Analise Et Critique FLAUBERT

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Analise Et Critique FLAUBERT

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  • Gustave Flaubert

    Introduction

    Gustave Flaubert, n Rouen le 12 dcembre 1821[1] et mort Canteleu, au hameau de Croisset, le 8 mai 1880, est un crivain franais.

    Prosateur de premier plan de la seconde moiti du XIXe sicle, Gustave Flaubert a marqu la littrature franaise par la profondeur de ses analyses psychologiques, son souci de ralisme, son regard lucide sur les comportements des individus et de la socit, et par la force de son style dans de grands romans comme Madame Bovary (1857), Salammb (1862), L'ducation sentimentale (1869), ou le recueil de nouvelles Trois Contes (1877).

    Sommaire

    * 1 Biographie * 2 Les quatre piliers de l'uvre flaubertienne o 2.1 Madame Bovary o 2.2 Salammb o 2.3 Lducation sentimentale o 2.4 Bouvard et Pcuchet * 3 uvres * 4 Voir aussi

    Illustration 1: Gustave Flaubert

  • o 4.1 Bibliographie o 4.2 Lien interne o 4.3 Liens externes et sources * 5 Notes et rfrences

    Biographie

    N dans une famille de la petite bourgeoisie catholique et d'anctres protestants[2], Gustave Flaubert est le deuxime enfant dAchille Clophas Flaubert (1784-1846), chirurgien-chef trs occup l'Htel Dieu (hpital) de Rouen, et de son pouse, Anne Justine Caroline Fleuriot (1793-1872).

    Il nat le 12 dcembre 1821 aprs une sur et deux frres dcds en bas ge[3], et sera dlaiss en faveur de son frre an, brillant lve admir par la famille (qui succdera d'ailleurs son pre comme chirurgien chef de l'Htel-Dieu de Rouen). Gustave Flaubert passe une enfance sans joie, marque par l'environnement sombre de l'appartement de fonction de son pre l'hpital de Rouen (aujourd'hui muse Flaubert et d'histoire de la mdecine[4]), mais adoucie par sa complicit avec sa sur cadette, Caroline, ne trois ans aprs lui[5].

    Adolescent aux exaltations romantiques, il est dj attir par l'criture au cours d'une scolarit vcue sans enthousiasme au Collge royal, puis au lyce de Rouen, partir de l'anne 1832. Il est renvoy en dcembre 1839 pour indiscipline et passe seul le baccalaurat en 1840. Le premier vnement notable dans sa jeunesse est sa rencontre Trouville-sur-Mer, durant l't 1836, d'lisa Schlsinger qui laissera une profonde empreinte en lui jusqu' la fin de ses jours. Il transposera d'ailleurs cette passion, avec la charge motionnelle qu'elle a dveloppe chez lui, dans son roman L'ducation sentimentale, en particulier dans la page clbre de l'apparition de Madame Arnoux au regard du jeune Frdric et dans leur dernire rencontre poignante.

    Dispens de service militaire grce au tirage au sort qui lui est favorable (cela se pratiquait ainsi l'poque), Flaubert entreprend sans conviction, en 1841, des tudes de Droit Paris o il mne une vie agite. Il y rencontre des personnalits dans les mondes des arts, comme le sculpteur James Pradier, et de la littrature, comme l'crivain Maxime Du Camp qui deviendra son grand ami, le pote et auteur dramatique Victor Hugo. Il abandonne le droit, qu'il abhorre, en janvier 1844 aprs une premire grave crise d'pilepsie. Il revient Rouen, avant de s'installer en juin 1844 Croisset, au bord de la Seine, quelques kilomtres en aval de Rouen. Il y rdige quelques nouvelles et une premire version de L'ducation sentimentale. En dbut 1846 meurent peu de semaines d'intervalle, son pre, puis sa jeune sur (deux mois aprs son accouchement Gustave prendra la

    Illustration 2: portrait par Eugne Giraud

  • charge de sa nice, Caroline). C'est galement, au printemps de cette anne que commence sa liaison houleuse et intermittente sur une dizaine d'annes avec la potesse Louise Colet. Jusqu' leur rupture sa dernire lettre Louise Colet est date du 6 mars 1855 , il entretiendra avec elle une correspondance considrable dans laquelle il dveloppera son point de vue sur le travail de l'crivain, les subtilits de la langue franaise et ses vues sur les rapports entre hommes et femmes. Gustave Flaubert au physique de plus en plus massif est cependant un jeune homme sportif : il pratique la natation, l'escrime, l'quitation, la chasseActe de naissance de Gustave Flaubert en 1821

    Il assiste Paris la Rvolution de 1848 d'un regard trs critique que l'on retrouve dans L'ducation sentimentale. Poursuivant ses tentatives littraires, il reprend entre mai 1848 et septembre 1849 la premire version commence en 1847 de La Tentation de saint Antoine inspire par un tableau qu'il a vu Gnes en 1843 au cours du voyage de noces de sa sur que la famille accompagnait. Puis Gustave Flaubert organise, avec Maxime du Camp un long voyage en Orient qui se ralisera entre 1849 et 1852. Voyage qui le conduit en gypte et Jrusalem en passant, au retour, par Constantinople et l'Italie. Il nourrira ses crits ultrieurs de ses observations, de ses expriences et de ses impressions, par exemple dans Hrodias.

    Le 19 septembre 1851, Flaubert, pouss par ses amis Louis Bouilhet et Maxime Du Camp, commence la rdaction de Madame Bovary, en s'inspirant d'un fait divers normand. Il achvera son roman raliste et psychologique en mai 1856 aprs 56 mois de travail. Il frquente pisodiquement les salons parisiens les plus influents du Second Empire, comme celui de Madame de Loynes dont il est trs amoureux ; il y rencontre entre autres George Sand. la fin de l'anne 1856, Madame Bovary parat en revue puis, en avril 1857, le roman sort en librairie et fait lobjet dun procs retentissant pour atteinte aux bonnes murs : Flaubert est acquitt grce ses liens avec la socit du Second Empire et avec l'impratrice, ainsi qu' l'habilet de son avocat, tandis que Baudelaire, poursuivi par le mme tribunal, pour les mmes raisons, aprs publication de son recueil Les Fleurs du mal dans la mme anne 1857, est condamn. partir de la parution de Madame Bovary Flaubert poursuit une correspondance avec Marie-Sophie Leroyer de Chantepie, femme de lettres vivant Angers, et dvoue aux pauvres. Flaubert se partage ds 1855 entre Croisset et Paris o il frquente les milieux littraires et ctoie les frres Goncourt, Sainte-Beuve, Baudelaire, Thophile Gautier et un peu plus tard Tourgueniev et la Princesse Mathilde.

    Le 1er septembre 1857, Flaubert entame la rdaction de Salammb, roman historique qui voque Carthage en rvolte au troisime sicle avant J.-C., et pour cela, il voyage au cours des mois d'avril et juin 1858 en Tunisie afin de se documenter et de voir Carthage. Le roman parat aprs une longue maturation en 1862.

    Deux ans plus tard, le 1er septembre 1864, Flaubert entreprend la version dfinitive de L'ducation sentimentale, roman de formation marqu par l'chec et l'ironie avec des lments autobiographiques comme la premire passion amoureuse ou les dbordements des rvolutionnaires de 1848. Le roman est publi en novembre 1869 : mal accueilli par la critique il ne s'en vend que quelques centaines d'exemplaires.

    Flaubert continue sa vie mondaine : il rencontre l'empereur, reoit la Lgion d'honneur en 1866 et resserre ses liens avec George Sand qui le reoit Nohant. En juillet 1869, il est trs affect par la mort de son ami Louis Bouilhet. Il devient l'amant de la mre de Guy de Maupassant, se faisant passer auprs de ce dernier pour un simple ami. Il sera d'ailleurs trs proche de ce jeune crivain qui le considre comme un pre spirituel.Mdaille l'effigie de Flaubert et le pavillon-muse Croisset

    Durant l'hiver 1870-1871, les Prussiens occupant une partie de la France dont la Normandie et

  • Croisset, Flaubert se rfugie avec sa mre chez sa nice, Caroline, Rouen ; sa mre meurt le 6 avril 1872. cette poque, il a des difficults financires lies la faillite de son neveu par alliance : il vend ses fermes et quitte par conomie son appartement parisien alors que, touche par des maladies nerveuses, sa sant devient dlicate. Il achve et publie toutefois le 1er avril 1874 la troisime version de La Tentation de saint Antoine, juste aprs l'chec de sa pice de thtre Le Candidat en mars 1874. Sa production littraire continue avec les Trois contes, volume qui comporte trois nouvelles : Un cur simple, centr sur la figure de Flicit inspire par Julie, nourrice puis domestique qui servira la famille Flaubert, puis Gustave seul jusqu' la mort de ce dernier, - La Lgende de saint Julien l'Hospitalier, conte hagiographique des temps mdivaux crit en cinq mois en 1875, et Hrodias autour de la figure de saint Jean Baptiste, crit dans l'hiver 1875-1876. La publication du volume le 24 avril 1877 est bien accueillie par la critique.

    De 1877 1880, il poursuit la rdaction de Bouvard et Pcuchet, qu'il avait entame en 1872-1874 : l'uvre satirique pour laquelle il runissait une documentation immense restera inacheve, elle sera publie en l'tat dans l'anne 1881, un an aprs sa mort.

    Ses dernires annes sont assombries par la disparition de ses amis, les difficults financires et par des problmes de sant. Il meurt subitement le 8 mai 1880, Canteleu, au hameau de Croisset, foudroy par une hmorragie crbrale. Son enterrement au cimetire monumental de Rouen se droule le 11 mai 1880, en prsence de nombreux crivains importants qui le reconnaissent comme leur matre, qu'il s'agisse d'mile Zola, d'Alphonse Daudet, d'Edmond de Goncourt, de Thodore de Banville ou de Guy de Maupassant, dont il avait encourag la carrire depuis 1873[6].

    La Bibliothque historique de la Ville de Paris possde le manuscrit de l'Education sentimentale ainsi que 36 carnets de notes de voyages et de lectures crites de la main de l'crivain. Ce fonds a t lgu par sa nice en 1931.

    Les quatre piliers de l'uvre flaubertienne

    Flaubert est le contemporain de Charles Baudelaire et il occupe, comme le pote des Fleurs du mal une position charnire dans la littrature du XIXe sicle. la fois contest (pour des raisons morales) et admir de son temps (pour sa force littraire), il apparat aujourd'hui comme l'un des plus grands romanciers de son sicle avec en particulier Madame Bovary, roman qui fonde le bovarysme, puis L'ducation sentimentale ; il se place entre le roman psychologique (Stendhal), et le mouvement naturaliste (Zola Maupassant, ces derniers considrant Flaubert comme leur matre). Fortement marqu par l'uvre dHonor de Balzac dont il reprendra les thmes sous une forme trs personnelle (L'ducation sentimentale est une autre version du Lys dans la valle, Madame Bovary s'inspire de La Femme de trente ans)[7], il s'inscrit dans sa ligne du roman raliste. Il est aussi trs proccup d'esthtisme, d'o son long travail d'laboration pour chaque uvre (il teste ses textes en les soumettant la fameuse preuve du gueuloir[8] , qui consiste les lire pleine voix). Mais il est tellement obsd par l'exemple dHonor de Balzac, son pre littraire, que l'on retrouvera dans ses notes cette injonction : s'loigner du Lys dans la valle, se mfier du Lys dans la valle[9] .

