers moy.

Monsieur d’Huisseau m’escrit du 14e décembre, le luy avoir rendu entre mains , & ce qu’il fait estat de me respondre avec toute la douceur & civilité imaginable. Je voy bien qu’il n’y a pas d’apparence qu’il se taise à ce que je luy ay dit ; & qui luy sera venu en la pensée sur que deviendroit mon honneur. Mais j’espère qu’il se passera en vain, & Dieu merci, je ne suis pas espuisé. Nos apologies l’auront rencontré sur ce travail ; & mes Diodécia qui sont un plus gros morceau ne tarderont guères à luy venir; si dessu il n’en a eu de Paris.

Monsieur d’Huisseau me fait grand plaisir de la passion & du fiel qu’il remarque en tous ces escrits nouveaux, distinguant la différence en soy du procédé des particuliers & n’entendant blasmer les uns plus que les autres. Et quant au reste, dit qu’il se persuade que ce n’est pas sans un soin particulier de la sage providence de Dieu que ces différentes opinions naissent en l’Eglise, à ce que des conférences fraternelles de ceux qui diffèrent en advis, sorte la lumière de là vérité en ses plus beau jours. Et je vous proteste (dit-il), que c’est /2/ avec grande satisfaction que je compare ensemble vos divers sentimens ; & […] part & autre vous contribuez grandement à me découvrir dans le texte sacré des […] que je n’eusse jamais apperçeu par ma seule méditation. Et bien qu’il m’arriva d’incliner davantage à une opinion qu’à l’autre, pour trouver celle là appuyée son jugement de plus fortes raisons. Je me donne bien garde pourtant d’accuser [cette]-ci d’hérésie, & la revestir des titres odieux de Pelagianisme, Semi-pélagianisme, Soc[inianisme] & Arminianisme, pour en suitte rompre avec ceux qui la tiennent comme avec des pernicieux qui n’ont pour but que de se signaler par quelque opinion particulière & seule à part.

Il adjoute à la fin qu’il me parla avec liberté d’autant plus qu’il se voit en un estat du tout désintéressé, puisque les afflictions dont il a plû à Dieu le visiter, le [ré]duit au point de poursuivre sa descharge pour passer en quelque ruine à l’escart de sa languissante vie, & se despécher à la mort par un sérieux amendement de vie [&] se plaint en suitte de ce qu’il semble qu’il y eut quelque aversion de Saumur & y servent touchant à ce propos l’escrit de Monsieur du Moulin, nouvellement imprimé en Hollande, avec titre qui fait mention des contreverses Salmuriennes245, quoy que[] ne seulement à tasche un des pasteurs de Saumur & un autre pasteur de Blois ; et dit-il mis au jour par les soings de Messieurs Rivet & Spanheim, protestant que plusieurs d’entre eux font des vœux pour la paix de l’Eglise. & qu’il s’estiment heureux si avant [son] dernier jour il pouvoit servir à la réunion de ses frères. Et m’adjouste : “ Vous y pouvez beaucoup, veu l’estime en laquelle vous estes de part & d’autre. Et si vous jugez que mon in[tervention] n’y soit pas absolument inutile, vous me trouverez disposé &c ”.

Je luy respon que j’atten la production de Monsieur Amyraut pour la considérer en y rapportant, sur les lieux du but [] desquels il s’agist, ce que j’ay de réserve en mon magazin intérieur, avec ce que 244 Isaac d'Huisseau (1608-1572), était le fils Isaac d’Huisseau un ancien de l'Eglise de Paris. Il fit ses études en théologie à Sedan où il soutint de 1628 à 1630 sous la présidence de du Moulin et de Rambours trois thèses. En 1633, il devint ministre à Saumur et professeur à la chaire de Théologie. Il est l'auteur de La discipline des églises réformées de France publiée pour le première fois en 1650 et plusieurs fois rééditée. Isaac d'Huisseau eut une carrière assez agitée à Saumur. En 1656, il fut l'objet de plaintes et destitué par le consistoire de Saumur. Il comptait au nombre de ses opposants Moïse Amyraut et le professeur de philosphie Jean Druet. Il fit appel en 1659 auprès du synode national de Loudun qui le rétablit dans ses fonctions. Il fut finalement déposé en 1670 par le synode d'Anjou, tenu à Saumur, à la suite de la publication de son ouvrage la Réunion du christianisme où se prononçant pour une tolérance à peu près universelle, il proposait d'appliquer à la religion la réforme que Descartes avait accompli dans la philosophie. 245 Pierre du MOULIN, Esclaircissement des Controverses Salmuriennes, Leyde, 1648.

Page 137: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

137

[vous] me donnerés de plus ; et qu’il vous envera encore d’autre besongne baillée de ma part. Que les différens qui ont donné cause aux débats sont venus de leur part. En quoy ils ont fait un grand []. Que je veux bien croire que de ces différens formés parmi nous & de la conteste d’une [] part, celle des estaincelles de lumière dans les esprits dispersés comme le sien ; mais qu’il ne [] que c’est un peu d’or tiré de mine malaysée au profit de peu & à la ruine de plusieurs. Que [nous] ne sommes point venu abattre l’autre prest aux termes dont il dit qu’il s’est gardé. Que n’estes touché qu’à l’égard des professeurs en théologie causes du mal. Que je le plain en la raison [] son désintéressement ; & ne voy remède pour esvoquer les différens qu’en l’authorité du [Syno]de national qui pourroye bien & se faire clair ; que cependant nous tiendrons bon pour []rité contre ses nouveautés scandaleuses. J’ay bien pensé que les exceptions aux exorbitants [out]rages du personnage dont ils font une idole leur deplairoyent fort, & qu’ils feroyent sur cela vacarmes, partant de réunir les cendres & familles, les sepulchres. Mais vous leur respondez com[] faute ; & Monsieur Vincent, nostre très cher frère, en a fait de mesme à Monsieur Drelincourt, [cette] rhétorique estant vaine contre des dévots très véritables & confirmés.

Je remarque aussi à Monsieur d’Huisseau auquel j’ai touché, que c’est chose étrange que les anciens & trois modérateurs ayant esté jugé avoir bien à propos remarqué les défauts des Patriarches, Apostres, mesme de la Vierge Marie, longtemps après leurs décès contre ceux qui leur attriboyent trop ; & que pour remarquer les défauts vrays de cet homme qu’ils veulent communiquer [] furent violateurs de sépulchre & remueurs de cendres qu’ils ont donné cause à ces justes rachats par tous abus ; aussi bien que d’autres au passé.

A telle fin que de [] /3/ je vous envoye l’Errata que j’ay fait sur les onze fueilles des Vindiciae, venues avec les 7 exemplaires des lettres Apologétiques.

Je vous ay envoyé par Paris des lettres qu’on escrivoit à Monsieur de Champdor & des attestations. Mais un peu après il est venu ; et mal à propos. Car il pense de se faire justifier ; & s’il l’entreprend, il se perdra ayant de si puissantes parties, nuls moyens de son costé ; & très grande difficultés de vérifier ses faits justificative quoy que vraye joit que quand il seroit justifié il n’ozeroit demeurer dans le pays.

Mon jeune fils vous a escrit. Luy & tous les autres se portent bien et de moy, je tien bon, Dieu merci, jusques ici, sans avoir eu attaque de gouttes. Il faut employer ce peu de temps qui reste à servir à Dieu, à la grâce & protester en duquel je vous recommendes continuellement avec Mademoiselle ma très chère sœur, vous embrassant & saluant cordialement & mes nepveux et niepce. Comme je baise humblement les mains à Madamoiselle du Moulin ; & suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble et très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le Je vous envoyeray par autre occasion copie de lettre du Synode de Basse Guyenne à Monsieur

Amyraut. Ils déplorent la contention désunissante plusieurs ; disent que par la grâce de Dieu se tenans à la confession de nos Eglises & arrestés des Nationaux, il sont en paix ayans plusieurs belles & florissantes Eglises qui servent à Dieu dans un uniforme consentement de foy, sans qu’encore nouvelle doctrine les trouble. Que c’est la raison pourquoy obéissons à l’ordre du Synode national n’ont pû entrer en examen de ce qu’il leur met en avant dans son livre contre Monsieur Spanheim pour l’approuver ou le condamner et l’adjurant aussi de cesser d’escrire de ces choses ; & disent que s’ils avoyent le pouvoir d’escrire à Monsieur Spanheim ; ils luy demanderoyent pareillement le silence.

Je vous prie de luy communiquer ceci, en attendant que je luy escrive pour le remercier de l’exemplaire de sa response à Monsieur Cottière, où il le manie avec grande dextérité, & luy fait voir ses mesprises bien particulièrement, donnant de bons coups à l’autre en attendant qu’il l’accable. Le public luy doit beaucoup. Et je luy ay grande obligation de la mention honorable qu’il fait de moy, qui seroit bien en pène de respondre aux éloges qu’il luy plaist me donner.

Page 138: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

138

Voici ce que j’ay adjousté à l’Errata desjà envoyé. P. 174, l. 7 nam quando consilium, P. 175, l. 246

B. U. Leyde, BPL 287/II/150

3 février 1649 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, J’avois reçeu vostre substantieuse lettre du Xe de décembre et veu aussi celle que vous escriviez

à Monsieur Vincent, de laquelle j’ay (devant luy envoyer) descrit tout ce qui concerne l’escrit de ce Vincentius Lenis, que je trouve très-considérable. Or vous aye je escrit deux jours après envoyant à Paris, et vous donner advis de la réception de nos Apologies & de ce que dès le mois de décembre j’ay envoyé en Hollande des exemplaires de mon escrit touchant la VIIe des Rom. Mais je ne sçay si ma lettre sera allée usque adès turbatur lustedza.

C’est pourquoy j’envoye ce mot à nostre cousin Monsieur du Fayan, à ce que s’il envoye quelque paquet à Bréda, il l’y mette. Il m’a fait tenir la vostre du 6e janvier, en laquelle vous me confirmez les mescontentemens des pasteurs de Paris et des communiqués de là, à cause de ce que j’ay escrit de l’autheur des troubles qu’ils font à nos Eglises ; touchant aussi vos fermes & très prégnantes responses.

Je m’estonne bien que Monsieur Le Coq ait voulu vous exprimer leur langage en son nom, & attirer vostre juste censure contre sa repréhension si mal ordonnée, laquelle censure je verray bien volontiers au long quand vous aurez trouvé commodité de me l’envoyer ; ce qu’ils blasmoyent que leur prétendu Elizée nous eust offensé, estoit-il si authentique que nous en fussions satisfaits & que son mensonge par lesquels il nous vouloit flétrir fussent découverts ? Et tombons nous en mesme ceusure que luy pour dire la vérité !

Ils tesmoignent qu’ils ne sçavent que dire, estans réduits à telles accusations de jalousies causent haines & haine faisant recercher les escrits & s’appuyer d’alliances. Nos historiens les réfutent. Et ils verront que lors que j’ay escrit fortement contre Cameron, pasteur à Bourdeaux, semant des escrits erroné en nostre province, ce n’estoit ni jalousie ni haine qui me meust, mais l’obligation de la vérité dessinée par nos Synodes Nat ; au principal chef de la réformation, laquelle ceux-ci présupposant une corruption quand ils font un Elie de ce brouillon, & un Elizée de son disciple247. Mais nous leur représentons bien autre chose que des dictons de leur air. Et la vérité prévaudra.

Monsieur Amyraut a eu dès le 4e ou 5 de décembre le response à ses Considérations qui l’a émeu de dire à Monsieur d’Huisseau qu’il faisoit estat de me respondre. De divers endroits on me remercie comme ayant heureusement rencontré & le battant fortement et croit on qu’il aura bien de la pène à eschapper qu’il n’a passé pour un adversaire de nos Eglises en leur liturgie & confession de foy ; & pour homme qui désirant manifestement le sens de l’apostre, suivant […] des hérétiques parmi eux. Mais je sçay que depuis il aura eu nos Apologies & celle de Monsieur Vincent qui luy estoit fort ami il n’y a pas longtemps ; & a eu des justes resentimens.

Je me souviens bien d’avoir cognu Monsieur Gray248 ; & que je luy escriray. Mais j’addressoy mon paquet à Monsieur Dhuysseau, non pas à luy, depuis que cela le mist mal avec cet homme vindicatif duquel il a besoin là.

Je m’estonne de Monsieur de Saumaize qu’il s’emporte ainsi ayant les sentimens qu’il dit, & ne se souvienne de l’obligation qu’il vous a. Quant à l’homme du charactère indélébile, mala mars est. Je regrette que l’escrit entier de Monsieur Garrissoles ne soit encore parvenue à /2/ vous. Le pièce est

246 Ne lisant le latin nous avons renoncé à transcrire la suite des errata relevés par Guillaume Rivet. 247 Elie est le premier grand prophète en Israël (9e siècle avant J-C.), préfiguration de Jean-Baptiste. Il oignit Elisée comme prophète à sa place (1 Roi 19, 16-21). 248 Henri Gray était un gentilhomme écossais qui tenait à Saumur une pension pour y accueillir ses jeunes compatriotes fréquentant l’Académie. Il avait épousé le 10 mai 1648 Charlotte Pineau, la fille de Mme de La Trosnière. Henry Gray mourut le 3 janvier 1670 à Saumur à l’âge de 65 ans. Après la mort de son mari, Charlotte se retira auprès de son frère Paul à Blain où elle est décédée dans la Religion réformée le 15 novembre 1684 à l'âge de 74 ans.

Page 139: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

139

excellente quoy que Monsieur de La Place dit qu’elle ne le [tou]che pas. Il est bon qu’il s’exerce en ce où vous marquez du bien contre le […] de son collègue & de l’homme sourcilleux qui leur lève le menton.

Je ne faut de donner à Monsieur Reveau l’advis que dézirez. Et adjouste ici que je [l’ay] joint en la lettre de mon petit nepveu mentionné en la vostre ; & ay mandé à Monsieur Vincent qu’elle sera demeurée sur la table de son cabinet, dont [j’auray] response demain.

Je vous ay mandé que mon fils, le pasteur, est père d’une fille que j’ay nommé Anne et vous ay envoyé une lettre de la part d’iceluy. Tout nostre peuple se porte bien, & je jouis, Dieu merci, d’assés forte santé. Le Seigneur conserve & affermisse la vostre & de Madamoiselle ma très chère sœur, de mon nepveu & de mes petits nepveus & nièpce avec leur mère. Je salue humblement Madamoiselle du Moulin ; & vous embrasse de cœur, comme estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble et très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le 3e febvrier 1649. Nostre bon frère Monsieur Rossel qui vous escrit par la voye de la mer, se sent très obligé de

vostre souvenir ; et ne cesse de vous souhaitter longs jours. Je croy qu’il fait bien froid en Brabant ; puisqu’il est très aspre en Saintonge, et fait que je

m’esloigne guères de mon foyer. Mais en la solitude en laquelle je suis ma chambre est mon estude. B. U. Leyde, BPL 287/II/152

25 février 1649 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Après avoir reçeu vostre lettre du 6e janvier à laquelle je fais response par la mesme voye, j’en

ay eu de Monsieur Spanheim du 25e du mesme mois par laquelle il me mande vous avoir envoyé des exemplaires de ma response au considérateur duquel il dit qu’il trouvera que l’aage n’oste pas les pointes à ma plume & y adjouste la maturité ; qu’il l’a leu avec singulière satisfaction & profit. J’en atten vostre charitable & syncère jugement, mais plaignant qu’il y ait bien d’autres sujets à demesler en cet estat ou se rencontre un trouble que je n’eusse jamet creu devoir advenir.

Vous en sçavez beaucoup de particularités touchant ce qui se passe en l’Isle de France et la crainte des gens de bien est que le feu court ailleurs. J’esperois achever cette vieillesse en paix & estre en lieu de la plus grande tranquillité. Mais outre que je voy des torrens de mouvemens estrange entre les peuples, mon appréhension est que Monseigneur le duc qui se disposant d’aller trouver le Roy, non seulement se tienne coy dans ses maisons, ce qui est bien malayse, mais soit porté à s’intéresser pour ce beau-frère que son Eve a perdu249 & que d’autres se sentent de la pomme qu’elle luy a donné & de ses suites. Certes la mort me seroit plus agréable que de me voir engagé en un lieu où on suivist un parti que me conscience n’approuve pas. Priés Dieu pour nous en ces occurences.

Mon beau-frère, M. Meschinet, désire que son fils poursuive ses estudes sans destourbier & espérant que les voyes de communiquer seront toujours ouvertes entend luy bien fournir tout ce qu’il luy faudra et souhaiteroit fort qu’il fust à Bréda pour profiter de vos advis, ne pouvant pas en l’amprisse de Monsieur Spanheim jouit si bien de luy joint qu’il s’assure que vostre affection en sa considération ; & ce que desja vous avez tesmoigné l’aymer luy acquerra plus d’avantages quant aux cosneils, sans qu’il vous soit aucunement en charge d’aillieurs. Vray est que si davanture les commodités ne se trouvant pour envoyer à point, il estoit pour manquer, luy & moy ozons vous prier

249 Poussé par Marie de La Tour d’Auvergne, Henri de La Trémoille comme le duc de Bouillon avait pris le parti de la Fronde parlementaire. Guillaume Rivet faisait parti des huguenots qui ne pardonnaient pas à Frédéric-Maurice de La Tour d’Auvergne, duc de Bouillon, d’avoir épouser Eléonor de Bergh et de s’être converti au catholicisme par amour pour elle.

Page 140: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

140

de faire qu’il y s’est pourveu, assurans que nous n’aurions rien s’il n’estoit rendu avec honneur. Le père, Dieu merci, est accomodé & n’a que deux fils.

J’ay eu la lettre de mon petit nepveu, & luy escriray à la prochaine presse que je suis maintenant ; estant Dieu merci en santé & priant Dieu qu’il continue la vostre & de Madamoiselle ma très chère sœur comme de mon nepveu, sa belle-sœur & ses enfans, notamment Willem que le Seigneur bénit. Je baise aussi les mains à Madamoiselle du Moulin ; & verray volontiers le Judicium de Monsieur son très excellent père. Vous aurez eu une lettre de mon jeune fils & un autre de mon bon voisin Monsieur Rossel qui est ravi quant il sçait de vos nouvelles, aussi bien que,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXVe febvrier 1649. Je prie que mon nepveu Meschinet ait un exemplaire des Vindiciae thes.

B. U. Leyde, BPL 287/II/153

3 mai 1649 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Enfin par la bonté & miséricorde de Dieu la paix nous estant venue qui m’a tiré hors des

appréhensions que j’avois en ce lieu250 ; je repren nostre communication. Et en attendant que nos correspondances soyent restablies à Paris, vous escri par la poste addressant à Monsieur Vlaming à La Rochelle et pource que ce moyen est de fraiz, je remets à escrire à Monsieur Chardevene pour respondre à sa grande lettre latine par Piter Jamstein qui a son vaisseau en ces costes ou par Monsieur de Fayan-Le Coq. De quoy je vous prie luy donner advis, & l’assurer de mon affection entière envers luy. Je vous ay bien accusé la réception des lettres >>> paquet des copies de celle de Monsieur Le Coq, conseiller, & de vostre response à icelle, dont je vous ay dit mon sentiment avec remerciement de ma part.

Mon nepveu Meschinet m’avoit bien fait mention d’une que vous m’escriviez sur le sujet de mon épistre Resp. de Cap. 7e ad Rom. Et vous m’en touchez en vostre dernière du XXVJe de mars. Mais elle n’est point parvenue à moy. Néantmoins vous m’en dittes trois mots en cette-ci qui portent & me font voir que la pièce vous a fort pleu, dont-je loue Dieu qui m’a fortifié en ce saint combat, & comme j’espère me fortifiera encore à l’advenir en ma blanche vieillesse tant que j’aye annoncé son los. Le Fhrason a bien monstré qu’il n’estoit pas pour parer à ce coup (comme vous l’avez préjugé) quoy qu’il fist. Car il m’a fait une réplique en laquelle il n’entreprend le fonds & de se réserver à d’autres escrits déclare qu’il ne dispute point contre moy, mais seulement escrit pour se purger de ce que je luy impute, & s’excuser de ce en quoy je l’ay trop rudement repris. Il dispense pourtant les choses de sorte que il cuide se justifier & faire tomber du blasme sur moy. Il s’estend sur des faits de sa bonne intention en l’addresse qu’il me fit de ses considérations ; et n’ayant veu nos Apologies, tasche de faire croire qu’il avoit raison de nous traitter comme il a fait en sa préface ; parle de ses approbateurs de Saumur, du synode d’Anjou, & de ce que j’ay apporté obstacle, l’ordre qu’on avoit pris pour sa paix par un conseil qu’il advoue estre venu de luy. Puis légèrement se défend de la question mal mise par luy, de la calomnie sur laquelle il a fait ses reproches indignes ; recognoissant que mon exposition les évite, mais la voulant faire trouver nouvelle ; mesme en suitte la taxant d’absurdité & ce absurdement sur l’authorité des adhérents à son opinion qui soyent avec quelques anciens Arminiens, & ses grands hommes qui avec luy suivent Cameron ; puis critiquant sur la signification de πρααηιω & πραξι> qui par les philosophes & Arnianus sur Epictète regardant les actions externes, non les premiers mouvemens internes, pour dire absent que fucere est concepiscere ; & niant que l’Escriture prenne ces mots autrement que ses antheurs profanes. En suitte, il couche de

250 La paix de Rueil avait mis fin aux vélléités guerrières de Henri de La Trémoille.

Page 141: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

141

persuader que ce différent n’est pas si important que son opinion ne heurte les articles de nostre confession, ni les parties de nostre lituregie pas moy touchans. Et pour faire croire sa syncérité en l’usurpation d’icelles, il fait un grand huitte de la sainteté, où il se jette à corps perdu dans l’establissement de son interprétation du chapitre 8e des Rom. qu’il advoue nouvelle à quoy il joint une longue déclaration de degrés des sanctifiés ; pour, à ces égards divers, rendre son intention vraye, & eschapper par la force de la syllepse. Il tasche fort de se défendre de répugner à l’article 9e , auquel il avoit donné autre sens et j’astend sur cette matière. Enfin, il brave & menace ; et dit que ce ne l’acablera point pour nombre d’escrits.

Or je luy ay dressé mes δευτερωσεοι replicationi ejus oppositatos ; & achever Dieu aydant, aujourd’huy au bout de trois semènes. Je fay une petite préface, remets toute questions de faits nouveaux à un appendix à la fin, ne voulant pour le passé rien adjouster à nos Apologies. Et venant droit aux choses & matières regardans la doctrine, le sui sans rien laisser. Et pour plus grande clarté distinguer par chapitres qui ont chacun leur argument. J’ay trouvé qu’il n’a rien de vrayement ferme & solide, tenant sentiment, bonne mine & maintien fier. Et ay trouvé de quoy le battre fortement par tout, Dieu m’ayant donné telle lumière en tout cela qu’il ne m’est resté difficulté aucune. Ce sera à moy de passer le lien en transcrivant. Pour luy tousjours travrol lateri lavegalis arundo et n’y aura judicieux qui le lise, lequel ne juge qu’il est en demeure quant au fonds, il eust mieux fait de se taire.

Mais viendront vostre spécimen fortifié & de défendre le Judicium /2/ Petri Molinaei251, celuy de Monsieur Reveu & mes Vindiciae avec nos Apologies, en attendant la grande pièce de Monsieur Spanheim. Il seroit du tout à dézirer que ces autres nous v[erons] devant nostre synode qui est pour tenir le XVe de juin.

