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Trivium 10 (2012) Lisibilité ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Hans Robert Jauss Trace et aura. Remarques à propos du Livre des passages de Walter Benjamin ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Hans Robert Jauss, «Trace et aura. Remarques à propos du Livre des passages de Walter Benjamin », Trivium [En ligne], 10 | 2012, mis en ligne le 30 mars 2012, consulté le 29 mars 2015. URL : http://trivium.revues.org/4132 Éditeur : Fondation Maison des sciences de l'Homme http://trivium.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://trivium.revues.org/4132 Document généré automatiquement le 29 mars 2015. © Tous droits réservés

Hans Robert Jauss Trace Et Aura Remarques a Propos Du Livre Des Passages de Walter Benjamin

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Hans Robert Jauss

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    Hans Robert Jauss

    Trace et aura. Remarques propos duLivre des passages de Walter Benjamin................................................................................................................................................................................................................................................................................................

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    Rfrence lectroniqueHans Robert Jauss, Trace et aura. Remarques propos du Livre des passages de Walter Benjamin, Trivium [Enligne], 10|2012, mis en ligne le 30 mars 2012, consult le 29 mars 2015. URL: http://trivium.revues.org/4132

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  • Trace et aura. Remarques propos du Livre des passages de Walter Benjamin 2

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    Hans Robert Jauss

    Trace et aura. Remarques propos duLivre des passages de Walter BenjaminTraduction de Hlne Trespeuch

    La trace est lapparition dune proximit, quelque lointain que puisse tre ce qui lalaisse. Laura est lapparition dun lointain, quelque proche que puisse tre ce qui

    lvoque. Avec la trace, nous nous emparons de la chose; avec laura, cest elle qui se rendmatresse de nous1. (M 16a, 4)

    I.1 Sil est permis au lecteur du Livre des passages dassocier ses rflexions lun de ses passages-

    cl favoris, alors je tiens faire valoir ce droit propos de cette note de Benjamin surla trace et laura. Ici, comme souvent, la forme de laphorisme savre particulirementheureuse, puisquelle runit dans une prcise concision et une langue lgante la surprisedune prise de conscience clairante et la perspicacit dune dfinition, qui pourtant dansune coincidentia oppositorum non lucide allgue la profusion de significations inhrente limage dialectique moins comme une rponse que comme une rorientation de la question.Autant que je puisse en juger, Benjamin na pas particulirement dvelopp cette ide de larelation dialectique entre la trace et laura, si capitale en termes de diagnostic sur lhistoireet le temps prsent au XIXesicle. En effet, dans ses notes sur le contenu social de la trace,comme dans ses esquisses dune thorie de laura, cest prcisment lantagonisme dont ilsagit ici qui, selon moi, fait dfaut. On peut mme se demander si cela nexplique pas certainescontradictions qui ressortent des notes de Benjamin et de ses tentatives de synthse quiinvitent justement poursuivre les bauches interrompues.

    2 Au phnomne de la trace doit avant tout tre rattach le flneur que Benjamin est, il estvrai, le premier avoir identifi comme une figure spcifique du XIXe sicle. Alors que lepromeneur, son prcurseur du XVIIIesicle (M 13a, 3), dcouvrait dans la nature sauvage unpaysage esthtique, le flneur dcouvre un monde qui lui y est oppos, un monde tranger lanature: ce dernier voit la ville se scinder en deux ples dialectiques. Elle souvre lui commepaysage et elle lenferme comme chambre2 (Stube) (M 1, 4). La masse des grandes villesest llment vital du flneur. Elle est pour lui tout la fois labyrinthe et asile, enivrant lixirde vie et incomparable champ dobservation sur lequel son regard physiognomonique fait sespreuves dans lart de dchiffrer sur les visages la profession, lorigine et le caractre3 (M6, 6), enregistrant les traces, perant ce que la vie publique tient cach. Le flneur prfigureainsi le dtective (M 13a, 2). Cest lexprience moderne de lanonymat au sein de la massedes grandes villes en perptuelle croissance (atteste depuis 17984) que cette figure incarne.En littrature, elle se traduit par lavnement du roman policier dont le contenu social tient, lorigine, leffacement des traces de lindividu dans la foule de la grande ville5. Cetteperspective littraro-historique nest pas propre Benjamin. la mme poque, on la retrouveen effet chez Roger Caillois. Dans son article pionnier Paris, mythe moderne (1937), il livreune interprtation sociale de la manire dont le roman policier moderne a remplac le romandaventures romantique, attirant ainsi lattention sur les Mohicans de Paris, un modle dugenre qui connut un grand succs en transposant la srie de Cooper, Bas-de-Cuir, dans le dcorde la savane de la grande ville. La rception de Poe par Baudelaire, laquelle Benjaminrend longuement hommage6, succde celle de Cooper par Balzac, par Alexandre Dumas,Eugne Sue et celle dautres auteurs du roman noir dans lequel la topographie mythologiquede Paris sempare de la Babylone moderne aux alentours de 1840: la Cit innombrablesoppose le Hros lgendaire destin la conqurir7.

    3 Le projet de Caillois avait la mme ambition que celle qui simposa Benjamin lorsquilenvisagea son livre des passages : faire une prhistoire du XIXe sicle , comprise

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    comme archologie mythique de la modernit8. la diffrence de Benjamin, Cailloisvoyait nanmoins la gense du nouveau mythe de la mtropole comme le produit actifde limagination qui renonce lautonomie esthtique laura de lart idaliste dans lebut de se rapproprier la ralit aline, sur les traces dune traduction lgendaire dela vie extrieure9 (Baudelaire). Dans le Salon de 1846 de Baudelaire, le chapitre Delhrosme de la vie moderne apporte la preuve que son auteur tablissait dans cette mmeperspective une rupture radicale entre les nouveaux hros dune Iliade de la vie moderne laristocratie secrte des Vautrin, Rastignac, Birotteau et le dfaitisme de leurs prdcesseursromantiques, entre lnergie, lexigence de pouvoir des uns et le mal du sicle des Ren,Adolphe ou Obermann. Benjamin souhaitait cependant suivre les pas de Baudelaire dans uneautre direction: il cherchait lui aussi se saisir du nouveau mythe de la modernit, mais ensintressant avant tout la figure du flneur, en qui sincarne la nouvelle exprience de lamasse propre aux grandes villes : La masse chez Baudelaire. Cest un voile qui se posedevant le flneur; elle est la toute dernire drogue du solitaire. Elle efface, en deuximelieu, toutes traces de lindividu: elle est le tout dernier asile du rprouv. Enfin, elle est,dans le labyrinthe de la ville, le tout dernier labyrinthe, et le plus impntrable. Grce elle,des traits chthoniens jusquici inconnus simpriment sur limage de la ville10. (M 16, 3)Pourtant, lambition qua Walter Benjamin, dans le sillon de la critique des idologies, deprouver quune nouvelle aura, illusoire celle de lme de la marchandise11 sest emparedu flneur, le conduit, lors de llaboration de son chapitre sur le flneur, se contredire12.tant donn que le flneur est peine thmatis dans Les Fleurs du Mal (on pourrait pluttle dceler dans Le Spleen de Paris, plus proche des physiologies), Benjamin est contraint desappuyer principalement sur lessai de Baudelaire sur Constantin Guys. Or dans le chapitreLHomme de la foule13, Baudelaire refuse dadopter la perspective propre la critiquedes idologies qui sexprime en ces termes chez Engels: Cette indiffrence brutale, cetisolement insensible de chaque individu au sein de ses intrts particuliers, sont dautant plusrpugnants et blessants que le nombre de ces individus confins dans cet espace rduit estplus grand14. Ce jugement dEngels sur lagitation des rues londoniennes est en compltecontradiction avec linterprtation que fait Baudelaire de lhomme de la foule. Si, proposde Guys, est mise en valeur lattitude de lobservateur passionn, clbr en tant que moiinsatiable du non-moi, qui, chaque instant, le rend et lexprime en images plus vivantes quela vie elle-mme, toujours instable et fugitive15, ce nest pas simplement un symptme, maisdj la rponse que fait Baudelaire lalination de la vie dans les grandes villes.

