31

Click here to load reader

Hallucinations Et Création Littéraire Chez Flaubert

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Hallucinations Et Création Littéraire Chez Flaubert

Citation preview

Hallucinations et cration littraire chez FlaubertChiara PasettiEnseignante, chercheuse et critique littraireVoir [rsum] Flaubert fut atteint ds sa jeunesse par une grave maladie. En proie des hallucinations bien avant le dbut de ses crises nerveuses, lcrivain fut toujours passionn par ces phnomnes qui semblent avoir influenc sa cration littraire. Deux longues lettres trs connues, changes avec Taine, font le point sur les connaissances et les expriences de Flaubert ce sujet. Il y distingue plusieurs types dhallucinations, diffrenciant les hallucinations vraies des pathologiques et explorant les hallucinations artistiques. la lumire des connaissances actuelles, peut-on tenter dclairer ce domaine? Quelles sont les caractristiques de la maladie de Flaubert? Les hallucinations qui surgissent aprs le dbut de sa maladie sont-elles autres que celles qui survinrent prcdemment? Puisquil a communiqu ces hallucinations certains de ses personnages, peut-on dire que cette maladie a influenc son Art et sa cration littraire?Deux tendances se partagent lensemble de luvre de Flaubert, de sa jeunesse sa mort: une veine que nous pouvons appeler fantastique-romantique et une autre critique-raliste. La premire se caractrise par une inclination au lyrisme, une me romantique et passionne, un amour pour lextraordinaire, le fantastique, la hurlade mtaphysique, mythologique[1], pour les orgies de limagination et pour lexubrance des formes et des couleurs[2]. La facult critique-raliste, au contraire, correspond un besoin de ralit, de prcision, de nettet et de relief, un besoin et un dsir de ce sens merveilleux du Vrai qui embrasse les choses et les hommes et qui pntre jusqu la dernire fibre[3]. On a pu parler dhomo duplex. Flaubert explique lui-mme do vient son dualisme:Il y a en moi, littrairement parlant, deux bonshommes distincts: un qui est pris de gueulades, de lyrisme, de grands vols daigle, de toutes les sonorits de la phrase et des sommets de lide; un autre qui fouille et creuse le vrai tant quil peut, qui aime accuser le petit fait aussi puissamment que le grand, qui voudrait vous faire sentir presque matriellement les choses quil reproduit; celui-l aime rire et se plat dans les animalits de lhomme[4].Toutes les uvres de Flaubert, y compris les uvres de jeunesse, sarticulent autour dun axe double: dun ct la prose flamboyante, les lyrismes, [les] gueulades et [les] excentricits philosophico-fantastiques[5], de lautre la prose sche, le ralisme cru. Linclination aux rves et aux rveries se prolonge trs souvent en hallucination. Lhallucination, gratifiante ou non, retient lattention non seulement par son contenu, mais aussi par ses modalits dinsertion dans le tissu narratif, quil sagisse dune hallucination auditive ou visuelle. Toutes les uvres de Flaubert, mmes les uvres de jeunesse, antrieures de plusieurs annes la manifestation de sa maladie, ses romans et ses plans duvres inacheves, comme La Spirale ou Le Rve et la vie, prsentent de diffrentes manires ces thmes du rve et de lhallucination.Si Flaubert avait suivi la volont de son pre, il serait devenu avocat et aurait abandonn lcriture. Quand il sinscrit la Facult de Droit de Paris en novembre 1841, juste avant son vingtime anniversaire, il a dj compos de nombreuses uvres, et il la passion quil prouvait pour la Littrature et lcriture. Mais il se rend Paris comme sa famille le lui avait ordonn, et la correspondance de cette priode est riche de formules de maldiction adresses au Droit, au code civil et la facult. La haine du droit grandit de jour en jour, et aprs dix-huit mois dtude, il na t reu qu un seul examen. Il a chou en aot 1843 et il ne se prsentera plus au concours. Quel tait donc le seul moyen de mettre un terme cette situation insupportable? Quel tait le seul argument qui pouvait convaincre son pre de le faire revenir Rouen pour soccuper comme il lentend[ait], cest--dire dArt jusqu la fin de sa vie? La sant, probablement cest--dire une maladie. Et ce fut une maladie nerveuse. Lvnement qui surgit sur le trajet de Pont-lvque[6] a profondment chang Flaubert. Ds la deuxime crise, il abandonna les tudes de Droit et alla vivre Croisset, dans la maison que son pre avait achete cette mme anne.Personne ne lui demandera jamais plus de devenir avocat ou juge. Il pourra se consacrer uniquement lcriture. Ltat de lartiste en proie ses visions, qui utilise lart, comme il lavait fait jusqualors dans ses crits de jeunesse (on pense aux Mmoires dun fou, mais aussi Passion et vertu, Rve denfer, Rage et impuissance, Novembre, etc.) pour extrioriser, pour ex-poser les rveries et les visions qui lassigeaient, vient rejoindre celui du malade fascin par les hallucinations visuelles, auditives, olfactives, gustatives, etc., qui simposent lui. Il prend alors dans et par la littrature une revanche vis--vis de sa famille, et une revanche aussi envers lui-mme, parce quil peut par son criture sublimer la souffrance prouve dans la maladie, se crer un univers particulier, une faon diffrente de celle des autres hommes de voir tout. Cette atmosphre spciale salimentait de son gnie cratif et de sa pathologie, quelle ft nerveuse ou organique. Du reste il a souvent parl dans ses lettres de la proximit troite qui existe entre la folie et la cration, ainsi que de son attirance pour les fous et de leur attrait rciproque envers lui, en se demandant o passait la limite entre linspiration et la folie, entre la stupidit et lextase. Et il a la certitude, que ces deux tats sont trs troitement lis:Lart nest pas un jeu desprit. Cest une atmosphre spciale. Mais qui dit, qu force de descendre toujours plus avant dans les gouffres pour respirer un air plus chaud, on ne finit [pas] par rencontrer des miasmes funbres?[7]Dans quelles circonstances cette maladie sest-elle donc manifeste? Quen pensaient Flaubert et sa famille, et aprs eux les critiques? Comment a-t-elle a influenc sa cration et ses hallucinations?Au dbut de janvier 1844, Flaubert se trouve Vernon pour la Saint-Sylvestre. Avec son frre, ils vont jusqu Deauville, o la famille veut faire construire un chalet. Sur la route du retour, entre Pont-lvque et Rouen, alors que Flaubert tient lui-mme les rnes de la voiture, il a sa premire crise. Il tombe, comme frapp dapoplexie, au fond du cabriolet, et son frre le croit mort pendant dix minutes. Achille conduit son frre vers la maison la plus proche o il le saigne, et aprs plusieurs saignes, Gustave revient lui et peut tre transport Rouen o il sera soign par son pre. cet tat presque cadavrique, la crise suivie de dlire, au torrent de flammes[8] dans lequel il sest senti emport tout coup, succda chez Gustave un tat de profonde prostration, et une convalescence incertaine. La famille esprait alors quil sagissait l dun accident sans lendemain, mais dautres attaques de nerfs survinrent; il en eut quatre dans la quinzaine suivante[9], selon le tmoignage de Du Camp.Flaubert lui-mme a racont Ernest Chevalier, peu aprs ses premires crises, la nature des soins qui lui ont t prodigus, et il a dcrit sa maladie comme une congestion au cerveau:Mon vieil Ernest, tu