Je voy par ce que vous m’escrivez [que] le nouveau Roy252 & ses royaumes sont en misérable estat, dont la comparaison fait plus [co]gnoitre le bonheur des Provinces-Unies, où vous jouissez de paix & tranquillité ; dans laquelle je prie Dieu qu’il vous continue les prospérités particulières à vostre personne, à Mademoiselle ma très chère sœur, mon cher nepveu, Madamoiselle de Mondevis ma niepce, & ses enfans, Willem-Ludowick particulièrement.

Je vous prie aussi qu’escrivant à Monsieur du Moulin, vous l’assuriez [de] la haute estime en laquelle me sont tous ses labeurs, mesmes es vigoureux de sa vieillesse ; & je prie Dieu de bon cœur qu’il le conserve encore longuement à son Eglise. Madamoiselle sa digne fille aussi, sçaura de vous, s’il vous plaist, que je luy baise humblement les mains ;

Tous mes enfants de portent bien, & je suis, Dieu merci, assés ferme. Mon beau-frère, Monsieur Meschinet, se sent fort obligé de vostre response affectueuse & de vos offres & […] que desplaisir de ce que son fils qui a tant déziré d’estre pour un temps près de vous au bon […] fait manque, sur ce qu’il dit que vous luy avez exténue les exercices de là au prix de Ley[…], d’Estroche & de Groeninghen.

Nous avons ici Monsieur le comte de Laval qui a quitté son chapeau de l’oratoire & ne respireroit que de commander à une armée. Il s’est enquis de vous, & m’a veu de bon œil. Je n’en diray pas daventage pour le coup que pour me sous[crir] de cœur,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le IIJe may 1649, Entré hier en ma 69e année.

B. U. Leyde, BPL 287/II/154

31 mai 1649 - Taillebourg 251 Judicium P. Molinaei de Mosis Amiraldi libro adv. F. Spanhemium, Rotterdam, 1649. 252 Charles II Stuart devenu roi d’Angleterre après l’exécution de son père le 30 janvier 1649.

Page 142: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

142

Monsieur mon très-honoré frère, Je fus surpris par Monsieur du Fayan il y a huit jours pour ce que Monsieur du Breuil-de-Chive,

nostre allié & beau-père de Monsieur de La Magdelaine253, estant venu ici voir Monsieur le comte de Laval, m’avoit assuré qu’il n’iroit pas si tost, estant retenu pour les partages de leur maison. Aussi me vit-il comme un éclair me donnant seulement de temps pour escrire celuy qu’il employeroit à aller & venir de chés mon gendre, & résolu de coucher en l’hostellerie pour partir à une heure après minuit. Cela me fit faire le mescompte que je corrigeay à la fin de ma lettre escritte en haste. Encore le corrigeay-je mal, quoy que j’aye bien fait au fonds.

Les 35 livres de Chadeau, je vous les devois et par vostre ordre ils ont esté délivrez à mon second fils. Mais de 172 livres ½ qui restoyent à S. Maixent, ils y en ayant eu cent livres qui ont accompli la somme 600 livres à vous deue, & dont je paye rente à nostre sœur, et 22 livres ½ qui estoyent à elle pour jouissance d’une année restoit que je vous comptasse de 50 livres. Or le messager de S. Maixent à La Rochelle pour ses solicitations fréquentes ports de lettres, & en fin pour le port de la somme aut 4 livres. Et ainsi mon gendre ne reçeut que 168 livres 10 sols. Sur ce que j’avois reçeu à S. Maixent les poids ne se rencontrans avec ceux d’ici, il y a eut autres 4 livres de perte et pour deux voyages faits avec un homme de pied dont je payois les journées, mon cheval & luy tousjours à l’hostellerie & moy souvent, je rabbati 80 livres. C’est à dire 18 livres en tout reste de 50 livres, 32 livres. Et puis ayant à vous rendre 6 livres 6 sols que vous aviez presté à Monsieur de Champdor, et il se trouve qu’il vous estoit d’heu 38 livres 6 sols. Et j’ay donné à nostre cousin 40 livres en quatre pistoles d’Hespagne. Ma main droite s’estant incommodée, l’autre est affligée. Je suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le 31e may 1649. Monsieur de Fayan changera une pistole et rendra les 34 sols à mon gendre.

B. U. Leyde, BPL 287/II/155

28 juin 1649 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, La triste nouvelle du décès de ce grand serviteur de Dieu et nostre singulier ami, Monsieur

Spanheim254, me vint 18 jours après par le moyen de mon nepveu Meschinet et ainsi j’en estois informé quand vostre lettre du 4e may, me le représenta estre à l’extrémité avec sainte résolution et y jointes les recommendations qu’il vous fit de sa famille et de son ouvrage imparfait.

Mais vostre lettre du XXVe may envoyée ici avec celle qui est pour Monsieur Garrissoles par l’escuyer de Monseigneur le prince de Tarente, sans les livres y mentionnés, m’a représenté la chose advenue et le grand dueil de l’Académie à laquelle Dieu vueille pourvoir. Si on y introduisoit M. Morus, ç’en seroit la ruine & un grand trouble à toutes les Eglises de delà. Et je ne peux assés m’estonner de l’obstination de Monsieur de Saumaize tant déférant à ces prattiqueurs de Paris, & oublieux de ce qu’il vous doibt. Ce que de Genève on infirme le tesmoignage extorqué en déclarant ce qui aura esté plus découvert depuis pourra servir à exclure cet homme.

253 Jean Le Cocq, sieur de La Madeleine, fils de Jacques Le Cocq, sieur des Roches, ancien maire de Saint-Jean d’Angély, avait épousé en 1648 Judith de Ponthieu, fille d’Abraham de Ponthieu, seigneur du Breuil-de-Chives et de Renée Favereau de La Blanchetière. 254 Frédéric Spanheim est décédé le 14 mai 1649, à l’âge de 40 ans. A propos de son décès, Conrart écrivait le 4 juin 1649 à André Rivet : “ La mort de M. Spanheim a supris tous ceux qui comme moy n’avoient point oüy parler de sa maladie. Je crains que l’excés du travail qu’il se donnoit ne l’ai fait succomber ; et je plains sa famille et l’Eglise de Dieu d’avoir perdu si tost un homme de si grand mérite. Je souhaite que la querelle dans laquelle il s’estoit si fort angagé soit terminé avec sa vie et que la mémoire en soit enfermée dans son tombeau ”. René de KERVILER et Edouard de BARTHELEMY, Valentin Conrart,…, op. cit, p. 519.

Page 143: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

143

Quant au défunt, je vous diray que ayant esté à mon ordre de faire le presche d’entrée ou d’ouverture en nostre Synode que nous venons de tenir à St. Jean d’Angély, je fis une grande apostrophe aux pasteurs du Synode là assistant, et leur représentant que puisque je les avois tous veu venir après moy en la vigne du Seigneur pour la cultiver, je ne me devois pas promettre de parler à eux une autrefois de tel lieu, ains attendre que Dieu ne retient de cette station & repondray demeurant dans le travail & dans les combats. Sur quoy leur ayant fait grande exhortation, et à ceux qui sont en la fleur d’aage et avoyent des dons de se rendre tels qu’ils fussent des lumières qui tinssent la place de plusieurs que Dieu nous retiroit. Mais le propos, tesmoignant que je frémissois d’en apprendre une notable estrainte laquelle estant en lieu éloigné envoyoit sa clarté jusques à nous. Et que si ce que ce grand homme estoit de XX ans au dessus de moy, ne me permettent pas de crier avec Elizée : “ Mon père ! Mon père ! ” J’adjoustoit le reste en lamentant : “ Chariot d’Israël & sa gendarmerie ! 255” Il y en aut qui attendrit de mes précédens propos, alors respendirent des larmes. Ce fut le XVJe de ce mois que cela advint et l’action fut forte & grave, convenante au lieu et à ma personne ; et qui fut grandement bien répondu en tout nostre synode aussi alla fort bien, et notamment contre les nouveautés. Et je regrette bien que nous n’eussions là les exemplaires attendus par le voye de la mer.

Messieurs Rossel et Vincent qui avoyent veu ma duplique contre M. Amyraut en firent un avantageux rapport ; et fut donné ordre pour les frais de l’impression. Et d’autant que cet homme qui voit son antagoniste plus fervent, mort, voudroit bien que nous en demeurassion où nous en sommes et a fait imprimer une lettre ad amicum, par laquelle il se déclare fort touché de la mort de Monsieur Spanheim advenue par ses labeurs esquels il travailloit à luy respondre, il offre de croire des arbitres , & satisfaire selon ce qu’ils ordonneront.

Le député /2/256 de Poictou qui estoit M. Ranconnet257 ; sans charge de son synode qui n’a pas tenu cette année, mais disant avoir advis de plusieurs de sa province ; requet que icelle province fust priée de réconcilier les personnes de Monsieur Vincent & moy avec M. Amyraut et nous faire faire satisfaction, en suitte de quoy ressasser les esprits polémiques [des un] entre les autres. Sur quoy fut dit que nostre Synode persévéroit en sa résolution [de] porter toutes ses plaintes au Synode national, et ensuitte là pour les remèdes à tant de maux. Mais que si la province de Poictou couchoit quelques moyens pour arrester entre deux le cours des contentions, et déziroit estant assemblée que nous deux al[lassi]ons vers eux, que on n’y recognoisse pas. Et pour ce que le synode de Poictou se [tiendra] en 7bre, il me fut dit en particulier qu’entre ci & là je fisse imprimer ma duplique et je pense bien que cela fait, celuy qui voudroit bien avoir donné le dernier, [ne] pensoit guères à son ouverture d’accommodement. En tout cas, nous avons pensé si on nous appelle en Poictou, nous pourrons réchauffer le zèle de plusieurs, [bien] résolus de nostre part à ne rien céder au préjudice de la vérité.

J’ay envoyé vostre lettre à Monsieur Garrissoles, luy ayant aussi escrit. Aussi communique-je, par messager allant à La Rochelle, vostre lettre à Monsieur Vincent, j’enten celle que vous m’avez escrit. Et ne sçachant où loge Monsieur de La Trosnière & les addresses de Paris manquans, je pren la voye de Monsieur Vlaming à Monsieur Nicolas van Beek ; laquelle est assurée & prompte ; quoy qu’elle couste. Il vaut mieux escrire moins souvent.

Je [suis] bien ayse que mon nepveu, Meschinet, soit avec vous, & reçoive vos addresses, dont [vous] nous obligerez fort. Son cousin m’a escrit de Saumur de sorte que je croy bien que son [ac]tion principale a esté comprise en une apostille par laquelle il me donne un simple advis du décès de Monsieur Spanheim que je sçavois devant luy.

Il y a deux jours que j’ay reçeu d’honnestes lettres de Monsieur Jurieux258 me remerciant de l’honorable mention [que] je fay de luy en mon Ep. Apolog. et tesmoignant qu’il me vouloit envoyer son sermon, mais qu’il desespère de l’impression. J’ay aussi escrit ce matin à Monsieur Cyrus du

255 2 Rois 12. 256 Des extraits de cette lettre ont été publiés par Frans Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 465. 257 Jacques Ranconnet, pasteur de Mareuil-sur-Lay, dans le Bas-Poitou, an nord de Luçon, 258 Daniel Jurieu (1601-1664) était le pasteur de Mer. Son premier mariage avec Elisabeth du Moulin († 27 novembre 1638), fille aînée de Pierre du Moulin, faisait de lui le neveu par alliance d’André Rivet. Paul de FELICE, Histoire du Protestantisme à Mer, Res Universis, Paris, 1991, p. 95-113.

Page 144: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

144

Moulin259 à Chasteaudun pour apprendre par son moyen l’estat de la personne & de [la fortune] de Monsieur de La Perrine260 que Monseigneur le duc de La Rochefoucault veut marier à sa parente, l’héritière de Douet, le faisant fort accompli & riche de 14 à 15 milles de rente en fonds mesme. S’estant addressé à moy pour estre l’entremetteur. La mère [désire] un gentilhomme de bon esprit, craignant Dieu, et de mœurs bien composés. Vous en [dev]ez bien sçavoir quelque chose, mais l’affaire devra estre faitte ou faillie devant que j’espère avoir response de vous.

Monsieur de Couvrelles marie sa fille aisnée avec le Sr. de [La Salle-Green]261 que vous avez touché en vostre lettre Apologétique. Et Monsieur de St. Trojan [est] demeuré là. Si mon nepveu a appris quelque chose de ce qu’à laissé le second fils dudit Sr. de Couvrelles, je seray bien ayse de luy en donner response entière.

Je [suis] fort consolé apprenant vostre santé ferme. Et j’espère que vostre préface à l’Opera perfectum contre vostre enflé Julien, la relèvera beaucoup. Dieu vous vueille affermir et conserver longuement, vous continuant la consolation de la douce société de Madamoiselle ma très-chère sœur, et de vostre autre agréable coampagnie. J’enten Madamoiselle du Moulin, à laquelle je baise les mains ; comme je souhaite prolongement […] à Monsieur son très excellent père ; auquel si mes petits labeurs agréant je […] fort confirmé. Je salue très affectueusement mon nepveu, ma niepce sa belle-sœur et les petits ; entre autre Willem que Dieu bénit à vostre joye.

Pour mon /3/ regard, j’ay eu quelque infirmité aux bras, après avoir escrit continuement. Et mesme il me fallu pour un peu interrompre la transcription. Mais j’ay tenu aucunement ; & suis remi, Dieu merci. Tous les enfans se portent bien, & vous saluent humblement ; comme je vous embrasse de cœur, estant,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXVIIIe juin 1649. B. U. Leyde, BPL 287/II/156

Sans date - Taillebourg Monsieur mon très honoré frère, J’espère que Monsieur du Fayan, nostre cousin, vous aura dit & porté des nouvelles. Dieu

l’ayant conduit jusques à vous. Je l’avois aussi chargé de ces petit reste d’argent d’outre les 600 livres & le 100 livres employés à acquitter la partie de feu mon nepveu de Mondevis y ayant joint ce que vous aviez fourni à M. de Champdor et que son frère me rendit pour luy, il pourroit bien encore avoir besoin de vos recommendations et je luy ay promis de vous en prier, au cas qu’il allast en vos qaurtiers, n’ozant paroistre en ceux-ci où il a de puissant adversaires.

Depuis la tenue de nostre Synode, je vous ay escrit par la voye de Monsieur Vlaming, ce qui s’y passa, le dueil général de la mort de nostre excellent ami, & les résolutions de nostre compagnie quand aux accommodemens qu’on recerche messaerment touchant mes ∆ευτερωσεοι opposées à la Réplique du Thrason de Saumur, & l’ordre pris pour l’impression. On me promet que nous les aurons dans la fin de septembre. Il fallut nommer au Synode des examinateurs nouveaux,, l’un des précédans (Sr. de Chesneau) estant décédé. Et cette charge donnée aux deux pasteurs de St. Jean. Ils ont laissé passer grand temps occupés à préscher extraordinaires pour les actions de la S. Cène à deux dimanches. 259 Cyrus du Moulin second fils de Pierre du Moulin était pasteur de Châteaudun depuis 1637. 260 Louis du Plessis, chevalier, baron de La Perrine. C’est à La Perrine que Cyrus du Moulin avait épousé le 31 janvier 1638 Marie de Marbais. Son mariage avait été célébré par son beau-frère Daniel Jurieu. Le baron de la Perrine fut en 1641 le parrain de leur fille Marie. Paul de FELICE, Histoire du Protestantisme à Mer, op. cit., p. 118, note 2. 261 Suzanne d’Ocoy, fille aînée de Jean-Casimir d’Ocoy, sieur de Couvrelles, épousa Benjamin Green de Saint-Marsault, seigneur de La Salle d’Aitré, second fils de Daniel Green de Saint-Marsault, baron de Châtelaillon et de Marie de Blois. Marie, la seconde fille de Jean-Casimir d’Ocoy, épousa en 1657 Alphée Goullard, seigneur de La Motte d’Anville.

Page 145: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

145

Après quoy ils ont donné leur approbation bie’n volontiers. N’importe pas fort le retardement de quelque mois. Car nuls offices n’empescheront la coup, la pierre estant jettée.

J’ay reçeu enfin les deux exemplaires de vostre Synopse et de mes Vindiciae qui ont tardé à Thouars dans le cofre de M. Boulenois262, qui en avoit la clef à Compiègne où sont encore Mesdames. Mais c’est un fait estrange que ces Vindiciae et nos Apologétiques ne nous soyent encores venues par la voye de la mer pour en communiquer. Nous attendons tousjours.

J’ay veu escrit à la main la titre du livre du Sr. Testard et tout ce qu’il met en frontispices. Il y a : Les véritables sentimens & raisonnement de Paul Testard Blesois, touchant la nature & la grâce ; proposés à l’examen & au jugement de tous les doctes en un traitté de la bonté, miséricordre & justice de Dieu &c. Et quelques additions. Sans doubte c’est en ces additions qu’il nous touchera. Il y a au bas de ce frontispice : Calvin liv. de la predest. p. 719. col. r. Mais quand à moy je confesse que la grâce de Dieu est universelle, de sorte que j’adjouste qu’il y a cette difference que tous me font par appeler selon le propos arresté. Or je trouve es opusc. de l’an 1552, p. 929, Atqui ego sic universelum de gratiam else fateor, et in hoc tamen situm esre discrimen addam quid non omnes secundum propositum accentur. Et au traitté François publié par luy la mesme année in-16, il y a p. 106 : “ Or je confesse que la grâce de Dieu est tellement universelle que toutesfois Dieu n’appelle pas à soy tous hommes selon le propos déterminé &c ”.

Ainsi cet homme met en pont une insigne dépravation du lien mis en pompes, ayant osté les tellement & toutesfois qui en leur lien limitent & restreignent, ce qui autrement est donné pour absolu. Que d’aillieurs Calvin prenne le universellement pour communément ayant égard à la prédication promiscué ; cet homme le pourroit voir un peu après p. 207. Toutefois quand je di que la réconciliation se présente à nous tous, je n’enten pas que l’Evangile se presche à chacun ; car on voit le contraire. Mais tant y a que de ceux auxquels on presche il s’en fust beaucoup que les cœurs soyent touchés Ainsi la grâce n’est assurée sinon à aucun aux cœurs desquels le S. Esprit la scelle. Que peut-on espérer de syncère dans l’ouvrage. Et qu’est ce que cela, qu’au lieu de livres confirmatifs de la doctrine de mon Eglise par des pasteurs d’icelles, on vous publie les sentimens & les caprices des Testards & Lester ?

Il faut /2/ y résister de toutes parts. Et je trouve que vous le faittes très excellemment par vostre synoplis & les considérations adjointes en cela est brief et nerveux et dispensé avec grande charité & modération ; qui exhibe une excellente apologie pour vous. Est aussi […]me & docte la response que ce grand homme que Dieu a retiré à soy, y avoit joint. Le déraisonnable expostulateur et son opus imperfectum venant en avant avec vostre [] face & les pièces adjointes par d’autres, portera grand fruit. Aussi attendrons nous [avec] avidité cette verte résistance de Monsieur du Moulin en ce grand aage.

J’espère [beau]coup de Monsieur Garrissoles qui vous escrit. Il est puissant et à grand zèle. De Monsieur Delon qui tesmoigne s’estre desbarrassé d’avec ces gens, je m’estonne qu’il vous ren[…] de tant le Sr. Morus & qu’il vous en oze respondre. Vous le cognoissez mieux ; [sans] doute, ferez tous efforts à ce qu’il n’advienne à Leyden comme quand Arminien […] de à Jumier. J’ay de la pène touchant cette chaire jusques à ce que je la sçu bien remplie. Monsieur Vincent, nostre très cher frère et singulier ami, avec [sa] prudente et industrieuse modestie en une si bonne cause, fera tousjours teste à l’org[ueil] et au sourcil de celuy qui a mis en arrière la bonne conscience tandis qu’il resiste [] sainte doctrine et pour moy j’espère que Dieu me fera la grâce de ne défaillir [] la tasche qui m’est escheue, sentant encore de la vigueur pour cela.

J’ay leu avec contentement ce que vous l’escrivez de Monsieur Bisterfeld, les honnestetés du prince Sigismond ; & le bon estat des Eglises de Transylvanie. Monseigneur le prince de Tarente est à Thouars, où il attend Monseigneur son père. Il y a du ren[…] à Bourdeaux, auquel on joint Tholoze & Aix et les pasteurs qui y sont ; de quoy nous [som]mes fort en pène.

Nous oyons peu parler du Roy de la Grande-Bretagne ; qui devoit prendre résolution d’aller en Ecosse & jouir du certain, voyant en quel estat [] ailleurs. Mais il faut que Dieu inspire au dedans. Et son œuvre se fera. Il [sem]ble bien que l’advis de Son Altesse, beau-frère de ce Roy, donne avec tant d’effet […] jusques à son détriment propre devoit estre fort pezé & suivi. 262 Ismaël Boullenois, fils du concierge du château de Thouars Jehan Boullenois et de la Loudunaise Suzanne Boulliaud, était le secrétaire de Marie de La Tour d’Auvergne.

Page 146: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

146

A propos de ce [prince], je me souviens avoir promis à Madame de La Roche-Brueillet, fille de feu Monsieur du Parc d’Archias, de vous prier de ce dont il y a long temps que [vous] avez donné espérance sur la requeste que vous en fit par & avec moy feu Monsieur son mary, de procurer une place de page à son jeune fils en la maison de Son Altesse, cet enfant s’en allant en aage pour cela. J’ay bien représenté que vous n’estes plus tant dans la Cour qu’auparavant. Mais on sçait que la Cour vous [va] trouver à Bréda parfois, & le pourra ci-après davantage dans la co[ntinu]ation de la paix. Dieu vous vueille conserver longuement dans cette station [tran]quille, pour continuer à produire des fruits en telle heureuse vieillesse, & continuer de luire en un siècle où on tasche de faire revenir les ténèbres.

Nostre voisin & intime ami Monsieur Rossel multiplie ses prières pour vous auquel […]si, vous voyant si soigneux de respondre à tout, il ne craignoit vous […]per. Je salue & embrasse très affectueusement avec vous Madamoiselle ma très chère sœur, mon nepveu (que Dieu bénit de plus en plus à vostre joye) & Madamoiselle du Moulin avec le mary profilant & avançant. Et je le le charge d’escrire à Madame /3/ sa mère que je prie Dieu qu’il la bénit abondamment avec mes petis nepveu & niepce qu’elle a avec elle. J’ay escrit à mon fils, pasteur, le souvenir que vous avez de luy, qui vous ramentoit ordinairement en ses prières ; comme font tous mes autre enfans, qui se portent bien ; et par la grâce de Dieu, moy aussi qui suis,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble et très affectionné

frère et serviteur Guill. Rivet

J’ay reçeu d’honnestes lettres de Monsieur du Moulin, pasteur à Chasteaudun. Il me représente le mauvais estat de sa province, laquelle depuis douze ans s’est remplie de Saulmurois qui prévalent, estant conspirés. Et ils ont nommé le Sr. Testard avec un autre de mesme coin pour le prochain national, où cettuy-là sera partie. Toutefois il n’ont pû faire que leurs menbres ne demandent la confirmation de l’arresté touchant l’imputation u péché d’Adam, & le silence sur les matières marquées es précédant nationaux.

Le mariage proposé de Monsieur de La Perrine avec Mlle du Douhet ne se fera point ; l’éloignement des demeures faisant obstacle.

B. U. Leyde, BPL 287/II/158

1er novembre 1649 - Taillebourg263 Monsieur mon très-honoré frère, Je vous ay escrit de Thouars addressant à Monsieur de La Trosnière par Monsieur Girard et

vous représente le détail de ce qui s’est passé là outre quoy vous aurez eu la lettre de Monsieur Vincent concertée & qui desjà court imprimée et aussy encores un paquet de Monseigneur le prince de Tarente. Pour m’ouvrir à vous sur tout ceci. Je vous advouë que dès qu’il m’a esté parlé de cette entremise, j’en ay appréhendé du mal, jugeant que c’estoit une invention artificieuse de ceux qui ont troublé l’Eglise pour se procurer paix après avoir tiré leurs coups & empescher nos résistances ; & que in me precipue cudebatur fata, afin de m’inquiéter & me tirer repos en ce lieu, dans cet’aage par me faire encourir l’indignation de ce que prince et de toute sa maison, si je ne pliois ou me lier la langue & les mains.

