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Sauveur Pierre ÉTIENNE Professeur, Faculté des sciences humaines Université d’État d’Haïti 2001 HAÏTI : L’INVASION DES ONG LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES CHICOUTIMI, QUÉBEC http://classiques.uqac.ca/

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Sauveur Pierre ÉTIENNEProfesseur, Faculté des sciences humaines

Université d’État d’Haïti

2001

HAÏTI :L’INVASION DES ONG

LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALESCHICOUTIMI, QUÉBEChttp://classiques.uqac.ca/

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 2

http://classiques.uqac.ca/

Les Classiques des sciences sociales est une bibliothèque numérique en libre accès développée en partenariat avec l’Université du Québec à Chicoutimi (UQÀC) depuis 2000.

http://bibliotheque.uqac.ca/

En 2018, Les Classiques des sciences sociales fêteront leur 25e anni-versaire de fondation. Une belle initiative citoyenne.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 3

Politique d'utilisationde la bibliothèque des Classiques

Toute reproduction et rediffusion de nos fichiers est interdite, même avec la mention de leur provenance, sans l’autorisation for-melle, écrite, du fondateur des Classiques des sciences sociales, Jean-Marie Tremblay, sociologue.

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L'accès à notre travail est libre et gratuit à tous les utilisa-teurs. C'est notre mission.

Jean-Marie Tremblay, sociologueFondateur et Président-directeur général,LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 4

Un document produit en version numérique par John Peter ADOLPHE, bénévole, étudiant en sciences économiques à l’Université d’État d’Haïti,Membre du REJEBECSS-Haïti. Page web :http://classiques.uqac.ca/inter/benevoles_equipe/liste_adolphe_john-peter.html Courriel: John Peter ADOLPHE : [email protected]

à partir du texte de :

Sauveur Pierre ÉTIENNE

Haïti : l’invasion des ONG.

Montréal : Les Éditions du CIDIHCA, avec le concours du CRES-FED, 1997, 343 pp.

[Autorisation formelle accordée conjointement par la direction du CIDIHCA et du CRESFED, le 18 octobre 2019, de diffuser ce LIVRE en accès libre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Courriels : CIDIHCA INFO : [email protected] Suzy Castor, directrice générale du CRESFED : [email protected]

Polices de caractères utilisée :

Pour le texte: Times New Roman, 14 points.Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 12 points.

Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh.

Mise en page sur papier format : LETTRE US, 8.5’’ x 11’’.

Édition numérique réalisée le 9 juin 2020 à Chicoutimi, Québec.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 5

Merci aux universitaires bénévolesregroupés en association sous le nom de:

Réseau des jeunes bénévolesdes Classiques des sciences socialesen Haïti.

Un organisme communau-taire œuvrant à la diffusion en libre accès du patrimoine intel-lectuel haïtien, animé par Ren-cy Inson Michel et Anderson Layann Pierre.

Page Facebook :https://www.facebook.com/Réseau-des-jeunes-bénévoles-des-Classiques-de-sc-soc-en-Haïti-990201527728211/?fref=ts

Courriels :

Rency Inson Michel : [email protected] Anderson Laymann Pierre : [email protected]

Ci-contre : la photo de Rency Inson MICHEL.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 6

Sauveur Pierre ÉTIENNEProfesseur, Faculté des sciences humaines

Université d’État d’Haïti

HAÏTI : L’INVASION DES ONG.

Montréal : Les Éditions du CIDIHCA, avec le concours du CRES-FED, 1997, 343 pp.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 7

Sauveur Pierre ÉTIENNE

Haïti :l’invasion des ONG

Les Éditions du CIDIHCA

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 8

Haïti : l’invasion des ONG

Quatrième de couverture

Retour à la table des matières

Les Organisations Non Gouvernementales (ONG), de plus en plus nombreuses à travers le monde et dotées de moyens financiers et lo-gistiques immenses, constituent un secteur incontournable dans la co-opération au développement. En effet, des organisations internatio-nales, telles l’ONU, la CEE, l’OEA et certaines agences bilatérales, travaillent en étroite collaboration avec les ONG et leur octroient par-fois un statut consultatif. Complexes et très diversifiées, les Organisa-tions Non Gouvernementales deviennent ainsi une arme à double tran-chant.

Dans les pays du Nord, elles peuvent servir d’instruments efficaces dans l’application de la politique de “développement” de leur gouver-nement envers les pays du Tiers monde. Elles arrivent même parfois à influencer la politique de coopérations externe de leur pays d’origine vis-à-vis des pays du Sud. À titre d’exemple, citons le cas des ONG françaises sous le gouvernement socialiste. Dans le Sud, elles peuvent, dans certains cas, travailler au renforcement des structures archaïques et constituent, de ce fait, un obstacle au développement ; dans d’autres cas, telles certaines “Organisations de Promotion du Développement” (OPD), elles peuvent mener à une prise de conscience réelle du drame du sous-développement et de ses causes, et jouent le rôle, à ce mo-ment-là, de catalyseur au développement.

Mais face à la faillite du système traditionnel et à l’incapacité his-torique de l’oligarchie haïtienne à exécuter un quelconque projet de modernisation et de développement national, que veulent et que peuvent les quelques 800 ONG qui fonctionnent actuellement dans le pays ?

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 9

La vision de développement des grandes agences internationales de développement qui les financent, correspond-t-elle aux exigences d’une réelle politique de développement pour Haïti ? Les ONG évoluant dans le pays peuvent-elles avoir une conception du développement différente des grandes agences inter-nationales qui les financent ? Sont-elles à même de travailler au développement du pays sans que l’État ne crée les conditions favorables à une telle entreprise, et sans que leur démarche ne s’inscrive dans le cadre d’une politique globale de développement définie et appuyée par l’État ?

Autant de cruciales questions auxquelles Sauveur Pierre ETIENNE auteur de ce livre d’une brûlante actualité, tente d’apporter, de façon utile, objective et éclairée, de nécessaires et urgents éléments de ré-ponse, dans le cadre de l’aboutissement d’une vaste et rigoureuse en-quête menée sur le terrain.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 10

Note pour la version numérique : La numérotation entre crochets [] correspond à la pagination, en début de page, de l'édition d'origine numérisée. JMT.

Par exemple, [1] correspond au début de la page 1 de l’édition papier numérisée.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 11

[2]

Les éditions Regain et CIDIHCA Couverture :

Conception typographique et montage : Jean-Michel Harvey

DONNÉES DE CATALOGAGE AVANT PUBLICATION (CANADA)

ÉTIENNE, SAUVEUR PIERRE

Haïti : L 'Invasion des ONG

I. Les Éditions du CIDIHCA / II. Titre.

Dépôt légal Haïti # 97-08-254

Bibliothèque nationale du Québec

Bibliothèque nationale d’Haïti

ISBN 2-89454-047-7

© Les Éditions du CIDIHCA

Imprimé en Haïti

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 12

[3]

Sauveur Pierre ÉTIENNE

Haïti : L’Invasion des ONG

Cet ouvrage a été publiéavec le concours du CRESFED

Centre de Recherche et de Formation Economique et Socialepour le Développement

[4]

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[329]

Haïti : l’invasion des ONG

Table des matièresQuatrième de couverture

Introduction [11]

Situation de la recherche dans le domaine des ONG et du développement dans le monde [13]

Justification [15]Problématique [17]Objectifs [18]Hypothèses de travail [18]Méthodologie [19]Exposé du plan de travail [19]

PREMIÈRE PARTIE

ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES,COOPÉRATION INTERNATIONALE ET STRATÉGIES

POUR LE DÉVELOPPEMENT [23]

Chapitre ICadre théorique et conceptuel [27]

A. LES THÉORIES DU SOUS-DÉVELOPPEMENT [29]

Définition du concept sous-développement [29]Les critères fondamentaux du « sous-développement » [32]Théories explicatives du « sous-développement » [34]

Théorie des climats [34]Théorie des races [35]Théorie de la causation circulaire [35]Théorie démographique [35]Théories des goulots d’étranglement [35]Théorie des systèmes de valeur, de comportements ou de motivations

[36][330]

Théorie de la dépendance [37]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 14

B. THÉORIES ET STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT [40]

Définitions du concept « développement » [40]Théories et stratégies de développement [43]

Théorie de la « croissance économique » [43]Théorie des étapes historiques [43]Théorie du processus de changement structurel global [45]Théorie marxiste du développement ou théorie de la dépendance [45]

Stratégies pour l’application des différentes théories de développement [49]L’intégration dans le système capitaliste mondial [49]Le nouvel ordre économique international [50]Le développement endogène et le désengagement sélectif [51]

C. ORIGINES, NATURE ET OBJECTIFS DE L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT [53]

Origines [53]Nature de l’aide au développement [55]

Classement des divers types d’aide [56][331]Les formes de l’aide [56]Les conditions d’octroi de l’aide [57]

Objectifs de l’aide au développement [59]

D. LES ONG ET LE DEVELOPPEMENT [59]

Définitions du concept « ONG » [59]ONG et développement [62]

ONG et stratégies de développement [62]ONG et approches normatives du développement [64]Le rôle des ONG dans le développement d’Haïti [64]

Chapitre IILes organisations internationales et le développement [69]

A. ORIGINES [71]

La Société des nations (SDN) [71]L’Organisation des Nations Unies (ONU) [72]Les institutions du système de Bretton Woods [72]La Communauté économique européenne (CEE) [73]L’Organisation des États américains (OEA) [74]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 15

B. OBJECTIFS [75]

La SDN [75]L’ONU [75]Le Fonds monétaire international [75]La Banque mondiale [76]Le GATT [76]

[332]La CEE [76]L’OEA [77]

C. STRATÉGIES [77]

La SDN [77]L’ONU [79]Les institutions du système de Bretton Woods [79]La CEE [79]L’OEA [80]

D. DOMAINES ET TYPES D’INTERVENTION [80]

La SDN [80]L’ONU [82]Le FMI [83]La Banque mondiale [84]Le GATT [84]La CEE [85]L’OEA [86]

E. CLASSIFICATION [87]

Les organisations internationales de développement et la crise de la dette des pays sous-développés [88]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 16

Chapitre IIILes organisations non gouvernementales étrangères [93]

A. ORIGINES [95]

B. MODE D’INTERVENTION [97]

C. TYPOLOGIE [98]

[333]D. RELATIONS ENTRE LES ONG ÉTRANGÈRES ET LES ORGANISA-

TIONS INTERNATIONALES DE DÉVELOPPEMENT [98]

E. RELATIONS ENTRE LES ONG DU NORD ET L’ÉTAT [101]

Définitions du concept « État » [101]Relations ONG-État dans le Nord [102]

F. RELATIONS ENTRE LES ONG DU NORD ET LA SOCIÉTÉ CIVILE [104]

Définitions du Concept « Société Civile » [105]Relations ONG-société civile [106]

DEUXIÈME PARTIELES ORGANISATION NON GOUVERNEMENTALES

EN HAÏTI [109]

Chapitre IVLe sous-développement haïtien [113]

A. SES DIMENSIONS [115]

Insuffisances alimentaires [115]Conditions sanitaires [116]Éducation [117]Forte proportion d’agriculteurs à basse productivité [118]

Tableau 1. Production agricole [119]

Ampleur de la croissance démographique, faible proportion de citadins et faiblesse des « classes moyennes ».

[334]Tableau 2. Évolution de la population en zones urbaine et rurale [121]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 17

Industrialisation restreinte et incomplète [127]L'agro-industrie [127]L’industrie de substitution d’importation [128]Les entreprises de sous-traitance [128]

Tableau 3. PIB par branche d’activité [129]

Faiblesse du produit intérieur brut et du produit national brut par habitant, violentes inégalités sociales [129]Hypertrophie et parasitisme du secteur tertiaire [130]

Tableau 4. Les dépenses publiques [131]

Ampleur du chômage et du sous-emploi [131]Situation de subordination économique [131]

Tableau 5. Balance commerciale [132]

Tableau 6. Les recettes budgétaires [132]

Tableau 7. Dette publique [133]

Schéma. Formation économique et sociale d’Haïti [134]

B. SES THÉORIES EXPLICATIVES [135]

De « la Perle des Antilles » à «  la Lanterne Rouge » de l’Amérique [135]

[335]La dépendance coloniale [136]

La dépendance néo-coloniale [138]a) La pénétration du capital étranger [140]Les Emprunts Domingue [142]

Tableau 8. État de la dette extérieure 1914 [144]

L’emprunt de 1922 [144]L’installation des commerçants étrangers en Haïti [145]

Les revers de l’histoire [147

De l’indépendance intégrale à la capitulation totale [148]Le lourd fardeau du militarisme et des insurrections [149]Les rendez-vous manqués [151]

La nature de l’État haïtien [153]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 18

Chapitre V.Les organisations non gouvernementales évoluant en Haïti [159]

A. ORIGINES ET ÉMERGENCE DES ONG INSTALLÉES EN HAÏTI [161]

B. TYPOLOGIE [164]

Les ONG étrangères [164]Les ONG nationales [164]Les ONG "assistancielles » [166]Les ONG proposant et utilisant le développement communautaire comme

instrument de lutte contre le sous-développement [166][336]

ONG luttant pour des réformes dans les relations Nord-Sud [167]Les ONG luttant pour des transformations au niveau des rapports centre/péri-

phérie, ainsi que des changements dans les structures politique, écono-mique et sociale des pays du Sud [167]

C. NIVEAU D’INSTITUTIONNALISATION [168]

D. DOMAINES D’INTERVENTION ET TYPES D’ACTIVITÉS DANS LE MILIEU [169]

Tableau 1. Domaine d’activité des ONG en Haïti [170]

Tableau 2. ONG actives en Haïti [171]

Les ONG « assistancielles » [172]

Les ONG proposant et utilisant le développement communautaire comme instrument de lutte contre le sous-développement [172]

Les ONG luttant pour des réformes dans les relations Nord-Sud [173]

Les ONG luttant pour des transformations au niveau des rapports centre/périphérie, ainsi que des changements dans les structures poli-tique, économique et sociale des pays du Sud [173]

Stratégie [174]

La part de l’aide à Haïti qu’elles utilisent [174]

[337]Tableau 3. Aide publique au développement et aide des ONG [175]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 19

Chapitre VI.Les organisations non gouvernementales haïtiennes face

aux autres acteurs intervenant dans le développement du pays [179]

A. ARTICULATION ENTRE ONG DU NORD ET ONG HAÏTIENNES [181]

Relations entre les ONG haïtiennes et les ONG étrangères [181]

Relations entre les ONG haïtiennes et les organisations internationales de dé-veloppement [182]

B. ARTICULATION SUR LE TERRAIN [183]

Relations ONG/État [183]

La première phase [183]La deuxième phase [184]

Relations ONG/société civile [188]

Relations ONG/groupes de base [189]

Les associations de femmes [189]Les groupes de paysans [190]Les organisations de quartiers [191]Les organisations d’entraide communautaire [191]Les coopératives [191]Les organisations de jeunes [192]

Relations ONG/ONG [193]

[338]

Chapitre VII

Bilan des activités des ONG dans le pays [197]

A. LES PROJETS DE DEVELOPPEMENT INTÉGRÉ [199]

B. LES PETITS PROJETS DE DEVELOPPEMENT [200]

C. LES RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE [201]

Le questionnaire [202]Procédé d’échantillonnage [202]Observations [202]Analyse et interprétation des données de l’enquête [204]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 20

Tableau 1. Implantation ou fondation des ONG en Haïti [204]

Graphe I [205

Tableau 2. ONG reconnues et non reconnues légalement [205]

Graphe II [206]

Tableau 3. ONG membres et non membres d’un regroupement d’ONG [207]

Graphe III [207]

Tableau 4. ONG ayant ou non des projets conjoints avec d’autres ONG [208]

Graphe IV [208]

Domaines de concertation entre les ONG [208]Domaine d’intervention des ONG [209]

[339]Tableau 5. Pourcentages consacrés à la formation [209]

Tableau 6. Recherche [210]

Tableau 7. Appui technique [211]

Tableau 8. Domaines de formation [212]

Tableau 9. Domaines de recherche [213]

Tableau 10. Domaines d’appui technique [213]

Tableau 11. Répartition des activités des ONG dans le pays [214]

Tableau 12. Affection du budget des ONG [215]

Auto-évaluation des activités des ONG [216]

Tableau 13. Domaines dans lesquels les ONG contribuent le plus au développe-ment du pays [217]

Tableau 14. Domaines dans lesquels les ONG contribuent le moins au développe-ment du pays [218]

Tableau 15. Évaluation de l’action des ONG [219]

Types de financement [219]

Tableau 16. Expériences de concertation de planification et de coordination des activités sur le terrain [220]

Tableau 17. Impact du travail des ONG [220]

Tableau 18. Impact des activités des ONG [221]

Tableau 19. Conception des rapports entre les ONG et la population [221]

Tableau 20. Activités des ONG pour réduire leur dépendance financière [222]

Tableau 21. Exigences d’une politique globale de développement en Haïti [222]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 21

[340]Tableau 23. L’état répond-il aux exigences d’une politique globale de développe-

ment en Haïti ? [223]

Tableau 24. Facteurs de blocage [224]

Tableau 25. Les ONG répondent-elles aux exigences d’une politique globale de développement en Haïti ? [225]

Tableau 26. Facteurs de blocage [225]

Tableau 27. Rapport ONG/État [226]

Tableau 28. Facteurs de blocage [227]

Tableau 29. Qu’est-ce que l’État peut faire pour faciliter et rendre plus efficace le travail des ONG ? [228]

Tableau 30. Rôle des ONG dans la politique de développement de l’État [229]

Vérification des hypothèses [229]

Conclusion [233]

Annexes

Annexe I [243]

Tableau 1. Évolution des indicateurs économiques — Compte du produit intérieur brut [245]

Tableau 2. Produit intérieur brut selon son origine [246]

Tableau 3. Produit intérieur brut selon son origine — Structure (%) [248]

[341]Tableau 4 . Produit intérieur brut selon son origine. En variation annuelle

(%) [250]

Tableau 5. Évolution du produit intérieur brut pour les exercices 1989/90 et 1990/91 — Projections [252]

Tableau 6. Exercices 1989/90 et 1990/91 — Projections [254]

Tableau 7. 2.- Finances publiques. A- Administration centrale [255]

Tableau 8. Compte du produit intérieur brut. Exercices 1989/90 et 1990/1991 — Projections [256]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 22

Annexe II [259]

Tableau 1. Analyse du milieu — Contraintes identifiées [261]

Tableau 2. Analyse du milieu — Contraintes identifiées [263]

Tableau 3. Finalité et objectifs [264]

Tableau 4. Finalité et objectifs [266]

Tableau 5. Démarche [268]

Tableau 6. Démarche [269]

Tableau 7. Actions [271]

Tableau 8. Actions [272]

Tableau 9. Projets - ONG [273]

Tableau 10. [274]

[342]

Annexe III. Liste des O.N.G. ayant constitué notre échantillonnage [277]

Notes [283]

Bibliographie [315]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 23

[5]

À la mémoire de ma grand-mère maternelle, Madame Michélia Louissaint (Tailla), en souvenir de notre admiration mutuelle.