as manqu sans ten douter faire le deuil de lhonnte homme qui tcrit ces lignes. [] Je suis encore au lit avec un ston dans le cou, ce qui est un hausse-col moins pliant encore que celui dun officier de la garde nationale, avec force pilules, tisanes et surtout ce spectre mille fois pire que toutes les maladies du monde, quon appelle Rgime. Sache donc, cher ami, que jai eu une congestion au cerveau, qui est dire [ sic ] comme une attaque dapoplexie en miniature avec accompagnement de maux de nerfs que je garde encore parce que cest bon genre. [] On ma fait 3saignes en mme temps et enfin jai rouvert lil. Mon pre veut me garder ici longtemps et me soigner avec attention, quoique le moral soit bon parce que je ne sais pas ce que cest que dtre troubl. Je suis dans un foutu tat, la moindre sensation tous mes nerfs tressaillent comme des cordes violon, mes genoux, mes paules et mon ventre tremblent comme la feuille. [] On me fera prendre de bonne heure cette anne lair de la mer, on me fera faire beaucoup dexercice et surtout beaucoup de calme[10].Ds ce moment, on conclut que le jeune homme est affect dun mal mystrieux, tout fait caractristique du XIXesicle, un mal de nerfs qui a fait couler beaucoup dencre chez les mdecins et les critiques, soit dun point de vue strictement clinique, soit dun point de vue esthtique. On veut comprendre comment ce mal a influenc son art. Cest Flaubert lui-mme qui en parle dans les lettres ses amis et ses correspondants en utilisant les expressions maladie de nerfs, mal de nerfs, ou encore mes attaques de nerfs. Dans une lettre du 8octobre 1859 Marie-Sophie Leroyer de Chantepie, il le dfinit comme une irritation nerveuse[11].Cette maladie la tourment pendant plusieurs annes, dautres crises se sont manifestes, surtout pendant la premire priode de sa relation avec Louise Colet. Mais elles ont disparu presque compltement pendant la rdaction de Madame Bovary: en 1857, il dclare Marie-Sophie Leroyer de Chantepie tre guri, et on pourrait supposer que ce premier roman publi lui a permis de sublimer ses attaques nerveuses dans les hallucinations et les rveries dEmma. La sacro-sainte littrature a eu pour lui une valeur de catharsis. Les crises reparaissent ensuite sporadiquement dans sa maturit et dans les dernires annes de sa vie.Le premier qui parle explicitement de la nature pileptique du mal de Flaubert est Du Camp: Le mal sacr, la grande nvrose, celle que Paracelse a appele le tremblement de terre de lhomme, avait frapp Gustave et lavait terrass[12], crit-il dans ses Souvenirs littraires.Mais le tmoignage est suspect. On connat les sentiments de jalousie et denvie de Maxime prouvs envers son ami crivain. Ils lont pouss faire cette rvlation, sans doute dans le dessein de lui nuire.Il est remarquable quaprs la crise de janvier 1844, Flaubert ne parle jamais dpilepsie dans sa correspondance propos de sa maladie, alors quantrieurement, dans une lettre sa sur de 1843, il emploie les mots haut mal et mal caduc, dans une tournure hypothtique:Mais je pioche comme un enrag et, dici au mois daot, je suis dans un tat de fureur permanente. Il men prend quelquefois des crispations et je me dmne avec mes livres et mes notes comme si javais la danse de Saint-Guy, patron des tailleurs, ou comme si je tombais du haut mal, du mal caduc[13].Aprs la crise de janvier 1844 et la rclusion Croisset, Flaubert ne parlera presque jamais dpilepsie sauf dans deux lettres adresses Louise Colet, et seulement dune faon allusive. Dans une de ces deux lettres, il raconte quen son jeune ge il mimait devant son pre constern, et qui lui avait dfendu de limiter, un mendiant pileptique, rencontr au bord de la mer:Il mavait cont son histoire, il avait t dabord journaliste, etc. Ctait superbe. Il est certain que quand je rendais ce drle jtais dans sa peau. On ne pouvait rien voir de plus hideux que moi ce moment-l. Comprends-tu la satisfaction que jen prouvais?[14]Lide que lpilepsie simule puisse en devenir une vritable semble tre trs rpandue et accepte cette poque dans le milieu mdical. Cest ce quon peut constater dans le Dictionnaire des dictionnaires de mdecine franais et trangers, publi en 1850.Daprs toutes les descriptions fournies par les dictionnaires de mdecine de lpoque traitant de linfluence de limitation sur lpileptique, on peut aisment comprendre la raison pour laquelle le pre mdecin a dfendu formellement Gustave dimiter (ou de jouer le rle de) cet ancien journaliste pileptique. Lart de se mettre dans la peau des autres tait trs vif en Flaubert, en particulier quand il jouait le personnage du Garon, au point quil aurait pu tre un excellent acteur, parce quil en sentait la force intime. De nos jours galement limitation, la pathomimie, sont reconnus comme des mcanismes typiquement hystriques. Lhystrie sappelle aujourdhui personnalit dhistrion, et quel est le meilleur histrion quun acteur?Dans la deuxime et dernire lettre o il fait allusion lpilepsie, Flaubert crit Louise Colet en 1846: Il mest impossible de continuer plus longtemps une correspondance qui devient pileptique. Changez-en, de grce. [][15] Malheureusement, la quasi-totalit des lettres de Louise Colet ont disparu, et on ne peut pas savoir ce quelle lui avait crit. Cette lettre aurait peut-tre permis de comprendre pourquoi il qualifie leur correspondance dpileptique: y avait-il un vrai lien avec les manifestations de lpilepsie, ou bien emploie-t-il ce terme comme synonyme de schizophrnique, au sens o les deux amants ne se comprenaient pas dans leurs changes pistolaires?Une seule fois dans sa correspondance, Flaubert dit quil a la maladie noire [16], mais cette singulire appellation na rien voir avec le mal sacr. Elle est quand mme intressante pour sa valeur vocatoire et pour les associations quon peut tablir. Maladie noire, peut-tre parce que les images quil retient de ses crises sont des images funbres, et quil a souvent prouv la sensation de mourir pendant ses attaques, comme le confirment ces expressions tires de sa correspondance: jai la conviction dtre mort plusieurs fois; Je suis sr que je sais ce que cest que mourir. Jai souvent senti nettement mon me qui mchappait, comme on sent le sang qui coule par louverture dune saigne[17]. propos de sa mre, il crit en 1846 quelle se trouve dans un tat affreux, parce quelle a eu des hallucinations funbres. Ou encore, la maladie peut tre dite noire par association avec les papillons noirs, cest--dire ces rondelles de satin que certaines personnes voient flotter dans lair, quand le ciel est gristre et quelles ont la vue fatigue, image suggestive quil utilise pour expliquer son ami Taine ce qui se passe pendant lhallucination proprement dite qui commence par une seule image qui grandit et se dveloppe et finit par couvrir la ralit objective[18]. Ce ne sont que des suppositions: le terme maladie noire ne se rfre aucune maladie nerveuse spcifique, mais plutt un tat pathologique caractris par une profonde tristesse[19], ce qui est presque la dfinition de la mlancolie. cette affection saturnienne la mode parmi les artistes du XIXesicle sont associs des tats morbides, lennui, le spleen, la nvrose, la manie dpressive, la folie. Dj Aristote, dans Problemata, publis sous le titre La mlancolie de lhomme de gnie, se demandait pourquoi tous ceux qui excellent dans la