Pour cela Monsieur Chabrol fit plusieurs instances envers S. A. à ce qu’il entreprist de faire l’accord qu’il proposoit, luy représentant combien cela luy seroit glorieux, et qu’il luy estoit possible, veu l’auctorité qu’il avoit sur Monsieur Vincent qui se disoit serviteur de la maison, et moy qui mange de leur pain & suis au pied de sa maison. Il résista un peu, refusant d’entreprendre ce dont il ne peust venir à bout, et l’autre luy représentant qu’il y réussisoit assurément, il s’y résolut disant (comme après

263 Des extraits de cette lettre ont été publiés par Frans Pieter van STAM, The controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650, op. cit., p. 468-470.

Page 147: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

147

l’affaire faitte me le raconta ledit Sieur Chabrol, moy estant chez luy pour me préparer à l’action du dimanche matin) : “ Si je n’en venois pas à bout, je feray chose étranges ”264.

Pour l’acheminement, on s’adressera premièrement à Monsieur Vincent plu civil et pliant que moy et d’abord respondant au dit Sr. Chabrol, il le conduisit du tout remarquant l’humeur fixe de M. Amyraut. On le fait soliciter encore par ses collègues qu’il refusa et finalement Monsieur Ranconnet qui avoit proposé de la part de sa province à nostre Synode, que Monsieur Vincent & moy allassions en leur prêche (et d’une telle communication avec tout un synode dont en effet il n’avoit point charge de la proposer, nous n’en espérions que du bien). Il tourna tout cela pour le faire aboutir au dessein de Monsieur Chabrol auquel il se joignit et alla à La Rochelle représenter que ayant appris que Monsieur Amyraut faisoit imprimer une response au Judicium Ph. Vincentii pour confirmer son horrible invective sur lequelle estoit ce Judicium, il alloit à Saumur pour tascher d’arrêter ce mal ; mais qu’il trouva à Thouars qu’on avoit tiré parole de M. Amyraut qu’il se retiendroit si Monsieur Vincent en vouloit s’en remettre à S. A., aydé de trois gentilshommes et de trois pasteurs265 qu’il demanderoit au synode de Poictou.

Alors, Monsieur Vincent pressé de cet homme & de ses collègues respondit qu’il s’en remettoit à ces prières pour la personnel ; mais qu’il ne /2/ compromettoit point quant à la doctrine & à ce qui est du général en de[meu]rant avec nostre synode. Ce fut assez qu’ils eurent cette entrée et incontinent Monsieur Chabrol rescrivit à Monsieur Vincent que S. A. avoit reçeu grande satisfaction de ce qu’il luy remettoit ses intérets ; et que pensant aussi au général il avoit résolution de tirer aussi parole de moy afin que je me trouvasse [au jour] & luy qu’il assigneroit à nous tous. Ce que Monsieur Vincent m’ayant mandé, [j’en fus] fort contristé, voyant la machine dressée contre moy.

Incontinent S. A. fit [escrire] à Monsieur de Marsilly par Monsieur de Champdor que Monsieur Vincent luy ayant [remis] ses intérests contre Monsieur Admiraut il tient aussi parole de moy ; & qu’il m’en eust es[crit], n’estoit qu’il avoit un grand mal à l’œil. Encore adjouste que j’eusse aussi à faire arrester l’impression d’un livre que j’avois sur la presse. Et deux jour après en[core] (Monsieur Chabrol hastan) le mesme escrivit en mesmes termes. Ce qui monstroit qu’[ils] avoyent fort à cœur d’arrester ma Duplique.

Sur cela, j’escrivis à Son A. que je louois grandement son zèle & le soin qu’il prenoit d’arrester le cours des invectives de Monsieur Amyraut contre Monsieur Vincent. Que ce dernier y avoit une disposition co[mm]une de remettre ainsi entre ses mains tous ses intérests personnels ; et en Monsieur Amyraut de la prudence d’en vouloir sortir de la sorte. Que pour mon regard, je n’avois nuls interests personnels, Monsieur Amyraut et moy estans demeurés dans [les] termes d’honneur l’un envers l’autre dans le débat touchant la doctrine, et [points] concernant le général & à unison desquels Monsieur Vincent avoit déclaré ne commettre point.

Et que quant à l’escrit qui s’imprimoit, c’estoit une duplique contre celuy qui avoit commencé se prenant à la doctrine de nos Eglises, qu’il n’estoit raisonnable qu’il eust le dernier, & que je fusse sacrifié à sa gloire ; [&] qu’outre que en imprimant de l’authorité de nostre Synode, je m’assure que Son A. ne me voudroit commender chose que telle que j’aimerois autant la mort. Il res[crivit] à Monsieur de Marsilly qu’il avoit receu ma lettre & y feroit response de bouche et [estant] prest de venir ici. Vous sçavez (disoit-il) mon humeur et que je n’entrepren pas chose [dont] je ne croye venir à bout. Pour celle-ci je vous advoue que j’ay ay une affection particulière ; et que je n’obmettray rien que je puisse à ce qu’elle réussisse. Cela l’arma fort. Mais ayant passé à La Rochelle devant venir ici & conféré avec Monsieur Vincent qui luy représenta qu’il n’estoit pas en mon pouvoir de disposer d’un esc[crit] ordonné par nostre Synode, il promit de ne le presser là dessus. Et estant ici, m’ayant ouï, m’en parla en ces termes content que je promisse de me trouver à Thouars avec les autres pour aydes, disoit-il, à trouver de bons expédiens la paix de nos Eglises. Et mesme me demandoit que je luy

264 Guillaume Rivet reviendra sur cette déclaration du prince de Tarente dans ses lettres des 28 août et 12 novembre 1650. 265 Les trois gentilshommes participant à cette réunion furent : Louis de Marconnay, sieur dudit lieu à Verger-sur-Dive dans le Pays de Mirebeau, Hector II de Préaux, sieur de Châtillon à Boussais au sud de Thouars et Frédéric Suzannet, sieur de La Forêt-Brédulière, de Petosse à l’ouest de Fontenay-Le-Comte, étaient des seigneurs huguenots appartenant au réseau de clientèle ou d’amitié des La Trémoille. Les trois pasteurs étaient : Jacques Ranconnet, pasteur de Mareuil-sur-Lay, dans le Bas-Poitou, an nord de Luçon, Jean Masson, pasteur de Civray et Isaac du Soul, pasteur de Lusignan, futur professeur de théologie à l’académie de Saumur.

Page 148: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

148

nommasse plus prêt à cela, comme ainsi soit qu’il m’eut dit avoir escrit au Synode de Poictou qu’il la nommast, qui fit que je m’excusay de luy parler d’aucune & je creu bien que là on me pressoit d’une autre façon pour arrester ma production.

Messieurs Masson & du Soul se trouvèrent estonnés d’abord, disant qu’on leur avoit dit que tout estoit [d’ac]cord ; qu’il n’y avoit à faire que la solemnité. Et voyant tout le contraire /3/, [cru]rent qu’on les est appellé pour ayder à traitter cavalièrement telles affaires ; & voyant que MM. Ranconnet & Chabrol avoyent pateliné, trouvèrent que leur Synode eust deu avoir mieux informé de cet’affaire & plus asseurément début mi-mars qu’il falloit, sans préjudicier à la vérité, tascher de sortir honnestement de là, contenter ce Prince, & conférer à la paix dans un intérim tolérable. Et me sembloit bien que comme nous eusmes débattu toutes choses, les résultats prononcés de vive vois estoyent fort bons. Mais l’acte a esté couché en termes tels qu’en quelques endroits les uns & les autres l’interpéteront diversements sur tout quant à ce qui concerne les livres qui pourroyent courir ci–après empescher l’entretien de la paix, dont S. A. escrivoit ce qui seroit raisonnable, nous fismes l’exception de vos escris, de ceux de feu Monsieur Spanheim & des miens desjà mis au jour desquels le cours ne seroit arresté. Et n’y ayant eu exception que de ma duplique jusques à nostre prochain Synode. Ainsi cela regarderoit des nouvelles productions de Monsieur Testard ou autres.

Mais le mal est que sur les débats touchant l’infraction, on s’en rapporte à S. A. qui fera ce que luy suggerera Monsieur Chabrol. J’estime donc sauf vostre meilleur advis, que responsdant à Son A. & le louant de ses soins ensuitte de quoy ne facent plus nouveaux escrits sur ces matières jusques au National, vous représentiez vivement que comme vous avez exprimé qu’on ne touchoit point au passé pour empescher que le posthume de Monsieur Spanheim avec vostre préface courent, & les autres pièces susmentionnées ; & que vous estes content qu’on en demeure là jusques à ce qu’un tel corps pourvoye à tout. Ce seroit grandement aller contre la paix que d’arrester le cours de ces pièces, après que les productions de Monsieur Amyraut ont couru par tout.

Au fonds cett’affaire n’a point esté propter defum, mais pour acquérir de la gloire & du redit, & servir au but des promoteurs de cette convocation. Peut-estre que Dieu tournera cele en bien. & il faut y travailler. Nos synodes aussi devront bien pezer tout pour ce qu’il faudra faire dans le National, veu qu’ils seront en leur propre tribunal.

Je suis fort trompé si par intelligence avec le Sieur Hotton il n’est point advenu que la bale d’Amsterdam contenant nos apologies et mes Vindiciaes, n’est point venue. Je vous prie d’en faire enquester ; & qu’en fin nous ayons ces pièces, nos soins empescherons l’effet de machination des autres. Dieu le face par sa miséricorde & vous conserve longuement pour sa grande gloire & nostre consolation avec Madamoiselle ma très-chère sœur, mes chers nepveux & niepces. Je salue aussi humblement Madamoiselle du Moulin ; & plain fort que la communication de Sedan par le Liège vous soit ostée pour avoir nouvelles ordinaires de cet admirable vieillard Monsieur son père. Je suis en pène des irrésolutions d emon nepveu Meschinet, & luy en ay escrit au long par voye de mer. Je n’adjouste rien si non ce qie vous cognoissiés du cœur & de la main de,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très-humble & très affectionné

frère & serviteur Guill. Rivet

De Taillebourg, le 1er novembre 1649. B. U. Leyde, BPL 287/II/160

1650 Dans sa première lettre de l’année, Guillaume Rivet informe son frère des déboires qu’il connaissait avec son fils aîné, André, médecin à Paris, qui avait déserté “ la profession de la vérité pour se marier inconsidérément ”. C’est presque avec soulagement qu’il lui annonce quelques semaines plus tard le décés de celui-ci, le 26 janvier, dans la Religion réformée.

Condé, Conty et Longueville avaient été arrêtés sur l’ordre de la Reine. Après avoir pacifié la Normandie et la Bourgogne, l’armée royale comme dans les années 1620, marcha sur le sud-ouest pour aller assiéger Bordeaux. A Taillebourg, Guillaume Rivet redoutait le pire pour son Eglise.

Page 149: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

149

Le prince de Tarente, alors que son épouse était retournée à Cassel, était venu en son comté de Taillebourg pour lever des troupes au nom du Roi. A cette occasion, il soumit Guillaume Rivet à une intense pression psychologique pour qu’il fasse retirer de la vente son dernier écrit contre Moïse Amyraut.

5 janvier 1650 – Saujon Etienne Rivet à André Rivet

Monsieur mon très honoré Oncle, Je prendray de temps en temps la liberté de vous escrire puisque vous m’avés tesmoigné qu’il ne

vous est point désagréable. Vous aurés sans doute appris de mon Père l’issue de cet abouchement qui s’est faict au chasteau de Tohars266. J’en eu tout aussi tost que i’en ouIs parler une sinistre opinion & ne doubtai point que par artifice on se vouloit servir de l’authorité. Ces prattiques ne s’accordent par avec ma rondeur de conscience que ie souhaitte plutost que ie n’espère de celuy qui prend à ieu de vomir quand il luy plaist toutes sortes d’iniures contre les plus excellents serviteurs de Dieu. Nous sommes dans l’attente d’un Synode national pour remédier à ce mal, quoy que les calamités du temps nous le veulent. C’est à ce coup qu’il est besoing que cette authorité démonstre sa vigueur autrement le mal croist & cette parole rongera comme gangrenne ; en effect ie voide à regret que les desfenseurs de ces nouveautés se multiplient.

Touts ceux qui aiment la vérité tant en cette province qu’en la base Guyenne (& ie ne doubte point des autres) ont un merveilleux regret du déceds de Monsieur Spanheim que Dieu sembloit avoir suscité pour destruire et l’orgeuil et l’erreur de Saumur, mais Dieu a voulu laisser achever à d’autres. Vous y avés travaillé de bonne heure & je m’assure que vous y cerchés touts les jours des remèdes & vigoureusement /2/ à ceux du dehors ainsi que vous l’avés démonstré contre les faux pacificateurs & notamment contre Grotius : ce qui ne se peut mieux représenter que termes de ce digne prince qui vous escrivit de la cour de Pologne, duquel ie souhaitterois sçavoir le nom pour le mettre an la marge du livre qu’il vous pleut m’envoyer, duquel ie ne sçay si ie vous ai faict les remerciements tels que ie debvois parce devant, mais maintenant encor ie vous en rends grâces de tout mon cœur dans cette conformité de doctrine qui se rencontre entre mon Père et touts les orthodoxes. I’ay cette consolation que ie déteste de tout mon cœur toutes les nouveautés lesquelles plus ie considère et plus suis-ie estonné qu’elles ayent peu trouver des desfenseurs de réputation, mais il en faut venir là que l’esprit de Dieu souffle où il veut.

Je doibs aussi vous dire quelque chose de nostre petite famille, ma femme & moy iouissons de santé grâces au Seigneur, & nostre petite Anne Rivete qui est fort esveillée et riante et commence à demarcher avec beaucoup de vigeur ; elle a cet air riant et gaillard de sa mère qui est d’humeur ioviale. Il ne passe guère de iours que nous ne parlions de vous et de ma très honorée tante et par les tesmoingnages de vostre bienveillance envers elle, elle se recognoist obligée à vous honorer parfaictement comme elle faict pour moy ie fai touts les iours mention de vous deux au Seigneur en mes oraisons . Je les continuerai touts les iours de ma vie en y conjoignant la prospérité de toute vostre maison. C’est l’endroit où ma femme et moy vous saluerons très humblement avec ma très honorée tante. Ie saluerai aussi mon cousin Frédéric de toute mon affection et priant Dieu qu’il bénisse le petit cousin, Guillaume-Louis, me disant pour tousiours,

Monsieur mon très honoré Oncle, Vostre très humble & obéissant

nepveu et serviteur. E. Rivet

De Saujon, ce 8 janvier 1650.

266 Etienne Rivet fait état de l’accord qui fut conclu entre son père et Moïse Amyraut à la suite de la rencontre qui se tint les 14, 15 et 16 octobre 1649 au château de Thouars sous l’égide du prince de Tarente à la requête de la duchesse de La Trémoille.

Page 150: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

150

B. U. Leyde, BPL 282/230

28 janvier 1650 – Taillebourg

A Taillebourg, le 28e janvier 1650 Monsieur mon très-honoré frère, Après avoir reçeu celle qui estoit en mesme paquet que la lettre de Madamoiselle de Schurman à

Monsieur Reveau ; pour ce qu’elle est escritte devant la réception de nos lettres expressives de la dispensation de Thouars, j’attendois de vous respondre quand j’aurois appris ce que vous en jugiez. Ce que la vostre du xxiie décembre reçeue il y a trois jours me déclarant, j’ay maintenant à vous entretenir sur plusieurs chefs.

Et vous diray premièrement que je sçeu seulement au retour de Thouars que ma sœur vous avoit envoyé son fils ; à laquelle je dis ce qui luy est advenu. Et fus bien surpris de le voir peu après céans, elle me l’ayant envoyé incontinent après son retour pour le faire voir à quelcun sous lequel j’avois pensé à luy procurer quelque employ. Mais l’affaire n’étoit pas meure. Et je crain qu’étant volage, il ne fust proposé pour s’assujettir autant qu’il faudroit. Il me monstra la lettre que vous escrivistes pour luy a sa mère ; et se louoit fort de vous & de vostre maison, me spécifiant les particularités que j’ay depuis d’eu en vos lettres pour ce qui le regarde.

Ce fut luy qui premier me donna le coup perçant de la nouvelle de la déperdition de mon malheureux fils aisné267 ; me récitant ce que vous en avoit escrit Monsieur Drelincourt268, & adjoustant qu’il l’avoit veu à St. Denis, où il l’avoit appris qu’on remarquoit qu’il ne continuoit point d’aller à la messe. Je ne sçay s’il le disoit pour alléger la douleur qu’il voyoit que sestois grande. Or l’obligeay-je de n’en rien dire à personne en ce lieu ici, puisque le scandale n’y estoit pas parvenu ; & qu’il vit d’aillieurs si obscurément qu’en ce païs n’y a vent, ni nouvelle de luy. Mais mon nepveu Meschinet qui l’avoit sçeu de vous, ne manqua pas de l’escrire incontinent à son père & à sa mère qui le communiquèrent à peu d’autres que j’ay aussi prié de s’en taire.

Cet homme tesmoigna son peu de piété dès qu’il quitta l’estude de la Théologie, à laquelle je l’avois attaché, pour s’addonner à la médecine & gagner les pistoles en quoy Dieu ne l’a point bénit. Si depuis rejettant mes conseils salutaires, il a tousjours suivi ses volontés ; & m’a esté en charge jusques à ce que s’estant aliéné de Dieu, il a désisté de communiquer avec moy, ne m’ayant escrit depuis quinze mois, & s’estant résolu de ne me voir jamais. Car il dit à son cousin, Constans ,qu’il avoit esté onze ans sans venir ici, & qu’il en attendroit bien encore autre onze. C’est à dire jusques à ce qu’il sçache que Dieu m’ait retiré. Aussi /2/ sa présence augmenteroit mes penes de beaucoup, s’il n’estoit du tout changé.

Tant qu’il a esté en ma maison, il a esté si incompatible & si sordide qu’il m’a fait protester que jamais luy & moy n’habiterions sous mesme toit. Son jeune frère l’ayant recueilli chez soy & le pensant retenir près de luy, il [se ren]dit insupportable. Ainsi je ne peux me résoudre à l’appeler près de luy, il se dit insupportable. Ainsi je ne peux me résoudre à l’appeler près de moy ; que si je le faisois, je ne le sçaurois contenter ; et il me reprocheroit continuellement que je luy aurois fait quitter bonne condition.

Il a estudié en Théologie & si long temps à ouï les presches de Charenton que il ne peut m[anquer] de cognoissance. Ainsi s’il est des éleus de Dieu, il s’ennuyera de siliq[ues] de pourceaux pour appâter le pain du povre. Et il trouvera gens qui remonstreront. J’espère que mon bon ami Monsieur Vincent l’aura entretenu. [S’il] venoit de soy-mesme, je serois tousjours père. Et il a tousjours trouvé qu’il avoit de ressource qu’en moy. Je ne l’oublieray jamais en mes prières à celuy

267 C’est à dire le mariage de son fils aîné, André, avec une catholique. 268 Dans sa lettre du 18 septembre 1649, Charles Drelincourt écrivait à André Rivet : « Il y a longtemps que i’ay envie de vous escrire de M. vostre neveu, le médecin, qui cy-devant estoit habitué à St-Denis et à présent comme ie croy à Monmorancy268. Il y a environ un an qu’il s’estoit follement engagé par promesse de mariage avec une pauvre paisanne. Je le desgaieay de là pour peu de chose. Mais depuis il a bien fait une plus lourde faute, s’estant malheureusement révolté. J’apprens qu’il s’en repent. Si cela est, il le faudroit tirer d’icy. N’auriez-vous pas de quoy l’employer en vos quartiers ». B. U. Leyde, BPL 273/179.

Page 151: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

151

[qui] le peut ramener au droit chemin. Et en attendant gémiray tousjours lorsqu’il sera objet à mon esprit. Et ne suis pour manquer d’autres sujets de douleur à [l’un] des miens.

Comme je retournois de Thouars, estant près de La Montrarrière avec le Sieur Massion, je rencontray un messager de la part de mon gendre, Thomas, qui donnoit advis de ses jours & par cela m’en donnoit. Un homme de Bourdeaux à La Rochelle avec lettre de l’advocat général au comte de Doignon269 pour pouvoir transporter là des poudres, eut billet d’iceluy comte pour en faire porter cinq [milles] livres à Nantes. (Iceluy Sr. Comte qui devant avoir reçeu sa commission d’armée [de] Bourdeaux et estant mal content du duc d’Espernon favorizoit cette ville là soubz […] ayant par procuration pour soy voulu nommer Nantes en sa permission escritte, & qu’on rapporteroit attestation de l’avoir là).

Mon gendre fut celuy auquel délors s’addressa & il l’accommoda de 5 000 livres de poudre qu’il mit en charrettes […] vers S. Jean, le Bourdelois conduisant. Ils creurent ne devoir point de traittes, & un laissés passer par les gardes des issues de la ville, mais ceux du bureau envoyèrent [à] deux lieues de là, saisie, prendre chevaux & chariots, prétendans confisquer le […], firent prisonnier le Bourdelais à qui ils en vouloient d’ailleurs & prétendoyent [le] faire mourir. M. le comte du Doignon qui lors estoit à Saintes pour changer d’air [rele]vant de maladies & qui en mesme temps reçeut la commission d’armée ; bie[…] de cela, & s’en prenant aussi, manda qu’on mist en liberté le Bourdelois qui œuvroit de sa permission ; & estant bien ayse que cet homme se retirast, ordo[nna] qu’on mist les poudres dans une des tours, ceux du bureau qui prétendoyent confiscation de poudre & du reste, n’ayant excuté ce dernier.

Mon gendre donc sur [qui] tout le malheur tomboit à sa ruine après diverses pensés, me croyant encore []ars avec Monsieur Vincent, me prioit d’obtenir lettre de Monseigneur nostre Prince à M. de Doignon en sa faveur et il s’imaginoit que ce commendement de serrer les [poudres] en une de ces tours tendoit à luy conserver contre ceux du bureau pour [] croyoit avoir fait chose laquelle il avoit agrée ne considérant pas que le prés[…]lon estoit l’offenser & qu’il vouloit faire croire le contraire par sa ruine : depuis /3/ me doubtay bien des lors. Il recquéroit aussi que je priasse Monsieur Vincent de l’employer envers ceux du bureau qui sont de la religion & ses amis. Mais M. Vincent estoit parti de Thouars à mesme heure que moy, tirant vers La Forest-sur-Sèvre & le Bas Poitou.