    On a galement souvent soulign la volont de Flaubert de s'opposer l'esthtique du roman-feuilleton, en crivant un roman de la lenteur [10].

    Enfin, son regard ironique et pessimiste sur l'humanit fait de lui un grand moraliste. Son Dictionnaire des ides reues donne un aperu de ce talent.

  • Sa vaste correspondance avec Louise Colet, George Sand et beaucoup d'autres a t publie en cinq volumes dans la collection de la Pliade.

    Madame Bovary

    Flaubert commence le roman en 1851 et y travaille pendant 5 ans, jusquen 1856. partir doctobre, le texte est publi dans la Revue de Paris sous la forme de feuilleton jusquau 15 dcembre suivant. En fvrier 1857, le grant de la revue, Lon Laurent-Pichat, limprimeur et Gustave Flaubert sont jugs pour outrage la morale publique et religieuse et aux bonnes murs . Dfendu par lavocat Jules Snard, malgr le rquisitoire du procureur Ernest Pinard, Gustave Flaubert est blm pour le ralisme vulgaire et souvent choquant de la peinture des caractres [11] mais est finalement acquitt notamment grce ses soutiens dans le milieu artistique et politique, la notorit de sa famille et la plaidoirie de son avocat[12]. Le roman connatra un important succs en librairie.

    Honor de Balzac avait dj abord le mme sujet dans La Femme de trente ans en 1831 sous forme de nouvelle-roman qui parut en 1842 dans ldition Furne de La Comdie humaine, sans toutefois faire scandale.

    Le rcit dbute ainsi. Aprs avoir suivi ses tudes dans un lyce de province, Charles Bovary s'tablit comme officier de sant et se marie une riche veuve. la mort de celle-ci, Charles pouse une jeune femme, Emma Rouault, leve dans un couvent, vivant la ferme avec son pre (un riche fermier, patient du jeune mdecin). Emma se laisse sduire par Charles et se marie avec lui. Fascine par ses lectures romantiques d'adolescence, elle rve dune nouvelle vie, mprisant son mari, dlaissant son rle maternel et elle fait la rencontre d'amants mprisables qui vont faire basculer sa famille.

    Salammb

    Illustration 3: Salamnb, peinture par Gaston Bussire, 1907

  • Salammb vient aprs Madame Bovary. Flaubert en commence les premires rdactions en septembre 1857. Quelques mois plus tt, aprs avoir gagn le procs qui avait t intent contre Madame Bovary, il avait fait part dans sa correspondance (lettre Mlle Leroyer de Chantepie) de son dsir de sextirper littrairement du monde contemporain, et de travailler un roman dont laction se situe trois sicles avant Jsus-Christ. En avril-juin 1858, il sjourne Tunis pour simprgner du cadre de son histoire. Si lintrigue est une fiction, il se nourrit des textes de Polybe, Appien, Pline, Xnophon, Plutarque, et Hippocrate pour peindre le monde antique et btir la couleur locale . Ds sa parution en 1862, le roman connat un succs immdiat, en dpit de quelques critiques rserves (Charles-Augustin Sainte-Beuve) mais avec dapprciables encouragements (Victor Hugo, Jules Michelet, Hector Berlioz).

    Le roman dbute par le paragraphe intitul Le Festin . Les mercenaires ftent Carthage la fin de la guerre dans les jardins dHamilcar, leur gnral. chauffs par son absence et par le souvenir des injustices quils ont subis de la part de Carthage, ils ravagent sa proprit ; Salammb, sa fille, descend alors du palais pour les calmer. Math et Narrhavas, tous deux chefs dans le camp des mercenaires, en tombent amoureux. Spendius, un esclave libr lors du saccage, se met au service de Math et lui conseille de prendre Carthage afin dobtenir Salammb.Lducation sentimentaleArticle dtaill : L'ducation sentimentale.

    Le roman, rdig partir de septembre 1864 et achev le 16 mai 1869 au matin, comporte de nombreux lments autobiographiques (tels la rencontre de Madame Arnoux, inspire de la rencontre de Flaubert avec lisa Schlsinger). Il a pour personnage principal Frdric Moreau, jeune provincial de dix-huit ans venant faire ses tudes Paris. De 1840 1867, celui-ci connatra lamiti indfectible et la force de la btise, lart, la politique, les rvolutions dun monde qui hsite entre la monarchie, la rpublique et lempire. Plusieurs femmes [Rosanette, Mme Dambreuse] traversent son existence, mais aucune ne peut se comparer Marie Arnoux, pouse dun riche marchand dart, dont il est perdument amoureux. Cest au contact de cette passion inactive et des contingences du monde quil fera son ducation sentimentale, qui se rsumera pour lessentiel brler, peu peu, ses illusions.

    Bouvard et Pcuchet

    Le projet de ce roman remonte 1872[13], puisque l'auteur affirme son intention comique dans un courrier George Sand. Ds cette poque, il songe crire une vaste raillerie sur la vanit de ses contemporains. Entre l'ide et la rdaction interrompue par sa mort, il a le temps de collecter une impressionnante documentation : on avance le chiffre de mille cinq cents livres[14]. Lors de l'criture, Flaubert avait song au sous-titre : encyclopdie de la btise humaine et c'est effectivement en raison du catalogue quil nous en propose que le roman est clbre. Le comique vient de la frnsie des deux compres, tout savoir, tout exprimenter, et surtout leur incapacit comprendre correctement. Le roman est inachev et ne constitue que la premire partie du plan. L'accueil fut rserv, mais certains le considrent comme un chef-d'uvre[14].

    Par une chaude journe d't, Paris, deux hommes, Bouvard et Pcuchet, se rencontrent par hasard sur un banc et font connaissance. Ils dcouvrent que, non seulement ils exercent le mme mtier (copiste), mais en plus qu'ils ont les mmes centres d'intrts. S'ils le pouvaient, ils aimeraient vivre la campagne. Un hritage fort opportun va leur permettre de changer de vie. Ils reprennent une ferme dans le Calvados, non loin de Caen et se lancent dans l'agriculture. Leur inaptitude ne va engendrer que des dsastres. Ils vont s'intresser la mdecine, la chimie, la gologie, la politique

  • avec les mmes difficults. Lasss par tant d'checs, ils retournent leur mtier de copiste.

    Critiquant les ides reues, Flaubert montre que contrairement ce que pense Hegel, l'Histoire n'a pas de fin, elle est un ternel recommencement. Les deux compres, qui taient copistes au dbut du roman, retournent leur tat.

    uvres

    Romans

    * Rve d'enfer, 1837 * Mmoires d'un fou, 1838 * Madame Bovary, 1857 et 1930 (d. suivie des actes du procs) * Salammb, 1862 et 1874 (d. dfinitive) * L'ducation sentimentale, 1869 * Le Candidat (vaudeville), 1874 * La Tentation de saint Antoine, 1874 et 1903 (d. dfinitive) * Trois Contes : Un cur simple, La Lgende de saint Julien l'Hospitalier, Hrodias, 1877 * Le Chteau des curs (thtre), 1880 * Bouvard et Pcuchet (inachev), 1881 * Par les champs et les grves (Voyage en Bretagne), 1886 * Mmoires d'un fou, 1901 * bord de la Cange, 1904 * uvres de jeunesse indites, 1910 * Dictionnaire des ides reues, 1913 * Premires uvres, 4 vol., 1914-1920 * Novembre, 1928 (mais 1842) * Souvenirs, notes et penses intimes (1838-1841), 1965 * Album, annot par Jean Bruneau et Jean A. Ducourneau, 1972 * Bibliomanie et autres textes 1836-1839, 1982

    Lettres

    * Lettres la municipalit de Rouen, 1872 * Lettres George Sand, 1884 * Correspondance, 4 vol., 1887-1893 * Lettres sa nice Caroline, 1906 * Lettres indites Georges Charpentier, 1911 * Lettres indites la princesse Mathilde, 1927 * Correspondance, 9 vol. 1926-1933 et Supplment, 4 vol. 1954 * Lettres indites Tourgueneff, 1946 * Lettres indites Raoul Duval, 1950 * Lettres d'Orient, 1990 * Correspondance, annote par Yvan Leclerc et Jean-Benot Guinot, 6 vol. : tome I (1830-1851), 1973 ; t. II (1851-1858), 1980 ; t. III (1859-1868), 1991 ; t. IV (1869-1875), 1998 ; t. V (1875-1880), 2007 ; Index, 2007 (d. Jean Bruneau)

  • Recueils

    * uvres compltes, 8 vol., 1885 (d. Quantin) * uvres, 10 vol., 1874-1885 (d. Lemerre) * uvres compltes, 13 vol., 1926-33 (d. Conard) * uvres compltes illustres, 10 vol., 1921-25 * uvres, 2 vol. 1951-1952 et 1989 (nouv. d.), annotes par Albert Thibaudet et Ren Dumesnil (d. Gallimard) * uvres compltes, 1940-1957 (d. Les Belles Lettres) * uvres compltes, 2 voll. 1964 (d. Seuil) * uvres compltes, 18 vol., 1965, annotes par Maurice Nadeau * uvres compltes, 16 vol., 1975 (d. tudes littraires franaises) * uvres compltes, 16 vol., 1971-1975, annotes par Maurice Bardche * uvres compltes, annotes par Claudine Gothot-Mersch et Guy Sagnes, 5 vol. : tome I : uvres de jeunesse, 2001 ; t. II-V : en prparation.

    Bibliographie

    * Paul Bourget, L'uvre de Gustave Flaubert, extr. des Annales, 13 octobre 1907, pp. 341-343. * Articles de Georges Dubosc (1854-1927) sur Gustave Flaubert : Gustave Flaubert et les Caluyots (1920), Gustave Flaubert Notre-Dame de la Dlivrande (1923), Les Anctres paternels de Gustave Flaubert (1924), Salammb au cinma (1925) * Henri Guillemin, Flaubert devant la vie et devant Dieu, Plon, 1939 * Jean de La Varende, Flaubert par lui-mme, coll. crivains de toujours , Seuil, Paris, 1951 * Jean-Pierre Richard, Littrature et Sensation (1953), coll. Points , Seuil, 1970 * Jean-Paul Sartre, L'Idiot de la famille (1971-1972), Gallimard-NRF, Paris, 1988, (dition revue et augmente) * Maurice Bardche: Luvre de Flaubert, Les Sept couleurs, 1974 * Colloque de Cerisy, La Production du sens chez Flaubert, Union gnrale d'ditions, 1975 * Maurice Nadeau, Gustave Flaubert, crivain, d. Maurice Nadeau, 1980 * Albert Thibaudet, Gustave Flaubert (1935), coll. Tel , Gallimard, Paris, 1982 * Grard Genette (sous dir.), Travail de Flaubert, coll. Points , Seuil, 1983 * Michel Butor, Improvisations sur Flaubert, La Diffrence, 1984 * Julian Barnes, Le Perroquet de Flaubert, Stock, Paris, 1986 * Yvan Leclerc, La Spirale et le mouvement, essai sur Bouvard et Pcuchet, Sedes, Paris, 1988 * Herbert Lottman, Flaubert, Fayard, 1989 * Pierre Barillet, Gustave et Louise, Actes Sud, Paris, 1991 * Henri Raczymow, Pauvre Bouilhet, coll. L'un et l'Autre , Gallimard, Paris, 1998 * Pierre-Marc de Biasi, Flaubert, l'homme-plume, collection Dcouvertes , Gallimard, Paris, 2002

    Un point sur l'ducation Sentimentale

    Rsum

    1840. Frderic Moreau, un bachelier de 18 ans, aperoit sur le bateau, qui le mne sa ville natale de Nogent sur Marne, Mme Arnoux. Elle est la femme de Jacques Arnoux, un spculateur

  • dbonnaire . Il change avec elle quelques mots et un regard : c'est le coup de foudre. Cet instant le marquera jamais.