philosophie, dans la politique, dans la posie et dans les arts sont dcidemment mlancoliques, et tous de telle faon quils sont affligs par les manifestations morbides qui drivent de cette bile noire[20]. Dans les uvres de Flaubert, on trouve de nombreuses images dans lesquelles les couleurs noires ou sombres sont associes des tats dennui, de mlancolie, et quelquefois aussi des hallucinations. La plus intressante nous semble tire de Salammb: la mlancolie qui gagne le Gaulois Autharite au milieu dun paysage domin par un soleil noir, devant une mer couleur de plomb, lui donne la fin des visions de feux tremblants:Souvent, au milieu du jour, le soleil perdait ses rayons tout coup. Alors, le golfe et la pleine mer semblaient immobiles comme du plomb fondu. Un nuage de poussire brune, perpendiculairement tal, accourait en tourbillonnant; les palmiers se courbaient, le ciel disparaissait, on entendait rebondir des pierres sur la croupe des animaux; et le Gaulois, les lvres colles contre les trous de sa tente, rlait dpuisement et de mlancolie. Il songeait la senteur des pturages par les matins dautomne, des flocons de neige, aux beuglements des aurochs perdus dans le brouillard, et, fermant ses paupires, il croyait apercevoir les feux des longues cabanes, couvertes de paille, trembler sur les marais, au fond des bois[21].Toujours dans Salammb, on rencontre la seule mention lpilepsie dans toute luvre de Flaubert: le gouverneur des esclaves [giddenam] tenait dans ses doigts tout chargs de bagues, un collier en grains de gagates pour reconnatre les hommes sujets au mal sacr.[22]Dans lentourage de Flaubert, on peut au contraire supposer quon parlait dpilepsie; dans une lettre de son frre Achille, date du 17janvier 1860[23] et adresse au docteur Cloquet, il est fait mention des accidents pileptiformes qui ont rapparu chez lcrivain, imputs en partie son style de vie. Lallusion au retour de la maladie pose deux questions: sagit-il vritablement de crises pileptiformes revenues dans la maturit de Flaubert? Mais alors, pour quelles raisons vitait-il toujours soigneusement (et dlibrment?) den parler en termes clairs? Sagissait-il dun tabou familial, ou aprs les tudes psycho-mdicales[24] quil avait effectues, neut-il jamais limpression dtre affect par le mal sacr, mais plutt par une forme de nvrose plus proche de lhystrie?Aprs les rvlations de DuCamp, de nombreux critiques ont soutenu la thse de lpilepsie, et dans les textes des mdecins contemporains, la question semble tre considre comme rsolue: les crises taient conscutives une lsion crbrale, en particulier une lsion occipito-temporale de son hmisphre crbral gauche, comme le dit le texte le plus accrdit, celui dHenri Gastaut[25]. Dans les annes 1970, LIdiot de la famille revient sur la question, Sartre affirmant au contraire lhystrie. Selon lui, Flaubert fut un hystrique dintelligence moyenne ayant converti sa nvrose en crises crises dont la nature hystrique ou pileptique ne lintresse pas beaucoup, dans la mesure o son seul but est de les faire dpendre du pithiatisme fondamental quil cherche dmontrer. Pithiatisme, cest--dire un tat morbide provoqu par des facteurs suggestifs, et modifiable donc avec des mthodes fondes sur la suggestion (celles pratiques par Charcot dans le traitement de lhystrie). La thse de Sartre, bien quon ne puisse y adhrer compltement, est quand mme fascinante. Elle est en un certain sens rvalue par les plus rcentes thories neurologiques qui parlent de pseudo-crises, ou crises psychognes, ou encore plus prcisment de crises psychognes non pileptiques [26].Le docteur Dumesnil, en produisant de trs intressants documents sur la mort de Flaubert[27] (qui na pas pour cause, selon lui, une attaque pileptique, comme lavait crit DuCamp et dautres, mais une hmorragie ventriculaire, provoquant une ischmie crbrale), soutient quil ne souffrait que dune nvrose de nature hystro-neurasthnique. Au contraire du terme dpilepsie, celui dhystrie figure de nombreuses reprises dans la correspondance de Flaubert, appliqu lui-mme dans une lettre de 1867:Jai des battements du cur pour rien. Chose comprhensible, du reste, dans un vieil hystrique comme moi. Car je maintiens que les hommes sont hystriques comme les femmes et que jen suis un. Quand jai fait Salammb jai lu sur cette matire-l les meilleurs auteurs et jai reconnu tous mes symptmes. Jai la boule, et le clou, locciput[28].Sans prtendre rfuter la thse du grand neurologue Gastaut, notre tude privilgie plutt lhypothse de lhystro-pilepsie, pathologie nerveuse tudie et dcrite par Charcot dans ses Leons la Salpetrire, et aujourdhui rvalue, comme on la dj soulign, par une approche plus neuropsychologique (dans le sens cognitif ou affectif) que dans les annes 1980, alors que Gastaut refusait cette notion sur la base dun courant biopsychologique plus strictement organiciste. Il faut quand mme reconnatre quil est impossible, a posteriori, dmettre un diagnostic prcis, et donc de trancher une fois pour toutes ces questions, qui restent ouvertes et susceptibles dinterprtations diffrentes.Ce qui est certain, cest que Flaubert sintressait de trs prs aux manifestations hystriques, et aussi aux troubles senso-perceptifs et aux troubles de la pense plus strictement lis lalination mentale (hallucinations, illusions, fausses rminiscences, etc.). Aprs les premires manifestations de sa maladie, il a lu de nombreux textes sur les maladies nerveuses et sur les hallucinations, surtout les deux ouvrages contemporains fondamentaux sur les hallucinations, ceux dEsquirol et de Brire de Boismont[29].Ces tudes lavaient charm, selon son expression, et elles avaient sans doute contribu la gense de la premire Tentation; il reprit et poursuivit ces lectures pour Salammb, en lisant aussi les uvres de son ami Alfred Maury, Le Sommeil et le rve et Des hallucinations hypnagogiques. Lattention de Flaubert sur ces questions est si vive que son ami Taine, en 1866, lui adressera des questions ce sujet; Flaubert rpondra si prcisment que Taine dcidera de faire tat de ses rponses dans De lIntelligence.Du reste, lpoque de Flaubert, lhallucination, aussi bien le mot que le concept, occupe le devant de la scne[30], partir de la dfinition propose par Esquirol: un homme en dlire qui a la conviction intime dune sensation actuellement perue, alors que nul objet extrieur propre exciter cette sensation nest porte de ses sens, est dans un tat dhallucination. Cest un visionnaire.