Néantmoins, je retournay à Thouars en mauvais temps, laissant mon agréable compagnie & dans une extrême tristesse ; & tiray lettres de Monseigneur le prince de Tarente à ce seigneur comte, puis passant à St. Maixent, escrivis par la poste à Monsieur Vincent à ce que s’il estoit de retour en sa maison, il agit envers ces gens là et arrive ici, fus au plustost à Saintes présentée la lettre de nostre maistre ; et trouvay le personnage fort rude, exaggerant la faute d’avoir entrepris de transporter marchandize de contrebande sans son advis & aux ennemis. Et j’estois obligé de taire son adveu, crainte de l’irriter davantage. Sa première conclusion fut que j’estois venu bien à propos luy porter cette lettre de la part de Monsieur le prince de Tarente, auquel il ne vouloit rien refuser de ce qui estoit en son pouvoir, car autrement comme ainsi fort qu’il allast le lendemain à La Rochelle, il eust traitté mon gendre à toute rigueur ; mais qu’il le libéroit de toute vexation & d’amende. Et comme je demanday qu’il ordonnast que les poudres & l’attelage fussent rendus. Non, dit-il, il faut que cela demeure confisqué, qu’il me devroit suffire qu’il libéra des amendes qui eussent ruiné. A quoy comme j’eus réparti qu’il demeureroit ruiné par la confiscation, il me dit deux fois que je ne le cognois pas qu’il chastioit en diable & ne pardonnoit jamais, quoy que ce fust (adjoustoit-il) contre les règles de ma religion. Comme j’eus insisté en le priant, il promit qu’estant à La Rochelle il feroit tout ce que Monsieur Vincent jugeroit raisonnable avec luy. Dont je le remerciay, espérant que Monsieur Vincent le rameneroit & luy pourroit mieux insinuer l’innocence de mon gendre qui n’auroit pas cuidé luy déplaire. Cependant je donnay advis à ce pauvre homme de travailler promptement à l’accroissement avec le bureau qui sembloit avoir le droit de la confiscation si elle escheoit ; et escrivit à Monsieur Gendraut principal interessé. Ils firent tout ce qu’on voulut ; & on pensoit cet homme tiré de pène quand M. le comte de Doignon, arrivant de Brouage, se fascha à ceux du bureau & fit actuellement emporter les poudres qu’il fit mettre en un vaisseau qui est à luy & de l’armée qu’il équippoit. 269 Louis Foucault (1616-1659), comte de Daugnon, maréchal de camp, lieutenant général au gouvernement d’Aunis et de La Rochelle. En 1651, il prit le parti de Condé. Mazarin acheta en 1653 son ralliement contre 530 000 livres, le bâton de maréchal et en lui rendant le gouvernement de La Rochelle qui lui avait été enlevé.

Page 152: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

152

Monsieur Vincent fit tous efforts envers ce personnage rude, qui dit que ceux de Bourdeaux s’estoyent vanté qu’il étoit pour eux, qu’on luy avoit escrit de la Cour ; & que c’est affaire estoit sçeue là, que s’il restituoit les poudres on croiroit mal de luy ; qu’il aimoit bien mon gendre, mais qu’il s’aimoit plus soy mesme, que s’il luy faisoit quelque récompense, ce seroit de sa bourse ; & qu’il falloit attendre la paix de Bourdeaux & son retour de l’armée de mer. Je ne sçay ce qu’il fera maintenant ceux de Bourdeaux seroyent bien obligés à payer, leur homme ayant déclaré que le tout estoit pour leur compte. Mais à présent que leur paix est venue /4/ fort avantageuse en la cause générale, ils trouveront tant de ruines entières, tant de debtes créées & de demendes de récompenses que ce sera veille si on a égard à cett’affaire si mal conduitte.

J’ay un autre esmoy grand au sujet de ma jeune fille qui a fait une quatriesme mauvaise, ayant de temps & temps perdu durant sa groisse. Elle est foible & train[ante], sans aucun appétits, avec cours de ventre, & fébrieuse tous les soirs, palle[…]dement et ayant la face boufie. Son mary & elle estoyent en train de faire leur maison ; et je me promettois plus de secours d’eux en ma vieillesse que tous les autres. J’attendray sur cela le secours du Seigneur. Pour les autres, je respondray à loysir à Monsieur du Moulin fils & à Monsieur Ferry […] croy qu’il n’y a pas de mal de vous envoyer par le premier vaisseau. Un excès de mes δευτερωσεοι afin que vous en jugiez le tenant secret & un autre [à] Monsieur Ferry qui m’insinue son dézir & en usera de sorte que je ne croiray avoir publié mon escrit contre ce que j’ay promis.

Je me remettray du tout […] synode. Je n’ay point sçeu que la bale de mes Vindiciae soit arrivée à La Rochelle […]ien, les posthumes de Monsieur Spanheim. J’atten tousjours cette pièce et mes Apologies avec le Judicium de Monsieur du Moulin270, duquel Dieu vueille encourager les années à sa grande gloire & les vostre aussi à nostre singulière [conso]lation & édification. Au moins ces piéces antérieures à l’accord, courront aussy que celles de Monsieur Amyraut. Si la mienne faitte & presques imprimées lors […]rité & aux despens de nostre synode. Est jugée par luy devoir demeurer cachée, que la malheuse réplique court toutes les foires. Toutesfois quand j’auray f[aict mon] possible pour le maintien & éclaircissement de la vérité, je doibs estre con[…] costé là.

Mon nepveu, Meschinet, m’escrit du 1er de l’an qu’il ira bientost à [Gro]inghen & commencera de proposer là. Il me promet aussi la Regia defensio, q[u’il dit] estre défendue à l’instance de l’Ambassadeur d’Angleterre & n’agréer là. Ce q[…] homme m’employe pas son sçavoir assés judicieusement et ses flatteries excessives […]dent (en tout qu’en eus est) odieux ce qu’ils maintiennent. Vous aurez bien rem[…] de ces traits au traitté de Absolute jure dei in creatures, où est parlé de l’au[…] de régie qui sont tellement αννπνθνροσ (?) qu’elle n’oblige à tenir promesses, est allé contre la conscience, & le droit des gens, & le fondement de se[…].

MM. Mestrezat & Drelincourt m’ont fait présent de leurs derniers ouvrages. Et j’ay [appris] que Monsieur Daillé estoit comme à l’extrémité. Dieu le regarde en sa bén[édiction] & le délivre pour bien employer ses excellens dons. Je loue le Seigneur de la convalescence & de l’avancement de mon petit nepveu W[illem] que Dieu bénit. Il espère la condition meilleure de mon nepveu en suitte de la vente de Linghen. Dieu face prospérer toute vostre /5/ maison & continue longuement vostre vigueur avec la consolation de la douce présence & ayde de Madamoiselle ma très chère sœur & jointe celle de Mlle du Moulin je les salue avec vous de tout mon cœur, comme aussi ma niepce Mlle de Mondevis & les enfans qui sont avec elle priant Dieu qu’il luy face rencontrer un bon & digne mary qui soit père à ses enfans qui nous apapartiennent.

Mon jeune fils que se porte bien avec sa femme & sa fille sçaura à sa joye grande vostre état & le souvenir que vous avez de luy. Il vous escrit addressant à son cousin Meschinet. Le second est depuis 15 jours père d’un 4e fils & demeure à Saintes en une maison de sa femme. J’entretien son aisné aux lettres ; & il donne bonne espérance. Je ne sçaurois vous dire combien en vostre considération Monsieur Reveau me tesmoigne d’affection, & fait profession de recognoistre vos offices.

Je me souvenois fort de Monsieur de Bret ; & me resjouissois voyant en des escrits mention de luy. Son décès & l’estat auquel vous me représentiez Monsieur de La Rivière mon bon & ancien ami & digne serviteur de Dieu, avec ce que je suis doyen des pasteurs de nostre province & ay veu passer 270 Judicium P. Molinaei de Mosis Amiraldi libro adv. F. Spanhemium, Rotterdam, 1649.

Page 153: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

153

tous ceux que j’y avois trouvé & beaucoup d’autres venue depuis, me donnant sujet de penser au de logement pour aller en la patrie. Et quoy que moins aagé, souhaitte de vous devancer. Mais ce sera quand il plaira au Seigneur, auquel nous appatenons soit que nous vivions, soit que nous mourions et tant que je vive mon âme (qui aura au ciel sa charité parfaite) sera autant estroictement unie à la vostre que l’est de sang de mon corps, puis que je suis à raison de l’une a l’autre union,

Monsieur mon très honoré frère, Vostre très humble & plus obéissant frère et serviteur.

Guill. Rivet Je vous ay escrit cette grande lettre à bâtons rompus & ay encore obmis divers chefs. Vous

aurez bien eu les articles de la paix de Bourdeaux. Elle m’a libéré de grande appréhension pour ce lieu. Ma jeune fille s’est un peu mieux trouvée aujourd’huy en suitte d’une légère médecins d’hyer. Monsieur Vincent vous aura escrit pourquoy il est à Paris ; & à l’attendray & Monsieur Rossel, je ne sçaurais vous exprimer combien il s’estime honoré du souvenir que vous avez de luy & de quelle ardeur il demande à Dieu la prorogation de ces jours de paix.

Comme ma lettre a esté achevée, est venue la nouvelle surprenante de l’emprisonnement des deux princes de Condé & de leur beau-frère. Vous aurez sçu au long cette estrange conversion d’affaires. Je loue Dieu de ce que Monseigneur nostre prince, est en cette occasion allé à Paris et qu’il est du costé des sensés qui est tousjours le meilleur.

B. U. Leyde, BPL 287/II/162

29 janvier 1650 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Vous ayant escrit au long par la poste, j’accompagne seulement de ce mot deux exemplaires que

je vous envoye de ma duplique afin que l’un soit pour, après que vous l’aurez leu, en avoir vostre advis. Et ce n’est pas le publier que communiquer à mon frère pour en estre le censeur. Quant à l’autre vous en userez selon vostre prudence pour d’iceluy ou assouvir la faim que tesmoigne Monsieur Ferry parce que il a l’affaire à cœur, ou pour instruire sur cela mon nepveu Meschinet selon que le peu m’en a prié. Mais pour ce que je sçay que ce genre d’hommes est léger nec potest tacitus cour pat. Je remets cela à vostre discrétion ; & ne luy mande pas que je vous l’ay envoyé. Je sçay que vous mesnagerez bien ce qui regarde la fidélité & l’honneur de,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné frère & serviteur.

Guill. Rivet De Taillebourg, le 29e janvier 1650.

B. U. Leyde, BPL 287/II/165

La mort d’André Rivet, le médecin de Saint-Denis271

André Rivet, mon fils aîné a esté soigneusement élevé et entretenu par moy, ayant estudié près de moy en ce lieu et sous précepteur à luy affecté, puis tenu quelques années à La Rochefoucauld chez Monsieur Robertson, principal du collège, fut envoyé en Hollande à mon frère chez lequel il demeura deux ans, à 50 livres de pension, puis deux ans à Rotterdam à deux cents Francs, puis six ans à Leyden à 250 Livres de pension, où après avoir estudié plus de deux ans en Théologie selon que je l’avois dédié au S. Ministère, il tesmoigna aimer le présent siècle, ayant quitté cette Ste Estude pour

271 Dans son Liber amicorum, Guillaume Rivet fait ce récit de la vie de son fils aîné, André, qui éclaire quelques points restés obscurs dans ses lettres. Louis MESCHINET de RICHEMOND, “ Extrait du Liber amicorum de Guillaume Rivet ”, op. cit., p. 324-326.

Page 154: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

154

s’addonner à celle de la médecine en laquelle il fut passé docteur à Leyde, en l’an 1631, puis m’estant revenu, et majeur, m’obligea de luy donner la part qui luy écheoit du bien de sa mère, voulant s’establir à Paris ou en Hollande, et disant que l’air subtil et chaud de ce pays estoit insupportable à sa poictrine.

J’adjoutai encore 500 Livres du mien, mais estant allé à Paris ol mesnagea son faict si mal qu’il en est venu à bout en deux ans. Il eut encore recours à moi qui luy portay 100 Livres l’an 1634 puis s’establit à St. Denis où il a exercé la médecine jusques au commencement de cette année 1650. Il a receu de moy à diverses fois quatre à cinq cents livres.

Enfin l’an 1649, il déserta de la profession de la vérité pour se marier inconsidérément. De quoy je ne fus informé que quatre mois après par mon nepveu Constant qui l’avoit veu à St. Denis. Ce qui m’ayant été en grande douleur et amertune, je le retins par devers moy, tant que je peux, content de m’adresser à Dieu par prières continuelles, et jugeant qu’un homme instruit en la Théologie si longtemps par mon frère et qui avait ouï les presches de Charenton plus de 17 ans, durant, ne pouvoit ignorer la vérité et assurément retourneroit s’il estoit des esleu de Dieu.

Enfin me vint une lettre de Monsieur Mestrezat escritte de Paris le 26 janvier de cette année 1650 par laquelle il me donne advis que Dieu avoit fait la grâce à ce mien filz de retourner à luy et à son Eglize et qu’ayant esté frappé de sa main par sa maladie il eut le cœur touché pour envoyer prier le Consistoire de l’Eglise de Paris de le faire visiter par un Pasteur, que Monsieur Aubertin qui lors estoit de semaine fut député pour cela, qu’il le vit en toute liberté, et ouït les saintes paroles de sa repentance et foy avec grande édification de toute la compagnie en quoy il persévéra jusques à la fin, ayant rendu son esprit au Seigneur en bon chrestien, et s’estant trouvé que lors Monsieur Salis-Grizou, capitaine aux gardes, ayant là sa compagnie de Suisses, et luy estant de la Religion le protégea à ce qu’il ne fust pas molesté par ceux de l’église Romaine.

Monsieur Vincent m’escrit de Paris du mesme jour me confirmant le tout et adjoustant qu’il ne laisse pas d’enfans après soy. C’est un second degré de grâce d’estre relevé de telle cheute et n premier d’en estre contregarde. O Seigneur ! Qui as donné le moindre à ce mien filz confère le premier à tous mes autres enfans.

Celluy-ci a vescu 44 ans et deux mois. Liber amicorum de Guillaume Rivet

12 février 1650 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Il n’y a pas quinze jours que je vous ay escrit de l’amertume et angoisse de mon esprit au regard

de mon fils, André, qui avoit déserté la profession de la vérité. Je vous représentois mes vœux addressés à Dieu pour sa conversion & à ce que le >>> envoyé des soliques des pourceaux il appâtait le pain du povre, et >>>> qu’ayant estudié en théologie sous vous, & ouï les prédications de ministres par si longues années il ne pouvoit ignorer la vérité qu’il enbrasseroit derechef s’il estoit de l’élection de Dieu ; auquel cas recourant à moy, il ne trouveroit point mes entrailles paternelles fermées.

Mais, j’apprens de Monsieur Metrezat, m’escrivant du 26 janvier, qu’il n’a plus besoin de mes aydes & que Dieu ayant exaucé mes prières luy avoit envoyé une grande maladie par laquelle il se sçubt adverti de rompre les liens d’iniquité, retournant au Seigneur & reprendre la profession de la vérité avec repentance sérieuse & foy non feinte & rendre son âme à Dieu ainsi espargné, où Monsieur Hélie Grijon, capitaine d’une compagnie de gardes Suisse l’on logé avec sa troupe à S. Denis, l’avoit aydé en cela, empeschant qu’il ne fust molesté par les moines ; que Monsieur Aubertin qui lors estoit en sepmène de ne prescher pas, fut délégué du Consistoire de l’Eglise de Paris qui avoit appris cet estat de mon fils pour l’aller visiter & recevoir ses protestations de repentance & foy. Ce que par le moyen de ce capitaine, il fit en toute seureté & requit du pénitent les paroles affectueuses qui édifièrent grandement la compagnie & qui pas la grâce de Dieu, il a persévéré jusques au dernier souspire.

J’ay sur cela à rendre grâce à Dieu & me consoler, comme vous fistes de mon nepveu de Mondevis. Mon fils mourut de la sorte, là où tout est de religion contraire & s’estant affermi de ne

Page 155: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

155

comparoistre en autre état devant Dieu, qui luy a fait miséricorde, aura donné à penser à ceux de là touchant la doctrine dont il estoit imbu par nous, qui a eu si grande force en luy mesme après qu’il eut embrassé la Romaine & ceux des nostres qu’il avoit scandalizé auront esté édifié. Ma jeune fille est toujours en mauvais train ; & je suis entre crainte & espérance.

J’ay fait faire enqueste à La Rochelle de la bale de mes Vindiciae evangelicae & n’ay rien appris quoy que celle du posthume de Monsieur Spanheim fut venue. Je vous prie de mander à Monsieur Blaeu qu’il vous escrive au plustost à qui il l’a transmis la, & a qui addressée à La Rochelle, & me le faire sçavoir à la prochaine commodité. J’adjouterois mes prières pour vostre conservation & de Madamoiselle ma très chère sœur avec nostre nepveu & les petits ; Vous saluant et embrassant de cœur ; comme aussi Mlle du Moulin de la part de,

Monsieur mon très-honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

B. U. Leyde, BPL 287/II/166

2 mai 1650 - Taillebourg Monsieur mon très-honoré frère, Je croy que depuis ma grande lettre à laquelle vous avez respondu du 24e febvrier, vous en aurez

receu une autre que j’envoyay à Monsieur Pinot à Paris, par lequel je vous mandois que mon fils aisné estoit décédé à St. Denis et ce par la grâce singulière de Dieu après s’estre retourné au Seigneur par repentance & foy qu’il avoit tesmoigné à Monsieur Aubertin, lequel sur ce qu’il avoit fait demander qu’un pasteur de l’Eglise de Paris le vist en sa maladie, fut pour cela député par la considération pour ce qu’il estoit hors de semene pour prescher. Monsieur Mestrezat qui m’escrivoit de 26 janvier que ce pauvre repentant avoit fort édifié la compagnie, m’assuroit qu’il avoit persévéré jusques au dernier souspir ; et que Monsieur Hélie Grizon, capitaine d’une compagnie des gardes Suisse, l’avoit protégé empeschant qu’il ne fust molesté des moines.

Je m’estonne que Monsieur Vincent qui vous escrivit du 4e de febvrier, il m’avoit aussi mandé cela mesme du 26 du précédent, ne vous en eust rien touché. J’ay loué Dieu de ce qu’ayant fait cognoistre à ce serviteur égaré et détraqué qui l’appelloit à rendre compte il ait resveillé sa conscience pour faire que d’heure il recerchait sa grâce sa miséricorde ; et n’estant tout le bien que j’avois à recercher et espérer pour luy, réputant à grande bénédiction qu’és familles de nostre nom, depuis que le Seigneur les a honoré de sa droitte cognoissance aucun ne soit mort servant à l’idole, et qu’il n’y ait point de postérité qui soit en danger d’y estre portée, comme il fust advenu si ce mien fils qui s’estoit si malheureusement marié en eust laissé.

Au reste, j’ay un peu différé de respondre à vostre dernière non tant par ce que je voy qu’elle vous fait des fraiz que pour ce que j’attendois de pouvoir vous escrire de ma famille chose meilleures qu’au passé et de fait ma jeune fille nous ayant donné grande appréhension durant quatre mois, à par la grâce de Dieu, tel soulagement que son estomac estant remis, sa face meilleure & desenflant peu à peu. Nous espérons la voir bientost sur pied.

Aussi sur ce que Monsieur Vincent incontinent après son retour de Paris fut voir Monsieur le comte de Doignon à Dompierre-sur-Boutonne lequel de soy mesme et lors que iceluy nostre frère prenoit congé de luy, luy dit qu’il se souvenoit bien des poudres & qu’en sa considération il y a pourvoiront, estant à La Rochelle : j’espérois quelque bonne issue prompte pour mon gendre Thomas. Mais je n’ay encore point sceu que rien s’y fust fait et Monsieur Vincent ayant depuis enterré son gendre qui estoit un homme à souhait272 ; & trouvant plus de difficulté qu’il ne pensoit pour ce en quoy il avoit travaillé faisant pour le public, Madame sa femme aussi estant malade de fiebvre continue, dont l’événement est à craindre et comme accablé et ne peut agir. Dieu le veuille consoler du

272 Daniel Brunet, mari d’Elisabeth, seconde fille de Philippe Vincent. Ils s’étaient mariés le 14 juin 1648 à La Rochelle.

Page 156: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

156

passé & luy conserver /2/ sa bonne compagne, à ce qu’il puisse servir le public & ses amis. Il a envoyé au Sieur Rossel, nostre bon frère & ami, des exemplaires à double des Vindiciae de feu Monsieur Spanheim, de vostre synode, du Judicium petri Molinae & de Cardes Rugia. Je […] vostre synople de long temps auparavant ; & la Vindiciae que j’ay leu avec grande satisfaction. Et j’atten qu’il m’ait fait relier le Judicium où il mande avoir remarqué de belles pointes et d’un esprit verd en ce vénérable vieillard, duquel il court une lettre à Monsieur le mareschal de Turenne dont je doubte.

Car d’ailleurs, vous [sçavez] la guerre menée par cet officier de la couronne & autre seigneur tout en ce pays. Nous avons eu quelque appréhension à cause du duc de La Rochefoucault & de Monsieur Bouillon. Mais la prudence & la force de ceux qui gouvernement dissipe tout cela, le dernier de ces deux attaché à son Eve, estant retenu par la détention d’icelle, reprise & gardée en la Bastille273. Je ne doubte pas que mes maistres d’ici ne demeurent ferme [dans] le service du Roy quoy qu’ils ayent ce malheur d’estre peu gratifiés & recogneus.

Pour retourner à nos escrits, j’attendray le Lupus servatus274 ; et ne sçay se je doibs espérer de voir de mes vindiciae de jestificatione autres exemplaires que les deux que vous avez envoyé par terre. Car cette bale n’est point venue et je suis tousjours en opinion que les resorts des intelligences de nos gens à Amsterdam ont joué, & qu’ils pourront fait donne argent à ce que cette prière ne puisse estre débitée en France. N’y ayant rien qu’ils appréhendent tant que d’estre tirés en cause sur cette question en [quoy] ils croyent emporter si on ne leur dit mot et de là vient ce grand effort pour et [] ma Duplique par l’employ d’un grand auquel je suis obligé de diférer beaucoup qui s’intéresse pour eux dont est que quoy que à nostre retour de Thouars Monsieur Vincent me conseillant de faire achever d’imprimer & tesmoignast croire que nostre Synode n’en ordonneroit pas la suppression, il est devenu fraction & plus qu’hésitant ; combien ajouste que quand nous seront assemblés Dieu nous suggerra le meillieur aussi […] nous appellés à Marans au dernier du courant dont nous avons aujourd’huy le S[…] dans lequel j’entre en ma LXXe année, terme des vieillards non le plus vigoureux qui m’a fait attendre l’heure ordonnée par celuy qui a constitué nos jours lequel je prie de tout mon cœur me faire la grâce de mourir en travaillant et qu’il me fortifie en cet aage pour annoncer son los. Par sa grâce, je chemine tousjours & ma charge alaignement manquant peut-estre moins qu’aucun de la province et me je trouve mon esprit en mesme tempérament, ma veue & mon ouïe me sont diminués, m’estant aussi habitué à la solitude à laquelle je suis réduit. Mon fils le pasteur, sa femme & leur fille se portent fort bien ; comme aussi son frère et mon gendre Villain. Sa femme qu’il haime à merveille, vous baisent humblement les mains ; et à Madamoiselle ma très chère sœur avec toute vostre maison. Ce que je fay aussi vous [embras]sant tous de cœur, et y joignant Madamoiselle du Moulin.