    Elle lui avouera, trs tard, qu'elle a partag son amour, mais jamais ne lui cdera. Peut-tre lors de leur ultime entrevue, 27 ans plus tard, a-t-elle un regret ?

    Entre temps Frdric Moreau, devra d'abord se rsigner retourner vivre en province, en raison de la prcarit de sa situation, avant qu'un hritage inespr ne lui permette de vivre nouveau Paris.

    Il frquentera ensuite Rosanette, une femme lgre rencontre lors d'un bal masqu . Ils auront un enfant qui mourra. Frdric aura galement une liaison avec Madame Dambreuse, veuve d'un banquier opportuniste.

    Deslauriers, son meilleur ami, pousera Louise Roque, qui aurait tant aim pouser Frderic.

    C'est pourtant avec Deslauriers, lui aussi accabl de dsillusions, que Frderic tirera "l'ultime leon de leur ducation sentimentale : rien ne vaut les souvenirs et les illusions de l'adolescence".

    Critique de l'Education sentimentale par George Sand

    Gustave Flaubert est un grand chercheur, et ses tentatives sont de celles qui soulvent de vives discussions dans le public, parce qu'elles tendent et font reculer devant elles les limites de la convention.

    Ce qui nous a vivement frappe dans son nouveau livre, c'est un plan trs original, et qui et sembl irralisable tout autre. Il a voulu peindre un reprsentant de la plupart des types qui s'agitent dans le monde moderne. Le roman a pour habitude de n'en peindre que deux ou trois, de les destiner certaines aventures, de ne mettre sur leur chemin que des personnages de second et de troisime ordre ; de composer l'action comme un peintre compose son tableau, laissant dans l'ombre ou dans le vague certaines parties dites sacrifies, concentrant les effets de lumire, mettant ainsi en relief ce qu'il juge avoir l'importance principale. Ce procd trs connu et trs rpandu doit-il tre arbitraire ? Nous ne le pensons pas ; du moins devant un tableau conu autrement et magistralement russi, il est permis d'en douter.

    Et puis, nous l'avons dj dit ailleurs, et nous croyons ne pas devoir changer d'avis, le roman, tant une conqute nouvelle de l'esprit, doit rester une conqute libre. Il perdrait sa raison d'tre le jour o il ne suivrait pas le mouvement des poques qu'il est destin peindre ou exprimer. Il doit se transformer sans cesse, forme et couleur. On en a fini avec les donnes classiques absolues ; le roman y a contribu autant que le thtre ; il est le terrain neutre et indpendant par excellence.

    Plus nous avanons dans l'histoire dont nous sommes les lments vivants, plus la diversit de vues, qui n'est autre chose que la libert de conscience, veut tre et se manifester.

  • Ce n'est donc pas au nom de thories rigides qui ont si longtemps tyrannis la littrature qu'on peut avec quit et avec lumire juger les matres nouveaux. Vieux coliers, je n'aime pas les pdagogues. Avant de comparer un ouvrage d'art ceux qui ont pris place dans les panthons, je me rappelle que les panthons ne se sont jamais ouverts qu'avec regret aux novateurs ; et aprs des luttes obstines. Je vois que les chefs-d'oeuvre ne se ressemblent pas, et que quand on dit avec emphase : le procd des matres, on a dit une chose vide de sens. Chaque matre digne de ce titre a eu son procd. Toutes les manifestations du beau et du vrai ont t bouleverses par le temps et le milieu qui ont produit les individualits puissantes.

    Heureusement ! car s'il nous fallait rester ptrifis dans l'admiration des premires rvlations de l'art, nous n'aurions pas un portrait historique ressemblant. La figure lonine de Cond serait une reproduction du Jupiter antique. Nous n'aurions pas non plus l'expression historique de l'art. La Diane de Goujon ne nous et pas transmis l'idal si particulier de la Renaissance. Le matre nous et donn une copie servile de l'art grec, c'est--dire qu'il n'ut pas t un matre.

    Voil bien des raisons qu'on ne conteste plus, et on s'tonne pourtant encore des choses nouvelles, on hsite avant de les admettre. Gustave Flaubert a du dbuter par un ouvrage de premier ordre pour vaincre certains prjugs. Le plus curieux de ces prjugs, c'est celui qui consiste vouloir que la morale d'un livre soit prsente de telle ou telle faon, consacre par l'usage. Si elle se prsente autrement, ft-ce d'une manire encore plus frappante et plus incisive, le livre est dclar immoral. O rengaine ! que ton rgne est difficile dtruire !

    Aprs Madame Bovary, Gustave Flaubert a produit un terrible et magnifique pome, qui a t moins compris par tout le monde, mais que les lettrs ont apprci sa valeur. Salammb est l'oeuvre d'une puissance norme, effrayante. C'est un monde gigantesque qui se meut et rugit en masse autour de figures monumentales. L'auteur aime manier des lgions. Il joue avec les foules. Aprs s'tre concentr dans l'tude d'une bourgeoise pervertie, il a mis en scne les nations, les races qui s'entre-dvorent. Nous avouons que notre admiration est surtout pour ce ct hardi et grandiose de son imagination ; mais quand, par un de ces contrastes qui lui sont propres, il redescend dans le monde de l'observation, nous le suivons avec la certitude qu'il ne s'y comportera pas comme le premier venu.

    Le voici qui nous conduit dans la vie vulgaire et qui semble avoir rsolu de nous la montrer si fidlement que nous en soyons aussi effrays que de la chute de madame Bovary ou du supplice de Matho. Il a russi produire une sensation nouvelle : le rire indign contre la perversit et la lchet des choses humaines, quand, des poques donnes, elles vont la drive toutes ensemble.

    Epris de ces vues d'ensemble qui avaient clair si fortement l'histoire de Salammb, il a exprim cette fois l'tat gnral qui marque les heures de transition sociale. Entre ce qui est puis et ce qui n'est pas encore dvelopp, il y a un mal inconnu, qui pse de diverses manires sur toutes les existences, qui dtriore les aptitudes et fait tourner au mal ce qui et pu tre le bien ; qui fait avorter les grandes comme les petites ambitions, qui use, trahit, fait tout dvier, et finit par anantir les moins mauvais dans l'gosme inoffensif. C'est la fin de l'aspiration romantique de 1840 se brisant aux ralits bourgeoises, aux roueries de la spculation, aux facilits menteuses de la vie terre terre, aux difficults du travail et de la lutte. Enfin, comme le sous-titre du livre l'annonce, c'est l'histoire d'un jeune homme, d'un jeune homme qui, comme tant d'autres, et volontiers contribu l'histoire de son temps, mais qui a t condamn en faire partie comme chaque flot qui

  • enfle et s'croule fait partie de l'Ocan. Peu de ces lames sans nom ont la chance de porter un navire ou de draciner un rocher : ainsi de la foule humaine : elle s'agite et retombe quand elle ne rencontre pas les grands courants, ou elle tourne sans but sur elle-mme quand elle plie sous les vents contraires.

    Le jeune homme dont nous suivons l'ducation sentimentale travers les dceptions d'une triste exprience ne serait pas un type complet s'il n'chouait pas par sa faute. Il n'a pas l'nergique constance des exceptions, les circonstances ne l'aident point et il ne ragit pas sur elles. Le romancier dispose comme il l'entend des vnements de son pome ; celui-ci ne veut rien demander la fantaisie pure. Il peint le courant brutal, l'obstacle, la faiblesse ou l'inconstance des lutteurs, la vie comme elle est dans la plupart des cas, c'est--dire mdiocre. Son hros est, par un point essentiel, semblable au milieu qu'il traverse ; il est tour tour trop au-dessus ou trop au-dessous de son aspiration. Il la quitte et la reprend pour la perdre encore. Il conoit un idal et ne le saisit jamais ; la ralit l'empoigne et le roule sans pouvoir l'abrutir. Il ne trouve pas son courant, et s'puise ne pas agir. Vrai jusqu'au bout, il ne finit rien et ne finit pas. Il trouve que le meilleur de sa vie a t d'chapper une premire souillure, et il se demande s'il a chou dans son rve de bonheur par sa faute ou par celle des autres.

    Ce type si frappant de vrit est le pivot sur lequel s'enroule le vaste plan que l'auteur s'est trac ; et c'est ici que le dessin de l'action nous a paru ingnieux et neuf. Ce moi du personnage qui subit toutes les influences et traverse toutes les chances du non moi ne pouvait exister sans une corrlation continue avec de nombreux personnages. Il y a l l'tude approfondie de tous les types et de tous les actes bons et mauvais qui influent fatalement sur une situation particulire. Ds lors, le scnario du roman, multiple comme la ralit vivante, se croise et s'entrelace avec un art remarquable. Tout vient au premier plan, mais chacun y vient son tour, et ce n'est pas une froide photographie que vous avez sous les yeux, c'est une reprsentation anime, changeante, o chaque type agit en passant avec son groupe de complices ou de dupes, avec le cortge de ses intrts, de ses passions, de ses instincts. Ils traversent rapidement la scne, mais en accusant chaque fois un pas de plus dans la voie qu'ils suivent, et en jetant un rsum nergique, un court dialogue, parfois une phrase, un mot qui condense, avec une force de navet terrible, la proccupation de leur cerveau.

    Gustave Flaubert excelle dans ces dtails, qu'on dirait saisis sur nature, dans ces mots que l'on croit avoir entendu, tant ils parlent juste du caractre et de la situation. Sous ce rapport, il est logicien comme Balzac, qui inventait des choses plus vraies que la vrit mme.

    L'analyse d'un ouvrage si complet est impossible. A la lecture, la complication disparat, tant l'action de chacun est bien place sur son rail. On s'inquiterait tort d'avoir faire connaissance non avec cinq ou six personnages, mais avec un groupe nombreux, une petite foule. L'auteur vous prsente et vous ramne adroitement tous ses types. Ils marchent sous la tourmente qui les pousse au dvouement, au mensonge, au mal, au ridicule, l'impuissance ou au dsenchantement. Il faudrait les citer tous, car tous ont valeur d'tude srieuse. Tous reprsentent un souvenir frappant, qui, en ralit, l'a peut tre navr ou obsd, mais qui, refondu et remani par une forte et habile main d'artiste, lui apparat excusable ou comique. C'est ainsi que le thtre nous fait rire des travers qui, dans la vie nous font bailler, et nous porte juger philosophiquement les torts qui nous ont froisss.

    Il n'y a pas de question morale comme on l'entend souleve dans ce livre. Toutes les questions, solidaires les unes des autres, s'y prsentent en bloc l'esprit, et chaque opinion s'y juge d'elle-

  • mme. Quand il sait si bien faire vivre les figures de sa cration, l'auteur n'a que faire de montrer la sienne. Chaque pense, chaque parole, chaque geste de chaque rle exprime clairement chaque conscience l'erreur ou la vrit qu'il porte en soi. Dans un travail si bien fouill, la lumire jaillit de partout et se passe d'un rsum dogmatique. Ce n'est pas tre sceptique que de se dispenser d'tre pdant.