[31] Lhallucination, selon Esquirol, est un rve ltat de veille, et les hallucins sont des rveurs veills, ce qui rvle ltroite parent entre rves et hallucinations.Dans la dfinition de Jaspers, les hallucinations sont des perceptions fausses relles, qui ne reprsentent absolument pas des distorsions de perceptions relles, mais qui sortent delles-mmes comme quelque chose de compltement nouveau[32]. Fausses reprsentations relles, cest--dire que le plan de lillusion se superpose au plan de la ralit, sans sy opposer, mais en mergeant de la ralit, en labsence de stimuli externes. Lhallucination devient une superposition involontaire de ralit et dillusion, indiscernable des objets rels: un phnomne physique, involontaire, et trs intrusif. Une no-production donc, de genre perceptif, disjointe du rel, dforme et produite par lintrieur du sujet. Quelque chose daltr, une source mystrieuse dimages de complexit et de difformit croissante, qui tablit un circuit pervers entre illusion et dlire. Lhallucin produit une seconde ralit qui se superpose au rel, en le dsarticulant et en le rduisant en miettes. Lespace de lhallucination est dforme et fragment, et devient un lieu de terreur, de dsorientation et de perte. Le sujet marche sur la limite, dans un lieu confus la marge de la ralit.Et lhallucination est vision, hallucination visuelle. Cest la plus frquente, en effet, aussi bien dans les crits de Flaubert que chez dautres artistes qualifis de visionnaires. Les rflexions de Flaubert sur les hallucinations, lues plus dun sicle et demi de distance, semblent vraiment prcises et clairantes. Pour connatre ce quil pensait des hallucinations, nous possdons heureusement les deux lettres trs connues Taine. Flaubert souligne tout de suite le lien profond entre hallucination et mmoire, au point de dfinir les hallucinations comme une maladie de la mmoire, un relchement de ce quelle recle. Et il comprend, sans tre psychiatre, que le point commun du rve et des tats oniriques et onirodes (tats proches du rve) est limage.Dans sa premire lettre Taine, aprs avoir parl de son identification avec Emma pendant quil crivait la scne de lempoisonnement (il passe donc de la vision lidentification), au point de sentir le got darsenic dans la bouche, et de vomir tout [son] dner, Flaubert doit rpondre une question sur les hallucinations hypnagogiques:Lintuition, ou limage artistique et potique du romancier, telle que vous la connaissez, en diffre-t-elle beaucoup pour lintensit? Ou bien la diffrence est-elle simplement que ces images et hallucinations, situes sur le seuil du sommeil, sont dsordonnes et non volontaires?[33]Flaubert rpond alors:Lintuition artistique ressemble en effet aux hallucinations hypnagogiques par son caractre de fugacit , a vous passe devant les yeux cest alors quil faut se jeter dessus, avidement, mme si souvent aussi limage artistique se fait lentement pice pice comme les diverses parties dun dcor que lon pose; puis il revient lhallucination pathologique, quil a prouve:Du reste nassimilez pas la vision intrieure de lartiste celle de lhomme vraiment hallucin. Je connais parfaitement les deux tats; il y a un abme entre eux. Dans lhallucination proprement dite, il y a toujours terreur, on sent que votre personnalit vous chappe, on croit quon va mourir. Dans la vision potique, au contraire, il y a joie. Cest quelque chose qui entre en vous. Il nen est pas moins vrai quon ne sait plus o lon est?[34]Cest la premire lettre sur ce thme. Taine veut en savoir plus. Quelques jours plus tard, Flaubert envoie une seconde lettre, quil vaut la peine de lire presque entirement:Voici ce que jprouvais, quand jai eu des hallucinations:1. Dabord une angoisse indtermine, un malaise vague, un sentiment dattente avec douleur, comme il arrive avant linspiration potique, o lon sent quil va venir quelque chose [].2. Puis, tout coup, comme la foudre, envahissement ou plutt irruption instantane de la mmoire car lhallucination proprement dite nest pas autre chose, pour moi, du moins. Cest une maladie de la mmoire, un relchement de ce quelle recle. On sent les images schapper de vous comme des flots de sang. Il vous semble que tout ce quon a dans la tte clate la fois comme les mille pices dun feu dartifice, et on na pas le temps de regarder ces images internes qui dfilent avec furie. En dautres circonstances, a commence par une seule image qui grandit, se dveloppe et finit par couvrir la ralit objective, comme par exemple une tincelle qui voltige et devient un grand feu flambant. Dans ce dernier cas, on peut trs bien penser autre chose, en mme temps; et cela se confond presque avec ce quon appelle les papillons noirs, cest--dire ces rondelles de satin que certaines personnes voient flotter dans lair, quand le ciel est gristre et quelles ont la vue fatigue.Je crois que la Volont peut beaucoup sur les hallucinations. Jai essay men donner sans y russir. Mais trs souvent, et le plus souvent je men suis dbarrass force de volont. []Dans lhallucination artistique, le tableau nest pas bien limit, quelque prcis quil soit. Ainsi je vois parfaitement un meuble, une figure, un coin de paysage. Mais cela flotte, cela est suspendu, a se trouve je ne sais o. a existe seul et sans rapport avec le reste, tandis que, dans la ralit, quand je regarde un fauteuil ou un arbre, je vois en mme temps les autres meubles de ma chambre, les autres arbres du jardin, ou tout au moins je perois vaguement quils existent.Lhallucination artistique ne peut porter sur un grand espace, se mouvoir dans un cadre trs large. Alors on tombe dans la rverie et on revient au calme. Cest mme toujours comme cela que cela finit.Vous me demandez si elle sembote, pour moi, dans la ralit ambiante? Non. La ralit ambiante a disparu. Je ne sais plus ce quil y a autour de moi. Jappartiens cette apparition exclusivement[35].Intuition artistique, image artistique, vision intrieure de lartiste, vision potique: dans sa premire rponse, Flaubert tourne autour de ces mots, et ce nest quaux dernires lignes de sa seconde lettre quil va plus loin et crit hallucination artistique. Donc, lhallucination pure et simple est mise en parallle avec lhallucination artistique.Hallucination artistique, dans laquelle, selon ses mots, le tableau nest pas bien limit, quelque prcis quil soit, et pendant laquelle il appartient cette apparition exclusivement.Au contraire de lhallucination proprement dite, qui fait peur parce que le sujet court le risque de sa destruction[36], cette hallucination donne toujours de la joie (on revient au calme, dit Flaubert) parce quelle est affranchie de la composante psychonvrotique qui en constitue la forme primaire. Cest cet tat que Flaubert a prouv toute sa vie, de sa jeunesse sa mort, et quil a transpos dans ses personnages visionnaires: ses excentricits philosophico-fantastiques, sa flamboyante crativit. Paradoxalement, ltat de lartiste en proie ses visions vient rejoindre celui du malade fascin et effray par ses hallucinations, et il y a l une revanche prise dans et par la littrature.Bien sr, il a prouv aussi des hallucinations pathologiques pendant ses crises de nerfs, consquences dune maladie nerveuse qui lui a permis de les tudier scientifiquement, comme il la crit Marie-Sophie Leroyer de Chantepie[37]. Il les a donns ses personnages dune manire plus prcise que dans le pass dans son pass davant la maladie en russissant aussi sen dbarrasser, ou mieux les apaiser, ne plus en souffrir grce leur sublimation dans lArt.Tout cela va crer une continuelle alternance entre hallucinations artistiques et hallucinations proprement dites trs fascinante et perturbante, qui fait la magie des crits de Flaubert.Il faut ici donner des exemples tirs de ses uvres, depuis les crits de jeunesse. Ils permettent de dcouvrir la diffrence entre les hallucinations dcrites par Flaubert avant sa maladie, et aprs cette exprience douloureuse.Parmi les uvres de jeunesse, la premire hallucination est celle de Marguerite, la pauvre et laide saltimbanque, protagoniste du conte Un parfum sentir ou Les Baladins crit quatorze ans, en 1836. La premire rverie de Marguerite, laspect manifestement hallucinatoire, se