Vous aurez escrit par mon /3/ nepveu Meschinet à Monsieur des Marests275 ; & son père vous en aura grande obligation et quant à moy, c’est assés pour le coup. Ceci vous trouvera occupé dans le grande monde de cette cour d’Angleterre & d’Ecosse ; où je ne sçay comment l’exaltation de Montrose276, les impressions dans les Orcades & ces préparatifs de Suise & aillieurs s’accommoderont avec les conditions que requient l’Ecosse. Dieu y mette sa bonne main ; & vous conserve autre longue année pour sa gloire, au souhait de,

Monsieur mon très honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

273 La duchesse de Bouillon et sa belle-sœur Mlle de Bouillon avaient été incarcérées à la Bastille pour avoir tenté de quitter Paris où elles avaient été assignées à résidence. 274 Lupi Servati presbyteri, viri doctissimi, qui anté annos 800 in Gallia vixit, De tribus quœstionibus, S. L., 1650, in-16°, publié par Rivet sous le pseudonyme Renatus Devirœus. 275 Samuel Desmarests ou des Marests (1599-1573), un picard, était professeur de théologie à l’université de Groningue. Il était un ardent défenseur de l’orthodoxie réformée et comme André Rivet réfutait les théories de Grotius et d’Amyraut. Il avait débuté sa carrière pastorale à Laon puis à Falaise. En 1624, l’académie de Sedan l’avait appelé pour succéder à Jacques Cappel, décédé. Il devint en 1631, le chapelain du duc de Bouillon. N’ayant pu empêcher la conversion de celui-ci, il donna en 1636 sa démission et devint pasteur à Bois-le-Duc et professeur de théologie à l’Ecole illustre qui venait de se créer dans cette ville. En 1642, il partit à l’Université de Groningue où il enseigna la théologie jusqu’à sa mort. 276 Montrose en 1646 s’était réfugié en Norvège. Charles II l’avait en 1649 nommé capitaine-général en Ecosse et au mois de mars 1650 il y avait débarqué avec une petite troupe de mercenaires espérant recruter une armée. Mais défait à Carbisdale, désavoué par Charles II, trahi par Neil MacLoeod, laird d’Assynt chez qui il s’était réfugié, il fut pendu par les Covenanters le 21 mai 1650 à Edinbourg.

Page 157: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

157

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le 2e may 1650. B. U. Leyde, BPL 287/II/167

8 juillet 1650 - Taillebourg Monsieur mon très cher & très-honoré frère, Depuis la lettre que vous m’escrivistes du XXIVe febvrier, j’ay reçeu par le soin de Monsieur

Gougeon celle qui est du XXIe may, et quelques jours après le paquet contenant les prières pour la défense de Jansenius, Lupus servatus & les déclarations d’Ecosse & d’Angleterre ; dont je vous remercie grandement.

Il faut que vos lettres d’entre deux esquelles vous touchiez l’issue de mon fils aisné & me déclariez vostre jugement & approbation de mes δευτερωσεοι se soyent perdues. Et Monseigneur le prince de Tarente (qui est ici pour conserver sa maison & attendre l’ordre du Roy dans ces temps de confusion, esquels référant reférant in mare navem nostrum novi flactus) m’a chargé de vous advertir qu’il n’a point reçeu la response à la lettre par laquelle il vous prioit de quelque chose, & dont vous avez escrit à quelcun que luy aviez respondu.

Il a esté fort content de la lecture que je luy ay fait de tout ce que vous déduisez du traitte & accord du Roy de la Grande-Bretagne avec les Escossois277, la part quy a eu Monseigneur le Pr. d’Orange & vostre utile, & approuvée d’une & d’autre part, entremises pour faire approcher les parties. Et nous avons jugé que ce que Montrose s’est allé malheureusement perdre, vérifiant ce qu’on luy avoit prédit en la response à sa déclaration desembaroissoit ce Roy auquel ce misérable homme estoit un achoppement & en charge ; l’armée d’Ecosse d’ailleurs estant en meilleur estat qu’auparavant pour résister aux Anglois s’ils attaquoyent. Il reste seulement que ce prince oublie bien la hiérachie & lit son cœur avec ceux qui le mettent en possesion d’un royaume. Mais quant à conquérir l’Angleterre & renverser cette nouvelle République, j’ay peur que l’Ecosse se ruine en l’entreprenant ; et ne sçay si la séparation de ces lignées d’Angleterre & d’Irlande pour n’avoir point de part es Stuarts n’est point de Dieu ; de sorte qu’avec Roboam278, il faille se contenter de ce qui reste. Toute l’Europe chrestienne est encore en trouble & non en estat d’ayder ce roy ; puisque la Suède & les Estats de l’Empire se résolvent de chasser les Espagnols & le Lorrain de l’Allemagne & que la France est aux termes que nous la voyons.

Vous sçavez plustost que nous ce qui se passe en Picardie. A Bourdeaux y a paix & guerre. Madame la princesse & le duc d’Anguien y sont protégé comme supplians, Monsieur d’Espernon qui a fait avancer son frère bastard dans le Bourdelois déclaré pertubateur du repos public par le parlement, avec ordre & effet mesme de luy courir sus et avec l’ayde des forces de Monsieur de Bouillon qu’il a proche de là. Monsieur de /2/ La Mesleraye a une petite armée entre la Dordogne & la Garonne & n’a pas encore joint les troupes du général de La Valette, ni participé à ses actes d’hostilité. [Aussi] va t-on librement de Blaye à Bourdeaux, et de là vient-on ici ; le parlement continuant de tenir & les parties allant & venant de ce pays ici vers ce sénat & […]lieurs.

Monsieur de La Mesleraye passant par l’Angoumois n’a point touché à La Rochefoucault, ni à Montignac que la Douairière de cette maison s’est vendiqué. [Seu]lement il a mis à Verteuil 60 hommes dans le chasteau que les habitans du […] & des champs de cette baronnie entretiennent. Aigre & Marsillac sont plus en danger. Et quant aux habitans de Vertoeil qui se retirent à Ruffec, ce fut l’appréhension d’estre mal traittés après que leur seigneur ayant fait son entreprise de Saumeur eut chargé quelque compagnie de cavalerie du Roy en Poictou, mais les choses ne peuvent pas demeurer longtemps ainsi. 277 Contre tous les avis, Charles II s’était embarqué au mois de juin pour l’Ecosse. Il consentit à la Solemn League et au Covenant et fut couronné Roi. J. P. KENYON, Stuart England, Pelican Books, 1982, p. 168. 278 Roboam, fils de Salomon, pour ne pas avoir écouté les conseillers de son père et allègé la condition du peuple dut laisser le royaume d’Israël à Jéroboam, et fut uniquementt roi de Juda (1 Rois 12).

Page 158: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

158

Pour venir à nos particulières, mon beau-frère, Monsieur Meschinet, vous remercie grandement du bien que vous faitte à mon nepveu son fils & espère qu’il en recevra beaucoup en vostre considération de Monsieur des Marets mesmoment si cette condition luy escheroit en la maison de ce très docte personnage. Il m’a fait l’honneur de m’escrire respondant à une lettre que je luy avois escrit en faveur de ce mien nepveu allié ; et me tesmoigne son affection par paroles très obligeantes. Et j’ay rep[]ti l’advertissant de l’arresté de nostre dernier synode tenu à Marans dont [je] l’ay prié de vous communiquer la copie.

Nous attendismes jusques au dernier jour à traitter du contenu de l’acte de Thouars, estimans que viendront quelque […] de la part de Monsieur nostre prince, qui l’avoit fait espérer le faisant mettre en l’acte. Mais nous ne sçavons pour quelle raison il ne l’a pas fait. Et depuis qu’il est ici, il ne m’a point touché cet’affaire. Au fond on a approuvé & confirmé la […]tion de débats sur les matières traittées à Alençon & Charenton, loué le zèle de Monseigneur le prince de Tarente & cojoint à tous ceux de cette province de [s’en] tenir là jusques au Synode national où le Synode déclare qu’entendant […] pliante des contraventions faittes aux réglemens précédent, & remarqua les [] à reprendre que se trouvant et escrite que depuis a mis en lumière Monsieur […] il usera de toute la charité requise, accordant à Monsieur Vincent & à moy […] ne toucher rien du personnel du dit Sieur, mais que quant à mon dernier escrit de duplique touchant le 7e des Rom. Pour ce qu’il ne concerne pas la matière traittée à Alençon & Charenton & qu’il est nécessaire pour la rep[éti]tion de nouveautés dangereuses & a esté approuvé par delà, nés de la province, imprimé par ordre du précédent synode devant l’assemblée de Thouars […] peut consentir à la suppression d’iceluy. Ainsi dès lors j’en donnay à tous les pasteurs présents, & en envoyay un à Monsieur Amyraut avec un honneste […]. Je ne sçay comme on aura reçeu cela & si on n’y dira mot. Que si en [outre] Blaeu vous tient parole & que Monsieur Gougeon nous fasse tenir la b[ale] /3/ promise de mes Vindiciae, je travailleray à les faire courir. Cependant je ne m’engageray pas en aucun labeur important ; estimant celluy que vous me proposez bien fort au dessus de ma portée aussi ne m’y induiser vous que présupposant la suppression de mon dernier escrit.

Quant au posthume de Monsieur Spanheim vostre synople & autres pièges, cela vint en un temps que on prenoit l’accommodement de Thouars pour une paix entière, & Monsieur Vincent estant à Paris. Lequel retourné eut l’affliction de la maladie & mort de son gendre, puis d’une grande maladie de Madame sa femme, avec le déplaisir de voir l’ambarras à l’affaire qu’il cuidoit avoir parachevé pour le public. Dont on l’a obligé de retourner à Paris. Et il estoit si occupé aus préparatifs de ce voyage que je n’ay pû communiquer à demi avec luy. Et je vi bien qu’il craignoit d’irriter Saumur & les fauteurs d’iceluy à Paris. Si Dieu le ramène bien tost, comme nous l’espérons, nous ferons ce que nous pourrons selon le temps. Monsieur Spanheim & Mlle sa mère l’auront pû rencontrer à Paris ; et il aura respondu pour soy. J’estime grandement la pièce de Lupus servatus auquel par si long temps on a fait grand tort et vostre préface très pari[…]te le restitue encore à soy mesme, contre ce qu’on a présupposé […] ces pièces estant de Lupus Ferrariensis, il demeuroit effacé du catalogue des doctes escrivains de ce temps là. J’ay aussi pris beaucoup de plaisir aux pièces que j’ay leu pour la défense de Jansénius. C’est une merveille de Dieu que ces gens la parlent hautement pour la vérité que nos novateurs altèrent & corrompent.

Tous mes enfans se portent bien, par la grâce de Dieu. Ma jeune fille estant tout remise. Mais Monsieur le comte Doignon a donné des paroles à mon gendre Thomas l’ayant remis à un autre temps sans définir, pour ce que il avoit tesmoigné que 500 livres qu’il luy offroit comptant estoit peu. Il luy dit donc qu’il en donneroit plus, mais non pas si tost. J’ay peur que ce ne soit jamais. De moy, je sen quelque altération en ma santé en cette année climastérique de 70e étant pressé d’uriner souvent, & ayant des douleurs de teste qui durent longtemps. Monsieur Sanxais le père, mon allié proche & mon bon ami, décédé il y a quatre jours, m’a fait penser plus particulièrement à la retraitte. Cependant, il faut employer ce peu qui reste au service de Dieu lequel je loue & béni de ce qu’il vous fortifie extraordinairement, le priant qu’il vous conserve par longues années à sa grande gloire , & vous continue la consolation & ayde agréable de Madamoiselle ma très chère sœur ; bénissant à vostre veue mon nepveu vostre fils, mon petit nepveu Willem & ses frère & sœur avec ma niepce leur mère. Je vous embrasse tous de cœur & salue humblement Madamoiselle du Moulin, estant,

Monsieur mon très honoré frère,

Page 159: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

159

Vostre très humble & très affectionné frère & serviteur.

Guill. Rivet De Taillebourg, le VIIJe juillet 1650.

B. U. Leyde, BPL 287/II/169

28 août 1650 – Taillebourg A Taillebourg, le XXVIIIe aoust 1650

Monsieur mon très honoré frère, J’ay reçeu tout à la fois vos lettres du XXVe juillet & Xe aoust ; desquelles la lecture m’a

grandement consolé et resjouïes puisque j’en appris la fermeté de vostre santé, extraordinaire en ce grand aage et la prospérité de toute vostre maison, comme aussi l’heureuse terminaison & tant importante au public de ce grand diferent és Provinces-Unies qui avoit cauzé l’investissement d’Amsterdam. Estant venu à souhai que le général ait satifaction en ce qui concerne la milice à entretenir durant la paix, et que Son Altesse d’Orange y ait ses avantages avec son auctorite affermie279. Car outre ce que luy et sa maison sont si recommandables & considérables entre tous les relevé quifont profession de la pureté de l’Evangile, l’employ & les bienfaits qu’ils vous ont donné, nous obligent plus particulièrement à en dézirer la prospérité & l’accroissement ; dont le comble sera en la production espérée d’une correspondante postérité en suitte de la goisse de S. A. Royale.

Je ne sçay comment il est advenu que le mémoire que vous mentionnez tant en ma lettre qu’en celle que vous avez escrit à S. A. de Tarente ne s’est point trouvé dans le paquet. Mais les particularités que vous me touschez sur toute l’affaire ont suppléé de défaut par le rapport que j’en ay fait. Et on a trouvé qu’il a esté uzé de grande équité par les pensions ordonnées à vie aux officiers de compagnie cassées ; au lieu des simples remercimens qu’on donne aillieurs quand on n’a plus de besoin de gens de guerre & qu’on les congédie.

En ces quartiers, Bourdeaux n’ayant accepté la paix aux conditions digérées dans le parlement de Paris & envoyées par Monseigneur le duc d’Orléans et requérant de plus la liberté des princes captifs, l’armée du Roy a attaqué S. Saurin & Le Chartroux ; et ne paret’on à La Rochelle & es isles des vaisseaux pour joindre une armée navale aux vaisseaux desjà montés jusques au Ber.

Et nostre prince (qui partit hyer pour Libourne en intention d’estre de retour au bout de cinq jours) a reçeu commission pour un régiment de cavalerie & deux d’infanterie à la levée des quelz aretés de long temps, on travaille. Attendant cela, il a séjourné depuis ma dernière hormis l’espace de huit jours employé à aller au devant du Roy à Poictiers.

Et je n’ay pas esté sans exercices par assés long espèce depuis qu’il me parle de, en sa considération, supprimé mon escrit nonobstant l’arresté de nostre synode portant par esprès qu’il n’avoit pû permettre qu’il demeurasr supprimé. Et vousloit m’obliger à retirer les exemplaires distribués. Je luy dis que ce qui estoit fait ne pouvoit este non fait ; que j’avois entièrement observé ce que porte son acte signé de lui & Monsieur Amyraut qui estoit que je suivroy l’advis de nostre synode ; auquel il n’avoit point escrit ainsi qu’il l’avoit tesmoigné vouloir faire. Ce nonobstant il dit que je ne luy avois point tenu parole, ni ne l’avois considéré en aucune façon, quoy que je le deusse comme estant dans sa terre ; & /2/ que Monsieur Testard qui ne luy devoit point cette déférence, luy avoit rendu telle qu avoit retiré les exemplaires de son escrit. Qu’il publieroit partout que je serois cause de la rupture de l’arrest qu’il avoit fait, attribuant à Monsieur Amyraut la louange d’avoir fait tout ce qu’il [pouv]oit pour la paix. Et pour me faire trouvé obl[ligé] par promesse à cette suppression, représentoit qu’il m’avoit espargné en ne me la faisant pas promettre en l’acte ; & dit toutefois qu’il

279 Guillaume II d’Orange, l’ancien élève de Rivet, avait réussi le coup de force qu’il avait entrepris le 30 juillet 1650 contre la province de Hollande qui entendait réduire unilatéralement la taille des troupes situées sur son territoire et les dépenses afférentes à leur entretien, ruinant ainsi le pouvoir des Etats généraux et du Stadholder. Jonathan I. ISRAEL, The Dutch Republic. Its Rise, Greatness and Fall, 1477-1806, Oxford University Press, 1998, p. 603-609.

Page 160: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

160

m’avoit tenu ma chose assurée sur la promesse de mes amis, vous & Monsieur Vincent, & l’entendoit ainsi.

Je respondis que j’avois parlé franchement : déclarant que cet affaire dépendoit de nostre Synode, & n’y entendois point de mystère, que vous & Monsieur Vincent ne pouvez que dép[lorer] cela, avoir tesmoigné que vous estiez d’advis que mon escrit ne fust publié ; mais que vous ne pouviez respondre de ce que ordonnoit le Synode ; ni moy mesme plus. Que Monsieur Testard qui, sans adveu de son synode, avoit publié un livre françois contre la doctrine de nos Eglises au scandale du peuple, estoit bien loin [d’estre] en mesmes termes que moy, qui avoit le public & ma conscience pour attester de ma juste procédure et que acte public & le subséquent de nostre Synode me justifioyent clairement. Au reste que je n’avois pas creu que pour habiter sa terre que je ne fusse pas libre és actions de ma profession pour & en la def[ense] de la vérité par ordre ‘un Synode, & obligé d’aller contre son arresté auquel mon serment me tenoit lié ; et que ce seroit chose estrange que ayant ici librement escrit contre la papauté soubs Monseigneur le duc son père, ma condition fust [pire] sous luy, membre de nos Eglises. Et pource qu’il m’allègua l’obligation que j’avois à la maison par les bénéfices de laquelle j’estoy, et ce que je suis, je dis que je devois beaucoup à la mémoire de feu Monseigneur son ayeul, qui m’avoit entretenu quelque temps aux escoles. Mais que l’ayant fait à fin que je servisse au S. Ministère en quelque Eglise de ses terres, je l’avois fait avec honneur de 48 ans en la moindre, et le moindre appointement de tous ; et n’y susbsistois qu’autant que m’estant rendu reçommendable à la province, elle aydoit à mon modique entretien. Que d’aillieurs j’avois tousjours esté serviteur très-affidé à la maison, & le serois tant que vivrois. Il [me] laissa en cholère & partit incontinent pour Poictiers.

Au retour, comme je luy fis la révérance, il ne me dit mot, & s’abstint de m’ouïr en public, allant à Saintes où à S. Savinien & me dénigrant. Enfin il m’envoya quérir, & pensant que ce traittement m’auroit fait résoudre à ce qu’il vouloit, induit par Saumur & Thouars, il me demenda ce que j’avois résolu ; à quoy je respondis que je n’avois rien à répondre, ny ayant délibération sur ce qui estoit fait. Mais il s’aigrit davantage, et vint en cours aux […]ches, puis dit que c’estoit ma brigue dans le Synode qui avoit obtenu l’arresté, [dit] que si ce n’estoit la charactère de mon ministère, il me traitteroit bien autrement que tousjours il s’en resentiroit. Je dis que quiconque leur avoit dit que j’eusse […] avoit calomnié ; qu’il m’estoit dur en cet aage d’estre taitté de la sorte ; mais que j’espérimentois ce que il avoit dit à Monsieur Chabrol l’induisant à s’entremettre de […] différens ; que s’il y trouvoit obstacle, il feroit choses estranges.

Néantmoins que je [prie] que Dieu luy changeroit le cœur pour me traitter autrement. Retiré que je […] /3/, il prit advis de quelques personnages modérés, l’un desquels par son ordre requit Monsieur Marchand280, l’un des pasteurs de S. Jean, de venir disner avec luy deux jours après. Ce personnage, à ce qu’on m’a dit, représenta bien mon droit et le tort de Monsieur Amyraut. Ce qui addoucit un peu ce Seigneur qui d’ailleurs portoit pène de vivre en la sorte.

De son advis donc iceluy Sr. Marchand & Monsieur le baillif me vindrent trouver ; & me représentèrent qu’on n’éxigeoit plus de moy que je retirasse rien de ce qui estoit donné ou débité, ou entre les mains des libraires ; & par cela mon escrit demeuroit publié ; mais que S. A. se cuidant offensé, il luy falloit quelque hommage ; moyennant quoy il seroit fort ayse de sortir de cette affaire, son honneur ainsi sauvé ; que j’eusse égard à luy, au bien de mon Eglise & à mon repos. Ainsi, ils me tournèrent de façon que contre ce que j’avois aversion de faire rien dérogeant à la publication de mon escrit & à l’arresté du synode, je permis qu’on emportasse au chasteau nombre d’exemplaires en blanc non corrigés que je leur montray, & permisse que doressnavant je ne m’employeray point à en faire débiter laissant faire les autres.

En suitte de quoy S. A. m’ayant envoyé quérir me dit qu’il falloit oublier le passé & qu’il en estoit déplaisant, puis me monstra les lettres venues de Cassel, & le lendemains vint au presche ayant depuis vescu d’aune autre façon avec moy281. Mais au fonds, nous avons fort peu d’édification de sa

280 Isaac Marchant, ministre de Saint-Jean d’Angély. 281 Guillaume Rivet reprendra les faits décrits dans cette lettre dan sa lettre du 12 novembre 1650. Ce récit met en évidence le manque de tacte du prince de Tarente à l’encontre d’un vieux serviteur. Soldat il manquait de la finesse politique de sa mère.

Page 161: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

161

conversation ; grande froideur en la piété, impureté & les bastelages […] & fréquentés nous scandalizèrent ; ad multiplicatâ gente non multiplicata laetitia.

J’avois tellement pris le tout à cœur que j’estois en branle d’aller cercher repos aillieurs & plus tost manger mon petit revenu en paix, que prendre de telle par la règle quant à mes saints labeurs. Certes ceux qui cerchent tels appuis & protection ont mauvaise conscience ; & Dieu les trouvera. Estant vray ce que m’escrit mon bon voysin que ceux qui attendent si avidement que cette genération passe, n’ont pas fait accord avec la mort. Et Dieu qui semble vous vouloir donner la vieillesse de Caleb282 à ce que vous ayez sujet d’escrire De Senectute bona, comme l’expérimentant, me conserve encore, car je trouve par sa grâce ma santé plus affermie.

Monsieur Vincent est arrivé à La Rochelle ; & j’atten des nouvelles de la bale si je n’en vay cercher moy mesme sur le lieu les messages & portes de Bourdeaux à La Rochelle ne passerons plus.

Je plain fort Monsieur du Moulin avec l’Eglise & l’Académie de Sedan en cette misérable occurrence de guerre. Dieu y vueille mettre ordre & continue ses faveurs envers vous, Madamoiselle ma très chère sœur, mon nepveu vostre fils, ma niepce vostre belle-fille & mes petits nepveux & niepce ses enfens. J’espère que l’incommodité au parler de son aisné passera, luy se fortifiant et vous embrasse tous cordialement, saluant humblement Mlle du Moulin. Mon jeune fils est ravi de l’affection que vous luy tesmoignez. Sa femme & sa fille avec luy se portent bien, comme mon gendre & ma fille Judith qui vous baisent les mains très affectueusement. Vous cognoissez le cœur & la main de,

Monsieur mon très honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

J’ay envoyé à Monsieur Gougeon deux exemplaires de mon duplique reliés & en destinois un pour Monsieur Ferry. Si vous avez la commodité de luy faire tenir. Et j’oublioy d’y mettre un mot de lettre que j’avois préparé.

B. U. Leyde, BPL 287/II/171

23 octobre 1650 - Taillebourg Monsieur mon très honoré frère, Il y a assez longtemps que je vous escrivis respondant à vos dernières addressant à Paris à

Monsieur Pinet. Je croy qu’il vous aura fait tenir ma lettre par la voye dont se sert Monsieur de La Trosnière. Je vous récitois tout ce qui s’est passé ici durant le séjour de Monseigneur le prince de Tarente & comment le différent survenu à raison de la publication de ma Duplique s’estoit terminé. Et vous mandois que je me disposois d’aller à La Rochelle vois Monsieur Vincent & cercher le balot des exemplaires de mes Vindiciae enfin venu d’Amsterdam.

De fait, j’y fus incontinent après & trouvay que Monsieur Vincent ne sçavoit que contenoit ce balot qui avoit esté porté chès luy en son absence ; & que celuy qui l’avoit fait porter ché luy estant allé en Hollande, il n’y avoit nulle addresse & que nous ne pouvions sçavoir à quel prix on pourroit laisser chaque exempalire relié chacun de ceux qui sont en blanc. Sur quoy j’ay escrit à Monsieur Goujeon afin qu’il en parle à Monsieur Blaeu & m’en escrive. Cela nous aura fort retardé quant au débit combien que la guerre de Bourdeaux nous eust assés empesché. Mais, grâces à Dieu la paix est establie de ce costé là ; & désormais la Guyenne vide de gens de guerre. Vous Scaurez mieux les particularités de cela par les relations publiques que je ne pouris vous le détailler.

