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Societe de l'Histoire de France HARANGUE: DU DUC DE STRASFORDZ, VICE-ROY D'HIRLANDE, Sur l'eschaffault où il fut décapité le 12 may 1641 Author(s): J. D. Source: Bulletin de la Société de l'histoire de France, T. 1, No. 2 (1834), pp. 95-99 Published by: Editions de Boccard on behalf of Societe de l'Histoire de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/23396431 . Accessed: 16/05/2014 03:28 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Editions de Boccard and Societe de l'Histoire de France are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Bulletin de la Société de l'histoire de France. http://www.jstor.org This content downloaded from 193.104.110.26 on Fri, 16 May 2014 03:28:57 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

HARANGUE: DU DUC DE STRASFORDZ, VICE-ROY D'HIRLANDE, Sur l'eschaffault où il fut décapité le 12 may 1641

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Societe de l'Histoire de France

HARANGUE: DU DUC DE STRASFORDZ, VICE-ROY D'HIRLANDE, Sur l'eschaffault où il futdécapité le 12 may 1641Author(s): J. D.Source: Bulletin de la Société de l'histoire de France, T. 1, No. 2 (1834), pp. 95-99Published by: Editions de Boccard on behalf of Societe de l'Histoire de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/23396431 .

Accessed: 16/05/2014 03:28

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].

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DOCUMENTS HISTORIQUES ORIGINAUX. f)5

XXII.

HARANGUE

DU DUC DE STRASFORDZ, VICE-ROY D'HIRLANDE,

Sur ΐescliaffault où il jut décapité le 12 maj 1641·

OBSERVATIONS.

Ce discours admirable de Thomas Wentworth, comte de Straf

ford, l'un des plus grands hommes d'état de l'Angleterre et la

première victime de la révolution, n'a été publié intégralement dans aucun des mémoires contemporains de Th. May, de Claren

don, de Whitelocke et autres insérés dans la collection françoise de

M. Guizot. M. de Lalli-Tolendal, dans son histoire si dramatique du comte de Strafford, en a donné une courte analyse , et n'en a

rapporté que quelques lignes ; il est cité par la plupart des histo

riens anglois comme un modèle de grandeur d'âme, et digne de

la lettre du même à Charles I", qui est plus connue. La traduction

françoise que nous publions paroît avoir été faite peu de temps

après l'événement ; elle existe dans les manuscrits de la collection

de Béthune à la Bibliothèque royale (n°g585,p. io3). Le texte

anglois de ce discours fait sans doute partie de la vie de Strafford

écrite par le chevalier Ratcliffe, son ami, ou des mémoires de

Rudswoorth , ou des pièces originales recueillies dans la collection

des procès politiques de l'Angleterre ; nous n'avons pu le vérifier.

On peut voir entre autres pour l'histoire de ce procès célèbre, le

t. Ier de l'Histoire du long Parlement, ch. VIII, p. 173, et les

pièces historiques jointes à l'édition françoise de M. Guizot, même

vol. , p. 413 et suiv., ainsi que VHistoire du comte de Strafford,

par M. de Lalli-Tolendal. Londres itq5, et Paris 181 z£

J. D.

« Monseigneur le primat d'Irlande, messeigneurs, et vous autres gentilliommes ici présens, ce m'est une

grande consolation de vous avoir près de moy aujour

d'huy, puisque j'ay esté connu de vous il y a long

temps : je serois bien aise d'obtenir silence pour vous

dire quelque peu de parolles, mais je double que non.

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g6 DOCUMENTS HISTORIQUES ORIGINAUX.