prsente dans un moment de dsespoir profond, dans une condition de misre extrme, de faim, de pauvret et de dgradation morale et matrielle[38] :[] elle fut en proie une sorte de rverie bizarre et dchirante: elle se figurait entoure de carrosses qui lui jetaient de la boue, elle se voyait siffle, mprise, honnie; elle voyait ses enfants mourir de faim autour delle, son mari devenu fou. Alors tous ses souvenirs repassrent dans son esprit: elle voyait son lit o elle tait couche lhpital, elle se ressouvint de la sur qui la soignait, des coups que Pedrillo lui avait donns la veille, de laccueil quon lui avait fait lorsquelle parut et tous ces souvenirs passaient dans son esprit comme des ombres paraissant, disparaissant et seffaant tour tour [39].Ce passage dcrit le processus de lapparition des souvenirs pendant un tat de rverie, surtout pendant une rverie suscite par la tristesse, la mlancolie et le dsespoir. Cet tat sera typique des personnages de la maturit, surtout dEmma Bovary. Dans les moments les plus intenses, les visions qui colorent les rveries deviennent hallucinations.Dans les brouillons de Madame Bovary, Emma, peine arrive Yonville, commence une nouvelle phase de sa vie, pleine desprances et dattentes qui seront, comme toujours, dues. Elle pense au pass:Alors les vieux souvenirs dfilrent: la cour des Bertaux, la classe de son couvent, ses noces, le vicomte qui valsait sous un lustre, [] et puis Tostes l-bas, la diligence dYonville, le dner de tout lheure, la pauvre Djali quelle avait perdue. Et paraissant, disparaissant, revenant, ces images se suivaient, entranes avec un mouvement continu de cylindre qui tourne. Elles lui semblaient se tenir au mme plan, des loignements pareils de lheure prsente; et, sans joie, sans tristesse, elle les contemplait de toute sa mmoire, comme si elle et regard avec ses yeux, des tableaux peints sur la muraille. [] sa conscience tait absente de la ralit du moment[40].La parent entre ces deux passages est en effet frappante, mais dans les brouillons lauteur ajoute aussi le dtail de labsence de la conscience de la ralit du moment, parce quil a prouv cet tat pendant ses hallucinations et ses crises. Il dit Taine, comme on la dj lu: il nen est pas moins vrai quon ne sait plus o lon est?[41]Voyons encore des exemples tirs des uvres de jeunesse, dans lesquelles les hallucinations comme maladies de la mmoire, relchement de ce quelle recle, comme il lcrit Taine, sont trs proches de celles des crits les plus connus:[] un rien, la moindre circonstance, un jour pluvieux, un grand soleil, une fleur, un vieux meuble me rappellent une srie de souvenirs qui passent tous, confus, effacs comme des ombres [42].Dans Lducation sentimentale du 1845, les lignes suivantes se rapportent Henry:Presque endormi par la fatigue et tourdi de mille penses diverses, fragments dides et de souvenirs qui roulaient dans sa tte plus rapides et plus confus que les feuilles des bois emportes lautomne dans une mme rafale, il revit comme des ombres voques les diffrents jours de son pass, les uns gais, les autres tristes [][43].Dans les textes de Flaubert, il est beaucoup question dondoiement, de tourbillonnement, de souvenirs qui, comme des ombres ou des vagues, passent et repassent dans lesprit avec lvidence du temps prsent. Dans ces passages trs frquents, appels par George Poulet moments ternels, les images du pass peuvent concider parfaitement avec le prsent, en lui confrant une profondeur temporelle jusque dans la simultanit et dans limmdiatet des sensations.On peut citer encore un dernier extrait des crits de jeunesse, tir de Passion et vertu (1837), le conte de jeunesse le plus proche de Madame Bovary la fois par son histoire (une femme adultre qui, la fin, sempoisonne avec de lacide prussique), et par les rveries des deux protagonistes, qui arrivent parfois vivre les mmes situations hallucinatoires.Mazza, la protagoniste, est en train de se rendre compte quelle aime Ernest, qui deviendra peu aprs son amant, et elle ne peut pas sendormir parce quelle pense lui dune manire obsdante.Elle entre dans une zone situe aux frontires de la ralit, et arrive lillusion, voire au dlire:La nuit elle se rveilla, sa lampe brlait et jetait au plafond un disque lumineux qui tremblait en vacillant sur lui-mme, comme un il dun damn qui vous regarde. Elle resta longtemps, jusquau jour, couter les heures qui sonnaient toutes les cloches, entendre tous les bruits de la nuit, la pluie qui tombe et bat les murs, et les vents qui soufflent et tourbillonnent dans les tnbres, les vitres qui tremblent, le bois du lit qui criait tous les mouvements quelle lui donnait en se retournant sur ses matelas, agite quelle tait par des penses accablantes et des images terribles qui lenveloppaient tout entire en la roulant dans ses draps.Qui na ressenti dans des heures de fivre et de dlire ces mouvements intimes du cur, ces convulsions dune me qui sagite et se tord sans cesse sous des penses indfinissables, tant elles sont pleines tout la fois de tourments et de volupts? Vague dabord et indcise comme un fantme, cette pense bientt se consolide et sarrte, prend une forme et un corps; elle devient une image, et une image qui vous fait pleurer et gmir. Qui na donc jamais vu, dans des nuits chaudes et ardentes, quand la peau brle et que linsomnie vous ronge, assise aux pieds de votre couche une figure ple et rveuse, et qui vous regarde tristement? ou bien elle apparat dans des habits de fte, si vous lavez vue danser dans un bal, ou entoure de voiles noirs, pleurante; et vous vous rappelez ses paroles, le son de sa voix, la langueur de ses yeux[44].On pourrait donner dautres exemples, mais il nous semble assez clair, surtout dans ce dernier passage, que Flaubert avait dj dans sa jeunesse une grande facult de voir, de dcrire et aussi de faire voir et sentir lamplification de la rverie en hallucination. Ombres, images qui dfilent, passent et repassent dans lesprit, et surtout souvenirs. Mmoire et rverie se laissent toutes les deux runir dans le commun dnominateur de lhallucination, comme il lexpliquera Taine.Avant de lire, enfin, quelques hallucinations des crits de la maturit, et de voir les dtails les plus significatifs qui les caractrisent aprs la maladie, rfrons-nous une fois encore la biographie de Flaubert et sa correspondance. Vie et art sont toujours strictement lis chez lui, et il y a un lien indubitable entre un tat de sant menac par ses crises et une criture qui, ds ce moment, devient encore plus que par le pass frmissante de sensibilit, riche de vibrations, de palpitations, de tournoiements, de fulgurances, clatante on pourrait dire, une criture flamboyante.Juste aprs la premire crise, en 1844, Flaubert crit son ami Ernest Chevalier:Il ne se passe pas de jour sans que je ne voie de temps autre passer devant mes yeux comme des paquets de cheveux ou de feux du Bengale. Cela dure plus ou moins longtemps[45].Du Camp, dans ses Souvenirs littraires, raconte que chaque fois quil assista comme tmoin impuissant et constern aux crises formidables de Gustave, selon son expression, il se trouva devant la mme scne. Quand il sentait arriver laura, Flaubert disait: Jai une flamme dans lil gauche; puis, quelques secondes aprs: Jai une flamme dans lil droit; tout me semble couleur dor. Et aprs cela, il