Mon appréhension touchant l’Ecosse n’a pas été vaine. Je voys là une guerre longue qui consumera ce pays tandis que l’Angleterre agissante là & en Irlande sera en repos. Je loue Dieu de voir que la paix s’affermist en vos limites ; & le prie pour la continuation de vostre prospérité, de

282 Caleb personnage du livre de Josué (14, 6-11) qui lors du partage du pays de Canaan reçut le territoire d’Hébron et qui à l’âge de 85 ans était encore vigoureux comme au jour de ses quarante ans.

Page 162: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

162

Madamoiselle ma très-chère sœur, mon nepveu, ma niepce de Mondevi, & ses enfans, notamment William & de Mlle du Moulin. Je jouis, Dieu merci, de santé pour alle & venir & faiire mes fonctions. Et tout mon peuple se porte bien. Chacun d’eux vous salue humblement ; comme je vous embrasse cordialement estant,

Monsieur mon très honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

De Taillebourg, le XXIIJe octobre 1650 Prest à monter en chaire pour le second presche. J’appren que Monsieur de Soignon se porte bien et que Monsieur Chaigneau283 est décédé

depuis six semaines ; l’Eglise de S. Maixent ayant du désordre par la mésinteligence de Messieurs Blanc, oncle & nepveu.

B. U. Leyde, BPL 287/II/173

12 novembre 1650 - Taillebourg A Taillebourg, le XIIe novembre 1650.

Monsieur mon très-honoré frère, Je reçeus dimanche dernier VIe de novembre le paquet envoyé par mer contenant les XII

exemplaires de vostre très excellente Epistre mentionnés en vostre lettre du XXVIe d’aoust. Je me pensois pas que ces clauses de ma lettre du 11e may vous deussent donner sujet de si haute méditation & d’un traitté si exact. Mais je loue Dieu de ce qu’il en est allé ainsi à l’édification du public & à ma grande consolation et vous fay les affectueux remercimens que je puisse ; tant pour l’ouvrage en soy, que pour la communication si abondante d’iceluy. En effet y traittant De Senectute bona, vous donnez amplement à recognoitre que la vostre est telles puis qu’elle produit des fruicts de si grande maturité & de goust si agréable.

Je prie Dieu qu’il me donne d’y profiter autant pour ma prattique & conversation dans l’aage auquel il m’a fait parvenir que vous m’en donnez le moyen & le sujet. Parmi les traits d’érudition avec piété, qui abondent partout les indices de vostre dilection fraternelle singulière envers moy y paroissent conjoints et selon que vous avez tousjours eslevé nonobostant mes grands défauts ; après m’avoir donné le patron pour bien faire ; vous les faittes encore ici très particulièrement par cette conjonction de nous deux dans ces considérations ; ayant mesme trouvé lieu pour y faire mention honorables de mon fils pasteur qui vous remercie, sans doute, suppléant le départ de sa lettre perdue qu’on avoit envoyé à Groeninghen. Car aussi je luy envoyeray un exemplaire de vostre Epistre à la première commodité comme aussi aux autres que vous me nommez. Je vous ay suivi, comme vous dittes, mais de loin et comme vostre exemple & vos instructions m’ont fort aydé, vostre nom & ce que je vous suis ont beaucoup conféré à ce peu d’éclat qui m’est revenu, de sorte que j’ayye esté estimé non dég>>rant ni indigne frère unique d’un personnage fort célèbre.

J’ay trouvé fort à propos ce que vous représentez à la fin à mon nepveu, & les exhortation pour le soin de vostre heureuse & belle postérité médiate ; que Dieu vueille bénir amplement avec luy. Soit qu’il demeurer celabi, soit peut-estre, que ayant quelque employ qui le recommande plus pour trouver parti avantageux, il le prenne.

D’ailleurs, je vous diray que par hyer, Xe du courant, j’ay reçeu vostre lettre du XXIIe octobre et que j’ay esté fort surpris de voir que vous n’aviez point reçeu les lettres que je vous ay escrit depuis celle en laquelle je touchois mon infirmité de fréquence à faire eau ; laquelle n’a point eu depuis de suitte qui me donne appréhension. 283 Jonas Chaigneau ou Chesneau, selon André Rivet même, “ estoit le plus vieux ministre de France sans contredit ”. Il servit “ soixante ans & plus l’Eglise de S. Maixent ” et vécut “ jusques à l’aage de quatre vingt sept ans ”. André RIVET, Lettre de la bonne vieillesse, Utrecht, chez Jean Waesbergue, 1652, p. 77.

Page 163: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

163

Je vous avois escrit une grande lettre dès la /2/ fin d’aoust laquelle pource que Monsieur Thomas avoit dejà envoyé son paquet dans lesquel je la voulois mettre, j’envoyay au messager à Saintes avec le paquet addressant à Monsieur Pinot. Il peut aussi y avoir cinq semènes que j’en aye envoyé une autre au mesme, auquel j’escrivois touchant la première luy recommandant cette seconde & le tout luy estant allé dans le paquet de Monsieur Thomas. J’esperois que vous aurez reçeu cette dernière, en laquelle je vous parle du décès de Monsieur Chesneau, advenu seulement quelques semenes auparavant ; & de ce que nostre cousin de Soignon se portoit bien.

Mais quant à la première lettre, je serois fort déplaisant qu’elle fust tombée en mauvaises mains parce que je vous entretenois librement touchant Monseigneur le prince de Tarente, du peu de piété qu’il a tesmoigné estant ici & scandales donnés, & de ce que par cette Cour multiplicata gente, haut multiplicata est lactitia particulièrement, je m’estendois sur le traittement que j’ay reçeu de ce prince à r[…] de la publication de ma duplique ; et de l’accommodement qui fut fait enfin, un pasteur de St. Jean ayant esté appellé de la part d’iceluy.

Car vous sçaurez qu’ayant esté ici de XV jours qu’il me voiyoit de bon œil & ne me parloit point de cett’affaire , en […] il s’enquit comme il en alloit. Et comme après luy avoir dit que la Synode differa de traitter jusqu’au dernier jour, attendant quelque letre de sa part, selon que l’acte de Thouars le promettoit, je luy en leu l’acte de nostre Synode faisant mention honorable […] de S. A. et approuvant tout ; hormis que pour raisons particulières y alléguées, la [com]pagnie déclara n’avoir pû consentir que mon escrit fut supprimé ; en suitte de quoy lors sur le lieu & depuis aillieurs, distribution en auroit esté faitte.

Alors il me dit puisque j’avois obtenu là ce que je voulois, je devois en sa considération supprimer le tout & faire retirer tous les exemplaires distribués, à quoy je répartis que [c’estoit] chose impossible ; & qu’il n’estoit pas convenable que sur ce que j’avois remonstré [à] Thouars que l’auctorité du Synode estant desja intervenue pour l’impression, c’estoit à iceluy, non à moy d’en ordonner la suppression ; S. A. avoit fait coucher en l’acte […] soubs son nom, & que Monsieur Amyraut avoit signé avec tous les assistants, que en […] je dépendroit de nostre synode si je supprimasse cet escrit contre la résolution du […] et fist ce à quoy il n’avoit pû consentir.

Alors quelque compagnie survenant, [il] remit à une autre fois pour m’en entretenir plus amplement. Et comme ainsi que j’appréhendasse bien cette autrefois, & ne me produisisse guéris, un […] luy estant venu advis de ce que dans peu de jours le Roy seroit à Poictiers, il devoit luy aller au devant, comme de fait il partit la nuit pour cet effet [le] fut trouver pour rendre ses devoirs. Et sa presse n’empesche pas que m’ayant tiré à part sous une allée couverte d’Ormeaux (en laquelle je pris fort le ser[…]) m’entretint sur ce point, me disant que j’avois promis de supprimer cette […] & ne luy avois point tenu parol. Depuis m’estant purgé, il dit que mes amis /3/ l’ayant promis pour moy, alléguant vous & Monsieur Vincent, sur quoy je remonstray que vous estiez bien loin de là, & Monsieur Vincent tousjours avec moy qui lors n’avoit point ce sentiment ; & que si vous & luy aviez tesmoigné depuis que vous estimiez que cela luy seroit donné, c’estoit tesmoignage de vos advis, nos promesses l’effet dépendant du synode et j’adjoustay que Monsieur de Marsilly avoit veu vostre dernière lettre portant que puisque nous estions renvoyés au synode, il falloit attendre sa résolution ici, ce que j’avois fait. Là, nonobstant, Son A. ce di là, m’allègua que je devois beaucoup à sa maison, et demeurerois en sa terre, ce qui m’obligeoit à faire ce qu’il vouloit de moy. A quoy je respondis que véritablement Monseigneur son ayeul m’avoit entretenu aux escoles quelques années afin que servisse au S. Ministère en quelcune de ses terres284 ; que j’avois fait le pour quoy l’espace de 48 ans avec honneur dans la plus petite Eglise de leurs terres, avec le moindre appointement qu’eust aucun autre en icelles ; & que j’avois fait subsister cette Eglise par me rendre recommendable à la province qui en ma seule considération pourra faire subsister ici avec repos de moyen, de méditer et escrire aydant mon Eglise d’une bonne partie de mon petit entretien ; l’ouvrier d’ailleur estant digne de son salaire. Qui toutes fois recognoissant ce que je doibs à cette maison de laquelle j’ay tousjours esté affidé serviteur, je ferois volontiers ce qui ne repugne au sentiment de ma conscience & à l’ordre de nos Eglises pour leur servir.

284 Ce passage fait présumer que c’est Claude de La Trémoille qui paya les études de Guillaume Rivet à l’Université de Leyde et qui celle-ci achevée, il le nomma à Taillebourg.

Page 164: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

164

Mais que pour demeurer en sa terre, je n’avois creu estre moins libre en ces choses & que j’avois escrit librement contre la papauté, Monseigneur le duc son père qui est de profession Rom[aine] estant possesseur, et ne devoir estre moins libre sous luy, escrivant de la doctrine par l’ordre de nostre Synode. Sa conclusion fut qu’il publieroit partout que je ne luy avois pas tenu parole, que je ne l’avois nullement considéré, & qu’il m’attribueroit la cause de tout le mal qui adviendroit de là. Et aussi (cinq ou six mots illisibles).

Au retour après qu’il eut esté à Poictiers et Thouars & S. Savinien tousjour sans m’ouïr en l’Eglise, allant un dimanche à Saintes et luy & les siens me dénigrant & exaltant M. Amyraut, je taschois de [prendre] tout cela par patience et attendois que Dieu fist cesser cette persécution & ce scandalle dans mon Eglise.

Ce qui toutefois n’advint point encore par la communication >>>> peu cela, S. A. voulut avoir avec moy, m’ayant envoyé quérir par un laquais à ce que j’allasse parler à luy, qui estoit seul dans sa chambre, il me demanda que j’avois enfin résolu. Et je dis n’avoir point eu de résolution à prendre sur une chose faitte qui ne pouvoit estre non faite. En suitte de quoy, il vouloit que je leusse une lettre qu’il avoit préparé pour Monsieur Amyraut en laquelle me combant le blasme de la publication de mon escrit par amour de moy mesme et estime de mes productions, il le louoit de sa retenue, qu’il publieroit hautement & de son affection à la paix, à raison de quoy il le prioit de ne me respondre point & s’en départir en sa considération. Je respondis qu’il pouvoit escrire ce qui luy plairoit ; mais que deux pièces publiques me justifioyent : son acte de Thouars & l’article consecutif de nostre synode. Oui dit-il que vous avez obtenu par brigue, combien que (comme je répartis), je n’en eusse parlé à personne, pas mesme à Monsieur Vincent.

Pour la response de Monsieur Amyraut, il prononça dès lors qu’il estoit assuré qu’il n’en feroit point, mais adjousta t-il, vous croyés bien qu’il le pourroit et je dis ne croire pas qu’il peust s’en demesler […]285 /4/ plus grandes qu’avoit espousé ainsy pour l’impression & le début de ses escrits, l’argent [de] Charenton y vendit bien pour eux esquels il débat contre nous ; que nos Synodes avoyent fait peu de fraiz pour moy ; & que crés que les pratiques de ce personnage me rabaissèrent fort auprès de luy, toutesfois n’ayant pas son ostentation inouïe, n’entreprenant tant, Dieu m’avoit donné d’agir assez puissamment dans la sphère de la vérité & de n’avoir jusques à présent surmonté en mes ci[devant dé]bats, les plus considérables serviteurs de Dieu, ayant loué & approuvé [mes] productions dernières contre ledit sieur & m’en ayant fait remerciment qui me fortifient contre les mespris affectés des intéressés.

Enfin vindrent encore les reproches de ce que je doibs à la maison, avec déclaration que lors la considération du charactère de mon ministère on me traiteroit bien d’une autre façon & que on s’en resentiroit. Cela m’ayant mandé, je ramentais que Monsieur Chabrol m’avoit dit que comme il advisoit S. A. [que] à entreprendre cette affaire, elle auroit réparti, que si elle y trouvoit de l’obstacle, elle feroit choses estranges. Et ce sont ici, luy dis-je, de ces chose estranges dont la menace ne pouvoit regarder que moy. Mais que j’espérois choses me[illeu]res de S. A. revenue à soy. Monsieur de Marsilly estant entré, me voyant induire à demander terme pour délibérer, sur quoy ayant dit n’avoir à délibérer et que telle demande seroit tirer à conséquence de promesse à mon intention, lors ce prince dit : “ Laissons le ; c’est un opiniastre ”. Et je me retiray.

Toutesfois peu après, un advisé gentilhomme de ce pays s’appercevant que cet’affaire travailloit son esprit et qu’il avoit du déplaisir d’y estre allé de la [sorte] sans réussir, luy conseille d’appeler un pasteur de St. Jean, Monsieur Rossel [trop] proche estant suspect. Et, ainsi Monsieur Marchand estant venu et ayant agi prudemment avec Messieurs de Marsilly & Thomas, baillif, lesquels l’ayant disposé […] quelque raison m’asseurant (au moins Monsieur Marchand & M. le Baillif) que [le] Prince estoit déplaisant de tout ceci & n’avoit ou parlé, ou agi contre moy que par la colère, estimant autremant de moy & estant pour se porter plus [tost] pour moy que pour l’autre sans l’engagement auquel il estoit ; et qu’aussi vous admiroit beaucoup, qu’il falloit un petit emplastre sur son mal ; & que distribution faitte jusques alors demeurant et ce qui estoit entre les mains de [mon li]braires pourroit avoir cours, je luy délivrasse les exemplaires que j’avois en blanc & ne me meslasse plus de cette distribution ; que j’avois tousjours ce que je voulois, que je remenois ce prince dans la voye de procurer paix à mon

285 La fin de la phrase est couverte pas la reliure.

Page 165: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

165

Eglise & à mes […], il acquiessa incontinent. & ce prince, me voyant en particulier, me dit qu’il falloit tout oublier & m’ouït en public ; depuis ayant formé deux regimens de cavalerie & autant d’infanterie pour le service du roy, lesquels il a mené en Champagne.

Or ayant /5/ appris que Monsieur Vincent estoit de retour à La Rochelle, je fus incontinent avec luy pour verser en son sein tout cela & me descharger d’autant. Il trouva tout ce traittement estrange, & que ce prince s’estoit fait grand tort de s’engager si avant pour ces novateurs, que de s’estre pris de la sorte à un tel homme que moy ; ceux qu’il supporte en leur mal n’estans pas pour luy rendre les services que pourroyent ceux qu’il offense.

Je vi aussi la balot de mes Vindiciae evangelicae. Mais nous n’avont pû sçavoir à quel prix il falloit vendre les reliés et les non reliés. Et j’en ay escrit à Monsieur Gougeon à ce qu’il s’en enquist & me le fist sçavoir. Jusques ici il n’y a pas grand perte, parce que la guerre arrestois tels débits et pour les autres Monsieur Vincent estoit accablé d’affaires & tout étonné du branle du bateau, Mais encore depuis huit jours Monsieur Gautier, pasteur à Archiac286, & très digne personnage, venant de La Rochelle ici, me dit que [la] veue de cet excellent personnage luy avoit fait peur ; qu’il estoit travaillé d’un asthmes & en outre avoit la poictrine affectée, très mauvaise couleur & les janmbes enflées, ne voulant cesser de prescher quoy que requis cela par son Eglise, qui recognoist combien il luy importe de le conserver. Ce nous seroit une perte incomparable en cette province, & a moy mesmement qui ay si grand part en luy. Le Seigneur nous le vueille conserver.

Quant à la paix de Bourdeaux vous avez eu bon advis pour le regard de Monsieur de Buillon ; et nous avons esté estonné de voir Messieurs de La Force père & enfans les premiers dans l’amnistie ; les intérests particuliers et la haine de Monsieur d’Espernon les ayant fait faillir au préjudice de leur profession et contre la fidélité que les peuples ont tesmoigné.

Pour la ville de Bourdeaux, elle a la paix & la révocation de la commission de Monsieur d’Espernon, qui estoit leur principale intention. Ils pourront aussi lever nombre de deniers pour payer leurs debtes. L’Eglise n’y a pas eu de mal & tous les pasteurs sont en bon estat. Le synode de la basse-Guyenne qui avoit decrété […] contre ceux qui suivroyent le parti de Bourdeaux tenoit lorsque que le Roy entra en cette ville là ; & des députés de leur part seront fort bien reçeus, comme aussi ceux de la ville de Montauban.

Nous avons sçeu de vray, l’estat d’Ecosse que j’ay tousjours appréhendé. Dien y pourvoye & maintienne la paix de vostre estat avec l’authorité du gouverneur & généralissime !287

Ce que j’ay passé les bornes d’une lettre me fera cesser ici & finire par la réitération de mes vœux pour vostre prospérité & conservation, de Madamoiselle ma très chère sœur & de mon nepveu avec mes petis nepveux & leur mère. Je baise aussi les mains à Madamoiselle du Moulin, me conjouissant de la vieillesse vigoureuse de Monsieur son incomparable père. Vous cognoissez le cœur aussi bien que le mien de,

Monsieur mon très honoré frère, Vostre très humble & très affectionné

frère & serviteur. Guill. Rivet

Le désir de vous espargner les fraiz & le port de La Rochelle à Bréda, m’avoit fait addressre ma lettre à Paris, mais voyant qu’il a mal réussi je repren la voye de Monsieur Vlaming à La Rochelle pour cette-ci.

B. U. Leyde, BPL 287/II/174

286 Jacques Gautier, ministre d’Archiac. 287 A la suite du couronnement de Charles II, Cromwell avait marché sur l’Ecosse et défait les Ecossais le 3 septembre 1650 à Dunbar. Charles II rejetant alors le patronage de l’Eglise écossaise, marcha sur l’Angleterre avec une nouvelle armée. Il subit une nouvelle défaite le 3 septembre 1651 à Worcester et après une fuite qui dura six semaines, il put rejoindre le continent.

Page 166: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

166

2 janvier 1651 – Bréda André Rivet

à Guillaume Rivet288 Mon cher Frère, Voici la dernière que vous aurez de ma main tremblante & mourante. Après avoir prêché le jour

de Noël vigoureusement. I’ay esté huict jours en suite avec une constipation opiniastre, ma faculté expultrice estant entièrement ruinée en moy. Parquoy je me suis résolu par la grâce de Dieu, à mourir courageusement, dedans les opiniastretez & douleur de ce mal.

Ie suis fondu. Et le jour de ma dissolution s’approche. Ma niepce du Moulin vous descrira mes dernières heures, & le contentement que Dieu m’a donné. I’attens mon filz pour luy commettre ses nepveus, & mes affaires. Il vous rendra compte de tout.

Aideu mon très-cher Frère ; au reste de vostre vie vivez en la mémoire de moy, qui vous aime chèrement, & les vostres. Aimez les miens, comme vous faictes. Ie prie le Seigneur qu’il vous bénie & les vostres, & suis,

Mon cher Frère, Vostre très-humble & très affectionné

Frère & Serviteur André Rivet

De Bréda, le 2 de l’an 1651.

288 La seule lettre d’André Rivet à son frère Guillaume que nous connaissons est cette ultime lettre qu’il lui adressa cinq jours avant sa mort. Lettre que Marie du Moulin a publiée dans la relation qu’elle donna des dernières heures de son oncle. Symboliquement, nous l’avons choisie pour clore ce dialogue à une voix entre les deux frères. Marie du MOULIN, Les Dernières heures de Monsieur Rivet, Ministre de la parole de Dieu fidèlement receuillies. Seconde édition revue & corrigée, Autrecht, chez Jean Waesbergue, imprimeur, 1652, p. 41-42.

Page 167: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

167

ETAT DES SOURCES

I - SOURCES MANUSCRITES

Koninklijk Huis Archief – La Haye Inv. 11, XVII D-8, ad - Lettres d’Elisabeth de Nassau et de Charlotte de La Tour d’Auvergne à André Rivet.

Bibliothèque de l’Université de Leyde – Fonds André Rivet

BPL 282 - Lettres de Catherine Cardel, de Samuel et Claude Rivet, de Jean et Etienne Rivet. BPL 286 I, II, III et IV - Lettres d’André Pineau. BPL 287 I et II – Lettres de Guillaume Rivet. BPL 295 – Lettre de Henri-Charles de La Trémoille (19 octobre 1649). BPL 302 - Lettres de Paul Geslin de La Piltière et de Pierre Pelleus. BPL 2211a – Lettres du baron de Blet, de Zacharie du Bellay, sieur du Plessis et de son fils Henri, sieur de Puyoger, de Jacques de Rozemont.

Archives nationales - Fonds La Trémoille 1 AP 298 Lettres de Claude de la Trémoille. 1 AP 331 et 332 Lettres de Charlotte-Brabantine de Nassau. 1 AP 353 Lettres d’André et Guillaume Rivet aux La Trémoille. 1 AP 393, 394, 396 Lettres de Henri de La Trémoille 1 AP 430, 431 Lettres de Marie de La Tour d’Auvergne

II - SOURCES IMPRIMEES

A Père ANSELME, Histoire généalogique et chronologique de la Maison royale de France, des pairs, grands officiers de la couronne & de la Maison du Roy & des anciens barons du royaume, 3e éd., Compagnie des libraires, Paris, 9 vol, in-folio. Idelette ARDOUIN-WEISS, Les protestants en Touraine aux XVIe et XVIIe siècles, Centre Généalogique de Touraine, 8 vol, 1995-2003. Louis AUBERY du MAURIER, Mémoires pour servir à l’histoire de Hollande et des autres Provinces-Unies, Paris, Jean Villette, 1680, in-12°. Denis-Louis-Martial AVENEL, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’état du cardinal de Richelieu, Coll. Documents inédits sur l’histoire de France ”, Paris, 8 vol, 1853-1877. J. AYMON, Actes ecclésiastiques et civils de tous les synodes nationaux des Eglises réformées de France... , La Haye, 1705, 2 vol. B Pierre BAYLE, Dictionnaire historique et critique, Rotterdam, Reinier Leers, 1697, 4 vol., in-fol. Elie BENOIT, Histoire de l'Edit de Nantes et sa révocation, Delft, 1693-1695, 5 vol. Hans BOTS et Pierre LEROY, Correspondance intégrale (1641-1650) d’André Rivet et de Claude Sarrau, APA-Holland University press, Amsterdam et Maarssen, 1978-82.