    4 Laffirmation de Benjamin selon laquelle le flneur ne brise ici quen apparence lisolementinsensible de lindividu dans la foule savoir dans la fausse conscience dune empathieenivre avec lme des marchandises ne peut donc tre justifie qu travers une substitutionallgorique du produit de consommation autrui (Mitmensch)16. Qui plus est, cette affirmationse trouve en contradiction avec celle quil fait ultrieurement, selon laquelle Baudelaire, la diffrence de Hugo, aurait t le gardien du seuil qui spare lindividu de la foule17.Peut-on srieusement maintenir que Baudelaire, malgr cela, ne voyait pas au travers delillusion sociale qui se cristallise dans la foule18? Ou comme cest le cas plus tard dansSur quelques thmes baudelairiens , que nous ne pourrons le suivre lorsquil assimilelhomme de la foule au type du flneur19? Ce qui, aux yeux de Baudelaire, diffrenciait leflneur du simple badaud tait, entre autres, le fait quen tant quhomme de la foule, il pouvaittout aussi bien rester dans une distance souveraine lgard des foules des grandes villes(Lobservateur est un prince qui jouit partout de son incognito) ou y plonger comme dansun immense rservoir dlectricit en amoureux de la vie universelle, tout en mettanten mots la connaissance, sinon la conscience quil avait delle (On peut aussi le comparer,lui, un miroir aussi immense que cette foule; un kalidoscope dou de conscience20). un moment au moins, Benjamin reconnat que le flneur dans la foule peut sans doute avoir vuau travers de lillusion sociale. Loisivet du flneur est une protestation contre la divisiondu travail21 (M 5, 8) une supposition qui aurait pu tre largement confirme par une preuvehistorique: le tableau physiologique intitul Le flneur Paris dans Paris ou le livre des

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    cent-et-un (1932). Dans cet ouvrage, il revient au flneur du XIXesicle, clbr comme laplus haute expression de la civilisation moderne, le rle de satisfaire un besoin primordialde son poque une tche qui, jadis, incombait au pote ou au philosophe, mais que cesderniers ne sont plus en mesure dhonorer dans la socit contemporaine. Alors que chacun,dans lexistence (Dasein) de la foule, ne se proccupe plus que de son gagne-pain et remarque peine quil a un voisin ou un interlocuteur, seul le flneur peut lencontre des effets dela division du travail rester matre de son temps et de lui-mme, mener une existencenon divise, tout en restant le vritable point central de la foule: tout lintresse, tout estpour lui un texte dobservation (...) Que de choses il vous apprend! Sous quel aspect inattendusoffre vos yeux, avec un pareil dmonstrateur, le panorama mobile qui vous environne!Chaque passant a son nom; chaque nom, son anecdote22.

    5 Il est frappant de constater que Benjamin nest pas prt confrer la littrature panoramiquedes physiologies une relle signification pour la protosociologie du xixe sicle : ils [lesphysiologues] sont anodins et dune parfaite bonhomie , ils reprsentaient, si lon peut dire,les illres de lanimal born des villes dont parle Marx quelque part; la chose la plusvidente faire tait de donner aux gens une image sympathique des uns et des autres23. ceci on pourrait objecter aujourdhui que, pour lHistoire des murs de sa Comdie Humaine,Balzac et ce nest pas le moindre alargement exploit ce rpertoire incomparable delexprience du quotidien que constitue la tradition des Tableaux de Paris (comme la montrKarlheinzStierle), condensant la physionomie morale de la grande ville volution rapide,pour la transformer en mythes du quotidien24. cela sajoute le fait que Le Spleen de Parisde Baudelaire, prcisment parce que ce cycle de pomes en prose dpasse les barrirespotiques des Fleurs du Mal (Les Yeux des pauvres, par exemple, accusant linsensibilitsociale des amants) sest lui aussi inspir des formes de la physiologie moralisatrice et lesa perfectionnes25. Une pice comme Les Foules (XII) prouve que le pote, en tant queflneur qui cherche son dernier asile dans la foule humaine, peut voir la grande ville avec leregard de lhomme alin26, mais sait aussi trouver dans la masse son bain de multitude:Multitude, solitude: termes gaux et convertibles par le pote actif et fcond27. Sil fauttrouver un endroit o les illres de lanimal born des villes sont tombes et o il nestplus de raisons de discrditer le flneur en tant que virtuose de cette identification lavaleur dchange, alors cest bien ici28 (M17a, 2). Si Marx, relativement tt dj, lorsquilattaqua les Mystres de Paris, sassigna pour tche de faire surgir de cette masse amorphe quun socialisme nobles intentions sefforait damadouer celle dun proltariat dairain29,ne fallait-il pas alors, au pralable, que soient surmontes langoisse et lhorreur provoquespar la foule des grandes villes30 et que soit recherche cette universelle communion31 quepostulait Baudelaire, en mettant au mme niveau le flneur, le pote et lhomme de la foule?

    II.6 Si lon prend au mot laphorisme de Benjamin sur la trace et laura, il invite envisager le

    processus acclr de la rvolution industrielle du XIXe sicle comme l apparition duneproximit spcifique cette poque, qui rendait urgent de poursuivre, dans le ngatif delensemble, la trace sur laquelle les arts, sous leurs nouvelles formes dart social et dartindustriel, tentaient nouveau de semparer de la chose de lexprience de plus en plusfaible dans un monde vcu (Lebenswelt) dnatur. En vis--vis, en tant quapparition dunlointain, se situerait alors laura de lart autonome, dont Benjamin fut le premier identifieret dcrire efficacement le destin lapoge du capitalisme son dclin augmentant mesureque progressaient lart marchandise et le muse imaginaire. Ainsi dfinie, cette dialectique delexprience esthtique du XIXesicle nest en ralit paracheve ni dans le Livre des passages,ni dans les autres essais rdigs par Benjamin: la thorie de lart auratique reste emplie decontradictions. Son destin dans la modernit post-romantique est enregistr ct perte en tantquhistoire dun dclin, tandis que, ct bnfice, la page reste quasi vide. Les volutionsopposes dune esthtique ayant perdu son autonomie, ne pouvaient pas encore tre apprciesdans leur intention fondamentale dhumaniser le matrialisme du dveloppement industriel

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    par le beau, parce que Benjamin voyait de prime abord leur fonction sociale marque par latare dune servitude (par exemple, A 1a, 8; A 2, 2) ce qui paradoxalement prsupposaitla permanence du paradigme idaliste de lautonomie esthtique.

    7 Dfinir laura comme lunique apparition dun lointain, si proche soit-il, cest exprimerla valeur cultuelle de luvre dart en termes de perception spatio-temporelle32 . Est-ce dire que la dtermination centrale de lart auratique serait, en fin de compte, emprunte lexprience du sacr (au caractre inapprochable du tableau de culte33) ? Dans ce cas,lapproche benjaminienne risquerait de tomber dans le pige dune thorie de la scularisationqui, selon la critique formule son gard par Hans Blumenberg34, est loin dtre incontestable.En prenant comme point de dpart le tableau de culte, face auquel lexprience sacre etlexprience esthtique apparaissent encore conjointes, Benjamin se met en difficult parrapport la gense historique de la posie.

    8 De fait, si dans lart ancien pr-autonome luvre dart plastique tait lie de manire ce point vidente sa place dans la vie que lunicit de son existence au lieu o elle setrouv[ait]35 tait enregistre dans son aura comme apparition de son lointain, la situationest bien diffrente dans le cas dune uvre de posie. Car celle-ci reste peu attache lpoque, au lieu et la situation qui la virent natre. Son autonomie smantique, sa capacit parler au-del de son existence unique dans son monde originel, a toujours constitu soncaractre esthtique36. Cest pourquoi Benjamin tait oblig de faire un pas supplmentaire etde remplacer le substrat cultuel de la posie, qui faisait dfaut, par un substrat subjectif delesthtique de la production: lunicit du crateur, savoir lauthenticit de sa production.Avec la scularisation de lart, lauthenticit devient le substitut de la valeur cultuelle37.Benjamin a prsuppos implicitement le processus historique que cette thse (dissimule dansune note) devrait impliquer, mais ne la pas expos. Sil avait essay de le faire, il auraitt confront au fait que la norme esthtique de lauthenticit (qui reviendra dans la Thoriede lagir communicationnel de Jrgen Habermas, en tant qunonc expressif rclamant latransparence dautoprsentation38), devrait se trouver, dun point de vue historique, lie la phase de lindividualisme militant de lre bourgeoise. Avant, elle ne peut tre dmontre;aprs, elle incombe la critique du sujet autonome et ne peut alors que caractriser un pisodede lhistoire de lexprience esthtique39. Benjamin remarque lui-mme la chose suivante: Enralit, lpoque o elle fut faite, une Vierge du Moyen ge ntait pas encore authentique,elle lest devenue au cours des sicles suivants, et surtout peut-tre au XIXe 40. Ds lors lathse selon laquelle le hic et nunc de loriginal constitue ce quon appelle son authenticit41ne peut tre gnralise lhistoire des arts. Le hic et nunc de la Vierge dfinissait son auraen tant que valeur cultuelle, qui exclut per se la question de lauthenticit. Dun autre ct,laura de lauthenticit qua acquis le Faust en tant que cration unique de Goethe ne dpendaitsrement plus de lhic et nunc de la premire reprsentation donne Weimar. Comment et parquelle entremise lauthenticit a-t-elle pu se substituer la valeur cultuelle? qui sert donclhypothse selon laquelle laura de lart autonome aurait t emprunte laura du sacr?