À ma mère, Madame Altagrâce Jean-Pierre (Tagot), décédée le 25 mai 1994, que j’aimais éperdument et qui m’a inculqué la passion des études, l’esprit d’honnêteté et de sacrifice comme unique boussole devant guider ma vie.

À Garaudy et Shakwana, mon fils et ma fille, qui se sont montrés très compréhensifs en me laissant rédiger tout le travail à la maison.

À Yanick, mon épouse, qui a réalisé tout le travail de traitement du texte sur ordinateur et qui a dû affronter le premier jet de chaque chapitre, avec tout ce que cela suppose, et faire les premières correc-tions.

Au révérend Père Jean-Marie Vincent, lâchement assassiné le 28 août 1994, pour son engagement en faveur de la justice sociale, la lutte qu'il menait contre la misère et le sous- développement et surtout le dynamisme dont il a fait preuve durant les derniers jours précédant sa mort, dans l’effort visant à constituer une structure multisectorielle susceptible d’initier, à partir d’un pacte social, le processus de mo-dernisation du pays.

À la mémoire de Marc Romulus (Ti-Mak), lutteur infatigable dont l’engagement inébranlable dans la difficile bataille pour le change-ment, la démocratie et la modernisation constituait un modèle de mi-litantisme, de courage, de sacrifice, d’humanisme et de patriotisme authentique.

À tous ceux, haïtiens et étrangers, qui croient en la possibilité d’organiser ce pays pour que la vie soit meilleure pour tous et surtout qui luttent et qui travaillent pour y parvenir.

[6]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 24

[7]

Haïti : l’invasion des ONG

REMERCIEMENTS

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Nous avons eu le privilège de soumettre ce travail, accompli sous la direction du professeur Gerrit Desloovere, qui a su nous guider, mettre à notre disposition certains ouvrages de sa bibliothèque et nous prodiguer des conseils avisés, à l’appréciation de nos anciens profes-seurs du département des Sciences du développement de la Faculté d’Ethnologie. Puissent-ils, eux tous, trouver ici l’expression de notre profonde gratitude.

Nous tenons à remercier particulièrement : l’économiste Michèle Dorbes Romulus pour ses précieuses suggestions ; le sociologue Jean Rénol Élie, pour ses indications théoriques et méthodologiques ; l’in-génieur Ernst Mathurin, pour avoir bien voulu mettre à notre disposi-tion sa vaste connaissance du secteur des ONG ; les professeurs Gé-rard Pierre-Charles, Michel Hector et Suzy Castor, pour leurs judi-cieuses remarques ; la journaliste Rachèle Magloire, pour sa correc-tion du texte final.

Nous remercions enfin nos parents, camarades et amis, ainsi que tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, ont contribué à la réalisa-tion de ce travail.

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En fin de compte, toute notion du développement s’appuie sur une certaine conception de l’homme et représente une certaine notion du monde, en fait une certaine idéologie. Or, l’on sait que les idéologues les plus dangereux sont ceux qui croient être dégagés de toute idéolo-gie.

Rudolf H. Strahm

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Haïti : l’invasion des ONG

INTRODUCTION

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Introduction

Les Organisations non gouvernementales (ONG), de plus en plus nombreuses à travers le monde et dotées de moyens financiers et lo-gistiques immenses, constituent un secteur incontournable dans la co-opération au développement. En effet, des organisations internatio-nales, telles l’ONU, la CEE, l’OEA et certaines agences bilatérales, travaillent en étroite collaboration avec les ONG et leur octroient par-fois un statut consultatif. Complexes et très diversifiées, les Organisa-tions non gouvernementales deviennent ainsi une arme à double tran-chant. Dans les pays du Nord, elles peuvent servir d’instruments effi-caces dans l’application de la politique de « développement » de leur gouvernement envers les pays du Tiers monde. Elles arrivent même parfois à influencer la politique de coopération externe de leur pays d’origine vis-à-vis des pays du Sud. — À titre d’exemple, citons le cas des ONG françaises sous le gouvernement socialiste. Dans le Sud, elles peuvent, dans certains cas, travailler au renforcement des struc-tures archaïques et constituent, de ce fait, un obstacle au développe-ment ; dans d’autres cas, elles peuvent mener à une prise de conscience réelle du drame du sous-développement et de ses causes, et jouent le rôle, à ce moment-là, de catalyseur au développement.

SITUATION DE LA RECHERCHEDANS LE DOMAINE DES ONG

ET DU DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE

De nombreuses études sur les ONG ont été publiées en Europe, aux États-Unis d’Amérique et en Amérique latine au cours des dix dernières années. En revanche, le concept de « développement », qui est en perpétuelle [14] évolution, a été abordé depuis longtemps déjà, tout au long du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe, en

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termes de développement capitaliste, de progrès et de croissance éco-nomique. Au cours des cinquante dernières années, le concept de dé-veloppement proprement dit a sans doute été le thème le plus dévelop-pé. La bibliographie, qu’on trouvera en annexe de cet ouvrage, té-moigne de l’abondante littérature qui lui a été consacrée à travers le monde.

En Haïti, outre des documents concernant l’évaluation de projets-ONG produits par certaines agences bilatérales et multilatérales, et en plus des rapports des ONG haïtiennes aux organismes qui les fi-nancent, ainsi que les « Cahiers de l’association haïtienne des agences bénévoles » (HAVA), on peut citer le travail du Groupe de recherche et d’appui au milieu rural (GRAMIR), publié en 1989, qui a pour titre : Implantation et impact des Organisations non gouvernemen-tales. Il convient de mentionner également la thèse de maîtrise présen-tée à l’Université de Bordeaux II par le Français Eric Gallibour, en 1990, intitulée : Organisations non gouvernementales et participation politique en Haïti.

En ce qui a trait au développement lui-même, des travaux d’une grande valeur ont été réalisés tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays. À ce sujet, il convient de citer l’ouvrage du professeur Gérard Pierre-Charles, ayant pour titre L’Économie haïtienne et sa voie de développement, paru en 1965 ; ceux de Jean-Jacques Honorât, intitu-lés : Enquête sur le développement et Le Manifeste du dernier monde, publiés respectivement en 1974 et en 1984 ; Haïti : Quel Développe-ment ? de Charles Manigat, Claude Moïse et Emile Ollivier, paru en 1975 ; L’Espace haïtien de Georges Anglade, édité en 1976 ; Penser le développement du professeur Rony Durand, publié en 1979, et L’Espace rural haïtien de Ernst A. Bernardin, édité en 1991, — pour ne citer que ceux-là.

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Justification

Haïti, ancienne colonie française, accède à l’indépendance le 1er

janvier 1804. Voulant empêcher les autres colonies de l’époque de suivre cet exemple, qui constituait une dérogation aux normes colo-

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nialistes et esclavagistes en vigueur depuis plus de trois siècles, les grandes puissances de l’époque, au lieu d’aider le nouvel État à s’inté-grer dans le concert des nations, ont préféré, selon la formule de Tal-leyrand, le « laisser cuire dans son jus » 1. Ainsi, si les pays africains accédant à l’indépendance Surlendemain de la Seconde Guerre mon-diale étaient jugés mal partis par certains sociologues et économistes, Haïti elle, n’était jamais partie.

La menace d’une intervention militaire de la France, dans le but de reconquérir son ancienne colonie, va porter les premiers dirigeants haïtiens à considérer la défense du territoire comme l’unique priorité du moment. Ils investirent, alors, pour être en mesure de la contrer, toutes les recettes de l’État dans l’achat d’armes et de munitions, ainsi que dans l’érection de nombreux forts, voués à la défense des zones stratégiques. Le pays vivait dans une situation d’alerte permanente, maximum. Toutes les forces vives de la nation étaient mobilisées, leurs énergies décuplées dans l’attente d’une invasion, — qui n’aura cependant jamais lieu. Cette situation de panique mais surtout la mau-vaise gestion de nos dirigeants, jointes à l’isolement du pays et à son exploitation par les grandes puissances de l’époque, devaient nous conduire à une situation de marasme économique qui allait culminer, vers la fin du XIXe siècle, en banqueroute totale.

À une époque où plusieurs pays d’Amérique latine, en fonction des concepts d’État-nation, d’État-providence, s’engageaient, de façon résolue, dans la voie du progrès et s’attachaient à moderniser leurs structures archaïques, féodales, — vers la seconde moitié du XIXe

siècle, plus précisément vers 1870, les élites haïtiennes (les « Libé-raux » et les « Nationaux ») se retrouvaient en plein [16] débat théo-rique : à savoir s’il fallait opter pour la modernisation ou conserver les anciennes structures. Comme on le sait, les esprits les plus arriérés du pays, par la force des armes et la complicité de puissants alliés étran-gers, ont pu s’imposer et, du même coup, enlever à Haïti la chance historique — vu le contexte international d’alors — de rompre avec

1 Cette expression est de Charles Maurice de Talleyrand-Périgord qui fut ministre des Affaires étrangères de France, de 1797 à 1807. Au lendemain de la proclamation de l’Indépendance d’Haïti en 1804, il avait écrit aux diri-geants de tous les pays européens et des États-Unis d’Amérique pour leur demander de ne pas reconnaître le nouvel État que venaient de fonder les nègres rebelles de Saint-Domingue, de les « laisser cuire dans leur jus ».

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l’archaïsme, le féodalisme, et tout ce que le système haïtien compor-tait d’oppression, d’exploitation féroce, de misère et de pauvreté abso-lue.

Si, dès le début du XXe siècle, on pouvait percevoir les premiers indices du processus de dégradation du pays, notamment à travers l’émigration haïtienne vers la République dominicaine et Cuba, l’am-pleur du drame s’est révélée dans toute son acuité sous la dictature des Duvalier. En effet, le terrorisme d’État instauré dans le pays par Fran-çois Duvalier ainsi que l’extrême violence déployée par celui-ci pour se maintenir au pouvoir allaient plonger le pays dans une longue pé-riode d’obscurantisme. L’emprisonnement, la torture et l’assassinat des milliers de cadres haïtiens, conjugués au départ massif de plu-sieurs centaines de professionnels et d’intellectuels vers l’exil, allaient transformer Haïti en laboratoire du sous-développement. La « révolu-tion économique », dont parlait Jean-Claude Duvalier, n’était qu’un catalyseur destiné à accélérer « le développement du sous-développe-ment » 2 du pays.

Avec un revenu annuel per capita estimé à moins de 300 dollars 3 depuis plus de deux décennies, et qui a tendance à (diminuer encore, Haïti a perdu son statut de pays du Tiers monde pour devenir le seul PMA de l’hémisphère américain. En dépit de l’aide massive que cer-taines puissances occidentales avaient fournie au gouvernement de Jean-Claude Duvalier, la situation n’a fait que s’aggraver, donnant lieu à un phénomène de désespoir collectif, qui allait provoquer les premières vagues de départ massif des « boat people » pour les plages de la Floride, au début des années 80.

[17]Ce constat d’échec consacre la faillite du système traditionnel et

l’incapacité historique de l’oligarchie haïtienne à concevoir et à exé-cuter un quelconque projet de modernisation, voire de développement national. Cette conclusion à l’examen d’un état de fait indéniable, af-fectera profondément la crédibilité de l’État haïtien auprès des 2 C’est le titre d’un excellent ouvrage du sociologue André Gunder Frank.3 Selon un rapport publié par la Banque de la République d’Haïti (BRH) en

1989, le produit national brut d’Haïti a été estimé à 1 milliard 13,2 millions de dollars en 1989, soit 200 dollars par habitant, au taux de 5 gourdes pour 1 dollar. Avec la décote de la gourde, cette somme (200 dollars) représente moins de 75 dollars américains.

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bailleurs de fonds étrangers. Il portera certains professionnels haïtiens et étrangers à s’organiser, à partir de la politique des Droits de l’homme prônée par l’administration Carter, pour voler au secours des populations défavorisées. Cela conduira à une prolifération rapide des ONG à travers tout le pays 4. Elles y ont développé une grande capaci-té d’intervention dans de nombreux domaines de la vie nationale, tels que la santé, l’éducation, l’agriculture, l’artisanat, le crédit aux petits commerçants, la défense des Droits de l’homme... De plus, les pays bailleurs de fonds se montrent de plus en plus enclins à faire passer une partie substantielle de l’aide à Haïti par ce canal. À la lumière de ces constatations, il est désormais inconcevable de parler de dévelop-pement en Haïti sans faire mention des ONG. Elles ont certainement un rôle à jouer dans le développement du pays : mais comment et à quelle condition ?

Problématique

Le thème du travail que nous avons entrepris, et qui fait l’objet de cet ouvrage, relève d’une inquiétude : la capacité effective des ONG, de plus en plus nombreuses, à contribuer au développement du pays. — Cette inquiétude nous conduit à de multiples interrogations :

La vision du développement des grandes agences internationales de développement correspond-elle aux exigences d’une politique glo-bale de développement d’Haïti ? Les ONG évoluant en Haïti peuvent-elles avoir une conception du développement différente de celle des grandes agences internationales qui les financent ? L’action des ONG sur le terrain vise-t-elle uniquement la survie des secteurs défavorisés, ou contribue-t-elle effectivement [18] au développement du pays ? Le système de financement par projet, tel qu’il se pratique, contribue-t-il à favoriser le développement au niveau des communautés locales ou à l’émergence d’une nouvelle structure de domination des groupes de base ? Les fonds dont disposent les ONG servent-ils à financer des projets de développement au profit des secteurs défavorisés ou à épar-gner aux cadres moyens et supérieurs, sortant de l’université, les affres du sous-emploi et du chômage ? On peut se demander encore si 4 Voir au chapitre VI, la 2e phase des « Relations entre ONG haïtiennes et les

organisations internationales de développement ».

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les ONG peuvent effectuer un travail valable de développement sans un cadre de concertation, de planification et de coordination de leurs activités sur le terrain? Si elles sont à même de travailler au dévelop-pement du pays sans que l’État ne crée les conditions favorables à une telle entreprise, et sans que leur démarche ne s’inscrive dans le cadre d’une politique globale de développement définie et appuyée par l’État ?

C’est ce questionnement qui nous a poussé à entreprendre une telle étude en espérant y apporter des éléments de réponse.

Objectifs

Objectif général. — Étudier la capacité des ONG, dans le cadre de leur fonctionnement actuel, à contribuer au développement d’Haïti.

Objectifs particuliers. — Faire une évaluation critique du travail des ONG dans le pays et des recommandations pour son amélioration. Montrer également que le travail des ONG, pour contribuer au déve-loppement du pays, doit être concerté, planifié, coordonné et inscrit dans le cadre d’une politique globale conçue et appuyée par l’État.

Hypothèses de travail

Hypothèse principale. — Les activités des ONG sur le [19] terrain s’avèrent inadaptées aux exigences de la lutte pour le développement.

Hypothèses secondaires. — La concertation, la planification et la coordination entre elles (inter-ONG) sont indispensables pour obtenir un travail efficace. Et seule l’intégration des activités des ONG dans une politique globale conçue et appuyée par l’État leur permettra d’avoir un impact positif sur le développement du pays.

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Méthodologie

Pour vérifier nos hypothèses, nous avons élaboré et soumis aux responsables de diverses ONG un questionnaire afin d’obtenir d’eux une auto-évaluation de leurs activités sur le terrain. Sur le plan théo-rique, nous avons utilisé une approche historico-structurelle pour ex-pliquer le sous-développement d’Haïti et déterminer les conditions de son possible développement et le rôle que les ONG peuvent y jouer.

En dehors de ce fil conducteur, nous avons consulté de nombreux ouvrages théoriques et méthodologiques qui nous ont fourni les infor-mations nécessaires pour aborder notre sujet dans toute sa complexité et dans son aspect multidimensionnel. La bibliographie qui se retrouve en annexe de l’ouvrage témoigne de notre abondante documentation.

Exposé du plan de travail

Cette étude se divise en deux parties et comporte sept chapitres. La première partie traite des Organisations non gouvernementales, de la coopération internationale et des stratégies de développement. Dans le premier chapitre nous avons défini le cadre théorique du travail. Dans le second, nous avons établi des rapports entre organisations interna-tionales et développement. Le troisième chapitre étudie les Organisa-tions non gouvernementales étrangères.

[20]Dans la deuxième partie, qui comprend les quatre derniers cha-

pitres, nous avons étudié les Organisations non gouvernementales en Haïti. Le sous-développement haïtien constitue l’objet du quatrième chapitre de notre travail. Le cinquième chapitre traite des Organisa-tions non gouvernementales haïtiennes. Dans le sixième chapitre, nous avons étudié les Organisations non gouvernementales haïtiennes face aux autres acteurs intervenants dans le développement du pays. Dans le septième et dernier chapitre, nous avons fait le bilan des activités des ONG dans le pays, puis analysé et interprété les données de l’en-quête.

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Nous avons donc essayé, tout au long de cet ouvrage, de faire une évaluation critique du travail des ONG en Haïti en présentant la com-plexité de ce secteur, sa force, ses faiblesses et les conditions de sa possible contribution au développement du pays. Nous espérons que cette étude, qui représente un apport très modeste à la recherche scien-tifique, sera poursuivie et complétée par d’autres chercheurs.

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Haïti : l’invasion des ONG

Première partieORGANISATIONS

NON GOUVERNEMENTALES,COOPÉRATION INTERNATIONALE

ET STRATÉGIES POURLE DÉVELOPPEMENT

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Les Organisations non gouvernementales jouent un rôle de plus en plus grandissant dans l’allocation de l’aide privée et même publique au développement. La part de l’aide qu’elles gèrent, fait d’elles un secteur dont on ne saurait sous-estimer le poids dans la coopération internationale. Leur action se situe dans le cadre de la lutte pour le développement qui est liée à tout un ensemble de théories et de straté-gies qu’il convient d’étudier afin de pouvoir évaluer l’apport du sec-teur des ONG dans le processus de développement national.