Page 168: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

168

Hans BOTS et Pierre LEROY, “ Une lettre oubliée : lettre de Claude Sarrau à André Rivet du 14 juillet 1645 ”, B.S.H.P.F., tome CXXIX, octobre-décembre 1983, p. 519-523. Hans BOTS et Pierre LEROY, Claude Saumaise et André Rivet. Correspondance échangée entre 1632 et 1648, APA-Holland University press, Amsterdam et Maarssen, 1987. Johannes Alphonsus Henricus BOTS, Correspondance de Jacques Dupuy et de Nicolas Heinsius (1646-1656), Martinus Nijhoff, La Haye, 1971. Elie BRACKENHOFFER, Voyage en France 1643-1644, Ed. Henry Lehr, Berger-Levrault, Paris, 1925. C Baldassar CASTIGLIONE, Le livre du Courtisan, GF-Flammarion, 1991. Jean CHAPELAIN, Soixante-dix-sept lettres inédites à Nicolas Heinsius (1649-1658), Ed. Bernard Bray, Martinus Nijhoff, La Haye, 1965. Valentin CONRART, Lettres à André Rivet (26 novembre 1644-19 novembre 1650) publiées in René de KERVILER et Edouard de BARTHELEMY, Valentin Conrart, premier secrétaire perpétuel de l'Académie française, sa vie et sa correspondance. Etude biographique et littéraire, suivie de lettres et de mémoires inédits, 1ère Edition Didier, Paris, 1881, Slatkine reprints, Genève, 1971, p. 261-560. Paul-Louis COŸNE, Dictionnaire des familles protestantes de Bordeaux au XVIIe siècle, Bordeaux, 1994, 8 vol.

D Paul DIBON, Eugénie ESTOURGIE et Hans BOTS, Inventaire de la correspondance d’André Rivet (1595-1650), Martinus Nijhoff, La Haye, 1971. Paul DIBON et Françoise WAQUET, Johannes Fredericus Gronovius pèlerin de la la République des Lettres. Recherches sur le voyage savant au XVIIe siècle, Librairie Droz, Genève, 1984. Pierre DUVAL, Relation du voyage fait à Rome par M. le duc de Bouillon, prince souverain de Sedan, … l’année mil six cent quarante quatre, Paris, G. Clouzier, 1656, 28 p. Bibliothèque nationale, NUMM 83846.

E Baron Eugène ESCHASSERIAUX, Etudes, documents et extraits relatifs à la ville de Saintes, P. Orliaguet, Saintes, 1876. G GAZETTE de FRANCE, Table ou abrégé des cent-trente-cinq volumes de la Gazette de France depuis son commencement en 1631 jusqu’à la fin de l’année 1765, Paris, Imprimerie de la Gazette de France aux Galeries du Louvre, 1768, 3 vol. A. GOUGET, Armorial du Poitou, Réédition, Librairie Ancienne & Moderne Brissaud, Poitiers, 1994. Duc de GUISE (Henri II de Lorraine), Mémoires, Amsterdam, Marc-Antoine Jordan, 1712. H Suzanne d'HUART, Archives Rohan-Bouillon, SEVPEN, Paris, 1970. Suzanne d'HUART (Éditeur), Lettres de Turenne extraites des Archives Rohan-Bouillon, SEVPEN, Paris, 1971. I

Page 169: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

169

Hugues IMBERT, “ Registre de correspondance de Henri de La Trémoille, duc de Thouars ”, Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, tome XXXI, 1866, p. 35-364. Hugues IMBERT, “ Mémoire de Marie de La Tour d'Auvergne, duchesse de La Trémoille (1661) ”, Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, tome XXXII, 1867, p. 89-129. Hugues IMBERT, Documents inédits sur Thouars et les environs, Thouars-Niort, 1879-1881, 3 vol. L Charles-Louis de LA TRÉMOILLE (duc), Le chartrier de Thouars. Documents historiques et généalogiques, Paris, 1877. Charles-Louis de LA TRÉMOILLE, Les La Trémoille pendant cinq siècles, Nantes, 1890-1896, 5 vol, tome IV. Charlotte-Amélie de LA TREMOILLE, comtesse d’Altenbourg, Mémoires, Ed. Edouard de Barthélemy, Genève, 1876. Henri-Charles de LA TREMOILLE, prince de Tarente, Mémoires, Ed. Père Griffet, Liège, J. F. Bassompierre, 1767. Olivier LEFEVRE d’ORMESSON, Journal…, Ed. A. Chéruel, Imprimerie impériale, Paris, 1860-1861, 2 vol. M Louis MESCHINET de RICHEMOND, Extraits des registres protestants de Saintes, Imprimerie A. Hus, Saintes, 1895, 28 p. Louis MESCHINET de RICHMOND, “ Extrait du Liber amicorum de Guillaume Rivet, ancien élève de l’Université de Leyde ”, Bulletin de la Commission des Eglises Wallonnes, 2e Série, tome I, 1896, p. 321-350. Marquis de MONTGLAT (François de Paule de Clermont), Mémoires, Ed. Michaud et Poujoulat, Nouvelle collection des mémoires relatifs à l’Histoire de France, tome XXIX, Didier et Cie, Paris, 1857. Mme de MOTTEVILLE, Mémoires sur Anne d’Autriche et sa Cour. Nouvelle édition d’après le manuscrit de Conrart. G. Charpentier et Cie, Paris, 1886, 4 vol. Marie du MOULIN, Les dernières heures de Monsieur Rivet, ministre de la parole de Dieu, Seconde édition reveüe & corrigée, Utrecht, Jean Waesbergue, 1652. Pierre du MOULIN, “ La vie de M. Pierre du Moulin ministre de l’Eglise réformée de Sedan et professeur en théologie escrite par luy-même ”, B. S. H. P.F., 1858. O Amme-Marie-Louise d’ORLEANS, duchesse de Montpensier, Mémoires, Ed. A. Chéruel, Charpentier, Paris, 1858-1859, 4 vol. Anne-Marie-Louise d’ORLEANS, duchesse de Montpensier, Portraits littéraires, Ed. Christian Bouyer, Séguier, Paris, 2000. P Abbé Paul PARIS-JALLOBERT, Journal historique de Vitré ou documents et notes pour servir à l'histoire de cette ville, Vitré, 1880 et Editions régionales de l'Ouest à Mayenne, 1995. PONTCHARTRAIN, Mémoires, Ed. Michaud et Poujoulat, Nouvelle collection des mémoires relatifs à l’Histoire de France, tome XIX, Didier et Cie, Paris, 1857.

Page 170: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

170

D. PROVOST et A. GUILLOT, Relevés chronologiques et alphabétiques des registres paroissiaux de la Charente-Maritime : Paroisse de La Rochelle – Protestants. Mariages 1631-1648, tome III, Cercle Généalogique d’Aunis et de Saintonge, 1995. R Roger de RABUTIN, comte de Bussy, Mémoires, Paris, J. Anisson, 1696. André RIVET, Lettre de la bonne vieillesse, Utrecht, Jean Waesbergue, 1652. Cardinal de RETZ, Œuvres, Ed. Marie-Thérèse Hipp et Michel Pernot, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard, 1984. S Charles SAMARAN, Archives de la Maison de La Trémoille (Chartriers de Thouars et de Senant, papiers Duchatel), Honoré Champion, Paris, 1928. SAINTE-MARTHE (de), Histoire généalogique de la Maison de La Trémoille, Paris, 1668. J. A. M. SCHELLEKENS, La correspondance entre Guillaume Rivet et André Rivet en 1645, Kruiskampsingel 123, Den Bosch, Sans date, 160 p. Louis SEGOND, La Sainte Bible, Nouvelle édition de Genève 1979, Société Biblique de Genève, Cinquième édition 2001. SAINT-SIMON, Mémoires, Éd. Y. Coirault, La Pléïade, 1983- 1988, 8 vol. T TALLEMANT des REAUX, Historiettes, Éd. Antoine ADAM, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard, 1960-1961, 2 vol. Gaston TORTAT, “ Un livre de raison 1639–1668. Journal de Samuel Robert, lieutenant particulier en l’élection de Saintes ”, Archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis., tome XI, 1883, p. 323-406. Jean Luc TULOT, Correspondance du marquis et de la marquise de la Moussaye, Coll. Pages d’archives, Editions Honoré Champion, 1999. Jean Luc TULOT, Correspondance de Marie de La Tour d’Auvergne, duchesse de la Trémoille, (1601-1665), Saint-Brieuc, Edition provisoire du 1er août 1999. Jean Luc TULOT, Correspondance de Henri de La Trémoille, duc de Thouars (1598-1674), Saint-Brieuc, Edition provisoire du 1er août 1999. Jean Luc TULOT et Bernard Mayaud, “ Les Réformés de Saumur au temps de l’Edit de Nantes ”, Société des Lettres, Sciences & Arts du Saumurois, 90e année, N° 148 bis, Novembre 1999. Jean Luc TULOT, Un Huguenot à Paris au milieu du XVIIe Siècle : André Pineau, Saint-Brieuc, 2003. Jean Luc TULOT, “ Les La Trémoille et le Protestantisme au XVIe et au XVIIe siècle. 2 – Claude de La Trémoille, IIe duc de Thouars (1567-1604) ”, Cahiers du Centre de Généalogie Protestante, Troisième trimestre 2003, p. 122-153. Jean Luc TULOT, “ Les La Trémoille et le Protestantisme au XVIe et au XVIIe siècle. 3 - Charlotte-Brabantine de Nassau ”, Cahiers du Centre de Généalogie Protestante, Quatrième trimestre 2003, p. 173-202. V Philippe et François de VILLERS, Journal d’un voyage à Paris en 1657-1658, Ed. A. P. Faugère, Paris, Benjamin Duprat, libraire de l’Institut, de la Bibliothèque impériale et du Sénat, 1862. Philippe VINCENT, Lettre de Monsieur Vincent, pasteur de l’Eglise réformée de La Rochelle à Monsieur Rivet, docteur & professeur en théologie & curateur de l’Eschole Illustre & Collège

Page 171: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

171

d’Orange à Breda sur ce qui s’est passé à Thouars le 15 & 16 octobre 1649, sur la copie imprimée à Saumur chez Isac Des Bordes, imprimeur & marchand libraire avec quelques autres lettres & pièces concernantes le mesme faict, Sans lieu, 1649. Bibliothèque publique et universitaire, Ville de Genève, Archives Tronchin 8, fol. 209-216. W Cornélis de WAARD et collaborateurs, Correspondance du P. Marin Mersenne, Tomes I et II, Paris, Beauchesne, 1933-1937, Tomes III à XVI, Paris, Ed. du C.N.R.S., 1945-1988. Abraham de WICQUEFORT, Chronique discontinue de la Fronde (1648-1652), Choix de textes, introduction et présentation, annotation par Robert Mandrou, Librairie Arthème Fayard, 1978. Jacob-Adolf WORP, De Briewisseling van Constantijn Huygens (1608-1687), Rijks geschiedkundige publication, ’s-Gravenhage, 1911-1917, 6 vol.

BIBLIOGRAPHIE

A Antoine ADAM, Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, Bibliothèque de l’Evolution de l’Humanité, Editions Albin Michel, 1997, 3 vol. Roman d’AMAT et collaborateurs, Dictionnaire de biographie française, Librairie Letouzay et Ané, Paris, 1933-1994, 18 vol (Aage à Lacombe). M. S. ANDERSON, War and Society in Europe of the Old Regime (1618-1789), Fontana paperbacks, 1988. Philippe ARIÈS, L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Coll. L’Univers historique, Le Seuil, 1973. Philippe ARIÈS et Georges DUBY, Histoire de la vie privée. 3. De la Renaissance aux Lumières, Coll. Points Histoire, Le Seuil, 1999. Brian ARMSTRONG, Calvinism and the Amyraut heresy. Protestant Scolasticism and Humanism in Seventeenth Century France, University of Wisconsin Press, 1969. Brian ARMSTRONG, “ The Changing Face od French Protestantism. The influence of Pierre du Moulin ” in Robert V. SCHNUCKER, Calvinia. Ideas and Influence of Jean Calvin, Sixteenth Century Essays & Studies, Vol. X, Northeast Missouri State University, Kirksville, 1988, p. 131-150. Brian ARMSTRONG et Elisabeth LABROUSSE, “ Une lettre de Jean Durel à Charles Drelincourt (25 avril 1661) ”, B. S. H. P. F., tome 122, avril-juin 1976, p. 263-279. George d’AVENEL (vicomte), La Noblesse française sous Richelieu, Armand Colin, 1901. B Bernard BARBICHE et Ségolène de DAINVILLE-BARBICHE, Sully, Librairie Arthème Fayard, 1997. S. BARENDRECHT, François van Aerssen, diplomaat ann het Franse hof, Universitaire Pers Leiden, 1965. Roland BARTHES, Le grain de la voix, Coll. Points Essais, Le Seuil, 1999. Jean BAUBEROT, Histoire du protestantisme, Coll. Q. S. J. ?, P. U. F., 5e édition, 1998. H. et J. BAUCHET-FILLEAU, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, Poitiers-Fontenay-le-Comte, 1891-19.., 6 vol. parus jusqu’à May. Scarlett BEAUVALET-BOUTOUVRE, Etre veuve sous l’Ancien Régime, Editions Belin, Paris, 2001.

Page 172: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

172

Katia BÉGUIN, Les princes de Condé. Rebelles, courtisans et mécènes dans la France du Grand siècle, Champ Vallon, 1999. Philip BENEDICT, The Huguenot population of France, 1600-1685. The demographic fate and customs of a religious minority, The American Philosophical Society, Philadelphia, Reprint 1994. Yves-Marie BERCÉ, Nouvelle histoire de la France Moderne. 3. La naissance dramatique de l’absolutisme, 1598-1661, Coll. Points Histoire, Le Seuil, 1992. Jean BERENGER, Turenne, Librairie Arthème Fayard, 1987. François BILLACOIS, Le duel dans la société française des XVIe–XVIIe siècles. Essai de psychosociologie historique, Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, 1986. David BITTON, The French Nobility in Crisis, 1560-1640, Stanford University Press, Stanford, California, 1969. Marc BLOCH, Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Préface de Jacques Le Goff, Armand Colin, Paris, 2002. Donna BOHANAN, Crown aud Nobility in Early Modern France, Palgrave, 2001. Didier BOISSON et Christian LIPPOLD, “ Les protestants du centre de la France et du Bassin Parisien et la Révolution de l’édit de Nantes ”, B. S. H. P. F., tome 148, avril-juin 2002, p. 337-383. Richard BONNEY, Political change in France under Richelieu and Mazarin, 1624-1661, Oxford University Press, 1978. Mireille BOSSIS (Dir.), La lettre à la croisée de l’individuel et du social, Editions Kimé, Paris, 1994. Mireille BOSSIS, “ La lettre entre expression et communication ”, Horizons philosophiques, Volume 10, N°1, Automne 1999, p. 37-46. Hans BOTS et Françoise WAQUET, La République des Lettres, Coll. Europe & Histoire, Editions Belin, Paris, 1997. Johannes Alphonsus BOTS, “ André Rivet en zijn positie in de Republick der Letteren ”, Tijdschrift voor Geschiedents, tome 84, 1971, p. 24-35. Pierre BOURDIEU, La domination masculine, Coll. Points Essais, Le Seuil, 2002. Laurent BOURQUIN, Noblesse seconde et pouvoir en Champagne aux XVIe et XVIIe siècles, Publications de la Sorbonne, Paris, 1994. Robin BRIGGS, Early modern France, 1560-1715, Second Edition, Coll. Opus, Oxford University Press Paperback, 1998 Victor BUJEAUD, Chronique protestante de l’Angoumois XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, Réédition les Editions de la Tour Gile, Péronnas 1998. C Michel CARMONA, Richelieu, l’ambition et le pouvoir, Librairie Arthème Fayard, 1983. Michel CARMONA, Les Diables de Loudun. Sorcellerie et politique sous Richelieu, Arthème Fayard, 1988. Jean CASTAREDE, Bassompierre, 1579-1646. Maréchal, gentilhomme, rival de Richelieu, Perrin, 2002. Michel de CERTEAU, La possession de Loudun, Coll. Archives, Gallimard/Julliard, 1990. Michel de CERTEAU, L’écriture de l’histoire, Coll. Folio Histoire, Gallimard, 2002. Jean CHAPELOT, “ Société rurale et économique de marché en Saintonge aux XVe – XVIe siècles : l’exemple de la seigneurie de Taillebourg et de ses environs ”, Revue de la Saintonge et de l’Aunis, tome X, 1984, p. 63-104.

Page 173: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

173

Pierre CHAUNU, La Civilisation de l’Europe classique, Coll. Les Grandes civilisations, Arthaud, Paris, 2e édition, 1984. Pierre CHAUNU, La mort à Paris 16e, 17e, 18e siècles, Librairie Arthème Fayard, 1978. Adolphe CHERUEL, Histoire de France pendant la minorité de Louis XIV, Hachette, Paris, 1879-1880, 4 vol. Françoise CHEVALIER, Prêcher sous l'Edit de Nantes. La prédication réformée au XVIIe siècle en France, Labor et Fides, Genève, 1994. Pierre CHEVALIER, Louis XIII, roi cornélien, Librairie Arthème Fayard, 1979. Gustave COHEN, Ecrivains français en Hollande dans la première moitié du XVIIe siècle, Librairie Edouard Champion, 1920, Slatkine reprints, Genève, 1976. Jean-Marie CONSTANT, La vie quotidienne de la noblesse française aux XVIe-XVIIe siècles, Hachette, 1985. Jean-Marie CONSTANT, La société française aux XVIe – XVIIe – XVIIIe siècles, Coll. Synthèse Σ Histoire, Ophrys, 1994. Thera COPPENS, Frederik Hendrik en Amalia van Solms, Fontein, Baarn, 1987. Henri COURTEAULT, “ Annibal de La Trémoille, vicomte de Marcilly. Sa relation inédite du combat du faubourg Saint-Antoine ”, Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, tome LVIII, 1921, p. 216-307. James B. COLLINS, Estates and Orders in Early Modern Brittany, Cambridge University Press, 1994. James B. COLLINS, The State in Early Modern France, Cambridge University Press Paperback, 1999. Joël CORNETTE, Histoire de France : l’affirmation de l’Etat absolu, 1515-1652, Coll. Carré-Histoire, Hachette, Paris, 1994. Joël CORNETTE, Chronique de la France moderne. Tome II : De la Ligue à la Fronde, Coll. Regards sur l’Histoire, SEDES, Paris, 1995. Joël CORNETTE, La Mélancolie du Pouvoir. Omer Talon et le procès de la raison d’Etat, Librairie Arthème Fayard, 1998. Bernard COTTRET, 1598, L'Edit de Nantes, Perrin, 1997. Liliane CRÉTÉ, Le protestantisme et les femmes aux origines de l’émancipation, Labor et Fides, 1999. D Charles DANGIBEAUD, Etudes historiques ; le présidial de Saintes : Raimond de Montaigne, lieutenant-général de Saintes et président (1568-1637), Paris, J. Baux, 1881. Charles DANGIBEAUD, Minutes de notaires de Saintes, XVIIe-XVIIIe siècles, notes de lecture, La Rochelle et Ligugé, 1911-1921, recueil d’extraits publiés dans le Bulletin de la Société Archéologique et historique de Saintonge et Aunis. Maurice DAUMAS, La tendresse amoureuse, XVIe-XVIIIe siècles, Perrin, 1996. Godfrey DAVIES, The Early Stuarts, 1603-1660, Oxford University Press, Second edition, 1959. Natalie Z. DAVIS, Les cultures du peuple. Rituels, savoirs et résistances au 16e siècle, Coll. Historique, Aubier-Montaigne, Paris, 1979, Chapitre III : “ Les Huguenotes ”, p. 113-158. Pierre DRACHLINE, Une enfance à perpétuité, Le Cherche midi éditeur, Paris, 2000. DE LA CHENAYE-DESBOIS, Dictionnaire de la Noblesse, 2ème Edition, Paris, 1770-1786, 15 vol et 3ème Edition complétée par Badier, Paris, 1863-1876, 19 vol. Marcel DELAFOSSE (Dir), Histoire de La Rochelle, Collection Univers de la France, Edition Privat, Toulouse, 2002.

Page 174: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

174

Paul DELALAIN, Les libraires et imprimeurs de l’Académie française de 1634 à 1793. Notices biographiques, A. Picard et fils, Paris, 1907. Jean DELUMEAU (Dir.) L’acceptation de l’autre. De l’Edit de Nantes à nos jours, Librairie Arthème Fayard /Direction des Archives de France, 2000. G. DEREGNAUCOURT et D. POTON, La vie religieuse en France aux XVIe - XVIIe - XVIIIe siècles, Coll. Synthèse Σ Histoire, Editions Ophrys, 1995. Robert DESCIMON et Christian JOUHAUD, La France du premier XVIIe siècle 1594-1661, Coll. Sup Histoire, Belin, 1996. Jean-Paul DESPRAT, Les bâtards d’Henri IV. L’épopée des Vendômes (1594-1727), Perrin, 1994. Georges DETHAN, La vie de Gaston d’Orléans, Ed. de Fallois, 1992. Jonathan DEWALD, Aristocratic experience and the origins of modern culture. France, 1570-1715, University of California Press, 1993. Solange DEYON, Du loyalisme au refus : les Protestants français et leur député général entre la Fronde et la Révocation, Publications de l’Université de Lille III, Villeneuve-d’Ascq, 1976. Solange DEYON, “ Les non-dits d’un étrange procès : Tancrède de Rohan et ses juges (1645-1646) ”, B.S.H.P.F. tome 136, avril-juin 1990, p. 191-207. Paul DIBON, Regards sur la Hollande du siècle d’or, Biblioteca Europea, Vivarium, Napoli, 1990. Elsa DORLIN, L’évidence de l’égalité des sexes. Une philosophie oubliée du XVIIe siècle, Bibliothèque du féminisme, L’Harmattan, 2000. François DOSSE, L’histoire en miettes. Des “ Annales ” à la “ nouvelle histoire ”, Coll. Agora, Pocket, 1997. Orentin DOUEN, La Révocation de l’Edit de Nantes à Paris, Paris, Fischbacher, 1894, 3 vol. Henri DUBIEF et Jacques POUJOL, La France protestante. Histoire et lieux de mémoire, Max Chaleil Editeur, Montpellier, 1992. Georges DUBY et Michelle PERROT, Histoire des femmes. Volume III : XVIe-XVIIe siècles, sous la direction de Natalie ZEMON DAVIS et Arlette FARGE, Plon, 1991. Hélène DUCCINI, Faire voir, faire croire. L’opinion publique sous Louis XIII, Champ Vallon, Seyssel, 2003. Françoise DUCLUZEAU (Dir.), Histoire des protestants charentais (Aunis, Saintonge, Angoumois), Le Croît vif, Paris, 2001. P. DUMONCEAUX, “ Le XVIIème siècle : Aux origines de la lettre intime et du genre épistolaire ” in Jean-Louis BONNAT et Mireille BOSSIS (Direction), Ecrire, publier, Lire. Les Correspondances (Problématique et économie d’un "genre littéraire"), Publication de l’Université de Nantes, 1982, p. 289-302. Claude DULONG, La vie quotidienne des femmes au Grand siècle, Hachette, 1984. Claude DULONG, Anne d’Autriche, Perrin, 2000. Yves DURAND, La Maison de Durfort à l’Epoque moderne, Imprimerie Lussaud, Fontenay-Le-Comte, 1975. Yves DURAND, Les solidarités dans les sociétés humaines, Coll. L’Hisrorien, P.U.F., 1987. E Norbert ELIAS, La Société de Cour, Préface de Roger Chartier, Coll. Champs, Flammarion, 1985. Norbert ELIAS, La civilisation des moeurs, Coll. Agora, Pocket, 1999. Norbert ELIAS, La dynamique de l’Occident, Coll. Agora, Pocket, 1997. F Sébastien FATH, Idées reçues : les Protestants, Coll. Histoire & Civilisations, Le Cavalier bleu Editions, Paris, 2003.