    9 Le concept daura chez Benjamin semble par consquent acqurir sa force hermneutique partir du moment o il sloigne de la thse non avre de la scularisation et se comprendcomme une donne manant de lesthtique de la rception, ncessairement rtrospective luvre dart comme apparition dun lointain, quelque proche que puisse tre ce quilvoque. Cela est directement explicit dans le clbre passage de Hegel que cite Benjamin:Le bel art (...) est n dans lglise mme (...), encore que lart soit dj sorti du principe delart42. Chez Hegel en effet, le beau dans le tableau de culte nest justement pas associ savaleur cultuelle: trs tt dj, la pit a eu besoin dimages servant dobjets de dvotion, maiselle navait en aucun cas besoin dimages belles, qui la gnaient mme43. Par consquent,le beau, mme sil fut dabord peru dans le tableau de culte, dcoule toujours de la ngationde sa valeur cultuelle, cest--dire du fait que, dans le temps de la rception, celui qui regardene se soumet plus au rituel de la prire. Finalement, lorsquun spectateur moderne ressentencore la beaut de luvre dart classique en tant que valeur cultuelle, lattitude de profondecontemplation quimplique cette situation est elle-mme dj une sacralisation secondaire de

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    cette aura de lauthenticit, dont le gnie original de lidalisme allemand, comme individuautonome, se targuait dtre le crateur. Le culte de lindividu prit la place du culte religieuxdans un acte de provocation; sil doit tre question ici de scularisation provocatrice, alorscela ne peut seulement signifier que laura de luvre autonome nest pas ne dun empruntdirect quelque chose dexistant, mais plutt quelle a t engendre et lgitime en tant quemonde propre au pote qui, la manire de Promthe, se pensa comme un autre dieu. Par lasuite, seule une rception rgressive a voulu voir dans cette mancipation des beaux-arts deleur servitude sculaire mancipation dont lesthtique des Lumires fut le point culminant, un succdan dune religion de lart, sans prendre en considration le fait que, comme Hegelle rappelait, nous nen sommes plus pouvoir vnrer religieusement les uvres dart et leur vouer un culte44 .

    10 Manifestement, sur la route du dveloppement historique des arts, on ne peut dfinir demanire unanime laura de luvre dart par son autonomie, parce quil est impossible defonder le fait esthtique (das sthetische) per se sur la valeur cultuelle : il la transcende,ds le dbut, et cela se perptue travers une opposition toute forme de sacralisation delart. Cest la raison pour laquelle la dfinition fondamentale de laura chez Benjamin quil diagnostiqua dabord, de manire rvlatrice, dans sa phase de disparition comporteune tonalit nostalgique vidente. En outre, par lapparition unique dun lointain, quelqueproche que puisse tre ce qui lvoque , elle peut signifier quelque chose de toujoursdiffrent : le succdan du sacr, le hic et nunc de loriginal, le tmoignage historiquede la chose45, lauthenticit de la cration subjective, le semblant dautonomie de luvredart46, et finalement en lien cette fois avec la relation de lhomme la nature lesyeux levs: Sentir laura dune chose, cest lui confrer le pouvoir de lever les yeux47.Cette belle mtaphore, construite en dialogue avec les vers de Baudelaire sur le temple dela nature (Lhomme y passe travers des forts de symboles / Qui lobservent avec desregards familiers) est pourtant trop belle pour tre ici encore historiquement vraie, cest--dire pour tre encore valable en tant quindex esthtique de la modernit naissante. Cardans le pome Correspondances, Baudelaire avait dj marqu la limite entre lexprienceauratique de la nature propre au romantisme et le lointain de la nature caractristique dunenouvelle re de la posie dans laquelle le dclin de laura sest inscrit48. Dans le pomelui-mme, le regard lev de la nature renaissante est une nouvelle fois mentionn, commeun adieu permettant douvrir la posie une nouvelle exprience. Celle de la synesthsie une perception esthtique qui dcouvre les correspondances entre les odeurs, les couleurset les tons qui chantent les transports des esprits et des sens , et qui ainsi peut laisserderrire elle les anciens symboles dune comprhension anthropocentrique de la nature. Poursauver son concept daura pour la modernit, Benjamin a donc t jusqu substituer auxcorrespondances naturelles les trouvailles de la mmoire involontaire, et la posie deBaudelaire, la posie du souvenir de Proust49. De la sorte, il voulait dfendre un concept dauraqui devait impliquer dans le souvenir lunique apparition dune ralit lointaine, et ainsile caractre cultuel de laura ( savoir: le lointain par essence est linapprochable50). Ilme semble quil serait plus cohrent dattribuer la donne de la remmoration, non lauraen voie de disparition, mais plutt la trace mergente. Car le lointain essentiel, chez Proust,nest plus une donne inapprochable qui se drobe dans le caractre intemporel du tableau deculte, mais linapprochable dun temps vcu qui se drobe la mmoire volontaire. Cest cequi tombe dans loubli, ce qui est enferm et ainsi conserv. Cest ce dont seul le souvenirinvolontaire peut semparer en ouvrant une porte sur le pass dans linattendu maintenantde la connaissabilit, et en permettant de reconnatre la trace de la ralit perdue sur laquellepeut ds lors se lancer le narrateur, dans laura de lauthentique.

    11 Laura de la posie du souvenir que dcouvre Proust, arrache linconscient, est directementoppose laura de lanamnse platonicienne, tributaire de la rflexion. Elle est ne dunedialectique de la trace et de laura que Benjamin ne fait apparatre que l o lart acompltement quitt le domaine de la belle apparence51 dans le cinma, en tantquart spcifique lre de la reproductibilit technique. Cest ici enfin quun bnfice peut

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    tre tir de la destruction de laura, de la rupture du charme cultuel et de la suppression delautonomie esthtique: la dritualisation accomplie de lart rend le spectateur, jusqualorssolitaire, disponible pour une rception collective. Benjamin attendait de ce public tout lafois une attitude critique et de plaisir52, et nen escomptait rien de moins que lilluminationprofane53 de sapproprier soi-mme la chose: le devenir pratique de lexprience esthtique.Nanmoins, lalternative fatale entre lesthtisation de la politique et la politisation de lartpourrait, dans la conclusion appellative de son article sur luvre dart, ne pas avoir t ledernier mot de Benjamin dans sa dialectique de la trace et de laura. Larticle intitul Surquelques thmes baudelairiens galement achev en 1939 entend sauver laura du beauet partir la recherche dune exprience qui tente de stablir sans crises54, exprience travers laquelle la valeur cultuelle de lart, recherche avec une telle obstination, acquiert unsens tout autre, authentiquement profane: Dans son existence historique, le beau est un appelau rassemblement autour de ceux qui lont autrefois admir. tre saisi par la beaut, cest,comme le disaient les Romains de la mort, ad plures ire.(...) Ladmiration rcolte ce que lesgnrations antrieures ont admir dans luvre55. Je reviendrai plus loin sur les implicationshermneutiques de cette philosophie de lhistoire esthtico-thologique.

    III.12 Que lindustrie est rivale des arts : cette affirmation du vers final en exergue

    de lintroduction du Livre des passages sonne comme une annonce, pourtant elle nestdveloppe explicitement ni dans les notes, ni dans les essais. Naturellement, linestimabledocumentation compile traite des grandes performances de la production industrielle : laconstruction en fer en tant quingnierie, lutilisation du verre, lclairage, la photographie,le graphisme publicitaire, le feuilleton littraire, les amnagements propres aux expositions,lhaussmannisation. Pourtant les perspectives ainsi ouvertes ne sont pas runies dans unehistoire consacre la rivalit entre art industriel, art social et art traditionnel. Dans cettesynthse fragmentaire, Paris, capitale du xixesicle, les passages et les intrieurs, les hallsdexposition et les panoramas sont surtout abords en tant que rsidus dun monde derve (chaque poque rve la suivante56). Selon Benjamin, ce nest quavec le surralismeque le regard sur ces lments fut libr, car il identifia les ruines de la bourgeoisie pronostiques par Balzac et en dtruisit les symboles de ses aspirations57. Donnant limpressionque le regard mlancolique a t compltement hypnotis par la grande ide de la philosophiede lhistoire, celle dune prhistoire du xixesicle, et par son corrlat potique, le modernecomme re de lenfer (contre-image dialectique du monde des marchandises saint-simonien),les synthses bauches apprhendent, dans des descriptions souvent brillantes, tout ce quise laisse inscrire dans la mythographie de la Babylone moderne ou dans la pathographie dela conscience collective en adhsion avec le caractre ftiche de la marchandise. Danscette crise de la perception et cette alination croissante de lexprience du monde vcu,ce qui a t fait pour saisir le dveloppement rapide de la civilisation technique dans denouvelles formes dart, pour le matriser travers de nouvelles dfinitions de sa fonctionsociale et pour le diffuser partir des modles et des expriences de lancien art auratique,nest quasiment pas pris en considration. Le dveloppement des forces productives de lamodernit au xixe sicle na pas seulement mancip les formes plastiques de la tutellede lart58. Il a galement permis lart de sortir du rgne autonome de la belle apparenceet la replac dans son rle social qui ne mrite pas dtre simplement rabaiss uneservitude. Je souhaite expliciter la trace ainsi sous-estime dune exprience esthtiqueneuve, en phase de construction, et qui, face au processus dalination de la productionindustrielle des marchandises, serait mme de contrebalancer la perte de laura sans participerpour autant de lidologie dominante du progrs, partir de trois exemples.