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Haïti : l’invasion des ONG

PREMIÈRE PARTIE

Chapitre ICADRE THÉORIQUE

ET CONCEPTUEL

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Première partie

LES THÉORIESDU SOUS-DÉVELOPPEMENT

Définition du concept sous-développement

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« Le sous-développement est le plus important problème de notre temps » 5. Ce concept qui a pris naissance au sein des organismes in-ternationaux, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, désigne une réalité relativement ancienne occultée volontairement par l’Occi-dent, mais qui allait occuper une place de choix dans les relations in-ternationales avec l’accession à l’indépendance de nombreux pays africains et asiatiques au début des années 50. Ce concept allait être étudié par des intellectuels d’horizons idéologiques et de crédos poli-tiques divers. Ainsi on allait assister à une profusion d’ouvrages trai-tant de la matière, les uns plus polémiques que les autres, ce qui a donné lieu à beaucoup de confusions, d’ambiguïtés, en ce qui a trait à la définition du concept en soi. Certains auteurs, tel le géographe fran-çais Yves Lacoste, le considèrent comme un fourre-tout 6. Aussi bien, il n’existe pas une définition univocale, exhaustive du concept de « sous-développement ». Voilà pourquoi nous allons présenter ci-des-sous les points de vue de certains auteurs, reconnus comme des ex-

5 Albertini, J.M., Les Mécanismes du sous-développement,, les Éditions Ou-vrières, Paris, 1967, 7e édition, p. 11.

6 Lacoste, Yves, Géographie du sous-développement, Presses Universitaires de France, Paris, 1985, 6e édition, p. 23.

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perts en la matière, avant de souligner dans quelle acception ce concept sera utilisé dans le cadre de notre travail.

Pour le géographe haïtien Georges Anglade d’abord, le sous-déve-loppement, c’est la déformation de la vie socio-économique d’un pays par les relations de dépendance qu’il entretient avec d’autres pays du point de vue [30] du commerce, des finances et de la politique ». Vou-lant être plus précis, l’auteur ajoutera : le sous-développement, c’est la déformation d’une économie nationale obligée de vivre beaucoup plus pour l’étranger que pour elle-même, » 7 Cette définition — dont l’auteur a été sans doute fortement influencé par la « théorie de la dé-pendance » 8 — présente le sous-développement comme un phéno-mène historique, un produit du colonialisme d’hier et de l’impéria-lisme. Nous aurons à revenir là-dessus lorsque nous étudierons les théories du sous-développement.

En ce qui concerne l’économiste et sociologue haïtien Gérard Pierre-Charles, le sous-développement est un concept qui se référé à la condition structurelle ainsi qu’aux caractéristiques de la produc-tion, de la distribution, de l’échange et de la consommation de cer-taines sociétés... Le sous-développement est un produit de la dépen-dance, et est accompagné de fortes déformations sociales ainsi que de déséquilibres typiques (ville / campagne, modernité / archaïsme) ». 9 Cette définition reflète aussi les idées développées par les tenants de la « théorie de la dépendance » qui a orienté en grande partie tous les travaux réalisés par l’auteur sur la Caraïbe.

Dans le vocabulaire des sciences sociales on utilise indifféremment les concepts « sous-développement », « Tiers monde », « pays du sud », « pays pauvres », « nations prolétaires » 10, etc. Nous avons tenu à faire cette remarque non seulement parce que nous utiliserons ces concepts de la même manière mais, aussi et surtout, afin de pouvoir

7 Anglade, Georges, L’Espace haïtien, Éditions des Alizés, Montréal, 1981, p. 191.

8 Voir p. 28, « Théorie marxiste du développement ou théorie de la dépen-dance. »

9 Pierre-Charles, Gérard, Le Système économique haïtien, CRESFED-UNAM, Port-au-Prince, 1988, pp. 40-41.

10 Titre d’un ouvrage publié par Pierre Moussa aux Presses Universitaires de France, en 1959.

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tenir compte des considérations très pertinentes de certains auteurs qui se servent des concepts « Tiers monde », « pays pauvres », etc., pour décrire la situation dramatique dans laquelle se débattent les pays sous-développés.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec la division de la planète en deux blocs, le concept « Tiers monde » convenait parfai-tement pour désigner les pays sous-développés. Il fut utilisé pour la première fois par le [31] démographe français Alfred Sauvy, dans un article publié v dans le N°118 du journal L’Observateur, en France, le 14 août 1952, et qui s’intitulait « Tiers monde, une planète ». Ce concept désignait donc à l’époque le troisième groupe de nations qui n’appartenaient ni au monde riche occidental, ni au monde socialiste. Et Sauvy écrivait en effet dans cet article : « Nous parlons volontiers des deux mondes en présence de leur guerre possible, de leur coexis-tence, etc., oubliant trop souvent qu’il en existe un troisième, le plus important et, en somme, le premier dans la chronologie. C’est l’en-semble de ceux que l’on appelle, en style Nations Unies, les pays sous-développés [...] Ce Tiers monde ignoré, exploité, méprisé comme le Tiers-État, veut, lui aussi, être quelque chose. »

J. M. Albertini, pour sa part, répondant à la question : “Qu’est-ce que le sous-développement ? », écrit : « On a parfois défini le tiers-monde comme un ensemble de pays aux performances économiques différentes de celles des pays développés ; le sous-développement se-rait alors une question de degré, un seuil à ne pas franchir, par exemple : un revenu inférieur à 500 dollars par habitant et par an. C’est dans cette perspective que l’on a recherché un certain nombre d’indicateurs, d’éléments descriptifs qui caractériseraient cet état. C’était là une manière statistique d’aborder le problème 11. À cette approche statistique, écrit Albertini, on a superposé une approche structurale dont le principal initiateur fut le professeur François Per-rous. Cette approche prend en compte non seulement le degré mais aussi la nature du phénomène sous-développement et avance que d’un pays développé à un pays sous-développé, l’économie et la société seraient fondamentalement différentes dans leurs structures 12. » Le sous-développement est un phénomène multidimensionnel exigeant

11 Albertini, J.M., op. cit. p. 17.12 Ibid., p. 17.

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une approche 13 interdisciplinaire. Chaque auteur, en fonction de sa formation, de la théorie qu’il utilise comme instrument d’analyse et, surtout, de la cause qu’il défend, donne sa propre acception au concept sous-développement. Ainsi, les multiples définitions qu’on y attribue diffèrent, se complètent ou sont parfois diamétralement oppo-sées. Pour éviter toute [32] confusion, toute ambiguïté, dans le cadre de ce travail, nous utiliserons indifféremment les concepts « sous-dé-veloppement », pays du « Tiers monde », « pays pauvres » ou « pays du sud » pour désigner l’ensemble des pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine dont la grande majorité des habitants font face aux affres de la faim, de la maladie, du chômage, de l’analphabétisme et qui sont obligés de vivre dans des taudis, dans des bidonvilles, dans des ajoupas lorsqu’ils ne dorment pas tout simplement à la belle étoile, même si nous reconnaissons qu’il existe une très grande diver-sité au niveau des pays du Tiers monde, une différence de degré de sous-développement ou de niveau de développement entre les pays formant cette mosaïque très compacte.

Les critères fondamentauxdu « sous-développement »

Au cours de la décennie recouvrant les années 1950-1960, certains auteurs ont essayé de déterminer ce qu’ils considéraient comme des « symptômes » des « critères », voire des caractéristiques du « sous-développement », afin de pouvoir distinguer ce qu’ils appelaient les « véritables pays sous-développés » des autres formes que l’on attri-buait au « sous-développement » dans une confusion croissante 14. Le démographe français Alfred Sauvy avait relevé sept critères majeurs du « sous-développement » 15. Dans la première édition de son ou-vrage intitulé Géographie du sous-développement, le géographe fran-çais Yves Lacoste relève, quant à lui, quatorze caractères fondamen-

13 Ibid., pp. 19-39. Il en distingue 5 : approche statistique, approche démogra-phique, approche sociale, approche économique et approche structurale.

14 Lacoste, Yves, op. cit., p. 50.15 Sauvy, Alfred : dans l’ouvrage publié sous la direction de G. Balandier, Le

Tiers Monde, INED, PUF, 1956.

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taux du sous-développement 16, que nous jugeons nécessaire d’énumé-rer, vu que ce concept sera utilisé tout au long de notre travail :

1° insuffisances alimentaires ;2° grave déficience des populations, forte proportion d’analpha-

bètes, maladies des masses, forte mortalité infantile ;3° ressources négligées ou gaspillées ;4° forte proportion d’agriculteurs à basse productivité ;

[33]5° faible proportion de citadins, faiblesse des « classes

moyennes » ;6° industrialisation restreinte et incomplète ;7° hypertrophie et parasitisme du secteur tertiaire ;8° faiblesse du produit national par habitant ;9° ampleur du chômage et du sous-emploi, travail des enfants ;10° situation de subordination économique ;11° très violentes inégalités sociales ;12° dislocation des structures économiques et sociales ;13° ampleur de la croissance démographique ;14° prise de conscience et situation en pleine évolution.

Il convient de souligner que Yves Lacoste a publié son ouvrage en 1965 ; donc, après plus d’un quart de siècle, certains des indicateurs susmentionnés sont devenus entre-temps évidemment très relatifs. Par exemple, lorsque l’auteur parle de la « faible proportion de citadins » comme l’un des caractères fondamentaux du sous-développement, on est en droit de se demander s’il peut être considéré comme tel dans le cas des « géants » de l’Amérique latine comme le Brésil, le Mexique, etc., où plus de 50% de la population sont des citadins. Certes on peut toujours rétorquer qu’il ne s’agit pas de pays sous-développés à pro-prement parler ; mais le mal-développement, que André Gunder Frank qualifie de « développement du sous-développement » 17, n’a fait qu’aggraver les inégalités sociales et plonger la population de ces pays dans une situation de misère affreuse génératrice de nombreuses

16 Lacoste, Yves, op. cit., p. 50.17 Frank, André Gunder, Le Développement du sous-développement, Maspero,

Paris, 1972.

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émeutes de la faim, très souvent réprimées dans le sang 18. Il en est de même de « l’industrialisation restreinte et incomplète », car dans le cas du Brésil, comme dans celui de bien d’autres pays latino-améri-cains et asiatiques, on a assisté à une industrialisation très poussée au cours des trente dernières années. Sur le plan industriel, une ville comme São Paulo n’a rien à envier à New York. Il convient de faire remarquer, qu’entre-temps, de nouveaux « caractères », « critères », « caractéristiques » ou « indicateurs » du sous-développement sont apparus. Pour illustrer notre [34] assertion, nous pouvons citer, à titre d’exemple, le phénomène de la bidonvillisation qui semble être l’un des principaux indicateurs du sous-développement actuellement.

En dépit de ces considérations, les « caractères fondamentaux » du professeur Yves Lacoste conservent toute leur importance. Nous te-nons également à faire remarquer qu’on ne saurait, à partir de la mani-festation d’un ou deux des symptômes du « sous-développement », conclure au sous-développement ou au développement d’un pays. On doit les considérer dans leur ensemble si l’on veut éviter de tomber dans des absurdités.

Les traits caractéristiques du sous-développement nous plongent déjà dans l’analyse du phénomène et nous portent à nous demander quelle est son origine, quelles sont ses causes ?

Théories explicativesdu « sous-développement » 19

Le sous-développement a été étudié et continue d’être étudié par des intellectuels et chercheurs de toutes les tendances. Voilà pourquoi

18 Les émeutes de la faim sont monnaie courante au Brésil, surtout dans le Nord-Est. La situation est devenue tellement inquiétante ces derniers temps que le gouvernement et les représentants de certaines institutions de la « so-ciété civile » ont dû mettre sur pied une « campagne contre la faim » dirigée par le prestigieux sociologue Herbert de Souza (Betinho). On peut aussi rappeler les émeutes de la faim qui avaient secoué Caracas au début du se-cond mandat de l’ex-président Carlos Andrés Perez et avaient fait plus de trois cents morts.

19 Higgins, B., Economie Development : Principles, Problems and Policies, Norton, N.Y., 1959, 4e partie : « Les théories du sous-développement. »

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il existe de nombreuses théories tentant d’expliquer ses causes, et, par-mi elles, nous retenons les suivantes.

Théorie des climats  20

Certains auteurs ont observé que les pays développés se trouvent dans les zones tempérées alors que la plupart des pays sous-dévelop-pés se trouvent dans les régions intertropicales. De là, ils ont conclu que l’absence de climats stimulants, particulièrement de l’hiver, serait à l’origine du sous-développement. Mais cette théorie ne résiste pas au fait que de vastes régions du Tiers monde, tels le nord de la Chine, la Méditerranée et l’Europe centrale, soient situées en dehors de la zone tropicale.

[35]

Théorie des races  21

À un certain moment, plusieurs auteurs avaient présenté le déve-loppement comme le monopole de la race blanche et le résultat de ses vertus congénitales. Mais le développement du Japon et de la Chine ainsi que le sous-développement des pays méditerranéens ont apporté un démenti farouche à cette théorie.

20 Shannon, L.W., Underdeveloped Areas, Hasper, N.Y., 1957.21 Lévy-Bruhl, Lucien, La Mentalité primitive, Alcan, Paris, 1922.

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Théorie de la causation circulaire

Des chercheurs, tel l’économiste suédois Gunnar Myrdal 22, ex-pliquent le sous-développement par le fait que les pays sous-dévelop-pés sont des pays pauvres à bas revenu, qui ne peuvent pas épargner et qui sont donc dans l’impossibilité d’investir. Ils sont pris dans un cercle vicieux : pour augmenter leur revenu, ils doivent investir mais n’en ont pas les moyens ; donc ils sont condamnés à vivre dans cette situation. La faiblesse de cette théorie réside dans le fait qu’elle est incapable d’expliquer le développement.

Théorie démographique 23

Les tenants du malthusianisme et du néomalthusianisme ont pré-senté l’explosion démographique comme l’une des causes majeures du sous-développement. Mais on a souvent constaté dans certains pays l’existence simultanée d’un taux élevé de croissance économique et de croissance démographique, et on sait qu’il existe des pays sous-développés qui sont sous-peuplés et des pays développés qui sont sur-peuplés, d’où la faiblesse de cette théorie.

Théories des goulots d’étranglement

Les tenants de cette théorie 24 affirment que le sous-développement témoigne de l’absence des facteurs [36] fondamentaux du développe-ment, telle la révolution industrielle qui est à la base du développe-

22 Myrdal, G., « Théorie économique et pays sous-développés », Présence Africaine, Paris, 1959.

23 Le pasteur anglican et économiste anglais, Thomas Robert Malthus, a pré-senté, dans son Essai sur le principe de la population, publié en 1789, l’aug-mentation de la population comme un danger pour la subsistance du monde et a recommandé la restriction de la croissance démographique.

24 Bairoch, Paul, Le Tiers Monde dans l’impasse, Éditions Gallimard, Paris, 1971. (Nouvelle édition en 1983)

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ment des pays capitalistes avancés et qui a donné lieu aux phéno-mènes suivants :

- l’extension des échanges ;- la combinaison des facteurs de production ;- l’accumulation du capital ou formation d’épargne sur une

échelle sans précédent par suite du développement des échanges mondiaux et de la dépossession de petits cultivateurs, de l’inflation, des monopoles, des banques, de la création mo-nétaire et du trésor public ;

- la naissance de la bourgeoisie, classe essentiellement dyna-mique et entreprenante, d’abord sous sa forme commerciale puis sous sa forme industrielle ;

- le progrès technologique.

Cette théorie présente alors le sous-développement comme le ré-sultat des goulots d’étranglement au niveau de ces facteurs et de leur combinaison. En d’autres termes l’absence d’accumulation, de bour-geoisie et de progrès technologique serait responsable de la situation dans laquelle se trouvent les pays sous-développés. Au lieu d’expli-quer le sous-développement, cette théorie n’a fait qu’expliquer le dé-veloppement des pays industrialisés.

Théorie des systèmes de valeur,de comportements ou de motivations

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Ceux qui ont formulé cette théorie 25 soutiennent que le sous-déve-loppement est dû au comportement des agents économiques décisifs des pays sous-développés, à leur système de motivation et à leur men-talité. Selon eux, ces agents pratiquent le gaspillage du surplus écono-mique en se livrant à la consommation des produits de luxe et à l’imi-tation des modèles importés, c’est-à-dire selon l’effet de démonstra-tion — au lieu d’investir dans des activités productives. De plus, lors-qu’ils consentent à investir, ils le font généralement dans des activités spéculatives [37] et à court terme (commerce, biens immobiliers, etc.) Si cette théorie réalise une radiographie du comportement des classes dominantes des pays sous-développés en général, elle reste muette en ce qui a trait au rôle qui leur est attribué dans le système capitaliste mondial.

Théorie de la dépendance

Les théoriciens de la dépendance 26 ont trouvé les causes du sous-développement dans les modalités de l’intrusion du système capita-liste dans les sociétés traditionnelles et dans le mode d’insertion des dites sociétés dans le système capitaliste.

Ces modalités ont revêtu les formes de la dépendance, de la subor-dination et de l’exploitation d’un groupe de pays dits sous-développés 25 Weber, Max, The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism, New York,

Charles Scribner’s Sons, 1948. [La version française de ce livre est dispo-nible en libre accès dans Les Classiques des sciences sociales.] Dans cet ouvrage, le sociologue allemand a montré que l’éthique protestante, par les idées, valeurs et normes qu’elle a véhiculées, a favorisé la restructuration appropriée du système social et la mise en place des mécanismes nécessaires au développement du capitalisme en Occident. Et, pour prendre le contre-pied de la thèse de Marx et d’Engels, Weber a avancé que ces idées, ces valeurs, ces normes et cette vision du monde véhiculées par la religion pro-testante ont été plus déterminantes que les conditions matérielles d’exis-tence, dans le passage, en Occident, de la société agricole à la société indus-trielle, le passage du traditionalisme au rationalisme et au capitalisme.

26 Cette théorie a été formulée et enrichie dans des travaux qui ont rendu leurs auteurs mondialement célèbres. Parmi eux, à titre d’exemples, nous pouvons citer : Samir Amin, André Gunder Frank, Celso Furtado, Oswaldo Sunkel, Eric Williams, Walter Rodney, Pablo Gonzales Casanova, Ruy Mauro Mari-ni, Pierre Jalee, Eduardo Galeano, Charles Bettelheim, etc.

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— ou considérés comme des formations sociales périphériques domi-nées — par rapport à un autre groupe de pays dits développés, ou considérés comme des formations sociales autocentrées dominantes. Le contact entre ces deux groupes de pays s’est effectué sur une base asymétrique de subordination d’un groupe par rapport à un autre, et non d’égalité. Cette dépendance a donné lieu à toute une série de dé-formations et de blocages au niveau des pays dits sous-développés, qui s’opposent à la diffusion du progrès et qui rendent ainsi, au bout du compte, leur développement impossible.