Page 175: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

175

Lucien FEBVRE, Combats pour l’Histoire, Coll. Agora, Pocket, 1995. Paul de FELICE, Histoire du Protestantisme à Mer, 1ère Edition 1885, Réedition Res Universis, Paris, 1991. Henri FEUILLERET et Louis MESCHINET de RICHEMOND, Biographie de la Charente-Inférieure (Aunis et Saintonge), Clouzot, Niort, 1875, 2 vol. Louis FEVRE, Penser avec Ricoeur. Introduction à la pensée et à l’action de Paul Ricoeur, Chronique Sociale, Lyon, 2003. Gilles FEYEL, “ Théophraste Renaudot, ou le métier de journaliste ”, L’Histoire, N° 281, novembre 200 ”, p. 68-72.David FLUSSER, Jésus, Editions du Seuil, 1970. Madeleine FOISIL, La vie quotidienne au temps de Louis XIII, Hachette, 1992. Michel FOUCAULT, L’archéologie du savoir, Bibliothèque des Sciences humaines, Gallimard, 2002. Abbé C. FOUCHÉ, Taillebourg et ses seigneurs, Imprimerie de Javarzay, Chef-Boutonne, 1911. Marc FUMAROLI, Trois institutions littéraires, Coll. Folio-Histoire, Gallimard, 1994. Marc FUMAROLI, La diplomatie de l’esprit de Montaigne à La Fontaine, Coll. Tel, Gallimard, 2001. Marc FUMAROLI, L’âge de l’éloquence. Rhétorique et “ Res literaria ” de la Renaissance au seuil de l’Epoque classique, Librairie Droz, Genève, 2002. G Benoît GARNOT, Société, cultures et genres de vie dans la France moderne XVIe-XVIIIe siècle, Coll. Carré-Histoire, Hachette, Paris, 1991. Janine GARRISSON, L'Homme protestant, Ed. Complexe, Bruxelles, réédition 1986. Janine GARRISSON, L'Edit de Nantes et sa révocation, Coll. Points Histoire, Le Seuil, Paris, réédition, 1987. Janine GARRISSON (Dir.), Histoire des protestants en France de la Réforme à la Révolution, Editions Privat, Toulouse, 2e édition, 2001. Wendy GIBSON, Women in the Seventeenth Century France, Macmillan, 1989. Dominique GODINEAU, Les femmes dans la Société française 16e-18e siècles, Coll. U, Armand Colin, Paris, 2003. Elizabeth C. GOLDSMITH et Dena GOODMAN, Going public. Women and publishing in early modern France, Cornell University Press, 1995. Pierre GOUBERT, Mazarin, Librairie Arthème Fayard, 1990. Pierre GOUBERT et Daniel ROCHE, Les Français et l’Ancien Régime, Armand Colin, 1991, 2 vol. Cardinal Georges GRENTE (Dir), Dictionnaire des lettres françaises. Le dix-septième siècle, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1954. Christian GROSSE, Françoise CHEVALIER, Raymond A. MENTZER et Bernard ROUSSEL, “ Anthropologie historique : les rituels réformés (XVIe-XVIIe siècles) ”, B.S.H.P.F., Tome 148, octobre-décembre 2002, p. 979-1009. Marie-Claire GRASSI, Lire l’épistolaire, Dunod, 1998. H Frères HAAG, La France protestante, Paris, 1846-1859, 10 vol. et Slatkine reprints, Genève, 1966 ; 2ème édition publiée sous la direction d'Henri Bordier, Paris, 1677-1888, 6 vol. Danielle HAASE-DUBOSC et Eliane VIENNOT (Dir), Femmes et pouvoirs sous l’ancien régime, Rivages/Histoire, 1991.

Page 176: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

176

Ran HALEVI (Dir), Le savoir du Prince du Moyen Age aux Lumières, Librairie Arthème Fayard, 2002. Gregory HANLON, Confession and community in Seventeenth Century France. Catholic and protestant coexistence in Aquitaine, University of Pennsylvania Press, 1993. Geneviève HAROCHE-BOUZINAC, L’épistolaire, Collection Contours littéraires, Hachette, 1995. Geneviève HAROCHE-BOUZINAC, Lettre et réflexion morale. La lettre, miroir de l’âme, Klincksieck, 1999. Noémi HEPP et Jacques HENNEQUIN, Les valeurs chez les mémorialistes su XVIIe siècle avant le Fronde, Editions Klincksiek, 1979. Françoise HILDESHEIMER, Fléaux et société : de la Grande Peste au choléra, XIVe-XIXe siècles, Coll. Carré-Histoire, Hachette, Paris, 1993. Jacques HILLAIRET, Dictionnaire historique des rues de Paris, Les Editions de Minuit, 1963, 2 vol. H. J. HONDERS, Andreas Rivetus als invloedrijk gereformeerd theoloog in Holland’s bloeitijd, La Haye, Nijhoff, 1930. Céline HOUZART, “ La communauté protestante de Saint-Germain-des-Prés (1635-1640) ”, B.S.H.P.F., tome 142, juillet-septembre 1996, p. 404-405. Olwen HUFTON, The prospect before her. A History of Women in Western Europe. Volume I : 1500-1800, Fontana press, 1997. J. H. HUIZINGA, Dutch civilisation in the 17th Centiry and other essays, Fontana Library, 1968. I Hugues IMBERT, “ Histoire de Thouars ”, Mémoires de la Société de Statistique, Sciences et Arts des Deux-Sèvres, 2e série, tome X, 1870, Réédition Office d’édition du livre d’histoire, Paris, 1996. Jonathan I. ISRAEL, The Dutch Republic. Its Rise, Greatness, and Fall, 1477-1806, Oxford University Press, 1998. J Pierre JEANNIN, L’Europe du Nord-Ouest et du Nord aux XVIIe et XVIIIe siècles, Coll. Nouvelle Clio, P. U. F., 1969. Arlette JOUANNA, Le devoir de révolte. La noblesse française et la gestation de l’Etat moderne, 1559-1664, Librairie Arthème Fayard, 1989. K Jean-Claude KAUFMANN, Ego. Pour une sociologie de l’individu, Coll. Essais & Recherches, Nathan, 2001. Joan KELLY, Women History and Theory. The Essays of Joan Kelly, The University of Chicago Press, Paperback edition, 1986. J. P. KENYON, The Stuarts, Fontana paperback, 1982. J. P. KENYON, Stuart England, Coll. The Pelican History of England, Penguin Books, 1982. G. W. KERNKAMP, Prins Willem II (1626-1650), 2e Ed, Ad. Donker, Rotterdam, 1977. René de KERVILER et Edouard de BARTHELEMY, Valentin Conrart, premier secrétaire perpétuel de l'Académie française, sa vie et sa correspondance. Etude biographique et littéraire, suivie de lettres et de mémoires inédits, 1ère Edition Didier, Paris, 1881, Slatkine reprints, Genève, 1971. Sharon KETTERING, Patrons, Brokers and Clients in Seventeenth Century France, Oxford University Press, 1986. Sharon KETTERING, French society 1589-1715, Pearson education, 2001.

Page 177: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

177

Ruth KLEINMAN, Anne d’Autriche, Librairie Arthème Fayard, 1993. R. J. KNECHT, Richelieu, Longman, 1996. L J. P. LABATUT, Les ducs et pairs de France au XVIIe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1972. Elisabeth LABROUSSE, La révocation de l'Edit de Nantes. Une foi, une loi, un roi, Payot/Labor et Fides, 1985. Elisabeth LABROUSSE, “ Marie du Moulin éducatrice ”, B.S H. P.F., tome 139, avril-juin 1993, p. 255-268. Duc de LA FORCE, Le maréchal de La Force. Un serviteur de sept Rois (1558-1652), Librairie Plon, Paris, 1950. François LAPLANCHE, Orthodoxie et prédication. L’œuvre d’Amyraut et la querelle de la grâce universelle, P. U. F., Paris, 1965. François LAPLANCHE, L’Ecriture, le Sacré et l’Histoire. Erudits et politiques protestants devant la Bible en France au XVIIe siècle, APA-Holland University Press, Amsterdam & Maarssen, 1986. François LEBRUN, La vie conjugale sous l’Ancien Régime, Coll. U Prisme, Armand Colin, Paris, 1975. François LEBRUN, Marc VENARD et Jean QUENIART, Histoire générale de l’Enseignement et de l’Education en France. 2. De Gutenberg aux Lumières, Nouvelle Librairie de France, 1981. François LEBRUN, Se soigner autrefois. Médecins, saints et sorciers aux XVIIe et XVIIIe siècles, Coll. Points Histoire, Le Seuil, 1995. Jacques LE GOFF (Dir), La Nouvelle Histoire, Editions Complexe, Bruxelles, 1988. Emile G. LÉONARD, “ Le Protestantisme français au XVIIe siècle ”, Revue historique, 1948, p. 153-179. Emile G. LÉONARD, Le protestant français, P. U. F., 1953. Emile G. LÉONARD, Histoire générale du protestantisme, Edition de poche Quadrige, P. U. F., 1988. Pierre-E. LEROY, Le dernier voyage à Paris et en Bourgogne, 1640-1643, du réformé Claude Saumaise. Libre érudition et contrainte politique sous Richelieu, APA – Holland University Press, Amsterdam & Maarssen, 1983. Pierre-E. LEROY, “ Vérite et Mensonge, vérités et mensonges dans des correspondances privées du milieu XVIIe siècle ”, XVIIe Siècle, janvier-mars 1993, N° 178, p.61-69. Pierre-E. LEROY et Joy KLEINSTUBER, “ Au nom du père…. Le testament de Claude Sarrau et la vocation de pasteur de son fils Isaac ”, in Michelle MAGDELAINE, Maria-Cristina PITASSI, Ruth WHELAN et Antony McKENNA, De L’Humanisme aux Lumières, Bayle et le protestantisme. Mélanges en l’honneur d’Elisabeth Labrousse, Universitas, Paris & Voltaire Foundation, Oxford, 1996, p. 365-380. Emmanuel LE ROY-LADURIE, Histoire du climat depuis l’an mil, Coll. Champs, Flammarion, 2 vol, 1983. Emmanuel LE ROY-LADURIE, L’Ancien Régime, Coll. Pluriel, Hachette, 2 vol., 1993. E. LE ROY-LADURIE (Dir), Histoire de la France urbaine. 3. La ville des temps modernes de la Renaissance aux Révolutions, Coll. Points Histoire, Le Seuil, 1998. Claude LEVY-STRAUSS, La pensée sauvage, Coll. Agora, Pocket, 2002. Daniel LIGOU, Le protestantisme en France de 1598 à 1715, Coll. Regards sur l’Histoire, SEDES, Paris, 1968. Georges LIVET, La guerre de trente ans, Coll. Que sais-je ?, P.U.F., 6e édition corrigée, 1994.

Page 178: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

178

M Ian MACLEAN, Woman triumphant. Feminism in French Literature 1610-1652, Oxford University Press, 1977. Emile MAGNE, La joyeuse jeunesse de Tallemant des Réaux d’après des documents inédits, Emile-Paul Frères Editeurs, Paris, 1921. Theodor MAHLMANN, “ André Rivet ”, Biographisch-Bibliographische Kirchenlexikon, Verlag Traugott Bautz Gmbh, Website. Robert MANDROU, La France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Coll. Nouvelle Clio, P. U. F., 1967. Robert MANDROU, Histoire de la pensée européenne. 3. Des humanistes aux hommes de science (XVIe et XVIIe siècles), Coll. Points Histoire, Le Seuil, 1973. Robert MANDROU, Introduction à la France moderne 1500-1640, Bibliothèque de l’Evolution de l’Humanité, Albin Michel, 2e édition, 1974. Henri-Jean MARTIN, Histoire et pouvoir de l’écrit, Bibliothèque de l’Evolution de l’Humanité, Albin Michel, 1996. Henri-Jean MARTIN, Livre, pouvoirs et société à Paris au XVIIe siècle (1598-1701), Préface de Roger Chartier, Librairie Droz, Genève, 1999, 2 vol. Geneviève MAZE-SENCIER, Dictionnaire des maréchaux de France du Moyen Age à nos jours, Perrin, 2000. Raymond A. MENTZER Jr, Blood & Belief. Family survival and confessional identity among the provincial huguenot nobility, Purdue University Press, West Lafayette, Indiana, 1994. Raymond A. MENTZER, “ La place et le rôle des femmes dans les églises réformées ”, Archives de Sciences Sociales des Religions, 46e année, N° 113, janvier-mars 2001, p. 119-132. Raymond A. MENTZER et Andrew SPICER (Dir), Society and Culture in the Huguenot World, 1559-1685, Cambridge University Press, 2002. Louis MESCHINET de RICHMOND, Essai sur l’origine de la réformation à La Rochelle, précédé d’une notice sur Philippe Vincent, J. Cherbullier, Paris, 1859. Louis et Adolphe MESCHINET de RICHEMOND, “ André Rivet et Guillaume Rivet de Champvernon ”, B. S. H. P.F., tome LIV, 1905, p. 315-325. Hubert METHIVIER, Le Siècle de Louis XIII, Coll. Q. S. J. ?, P. U. F., 2e édition, 1967. Hubert METHIVIER, La Fronde, Coll. L’Historien, P.U.F., Paris, 1984. Jean MEYER, La Noblesse française à l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècles, Coll. Q.S.J. ?, P.U.F., 2e édition, 1996. Alain MICHAUD, Histoire de Saintes, Collection Univers de la France, Edition Privat, Toulouse, 1989. John MILLER (Dir.), L’Europe protestante aux XVIe et XVIIe siècles, Coll. Europe & Histoire, Editions Belin, Paris, 1997. A. Lloyd MOOTE, Louis XIII, the just, University of California Press, 1989. Mark MOTLEY, Becoming a French aristocrat. The Education of the Court nobility, 1580-1715, Princeton University Press, 1990. Samuel MOURS, “ Essai sommaire de géographie du protestantisme réformé français au XVIIe siècle ”, B. S. H. P. F., tome CXI, octobre-décembre 1965. Roland MOUSNIER, Les institutions de la France sous la Monarchie absolue (1598-1789), P.U.F., 1974-1980, 2 vol. Roland MOUSNIER, L’Homme rouge ou la vie du Cardinal de Richelieu (1585-1642), Coll. Bouquins, Robert Laffont, 1992. Robert MUCHEMBLED, L’invention de l’homme moderne. Culture et sensibilités en France du XVe au XVIIIe siècle, Coll. Pluriel, Hachette, 1994.

Page 179: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

179

Robert MUCHEMBLED, Société, cultures et mentalités dans la France moderne, XVIe-XVIIIe siècle, Coll. Cursus, Armand Colin, 1996. Robert MUCHEMBLED, La Société policée. Politique et politesse en France du XVIe au XXe siècle, Coll. L’Univers historique, Le Seuil, 1998. Robert MUCHEMBLED, L’invention de la France moderne, Coll. U, Armand Colin, Paris, 2002. Thomas MUNCK, Seventeenth Century Europe. State, Conflict and the Social Order in Europe. 1598-1700, Macmillan Press, 1990. N H. J. M. NELLEN, “ La correspondance savante au XVIIe siècle ”, XVIIe siècle, 1993, N° 1, p. 87-98. O OGÉE, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne. Nouvelle édition revue et augmentée par A. Marteville et P. Varin, Rennes 1843, reprint Joseph Floch, Imprimeur-éditeur, Mayenne, 1979, 2 vol. G. van OPSTAL, André Rivet. Een invloedrijk Hugenoot ann het hof van Frederik Hendrik, Harderwijk, 1937. P Georges PAGÈS, La guerre de Trente Ans, 1618-1648, Payot, Réédition 1991. Jacques PANNIER, L’Eglise réformée de Paris sous Louis XIII (1610-1621), Paris, E. Champion, 1922 et L’Eglise réformée de Paris sous Louis XIII (1621-1629), Paris, H. Champion, 1932, 2 vol. Geoffrey PARKER (Ed.), The Thirty Years War, Second edition, Routledge, 1997. Michel PERNOT, La Fronde, Ed. de Fallois, 1994. Jean-Dominique PIERUCCI, Un bâtard d’illustre maison : Hannibal de La Trémoille (1595-1670), Bulletin de la Société Historique et Scientifique des Deux-Sèvres, Deuxième série, tome V, 1972, p. 3-41 et p. 445-475 et tiré à part de ladite Société, Niort, 1973. J. H. PHILIPPS, “ Les chrétiens et la danse. Une controverse publique à La Rochelle en 1639 ”, B. S. H. P. F., tome 123, juillet-septembre 1977, p. 362-380. René PILLORGET, Paris sous les premiers Bourbons, Coll. Nouvelle histoire de Paris, Hachette, 1988. René et Suzanne PILLORGET, France baroque, France classique, Coll. Bouquins, Robert Laffont, 1995, 2 vol. Louis PINTO, Pierre Bourdieu et la théorie du monde social, Coll. Points Essais, Le Seuil, 2002. David PLANT, British Civil Wars, Commonwealth and Protectorate, website, 2001-2004. J. J. POELHEKKE, Frederik Hendrik, prins van Oranje. Een biografisch drieluik, Walburg Pers., Zutphen, 1978. Boris PORCHNEV, Les soulèvements populaires en France au XVIIe siècle, Coll. Science, Flammarion, Paris, 1972. Didier POTON et Patrick CABANEL, Les Protestants français du XVIe au XXe Siècle, Nathan Université, Paris, 1994. Ernest PRAROND, Claude Rivet de Mont Devis, auteur du premier plan gravé d’Abbeville, H. Champion, Paris, 1886, in-16, 23 p. J. J. PRICE, Holland and the Dutch Republic in the Seventeenth Century, Oxford University Press, 1994. Antoine PROST, Douze leçons sur l’histoire, Coll. Points-Histoire, Le Seuil, 1996. Bernard PUJO, Le Grand Condé, Albin Michel, 1995.

Page 180: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

180

Q Jean QUENIART, La Révocation de l'Edit de Nantes. Protestants et catholiques français de 1598 à 1685, Declée de Brouwer, 1985. R Orest RANUM, Les créatures de Richelieu, Edition A. Pedone, Paris, 1966. Orest RANUM, Les parisiens du XVIIe siècle, Coll. U Prisme, Armand Colin, 1973. Orest RANUM, La Fronde, Coll. L’Univers historique, Le Seuil, 1995. Orest RANUM, Paris in the age of absolutism. An essay, Revised and expanded edition, Pennsylvania State University Press, 2002. Pierre RAYSSIGUIER (Dir.), Saintes plus de 2000 ans d’histoire illustrée, Société d’Archéologie et d’Histoire de la Charente Maritime, Saintes, 2001. Michel-Edmond RICHARD, La vie des protestants français de l’Edit de Nantes à la Révolution (1598-1789), Les Editions de Paris, 1994. Denis RICHET, De la Réforme à la Révolution. Etudes sur la France moderne, Coll. Histoires, Aubier, Paris, 1991. Paul RICOEUR, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Coll. Points-Essais, Le Seuil, 2000. Paul RICOEUR, Histoire et Vérité, Coll. Points-Essais, Le Seuil, 2001. Lucien RIMBAULT, Pierre du Moulin (1568-1658), un pasteur classique à l'âge classique (Etude de théologie pastorale sur des documents inédits), Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1966. Kevin C. ROBBINS, City on the Ocean Sea : La Rochelle, 1530-1650. Urban Society, Religion, and Politics on the French Atlantic Frontier, Brill, Leiden, 1997. Nancy L. ROELKER, “ The Appeal of Calvinism to French Noblewomen in the Sixteenth Century ”, Journal of Interdisciplinary History, 2 (1972), p. 391-418. Herbert H. ROWEN, The Princes of Orange, Cambridge University Press Paperback, 1990. J. RUSSELL MAJOR, From Renaissance Monarchy to Absolute Monarchy : French Kings, Nobles & Estates, The Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1994. S Ellery SCHALK, L’Epée et le Sang. Une histoire du concept de noblesse (vers 1500-vers 1650), Champ Vallon, 1996. Simon SCHAMA, L’Embarras des richesses. Une interprétation de la culture hollandaise au siècle d’or, Coll. Bibliothèque des idées, Gallimard, Paris, 1991. Nicolas SCHAPIRA, Le secrétaire d’Etat des belles-lettres. Identité sociale et actions d’un professionnel des lettres au XVIIe siècle : la carrière de Valentin Conrart (1603-1675), Thèse d’Histoire de l’Université de Paris I, soutenue en décembre 2001, sous la direction de Christian Jouhaud et Daniel Roche à paraître en 2003 aux éditions Champ Vallon, Paris. Jean-François SOLNON, La Cour de France, Coll. Références, Le Livre de Poche, 1996. Louis SPIRO, “ Saujon : une Eglise protestante saintongeoise à travers quatre siècles d’histoire ”, B.S.H.P.F., tome CXXI, 1975, p. 163-246. Winifred STEPHENS, The La Trémoille Family. From the Crusades to the French Révolution, Houghton Mifflin Company, Boston and New York, 1914. T Victor L. TAPIÉ, La France de Louis XIII et de Richelieu, Coll. Champs, Flammarion, 1980. Hélène TIERCHANT, Le duc d’Epernon, Pygmalion/Gérard Walter, Paris, 2002.

Page 181: Grivetarivet03 - pagesperso-orange.frjeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Grivetarivet03.pdf · 2013. 9. 21. · Présentée et annotée par Jean Luc Tulot -=- 1642 est marquée le

181

U Anne UBERSFELD et Roland DESNE (Dir), Histoire littéraire de la France. 3. 1600-1660, Editions Sociales, Paris, 1975.

V F. P. van STAM, The Controversy over the Theology of Saumur, 1635-1650. Disrupting Debates among the Huguenots in Complicated Circumstances, APA-Holland University Press, Amsterdam-Maarssen, 1988. Marc VENARD, Les débuts du monde moderne (XVIe et XVIIe siècles), Coll. Le Monde et son Histoire, Bordas-Laffont, Paris, tome V et VI, 1967. Paul VEYNE, Comment on écrit l’histoire, Coll. Points-Histoire, Le Seuil, 1996. Christophe de VOOGD, Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, Librairie Arthème Fayard, 2003. Michel VOVELLE, Mourir autrefois. Attitudes collectives devant la mort aux XVIIe et XVIIIe siécles, Coll. Archives, Gallimard-Julliard, 1974. W Mitsuji WADA, “ La représentation des régions à l’assemblée générale protestante au 16e siècle : le cas de la province Saintonge-Aunis-Angoumois ”, B. S. H. P. F., tome 144, janvier-juin 1998. Françoise WAQUET, “ Les éditions de correspondances savantes et les idéaux de la République des lettres ”, Revue XVIIe siècle, 1993, N° 1, p. 99-118. William A. WEARY, “ The House of La Trémoille, fifteenth through eighteen centuries : Change and adaptation in a French noble family ”, Journal of modern history, N°49, mars 1977 (On demand supplement). Max WEBER, Sociologie des religions, Textes réunis par Jean-Pierre Grossein, Introduction de Jean-Claude Passeron, Bibliothèque des Sciences humaines, Editions Gallimard, 2001. Merry E. WIESNER, Women and Gender in Early Modern Europe, Cambridge University Press, Second edition, 2000. Kathleen WILSON-CHEVALIER et Eliane VIENNOT, Royaume de fémynie. Pouvoirs, contraintes, espaces de liberté des femmes, de la Renaissance à la Fronde, Honoré Champion, Paris, 1999. Z Roger ZUBER, La littérature française du XVIIe siècle, Coll. Q. S. J. ?, P.U. F., 2e édition 1997.

-=- Jean Luc Tulot, F 22000 Saint-Brieuc, 1er janvier 2007