    13 1) Dans sa critique de la conception non dialectique, chez Benjamin, du caractre de ftichede la marchandise , Adorno relve le passage sur la libration accorde aux choses dela corve dtre utiles en le prsentant comme le gnial tournant mme de sauverdialectiquement les marchandises59 , quil aurait souhait voir davantage dvelopp. Ce

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    passage se situe dans un chapitre sur les intrieurs, que Benjamin a su apprhender dans lasignification symptomatique quils reprsentaient par rapport aux bouleversements du mondevcu (Lebenswelt), et ce jusquau Jugendstil. Et il le fait de telle manire que ce passageapparat comme lun des moments phares de son projet : Pour le particulier les lieuxdhabitation se trouvent pour la premire fois en opposition avec les lieux de travail. Ceux-l viennent constituer lintrieur (...). Le particulier qui ne tient compte que des ralitsdans son bureau demande tre entretenu dans ses illusions par son intrieur. (...) Celui-cireprsente pour le particulier lunivers. Il y assemble le lointain et le pass. Son salon est uneloge au thtre du monde60. Alors que limportance grandissante du muse imaginaireestici diagnostique in nuce, mais encore de manire pjorative, un dbut de trace mme decompenser la perte de lexprience auratique commence du ct du collectionneur. Pour cedernier, lintrieur est lasile o se rfugie lart : Le collectionneur se plat susciter unmonde non seulement lointain et dfunt mais en mme temps meilleur; un monde (...) o leschoses sont libres de la corve dtre utiles61. Malheureusement, dans linterprtation deson propre aphorisme, Benjamin dment presque cette bauche prometteuse qui aurait pu leconduire une apprciation plus juste de lesthtisme tant vilipend. Il croit devoir critiquerle collectionneur parce quil ne confre aux choses quil idalise que la valeur quelles ontpour lamateur au lieu de la valeur dusage62. Pourtant, ce nest pas avec lapprciation deschoses selon leur valeur dusage (qui daprs Adorno ne renvoie quau stade de la divisiondu travail63) que commence leur libration du statut de marchandises, mais avec la valeurque leur confre lamateur, dcharge de toute utilit (voir H 3a, 1). Cest ce que montreprcisment luvre dart elle-mme qui en tant que marchandise sui generis chappe toujoursaux lubies thologiques de la valeur dusage et de la valeur dchange.

    14 Ailleurs au contraire, Benjamin considre le fait de collectionner comme diamtralementoppos lutilit et le place dans la catgorie remarquable de la compltude. Il sagiraitdune tentative grandiose pour dpasser le caractre parfaitement irrationnel de la simpleprsence de lobjet dans le monde, en lintgrant dans un systme historique nouveau, crspcialement cette fin, la collection64. (H 1a, 2) La compltude comme idal de lartde collectionner intgre larbitraire de la tradition dans un nouveau rapport : un systmehistorique qui garde en mme temps dans lordre du souvenir larbitraire de la ralit passe(H 2, 7). Collectionner comme forme de ressouvenir pratique, ce nest donc pas restituerprcisment lauratique comme il a effectivement t, mais suivre la trace de lappropriationpour conduire le lointain dans la manifestation la plus convaincante65 de la proximit(H 1a, 2). Ceci explique une rflexion de Benjamin trs significative, et dans un premiertemps surprenante: La vraie mthode pour se rendre les choses prsentes consiste se lesreprsenter dans notre espace (et non nous reprsenter dans le leur). (...) Il en va de mme,en vrit, avec la contemplation de grandes choses du pass, comme la cathdrale de Chartres,ou le temple de Paestum, quand elle est couronne de succs: elle consiste les accueillirdans notre espace. Ce nest pas nous qui entrons en elles, ce sont elles qui entrent dans notrevie66. (H 2, 3; Premires notes, I 2) La vraie mthode par consquent, lappropriation,est donc oppose lempathie de lhistoricisme: cest lui quest fait le reproche de la fausseconscience, et non au muse imaginaire que le collectionneur sest construit avec le regarddu grand physionomiste67 (H 2, 7).

    15 2) En exploitant les documents sur la construction en fer et les amnagements propres auxexpositions, Benjamin voulait approfondir une thse de Marx selon laquelle lorigine, lavieille forme du moyen de production influe sur la forme nouvelle (F 2a, 5) dans le sens o ceprocessus aurait suscit, dans la conscience collective, des images de souhait (Wunschbilder)o le nouveau et lancien se compntrent68. Si, ses dbuts, la production industrielletait prisonnire du rve69 , en particulier lors du dveloppement triomphal des formessurs de la fonte et du verre (F 1a, 2), les rves des ingnieurs et des architectes ntaientpour autant nullement rgressifs. Le style empire considrait moins la nouvelle technique dela construction en fer comme une contribution au renouveau de larchitecture dans lespritde la Grce antique70 que comme une surenchre par un autre art dtermin slever

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    aussi loin du systme mdival que le systme de lart leva le Moyen-ge au-dessus dusystme du linteau monolithe de lAntiquit71 (citation de Boetticher, F1, 1). Dans la relationentre art et industrie, le fait de prlever le nouveau sur de lancien peut, sous lapparencedune compntration72 continue, relever de motivations totalement diffrentes. Tant que lecaractre fonctionnel du fer nest pas reconnu, la forme ancienne peut encore, dans un premiertemps, se greffer sur la nouvelle fonction (par exemple les wagons de chemin de fer en formede diligences, F 7, 3). Lancienne et la nouvelle fonction peuvent se retrouver dans un objethybride. Cest le cas du passage qui, en tant que construction en fer se trouve dj, du pointde vue fonctionnel, dans le domaine de lespace en largeur (Breitraum), mais du point devue architectural, (...) est encore du ct de lancienne halle, et conserve ainsi quelquechose de sacr (un souvenir de la nef encore attach cette enfilade de marchandisesquest le passage73 , F 4, 5). Le lieu de production de la nouveaut peut galement citerdanciennes formes, pour exorciser ltranget du monde industriel et lui donner un aspectdavantage familier (des usines avec des galeries et, lintrieur, des escaliers tournants enfer, F5a, 6). Une fois devenue art industriel pleinement panoui, la nouveaut peut enfinintgrer la beaut de la nature, dpasse, pour la conserver comme le ferait un muse (commeles clbres ormes sous la vote centrale du palais de cristal, qui renvoie la forme nouvellede la serre, F 4, 1; F 4, 2). Mais lart industriel autonome peut aussi mettre la nouveaut la place de lancien art sacr, de manire provocatrice et triomphante, comme dans le cas delexposition universelle de Paris en 1855: Quatre locomotives gardaient lentre de lannexedes machines, semblables ces grands taureaux de Ninive, ces grands sphinx gyptiens quonvoyait lentre des temples74 (G 8a, 2).

    16 3) Ce que Benjamin dit des expositions universelles peine satisfaire le lecteur contemporain:selon lui, elles auraient t, tout au plus, les centres de plerinage de la marchandise-ftiche,la haute cole o les masses exclues de la consommation apprirent lidentification la valeurdchange75. Tout regarder, ne toucher rien (G 16, 6) est un verdict conservateur,en somme que Georg Maag a dernirement revu profondment au travers dune analysede documents sur la rception de ces expositions. Aux tmoignages deuphorie, suscite parla surenchre des volutions industrielles et techniques dpassant toute attente sopposent iciles symptmes dune peur insurmontable lgard de la supriorit des capacits humaines,capte dans des expriences diverses et des rves collectifs. En mme temps, cette peur donnanaissance une nouvelle esthtique de lre industrielle. Le chapitre de Maag sur le CrystalPalace met au jour la dialectique qui fait dfaut chez Benjamin de lindustrie et durve: la soudaine transformation de la ralit technique matrise en fantasmagorie, en vieillespromesses de contes et de mythes (construction de la tour de Babel) appeles en renfort. Cespromesses se cristallisent, mme chez des crivains progressistes comme Thophile Gautier,de manire contre-paradigmatique, tout particulirement autour du nouveau mythe de lOrient(indien) : Lexprience, qui reste obstrue par labstraction des vritables conditions devie, est rcupre par limaginaire76. Je souhaite ici convoquer Baudelaire, un autre tmoinimportant. Benjamin a certes cit son compte rendu de lExposition universelle de 1855, maisne la pas suffisamment exploit (G 15a, 2). Baudelaire y suggre quil est conscient dtre autournant dune poque travers la question rhtorique suivante: quest-ce quun Winckelmannmoderne aurait dire devant les pices chinoises exposes, dune beaut bizarre, dconcertanteet aussi fascinante quinexplique ? Le Winckelmann classique et avec lui, le canon delesthtique autonome, de la philosophie de lart, ainsi que les normes de lacadmisme quirgnait jusqualors chouerait ici invitablement (tout peuple est acadmique en jugeantles autres, tout peuple est barbare quand il est jug77 ). Comparer et juger le pluralismefondamental des produits exposs provenant de toutes les nations ncessite selon lui unrevirement radical. Le spectateur critique devrait apprendre sapproprier ce quexclut lecanon soi-disant intemporel du beau, et reconnatre dans ltranger prcisment ce qui estbizarre, singulier, la quintessence dune nouvelle beaut universelle. Saisir la nouvelleesthtique des expositions universelles, selon lui, ne peut se faire grce une ducationhistorique, elle ncessite au contraire une nouvelle navet qui, dans la diversit des produits

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    artistiques, recherche et peut reconnatre le nouveau quil nest possible de dduire daucunergle78.