se couchait dans son lit, en revivant chaque fois la scne de la premire crise[46]. Tous les mdecins qui soutiennent la thse de lpilepsie sappuient en effet sur ces lignes de Du Camp. Cependant, laura prmonitoire nest pas un phnomne exclusivement pileptique; il se rencontre aussi dans la migraine (trouble qui affectait la mre de Flaubert), surtout dans un genre particulier de migraine qui sappelle migraine avec aura. Laura, dans ce cas-l, est presque toujours en rapport avec la vue, et elle se manifeste par des phosphnes, des clats de lumires, quelquefois colors, scotome scintillants, trouble de la vision, visions couleurs dor. Il sagit donc dune aura visuelle[47]. Louise Colet, en 1852, Flaubert raconte avoir parfois senti dans la priode dune seconde un million de penses, dimages, de combinaisons de toute sorte qui ptaient la fois dans ma cervelle comme toutes les fuses allumes dun feu dartifice[48]. Encore la mme, lanne suivante, il dit que ses attaques de nerfs taient des pertes sminales de la facult pittoresque du cerveau, cent mille images sautant la fois, en feux dartifice[49].Dans la lettre Taine, au moment o Flaubert doit dcrire ce quil a prouv pendant ses hallucinations, il revient sur limage des feux dartifice:On sent les images schapper de vous comme des flots de sang. Il vous semble que tout ce quon a dans la tte clate la fois comme les mille pices dun feu dartifice, et on na pas le temps de regarder ces images internes qui dfilent avec furie. En dautres circonstances, a commence par une seule image qui grandit, se dveloppe et finit par couvrir la ralit objective, comme par exemple une tincelle qui voltige et devient un grand feu flambant.Comment ces expriences pathologiques, la fois dramatiques et riches de posie, ont-elles influenc lArt de Flaubert?Dans les crits daprs la maladie, les mots feu, flamme (au singulier et au pluriel), clat, clair, blouir, blouissant, tincelles, blouissement, flamber, fulgurer, flamboyant, globes ou globules de feu, sang, couleur dor, rouge, soleil, lumire, rayons, rayonner, scintiller, vibration de la lumire, viennent colorer les visions et les hallucinations des personnages, parce que Flaubert avait prouv ces tats pendant ses crises. Lexprience psychiatrique devient exprience esthtique.Dans un passage trs connu de Madame Bovary, un des plus visionnaires du roman et qui mime vritablement les crises de son auteur, Flaubert prte sa petite femme les feux dartifice, la facult pittoresque du cerveau, la sensation de lexistence qui sen va: le fantastique vous envahit, et ce sont datroces douleurs que celles-l. On se sent devenir fou. On lest, et on en a conscience. On sent son me vous chapper et toutes les forces physiques crient aprs pour la rappeler. La mort doit tre quelque chose de semblable, quand on en a conscience, crit-il Louise Colet[50] en parlant encore une fois des hallucinations.Emma sort de la Huchette, aprs avoir essuy le refus de Rodolphe dont largent laurait peut-tre sauve. Aprs ce passage, elle se dirigera vers la pharmacie pour aller chercher larsenic:Elle sortit. Les murs tremblaient, le plafond lcrasait []. Elle resta perdue de stupeur, et nayant plus conscience delle-mme que par le battement de ses artres, quelle croyait entendre schapper comme une assourdissante musique qui emplissait la campagne. Le sol sous ses pieds tait plus mou quune onde, et les sillons lui parurent dimmenses vagues brunes, qui dferlaient. Tout ce quil y avait dans sa tte de rminiscences, dides, schappait la fois, dun seul bond, comme les mille pices dun feu dartifice. Elle vit son pre, le cabinet de Lheureux, leur chambre l-bas, un autre paysage. La folie la prenait, elle eut peur, et parvint se ressaisir, dune manire confuse, il est vrai; car elle ne se rappelait point la cause de son horrible tat, cest--dire la question dargent. Elle ne souffrait que de son amour, et sentait son me labandonner par ce souvenir, comme les blesss, en agonisant, sentent lexistence qui sen va par leur plaie qui saigne.La nuit tombait, des corneilles volaient.Il lui sembla tout coup que des globules couleur de feu clataient dans lair comme des balles fulminantes en saplatissant, et tournaient, tournaient, pour aller se fondre sur la neige, entre les branches des arbres. Au milieu de chacun deux, la figure de Rodolphe apparaissait. Ils se multiplirent, et ils se rapprochaient, la pntraient; tout disparut. Elle reconnut les lumires des maisons, qui rayonnaient de loin dans le brouillard[51].On trouve dautre exemples, dans ladmirable prose de Salammb, riche en couleurs (la couleur sang et la couleur de feu dominant toutes les autres), vraie fte de limagination.Dans ces passages, Salammb tient la main dEmma, et toutes les deux celle de leur auteur:Elle saffaissa sur lescabeau dbne; et elle restait les bras allongs entre ses genoux, avec un frisson de tous ses membres, comme une victime au pied de lautel quand elle attend le coup de massue. Ses tempes bourdonnaient, elle voyait tourner des cercles de feu, et, dans sa stupeur, ne comprenait plus quune chose, cest que certainement elle allait bientt mourir[52].Et toujours dans Salammb:Quelquefois, Taanach, il sexhale du fond de mon tre comme de chaudes bouffes, plus lourdes que les vapeurs dun volcan. Des voix mappellent, un globe de feu roule et monte dans ma poitrine, il mtouffe, je vais mourir; et puis, quelque chose de suave, coulant de mon front jusqu mes pieds, passe dans ma chair... cest une caresse qui menveloppe, et je me sens crase comme si un dieu stendait sur moi. Oh! je voudrais me perdre dans la brume des nuits, dans le flot des fontaines, dans la sve des arbres, sortir de mon corps, ntre quun souffle, quun rayon, et glisser, monter jusqu toi, Mre![53]Elle leva ses bras le plus haut possible, en se cambrant la taille, ple et lgre comme la lune avec son long vtement. Puis elle retomba sur la couche divoire, haletante[54]Dans ces lignes, Salammb manifeste sa pathologie, sans doute la nvrose hystrique, que Flaubert avait tudie surtout dans la priode de la rdaction de son roman carthaginois. Le globe de feu qui roule et monte dans sa poitrine est un symptme qui fait penser la boule des hystriques, et que Flaubert mme, dans une lettre que lon a cite, dit avoir prouv. En outre, la posture du corps qui se cambre la taille est dcrite et dessine aussi par Charcot comme un des grands mouvements des attaques hystriques, appel arc de cercle, avant ou arrire[55].Lducation sentimentale du 1869 est riche en rveries et en hallucinations, et dans ce roman, le mot hallucination se rencontre plus que dans tous les autres:Il [frdric] se coucha, avec une douleur intolrable locciput, et il but une carafe deau, pour calmer sa soif. Une autre soif lui tait venue, celle des femmes, du luxe et de tout ce que comporte lexistence parisienne. Il se sentait quelque peu tourdi, comme un homme qui descend dun vaisseau; et, dans lhallucination du premier sommeil, il voyait passer et repasser continuellement les paules de la Poissarde, les reins de la Dbardeuse, les mollets de la Polonaise, la chevelure de la Sauvagesse. Puis deux grands yeux noirs, qui ntaient pas dans le bal, parurent; et lgers comme des papillons, ardents comme des torches, ils allaient, venaient, vibraient, montaient dans la corniche, descendaient