Monseigneur, je viens icj par la volonté et plaisir de

Dieu tout-puissant, pour payer la dernière debte que je doibs au péché, qui est la mort ; et par la bénédiction de

ce Dieu, espère de résuciter par les mérites de Jésus

Christ en une gloire éternelle. J'eusse bien souhaité

d'estre en privé, affin què je peusse estre ouy. Mes

seigneurs, si je vous puis estre tant obligé que je

puisse dire quelques mots, je le receuvray pour une

très grande courtoisie. Monseigneur, je viens icy

pour souffrir le jugement qu'on a donné contre moy,

je le fais d'une âme paisible et contente, je pardonne franchement à tout le monde, pardon qui ne procède

pas des dents extérieures, comme l'on dict, mais

du coeur; je le dits en la présence du grand Dieu de

vant lequel je suis maintenant, que je n'ay aucune

pensée de desplaisir que ce soit contre aucune créa

ture; je remercie Dieu que je puisse dire véritable

ment, et ma concience me sert de tesmoing qu'en tous mes services, depuis que j'ai eu l'honneur de

servir Sa Majesté, en quelque employ que c'eust

esté, je n'ay jamais eu aucune chose au cœur que la prospérité unie et individuelle du Roy et du

peuple. Si sça esté ma fortune d'avoir esté mal in

terpretté, c'est la portion commune de nous tous,

pendant que nous sommes en cette vie; le juge ment juste et droit sera cy après ; nous sommes nez

subjetz à erreur et subjetz à estre mal jugez les uns

et les autres. II y a une chose de laquelle je désire me

justifier, et je suis bien asseuré que je le dis avec au

tant de sérénité que j'espère d'avoir vostre charité

chrestienne en la créance d'icelle : j'ay tousjours creu

que les parlements d'Angleterre estoient les plus heu

reuses constitutions qu'aucun royaume ou nation

ayent à vivre soubz icelles el soubz Dieu, et les

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DOCUMENTS HISTORIQUES ORIGINAUX. g η

moyens de rendre le Roy et le peuple heureux. Voilà comme j'ay esté bien esloigné d'estre contre les par lements. Quant à ma mort, j'acquitte icy tout le

monde, et prie Dieu de tont.mon cœur de leur vou loir pardonner ; et en particulier, monseigneur le pri mat , je suis fort aise que Sa Majesté ne me croye pas mériter un punissement si sévère et si pesant, comme

est l'exécution finale de cette sentence, je suis fort

aise et me resjouis infiniment de cette sienne miséri

corde, et prie Dieu de la luy rendre, et qu'il puisse trou

ver miséricorde lorsqu'il en aura le plus de besoing. Je souhaite à ce royaume tout le bonheur et toutte

la prospérité du monde, je l'ay fait estant vivant, et

maintenant que je meurs c'est mon souhaict; je

proteste et professe à présent de tout mon coeur, et le

recommande à chacun d'icy et désire que chacun

mette la main sur son cœur, et considère sérieuse

ment si le commencement du bonheur du peuple doit

estre escript en lettres de sang; je crains qu'il ne soit

hors de sa droite voye, et désire à Dieu tout-puissant

que pas une goutte de mon sang ne s'eslève en juge ment contre vous.

Monseigneur, je faictz profession d'estre vray et

obéissant fils de l'église d'Angleterre, de cett'église en laquelle je suis né et dans laquelle j'ay esté nourry, sur laquelle le bonheur et prospérité puisse tousjours

demeurer, et quand à ce qu'on a dict icy que j'ay incliné à la papauté, si c'est une objection qui mé

rite responce, je vous diray véritablement que depuis le temps que je fus aagé de vingt et un an jusques à

cette heure, venant sur la quarante-deux', je n'ay

1 Cet âge ne s'accorde pas avec la date assignée à la naissance du

comte de Strafford par Lalli-Tolenda!, c'est-à-dire l'année i5c)5, date

qui lui donnerait quarante-huit ans.