    17 La condamnation de lhistoricisme et de lacadmisme, qui permet douvrir le regard labeaut universelle et synchrone des arts runis dans le muse imaginaire de lexpositionuniverselle, implique pour Baudelaire une vhmente condamnation de lide de progrs :Qui veut y voir clair dans lhistoire doit avant tout teindre ce fanal perfide79. ladressedu Franais moyen lecteur de journaux dj tellement amricanis (sagit-il dunnologisme de Baudelaire?) par ses philosophes zoocratiques et industriels, quil ne seraitmme plus en mesure de faire la diffrence entre le monde matriel et le monde spirituel80

    ce tmoignage aurait trs bien pu sintgrer loptique de Benjamin, au mme titre que laprise de conscience chez Baudelaire dun nouveau cosmopolitisme: la reconnaissance dunegale utilit de toutes les nations lgard de limmense analogie universelle81 deleurs produits. Lautre facette de cet industrialisme nest donc pas seulement, dans la deuximemoiti du XIXesicle, la nouvelle esthtique dune alliance entre art et industrie, mais aussiune nouvelle solidarit des masses qui se manifeste dans leuphorie (G 10a, 2; G 13a, 1). Carsi dun ct la fantasmagorie de la culture capitaliste trouva son plus grand panouissementlors de lExposition universelle de 186782 , de lautre ct les dlgations douvriers ontgalement ouvert la voie ds 1862 comme Benjamin lui-mme le remarque la fondationde lInternationale (G 7a, 3).

    18 Selon Benjamin, le dveloppement de la technique (industrielle) jusquau dbut du XIXesiclese serait opr beaucoup plus lentement que celui de lart, mais par la suite, la situationse serait renverse et le processus technique aurait dsormais dict son tempo lart (G1, 1). Cette remarque donne loccasion de se rappeler du dveloppement non synchronedes diffrents arts. Tandis que, dans les priodes anciennes, la posie fut la premire saffranchir des fonctions du culte, il semble quau XIXesicle elle repassa derrire les formesartistiques de la production industrielle, celles qui navaient plus de valeur auratique et quitriomphaient dans les halls des expositions universelles. Dans cette nouvelle alliance entreart et industrie, la posie joue peine un rle. Hippolyte Babou en tmoigne, lorsquil senplaint en ces termes : Lart et lindustrie ! Oui, cest en effet pour eux, pour eux seuls,quon a rserv en 1855 cet inextricable rseau de galeries, o ces pauvres littrateurs nontpas mme obtenu six pieds carrs, la place dune pierre tumulaire83! (G 16a, 2). Le slogande lart pour lart, compris comme la tentative de protger lart en le rendant impermableau dveloppement de la technique84 serait rest cet gard une vaine tentative dauto-affirmation. Cela peut finalement expliquer pourquoi Baudelaire le condamne en tant quepurile utopie85. la mme poque commenait le dveloppement, encore trs hsitant,dune nouvelle posie de lindustrie. Maag a montr que cette premire approche potiquedu monde industrialis restait encore dans une pr-comprhension contrastive de la natureabandonne par la production industrielle. Dans les Fleurs du mal, lenvironnement industrielnapparat pas encore. Toutefois, cest justement Baudelaire qui a prpar la voie uneesthtique de la modernit industrielle, en ne fondant plus sa posie sur le concept nostalgiquede nature issu du romantisme, mais sur lexprience contradictoire dun monde devenu abstrait une exprience dans les abmes de laquelle plonge le sujet des Fleurs du mal, et ce de manireexemplaire, afin de le clbrer dans ses extases.

    IV.19 Le fait que le Livre des passages soit riche en examens originaux et en perspectives

    dvelopper, parmi elles figure une histoire de la rception qui a maintenant bien progresset laquelle la recherche sur Baudelaire est grandement redevable ne devrait pas laisserignorer les raisons pour lesquelles lune des principales thses de cet ouvrage met son auteur endifficult, et ce propos du principal tmoin de sa dmonstration: Baudelaire. Laffirmationen question se trouve dj formule dans les Premires notes (1927-1929), et est plus tardreprise mot pour mot : Le moderne comme temps de lenfer. Les chtiments de lenfersont toujours la pointe de la nouveaut dans ce domaine. Il ne sagit pas de dire que les

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    mmes choses sans cesse arrivent, encore moins de parler ici dternel retour. Il sagit pluttde ceci: le visage du monde ne se modifie jamais dans ce quil y a de plus nouveau, cetteextrme nouveaut demeure en tous points identique elle-mme. Cest cela qui fait lternitde lenfer. Dterminer la totalit des traits sous lesquels le moderne se manifeste, ce seraitdonner une prsentation de lenfer86. (S 1, 5; Premires notes, G 17) Ltude de la rceptioncontemporaine de luvre de Baudelaire montre que ses amis staient opposs sa miseen examen pour immoralit, et avaient cherch disculper lauteur des Fleurs du mal en leprsentant comme le Dante dune poque dcadente (cest du Dante athe et moderne, duDante venu aprs Voltaire, J 3a, 187). Et il est vrai que dans ses paysages de lennui queBenjamin observe son tour, une idylle mortelle88 de la ville plusieurs facettes se fait jour.Toutefois, cet aspect infernal ne reprsente en aucun cas lensemble des traits caractristiquesde la modernit dans le chef-duvre de Baudelaire. Le lecteur est galement guid traversun purgatoire moderne89 pour rester dans le paradigme dantesque et dcouvre soudain,dans lhtrogne paysage de lextase90, des lieux de repos, ceux du souvenir et des paradisartificiels. En loccurrence, le revirement de lexprience de la nouveaut et de lextrmenouveaut en quelque chose didentique, de toujours semblable ou dextrmement anciennest nullement ncessaire (la prhistoire recherche). Lesthtique baudelairienne de lanouveaut affirme ses prtentions morales en prnant une curiositas exploratoire, qui peutcertes dcevoir, mais est aussi intarissable. Le vers final du dernier pome Au fond delinconnu pour trouver du nouveau devait, selon Benjamin, faire apparatre la nouveautcomme origine de cette apparence illusoire et quintessence de cette fausse conscience91. lencontre dune telle interprtation, on peut dire que Baudelaire a ici renouvel un clbreparadigme dantesque: le dernier voyage qui conduit Ulysse au-del des limites imposes lhomme, aux antipodes de lancien monde, insouciant lgard du ciel et de lenfer queBaudelaire voque avec provocation: Nous voulons, tant ce feu nous brle le cerveau, /Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, quimporte ? Pour lui, cest prcisment lenouveau qui permet de reconvoquer lancien et de ressusciter un pass mort, comme il lemontre travers le paradigme de la mode92. Cest limpulsion premire qua sous-estimeBenjamin, ainsi que la fonction hermneutique de lesthtique de la nouveaut avec laquelleBaudelaire accomplit la transition de lhistoricisme lesthtisme. Celle-ci contredit le conceptdune modernit rgressive que dveloppe Benjamin en tablissant sa prhistoire, dans lamesure o elle correspond sa thorie du Maintenant de la connaissabilit. Benjamin nyfait pas appel ses dpens.