    Ce livre appartient-il au ralisme ? Nous confessons n'avoir jamais compris o commenait le rel, compar au vrai. Le vrai n'est vrai qu' la condition de s'appuyer sur la ralit. Celle-ci est la base, le vrai est la statue. On peut soigner les dtails de cette base, c'est encore de l'art. Tout le monde sait que le pidestal du Perse de Benvenuto Cellini, Florence, est un bijou ; on regrette que la statue ne soit pas un chef-d'oeuvre. On avait le droit de l'exiger. Nous donnerions volontiers au ralisme le simple nom de science des dtails. Le vrai, dont il ne peut se passer, et dont il ne se passe pas quand il est mani avec talent, c'est la science de l'ensemble, c'est la synthse de la vie, c'est le sentiment qui ressort de la recherche des faits. Nous ne savons donc pas du tout si Balzac tait raliste et si Flaubert est raliste. On les a souvent compars l'un l'autre parce qu'ils ont le mme procd. Ils tablissent leur fiction sur une grande tude de la vie relle. Mais ils diffrent par des qualits essentielles, et l s'arrte la comparaison. Flaubert est grand pote et excellent crivain. Balzac, moins correct en fait de got, a plus de feu et de fcondit.

    Ce qui nous est arriv en achevant la lecture de l'Education sentimentale arrive quiconque ferme un livre lu avec plaisir ou avec motion. Nous avons dit : qu'est-ce que cela prouve ? Cette rflexion est stupide quand elle s'applique une tude simple, car il y a des tudes simples comme il y a des corps simples. Mais devant une tude de la vie multiple, de la combinaison, de la vie sociale en un mot, on a le droit de demander l'auteur o il nous mne et ce que nous devons penser de cette vie qu'il met sous nos yeux, et qui est cense tre la ntre.

    Ici l'auteur se tait-il ?

    Il a mis devant nous yeux un miroir en disant : " Regardez-vous ; si votre image n'est pas ressemblante, celle de votre voisin le sera peut-tre. " Et, en effet, nous avons tous trouv le voisin ressemblant. C'est nous de conclure et de nous demander si notre poque est effectivement mdiocre, ridicule, et condamne l'ternel avortement de ses aspirations.

    La majorit des opinions, qui a dispos de nos destines jusqu' ce jour, et qui n'a pas su nous donner un tat social libre et logique, a t mdiocre en effet, et c'est une douce punition que de la vouer au ridicule ; mais l'ternel avortement n'est pas dans la nature matrielle, il ne saurait tre dans la nature pensante. Nous ne pouvons exiger qu'un artiste nous raconte l'avenir, mais nous pouvons le remercier de nous faire, d'une main ferme, la critique du pass. Donc, la rponse et simple et facile : Que prouve ton livre, crivain humoristique, railleur svre et profond ? - Ne dis rien. Je le sais, je le vois. Il prouve que cet tat social est arriv sa dcomposition et qu'il faudra le changer trs radicalement. Il le prouve si bien qu'on ne te croirais pas si tu disais le contraire !

    La Libert. 21 dcembre 1869

  • L'Education sentimentale vue par Emile Zola

    Il est certaines uvres dont la publication est un vnement parisien qui appartient la chronique. C'est ce titre que je m'empare de l'Education sentimentale, de Gustave Flaubert, ce livre jet entre deux orages politiques : les lections d'hier et les sances lgislatives de demain.

    J'ai des scrupules que je dois avouer avant tout. je n'ai mis qu'une journe lire ce livre qui a cot l'auteur six ans de travail et de soins. J'ai bien reu une impression vive, une sensation gnrale ; mais, coup sr, je n'ai pas pntr toutes les intentions de l'oeuvre, je n'ai pu en tudier ni l'quilibre ni la porte. Gustave Flaubert est un artiste consciencieux qui ne se contente pas de construire solidement son oeuvre, pierre pierre ; quand les pierres sont cimentes, il les sculpte, et il faut voir alors de quelles broderies il les fouille ; un livre de lui est tout un monde de dtails, une nef ouvrage avec des finesses de ciseau merveilleuses. En fermant le second volume de l'Education sentimentale, j'tais en plein blouissement. Les cinquante ou soixante personnages de l'oeuvre, dansaient, les pisodes si nombreux se mlaient dans ma tte. Je confesse qu'aujourd'hui encore le calme ne s'est pas fait en moi. Et quand je songe aux six annes laborieuses de l'auteur, je me sens pris d'une certaine honte vouloir juger un tel effort en quelques heures. Je n'entends donc pas fait oeuvre de juge. Je m'en sens incapable pour le moment, et je crois qu'on ne dira la vrit vraie sur ce livre que l'anne prochaine. Je veux seulement en parler en lecteur sympathique. De cette faon, ma conscience me laissera en paix.

    J'entends, d'ailleurs, m'occuper beaucoup plus du talent de Gustave Flaubert que de son dernier roman. Il y a chez lui une tonnante dualit qui constitue tout son caractre d'crivain, sa personnalit. Il est, par temprament, attir vers l'pope. On le sent toujours prt bondir d'un lan lyrique, se perdre dans les cieux agrandis de la posie. Et il reste terre ; sa raison d'homme, sa volont d'analyste exact l'attache l'tude des infiniment petits. C'est un Titan, plein d'haleines

    Illustration 4: Emile Zola

  • normes, qui raconte les moeurs d'une fourmilire, en faisant des efforts pour ne pas cder l'envie de souffler des chants hroques dans sa grande trompette de bronze. Un pote chang en naturaliste, Homre devenu Cuvier, reconstruisant les tres avec des fragments d'os, au lieu de les voquer et de les crer de toutes pices ; tel est Gustave Flaubert, l'esprit double qui a produit des oeuvres d'une ralit la fois si minutieuse et si pique.

    Il me serait ais d'accumuler les exemples. On n'a qu' relire Madame Bovary. Rien qui ne soit pris sur nature, et rien qui ne soit fatalement travers d'un grand souffle. Les personnages, certes, vivent de la vie de tout le monde ; mais dans leurs paroles, dans leurs gestes, si soigneusement tudis, il y a, par moments, de rapides frissons qui rvlent tout coup des sensations, une existence nerveuse qu'aucun romancier n'avait note jusqu'ici. Je ne parle pas de Salammb, uvre entirement lyrique, qui montre combien Gustave Flaubert est un grand pote. Je me contente de ses uvres de pure analyse, des livres o il a voulu faire gnral, tudier la foule, la btise commune, et o, malgr lui, il a tir de la ralit une singulire musique, douce et gutturale, toute vibrante de ses propres nervosits.

    Chaque crivain apporte ainsi sa musique, que les lecteurs dlicats entendent parfaitement sonner, de la premire la dernire page d'un livre. La musique de Gustave Flaubert est une sorte de basse continue, sur laquelle chantent, comme un sifflement aigu de petite flte, des gammes soudaines de notes nerveuses. Un raliste, soit ! mais un raliste qui tire du rel d'tranges concerts. Chez lui, tout s'anime d'une vie particulire. D'un mot il fait vivre un arbre, une maison, un bout de ciel. Il met dans un simple rire de ses personnages des profondeurs incroyables de btise ou d'esprit ; il ne leur fait pas remuer le petit doigt sans que ce mouvement ne prenne une immense signification. Et toujours il ouvre ainsi sur la vie des trous inconnus, des chappes neuves. Ses romans, je le rpte, sont comme une notation nouvelle de l'existence, notation des mille petits riens de la journe, qui parat banale et qui finit par constituer un tout d'une tonnante vitalit. C'est qu'il a tudi ou devin chaque tre et chaque objet avec ses nerfs de pote, et qu'il nous donne la ralit vivante de l'intense vie nerveuse dont il l'anime.

    Qu'on ne s'y trompe pas, l est sont talent, son gnie particulier. D'autres regarderont les infiniments petits avec des loupes plus grossissantes, tudieront le rel de plus prs ; d'autres auront une patience gale, une vue aussi nette, une mthode aussi puissante. Mais ce qui lui appartient, ce qui est lui, c'est cette pntration nerveuse des moindres faits, cette notation la fois mticuleuse et vivante de la vie. Nous ne reverrons sans doute pas un pote analyste, un lyrique qui consente piquer dans un cadre les insectes humains. La est le miracle. Lorsque j'entends la critique reprocher Gustave Flaubert de ne rien apporter, de ne rien pntrer, je suis tent de crier mes confrres : " Tant pis pour vous, si les sens manquent. Ce que l'auteur apporte, ce sont les profondeurs inconnues de l'tre, les sourds dsirs, les violences, les lchets, toutes les impuissances et toutes les nergies traduites par les niaiseries de la vie journalire. Et ce n'est pas un simple greffier. C'est un musicien dou dont les pomes sont faits pour des oreilles sympathiques. Si vous n'entendez pas, c'est que le sang ou la bile vous touffent. Soyez nerveux, vous comprendrez. "

    Pour moi, l'Education sentimentale, comme Madame Bovary, est une pure symphonie. N'oubliez pas que je n'ai point voulu juger l'oeuvre et j'en cause ici en simple artiste ; je conte mes sensations, rien de plus. Dans son nouveau roman, Gustave Flaubert a largi son thme ; mais les variations sont aussi nombreuses et aussi dlicatement travailles. Son intention premire a certainement t de rsumer tout un ge, les annes troubles allant de 1840 1851, et il a pris pour motif principal l'agonie lente et inquite de la monarchie, coupe par les coups de feu de fvrier, de juin dcembre. Dans ce cadre, il a fait revivre la gnration du temps, pour laquelle l'histoire aura de

  • grandes svrits ! Son hros, Frdric, est un impuissant ambitieux, un esprit indcis et faible qui a d'immenses apptits et qui est incapable de les satisfaire. Quatre femmes travaillent son ducation sentimentale : une femme honnte qu'il n'aime pas assez pour en faire la force de sa vie ; une grande dame, un rve de vanit dont il se rveille avec dgot et mpris ; une provinciale, une petite sauvage prcoce, la fantaisie du livre, qu'un de ses amis lui prend presque dans les bras. Et quand les quatre amours, le vrai, le sensuel, le vaniteux, le naf, ont essay de faire de lui un homme, il se trouve un soir, vieilli, assis au coin de son feu avec son camarade d'enfance Deslauriers, qui a ambitionn le pouvoir, sans plus le conqurir que lui n'a conquis une tendresse heureuse, et tous deux ils pleurent leur jeunesse envole, ils se souviennent comme du meilleur de leurs jours, d'une aprs-midi o, partis pour voir des filles, ils n'ont point os passer le seuil de la porte. Le regret du dsir et des pudeurs de la seizime anne : telle est la morale, la dernire note du pome.

    Tout un monde, d'ailleurs, s'agite autour de Frdric et de Deslauriers. Je ne puis mme marquer d'un trait chaque personnage. Et les scnes sont si multiplies : soires dans le grand monde et dans le demi-monde, djeuners d'amis, un duel, une promenade aux courses, un club de 1848, les barricades, la lutte dans les rues, etc. L'auteur a fait tenir l'ge entier dans son uvre, avec son art, sa politique, ses murs, ses plaisirs, ses hontes et ses grandeurs. Tous ses efforts ont tendu s'effacer, crire le livre comme un procs-verbal et complet. Il a essay mme de se dsintresser plus encore que dans Madame Bovary,. Mais il a eu beau faire, ce n'est pas l la vrit nue, c'est toujours la vie interprte par le pote que vous savez.