De toutes les théories que nous venons de considérer, la théorie de la dépendance est la seule qui ait pris naissance loin des anciennes métropoles, c’est-à-dire dans les pays qui sont fondamentalement concernés par le problème. Voilà pourquoi cette théorie a mis le doigt sur la plaie vive et posé le problème dans toute sa nudité. Il s’agit donc là d’une vision proprement tiers-mondiste du phénomène du « sous-développement », qui allait s’attirer la foudre de certains intel-lectuels occidentaux. On lui reprochera notamment de privilégier dé-mesurément les [38] facteurs externes au détriment des facteurs in-ternes. Mais la critique la plus virulente viendra du géographe français Yves Lacoste qui, faisant allusion à cette théorie, écrivit : « Attribuer toutes les difficultés des pays “sous-développés” au “colonialisme”, à l’impérialisme, envisagé comme une force extérieure, c’est partici-per au camouflage du rôle essentiel que les privilégiés autochtones ont joué depuis la conquête coloniale, depuis l’indépendance et qu’ils jouent de plus en plus aujourd’hui. La seule façon de lutter contre l’impérialisme est, dans le cadre de chaque État, de chaque nation, de lutter pour se débarrasser des minorités privilégiées qu’il soutient et sans lesquelles il ne peut rien. » 27

Malgré notre profond respect pour le professeur Lacoste, nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si sa réflexion au sujet de la théorie de la dépendance n’est pas limitée, du fait qu’elle sous-es-time le rôle de bouclier que jouent certaines puissances occidentales au secours de ces minorités lorsqu’elles se trouvent en difficulté avec certains mouvements de libération nationale. Car s’il est vrai que dans le cadre du néocolonialisme, les dirigeants des pays dépendants dé-fendent avec beaucoup plus de zèle et de soumission les intérêts des puissances tutrices que les gouverneurs et les intendants savaient le 27 Lacoste, Yves, op. cit., p. 281.

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faire dans le cadre du système colonial, il n’en demeure pas moins vrai que lorsque certains dirigeants nationalistes des pays dominés essaient de modifier ces rapports de dépendance ou de prendre une nouvelle orientation en vue d’améliorer les conditions de vie de l’im-mense majorité de leurs concitoyens, des coups d’État surviennent. Et, lorsque les mouvements de libération étaient profondément enracinés et avaient une large base socio-politique, les puissances impérialistes intervinrent directement pour remettre la pendule à l’heure. Pour mon-trer que notre argumentation repose sur des faits palpables, nous ci-tons ici, à titre d’exemples, quelques cas de dirigeants qui ont été ren-versés du fait de leur politique nationaliste et surtout réformiste — lorsqu’ils n’ont pas été tout simplement assassinés :

[39]Jacobo Arbenz, du Guatémala, a été renversé en 1954, par la

CIA 28 ; Getúlio Vargas, du Brésil, selon la version officielle, s’est tué en 1954. Petrobras et Electrobras, deux firmes brésiliennes ont vu le jour sous son gouvernement. Il est le père politique de João Goulart, qui tenta lui aussi de promouvoir des nationalisations et sera renversé par un coup d’État militaire en 1964, à cause de sa politique agraire et surtout en raison de sa politique anti-américaine ; Juan Bosch, de la République dominicaine, a été renversé par un coup d’État militaire en 1963, parce que son orientation politique ne plaisait pas aux États-Unis. En 1965, les États-Unis envahirent ce pays, sous le couvert de l’OEA, après que des militaires constitutionnalistes se soient soulevés pour réclamer le rétablissement du président démocratiquement élu dans ses fonctions ; Salvador Allende, du Chili, fut assassiné dans le palais présidentiel par les troupes du général Pinochet avec la compli-cité des États-Unis, pour avoir tenté de contrôler les ressources natu-relles du pays et de les exploiter au profit de son peuple ; Jean-Ber-trand Aristide, devenu président d’Haïti à la suite des premières élec-tions au suffrage universel libres, honnêtes et démocratiques réalisées dans le pays, le 16 décembre 1990, a été renversé par un sanglant coup d’État le 30 septembre 1991, après seulement sept mois de gou-vernement. Il n’a été renversé ni pour son nationalisme, ni pour son orientation politique qui pourraient inquiéter les dirigeants de la Répu-blique étoilée, mais seulement pour avoir tenu, durant les sept mois qu’il a passés au timon des affaires de l’État, des propos qui avaient 28 Petit Larousse illustré (1987).

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été interprétés comme des menaces à l’endroit des membres de l’oli-garchie locale (selon des déclarations faites par le président américain Bill Clinton lors d’un point de presse à la Maison-Blanche 29).

Les expériences dont nous venons de parler ne sont pas aussi radi-cales que celles de Cuba et du Vietnam. Il s’agissait, à chaque fois, en fait, de mouvements visant la démocratisation du système politique et le développement national. On peut déduire par là que dans le cas des pays sous-développés, l’impérialisme a toujours lutté pour [40] le maintien du statu quo, à l’exception de Taïwan et de la Corée du Sud, pour des raisons géopolitiques.

THÉORIES ET STRATÉGIESDE DÉVELOPPEMENT

Définitions du concept « développement »

Retour à la table des matières

Le concept « développement », à l’instar de celui de sous-dévelop-pement, est une terminologie multidimensionnelle, à laquelle les au-teurs ont attribué diverses interprétations, suivant les courants théo-riques auxquels ils appartiennent — pour ne pas dire leur apparte-nance politique ou idéologique. Parfois ils utilisent, indifféremment, des équivalents tels que « développement économique », « modernisa-tion », « industrialisation ». Le sociologue canadien Guy Rocher, qui l’assimile volontiers à la modernisation, estime que « cette richesse et aussi cette ambiguïté de la terminologie sont probablement l’indice de la difficulté qu’on rencontre à cerner une réalité nouvelle, com-

29 Haïti en Marche, vol VII, No.3, mercredi 3 mars 1993. Cet hebdo-madaire rapporte que le président Clinton a déclaré, lors d’une conférence de presse, en compagnie du premier ministre canadien Brian Mulroney, à la Maison-Blanche, que 4e président Aristide avait tenu des “déclarations enflammées” pendant son passage au pouvoir, qui font craindre son retour par les militaires et la minorité riche, et qu’il importe de garantir aussi la protection de ces derniers... ».

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plexe, mouvante, extrêmement variée et en pleine ébullition, » 30 Aus-si, avant de déterminer dans quel sens le concept « développement » sera utilisé dans le cadre de ce travail, convient-il de passer en revue les définitions les plus sensées qui lui ont été attribuées.

Pour Guy Rocher, d’abord, le développement ou la modernisation a un sens plus général, plus satisfaisant que le développement écono-mique et l’industrialisation qu’il englobe. Il le définit comme « la to-talité des actions entreprises pour orienter une société vers la réalisa-tion d’un ensemble ordonné de conditions de vie collectives et indivi-duelles, jugées désirables par rapport à certaines valeurs  31. » Il le considère comme « la recherche d’un équilibre jamais atteint, ou en-core la solution de tensions toujours renouvelées, entre différents “secteurs” de la vie sociale et humaine. »

[41]En ce qui concerne Celso Furtado, « l’idée de développement pos-

sède au moins trois dimensions : celle de l’accroissement de l’effica-cité du système social de production, celle de la satisfaction des be-soins élémentaires de la population et celle de la réalisation d’objec-tifs auxquels aspirent les groupes dominants d’une société et qui riva-lisent dans l’utilisation des ressources rares  32. »

Dans la pensée de Serge Latouche, « la notion de développement reste encore très proche de celle de civilisation. Il s’agit plus du do-maine social et culturel que du seul point de vue économique  33. »

Le concept de développement, lié dans une opposition pertinente à celui de croissance, apparaît encore avec Georges Canguilhem « comme la transpositon métaphorique à l’organisme économique et social d’une conception évolutionniste empruntée à la biologie. La représentation du développement et du sous-développement reste marquée de façon indélébile par cette origine 34. »

30 Rocher, Guy, Le Changement social, Éditions HMH, Montréal, 1968, col-lection Points, p. 185.

31 Ibid., pp 190-191.32 Furtado, Celso, Brève introduction au développement : une approche inter-

disciplinaire, Éditions Publisud, Paris, 1989, p. 24.33 Latouche, Serge, Dans l’ouvrage publié sous la direction de Catherine Co-

query-Vidrovitch, Daniel Hemery et Jean Piel, Pour une histoire du déve-loppement, L’Harmattan, Paris, 1988, p. 45.

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L’Église catholique, pour sa part, dans une formule célèbre que le Pape d’alors emprunta à son éminent expert le R. P. Lebret, affirme que « le développement ne se réduit pas à la simple croissance éco-nomique. Pour être authentique, il doit être intégral c’est-à-dire pro-mouvoir tout homme et tout l’homme” 35. »

Pour Edgar Montiel, enfin, représentant de l’UNESCO, « le déve-loppement n’est plus conçu comme devant être une course au rattra-page, sur le plan économique, des nations plus favorisées, conception qui a prévalu jusqu’à un passé récent, mais bien comme une mise en œuvre des potentialités propres des sociétés en développement en plus d’une exigence de répartition plus juste des richesses au niveau natio-nal et international. C’est par cette double action, en effet, que le dé-veloppement intégré débouchera sur le droit à l’expression des va-leurs de civilisation issues de l’histoire et des situations sociales spé-cifiques des sociétés émergeantes. Sans que soient reniés les apports fécondants issus d’autres aires culturelles, certaines [42] formes d’authenticité sont désormais revendiquées comme des facteurs de développement 36. »

À côté du concept de développement, on trouve dans la littérature des sciences sociales tout un ensemble de terminologies, évoquant la même réalité mais avec des visions différentes, tels que : « mal-déve-loppement », développement solidaire, autocentré, endogène, commu-nautaire, intégré, authentique, autonome et populaire, ainsi que l’éco-développement, l’endo-développement, l’ethno-développement et le « développement socialiste ». Les diverses acceptions qu’on attribue à ce concept se refléteront au niveau des théories et stratégies de déve-loppement.

Mais avant d’y arriver, il convient de souligner dans quel sens il sera utilisé dans le cadre de notre travail. Pour nous, le développement est un phénomène structurel global, un processus difficile et long, par lequel les pays sous-développés doivent opérer un ensemble de trans-formations et mettre en place un ensemble de mécanismes leur per-mettant de faire face, progressivement, aux graves problèmes de la 34 Canguilhem, Georges, Études d’histoire et de philosophie des sciences,

Vrin, 1970, p. 115.35 Populorum progressio, §14, 1967.36 Montiel, Edgar, UNESCO, cité par Coquery-Vidrovitch Catherine et al,

dans Pour une histoire du développement, op. cit., p. 55.

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faim, de la santé, du logement, de l’analphabétisme et de la très mau-vaise répartition des richesses, — c’est-à-dire les conditions infra-hu-maines dans lesquelles vivent l’immense majorité de leurs peuples.

Même si les pays sous-développés doivent s’enrichir de l’expé-rience des pays industrialisés et de leurs conquêtes scientifiques et technologiques, ils doivent éviter de recopier le modèle de développe-ment à l’occidentale pour les raisons suivantes : 1° ce modèle a été conçu et défini dans un contexte historique et socioculturel propre à ces pays ; 2° ce modèle ne prend pas en compte les facteurs écolo-gique, humain et de justice sociale, — d’où la nécessité d’une ré-flexion en profondeur sur les stratégies de développement.

[43]

Théories et stratégies de développement

La problématique du « développement » a été au centre des princi-pales préoccupations des différents courants, des différentes écoles qui ont marqué le déroulement de l’histoire de la pensée économique dans le monde. Chaque école possède sa vision du développement, élabore sa théorie et définit sa stratégie pour atteindre le développe-ment. Nous pouvons même affirmer que la typologie des courants économiques se base en grande partie sur leur approche de cette pro-blématique.

Théorie dela « croissance économique »

Certains auteurs considèrent le développement comme un proces-sus de croissance. Pour eux, le degré de développement d’un pays s’exprime en fonction de son taux de croissance et, de ce fait, ils choi-sissent le revenu per capita comme instrument ou indicateur idéal pour déterminer le niveau et le rythme de développement d’une société. À partir de ce critère, très contesté par les théoriciens marxistes, ils éta-blissent une typologie en fonction de laquelle certains pays sont consi-dérés développés et d’autres, sous-développés, selon que leur revenu

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par habitant est supérieur ou inférieur à un chiffre qu’ils ont établi ar-bitrairement. Ces auteurs ont subi, en grande partie, l’influence des théories macro-dynamiques modernes de John M. Keynes 37.

Théorie des étapes historiques

D’autres auteurs, très proches des économistes keynésiens sur le plan idéologique et méthodologique, ont pris le contre-pied de la théo-rie de la croissance économique. Ils ont commencé par étudier les ca-ractéristiques générales des économies sous-développées, à partir des-quelles ils élaborent leur stratégie du développement. Parmi les plus célèbres, nous [44] pouvons citer Arthur Lewis qui les considère comme « des économies où il existe un excédent généralisé de main-d’œuvre 38 » ; Colin Clark qui voit en elles « des pays dont la struc-ture productive est rarement diversifiée 39 » ; Rosenstein-Rodan et Nurkse qui les considèrent comme des « pays pris dans le cercle vi-cieux de la pauvreté  40 » ; Hirschmann y voit plutôt «  le manque de capacité pour prendre des décisions d’investir même lorsque les res-sources et les opportunités existent 41 », Leibenstein affirme que ce sont « les taux accélérés de croissance démographique qui empêchent d’épargner pour accélérer le processus d’accumulation produc-tive 42. »

À partir des considérations antérieures, ces auteurs ont élaboré un ensemble de théories qui devraient pouvoir permettre aux pays sous-développés d’accéder au développement :

37 Sunkel, O. et PAZ, Pedro, El Subdesarrollo Latino américano y la Teoria del Desarrollo, Siglo veintiuno editores S.A, México, Argentina, Espana, primera edicion, 1970, p. 221.

38 Lewis, W. Arthur, Tropical Development, 1880-1913, Londres, 1971.39 Clark, Colin, Les Conditions du progrès économique, 3e éd., Presses Uni-

versitaires de France, I960.40 Rosenstein-Rodan, P.N., Notes on the theory of the « big-push », MIT, CIS,

mars 1957. Nurkse, Ragnar, Problems of Capital Formation in Underdeve-loped Countries, Oxford, 1953.

41 Hirschmann, Albert O., The Strategy of Economic Development, Yale, Uni-versity Press, 1952.

42 Leibenstein, Harvey, Economic Backwardness and Economic Growth, New York, 1957.

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1° la nécessité d’un effort massif, simultané d’investissements per-mettant de profiter des économies externes et de créer un mar-ché pour impulser le développement, ce qui permettrait de pro-fiter de l’excédent de main-d’oeuvre et de suivre une politique de développement équilibrée ;

2° une stratégie de développement déséquilibrée afin de s’imposer des décisions que l’on ne prendrait pas autrement.

Dans un effort de généralisation et de systématisation, Boeke a éla-boré sa théorie du « dualisme sociologique » 43 et Rostow, celle « des étapes de la croissance économique 44 » où il décrit les cinq étapes suivantes : 1° La société traditionnelle ; 2° les conditions préalables au démarrage ; 3° le démarrage ; 4° la maturité ; 5° la consommation de masse 45.

Ce schéma linéaire de Rostow, présentant le développement comme une « succession d’étapes », a été jugé trop mécanique et trop simpliste par les théoriciens de la dépendance, qui reprochent aux re-présentants de [45] cette école de décrire seulement les différentes « étapes » sans faire montre d’aucune « capacité analytique pour ex-pliquer le passage d’une étape à une autre  46. »

43 Boeke, J.H., Economics and Economy Policy of a dual Society, New York, 1959.

44 Rostow, Walt W., The Process of Economic Growth, New York, Oxford University Press, 1953 et The Stages of Economie Growth, Cambridge Uni-versity Press, I960.

45 On trouvera une bonne synthèse de ces étapes dans l’ouvrage de Guy Ro-cher, op. cit., pp. 186-187-188.

46 Sunkell, Oswaldo et Paz, Pedro, op. cit., p. 34.

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Théorie du processusde changement structurel global

À partir des recommandations de la Commission économique pour l’Amérique latine 47, de nombreux pays latino-américains ont élaboré des programmes de développement qui devraient leur permettre de sortir du « cercle vicieux » du sous-développement. Ils ont surtout in-vesti dans le domaine de l’industrialisation et de l’infrastructure. Des progrès considérables ont été également réalisés en matière de planifi-cation ainsi que des réformes en profondeur en ce qui a trait à la ratio-nalisation et la modernisation de l’administration publique, du secteur des affaires, du secteur agricole et des services sociaux, — notamment l’expansion des services de l’éducation, de la santé et du logement.

Mais, malgré ces réformes, ces pays n’ont pas connu un processus de développement accéléré comme on l’espérait, et des problèmes ma-jeurs telles que la dépendance externe, l’inégalité économique, sociale et culturelle, la marginalisation de l’immense majorité de leur popula-tion, etc., continuent de persister voire de s’aggraver. Dans certains cas, on a même assisté au blocage du processus d’industrialisation et de croissance économique de ces pays, — sans oublier le cauchemar de leur endettement chronique. Ce qui a conduit certains auteurs à par-ler de « mal-développement » ou de « développement du sous-déve-loppement ».

Théorie marxiste du développement ou théorie de la dépendance

La question du développement a été au centre de l’analyse théo-rique de Marx. Avec Engels, il élabora une théorie historique du sys-tème capitaliste. Il estimait que le [46] système, en devenant un obs-tacle à l’expansion des forces productives — sous l’action de la loi générale du processus historique et d’une situation révolutionnaire — engendrera des contradictions (qui surgiront dialectiquement) et en-

47 Cepal, Le développement économique de l’Amérique latine dans l’après-guerre, Nations Unies, New York, 1963.

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fantera alors le développement, à un rythme supérieur à ce qu’on a connu jusqu’alors.

Mais Marx et Engels, dans leurs travaux théoriques d’une valeur inestimable pour le progrès des sciences sociales, s’intéressaient tout particulièrement au développement du capitalisme dans les pays in-dustrialisés de l’Europe de l’Ouest sans se soucier du rôle joué par les pays de la « périphérie »dans l’accumulation du capital à l’échelle mondiale. Leurs successeurs s’en chargeront et s’attelleront à l’élabo-ration d’une théorie et d’une stratégie de développement, qui permet-traient aux pays sous-développés de briser le cercle infernal de la do-mination et de l’exploitation capitalistes, et de se développer.

Certains théoriciens marxistes ont soutenu que le sous-développe-ment est, en grande partie, le produit de la domination et de l’exploita-tion exercée par les puissances impérialistes sur les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine et, à partir de là, ils ont formulé des re-commandations qui devraient permettre aux pays sous-développés d’accéder au développement. Nous allons maintenant examiner la po-sition des théoriciens de la dépendance et la stratégie qu’ils proposent.