jusqu sa bouche. Frdric sacharnait reconnatre ces yeux sans y parvenir. Mais dj le rve lavait pris; il lui semblait quil tait attel prs dArnoux, au timon dun fiacre, et que la Marchale, califourchon sur lui, lventrait avec ses perons dor[56].On pourrait aussi lire des pages de la Lgende de saint Julien lHospitalier, pour se rendre compte de la frquence, dans cette uvre mme, dimages colores, vibrantes de lumire, de phosphnes, dtincelles, dtoiles, qui contribuent lui donner une atmosphre onirique troublante, la limite du dlire[57].Ne pouvant pas citer toutes les hallucinations et les rveries que lon trouve dans les uvres, nous avons choisi un dernier passage, tir de La Tentation de saint Antoine. Il est inutile de rappeler combien cette uvre est entirement construite sur laxe dsir-tentation-vision-hallucination: chaque page nous trouverions la confirmation de notre propos.Pendant toute sa longue nuit de visions, Antoine semble emport par un torrent de flammes. Il est le vritable frre de son auteur, le frre secret du cur de Flaubert (Baudelaire):Cest la torche, sans doute, qui faisant un jeu de lumire teignons-la!Il lteint, lobscurit est profonde. Et tout coup, passent au milieu de lair, dabord une flaque deau, ensuite une prostitue, un char avec deux chevaux blancs qui se cabrent.Ces images arrivent brusquement, par secousses, se dtachant sur la nuit comme des peinturesdcarlate sur de lbne. Leur mouvement sacclre. Elles dfilent dune faon vertigineuse. Dautres fois, elles sarrtent et plissent par degrs, se fondent; ou bien, elles senvolent, et immdiatement dautres arrivent. Antoine ferme ses paupires. Elles se multiplient, lentourent, lassigent. Une pouvante indicible lenvahit; et il ne sent plus rien quune contraction brlante lpigastre. Malgr le vacarme de sa tte, il peroit un silence norme qui le spare du monde. Il tche de parler; impossible ![58] Cest comme si le lien gnral de son tre se dissolvait; et, ne rsistant plus, Antoine tombe sur la natte[59] Flaubert aussi, aprs ses crises tait toujours trs fatigu, et il tombait dans un tat de prostration trs profond qui durait longtemps.On sait que la Tentation, ainsi que Salammb, et les deux projets de Flaubert jamais raliss, La Spirale et Le Rve et la vie, histoires de deux hallucins, se droulent en Orient, lieu o tous les apptits de limagination et de la pense [] sont assouvis la fois[60], lieu germinatif privilgi pour les hallucinations, surtout les hallucinations colores. Pendant son voyage en Orient, en dcrivant lgypte son ami, le docteur Cloquet, Flaubert crit:nous voil en gypte []. Les premiers jours, le diable memporte, cest un tohu-bohu de couleurs tourdissant, si bien que votre pauvre imagination, comme devant un feu dartifice dimages, en demeure tout blouie[61].Flaubert a toujours eu, ds son enfance et trs vivement, un ct rveur, et une capacit sentir linspiration potique en se laissant quelquefois envahir compltement par elle. Il a su crer beaucoup de personnages visionnaires et hallucins ds son adolescence, en ayant tout de suite lintuition que souvent la mmoire et la rverie conduisent aux hallucinations le sujet le plus enclin la suggestion et dou dune sensibilit vibrante et de nerfs mus[62]. Mais sa maladie lui a fourni la possibilit de connatre de curieux phnomnes psychologiques[63], les hallucinations proprement dites. On ne sait pas sil a compris que son art y avait gagn, mais il nous semble que ses visions colores et flamboyantes viennent de l. Elles se sont mles aux hallucinations artistiques, et une exprience pathologique est devenue une exprience esthtique, qui lui a toujours donn de la joie et non de la terreur au moment o il la extriorise dans lArt. Son esprit artistique, qui rve et qui fait rver[64], seul but quil reconnaissait lArt, lui a permis de transformer la souffrance de la maladie en force cratrice, de trouver une porte de transmission entre lme et le corps[65], et vice-versa entre le corps et lme; une porte travers laquelle il pouvait faire passer son gnie.NOTES[1] Lettre Louise Colet, 6 avril 1853, Correspondance, d. Jean Bruneau, Gallimard, Bibliothque de la Pliade, t.II, p.297. Nous citerons cette dition sous la forme Corr. suivi du tome et de la page.[2] Voir la lettre Louis Bouilhet, 6 juin 1855, Corr., t.II, p.581.[3] Lettre Jules Michelet, 26 janvier 1861, Corr., t.III, p.142.[4] Lettre Louise Colet, 16 janvier 1852, Corr., t.II, p.30.[5] Lettre Maxime Du Camp, 21 octobre 1851, Corr., t.II, p.11.[6] Par une trange concidence, Pont-lvque tait le pays natal de la mre de Flaubert, la seule dans la famille, selon la correspondance de lcrivain, qui ait souffert quelquefois dhallucinations, que son fils qualifie de funbres, et quil sent trs proches de celles quil avait prouves: Souvent maintenant elle a, dans ses indispositions, des attaques de nerfs mles dhallucinations comme jen avais, et cest moi qui suis l, mthode peu active pour mon propre compte (lettre Louise Colet, 8-9aot 1846, et la mme, 29aot 1847, t.I, respectivement p.281 et p.468-469). Dans cette rgion sera situ Un cur simple, dont la protagoniste, Flicit, est une des plus visionnaires dans la production de la maturit.[7] Lettre Louise Colet, 1er-2octobre 1852, Corr., t.II, p.166-167.[8] Lettre Louise Colet, 2septembre 1853, Corr., t.II, p.423.[9] Du Camp, ouvr. cit, p.199.[10] Lettre Ernest Chevalier, 1erfvrier 1844, Corr., t.I, p.203. Voir aussi la note de Jean Bruneau, p.943-944.[11] Lettre Mademoiselle Leroyer de Chantepie, 8octobre 1859, Corr., t.II, p.45.[12] Maxime Du Camp, ouvr. cit, p.197.[13] Lettre sa sur Caroline, 12mai 1843, Corr, t.I, p.160. Jean Bruneau commente: Faudrait-il voir dans ces crispations les prodromes de la maladie nerveuse qui se dclare en janvier 1844 ? (ibid., p.926, note 4 de cette lettre).[14] Lettre Louise Colet, 8octobre 1846, Corr., t.I, p.380; cest moi qui souligne.[15] Lettre Louise Colet, fin dcembre 1846?, Corr., t.I, p.422.[16] Lettre Ernest Feydeau, milieu doctobre 1858, Corr., t.II, p.837. Flaubert explique aussi son ami quil a dj eu cette maladie, au plus fort de ma jeunesse, pendant dix-huit mois, et quil a manqu en crever. Il termine en crivant: elle sest passe, elle se passera, esprons-le. lpoque de Flaubert, lexpression bte noire indiquait encore lhystrie, mais dans cette lettre Flaubert utilise ladjectif noir pour qualifier la maladie, non la bte.[17] La premire citation est tire de la lettre Louise Colet du 7juillet 1853, la seconde de la lettre la mme du 27dcembre 1852, Corr., t.II, respectivement p.377 et p.219.[18] Lettre Hippolyte Taine, 1erdcembre 1866, Corr., t.III, p.572.[19] Dfinition tire du Trsor de la langue franaise, en ligne.[20] Aristotele, La melancolia delluomo di genio, a cura di C.Angelino e E.Salvaneschi, Il Melangolo, p.11. Aristote ajoute que le cas dHracls est exemplaire, et que les Anciens forgrent son sujet le nom de maladie sacre, donne aux troubles des pileptiques.[21] Salammb, d. Gisle Sginger, GF-Flammarion, 2001, p.156.[22] Ibid., p.205.[23] Lettre dj publie, avec quelques variantes par rapport loriginal, par Jean Bruneau, Corr., t.III, p.1078.[24] Voir la lettre Marie-Sophie Leroyer de Chantepie, 18fvrier 1859, Corr., t.III, p.17.[25] H. et Y. Gastaut, La maladie de Flaubert, Revue Neurologique, 1982.