    Moi, j'entends le champ large qui monte de l'Education sentimentale. Lisez avec soin, vous saisirez toutes les harmonies des quatre amours de Frdric. La chair et l'esprit ont leurs phrases musicales. Et, en dessous, entendez le grondement social qui ronfle comme une voix d'ophiclide. A chaque chapitre, les motifs se dtachent, s'opposent avec un relief magistral : c'est Frdric allant causer d'amour avec sa matresse sous les futaies de Fontainebleau, tandis que l'insurrection hurle Paris ; c'est la continuelle tension des volonts chouant misrablement contre les moindres obstacles. Tout, dans l'oeuvre, est une floraison de l'art, bien que l'auteur ne peigne que le vrai. Avec une habilet immense, il reste terre et donne chacun des mots qu'il emploie une telle vibration, qu'ils semblent tomber d'une trompette du ciel.

    On accuse Gustave Flaubert d'abuser des paysages. Eh ! oui, il les prodigue : j'avoue mme que ses livres ne sont fait que de paysages. Mais il faut s'entendre. Sa mthode est essentiellement descriptive ; il n'admet que le fait, la parole et le geste ; ses personnages se font connatre eux-mmes en parlant et en agissant ; point d'analyses raisonnes comme dans Balzac ; mais une srie de courtes scnes mettant en jeu les caractres et les tempraments. De l forcment des descriptions, puisque c'est par le dehors qu'il nous fait connatre le dedans. Il veut nous donner, dans ses romans, la vie telle qu'elle est ; il cherche disparatre ; il ne prend point le scalpel pour nous faire assister une sance d'anatomie morale ; il ne dissque pas devant nous la cervelle ou le coeur d'un patient, comptant sur le patient lui mme pour rvler son tre par une parole, par un acte. Ds qu'il a pouss sur la scne un personnage, il lui laisse le soin de se prsenter au public, de vivre au grand jour, naturellement, et il vite de jamais montrer ses doigts d'auteur qui tiennent les ficelles. Mthode excellente, seule manire d'tre exact, de reproduire la vie jusque dans son cadre naturel.

    Et, d'ailleurs, les paysages proprement dits, dans Gustave Flaubert, ne sont-ils pas ncessaires aux personnages ? Si l'on veut faire connatre un homme, il faut le montrer dans l'air qu'il respire. Les milieux font les tres, les choses ajoutent la vie humaine. Le romancier pote l'a bien compris ; toujours, chez lui, la nature accompagne l'humanit, toujours elle est l, triste ou joyeuse, ajoutant la joie des hommes ou coupant leurs sanglots de ses rires. Les moindres objets prennent ainsi des

  • voix ; ils vivent, ils parlent et se meuvent presque. Il y a dans Madame Bovary un exemple bien curieux de cette vie donne aux choses. Lon, le clerc amoureux, fait, le soir, chez M. Homais, une cour muette la femme du mdecin. Il regarde la robe d'Emma, tranant terre autour de son sige. Et l'auteur ajoute : " Quand Lon, parfois, sentait la semelle de sa botte se poser dessus, il s'cartait, comme s'il et march sur quelqu'un. " C'est l une de ces notations de la vie nerveuse qui constituent, selon moi, un des traits les plus remarquables sans doute, du talent de Gustave Flaubert. La robe d'Emma vit pour son amoureux. Tout l'art moderne, si secou, si curieux de physiologie, est dans cette ligne.

    La Tribune. 28 novembre 1869.

    L'Education sentimentale vue par Henry James

    L'Education me fait sentir combien un crivain est parfois plus passionnant par un chec que par un succs (...) . Dans la mesure mme o c'est l'oeuvre d'un " grand crivain ", L'Education, livre si vaste, si travaill, si hautement " crit ", avec ses merveilleux passages inscrits sur le vide, o s'emmagasine une tristesse travers laquelle une sorte de fente laisse fuir toute grandeur morale, - brille d'un clat malade et se range ainsi parmi les curiosits du muse de la littrature. (...) Flaubert, par malheur, n'a pas su ne pas discrditer fondamentalement ce regard que Frdric porte sans cesse sur tout et sur tous, et en particulier sur sa propre existence, de manire faire de lui un mdiateur propre nous transmettre de grandes impressions. Bien sr Mme Arnoux constitue le meilleure de sa vie - et c'est peu dire ; mais cette vie est faite d'une manire si pauvre qu'il nous est dplaisant de voir Mme Arnoux " en " tre sous quelque forme que ce soit, d'autant plus qu'elle affecte, amliore, dtermine cette existence de manire insignifiante. En somme, son crateur ne fut jamais si mal inspir qu'en voulant illustrer un tel dessein par de semblables moyens. (...) Est par contre irrmdiable - nous voil au point capital, car cette fois les effets persistent, que rien n'est venu neutraliser - l'inconscience de l'erreur par rapport la plus heureuse des occasions qui pouvaient choir Flaubert. Qu'il l'ait manque, nous le supporterions encore. Mais qu'il n'ait pas vu qu'il la manquait, voil la grosse faute indlbile. Nous ne prtendons pas dire par quel moyen il pouvait mieux rendre Mme Arnoux - c'tait son affaire. La ntre, c'est qu'il ait vraiment pens qu'il la rendait du mieux qu'il pouvait, ou qu'elle pouvait l'tre ; ici nous nous voilons la face. Ds l'instant qu'il la concevait d'une faon toute particulire, je veux dire trs distincte de ses autres crations, et qu'il la voulait la plus dlicatement trace, il y est " all ", comme nous disons, et il l'a gche.

    Illustration 5: Henry James

  • Laissez-moi ajouter en toute tendresse, et pour amender une svrit peut-tre exagre, que c'est l'unique tache sur son blason ; laissez-moi mme avouer que je ne m'etonnerai pas si, en fin de compte, le dfaut reste inaperu.

    Extraits de "Gustave Flaubert". Editions de l'Herne

    Un point sur Madame Bovary

    Rsum du roman

    Premire Partie

    "Nous tions l'Etude, quand le Proviseur entra suivi d'un nouveau habill en bourgeois et d'un garon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se rveillrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail".

    Ainsi dbute Madame Bovary : Ce nouvel lve, g d'une quinzaine d'annes, qui entre en 5me au Collge de Rouen n'est autre que Charles Bovary. Il a l'air un peu ridicule, ce "gars de la campagne". Son attitude un peu gauche dchane le rire de ses camarades. Il arrive d'un village situ entre le pays de Caux et la Normandie o ses parents, qui ne s'entendent pas, se sont retirs. Son pre est un mdiocre qui a accumul de nombreux checs. Sa mre, frustre et aigrie, a report tous ses espoirs sur ce fils qu'elle a couv.

    Charles Bovary s'installe Tostes et pouse sous l'influence de sa mre une veuve de quarante-cinq ans, riche, laide et tyrannique, Mme Dubuc. Elle aime Charles avec passion mais exerce son gard une surveillance despotique. Le jeune Charles connat ainsi une vie de couple qui ressemble un cauchemar.

    Une nuit d'hiver, Charles se rend la ferme des Bertaux. Le pre Rouault, son propritaire, "un cultivateur des plus aiss" vient de se casser la jambe. Charles soigne le matre des lieux et est sensible au charme d'Emma, sa fille. Les jours suivants, il revient aux Bertaux, jusqu' ce que son pouse, jalouse, lui interdise d'y retourner. Au dbut du printemps, le notaire de Mme Bovary commet une malversation qui laisse cette dernire demi ruine. Elle meurt brusquement une semaine plus tard.

    Peu aprs, sur l'invitation du pre Rouault, Charles retourne aux Bertaux. Il revoit Emma. Il est amoureux de la jeune fille, mais n'ose se dclarer. " l'poque de la Saint Michel" il se dcide la demander en mariage. La noce est fixe au printemps suivant, l'hiver sera occup par les prparatifs. Emma rvait de "se marier minuit, aux flambeaux". La noce, campagnarde, sera beaucoup moins ferique. Charles ne brille gure durant la noce, ne rpondant que mdiocrement aux calembours ou compliments que lui adressent les invits.

    Mais le lendemain des noces Charles semble dcouvrir le bonheur prs d'Emma. Il laisse clater sa

  • joie et se rjouit de trouver en elle une pouse parfaite. Emma commence par apporter des changements dans l'amnagement de la maison et Charles est tout sa joie de la voir aussi bien conduire son mnage, dessiner, jouer du piano, ou recevoir avec lgance. Mais la jeune femme, elle, est distante. La ralit ne correspond pas ce qui lui avait paru si beau dans les livres de son enfance. Elle avait tant rve de ce mari qui devait lui procurer une vie plus passionnante. Elle souhaitait tant oublier celle monotone, qu'elle avait passe avec son veuf de pre, depuis sa sortie du couvent. Or ce mari, tant idalis, se rvle bien dcevant.

    Eleve au couvent, parmi des jeunes filles du monde, Emma y a reu une parfaite ducation. Elle a lu Paul et Virginie, a rv en lisant des romans sentimentaux et historiques, ou des pomes romantiques. Elle a admir des gravures reprsentant de jeunes hommes serrant dans leurs bras des ladies anglaises boucles blondes. Toute cette ducation a nourri son "temprament sentimental" et ses songes romanesques.

    Aux antipodes de l'homme rv, Charles doit Emma. Son manque de mystre et de raffinement dsappointe la jeune femme. La vie humble et sans surprise qu'il lui offre lasse Emma. Heureusement, une invitation du Marquis d'Andervilliers un bal au chteau de la Vaubyessard vient rompre la monotonie de son existence.

    Emma, merveille, dcouvre le luxe et l'lgance du monde aristocratique. Ce monde enchant auquel elle a tant rv lui fait oublier un instant ses origines paysannes. Hlas , le rve est phmre et le retour Tostes, silencieux et triste. Ds le lendemain, il lui faut subir les conversations banales de Charles. " Son voyage la Vaubyessard avait fait un trou dans sa vie, la manire de ces grandes crevasses qu'un orage, en une seule nuit, creuse quelquefois dans les montagnes". Emma se rfugie dans "le souvenir de ce bal".

    Emma rve devant le " porte-cigares tout bord de soie verte" que Charles a ramass sur le chemin du retour. Elle imagine que cet objet appartient au "Vicomte". Emma rve aussi de Paris et se met lire Balzac, George Sand et Eugne Sue. Mais Tostes, l'ennui s'accrot et la jeune femme est de plus en plus irrite par le manque d'ambition et le laisser-aller de son mari. Les saisons se succdent. Elle vit pourtant dans l'espoir d'une nouvelle invitation, mais en vain. Un an et demi aprs le bal de la Vaubyessard, sa sant s'altre et Emma laisse tout aller dans son mnage . Charles, qui est rest quatre ans Tostes, dcide alors de dmnager et de s'installer Yonville . Emma est enceinte. Il espre que ce dmnagement lui sera bnfique.