Pour André Gunder Frank, notamment, « la recherche historique démontre que le sous-développement contemporain est en grande partie le produit historique des relations passées et présentes, écono-miques et autres, entre les pays satellites sous-développés et les pays métropolitains actuellement développés  48. » « Ces relations entre satellite et métropole n’existent pas seulement au niveau impérial ou international, mais elles pénètrent et structurent non moins, toute la vie économique, politique et sociale des colonies et des pays latino-américains  49 » « Rosa Luxemburg avait incontestablement raison quand elle soutenait dans [47] son Accumulation du Capital que le capitalisme a depuis longtemps pénétré, intégré et transformé les points les plus “isolés” ou les plus marginaux de la planète. Et même des économistes tels que le suédois Gunnar Myrdal et Raul Presbisch des Nations Unies ont insisté sur le fait que le monde capitaliste — ou, pourrait-on dire, la société capitaliste tout entière— est inexora-blement scindé entre une métropole développée et exploitante et une périphérie sous-développée et exploitée  50. » « Il n’existe aujourd’hui 48 Frank, André Gunder, op. cit., p. 20.49 Ibid., p. 22.50 Ibid., p. 228.

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aucune société dualiste et, toutes les tentatives visant à en établir l’existence, ne constituent que des efforts visant à justifier et/ou à masquer l’impérialisme et le révisionnisme  51. » « Les pays actuelle-ment développés sont passés par des stades de non-développement, mais ils n’ont jamais connu le sous-développement au sens actuel du terme  52. » — Ces thèses d’André Gunder Frank constituent des ré-ponses aux différentes thèses avancées par divers courants de l’écono-mie libérale.

Pour F.H. Cardoso et E. Faletto, « la spécificité historique du sous-développement provient du rapport entre les sociétés “périphériques” et les sociétés “centrales” » 53. On doit distinguer les pays sous-déve-loppés des pays sans développement : ces derniers sont des économies et des peuples — chaque fois moins nombreux — qui n’entretiennent pas de relations commerciales avec les pays industrialisés. Quant au sous-développement, il y a des cas où les liens entre économie péri-phérique et marché mondial sont de type « colonial » et d’autres où les économies périphériques sont intégrées dans des « sociétés natio-nales ». Ces dernières peuvent exister dès qu’il y a des relations avec les centres dominants les plus développés ou être d’anciennes colonies devenues des nations, sans qu’aucun changement ne soit intervenu dans leur situation de sous-développement.

En tout cas, poursuivent Faletto et Cardoso, « la situation de sous-développement est apparue avec le capitalisme commercial puis l’ex-tension du capitalisme industriel dans les économies non industriali-sées qui [48] pensèrent alors à occuper des positions diverses dans la structure d’ensemble du système capitaliste. Ainsi, il y a, parmi les économies développées et sous-développées, une différence non seule-ment d’étape ou d’état du système productif mais aussi des diffé-rences de fonctions ou de positions à l’intérieur même de la structure économique internationale de production : les unes produisent des biens industriels et les autres des matières premières  54. » « Ce qui donne lieu à des échanges inégaux  55 et la détérioration des termes de 51 Ibid., p. 223.52 Ibid., p. 328.53 Cardoso, F.H. et Faletto, E., Dépendance et développement en Amérique

latine, Presses Universitaires de France, Collection Politique, Paris, 1978, p. 40.

54 Ibid., p. 40.55 Amin, Samir, Le Développement inégal, les Éditions de Minuit, Paris, 1973.

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l’échange au détriment des pays de la “périphérie” n’a fait que ren-forcer leur sous-développement. »

À partir des considérations antérieures, on peut comprendre que les adeptes de la théorie de la dépendance considèrent le sous-développe-ment et le développement comme les « revers d’une même mé-daille » ; et en fonction de cette vision des rapports dialectiques exis-tant entre sous-développement et développement, le premier étant le produit de l’accumulation capitaliste à l’échelle mondiale, les théori-ciens marxistes proposent la rupture avec le système capitaliste mon-dial comme « unique voie pour les pays sous-développés d’accéder au développement » 56. Et en ce sens, « un rôle économique dominant est attribué à l’État. Les banques, les grands moyens de production, les ressources nationales et les principaux moyens de transport doivent passer sous le contrôle de la collectivité politique ou de l’État 57. »

Pour les théoriciens en question, ce choix permettrait aux pays ac-tuellement sous-développés d’améliorer les conditions matérielles d’existence de leur population et de mettre en place des structures sus-ceptibles « d’assumer la satisfaction des besoins matériels et sociaux croissants de leur peuple et le plein développement des capacités de chaque individu. » 58 Mais il existe des réserves au sujet de cette théo-rie :

1° Dépendance n’est pas synonyme de sous-développement. Si la Belgique est considérée [49] généralement comme un pays dé-pendant par rapport aux grands pays industrialisés de l’Europe de l’Ouest, elle n’est pas pour autant un pays sous-développé. Il en est de même pour le Canada, qui subit la domination des États-Unis d’Amérique.

2° Les théoriciens de la dépendance n’ont pas assez réfléchi sur les conditions d’application de cette théorie en termes de dépasse-ment de la dépendance et sur la mise en œuvre de politiques

56 C’est la position de Samir Amin, d’André Gunder-Frank, de Pierre Jalée, de Charles Bettelheim, etc.

57 Mathurin, Alliette et al, Implantation et impact des Organisations non gou-vernementales, Éditions SHSE — CIDIHCA — ARUNGA, 1989, p. 129.

58 Ibid., p. 129.

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permettant aux pays sous-développés d’entreprendre un déve-loppement autonome, autocentré.

Stratégies pour l’applicationdes différentes théories de développement  59

Pendant les vingt dernières années, les débats autour de la problé-matique du développement des pays du Tiers monde ont porté sur trois grandes stratégies correspondant à trois grands ensembles d’inté-rêts.

L'intégration dans le système capitaliste mondial

Les grands pays industrialisés de l’Occident, appuyés par les mino-rités privilégiées de certains pays sous-développés liées au capital transnational, ont prôné, comme stratégie de croissance économique, l’intégration des pays du Tiers monde dans l’économie mondiale « libre ».

Cette stratégie vise essentiellement à renforcer le système capita-liste international. Selon cette stratégie, les pays sous-développés, par l’intensification du commerce, des investissements privés, de l’aide au développement et des crédits, devraient pouvoir s’intégrer, le plus ra-pidement possible, à l’économie mondiale, — c’est-à-dire celle des grandes firmes transnationales, des grandes banques commerciales internationales, des institutions multilatérales de financement (Banque mondiale, FMI) et [50] des organisations multilatérales. Ce qui im-plique le maintien du statu quo au niveau du marché mondial et la non-intervention de l’État dans l’économie, dont l’équilibre est assuré par la loi de l’offre et de la demande. Les pays sous-développés doivent, en outre, créer un climat favorable à l’établissement des fi-liales des grandes firmes transnationales et aux investissements privés.

Même si une telle stratégie devait permettre aux pays du Tiers monde de connaître une certaine croissance économique, celle-ci se 59 Strahm, Rudolf H., Pourquoi sont-ils si pauvres ?, Presses des Remparts

S.A., Yverdon-les-Bains (Suisse) 1986, pp. 193, 194, 195.

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réaliserait au profit exclusif des minorités privilégiées, très liées aux intérêts des grandes métropoles, garantes de leurs privilèges écono-miques et de la domination politique qu’elles exercent sur leurs propres concitoyens.

En outre, on peut se demander si les pays du Tiers monde ne sont pas, aujourd’hui et depuis longtemps, bien intégrés dans le marché mondial ; car ils y ont déjà un rôle, qui leur a été assigné par les grands pays capitalistes, qui ont aussi établi les dispositifs nécessaires pour les confiner dans cette position.

Le nouvel ordre économique international

La crise pétrolière de 1973-1974 a porté de nombreux dirigeants progressistes du Tiers monde à réaliser que l’ordre économique inter-national actuel n’est pas autre chose qu’un « désordre économique international ». Aussi, ont-ils pris l’initiative de proposer aux pays industrialisés un « nouvel ordre économique international » (NOEI). Pour ceux qui préconisent cette stratégie, l’intégration des pays du Tiers monde dans l’économie mondiale doit être assortie des condi-tions suivantes : la stabilisation et la garantie des prix des matières premières ; la soumission des firmes transnationales à des règles pré-cises (codes de conduite) ; l’abolition des barrières douanières et des restrictions commerciales imposées par les pays industrialisés ; l’aug-mentation massive de l’aide au développement ; l’extension des cré-dits préférentiels ; le renforcement de [51] l’influence des pays sous-développés au sein des institutions financières internationales (Banque mondiale, FMI) ; la prescription de règles, par l’ONU, la CNUCED et les autres institutions de l’ONU, facilitant aux nouveaux venus l’accès au marché mondial.

Si les deux stratégies que nous venons de voir tombent d’accord sur la question de l’intégration, en revanche elles ne se retrouvent pas sur la même longueur d’onde en ce qui a trait aux modalités de l’ordre économique international.

Il est à noter que le NOEI ne préconise pas de changements au ni-veau des structures sociales à l’intérieur des pays du Tiers monde. Cela sous-entend que les classes dirigeantes de ces pays sont pour le

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maintien du statu quo politique et social au sein de leur pays. Et qu’en plus, les propositions du NOEI, loin d’avoir des effets réels ou des applications pratiques, sont restées des vœux pieux. — Cette stratégie prônée par les pays non alignés et certains secteurs socio-démocrates des pays occidentaux, n’a jamais été appliquée, en raison de l’opposi-tion acharnée des secteurs conservateurs des gouvernements occiden-taux et des grandes agences bilatérales et multilatérales.

Le développement endogèneet le désengagement sélectif

Cette stratégie préconise le désengagement sélectif (delinking) des pays sous-développés du marché mondial : ils doivent compter sur leurs propres forces (self-reliance) et promouvoir une forme d’autono-mie collective (collective self-reliance). Cette autonomie, qui n’est pas l’autarcie, doit passer par la création d’un marché intérieur de biens de consommation de masse, bon marché, devant satisfaire les besoins essentiels de la population locale. La production alimentaire de base, destinée essentiellement au marché national, doit être protégée contre les produits importés.

[52]Pour l’édification d’un tel système économique, les pays sous-dé-

veloppés doivent placer leurs relations avec les pays industrialisés au second plan. Cette stratégie opte pour la modernisation, tout en préco-nisant que le choix des technologies soit effectué en fonction des né-cessités du marché local et des possibilités économiques des pays du Tiers monde. À ce sujet, elle propose de reprendre les brevets qui ne sont plus protégés par les pays industrialisés, et, dans certains cas, d’acheter des licences en vue d’éviter que les grandes firmes transna-tionales n’exercent une trop grande emprise sur le marché local.

Si cette stratégie a connu un très grand succès au Japon et notam-ment en Chine continentale, par contre les gouvernements qui ont ten-té d’en faire autant dans d’autres pays du Tiers monde, ont été tout simplement déstabilisés par certaines puissances capitalistes, avec d’ailleurs la complicité des oligarchies locales. On peut toujours pen-ser que la constitution d’un front large de pays du Sud permettrait

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l’application d’une telle stratégie. Mais ce serait ignorer ou sous-esti-mer la puissance de l’arme que constitue l’aide internationale, arme que les grands pays capitalistes manient avec une extrême habileté et qui a été expérimentée avec succès contre le mouvement des non-ali-gnés.

On ne saurait ne pas parler ici de « l’ajustement structurel » que l’on a tendance à considérer comme une stratégie de développement, mais qui, en fait, n’est pas autre chose que le nouveau visage que prend la théorie libérale de développement à partir de la crise de la dette externe des pays du Tiers monde.

Nous croyons avoir fait le tour des théories et stratégies de déve-loppement qui ont orienté et continuent d’orienter « l’aide au dévelop-pement », dans sa nature multiforme et ses objectifs avoués et in-avoués.

[53]

ORIGINES, NATURE ET OBJECTIFSDE L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT

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L’aide au développement occupe, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, une place de choix dans la coopération internatio-nale. Elle a donné lieu à des débats très agités au sein des universités, des organisations internationales et surtout dans les conférences poli-tiques réunissant autour d’une même table des représentants de pays du Sud et de pays du Nord. Une multitude d’ouvrages lui ont été consacrés, soit pour la présenter comme une forme de solidarité entre pays riches et pays pauvres, soit pour dénoncer son caractère dérisoire ou faire ressortir qu’elle est un instrument de recolonisation 60 permet-tant aux pays riches de maintenir, voire de renforcer les rapports de domination et d’exploitation qu’ils entretiennent avec leurs anciennes colonies ou avec des pays se trouvant dans leurs zones d’influence.

60 Mende, Tibor, De l’aide à la recolonisation, Éditions du Seuil, collection Point, Paris, 1972, p. 73.

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Mais, quoi qu’il en soit, on ne saurait, évidemment, rester indifférent à cette question.

Origines

L’aide au développement, sous sa forme privée ou publique, exis-tait bien avant la Seconde Guerre mondiale. Les activités des mission-naires catholiques et protestants, en termes de création de centres de santé et d’écoles dans des colonies ou ex-colonies au profit des indi-gènes de ces pays, les campagnes de vaccination qu’ils y ont entrepris, etc., s’apparentent de près au travail qu’effectuent les Organisations non gouvernementales actuellement dans les pays sous-développés. Il en est de même de l’aide publique, car les travaux d’infrastructure réa-lisés par les métropoles dans leurs colonies ne diffèrent en rien des projets de drainage, de construction de routes, d’usines et d’aéroports financés par les pays industrialisés dans le Tiers monde pendant les quarante dernières années. Certes on peut rétorquer qu’à l’époque co-loniale, il ne s’agissait pas d’aide, car les travaux d’infrastructure en question étaient destinés à créer des conditions favorables [54] pour l’exploitation des ressources naturelles des colonies par les métro-poles. Mais rien ne prouve qu’aujourd’hui l’aide publique ne soit pas destinée à cette même fin, car l’exploitation, dans le cadre du système néo-colonial, se poursuit encore à travers « l’échange inégal ».

L’aide privée et publique au développement allait prendre une di-mension extraordinaire au lendemain de la Seconde Guerre mondiale à la faveur de quatre phénomènes qui ont considérablement marqué la deuxième moitié du XXe siècle.

1° La bipolarisation du monde et la Guerre froide. — Avec le re-groupement des principaux pays de la planète au sein du bloc capita-liste et du bloc socialiste, on allait assister à une coopération écono-mique sans précédent dans les annales de l’histoire des relations inter-nationales. D’un côté, les États-Unis d’Amérique, à travers le plan Marshall, allaient financer la reconstruction des principaux pays de l’Europe de l’Ouest dévastés par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, afin de diminuer l’influence communiste de plus en

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plus grandissante à l’époque sur la population des pays concernés. De l’autre côté, la création, en 1949, du COMECON (CAEM), Conseil d’Assistance Économique Mutuelle, en réponse au plan Marshall, al-lait donner lieu à une coopération économique intense entre les pays du bloc socialiste.

2° Le mouvement de décolonisation. — Avec l’accession de nom-breux pays africains et asiatiques à l’indépendance, à la suite des guerres de libération nationale, qui ont donné lieu à un vaste mouve-ment de décolonisation au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les ex colonies allaient trouver dans l’enceinte de l’Organisation des Nations Unies une tribune idéale pour exprimer leurs justes revendica-tions et mettre les nations « civilisées » au banc des accusés. Pour cal-mer l’animosité de leurs accusateurs, celles-ci ont mis au point des programmes d’aide bilatérale au profit de leurs anciennes colonies, et cela leur a permis de préserver, voire de renforcer leurs [55] liens éco-nomiques, politiques et culturels avec celles-là.

3° Le développement des échanges internationaux. — Le dévelop-pement des échanges internationaux au lendemain de la Seconde Guerre mondiale a permis à des centaines de milliers de ressortissants des pays occidentaux de visiter des pays du Tiers monde et de prendre conscience de l’extrême misère et des conditions infra-humaines, dans lesquelles vivent l’immense majorité des habitants de la planète. De retour chez eux, beaucoup d’entre eux ont exposé la détresse des peuples des pays du Sud à leurs concitoyens, et attiré l’attention des dirigeants de leurs pays sur le drame du Tiers monde. Cela a donné lieu à des débats qui ont dû avoir des incidences sur l’aide privée et publique au développement.

4° Les progrès de l’électronique. — Par l’élimination des facteurs « temps » et « espace », les progrès réalisés dans le domaine de l’élec-tronique ont conduit au rapprochement des peuples et à la création d’une civilisation planétaire que les sociologues de la communication appellent « la civilisation de la communication ». Ainsi, par la magie de la télévision, l’opinion publique mondiale est sur-informée, en ce qui a trait à la réalité déconcertante du fossé séparant les pays du Nord des pays du Sud. De ce fait, les habitants et les dirigeants des pays occidentaux, ne pouvant plus se fermer les yeux sur le drame des peuples du Tiers monde, ont dû leur venir en aide, au compte-gouttes, quand bien même il s’agissait de se donner bonne conscience.

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Ces quatre facteurs sont à la base de la nouvelle dimension qu’a prise l’aide au développement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Nature de l’aide au développement

Par nature de l’aide, nous entendons les types d’institutions qui l’accordent, les formes sous lesquelles elle se présente ainsi que les conditions de son octroi.

[56]

Classement des divers types d’aide

L’aide peut être : 1° bilatérale ; 2° multilatérale ; 3° privée.

1° Aide bilatéraleL’aide bilatérale, c’est l’aide qu’obtient un pays à la suite de la si-

gnature d’un accord entre deux gouvernements. En général, c’est le pays receveur qui prend l’initiative, à travers son ambassade dans le pays donateur — qui agit au nom de son gouvernement — ou d’un de ses ministères techniques (Ministère des Finances, Ministère du Plan, Ministère de Coopération externe, etc.)

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2° Aide multilatéraleL’aide multilatérale, c’est celle qu’un gouvernement reçoit d’une

institution internationale regroupant plusieurs pays membres (Banque mondiale, FMI, BID, ONU, OEA, CEE, etc.)

3° Aide privéeL’aide privée est celle qu’apporte un gouvernement étranger, une

institution internationale ou régionale, une fondation, une ONG ou un réseau d’ONG à une agence bénévole dans un pays du Sud. Lors-qu’une banque privée internationale accorde un prêt à un gouverne-ment, cette transaction se range également dans la catégorie de l’aide privée.

Les formes de l’aide

L’aide peut être octroyée soit : 1° en espèces, 2° en nature ou 3° sous forme d’assistance technique.

1° Aide en espècesL’aide en espèces, c’est l’aide que reçoit un gouvernement ou une

institution privée en termes de fonds [57] destinés au financement de projets de développement. Elle peut se présenter sous forme de prêts à des « conditions de faveur » ou de dons, — c’est-à-dire non rembour-sables.