    20 En se lanant dans une prhistoire du XIXe sicle, Benjamin a suscit chez Adorno lelourd reproche suivant : La formule daprs laquelle nouveau et lancien se compntrentme semble au plus haut point douteuse et ce pour la mme raison qui me faisait critiquerlimage dialectique comme rgression. L, on ne se rapporte plus lancien, cest ce quily a de plus nouveau qui, en tant quapparence et fantasmagorie, est lui-mme lancien93.Pourtant, de cette critique un noyau de vrit peut tre sauv, si lon sengage reformuler lathse principale de Benjamin, dans laquelle il rcuse lide dune archologie du XIXesicle (larecherche de formes prhistoriques, autrement dit des archtypes de linconscient collectif),au profit de lide suivante: Le concept dune prhistoire du XIXesicle na de sens quel o le XIXesicle serait prsent comme forme originaire de la prhistoire, sous une forme,par consquent, o lensemble de la prhistoire se rassemble nouveau dans des images quiappartiennent au sicle coul94. (N3a, 2) Au sicle prcdent, notre modernit a telleest ma lecture de ce passage sa prhistoire spcifique, autrement dit: le XIXesicle, avec lapremire apparition non matrise de la technique, est lantiquit de notre modernit, entant que prhistoire de ce qui arrive ultrieurement! La foi nave dans le progrs, la sensationsimplement ngative du tout-nouveau, ne serait dans la conscience collective quune formeonirique prise par les vnements : Le collectif qui rve ignore lhistoire. Pour lui, lesvnements se droulent selon un cours toujours identique et toujours nouveau. La sensationdu tout-nouveau, du tout--fait-moderne est une forme du devenir tout aussi onirique quelternel retour du mme95. (S 2, 1; Premires notes, M 14). Le rveil de rves collectifs,

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    ce moment o lillusion historique se dissipe serait alors, selon Baudelaire, conscience dutemps aigu, marque par le moment du rveil moment qui, selon Benjamin, est identiqueau Maintenant de la connaissabilit dans lequel les choses prennent leur vrai visage, leurvisage surraliste96 (N 18, 3; N 3a, 3). Cela ne voudrait pas seulement dire que, dans lesimages dialectiques des Fleurs du mal, lAutrefois rencontre le Maintenant dans un clairpour former une constellation97 (N 2a, 3), mais aussi que les Fleurs du mal permettent depercevoir le prsent partir dune anticipation du futur le Paris du temps prsent commeruine de la socit bourgeoise et de la culture capitaliste.

    21 Si lon adopte ce type de lecture, il devient inutile de sacharner tenter de dmontrer,encore et toujours, que le moderne et lantique (classique) se compntrent dans les Fleurs duMal. Devient caduc galement le reproche selon lequel labsence dune analyse de lantiquitclassique serait le principal point faible de la thorie baudelairienne de la modernit98. LeLivre des passages aurait alors pu concrtiser rien de moins que la grandiose ambition deMaxime Du Camp dcrire sur Paris ce livre que les historiens de lantiquit nont pas critsur leurs villes99 (C 4). Dans le chapitre Le Paris antiquisant, catacombes, dmolitions,dclin de Paris, Benjamin a bien mis en valeur le moment o, dans la vie de Du Camp,survient cette inspiration qui donna lieu son grand livre dobservation, Paris, ses organes, sesfonctions et sa vie dans la seconde moiti du XIXesicle (6vol., 1869-1871). Il ne parviendratoutefois pas laccomplir, en tant que topographie prsupposant le dclin de la mtropole(C 4). Alors quil attendait la fabrication dune paire de lunettes et quil sapercevait ainsipour la premire fois de sa situation dhomme g avec gravit, Du Camp rflchissait cette loi de linvitable destruction qui gouverne toute chose humaine100. Sur le Pont Neuf,il eut lintuition fulgurante dcrire ce livre sur Paris, qui serait luvre de sa vieillesse, lecouronnement de sa carrire celle quon aurait pu crire sur Athnes au temps de Pricls,sur Rome au temps de Csar, ces villes dchues de lAntiquit. Ici, aux yeux de Benjamin, cenest pas seulement linspiration antique qui est hautement signifiante, mais surtout ledclin anticip des mtropoles modernes. Benjamin revient sur ce point ultrieurement: Lesrveries sur le dclin de Paris sont un symptme du fait que la technique ntait pas accepte.Elles traduisent la conscience obscure de ce que la croissance des grandes villes saccompagnede celle des moyens qui permettent de les raser101. (C 7a, 4) Le lecteur daujourdhui pourrait,il me semble, nattendre rien dautre de Benjamin quil ait justement tabli ce prcieux examendans son Livre des passages avec son sens du diagnostic, incomparable en matire de savoirnon encore conscient, refoul ou oubli dans lespace mythique des traditions dune poque, quil lait toff pour en faire une ligne directrice de sa prhistoire de la modernit venir.Celui-ci serait devenu la pierre de touche de sa thorie de limage dialectique, exigeant de lanouvelle mthode dialectique en histoire de vivre lAutrefois avec lintensit dun rve pourvoir dans le prsent le monde veill auquel le rve se rapporte! (Premires notes, F, 6).Cette rvolution copernicienne102 (K 1, 1), avec laquelle il faut instruire le procs de lacontemplation (Premires notes, Q, 6), ne suppose pas seulement que, dans le Maintenantde la connaissabilit, le pass soit compris en fonction de ce qui le conditionne dans leprsent. Elle implique galement que la constellation entre temps prsent et histoire devienneperceptible dans le point de rupture que constitue un rveil (N 18, 4) mme de dissiperlapparence illusoire de la continuit pique (la tradition des vainqueurs) (Premires notes,O, 81) et de rendre possible sa transformation dialectique en agir politique (Premires notes,O, 56). Sur ce point, je souhaite remarquer que le Maintenant de la connaissabilit estdorigine esthtique, alors que le Maintenant du rveil est dorigine thologique. Et dansces deux concepts revient lopposition entre trace et aura sans quon puisse y trouver unesolution dialectique dfinitive.

    22 Une image dialectique est ce en quoi lAutrefois rencontre le Maintenant dans un clair pourformer une constellation103. (N 2a, 3) Cette dfinition est ensuite explicite de la maniresuivante: La marque historique des images nindique pas seulement quelles appartiennent une poque dtermine, elle indique surtout quelles ne parviennent la lisibilit qu unepoque dtermine104 (N 3, 1). Ici, la connaissabilit nest pas comprise comme lisibilit

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    incidemment, car lattente suivante : Chaque moment historique compris comme possibilitlibre des possibilits dhistoire. Chaque possibilit ainsi libre vient la rescousse de lapossibilit du prsent105 se concrtise de la manire la plus vidente dans le cas de texteslittraires. Car, lhistoire de leur rception (si elle savre consquente) dmontre quon nepouvait interroger ces crits avec nimporte quelle question nimporte quelle poque. Toutela richesse de leurs significations ne pouvait tre reconnue ds le dbut, elle ne sest rvle queprogressivement dans la mesure o, au fil de lexprience et des changements de perspective,et souvent en opposition la tradition, la signification potentielle de ces textes a toujourst comprise et lue de manire diffrente, nouvelle. Benjamin a ainsi anticip lesthtiquede la rception, qui ne sest impose que trente ans plus tard. Cest la raison pour laquelleGerhard Kaiser a remarqu juste titre, propos des Thses sur la philosophie de lhistoireet de lessai sur Fuchs, que lide dhliotropisme en histoire artistique et culturelle estacquise, dans le champ de la rception des uvres et des textes106. En effet, lespoir quisommeille dans le pass De mme que certaines fleurs tournent leur corolle vers lesoleil, le pass par un mystrieux hliotropisme, tend se tourner vers le soleil qui est entrain de se lever au ciel de lhistoire107 quivaut telle signification qui, encore latentedans louvrage, attendrait dclore la lumire dun ouvrage ultrieur. Cest la raison pourlaquelle Benjamin pouvait galement crire : La rception des grandes uvres dart trsadmires est un ad plures ire108 (N 7a, 4), identifiant ainsi lexprience esthtique uneconception religieuse loquente (dans la Rome antique, la formule renvoyait aux dfunts!).Lorigine esthtique de lexhortation suivante, adresse lhistorien dialecticien, prendreconscience de la constellation critique que tel fragment du pass forme prcisment avec telprsent, est particulirement clairante dans lessai sur Fuchs. Elle y est introduite traverslexemple duvres dart qui intgrent leur prhistoire et leur fortune (Nachgeschichte), (...)une fortune en vertu de laquelle leur prhistoire se rvle tre elle aussi soumise dincessantschangements. Elles [ces uvres] lui apprennent comment leur fonction est capable de survivre leur crateur et de smanciper de ses intentions; comment laccueil par les contemporainsest un aspect de linfluence que luvre dart exerce aujourdhui sur nous, et comment cetteinfluence ne repose pas seulement sur la rencontre avec luvre, mais aussi avec lhistoire quilui a permis de venir jusqu nous109.