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gtf DOCUMENTS HISTORIQUES ORIGINAUX.

jamais eu aucune pensée en mon cœur de doubter de

ma religion en Angleterre, et n'a y jamais eu la har

diesse de me suggérer le contraire de la vérité d'icelle

tant que je m'en puis souvenir ; et aussy estant ré

concilié ès miséricordes de Jésus-Christ mon sau

veur, dans le sein desquelles j'espère estre bien tost

recueilly pour jouir des félicitez esternelles qui n'au

ront jamais de fin, je désire de tout mon coeur le

pardon à chacun, tant pour quelques parolles rudes

ou non préméditées, ou actions, et désire vos prières; et ainsy, monseigneur, adieu; adieu touttes les choses

du monde. Seigneur, fortifiiez ma foy, donnez-moi

confiance et asseurance ès mérites de Jésus-Christ. Je

désire que vous fassiez un peu silence et que vous

joigniez vos prières avec moy ; je me fie en Dieu, et

espère que nous nous rencontrerons tous pour vivre

éternellement ès cieux, et là recevoir l'accomplisse ment de toutte félicité, où touttes larmes seront es

suyées de nos yeux, et touttes tristes pensées de nos

cœurs ; et ainsy Dieu bénisse ce royaume, et, Jésus,

ayez pitié de mon âme. »

Nous ne pouvons nous refuser à joindre à ce discours le récit

donné par M. de Lalli-Tolendal, d'après les contemporains, des

dernières minutes de la vie de Strafford :

« Il fit alors le tour de l'cchafaud, donnant la main à tous ceux qui l'avoient accompagné en leur disant un adieu solennel. Après avoir

prié pendant environ une demi-heure à genoux, et son chapelain

auprès de lui, il appela Sir Georges Wentworth. « Mon frère, lui

« dit-il, il faut nous séparer; parlez de moi à ma sœur, à ma femme; « portez nia dernière bénédiction à mon fils ; dites-lui de nia part « qu'il vive craignant Dieu et fidèle au roi ; qu'il pardonne à nos

« ennemis ; il voit ce que sont les grandeurs ; s'il m'en croit il vivra

« tranquille dans ses terres, servant son comté dans le niodesle

χ emploi de juge de paix, n'aspirant pas à de plus hautes places. « Donnez aussi ma bénédiction à mes filles Anne et Arabella;

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DOCUMENTS HISTORIQUES ORIGINAUX. g<j h n'oubliez pas leur petite sœur : pauvre enfant, qui est malheu

« reuse avant de savoir discerner le malheur! Dieu la protège! »

Ici le comte s'arrêta une minute ; puis pressant encore la main de

son frère : « J'ai presque fini, dit-il ; un seul coup va ravir à ma

« femme son époux , à mes enfants leur père, à mes pauvres sér

ie viteurs leur bon maître, à vous un frère tendre, à tous mes

« aniis un ami reconnoissant. Dieu vous console tous ! »

Il se déshabilla tranquillement, remerciant le ciel de n'éprouver aucune terreur à l'approche de la mort. : «En vérité, dit-il, je (( quitte mes vêtements avec autant de sérénité que quand je les

« quittois pour me reposer dans les bras du sommeil. »

Lui-même releva ses cheveux , découvrit son cou, et appela

l'exécuteur, qui n'avoit pas encore osé se montrer. « Mylord, « pardonnez-moi, s'écria le bourreau en tombant à genoux.

— A

« vous et à tout le monde , répondit Strafford. J'ai encore quelques « prières à adresser au ciel, et je poserai ensuite ma tête sur le billot

« pour l'essayer, je la relèverai un instant; je l'y replacerai, j'é « tendrai les mains, et ce sera pour vous le signal de frapper. » Il

s'agenouilla ayant à sa droite l'archevêque et à sa gauche son cha

pelain ; après quelques prières proférées à haute voix , et les mains

levées vers le ciel, il dit à l'oreille du chapelain les derniers mots

qu'il dut proférer, se plaça sur le billot, et donna le funeste signal. Sa tête fut abattue d'un seul coup. L'exécuteur la montra au peuple en criant : Dieu sauve le roi !... ( Extrait de la Vie du comte de

Strafford·, par M. de Lalli-Tolendal, édit. de Londres, p. 4o6. )

La mémoire du comte de Strafford fut réhabilitée sous Charles II,

et son fils reprit son rang à la Chambre haute.

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