[26] Voir en particulier L. Binder et M. Salinsky, Psychogenic Nonepileptic seizures, Neuropsychol Rev, 17, p..405-412, 2007, M.Reuber, Psychogenic Nonepileptic seizures: answers and questions, Epilepsy and Behavior, 12, p.622-635, 2008, et L.M.Arnold, C.R.Baumann, A.M.Siegel, Gustav Flauberts nervouse disease: an autobographic and epileptological approach, Epilepsy and Behavior, 11, p.212-217, 2007.[27] Ces documents sont rapports par le docteur Tourneux, appel le 8mai 1880 par la cuisinire de Flaubert. Dumesnil les publie en appendice (La maladie et la mort de Flaubert) de son Flaubert, lhomme et luvre, Descle de Brouwer, 1947.[28] Lettre George Sand, 12janvier 1867, Corr., t.III, p.591-592.[29] Esquirol, Des maladies mentales, considres sous les rapports mdical, hyginique et mdico-lgal, Baillire 1838; Brire de Boismont, Des Hallucinations ou Histoire raisonne des apparitions, des visions, des songes, de lextase, du magntisme et du somnambulisme, Baillire 1845, 2edition 1852.[30] Voir T.James, Vies secondes, Gallimard 1997; Image et pathologie au XIXesicle, sous la direction de Paolo Tortonese, Cahiers de Littrature franaise, VI, Bergamo University Press, Edizioni Sestante, 2008, et Jean-Louis Cabans, Le Ngatif. Essai sur la reprsentation littraire au XIXesicle, troisime partie (Hallucinations-Reprsentations), Classiques Garnier, 2011.[31] Article paru en 1817 dans le Dictionnaire des sciences mdicales, XX.[32] Karl Jaspers, Psicopatologia generale, Il Pensiero scientifico, Roma 2000, p.213.[33] Cette lettre de Taine Flaubert, ainsi que bien dautres qui tmoignent des changes entre les deux crivains, est publie par Bruna Donatelli, Flaubert e Taine. Luoghi e tempi di un dialogo, Nuova Arnica editrice, Roma 1996, p.147.[34] Lettre Hippolyte Taine, 20? novembre 1866, Corr., t.III, p.562-563.[35] Lettre Hippolyte Taine, 1erdcembre 1866, Corr., t.III, p.572-573.[36] Yvan Leclerc, La Spirale des hallucinations, Revue Flaubert no6, 2006. En ligne:http://flaubert.univ-rouen.fr/revue/revue6/leclerc.php[37] Vous me demandez comment je me suis guri des hallucinations nerveuses que je subissais autrefois? Par deux moyens: 1 en les tudiant scientifiquement, cest--dire en tachant de men rendre compte, et, 2 par la force de la volont. Jai souvent senti la folie me venir. Ctait dans ma pauvre cervelle un tourbillon dides et dimages o il me semblait que ma conscience, que mon moi sombrait comme un vaisseau sous la tempte. Mais je me cramponnais ma raison. Elle dominait tout, quoique assige et battue. En dautres fois, je tachais, par limagination, de me donner facticement ces horribles souffrances. Jai jou avec la dmence et le fantastique comme Mithridate avec les poisons, lettre Marie-Sophie Leroyer de Chantepie, 18mai 1857, Corr., t.II, p.716.[38] Dans une autre tude, javais analys le carrosse et les chevaux comme lments qui engendrent lhallucination dans les crits de Flaubert. Le carrosse donne un relief important la rverie bizarre de Marguerite, en lapparentant strictement celle dEmma, plus nettement hallucinatoire, ainsi qu la premire crise nerveuse de Flaubert. Voir C.Pasetti, Les Baladins: premire hallucination, prfigurant celles dEmma Bovary et de Flaubert, Revue Flaubert no6, 2006. En ligne:http://flaubert.univ-rouen.fr/revue/revue6/pasetti.php[39] Un Parfum sentir ou Les Baladins, uvres de jeunesse, dition prsente, tablie et annote par C. Gothot-Mersch et G.Sagnes, Gallimard, Bibliothque de la Pliade, 2001, p.89.[40] Brouillons, vol.2, f77. En ligne:http://www.bovary.fr/folio_visu.php?folio=2954&mode=sequence&mot= [41] Lettre Hippolyte Taine, 20?novembre 1866, Corr., t.III, p.562-563.[42] Les Mmoires dun fou, uvres de jeunesse, p.481.[43] Lducation sentimentale, uvres de jeunesse, p.899.[44] Passion et vertu, uvres de jeunesse, p.280.[45] Lettre Ernest Chevalier, 7juin 1844, Corr., t.I, p.207.[46] Il devenait trs ple, son visage prenait une expression dsespre, et il courait dans son lit, sy tendait, morne, sinistre, comme il se serait couch tout vivant dans un cercueil; puis il scriait: Je tiens les guides, voici le roulier, jentends les grelots. Ah! je vois la lanterne de lauberge, Maxime Du Camp, Souvenirs littraires, ouvr. cit., p.199-200. Voir aussi Un cur simple: les lumires sentrecroisrent, et elle [Flicit] se crut folle, en apercevant des chevaux dans le ciel, Trois contes, d. P.-M.Wetherill, Classiques Garnier, 1988, p.172.[47] Sur cette question, voir O.Sacks, Emicrania, Milano, Adelphi, 1992.[48] Lettre Louise Colet, 6juillet 1852, Corr., t.II, p.127.[49] Lettre Louise Colet, 7juillet 1853, Corr., t.II, p.377.[50] Lettre Louise Colet, 15janvier 1847?, Corr., t.I, p.428.[51] Madame Bovary, d. Claudine Gothot-Mersch, Classiques Garnier, 1971, p.319-320.[52] Salammb, Oeuvres compltes, Bibliothque de la Pliade, t.III, p.725.[53] Ibid., p. 610-611.[54] Ibid., p. 611.[55] J.-M.Charcot, Lezioni alla Salptrire, Milano, Guerini e associati, 1998, p.159 e 165. Voir aussi E.Tanzi et E.Lugaro, Trattato delle malattie mentali, Societ editrice Libraria, Milano 1905.[56] Lducation sentimentale, d. Stphanie Dord-Crousl, GF-Flammarion, 2001, p.202-203.[57] Il y avait dans son feuillage un choucas monstrueux, qui regardait Julien et, a et l, parurent entre les branches quantits de larges tincelles comme si le firmament et fait pleuvoir dans la fort toutes ses toiles. Ctaient des yeux danimaux, des chats sauvages, des cureuils, des hiboux, des perroquets, des singes, La Lgende de saint Julien lhospitalier, Trois contes, op. cit., p.212.[58] Flaubert crit que pendant ses crises il avait toujours conscience, mme quand je ne pouvais plus parler (lettre Louise Colet, 7juillet 1853, Corr., t.II, p.377). Laphasie, ou laphonie, est un des symptmes des crises hystriques et pas seulement des crises pileptiques.[59] La Tentation de saint Antoine, d. Claudine Gothot-Mersch, Gallimard, coll. Folio, 1983, p.64.[60] Lettre Louise Colet, 27mars 1853, Corr., t.II, p.284.[61] Lettre Jules Cloquet, 15janvier 1850, Corr., t.I, p.563.[62] Les ombres du soir descendaient; le soleil horizontal, passant entre les branches, lui blouissait les yeux. et l, tout autour delle, dans les feuilles ou par terre, des taches lumineuses tremblaient, comme si des colibris, en volant, eussent parpill leurs plumes. Le silence tait partout; quelque chose de doux semblait sortir des arbres; elle sentait son cur, dont les battements recommenaient, et le sang circuler dans sa chair comme un fleuve de lait. Alors, elle entendit tout au loin, au del du bois, sur les autres collines, un cri vague et prolong, une voix qui se tranait, et elle lcoutait silencieusement, se mlant comme une musique aux dernires vibrations de ses nerfs mus, Madame Bovary, op. cit., p.165-166.[63] Lettre Louise Colet, 31mars 1853, Corr., t.II, p.290.[64] Ce qui me semble, moi, le plus haut dans lArt (et le plus difficile), ce nest ni de faire rire, ni de faire pleurer, ni de vous mettre en rut ou en fureur, mais dagir la faon de la nature, cest--dire de faire rver, lettre Louise Colet, 26aot 1853, Corr., t.II, p.417.[65] Mais je vivrai comme je vis, toujours souffrant de nerfs, cette porte de transmission entre lme et le corps par laquelle jai voulu peut-tre faire passer trop de choses, lettre Louise Colet, 11-12dcembre 1847, Corr., t.I, p.489.