    23 Cette exhortation, qui anticipe in nuce le programme de la future esthtique de la rceptionde manire presque parfaite, se laisse galement penser travers la dialectique de lauraet de la trace comme une rvolution copernicienne , transformant la contemplationen prsentification (Vergegenwrtigung). Lattitude contemplative serait alors tourne verslapparition dun lointain, et travers elle, laura se rendrait matresse de nous ; lattitudedialectique, en revanche, sorienterait vers la prsentification productive du lointain, et travers elle, la remmoration chercherait semparer de la chose (constellation critiqueexigeant une appropriation consciente du pass, sans quil suffise que le prsent claire lepass. N 2a, 3). Toutefois, Benjamin na pas tir cette consquence. Manifestement, il aprfr tenter de conserver dans le Maintenant de la connaissabilit un moment auratique.La dfinition selon laquelle limage est ce en quoi lAutrefois rencontre le Maintenantdans un clair pour former une constellation est ici explicite de manire surprenante, maissurtout difficilement comprhensible: limage est la dialectique larrt (N 2a, 3). Dans larception productive des uvres dart, la dialectique narrive justement pas un point darrt:le Maintenant de la lisibilit implique encore dautres lisibilits venir. Pourquoi lvidentepartialit de toute rception artistique ne serait-elle pas galement valable pour lhistoire?Manifestement parce quici, en passant de lesthtique au politique, un nouveau paradigmethologique est appel en renfort : le blocage messianique des vnements110. Pourquoilhistoire doit-elle donc tre bloque, en vertu de quel espoir, quelle fin?

    24 Les thses sur la philosophie de lhistoire mettent en vidence le recours la thologiemessianique : Le pass est marqu par un indice secret, qui le renvoie la rdemption.(...) Nous avons t attendus sur la terre. nous, comme chaque gnration prcdente, futaccorde une faible force messianique sur laquelle le pass fait valoir une prtention111. (II)

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    Ici, Benjamin cre un court-circuit entre le paradigme de lesthtique de la rception et celuide la thologie : la rdemption du pass prend la place de luvre, dont linterprte rendcomprhensible une signification jusqualors inconnue pour le prsent. La force messianiquea cependant plus apporter que linterprte. Elle ne doit pas seulement arracher tel ouvrageparticulier luvre dune vie ou son poque, dtacher une poque dtermine du courshomogne de lhistoire112 (XVII) ; elle ne doit pas sarrter, jusqu ce que la totalit dupass soit, dans une apocatastase historique, introduite dans le prsent113. (N 1a, 3) Cet espoirdpend au pralable de la clause suivante: Certes, ce nest qu lhumanit rdime quchoitpleinement son pass. Cest--dire que pour elle seule son pass est devenu intgralementcitable114. (III) Mais, la fin, cette clause est nouveau abolie dans une caractrisationaccentue de la concidence entre temps prsent et histoire: ce nest pas un tat final venir,mais chaque moment vcu et arrt qui peut dj constituer, pour la rdemption de lhumanit,le jour du Jugement dernier (III) ou comme pour les juifs auxquels il tait interdit de sonderle futur tre la porte troite par laquelle le Messie pouvait entrer115 (XVIII B).

    25 Si ici comme le remarque Gerhard Kaiser la rsurrection de lhistoire doit concrtiserun espoir quAdorno, Horkheimer, Marcuse et Bloch plaaient dans une rsurrection de lanature dchue116, la solution de Benjamin est paye au prix dune dernire contradiction :limpossibilit de prsenter dialectiquement le Maintenant de la connaissabilit et lemoment du rveil. Le Maintenant de la connaissabilit, dans lequel une poque particuliredu pass refoul atteint la lisibilit, suppose un accs conscient, et donc lapprhension de latrace pour se rendre matre de la chose (de lexprience ensevelie). Le Maintenant du rveil,en revanche, nest pas disponible pour le sujet historique; il suppose un kairos, louvertureimprvisible des portes par lesquelles le Messie peut entrer, autrement dit lapparition dunlointain quelque proche que puisse tre ce qui lvoque. Cette opposition traverse tout leLivre des passages, ainsi que les thses sur la philosophie de lhistoire, sous la forme dimagesdialectiques qui explicitent le Maintenant de la connaissabilit, tantt de manire active, tanttde manire passive. Dun ct, le pass est arrach (XVII), de lautre il choit (III);parfois il est question du saut du tigre dans le pass plein de force (XIV), dautres momentsde la remmoration non violente; de mme, la citation critique et destructive (N 11, 3) faitface la citabilit rdemptrice (III); au fragment arrach, la structure monadologique de lobjethistorique (N 10, 3) et, de nouveau, lobjet dans sa singularit est oppose lapocatastase detout le pass (N 1a, 3). Enfin, la force qui nous est donne, bien que faible et messianique (II),est mise en regard de larrive de quelque chose de plus grand qui ne peut accomplir que ceen raison de quoi celui qui crit lhistoire (et manifestement aussi celui qui la fait?) ne peutraviver ltincelle de lesprance que dans le pass, non dans le futur (VI).

    26 La solution cette contradiction (qui ne mappartient pas) napparat ni dans le Livre despassages inachev, ni dans les autres bauches menes leur terme. Cela pourrait, mon avis,expliquer pourquoi le texte et avec lui lambitieux projet poursuivi par Walter Benjamintout au long de sa vie na pas atteint la forme dun ouvrage, et peut-tre aussi pourquoi ilne pouvait pas latteindre. Cela ne diminue en rien la porte de ce commentaire singulier, ndans une poque sombre, que lon peut dsormais lire comme une prhistoire de lactuelleFin de sicle ( Il faut fonder le concept de progrs sur lide de la catastrophe. Que leschoses continuent comme avant: voil la catastrophe117. N 9a, 1). De la mme manire,le fait quun tel commentaire ait pu tre crit alors quune menace quotidienne pesait sur lesconditions matrielles dexistence de son auteur ne peut que forcer ladmiration et plongerdans la honte celui qui la chance denseigner en tant que fonctionnaire. cet gard, ce textequi, en dpit de la nouvelle organisation des documents de travail rcemment mis en oeuvre, nepourra pas prendre la forme dun vritable ouvrage, laisse bel et bien derrire lui une intentionrsolue : avoir sans cesse lesprit que le commentaire dune ralit (cest ce que nouscrivons ici) rclame une mthode tout fait diffrente de celle appele par le commentairedun texte. Dans un cas, cest la thologie qui est la science fondamentale, dans lautre cest laphilologie118. (Premires notes, O, 9). Des lments quil faudrait rappeler ceux qui adoptentune mthode aujourdhui dominante, pratiquant la thologie sans le souponner en interprtant

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    un peu rapidement des ralits historiques comme des textes! Mais le texte de Benjamin estaussi extraordinaire en ce quil laisse en suspens des questions qui donnent une chance sessuccesseurs de poursuivre ce qui a t bauch, et de suivre une trace qui nest sans doutepas la hauteur de laura quils ont obtenue en suivant Benjamin. Dans ce commentaire, quientendait mettre en valeur quelques aspects, et non lensemble du Livre des passages, monambition ntait pas de concurrencer la philologie monumentale de Benjamin. Cest pourquoije ne me suis pas proccup des problmes complexes de lhistoire des textes. Jacceptevolontiers les critiques et je ne justifie mes remarques que par linspiration profane que je dois Benjamin la trace qui nous rapproche dun prdcesseur est prfrable lapparition dunlointain, si parfait puisse-t-il tre, dans le Maintenant de la connaissabilit.

    27 Engels, F. (1975): La Situation de la classe laborieuse en Angleterre, daprs les observationsde lauteur et des sources authentiques [1845], trad. de G. Badia et J. Frdric, Paris.

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    Notes

    1 Benjamin (2006), p.464. Les indications entre parenthses renvoient au systme de notation utilispar Walter Benjamin et repris dans chacune des ditions du Livre des passages.2 Ibid., p.435.3 Ibid., p.447.