2° Aide en natureL’aide en nature consiste en matériel, céréales ou autres produits

de première nécessité qu’un gouvernement ou une ONG reçoit d’un autre gouvernement ou d’une autre ONG.

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3° Aide en assistance techniqueL’aide en assistance technique est celle qu’une institution reçoit

d’une autre en termes d’experts ou de coopérants pour l’élaboration et/ou l’exécution d’un programme bien déterminé.

En outre, on entend souvent parler d’aide mixte et d’aide ponc-tuelle. L’aide mixte est une aide comportant deux volets : l’un en na-ture et l’autre en espèces ou en assistance technique. Tandis que l’aide ponctuelle est celle qu’une institution octroie à une autre pour lui per-mettre de faire face à une situation difficile ou imprévisible, par exemple les dégâts provoqués par une catastrophe naturelle. Dans ce cas, l’aide ponctuelle est synonyme d’aide d’urgence.

Les conditions d’octroi de l’aide

L’aide — qu’elle se présente sous forme de prêt remboursable à long terme ou sous forme de don — est assortie d’un certain nombre de contraintes auxquelles doit se soumettre le pays ou l’institution qui la reçoit. En fonction de la nature de ces contraintes, l’aide est dite liée, conditionnée, spécifique, institutionnelle ou programmative.

[58]

a) Aide liéeL’aide est dite liée lorsque le pays qui la reçoit est dans l’obliga-

tion de se procurer un certain nombre de matériel qu’il doit acheter dans le pays donateur, généralement à des prix supérieurs à ceux du marché international ; ou de payer des salaires exorbitants — en considération du travail qu’ils fournissent — à des « experts » en pro-venance du pays donateur. (Dans le cas contraire elle est dite libre ou non liée.)

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b) Aide conditionnéeL’aide conditionnée, comme son nom l’indique, est assortie de

toute une série de conditions que le pays donateur impose au pays qui la reçoit et que celui-ci s’engage à respecter. Par exemple, si l’aide en question est destinée à la réparation d’un réseau routier, c’est le pays donateur qui décide si c’est du béton, de l’asphalte ou de l’adoquin qui sera utilisé à cette fin. (Dans le cas contraire, l’aide est dite non conditionnée.)

c) Aide spécifiqueL’aide est dite spécifique quand elle est destinée à un projet bien

déterminé, par exemple la construction d’un barrage dans une région précise. Dans ce cas les fonds en question ne sauraient être utilisés pour la réalisation d’un autre projet. S’il en reste une partie, après l’exécution de la phase finale du projet pour lequel les fonds ont été octroyés, il revient au bailleur de décider à quel usage elle sera affec-tée. (Lorsqu’elle est exempte de toutes ces contraintes, elle est dite générale.)

d) Aide institutionnelle ou programmativeL’aide institutionnelle ou programmative est destinée au finance-

ment de tout un programme échelonné sur plusieurs années, visant des réformes en profondeur, dans le but d’établir de nouvelles structures dans des domaines bien définis. À titre d’exemples, on peut citer l’aide que [59] l’ex-URSS accorda à Cuba à partir de 1961 et celle que les pays industrialisés et les institutions financières internationales accordent actuellement à la Russie.

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Objectifs de l’aide au développement

L’aide au développement a un objectif avouable et avoué : aider les peuples du Tiers monde à améliorer leurs conditions matérielles d’existence, — contribuer au progrès économique et social des pays sous-développés. Mais elle a aussi ses objectifs cachés qui peuvent être d’ordre économique, stratégique ou purement politique.

Si des motivations d’ordre humanitaire ou moral se trouvent à la base de l’aide privée, dans le cas de l’aide publique, nous devons ad-mettre avec Tibor Mende que « le degré de pauvreté du pays bénéfi-ciaire, la logique ou les sentiments charitables ne semblent donc pas avoir joué un rôle appréciable dans sa répartition  61. » Et Georges Woods, l’ancien président de la Banque mondiale, faisait remarquer que « certains pays ont indiqué clairement qu’ils ne considèrent le financement du développement que comme une subvention déguisée à leurs exportations. »

LES ONG ET LE DÉVELOPPEMENT

Définitions du concept « ONG »

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Le terme ONG (Organisation non gouvernementale) est un concept fourre-tout, pour lequel il n’existe pas de définition exhaustive. En effet, l’épithète « non gouvernementale » est à la fois vaste et vague : comme preuve, il existe des institutions réalisant la même activité sur le terrain, qui s’approprient indifféremment le label « fondation » ou « Organisations non gouvernementales ». La confusion est devenue tellement grande que le concept OPD (Organisme de promotion du développement) a tendance à se substituer de jour en jour à celui d’ONG.

[60]

61 Ibid., p. 95.

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Voilà pourquoi nous avons jugé nécessaire de présenter diverses définitions du concept ONG, de plusieurs auteurs, avant d’établir dans quel sens nous l’utiliserons dans le cadre de notre travail.

Pour Kathy Mangonès, « le terme ONG, qui est une définition ba-sée principalement sur la négation (du gouvernement ou de l’État) 62 est une dénomination qui ment des pays du Nord et qui peut s’appli-quer à toutes les structures organisationnelles à but non lucratif qui ne sont pas liées à l’État. Le terme peut être utilisé pour des associa-tions, des clubs culturels, des organisations de défense des Droits de l’homme, des associations socioprofessionnelles, etc. 63 »

« Une ONG est un ensemble de ressources humaines groupées en association en vue de programmes d’appui au développement 64. »

 « Dans le Nord, les ONG sont des associations qui agissent en qualité d’intermédiaires pour gérer l’aide reçue mais aussi qui, par la coopération technique, mettent des experts à la disposition du Sud. »

« Dans le Sud, l’ONG est un organisme d’appui technique, tech-nologique ou accordant des services (formation, consultations, éva-luations, etc.) aux associations locales de développement 65. »

Pour Eric Gallibour, « l’ONG est une organisation autonome, sans but lucratif dont les ressources financières proviennent des contribu-tions volontaires du grand public, mais aussi de l’Église et des pou-voirs publics. Elle mène des actions directes et/ou indirectes d’infor-mation et de sensibilisation de l’opinion publique, d’aide au dévelop-pement (médical, social, technico-économique et éducatif) unisecto-riel ou plurisectoriel et/ou de secours. Son fonctionnement et sa parti-cipation se font sur un mode associatif  : communautaire et/ou collec-tif. » 66

62 Les mots mis entre parenthèses sont ajoutés par l’auteur.63 Association haïtienne des agences bénévoles (FLAVA), « Définition, rôle

et fonction des ONG », Cahier 1, Ateliers de travail organisés par la HAVA les 29-30 janvier 1991 à l’Hôtel Holiday Inn de Port-au-Prince, p. 13.

64 Ibid., p. 24.65 Vincent, Fernant, « Forum Nord-Sud pour un autre partenariat », p. 150.

Cet article est une réédition du Forum IRED, No. 28/1988.66 Gallibour, Eric, Organisations non gouvernementales et participation poli-

tique en Haïti, mémoire en vue de l’obtention de la maîtrise en sociologie, septembre 1990, p. 14.

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[61]Selon le décret du 13 décembre 1982, publié dans Le Moniteur du

lundi 27 décembre 1982, «  les congrégations, missions, associations, établissements, sociétés civiles, sans but lucratif, à caractère apoli-tique, religieux ou laïc, d’origine étrangère ou nationale, fonction-nant sur le territoire de la République, à l’exception des institutions, agences externes de coopération ou autres, liées à l’État par un contrat ou un accord de base et qui conservent le statut à elles recon-nu par les pouvoirs publics du lieu de leur origine, sont des Organi-sations non gouvernementales d’aide au développement (ONG) lorsque, par des moyens propres, ils poursuivent des objectifs philan-thropiques ou d’intérêt général, accomplissant une œuvre de bienfai-sance ou de charité, travaillent à la diffusion de l’enseignement clas-sique et professionnel, interviennent dans des actions de développe-ment d’une région, d’un département, d’un arrondissement, d’une commune ou d’une section rurale. »

L’article premier du décret du 14 septembre 1989, publié dans Le Moniteur du jeudi 5 octobre 1989, stipule : « Sont désignées “Orga-nisations non gouvernementales d’aide au développement”, et identi-fiées ci-après sous le sigle ONG toutes institutions ou organisations privées, apolitiques, sans but lucratif, poursuivant des objectifs de développement aux niveaux national, départemental ou communal et disposant de ressources pour les concrétiser. »

À la lumière des différentes définitions que nous venons de passer en revue, les ONG sont, en ce qui nous concerne, des institutions re-groupant un ensemble de professionnels désireux de donner leur appui aux secteurs défavorisés de la « société civile » et dont les activités sont financées à partir des fonds provenant de l’aide privée ou pu-blique au développement. Elles interviennent dans le domaine de la formation, de la recherche, de l’appui technique, technologique et de financement de projets de développement communautaire. Elles sont à but non lucratif et leur action s’inscrit dans le cadre de la lutte contre le sous-développement. En ce sens, le sigle [62] ONG a pour nous la même connotation que celui de OPD.

ONG et développement

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Nous avons étudié au point II de la partie intitulée « cadre théo-rique et conceptuel », les théories et stratégies de développement, et il revient pour nous, maintenant, de situer la position des ONG par rap-port à la problématique du développement, et de voir quel rôle elles peuvent jouer dans une politique globale de développement du pays.

ONG et stratégies de développement

Les ONG ne constituent pas un ensemble homogène ayant une même vision du développement. Étant donné que, dans l’univers par-ticulier aux ONG, on relève la présence d’intellectuels et de profes-sionnels appartenant à différentes classes sociales et provenant de multiples horizons politiques, celui-ci est donc traversé par tous les courants idéologiques imaginables : de l’extrême droite la plus réac-tionnaire à la gauche la plus radicale. Ainsi, à travers les approches qu’elles utilisent, on retrouvera toutes les conceptions et stratégies de développement que nous avons déjà passées en revue. D’ailleurs, en fonction de leur vision du développement, on est parvenu à établir une typologie des Organisations non gouvernementales, sur laquelle nous reviendrons dans un autre chapitre. La vision de développement du bailleur ou des bailleurs de fonds d’une ONG est l’un des indicateurs permettant d’en avoir déjà une idée. En fonction de la provenance des fonds que les ONG utilisent, dans le cas d’Haïti par exemple, on peut facilement comprendre qu’il existe une minorité d’ONG qui sont au service de l’impérialisme, du régime militaro-macoute, disposant de puissants moyens financiers pour déstabiliser n’importe quel gouver-nement démocratique, à côté d’une pléthore d’ONG qui sont guidées par des raisons humanistes et [63] humanitaires (assistancielles), ainsi qu'une troisième catégorie d'ONG, minoritaires également, qui sont profondément impliquées dans la lutte du peuple pour le changement et la démocratie comme la seule voie susceptible de conduire au déve-loppement du pays.

À partir des années 70, à chaque nouvelle vision du développe-ment, correspondait un nouveau rôle fixé aux ONG. Pendant toute cette décennie, les ONG étaient considérées comme « des intermé-

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diaires permettant d'exécuter plus efficacement la politique des autori-tés 67. » Pour aider les pays du Sud à faire face au «phénomène de la pauvreté de masse», Me Namara, directeur de la Banque mondiale à cette époque, lança en 1974 son programme intitulé A Basic Human Needs Approach, axé sur la «lutte contre la pauvreté et l'extension du filet de secours orientés vers le secteur agricole, ceux de l'éducation et de la santé publique». Du même coup, un rôle très important fut ac-cordé aux Organisations non gouvernementales dans la politique de développement, parce qu'on pensait qu'elles convenaient mieux dans la canalisation de l'aide aux populations défavorisées, tout en les considérant comme des instruments efficaces pour l'application d'une politique de développement définie en dehors d'elles.

Dans les années 80, un rôle plus important est attribué aux ONG dans le cadre de l'imposition du modèle de la démocratie représenta-tive et de la dynamisation du processus de privatisation, auquel la ré-surgence du libéralisme (néo-libéralisme), sous sa forme la plus sau-vage, le «reaganisme», a donné naissance dans les pays du Sud. Ainsi, les pays industrialisés, par l'intermédiaire de leurs agences d'aide au développement, allaient allouer aux ONG du Sud des enveloppes bud-gétaires correspondant à l'aide bilatérale (et parfois la dépassant) que reçoit le gouvernement du pays dans lequel elles évoluent, dans le but de réduire considérablement le rôle de l'État.

67 Document de travail du Ministère de la Coopération belge — Développe-ment institutionnel/Renforcement organisationnel (DI/RO), rapport de la première phase, p. 7.

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[64]

ONG et approches normatives du développement

Un courant de développement alternatif privilégie le contenu du développement par rapport à sa forme. Ce courant estime que le déve-loppement doit être autonome (self-reliance), endogène, qu’il doit vi-ser essentiellement à la satisfaction des besoins de première nécessité et générer ainsi une transformation sociale. Cette approche a donné naissance à une série de concepts tels que : développement solidaire, développement autocentré, développement intégré, développement authentique, développement communautaire, auto-développement, endo-développement, éco-développement... Les ONG ont joué un rôle de premier plan dans l’expérimentation de ces approches dans les pays du Tiers monde.

Le rôle des ONG dans le développement d’Haïti

Nous venons de voir que les ONG ne sont pas aussi autonomes, voire indépendantes, qu’on pourrait le croire. En recevant une partie substantielle des fonds qu’elles manipulent des agences officielles de développement, elles deviennent des instruments au service des dites agences pour l’application de leur vision du développement à travers des projets qui ne correspondent nullement aux intérêts des pays sous-développés. Avec le reaganisme des années 80 68, les ONG ont été le fer de lance de la politique de déstabilisation de certains gouverne-ments du Tiers monde qui ne répondaient pas aux caprices de Wa-shington. De plus, les ONG haïtiennes, en distribuant de la nourriture, des médicaments, des livres, des outils, etc., contribuent à la survie des secteurs défavorisés de la population, — mais en même temps, en agissant de la sorte, elles posent des actes « anti développement », car le développement ne se fait pas au coup par coup, en improvisant. Cette façon de procéder, en dépit de la part très importante de l’aide allouée au pays qui circule par le canal des ONG, ne peut conduire

68 Ibid.

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qu’à une fragmentation du terrain en « petits fiefs appartenant chacun à une ONG 69. »

[65]En référence à cette situation, Denis Tillinac a écrit : « Haïti, labo-

ratoire (cobaye ?) de la charité occidentale, poubelle de sa culpabili-té 70. » Et André-Marcel d’Ans de préciser : « Avec la détente jean-claudienne (1972-1986), le pays va devenir le véritable champ de ma-noeuvre de la coopération au développement (...)  : publique ou pri-vée, bilatérale ou multilatérale, laïque ou religieuse (et dans ce cas, de toutes les confessions possibles), l’aide internationale va s’abattre sur Haïti, de façon disproportionnée et anarchique, annulant toute possibilité d’évaluation de son montant global, ignorant toute planifi-cation nationale éventuellement désireuse d’articuler ses initiatives, et assistant imperturbablement à l’échec monstrueux de la plupart de ses actions. On peut même soutenir que si le régime a duré si long-temps, il ne faut pas en chercher la raison ailleurs que dans cette ava-lanche d’aide internationale, qui n’eut de cesse jusqu’au moment où tous les mécanismes sociaux et économiques du pays s’en trouvèrent détériorés et pervertis 71. »

Face à un tableau aussi sombre, on pourrait conclure que l’aide au développement et le canal par lequel passe une grande partie de cette aide, c’est-à-dire les ONG, constituent des obstacles au développe-ment du pays au lieu d’y contribuer. C’est une déduction juste mais n’exprimant qu’une vérité partielle. Comment l’aide au développe-ment pourrait-elle contribuer au progrès économique et social du pays, lorsqu’elle a été accordée à la dictature la plus féroce d’Amérique la-tine et de la Caraïbe, dont les tenants, affligés de cleptomanie, n’avaient pas (et ne sauraient avoir) une vision du développement, voire une politique globale de développement du pays ? Donc, il n’y a rien d’étonnant si les ONG se sont consacrées uniquement à la survie de certains secteurs défavorisés de la population des coins les plus reculés d’Haïti. Mais peut-on en conclure que les ONG ne peuvent en ce cas contribuer aucunement au développement du pays ? La réponse 69 Bergeron, Richard, L’Anti-développement  : le prix du libéralisme, Éditions

l’Harmattan, Paris, 1992, p. 189.70 Tillinac, Denis, La Corrèze et la Zambèze, Robert Laffont, 1990, p. 65.71 D’Ans, André Marcel, Haïti, paysage et société, Karthala, 1987, pp. 213-

214.

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est évidemment non, car dans un autre contexte et dans des conditions bien déterminées, les ONG peuvent se révéler comme un outil indis-pensable dans la difficile [66] bataille pour le développement. Cepen-dant, cela suppose l’établissement d’un État de droit, d’un État res-ponsable, d’un État capable de concevoir et de mettre à exécution un projet global de développement susceptible de susciter la participation de tous les secteurs de la Nation, et pourvu de la capacité de canaliser leurs énergies vers une transformation en profondeur, au niveau de la structure économique, sociale et politique, dans le but de mieux orga-niser la production, la distribution et la consommation dans le pays. Ce qui suppose également que les ONG doivent se concerter, planifier et coordonner leurs activités sur le terrain ; qu’elles doivent formuler leur politique de développement en fonction des priorités nationales établies par le nouvel État, dans le cadre de la politique globale de dé-veloppement qu’il aura définie.

[67][68]

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Haïti : l’invasion des ONG

PREMIÈRE PARTIE

Chapitre IILES ORGANISATIONINTERNATIONALES

ET LE DÉVELOPPEMENT

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[71]

Les organisations internationales sont à la base de la concrétisation et de la systématisation de la coopération internationale qui est deve-nue, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le fer de lance de l’action pour le développement. S’il est vrai que ces organisations ont été créées dans le but essentiel de gérer les intérêts de certains États et de préserver la paix entre eux, par la suite, — avec la décolonisation et l’intégration des nouveaux États au sein des dites organisations, — celles-ci allaient jouer un rôle de premier plan dans la mise sur pied et le fonctionnement du système international d’aide au développement. Voilà pourquoi il importe, dans le cadre de ce travail, d’étudier les divers et différents apports des organisations les plus importantes, qui ont joué et continuent de jouer un rôle appréciable en matière de lutte contre le sous-développement dans notre région du monde.

ORIGINES

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Pour parler des origines des organisations internationales, qui ont joué et qui continuent de jouer un rôle dans la coopération au dévelop-pement dans notre continent, il convient de les considérer une à une, quitte à établir une classification par la suite.