    Deuxime Partie

    Les poux Bovary arrivent Yonville. A l'auberge du Lion d'Or. Madame veuve Lefranois, la matresse de l'auberge, prpare le dner. Il y a l , pour accueillir les Bovary, Monsieur Homais, le pharmacien, le percepteur Binet, et le cur Bournisien. Pendant que Homais et Charles Bovary devisent sur la mdecine, Emma sympathise avec Lon Dupuis, clerc de notaire et habitu de l'auberge, qui dne avec eux. Ils se dcouvrent des gots communs. Puis les Bovary s'installent dans leur maison : " C'tait la quatrime fois qu'elle ( Emma) couchait dans un endroit inconnu. La premire avait t le jour de son entre au couvent, la seconde celle de son arrive Tostes, la troisime la Vaubyessard, la quatrime tait celle-ci ; et chacune s'tait trouve faire dans sa vie comme l'inauguration d'une phase nouvelle." La jeune femme se prend rver des jours meilleurs.

  • Homais, le pharmacien, se montre, avec les Bovary, le meilleur des voisins. Il essaye, en fait, de s'attirer la sympathie de Charles Bovary, au cas o ce dernier apprendrait qu'il exerce de faon illicite la mdecine. Charles, lui, est maussade car la clientle "n'arrive pas" . Heureusement cette dception professionnelle est compense par la naissance de sa fille. Emma donne naissance Berthe. La jeune femme et prfr un fils. Aprs le baptme, la petite est mise en nourrice, chez Mme Rollet. Un jour, Lon accompagne Emma et sa fille chez la nourrice. Sur le chemin, Emma et Lon se donnent la main. Cette complicit ne passe pas inaperue : " Ds le soir, cela fut connu dans Yonville, et madame Tuvache, la femme du maire, dclara devant sa servante que madame Bovary se compromettait" .

    La vie, se poursuit, monotone. Emma guette chaque jour, de sa maison, le passage de Lon. Les Bovary sont invits rgulirement, le dimanche, avec Lon, chez Homais, le pharmacien : On y joue au trente et un, et aux dominos. Puis Homais et Bovary s'endorment. Lon et Emma feuillettent alors ensemble L'illustration et gotent cette "solitude" :" Ils se parlaient voix basse, et la conversation qu'ils avaient leur semblait plus douce, parce qu'elle n'tait pas entendue". Les jeunes gens s'changent des cadeaux. Lon fait la cour Emma mais ne se dclare pas . En fvrier, lors d'une promenade dominicale aux environs d'Yonville, en compagnie des Homais et de Lon, Emma prend conscience de la banalit de Charles face au charme du jeune homme. Elle ralise aussi que Lon est amoureux d'elle. Elle dcide de ne pas cder la tentation et s'efforce de rester une matresse de maison modle et une mre irrprochable. Sa matrise apparente cache pourtant un douloureux conflit intrieur : amour pour Lon et volont de rester vertueuse. C'est Charles qui sera le bouc missaire de ce malheur : elle le mprisait, elle se met le har.

    Un soir d'avril, elle entend l'anglus. "Ce tintement rpt" rappelle Emma le souvenir du couvent. La religion peut l'aider , peut-tre, affronter cette crise qu'elle traverse : elle se rend l'glise afin de confier son trouble Bournisien, le cur. Mais le dialogue entre l'homme d'glise et la jeune femme n'est qu'une suite de malentendus. Pour lui, ces souffrances sont purement physiques. Cette incomprhension laisse Emma dsempare. De retour chez elle, Emma repousse schement sa fille Berthe, qui tombe et se blesse. Charles, qui rentre pour le dner, soigne cette blessure sans gravit. La jeune mre , se reprochant son attitude, reste pour veiller sur sa fille endormie. Elle est effraye de la laideur de son enfant.

    Quant Lon, il dsespre de l'inaccessibilit d'Emma et se lasse de cet amour sans espoir. Il dcide alors de partir Paris terminer son droit . Il vient faire ses adieux Emma. L'motion est grande mais le jeune homme ne parvient pas trouver les mots pour l'exprimer. Au cours de la soire qui suit son dpart, Homais voque les rjouissances de la capitale; il annonce aussi que des Comices agricoles auront lieu cette anne Yonville.

    Suite au dpart de Lon, Madame Bovary sombre nouveau dans la mlancolie : " le chagrin s'engouffrait dans son me avec des hurlements doux, comme fait le vent d'hiver dans les chteaux abandonns". La visite du sieur Lheureux, marchand de nouveauts, lui donne l'occasion de faire des dpenses draisonnables. Emma se lance aussi dans des lectures ambitieuses : " Elle voulut apprendre l'italien : elle acheta des dictionnaires, une grammaire, une provision de papier blanc. Elle essaya des lectures srieuses, de l'histoire et de la philosophie". Charles sombre dans l'inquitude. Il fait appel sa mre :"Alors il crivit sa mre pour la prier de venir, et ils eurent ensemble de longues confrences au sujet d'Emma". Mme Bovary mre ne trouve gure de solutions miracles. Il faut, selon elle, "empcher Emma de lire des romans".

  • Un jour de march, Rodolphe Boulanger, le nouveau chtelain de la Huchette, rend visite Charles Bovary, avec un de ses fermiers qui il faut faire une saigne. Durant l'intervention de l'officier de sant, il regarde Emma et la trouve trs jolie. Aristocrate libertin, "de temprament brutal et d'intelligence perspicace", il devine le foss qui s'est creus entre les deux poux, il dcle aussi les frustrations et les rves inassouvis d'Emma. C'est dcid, lors des prochains comices agricoles, il fera tout pour la sduire.

    Le jour des comices est arriv, tout le village est en fte. Rodolphe profite de cette occasion pour faire sa cour la jeune femme. Il va sa rencontre, et parvient fausser compagnie M. Lheureux et au pharmacien. Rodolphe et Emma assistent tous les deux l'examen des btes, l'arrive des notables. Du premier tage de la mairie, ils entendent, par bribes, les discours officiels, car Rodolphe met profit la situation pour tenir Emma des propos sducteurs. Emma se laisse prendre au jeu et n'met qu'une faible rsistance. Les discours sont suivis de la remise de mdailles : une servante reoit cette dcoration en rcompense de ses cinquante ans de labeur. La fte se termine par un feu d'artifice rat. M. Homais rdige un article dithyrambique pour le Fanal de Rouen, dont il est le correspondant.

    Rodolphe attend six semaines avant de rendre visite Emma. Il joue d'abord la comdie puis simule la mlancolie. Charles survient, Rodolphe feint alors de s'inquiter de la sant d'Emma. Il lui conseille une promenade cheval. Charles donne son aval. La jeune femme part donc pour une balade cheval en compagnie de Rodolphe. Ils pntrent dans une fort. C'est l qu'Emma se donne son compagnon. " Elle se rptait : " J'ai un amant ! un amant ! " se dlectant cette ide comme celle d'une autre pubert qui lui serait survenue. Elle allait donc possder enfin ces joies de l'amour, cette fivre du bonheur dont elle avait dsespr." Elle rencontre alors Rodolphe tous les jours, dans la fort, puis elle n'hsite pas se rendre jusqu'au chteau de Rodolphe. Ce dernier commence trouver ces visites imprudentes.

    Un jour, lors d'une de ses escapades matinales, Emma rencontre le percepteur Binet. Elle se montre peu convaincante quant la justification de cette promenade. Toute la journe, elle s'angoisse des commrages que pourrait colporter Binet. Le soir, elle rencontre nouveau le percepteur chez Homais, le pharmacien. Binet ne peut s'empcher de faire allusion leur rencontre matinale. Heureusement les invits ne ragissent pas. C'est donc le soir, sous la tonnelle de leur jardin, ou par temps de pluie dans le cabinet de consultations de son mari, qu'Emma donne maintenant rendez-vous son amant. Mais Rodolphe commence s'ennuyer de cette liaison. A l'approche du printemps, Emma, bien que toujours amoureuse de cet amant, prouve des remords en lisant une lettre nave et touchante de son pre. Elle dresse un bilan amer de son existence et regrette la candeur de son enfance. Elle redcouvre auprs de sa fille la tendresse maternelle et souhaiterait se rapprocher de son mari.

    Homais et Emma uvrent auprs de Charles pour le convaincre d'oprer Hippolyte, le garon d'curie du Lion d'Or, de son pied-bot. Charles accepte. L'opration semble un succs et Emma prouve une tendresse admirative pour son mari. Homais montre aux Bovary l'article qu'il a prpar pour le Fanal de Rouen. Malheureusement des complications surviennent vite, et la jambe du malheureux Hippolyte se gangrne. Il faut faire appel au docteur Canivet, clbre mdecin de Neuchtel. Il doit procder l'amputation de la cuisse. Cet chec anantit les espoirs professionnels de Charles. La dception est galement immense pour Mme Bovary qui se sent humilie d'avoir fond en vain des espoirs dans son mari. Ses dernires rsolutions vertueuses disparaissent : Emma se dtache irrmdiablement de Charles et s'abandonne nouveau dans les bras de Rodolphe.

  • Emma s'enflamme de nouveau pour son amant. Elle lui suggre mme de tout abandonner pour partir ensemble : "Nous irions vivre ailleurs". Elle offre beaucoup de cadeaux son amant, et drobe de l'argent son mari pour payer ses dettes auprs de Lheureux. Elle met ainsi en pril les finances de son couple. Elle n'hsite plus s'afficher avec son amant dans un attitude provocante : " Par l'effet seul de ses habitudes amoureuses, madame Bovary changea d'allures. Ses regards devinrent plus hardis, ses discours plus libres ; elle eut mme l'inconvenance de se promener avec M. Rodolphe, une cigarette la bouche, comme pour narguer le monde". Rodolphe, lui, n'est pas la hauteur de cette passion, il se lasse de sa matresse et la traite avec peu de mnagement. Il finit pourtant sur insistance d'Emma par accepter de "l'enlever". Leur fuite est prvue pour dbut septembre. Charles, lui, rve encore de beaux projets pour son pouse et sa fille. Tout est prt pour la fuite des amants. Lheureux une nouvelle fois procure le ncessaire : "un grand manteau et une caisse pas trop lourde...". L'avant-veille du dpart, les amants ont rendez-vous au clair de lune. Rodolphe le sait dj : il ne partira pas avec Emma et sa fille.

    Rentr chez lui, Rodolphe crit une longue lettre de rupture Emma. Ds les premiers mots, la jeune femme comprend. Effondre, elle s'enfuit au grenier o, dans un vertige, elle songe se suicider. Redescendue pour le dner, elle entend passer le tilbury de Rodolphe qui l'emporte loin de Yonville. Elle perd connaissance. "Une fivre crbrale" la cloue au lit pendant plus d'un mois. Charles veille en permanence sur elle, guettant les signes d'un rtablissement. Vers la mi-octobre, elle retrouve peu peu la sant. Mais Charles l'emmne sous la tonnelle. Cette vision du banc, o elle donnait rendez-vous son amant, provoque une rechute : " Elle eut un tourdissement, et ds le soir, sa maladie recommena, avec une allure plus incertaine, il est vrai, et des caractres plus complexes. Tantt elle souffrait au coeur, puis dans la poitrine, dans le cerveau, dans les membres ; il lui survint des vomissements o Charles crut apercevoir les premiers symptmes d'un cancer."