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    4 NdT: Dans la traduction franaise, cette indication de lanne 1798 napparat plus. Voir Benjamin(1979), p.62: Walter Benjamin se rfre un rapport de police de cette anne (cit par Adolphe Schmidtdans Tableaux de la Rvolution franaise) dans lequel il est crit: Il sera toujours presque impossiblede rappeler et de maintenir les bonnes murs dans une population amoncele o chaque individu, pourainsi dire, inconnu de tous les autres se cache dans la foule, et na rougir aux yeux de personne.5 Ibid., p.67.6 Ibid., p.65sq.7 Caillois (1937), repris dans Caillois (1972), p.158, cit dans Benjamin (2006), (C 8, 4).8 Le projet de Caillois, indiqu dans sa remarque finale (Caillois [1937], p.699, ou Caillois [1972],note1, p.175), ntait pas seulement dtudier la littrature indpendamment de tout point de vueesthtique et (...) considrer plutt son rle demprise, son conditionnement social, sa fonction de mytheen rapport avec des phases nouvelles de lhistoire des ides et de lvolution du milieu, il se rfrait aussi un catalogue de questions, semblable aux rubriques prsentes dans les notes de Benjamin, comme cedernier le remarque lui-mme (N 7, 1).9 Caillois (1937), p.698 (en lien avec Le peintre de la vie moderne).10 Benjamin (2006), p.463.11 Benjamin (1979), p.62, p.84.12 Ibid., p.55sq.13 NdT: Cet essai sintitule Le Peintre de la vie moderne et le chapitre en question a pour titre prcisLArtiste, homme du monde, homme des foules et enfant.14 Engels (1975), p.59-60, cit dans Benjamin (1979), p.86.15 Baudelaire (1980), LArtiste, homme du monde, homme des foules et enfant, dans Le Peintrede la vie moderne, p.795-796.16 Benjamin (1979), p.87.17 Ibid., p.97.18 Ibid., p.98.19 Ibid., p.175.20 Baudelaire (1980), LArtiste, homme du monde, homme des foules et enfant, dans Le Peintre de lavie moderne, p.795. NdT: La rfrence bibliographique donne par Jaussest juste, mais il remplace danssa transcription en franais les termes incognito par innocence et amoureux par amateur.21 Benjamin (2006), p.445.22 Paris ou le livre des cent-et-un, Bruxelles, 1932, p.90-103.23 Benjamin (1979), p.58, 59, et 60.24 Dans Gumbrecht (1980), p.178.25 Voir ce propos Jauss (1982).26 Benjamin (2006), p.42.27 Baudelaire (1980), Les Foules, dansLe Spleen de Paris, p.170.28 Ibid., p.466: Fondamentalement, lidentification la marchandise est une identification la valeurdchange. Le flneur est le virtuose de cette identification. Il emmne en promenade le concept mmede vnalit.29 Benjamin (1979), p.164.30 Ibid., p.178.31 Baudelaire (1980), Les Foules, dans Le Spleen de Paris, p.170.32 Benjamin (2003), note 1, p.22.33 Ibid.34 Blumenberg (1974).35 Ibid., p.13.36 Voir Ricur (1986).37 Benjamin (2003), note, p.23.38 Habermas (1987), p.55.39 Lhistoire intellectuelle montre que la question de la sincrit nest devenue un enjeu social qu partirdu temps de Montaigne et Shakespeare, et que lauthentique ne fut pas rig en norme esthtique avantle XVIIIesicle, tout dabord avec la prtention de Rousseau daffirmer la vrit de son autoprsentation,mme au travers de ses erreurs et de ses illusions. Cette norme sacheva au plus tard avec la formule deDilthey lexprience et la posie (sur ce point, voir Jauss [1977]).

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    40 Benjamin (2003), p.14.41 Ibid., p.13.42 Hegel (1979), p.313, cit dans Luvre dart lpoque de sa reproductibilit technique (dernireversion), dans Benjamin (2000), note1, p.282.43 Ibid.44 Hegel (1995), t.I, p.17, cit dans Benjamin (2000), p.283.45 Benjamin (2003), p.16.46 Benjamin (2000), p. 287.47 Benjamin (1979), p.200.48 Ibid., p.201.49 Ibid., p.200. Sur ce point, voir galement Jauss (1977), p.154sq.50 Benjamin (1979), p.200.51 Benjamin (2003), p.44.52 Ibid., p.56.53 NdT: Le concept dillumination profane est dvelopp par Walter Benjamin dans son article sur lesurralisme, Le surralisme. Dernier instantan de lintelligentsia europenne, publi en fvrier 1929.54 Benjamin (1979), p.189.55 Ibid., note p.190.56 Ndt: Il sagit dune citation de Michelet, prsente dans Benjamin (2006), p.36.57 Ibid., p.46.58 Ibid.59 Adorno, T. W., Anmerkungen des Herausgebers. Zeugnisse zur Entstehungsgeschichte, dansBenjamin (1982), p.1135.60 Benjamin (2006), p.41.61 Ibid.62 Ibid.63 Adorno, T. W., Anmerkungen des Herausgebers. Zeugnisse zur Entstehungsgeschichte, dansBenjamin (1982), p.1130.64 Benjamin (2006), p.222.65 Ibid.66 Benjamin (2006), p.223-224.67 Ibid., p.224.68 Ibid., p.36.69 Ibid., p.174.70 Ibid., p.35.71 Ibid., p.172.72 Ibid., p.36.73 Ibid., p.181.74 Doncourt (1889), p.53, cit Benjamin (2006), p.207.75 Benjamin (2006), p.50, p.219.76 Maag (1986), p.78sq.77 Baudelaire (1980), Exposition universelle, 1855, p.723.78 Ibid., p.723-724.79 Ibid., p.725.80 Ibid.81 Ibid., p.722.82 Benjamin (2006), p.907.83 Hippolyte Babou cit dans ibid., p.219.84 Ibid., p.43.85 Cette explication complte la quatrime de mes thses sur la position de Baudelaire dans lamodernit esthtique, 3e colloque international W.-Krauss, dans Weimarer Beitrge, 31, 1985, p.16-23.86 Benjamin (2006), p.560.

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    87 Barbey dAurevilly (J 3a, 1), Thierry (J 26, 1).88 Benjamin (2006), p.43.89 Baudelaire lui-mme dfendait son livre avec largument selon lequel on se mprendrait sur sa terrible moralit si on ne prenait pas en considration le principe de sa composition : unblasphme, jopposerais des lancements vers le ciel; une obscnit, des fleurs platoniques (...). Livredestin reprsenter lagitation de lesprit dans le mal. (Baudelaire [1980], Le procs des Fleurs dumal, Notes pour mon avocat, p.140)90 Daprs Hess (1953).91 Benjamin (2006), p.43.92 Baudelaire (1980), Peintres et aquafortistes, p.822-823.93 Adorno (1999), p.116.94 Benjamin (2006), p.480 (soulign par H.R. Jau).95 Ibid., p.563.96 Ibid., p.480.97 Ibid., p.478.98 Voir sur ce point la quatrime de mes Thses sur la position de Baudelaire... Laffirmation deBenjamin LAntiquit de Baudelaire est lAntiquit romaine. LAntiquit grecque napparat dansson univers quen un endroit. (Benjamin [1979], p.131sq.) rfute dj un examen de cette thmatiquedans Les Fleurs du Mal. Le pome Le Cygne (prototype pour Benjamin de linterpntration du moderneet de lantique) cite Andromaque; Lesbos et Femmes damnes citent Sappho, Delphine et Hippolyte: cequi, au-del, peut encore apparatre comme antique renvoie un monde ancien mythique dans Jaime lesouvenir de ces poques nues, La vie antrieure, La Gante. La liste est dj termine. Le dandy commedernier clat dhrosme dans les dcadences [Le Dandy, dansLe peintre de la vie moderne,dans Baudelaire (1980), p.807] peut difficilement le contrebalancer. Ce bilan ngatif ntait pas non plusune surprise, si lon prend la phrase provocatrice publie dans Salut public plus srieusement que ne lefit Benjamin, bien quil sy rfrt la fin de Le Paris du Second Empire chez Baudelaire: Plus detragdies, plus dhistoire romaine. Ne sommes-nous pas aujourdhui plus grands que Brutus, etc.? [LeSalut public, n 1, 27 fvrier 1848, dans Baudelaire (1980), p.906]99 Benjamin (2006), p.116.100 Ibid.101 Benjamin (2006), p.122.102 Ibid., p.405.103 Ibid., p.478.104 Ibid., p.479.105 Kaiser (1973), p.241-242 (daprs P. Szondi, Hoffnung im Vergangenen, ibid., note78).106 Ibid., p.217-218.107 Benjamin (2000), Sur le concept dhistoire, p.430.108 Benjamin (2006), p.488.109 Benjamin (2000), Eduard Fuchs, collectionneur et historien, p.174.110 Ibid., Sur le concept dhistoire, p.441.111 Ibid., p.428-429.112 Ibid., p.441.113 Benjamin (2006), p.475.114 Benjamin (2000), Sur le concept dhistoire, p.429.115 Ibid., p.442.116 Kaiser (1973), p.235.117 Benjamin (2006), p.491.118 Ibid., p.477.

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    Hans Robert Jauss, Trace et aura. Remarques propos du Livre des passages de Walter Benjamin,Trivium [En ligne], 10|2012, mis en ligne le 30 mars 2012, consult le 29 mars 2015. URL: http://trivium.revues.org/4132

    propos de lauteur

    Hans Robert JaussHans Robert Jauss (19211997), thoricien de la littrature. Pour plus dinformations, voir la noticesuivante.

    Droits dauteur

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    Entres dindex

    Mots-cls :histoire de la rception, Charles Baudelaire, littrature, marxisme, Paris,XIXesicleSchlsselwrter : Rezeptionsgeschichte, Charles Baudelaire, Literatur, Marxismus,Paris, 19.Jahrhundert

    Notes de la rdaction Nous remercions Madame Helga Jauss-Meyer de nous avoir accordlautorisation de traduire ce texte pour le prsent numro.