La Société des nations (SDN)

Cette institution internationale fut créée au lendemain de la Pre-mière Guerre mondiale, en 1920. — Si le président T. W. Wilson, qui en fut l’instigateur, y avait fait [72] allusion, dès janvier 1918, dans un discours prononcé devant le Congrès américain 72, le pacte l’organisant devait attendre la Conférence de Paris pour voir le jour, avant d’être intégré dans le texte même du traité de Versailles, dont la cérémonie

72 Bonifacio, A. et Michaud, J., L’Époque contemporaine (1789-1970), Impri-merie de France, collection ISAAC, Paris, 1971, p. 292.

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officielle de signature eut lieu le 28 juin 1919. Cette institution devait disparaître avec l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale. Nous parlerons un peu plus loin de l’action de la SDN en matière d’aide au développement, que nous jugeons très faible, mais qui revêt une grande importance, étant donné que l’ONU s’en était inspirée pour élaborer sa politique de coopération au développement.

L’Organisation des Nations Unies (ONU)

La création de l’ONU fut une initiative conjointe des Français, des Anglais et des Américains qui avaient manifesté, tout au long de la Seconde Guerre mondiale, leur intention de ressusciter la SDN, une fois la paix rétablie. Étant donné que les Soviétiques ne s’y étaient pas opposés, cette nouvelle institution internationale allait prendre nais-sance le 26 juin 1945, lors de la Conférence de San Francisco. Les principes et les caractères de l’ONU sont pratiquement les mêmes que ceux de la SDN. Cependant si le siège de celle-ci se trouvait à Ge-nève, New York allait abriter celui de l’ONU.

Les institutions du système de Bretton Woods

Ce système englobe, comme on le sait, le Fonds monétaire interna-tional (FMI), la Banque internationale pour la reconstruction et le dé-veloppement (BIRD), plus couramment désignée sous l’étiquette de Banque mondiale (BM), l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). — Il convient d’ajouter à ces trois institutions les deux filiales de la Banque mondiale : l’Association internationale de développement (AID) et la Société financière internationale (SFI), formant avec elle le groupe de la Banque Mondiale. Ces cinq institu-tions spécialisées font partie de la famille des Nations Unies.

[73]Le FMI, la BM et le GATT ont été créés avant la fin de la Seconde

Guerre mondiale, plus précisément en 1944, lors d’une conférence, réunissant quarante-quatre États, membres ou associés de l’ONU,

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convoquée à Bretton Woods. Toutefois, il fallait attendre les années 1946-1948 pour les rendre réellement fonctionnels.

La Communauté économique européenne (CEE)

Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’idée d’unification, afin d’éviter que l’Europe soit pour une troisième fois à l’origine d’une nouvelle tragédie aux conséquences incalculables en termes de pertes en vies humaines et en dégâts matériels, avait porté les dirigeants eu-ropéens à mettre en place des institutions devant promouvoir des rela-tions harmonieuses entre les pays du Vieux Continent. Ainsi le Conseil de l’Europe fut institué le 5 mars 1949 ; la Communauté euro-péenne du charbon et de l’acier (CECA) fut créée le 18 avril 1951 ; l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) fut créée en I960 en remplacement de l’Organisation euro-péenne de coopération économique (OECE). Mais de ces multiples initiatives visant à anéantir toute velléité belliqueuse et à promouvoir la coopération pour le développement entre ces nations soeurs, la création de la Communauté économique européenne (CEE), par le traité signé à Rome le 25 mars 1957, est celle à laquelle nous accor-dons le plus d’importance dans le cadre de ce travail, en raison de son intense activité en matière d’aide au développement des pays du Tiers monde. Elle comprenait au départ la République fédérale d’Alle-magne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. En 1973, la Grande-Bretagne, l’Irlande et le Danemark, puis la Grèce en 1981 y adhèrent. Le Portugal et l’Espagne s’y intègrent à leur tour en 1986.

[74]

L’Organisation des États américains (OEA)

L’idée de la création d’une organisation regroupant les États indé-pendants du continent américain remonte, de façon timide il est vrai, à l’année 1796 avec le président américain Georges Washington ; elle sera reprise un peu plus tard par le président américain Thomas Jeffer-

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son, entre 1801 et 1809. Elle se précisera davantage avec le président américain James Monroe dont le nom est resté attaché à la doctrine qu’il énonça en 1823, et qui rejette toute intervention de l’Europe dans les affaires de l’Amérique (« L’Amérique aux Américains »). La Conférence de Panama, en 1826, convoquée à l’initiative du « liber-tador » Simon Bolivar, réunissant les pays du continent déjà indépen-dants à l’époque, à l’exception d’Haïti, constituait un pas considérable vers la création de l’OEA. En 1847 et en 1864, deux conférences réunirent à Lima les représentants des États indépendants du continent sans la présence des États-Unis. En 1889, les USA réintègrent le mou-vement et, à la conférence de Washington, les participants prônaient le développement des relations commerciales entre les principaux États du continent, ainsi que le respect du principe de l’intégrité territoriale et de la non-ingérence. La participation des USA a permis de créer l’Union panaméricaine, de caractère essentiellement commercial et dont le siège est établi à Washington. En 1890, suite à la conférence de Washington, le Bureau commercial des Républiques américaines (BCAA) fut créé.

En 1910, à la réunion panaméricaine de Buenos Aires, les repré-sentants des différents États ont convenu que les pays du continent doivent se réunir tous les deux ans. Avec l’Acte de Chapultepec signé le 6 mars 1945 et le pacte de Rio signé le 3 août 1947, les États du continent ont établi un plan de défense et de sécurité collective sur la base du principe de légitime défense collective (Traité interaméricain d’assistance mutuelle, dont le sigle espagnol est TIAR). Le 30 avril 1948, l’Organisation des États américains est créée officiellement à la Conférence de Bogota.

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OBJECTIFS

La SDN

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Créée au lendemain de la Première Guerre mondiale, la SDN s’as-signait comme mission essentielle la préservation de la paix dans le monde, dans le but d’éviter la répétition d’un second conflit dévasta-teur. Son objectif principal était d’éviter ou d’apaiser les conflits entre les États membres. La coopération pour le développement constituait de ce fait un objectif secondaire pour la SDN.

L’ONU

Contrairement à la SDN qui s’était assignée des objectifs à carac-tère essentiellement politique, tel le maintien de la paix, l’ONU s’est fixée des objectifs beaucoup plus étendus qui se résument dans cette formule se trouvant dans le préambule de sa Charte : « Paix, amitié et coopération harmonieuse entre les Nations ». La paix et la coopération au développement constituent donc les principaux objectifs de ladite institution.

Quant aux institutions du « système de Bretton Woods », elles em-brassent leurs objectifs spécifiques à travers les organismes suivants :

Le Fonds monétaire international

À l’origine, le FMI, créé avant l’émergence sur la scène mondiale des pays sous-développés, ne s’était nullement assigné le « développe-ment » comme tâche. Ses principaux objectifs ont été, à sa naissance, le contrôle, la stabilisation du système monétaire international et la

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réduction des déséquilibres temporaires de la balance des paiements des pays membres.

[76]

La Banque mondiale

À sa création, la Banque mondiale avait pour mission de fournir les crédits destinés à la reconstruction des pays dévastés par la guerre, principalement les pays de l’Europe occidentale et le Japon. Avec la prise en main de la reconstruction desdits pays par le plan Marshall, cette institution s’est fixée comme objectif prioritaire « le développe-ment des pays du Tiers monde ». Ce qui l’a amenée à créer ses deux filiales, l’AID et la SFI, pour réaliser cette tâche.

Le GATT

Cette institution représente le lieu de discussion entre les pays membres pour résoudre leurs problèmes commerciaux et réglementer leurs barrières douanières. Ses objectifs consistent à faire respecter le principe du libre-échange et à éviter la guerre commerciale entre les pays membres.

La CEE Cette organisation a des objectifs multiples :1° l’établissement progressif d’un marché commun ;2° l’adoption de politiques économiques communes

en matière agricole, commerciale et de transport ;3° l’harmonisation des législations nationales par l’adoption de

législations parallèles ou concordantes, notamment en matière de fiscalité ou en ce qui a trait aux problèmes posés par les lé-gislations nationales restrictives liées aux transports ;

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4° la coordination des politiques nationales par une action en ma-tière de politiques monétaire, conjoncturelle, régionale, ou en ce qui concerne les structures économiques et sociales des États membres.

[77]On doit retenir qu’à côté de la promotion d’un développement har-

monieux des activités économiques au niveau de l’ensemble des pays qu’elle réunit en son sein, la CEE s’intéresse tout aussi bien au déve-loppement des pays tiers. En témoignent la création de la Commission au développement et celle de la Direction de l’aide au développement desquelles relève sa politique de développement.

L’OEA

Le sous-développement et les inégalités sociales criantes et persis-tantes sont à la base de toutes les commotions socio-politiques qui ont bouleversé les principaux pays de la région. Donc, si à l’origine, cette organisation avait pour objectifs de préserver la paix et la sécurité du continent, elle s’est orientée de plus en plus, depuis la révolution cu-baine de 1959, vers la transformation des structures économiques et sociales des pays du sous-continent latino-américain.

STRATÉGIES

La SDN

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La stratégie de la SDN en matière de développement s’inscrivait dans le cadre de la pensée coloniale ; elle consistait à édicter certaines règles relatives aux mandats et à engager des actions — pratiquement insignifiantes — dans le domaine de la coopération internationale.

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L’article 22, alinéa 1, du pacte relatif aux mandats, établit très clai-rement la relation entre « l’institution des mandats et le développe-ment » 73 : « Le bien-être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation et il convient d’incorporer dans le présent Pacte des garanties pour l’accomplissement de cette mis-sion. »

[78]Le deuxième alinéa de ce même article 22 stipule : « La meilleure

méthode de réaliser ce principe est de confier la tutelle de ces peuples aux nations développées qui, en raison de leurs ressources, de leur expérience ou de leur position géographique, sont le mieux à même d’assumer cette responsabilité et qui consentent à l’accepter. »

Le troisième alinéa du même article explique que le caractère du mandat variera en fonction de certains éléments tel, par exemple, le niveau de développement du peuple concerné. Les alinéas 3 et 4 pré-voient que les responsabilités administratives de la puissance manda-taire seront d’autant plus étendues que le territoire en question sera moins développé.

Plus loin, aux termes de son article 23, le pacte fixe aux puissances mandataires un ensemble d’obligations qu’elles doivent accomplir, et qui se présentent comme suit :

1° Elles « s’efforceront d’assurer et de maintenir des conditions de travail équitables et humaines pour l’homme, la femme et l’enfant sur leurs propres territoires

2° s’engagent à assurer le traitement équitable des populations indigènes dans les territoires soumis à leur administration ;

3° chargent la Société du contrôle général des accords relatifs à la traite des femmes et des enfants, du trafic de l’opium et autres drogues nuisibles (...)  ;

4° s’efforcent de prendre des mesures d’ordre international pour prévenir et combattre les maladies. » 74

73 Feuer, G. et Cassan, H., Droit international du développement, Précis Dal-loz, deuxième édition, Paris, 1991, p. 4.

74 Ibid., p. 5.

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On peut déduire de ce qui précède que la stratégie de développe-ment de la SDN consistait à donner carte blanche aux « nations civili-sées », aux puissances coloniales, pour qu’elles se chargent de la des-tinée des « peuples barbares ». Il s’agit donc d’une vision eurocen-trique, d’une vision occidentale du développement.

[79]

L’ONU

Elle a servi de tribune, dans les années 60, aux représentants de nombreux pays du Tiers monde pour dénoncer les relations écono-miques Nord-Sud — l’échange inégal — et elle est à l’origine d’une « vision globale et d’une approche interventionniste » 75, en matière de développement des pays appauvris. Par l’un de ses deux plus impor-tants organes 76, elle a affirmé en maintes occasions que le développe-ment ne peut être conçu que de façon intégrée 77, universelle 78 et concertée 79. Et pour appliquer cette stratégie, elle a créé un ensemble de mécanismes ou d’organes subsidiaires sur lesquels nous aurons à revenir en étudiant ses types d’intervention.

Les institutions du système de Bretton Woods

Ces institutions, dominées par les grands pays capitalistes occiden-taux, proposent comme stratégie devant permettre aux pays du Sud d’accéder au développement, l’intégration à l’économie mondiale par l’intensification du commerce, des investissements privés, de l’aide au développement et des crédits. Mais l’application de ladite stratégie a depuis de nombreuses années provoqué des émeutes sanglantes et une misère affreuse dans plusieurs pays du Tiers monde.

75 Ibid., p. 90.76 L’Assemblée générale des Nations Unies.77 Résolution 521 (VI) du 12 janvier 1952.78 Résolution 1482 (XTV) du 5 décembre 1959.79 Résolution 1515 (XV) du 15 décembre 1968.

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La CEE

En ce qui concerne ses États membres, la stratégie de développe-ment de la CEE consiste à éliminer progressivement les barrières poli-tique, économique, commerciale et législative en vue de la création d’une méga-nation par l’établissement d’un marché commun.

En ce qui a trait aux pays du Tiers monde, sa stratégie de dévelop-pement vise à faciliter l’augmentation de la production et de la pro-ductivité de certaines denrées dans de nombreux pays ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique) et à favoriser leur accès au marché européen.

[80]

L’OEA

Dominée par ce puissant pays impérialiste que sont les USA, l’OEA n’a et ne pouvait avoir comme stratégie de développement que l’intégration économique par l’établissement d’un marché commun latino-américain qui « reposera sur le perfectionnement et la conver-gence progressive de l’Association latino-américaine de libre-échange et du Marché commun centre-américain, en tenant compte de l’intérêt des pays latino-américains qui ne sont encore parties de l’un de ces systèmes. » 80

80 « Déclaration des Présidents d’Amérique » (réunion des chefs d’État améri-cains, Punta del Este, Uruguay, du 12 au 14 avril, 1967) p. 2.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 89

DOMAINES ET TYPES D’INTERVENTION

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Les institutions internationales peuvent avoir un ou plusieurs do-maines d’intervention conformément aux objectifs qu’elles se sont fixés.

La SDN

Cette institution avait abordé un certain nombre de problèmes et entrepris des activités qui allaient orienter, dans le futur, l’œuvre de l’ONU en matière de développement : « Accès aux matières pre-mières, situation de certains produits agricoles, restauration financière, œuvre sociale et humanitaire. » 81

Des initiatives ont été aussi entreprises par la SDN dans le do-maine de la santé, des communications et du transit, de la coopération intellectuelle, de l’organisation internationale du travail, de l'organisa-tion économique et financière... À ce sujet, on peut noter la création d’un certain nombre d’institutions spécialisées chargées d’appliquer l’action de la SDN dans les domaines précités. On énumérera à titre d’exemples : l’Organisation d’hygiène, l’Organisation des communi-cations et du transit, l’Organisation internationale de la coopération intellectuelle, l’Organisation internationale du travail, l’Organisation économique et financière. Ces organismes spécialisés [81] allaient être conservés, modifiés ou transformés par l’ONU, dans le cadre de ses activités de développement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Il convient de noter encore l’entreprise de coopération technique entre la SDN et la Chine entamée en 1931 à la demande du gouverne-ment chinois. Cette coopération comprenait des missions d’experts, de formation et de perfectionnement des cadres, de lutte contre les épidé-mies... Ce programme de développement ne diffère en rien de ceux mis au point par l’ONU depuis 1948-1949.

81 Feuer, G. et Cassan, H., op. cit., p. 5.

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Quelques années avant l’éclatement de la Seconde Guerre mon-diale, la SDN s’était penchée sur les problèmes du sous-développe-ment. Ainsi, elle avait nommé Mr Stanley Bruce à la tête d’une com-mission chargée de préparer un rapport sur ce problème. Le rapport en question avait souligné l’importance de la coopération économique et sociale pour l’établissement d’une paix véritable, et abordé le pro-blème des pays sous-développés en des termes qui témoignent, dès cette époque, de la prise de conscience d’un des phénomènes qui al-laient occuper une place de premier plan dans les relations internatio-nales, dans la seconde moitié du XXe siècle.

Ce rapport, paru en août 1939, un mois avant l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale, contenait des idées qui allaient guider la réflexion et l’action de l’ONU. En voici d’ailleurs un extrait : « Du fait de la presse, et plus encore de la radio et du cinéma, les hommes et les femmes partout dans le monde deviennent vivement conscients du large intervalle entre leurs conditions de vie actuelles et ce qu’elles pourraient être. Ils savent que par un meilleur usage des res-sources productives du monde, ces conditions pouvaient être amélio-rées au-delà de toute imagination ; et ils sont impatients d’apprendre qu’un effort réel et concerté est entrepris pour rapprocher leur niveau de vie de ce qu’il pourrait devenir. » 82

[82]

L’ONU

Dès le début de son fonctionnement, plus précisément à partir de 1948-1949, cette institution intervient dans le domaine de l’assistance technique (transfert de technologie) et de l’aide financière, en élabo-rant, à la demande de pays sous-développés tels Haïti, le Pérou, le Li-ban, le Chili et l’Irak, plusieurs programmes de coopération multilaté-rale. Ainsi, l’ONU intervint dans les domaines du commerce, de l’in-dustrie, de la santé, de l’alimentation, de l’énergie, de la culture, etc.

Pour éviter les tâtonnements et les improvisations auxquels elle se livrait à ses débuts, l’Organisation a mis sur pied diverses commis-

82 Cité par Feuer, G. et Cassan, H., op. cit., p. 6.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 91

sions 83 chargées d’élaborer des programmes répondant aux besoins spécifiques de chaque région du monde. Les nombreuses missions entreprises par ces commissions ont été à l’origine de l’élaboration d’études et de l’organisation d’une concertation opérationnelle dans divers domaines, dont, par exemple, l’assistance technique. Il convient également de souligner, comme autre réalisation de ces commissions, « l’élaboration de programmes sectoriels dans des domaines tels que le financement, la population, la répartition du revenu national, la mise en valeur des ressources. » 84

L’application des programmes en question devait conduire à la création de divers organes spécialisés tels que le Programme élargi d’assistance technique (PEAT), le Fonds spécial, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Or-ganisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONU-DI), le Fonds d’équipements, etc.

C’est dans ce même esprit qu’il faut comprendre la création de di-verses agences spécialisées, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Programme [83] alimentaire mondial (PAM), le Haut-Com-missariat pour les réfugiés (HCR), l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation des Nations Unies pour l’éduca-tion, la science et la culture (UNESCO), etc.

Aussi bien, comme nous venons de le voir, les domaines d’inter-vention de l’ONU sont multiples et, sur le plan institutionnel, l’Orga-nisation s’est dotée, en conséquence, de moyens énormes.

Nous nous tournerons maintenant vers les institutions regroupées à l’intérieur de ce qu’il est convenu d’appeler le « système de Bretton Woods » :

Le FMI

83 La Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL), créée en 1948 ; la Commission économique pour l’Afrique (CEA), créée en 1958 ; la Commission économique pour l’Asie occidentale (CEAO), créée en 1973.