    Charles s'est beaucoup endett pour soigner son pouse et aussi pour honorer les achats qu'elle avait raliss pour sa fuite avec Rodolphe. Lheureux profite de la situation et se montre de plus en plus menaant. Charles, trop inquiet du fait de l'tat de sant d'Emma pour analyser la situation, lui emprunte de l'argent. Durant sa convalescence, madame Bovary reoit des visites du cur et retrouve provisoirement la foi. Un jour, Homais, le pharmacien, conseille Charles d'aller Rouen avec son pouse couter un opra de Donizetti. Ds le lendemain, huit heures, le couple part pour Rouen.

    Les Bovary arrivent trs tt l'opra. Ils admirent la salle et le dcor. Puis la reprsentation commence. Emma est subjugue par le tnor Lagardy. Elle se passionne galement pour le spectacle et trouve des similitudes entre le destin de Lucie de Lammemoor et le sien. l'entracte, Charles, va chercher un rafrachissement pour sa femme, et rencontre Lon. Le clerc vient saluer Emma dans la loge des Bovary. A la fin de la reprsentation, il emmne les Bovary au caf. L, Charles suggre sa femme de rester seule un jour de plus Rouen pour revoir l'opra.

    Troisime Partie

    Cela faisait trois ans que Lon et Emma ne s'taient pas revus. Le lendemain de leur rencontre l'opra, Lon se rend l'Htel de la Croix-Rouge o Emma est descendue. Il lui confie tout l'amour qu'il a prouv pour elle. Durant une longue conversation, Emma et Lon voquent Yonville, leurs peines, leurs rves et leur souvenirs. Emma refuse de s'abandonner aux avances du clerc, mais elle accepte nanmoins de le retrouver le lendemain la cathdrale. Aprs le dpart de Lon, Emma

  • crit une lettre pour dcliner le rendez-vous mais, ne connaissant pas l'adresse de Lon, dcide de la lui remettre elle-mme .

    Le lendemain, Lon arrive le premier la cathdrale. Lorsqu'Emma arrive son tour, elle lui tend la lettre puis va sagenouiller dans la chapelle de la Vierge. Il s'apprtent ensuite quitter la cathdrale, lorsque le Suisse se propose de leur faire visiter le monument. Impatient, Lon abrge la visite. Dbarrass de l'importun, il entrane Emma hors de la cathdrale et lui propose une promenade en fiacre qui leur fait parcourir vive allure Rouen et ses environs.

    De retour Yonville, Emma se rend chez Homais. Justin, l'apprenti a commis une faute grave et le pharmacien le sermonne svrement : pour faire les confitures, Justin a dsobi et est all chercher une bassine dans la rserve o le pharmacien stocke l'arsenic. Entre deux reproches Justin, Homais apprend sans mnagement Emma que le pre de Charles est mort. Madame Bovary est peu affecte par ce deuil, mais feint devant Charles d'prouver du chagrin. Le lendemain, les Bovary, aids de Mme Bovary mre, s'affairent pour prparer les obsques. C'est alors que Lheureux, le marchand d'toffes, se rend chez les Bovary. Il suggre Emma d'obtenir une procuration de son mari pour grer elle-mme les revenus du couple. Emma suggre Charles, qui accepte, de se rendre Rouen, pour consulter Lon sur cette question.

    Emma reste trois jours Rouen avec son amant. Puis ils dcident d'utiliser la nourrice pour changer leurs correspondances. Mais impatient de revoir sa matresse, Lon vient Yonville. Il dne au Lion d'Or et rend visite aux Bovary. Les deux amants souhaiteraient se revoir rgulirement. Emma fait la promesse Lon de venir le voir une fois par semaine. Elle engage galement de nouvelles dpenses auprs de Lheureux. Elle russit convaincre Charles de lui permettre de se rendre une fois par semaine Rouen, le jeudi, pour y prendre des leons de piano.

    Chaque jeudi , Emma retrouve Lon et les semaines s'coulent selon un rite immuable : il y a le lever silencieux d'Emma afin de ne pas rveiller Charles, le dpart d'Yonville au petit matin bord de l'Hirondelle, la route, la ville de Rouen qui s'veille, la chambre douillette des rendez-vous, puis le retour et la rencontre d'un horrible aveugle, qui lui cause chaque fois une terrible peur . Rouen devient le symbole du plaisir qu'elle dcouvre dans les bras de Lon. La passion qu'prouve Emma pour le jeune homme rveille en elle des dsirs de luxe. Elle accumule les dpenses d'habillement.

    Elle prend aussi l'habitude de mentir afin de pas dvoiler les motifs rels de ses voyages Rouen. Mais un jour, Lheureux la dcouvre au bras de Lon. Il profite de la situation pour la forcer rembourser ses dettes . Il lui fait vendre la proprit de Barneville dont son mari a hrit. Il lui fait galement signer de nouveaux billets d'ordre. Charles, de son ct, en signe lui aussi. La situation financire du couple est de plus en plus dramatique. Madame Bovary mre qu'on a appel la rescousse dtruit la procuration qui avait t accorde Emma, ce qui provoque une crise de nerfs de sa belle-fille. Charles ne rsiste pas trs longtemps et signe rapidement une nouvelle procuration son pouse. Un soir, Emma reste Rouen. Charles s'y rend en pleine nuit et ne retrouve sa femme qu' l'aube. Elle indique alors Charles que cette libert lui est indispensable. Ds lors, Emma va Rouen quand bon lui semble. Lon est de plus en plus subjugu par l'attitude de sa matresse. Mais ces visites frquentes le drangent dans son travail .

    Un jeudi, Homais prend la diligence pour Rouen en mme temps qu'Emma. Il est invit par Lon et souhaite mettre profit ce voyage pour revoir les lieux de sa jeunesse. Le clerc doit subir le

  • bavardage du pharmacien pendant de longues heures. Il ne parvient pas lui fausser compagnie. Emma, furieuse, quitte l'htel o elle l'attend et prouve beaucoup de mpris pour le manque de courage dont a fait preuve son amant. Cet incident met en lumire les dfauts du jeune homme. Ds lors sa passion faiblit. Une menace de saisie l'oblige trouver de toute urgence de l'argent : elle se fait payer des honoraires de son mari, vend de vieilles choses, emprunte tout le monde, et engage mme un cadeau de noces au mont-de-pit. De son ct Lon, sermonn par son patron et ne souhaitant pas se compromettre au moment de devenir premier clerc, se dtache progressivement d'Emma. La jeune femme, elle aussi un peu lasse, n'a pas le courage de le quitter. Un soir, en rentrant Yonville aprs une nuit passe au bal masqu de la mi-carme, elle apprend que ses meubles vont tre saisis. Lheureux qui elle rend visite se montre intraitable et cynique.

    "Elle fut stoque, le lendemain, lorsque Matre Hareng, l'huissier, avec deux tmoins, se prsenta chez elle pour faire le procs-verbal de la saisie". Cette situation la contraint qumander , par tous les moyens , de l'aide . Ds le dimanche , elle se rend Rouen, mais les banquiers sont ou la campagne ou en voyage. Puis elle sollicite Lon qui ne lui fait qu'une vague promesse . De retour Yonville , elle se rend chez Matre Guillaumin qui dfaut de l'aider lui fait des avances. Emma est outre et va trouver Binet qui s'esquive. Elle va ensuite chez la mre Rollet et attend , en vain, l'arrive de Lon. Il ne reste plus que Rodolphe, son premier amant.

    "Elle se demandait tout en marchant : " Que vais-je dire ? Par o commencerai-je ? " Et, mesure qu'elle avanait, elle reconnaissait les buissons, les arbres, les joncs marins sur la colline, le chteau l-bas. Elle se retrouvait dans les sensations de sa premire tendresse, et son pauvre cur comprim s'y dilatait amoureusement. Un vent tide lui soufflait au visage ; la neige, se fondant, tombait goutte goutte des bourgeons sur l'herbe." Mais Rodolphe n'a pas ces 3000 francs dont elle a besoin. Dsespre, Emma explose de colre : " Mais, moi, je t'aurais tout donn, j'aurais tout vendu, j'aurais travaill de mes mains, j'aurais mendi sur les routes, pour un sourire, pour un regard, pour t'entendre dire : " Merci ! " Et tu restes l tranquillement dans ton fauteuil, comme si dj tu ne m'avais pas fait assez souffrir ? " Elle lui reproche son gosme et s'en va, bouleverse :" Elle sortit. Les murs tremblaient, le plafond l'crasait ; et elle repassa par la longue alle, en trbuchant contre les tas de feuilles mortes que le vent dispersait".

    Sur le chemin du retour, elle est victime d'hallucinations. Arrive Yonville, elle court chez Homais et force Justin lui donner les cls de la rserve. Elle avale de l'arsenic, puis rentre chez elle. Elle rdige une lettre et demande Charles de ne louvrir que le lendemain : "Tu la liras demain ; d'ici l, je t'en prie, ne m'adresse pas une seule question !... Non, pas une !" Puis elle se met au lit. Les premiers symptmes de l'empoisonnement surviennent rapidement. Charles, paniqu, ne sait que faire. Homais propose une analyse. Emma souhaite revoir sa fille . Arrivent ensuite le docteur Canivet puis le docteur Larivire. Il est trop tard pour la sauver. Madame Bovary reoit l'extrme-onction, puis elle pleure en se regardant dans un miroir. Elle entend au dehors la chanson de l'aveugle rencontr maintes fois lors de ses escapades Rouen. Puis c'est l'agonie et la mort: " Et Emma se mit rire, d'un rire atroce, frntique, dsespr, croyant voir la face hideuse du misrable, qui se dressait dans les tnbres ternelles comme un pouvantement.

    Il souffla bien fort ce jour-l.

    Et le jupon court s'envola !

  • Une convulsion la rabattit sur le matelas. Tous s'approchrent. Elle n'existait plus. "

    Charles est effondr. Il organise avec peine les funrailles. Homais critique ces dispositions, mais Bovary lui rpond schement : " Est-ce que cela vous regarde ? Laissez-moi ! vous ne l'aimiez pas ! Allez-vous-en !" Lors de la veille funbre Homais et l'abb Bournisien discutent prement de questions "thologiques", puis ils s'endorment. Arrive au petit matin Mme Bovary mre, puis d'autres visiteurs. Charles souhaite garder d'Emma une mche de cheveux. La jeune femme est alors mise en bire. Puis c'est l'arrive du pre Rouault Yonville. Il s'vanouit en voyant les draps noirs.

    Les obsques religieuses ont lieu par une belle journe de printemps. La crmonie est interminable : " On chantait, on s'agenouillait, on se relevait, cela n'en finissait pas !". Le cortge se rend ensuite au cimetire en empruntant des chemins de campagne. Ce soir-l, Charles veille en pensant sa femme disparue. Rodolphe et Lon dorment tranquillement. Il en est un autre qui ne trouve pas le sommeil et qui est inconsolable, c'est Justin.

    Ds le lendemain, Les affaires d'argent recommencent. Les cranciers se dchanent sur le pauvre Bovary, mais celui-ci refuse de vendre les meubles ayant appartenu Emma. " Alors chacun se mit profiter." : Mademoiselle Lempereur rclame six mois de leons, Flicit, la bonne, le quitte en emportant la garde-robe d'Emma... Lon se marie. Charles retrouve au grenier la preuve de l'infidlit d'Emma : la lettre de Rodolphe. Il est fou de douleur. Il souhaite pourtant qu'Emma bnficie d'un superbe monument funraire. il se fche dfinitivement avec sa mre. Un autre jour, il dcouvre les lettres de Lon, ce qui ne lui laisse plus aucun espoir quant la fidlit d'Emma. Un jour d'aot il rencontre Rodolphe. Il parle volontiers avec lui et ne semble pas lui en vouloir. Il meurt, le lendemain, sur le banc du jardin, sous la tonnelle. Berthe est recueillie par une tante du pre Rouault. Il lui faut travailler comme ouvrire dans une filature. Homais, lui, est combl : "il vient de recevoir la croix d'honneur".

    Quelques jugements sur l'oeuvre de Gustave Flaubert

    "... Madame Bovary se donne ; emporte par les sophismes de son imagination, elle se donne magnifiquement, gnreusement, d'une manire toute masculine, des drles qui ne sont pas gaux , exactement comme des potes se livrent des drlesses... cette femme, en ralit est trs sublime dans son espce , dans son petit milieu et en face de son petit horizon... en somme, cette femme est vraiment grande , elle est surtout pitoyable , et malgr la duret systmatique de l'auteur, qui a fait tous ses efforts pour tre absent de son uvre et pour jouer la fonction d'un montreur de marionnettes, toutes les femmes intellectuelles lui sauront gr d'avoir lev la femelle une si haute puissance , si loin de l'animal pur et si prs de l'homme idal, et de l'avoir fait participer ce double caractre de calcul et de rverie qui constitue l'tre parfait"."

    Charles Baudelaire, l'Artiste, 18 octobre 1857

    "Ce qui jusqu' Flaubert tait action devient impression. Les choses ont autant de vie que les hommes , car c'est le raisonnement qui aprs coup assigne tout phnomne visuel des causes extrieures , mais dans l'impression premire que nous recevons cette cause n'est pas implique". "

  • Marcel Proust, janvier 1920.

    " L'histoire que Flaubert nous raconte est celle de la mdiocrit ; et cette dception que nous prouvons , c'est le moment o nous dcouvrons que le rel est aussi le mdiocre , l'ennui. mais c'est aussi ce que nous rvons d'abord. Et le romanesque rside en ce mouvement qui va du rve au rel de la rencontre, l'chec, de ce que pourrait tre notre vie ce qu'elle est. Le roman de Bovary n'est-il pas en fin de compte l'histoire du rel , c'est dire le surgissement d'un ternel ennui ? "

    G Bollme, La Leon de Flaubert, Julliard, 1964

    Extraits de la correspondance de Gustave Flaubert

    " J'ai le regard pench sur les mousses de moisissure de l'me. Il y loin de l aux flamboiements mythologiques et thologiques de Saint Antoine. Et de mme que le sujet est diffrent, j'cris dans un tout autre procd. Je veux qu'il n'y ait pas dans mon livre un seul mouvement, ni une seule rflexion de l'auteur."

    A Louise Colet, 8 fvrier 1852

    " Toute la valeur de mon livre, s'il en a une, sera d'avoir su marcher droit sur un cheveu, suspendu entre le double abme du lyrisme et du vulgaire (que je veux fondre dans une analyse narrative). "

    A Louise Colet, 20 mars 1852

    " Croyez-vous donc que cette ignoble ralit, dont la reproduction vous dgote, ne me fasse tout autant qu' vous sauter le coeur ? Si vous me connaissiez davantage, vous sauriez que j'ai la vie ordinaire en excration. Je m'en suis toujours, personnellement, cart autant que j'ai pu. - Mais esthtiquement j'ai voulu, cette fois, et rien que cette fois, la pratiquer fond. Aussi ai-je pris la chose d'une manire hroque, j'entends minutieuse, en acceptant tout, en disant tout, en peignant tout (expression ambitieuse). "

    A Lon Laurent-Pichat, 2 octobre 1856

    " On me croit pris du rel, tandis que je l'excre. C'est en haine du ralisme que j'ai entrepris ce roman. Mais je n'en dteste pas moins la fausse idalit, dont nous sommes berns par le temps qui

  • court. "

    A Edma Roger des Genettes, 30 octobre 1856

    " Madame Bovary n'a rien de vrai. C'est une histoire totalement invente ; je n'y ai rien ni de mes sentiments, ni de mon existence. L'illusion (s'il y en a une) vient au contraire de l'impersonnalit de l'oeuvre. C'est un de mes principes, qu'il ne faut pas s'crire. L'artiste doit tre dans son oeuvre comme Dieu dans la cration, invisible et tout puissant ; qu'on le sente partout, mais qu'on ne le voie pas. "

    A Mlle Leroyer de Chantepie, 18 mars 1857

    " Quand j'crivais l'empoisonnement de Madame Bovary j'avais si bien le got de l'arsenic dans la bouche, j'tais si bien empoisonn moi-mme que je me suis donn deux indigestions coup sur coup, - deux indigestions relles, car j'ai vomi tout mon dner."

    A Hippolyte Taine, 20 novembre 1866

    Quelques citations de madame Bovary

    " Qui donc cartait, tant de distance, le matin d'avant-hier et le soir d'aujourd'hui ? Son voyage la Vaubyessard avait fait un trou dans sa vie, la manire de ces grandes crevasses qu'un orage, en une seule nuit, creuse quelquefois dans les montagnes "

    premire partie, Chapitre 9

    "Quant Emma, elle ne s'interrogea point pour savoir si elle l'aimait. L'amour, croyait-elle, devait arriver tout coup, avec de grands clats et des fulgurations, -- ouragan des cieux qui tombe sur la vie, la bouleverse, arrache les volonts comme des feuilles et emporte l'abme le cur entier. Elle ne savait pas que, sur la terrasse des maisons, la pluie fait des lacs quand les gouttires sont bouches, et elle ft ainsi demeure en sa scurit, lorsqu'elle dcouvrit subitement une lzarde dans le mur. "

    deuxime partie, Chapitre 4

  • " Il s'tait tant de fois entendu dire ces choses, qu'elles n'avaient pour lui rien d'original. Emma ressemblait toutes les matresses ; et le charme de la nouveaut, peu peu tombant comme un vtement, laissait voir nu l'ternelle monotonie de la passion, qui a toujours les mmes formes et le mme langage."

    deuxime partie, Chapitre 12

    " Vous profitez impudemment de ma dtresse, monsieur ! Je suis plaindre, mais pas vendre ! "

    troisime partie , Chapitre 7, Emma Matre Guillaumin,

    "...comme si la plnitude de l'me ne dbordait pas quelquefois par les mtaphores les plus vides, puisque personne, jamais, ne peut donner l'exacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs, et que la parole humaine est comme un chaudron fl o nous battons des mlodies faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les toiles. "

    deuxime partie, Chapitre 12

    " car tout bourgeois, dans l'chauffement de sa jeunesse, ne ft-ce qu'un jour, une minute, s'est cru capable d'immenses passions, de hautes entreprises. Le plus mdiocre libertin a rv des sultanes ; chaque notaire porte en soi les dbris d'un pote. "

    troisime partie, Chapitre 6

    "Il ne faut pas toucher aux idoles : la dorure en reste aux mains "

    troisime partie, Chapitre 6

  • Quelques citations de Flaubert sur lart

    Il y a en moi, littrairement parlant, deux bonshommes distincts : un qui est pris de gueulades, de lyrisme, de grands vols daigle, de toutes les sonorits de la phrase et des sommets de lide ; un autre qui fouille et creuse le vrai tant quil peut, qui aime accuser le petit fait aussi puissamment que le grand, qui voudrait vous faire sentir presque matriellement les choses quil reproduit ; celui-l aime rire et se plat dans les animalits de lhomme.

    ( Louise Colet, 16 janvier 1852)

    La passion ne fait pas les vers. Et plus vous serez personnel, plus vous serez faible.

    ( propos de Musset) ( Louise Colet, 5-6 juillet 1852)

    Je regarde comme trs secondaire le dtail technique, le renseignement local, enfin le ct historique et exact des choses. Je recherche par-dessus tout, la Beaut, dont mes compagnons sont mdiocrement en qute.

    ( George Sand, dcembre 1875)

    Il ne sagit pas seulement de voir, il faut arranger et fondre ce que lon a vu. La Ralit, selon moi, ne doit tre quun tremplin. Nos amis sont persuads quelle constitue tout lArt.

    ( Ivan Tourgueniev, 8 dcembre 1877. Nos amis : Daudet, E. de Goncourt, Zola)

    Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, cest un livre sur rien, un livre sans attache extrieure, qui se tiendrait de lui-mme par la force interne de son style, comme la terre sans tre soutenue se tient en lair, un livre qui naurait presque pas de sujet ou du moins o le sujet serait presque invisible, si cela se peut. Les uvres les plus belles sont celles o il y a le moins de matire. [] Cest pour cela quil ny a ni beaux ni vilains sujets et quon pourrait presque tablir comme

    Illustration 6: couverture Madame Bovary

  • axiome, en se plaant au point de vue de lArt pur, quil ny en a aucun, le style tant lui seul une manire absolue de voir les choses.

    ( Louise Colet, 16 janvier 1852)

    Enfin, je tche de bien penser pour bien crire ; mais cest bien crire qui est mon but, je ne le cache pas.

    ( George Sand, dcembre 1875)

    Je crois que larrondissement de la phrase nest rien. Mais que bien crire est tout, parce que bien crire, cest la fois bien sentir, bien penser et bien dire (Buffon). [] Enfin, je crois la Forme et le Fond deux subtilits, deux entits qui nexistent jamais lune sans lautre. Ce souci de la Beaut extrieure que vous me reprochez est pour moi une mthode. Quand je dcouvre une mauvaise assonance ou une rptition dans une de mes phrases, je suis sr que je patauge dans le Faux ; force de chercher, je trouve lexpression juste qui tait la seule, et qui est, en mme temps, lharmonieuse ; le mot ne manque jamais quand on possde lide.

    ( George Sand, 10 mars 1876)

    Une bonne phrase de prose doit tre comme un bon vers, inchangeable, aussi rythme, aussi sonore.

    ( Louise Colet, 22 juillet 1852)

    Jclate de colres et dindignations rentres. Mais dans lidal que jai de lArt, je crois quon ne doit rien montrer, des siennes, et que lArtiste ne doit pas plus apparatre dans son uvre que Dieu dans la nature. Lhomme nest rien, luvre tout !

    ( George Sand, dcembre 1875)

    On peut juger de la bont dun livre la vigueur des coups de poing quil vous a donns et la longueur de temps quon est ensuite en revenir.

    ( Louise Colet, 15 juillet 1853)

  • Index des illustrationsIllustration 1: Gustave Flaubert............................................................................................................1Illustration 2: portrait par Eugne Giraud............................................................................................2Illustration 3: Salamnb, peinture par Gaston Bussire, 1907.............................................................5Illustration 4: Emile Zola....................................................................................................................13Illustration 5: Henry James.................................................................................................................16Illustration 6: couverture Madame Bovary.........................................................................................28Illustration 7: portrait de Gustave Flaubert........................................................................................30

    Table des matiresIntroduction..........................................................................................................................................1Sommaire..............................................................................................................................................1Biographie............................................................................................................................................2Les quatre piliers de l'uvre flaubertienne...........................................................................................4

    Madame Bovary...............................................................................................................................5Salammb........................................................................................................................................5Bouvard et Pcuchet........................................................................................................................6

    Illustration 7: portrait de Gustave Flaubert

  • uvres..................................................................................................................................................7 Romans..................................................