84 Feuer, G. et Cassan, H., op. cit., p. 93.

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Au départ, le FMI n’était pas une institution d’aide au développe-ment, mais un organisme destiné à offrir ses services à tout État membre qui en faisait la demande. Et c’est ce type de rapport qu’il a entretenu pendant longtemps avec les pays développés. En revanche, avec l’accession de nombreux pays du Tiers monde à l’indépendance, dans les années 1950-1960 — qui allaient eux aussi devenir membres du Fonds — celui-ci a dû élargir son champ d’action. La crise moné-taire provoquée par les décisions du président Nixon du 15 août 1971 85 et la crise pétrolière et économique de 1973-1974 allaient ren-forcer l’ensemble des activités du Fonds en matière d’aide au dévelop-pement. Aujourd’hui, et depuis un certain temps, le FMI est devenu une institution dont le travail principal est l’élaboration de stratégies destinées à permettre aux pays sous-développés de faire face aux pro-blèmes de déséquilibres structurels au niveau de leur balance des paie-ments ; il fournit également à ces pays des prêts à moyen terme.

Il convient de souligner, une fois encore, que l’application des me-sures recommandées ou imposées par le Fonds, dans le cadre de la lutte visant à réduire les déséquilibres dans la balance des paiements, a été à [84] l’origine de troubles socio-politiques graves et même d’émeutes sanglantes dans de nombreux pays du Tiers monde.

La Banque mondiale

Cette institution accorde aux États membres des prêts à long terme destinés à l’investissement. Ces prêts sont consacrés presque exclusi-vement aux pays sous-développés. Elle peut aussi se porter garante des prêts accordés par des investisseurs privés aux États membres ou à des entités qui en relèvent, mais elle utilise très peu cette pratique. Elle développe, avec des organismes financiers privés ou publics, des opérations de cofinancement au profit de certains pays du Tiers monde.

Si dans les vingt-deux premières années de son existence la Banque mondiale finançait surtout des projets d’infrastructure, dans les années 70 on allait observer une orientation nettement différente de ses politiques, surtout depuis le discours que son ancien président,

85 Ibid., p. 381.

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M. Mc Namara, prononçait, en 1972, devant la Ille CNUCED. Robert Mc Namara soulignait alors la volonté de l’institution qu’il dirigeait de lutter contre la pauvreté. Ainsi, la Banque allait financer des projets dans les secteurs énergétiques et agricoles, ce qui constituait une sorte d’encouragement à la production de denrées alimentaires de base.

Le GATT

Les représentants des pays du Tiers monde n’ont jamais raté l’oc-casion, lors des grandes conférences internationales, de dénoncer les rapports commerciaux entre le Nord et le Sud, qu’ils jugent injustes et qu’ils qualifient « d’échange inégal ». Ces critiques devaient porter les instances du GATT à prendre en considération les revendications des pays sous-développés, en révisant certaines dispositions de l’Accord général. Mais ces mesures ont été [85] jugées de peu d’importance par les pays du Sud. Ce qui devait amener le GATT à franchir un pas de plus, en mettant sur pied, progressivement, un système généralisé de préférences (SGP), entre 1968 et 1971. Ce système accordant un trai-tement préférentiel aux pays du Tiers monde ne vaut pas grand chose, étant donné qu’il concerne uniquement le commerce des articles ma-nufacturés. Il n’a, de ce fait, qu’un caractère sectoriel.

Avec les négociations commerciales multilatérales dénommées To-kyo Round, le principe de traitement préférentiel à accorder aux pays du Tiers monde en matière commerciale a été définitivement admis au sein du GATT, en 1979. Et avec les négociations commerciales multi-latérales de l’Uruguay Round, le problème de la compétitivité com-merciale et le développement des pays du Sud a été posé au sein du GATT. Mais ces négociations se poursuivent encore, et sont loin de conduire à l’établissement de rapports commerciaux plus justes entre le Nord et le Sud.

En termes d’intervention, le GATT a facilité des négociations entre pays riches pour éviter la guerre commerciale et a porté les pays du Nord à faire de très maigres concessions aux pays du Sud, sans pou-voir freiner la détérioration des termes de l’échange conduisant les pays sous-développés à une situation de banqueroute économique to-tale.

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La CEE

Dès la signature du traité de Rome, la CEE a manifesté de façon nette et claire sa volonté de contribuer — par l’aide financière, l’assis-tance technique et l’établissement d’un système préférentiel — à la résolution de nombreux problèmes confrontés par des pays européens membres et non membres de la Communauté, ainsi que par des pays situés hors du continent, mais faisant face à des difficultés presque insurmontables. Ainsi, elle a fourni, depuis sa création, une aide ap-préciable aux pays et territoires [86] d’Outre-Mer (PTOM), dans le cadre de la Convention d’application.

Avec, d’un côté, les Conventions de Yaoundé I et Yaoundé II conclues avec les nouveaux États africains et malgache associés (EAMA) et, de l’autre, les Conventions de Lomé I, de Lomé II, de Lomé III et de Lomé IV conclues avec un grand nombre de pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), la CEE a élargi consi-dérablement sa politique d’aide aux pays sous-développés. — Et dans le cadre des Conventions de Lomé, elle a financé la production de cer-taines denrées agricoles dans les pays d’ACP ainsi que leur accès sur le territoire des pays membres de la Communauté.

Malgré l’importance de cette coopération pour de nombreux pays sous-développés, certains théoriciens tiers mondistes avancent qu’elle constitue une prime à la production dans les pays du Sud de denrées que l’Europe, pour des raisons climatiques, ne peut pas cultiver, et qu’en conséquence cette aide n’est qu’une adaptation des clauses du pacte colonial, — qui obligeaient les colonies à produire les denrées dont la métropole avait besoin, — au contexte néo-colonial actuel.

L’OEA

En dépit des idées de solidarité, de sécurité continentale, de pro-grès économique et social devant assurer le bien-être des peuples du continent, qui ont jalonné le long et difficile processus de mise sur pied de l’OEA, et en dépit du fait que ces idées soient consignées dans

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sa charte constitutive, l’Organisation des États américains s’est heur-tée dans le cadre de son fonctionnement à un obstacle insurmontable : l’existence en son sein d’un puissant État impérialiste qui est à la base de la pérennité des gouvernements les plus sanguinaires et les plus corrompus du continent, ainsi que de la déstabilisation des régimes dotés d’une réelle volonté de lutter contre le sous-développement et des gouvernements porteurs d’un [87] programme capable de faire reculer la misère et l’ignorance. D’ailleurs chacun sait que cette puis-sance est, historiquement, à l’origine de l’oppression la plus féroce et de l’exploitation la plus éhontée des peuples du continent. Les maigres activités entreprises par l’OEA en matière d’aide au dévelop-pement, pendant la Guerre froide, ont été inscrites dans le cadre de la lutte contre le communisme. À titre d’exemples, on peut citer la créa-tion de la Banque interaméricaine de développement, l’année même de la révolution cubaine et l’initiative du président Kennedy de lancer la formule de « l’Alliance pour le Progrès », qui visaient simplement à freiner l’expansion du communisme.

En termes d’intervention, l’OEA, à travers la BID, finance des pro-jets d’équipements économiques et des programmes sociaux. Elle in-tervient au niveau de la formation technique et scientifique des ressor-tissants des pays membres. Elle s’intéresse également à la promotion de la santé et au développement des zones rurales dans les pays membres. Ce qui a mené, notamment, à la création de l’Institut inter-américain de coopération pour l’agriculture (IICA).

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CLASSIFICATION

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Les institutions internationales que nous venons d’étudier peuvent être divisées en quatre catégories : 1° Les Nations Unies et ses agences spécialisées ; 2° les institutions du système de Bretton Woods : Banque mondiale, FMI, GATT ; 3° les organisations régio-nales regroupant en grande partie des pays « développés » : CEE ; 4° les organisations régionales regroupant surtout des pays « sous-déve-loppés » : OEA.

Les organisations internationales de développementet la crise de la dette des pays sous-développés

[88]Dans les décennies 1960-1970, l’aide financière aux pays sous-dé-

veloppés était, fondamentalement, d’origine publique et, dans une moindre mesure, semi-publique. Mais à partir de 1971, de nombreux pays du Tiers monde, — en raison de l’insuffisance de l’aide pu-blique, de la diminution de la demande de crédits d’investissement dans les pays industrialisés, provoquée par la récession et l’afflux des dollars provenant des pays exportateurs de pétrole, — allaient recourir au secteur privé, c’est-à-dire aux banques commerciales, pour pouvoir faire face à leurs besoins. Avec la crise pétrolière de 1973, les pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, non producteurs de pétrole, avaient recours à des emprunts en provenance des banques privées pour financer leurs transactions courantes, — ce qui a donné une am-pleur considérable à ce phénomène.

En 1975 et 1976, les banques privées ont accordé aux pays du Sud des prêts sur des échéances de deux à sept ans, avec une marge de 2% et même davantage par rapport au taux d’offre interbancaire pratiqué à Londres (Libor) 86. Ces conditions, jugées favorables par certains diri-geants du Tiers monde pour la réalisation de projets de grande enver-gure, ont contribué à donner une place importante aux banques com-86 Ibid., p.454.

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merciales dans le processus de « développement » du Tiers monde. Mais l’endettement des pays du Sud renforçant leur dépendance aux pays industrialisés, a prouvé le contraire.

Dans ces relations entre pays du Tiers monde et banques privées, la Banque mondiale et le FMI ont adopté, en 1976, un certain nombre de mesures appelées à faciliter aux pays sous-développés l’accès aux marchés financiers. Ils ont aussi recommandé aux pays industrialisés d’intervenir auprès des bailleurs de fonds évoluant sur leurs territoires, en leur demandant d’accorder la préférence aux pays sous-développés, dans le cadre de leurs transactions financières.

Ainsi, ces organisations internationales et également certains pays membres ont joué un rôle très actif dans [89] l’endettement massif de nombreux pays du Sud, vis-à-vis des banques privées. Ceci explique que ces organisations et ces pays soient profondément impliqués dans le problème engendré par l’incapacité évidente des pays du Tiers monde à supporter le poids du service de la dette, voire à la payer. Les pays débiteurs sont donc obligés d’emprunter de l’argent pour honorer le service de la dette et, du même coup, s’endettent davantage. Ils se trouvent, ainsi, pris dans un cercle vicieux et se retrouvent dans une situation de banqueroute totale. Ce qui a provoqué une panique géné-ralisée chez leurs créanciers...

Face à cette situation, le FMI se voit obligé de gérer un système financier international de plus en plus instable. Et afin d’éviter son éclatement, les grands pays industrialisés et les institutions concernées se sont mis d’accord pour trouver des mécanismes permettant aux pays endettés de répondre à leurs obligations. Ainsi ils ont inventé les formules de rééchelonnement et de refinancement des dettes des pays du Sud. Le drame de l’endettement des pays du Sud a accru la coopé-ration entre les organisations internationales de développement et les bailleurs de fonds. Le FMI sert généralement d’intermédiaire entre débiteurs et créanciers. Avant 1983, sa politique en cette matière consistait à prescrire un programme de stabilisation auquel devaient souscrire les pays débiteurs, afin de pouvoir négocier le réaménage-ment de leurs dettes publiques avec un groupe de pays créanciers, y compris, parfois, les capitaux immenses dus aux banques commer-ciales.

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La détérioration de la situation financière de certains pays du Tiers monde, dont l’importance stratégique était jugée capitale pour le sys-tème monétaire international, a porté le FMI à s’entendre avec les sec-teurs du capital financier international pour éviter l’éclatement du sys-tème. Ainsi, un programme financier portant sur des milliards de dol-lars a été élaboré en 1983 pour éviter le pire. Il prévoyait, en accord avec les secteurs privés et publics, des « prêts-relais » à court terme, « des accords avec le FMI, le rééchelonnement de crédits bancaires à long [90] terme, l’octroi de nouveaux prêts bancaires, des réaména-gements dans le cadre du Club de Paris, et de nouveaux crédits à l’exportation. » 87

La crise de la dette des pays sous-développés, en dépit de la mise en application des programmes antérieurs, a porté certains respon-sables de pays dominant l’économie capitaliste mondiale à envisager des palliatifs destinés à freiner la progression de ce « mal incurable » qu’est la dette du Tiers monde. Ainsi, en octobre 1985, le Secrétaire du Trésor américain, James Baker, a présenté un plan financier en fa-veur de quinze États débiteurs, dont dix d’Amérique latine.

Le Plan Baker prévoyait une augmentation des prêts destinés à cer-taines organisations internationales, — environ neuf milliards de dol-lars supplémentaires et quelques vingt milliards de dollars à des banques privées créancières de pays du Sud. Ce plan, devant per-mettre aux pays endettés de connaître une « croissance soutenue », exigeait de leurs dirigeants la mise en œuvre de réformes structurelles tels que l’ouverture de leurs économies, le désengagement de l’État et l’attribution d’un rôle prépondérant au secteur privé dans l’économie, par la stricte application des lois du marché.

L’absence d’un engagement réel des États-Unis, en ce qui concerne l’application du plan en question, devait conduire à son échec. Mais le 10 mars 1989, le nouveau Secrétaire du Trésor améri-cain, Nicholas Brady, a proposé un nouveau plan devant favoriser une diminution du poids de la dette et de son service. Ces opérations de-vaient s’effectuer avec l’appui du FMI et de la Banque mondiale. Le Plan Brady est un complément du Plan Baker ; il reflète la nouvelle stratégie des États-Unis qui, ne voulant plus encourager les banques commerciales à accorder de nouveaux prêts aux pays débiteurs, re-

87 Ibid., p. 466.

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commandaient la négociation de la réduction de la dette externe des pays du Tiers monde.

[91]Les organisations internationales jouent et continuent de jouer un

rôle très actif dans l’élaboration des programmes de développement et le financement des projets de grande envergure dans les pays du Tiers monde. Depuis la crise de la dette externe des pays du Sud, elles tra-vaillent en étroite collaboration avec les bailleurs de fonds privés et publics. À l’exception d’un effort d’élaboration théorique appréciable et même progressiste dans le cas des Nations Unies et certaines de ses agences spécialisées, comme l’UNESCO par exemple, l’action des organisations internationales en matière de développement, depuis la seconde moitié du XXe siècle, constitue un échec retentissant par rap-port aux objectifs qu’elles s’étaient fixés. Loin de contribuer à l’amé-lioration des conditions infra-humaines dans lesquelles vivent l’im-mense majorité des habitants de la planète, les organisations interna-tionales semblent avoir joué un rôle de premier plan dans le triste spectacle du mal-développement, du développement du sous-dévelop-pement, de l’application de politiques économiques chaotiques sur le plan social, pour ne pas dire de la morale tout simplement, — vu qu’elles ont condamné des milliards d’êtres humains au chômage, à la famine, au désespoir et à la mort physique et morale, tant les perspec-tives d’avenir leur paraissent sombres.

De plus, les politiques de développement appliquées par les organi-sations internationales dans le Tiers monde, loin de contribuer sinon au développement du moins à une certaine croissance, ont renforcé la dépendance des pays du Sud vis-à-vis des pays industrialisés, aux ni-veaux politique, économique et financier. Ce qui a consacré le triomphe du néo-colonialisme sur le mouvement d’indépendance et d’émancipation des peuples du Tiers monde.

[92]

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[93]

Haïti : l’invasion des ONG

PREMIÈRE PARTIE

Chapitre IIILES ORGANISATION

NON GOUVERNEMENTALESÉTRANGÈRES

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[94]

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[95]

Les ONG étrangères, vu leur nombre 88 et la part de l’aide des pays industrialisés aux pays du Tiers monde qui transite par leur canal 89, doivent être étudiées de façon détaillée dans le cadre de ce travail. D’ailleurs les ONG haïtiennes sont directement financées par elles et certaines d’entre elles ont leurs succursales en Haïti. 90

88 Quelques 2 650 ONG ont été recensées dans les pays occidentaux en 1980. Source : Gandolfi, Alain, Institutions internationales, Éditions Masson, 1984, p. 29. Plus de 15 000 ONG ont été recensées dans les pays du Tiers monde dans les années 80. Source : Mathurin, Alliette et al, op. cit., p. 25.

89 Selon un rapport publié en avril/mai 1987 par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), l’aide privée et publique des pays industrialisés aux pays du Tiers monde transitant par le canal des ONG a été estimée à 4,3 milliards de dollars en 1986, soit 15% de l’aide interna-tionale au développement pour cette année. Et selon le Rapport mondial sur le développement humain en 1993, publié par le PNUD, entre 1970 et 1990, les subventions accordées par des ONG de l’hémisphère Nord à des projets et programmes exécutés dans les pays du Sud sont passées d’un peu plus de 1 milliard de dollars à 5 milliards ; en 1991, les ONG des USA ont fourni 2,7 milliards de dollars pour l’exécution de certains programmes dans le Sud, soit près de la moitié du montant total. Entre 1970 et 1990, selon le même rapport (p. 96) les fonds publics transitant par le canal des ONG du Nord sont passés de moins de 200 millions de dollars à 2,2 milliards. Lors-qu’on ajoute les contributions privées aux contributions publiques, le mon-tant total des contributions versées par les ONG du Nord ou par leur truche-ment est passé de 1 milliard de dollars en 1970 à 7,2 milliards en 1990, ce qui, selon ce rapport, en termes réels, représente un taux d’augmentation deux fois supérieur à celui de l’aide internationale au développement.

90 World Vision, Cooperative for American Relief Everywhere (CARE), etc.

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ORIGINES

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À la base de l’émergence des ONG étrangères se trouve une triple dynamique : religieuse, sociale et politique.

1° Religieuse

Dans le cadre de cette dynamique, on pourrait faire remonter l’ori-gine des ONG étrangères, comme de l’aide internationale d’ailleurs, à la période coloniale. En effet, les Œuvres des missionnaires catho-liques et des sectes protestantes dans les domaines de l’éducation et de la santé, en dépit de leurs caractères caritatifs et confessionnels, s’ap-parentent aux activités des ONG telles qu’elles sont réalisées actuelle-ment.

Depuis plusieurs décennies, l’église catholique et les églises pro-testantes sont très actives dans le financement des projets de dévelop-pement d’ONG du Sud et possèdent même, dans certains cas, leurs propres ONG. On peut citer, à titre d’exemple, la puissante église ca-tholique allemande, le Catholic Relief Service (CRS), l’Entraide pro-testante suisse aux églises et aux réfugiés (EPER), l’International Council of Volontary Agencies (ICVA), etc.

[96]

2° Sociale

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on a assisté, dans les sociétés occidentales, au développement d’un vaste mouvement associatif traduisant la volonté des citoyens de ces pays de mieux structurer la société civile pour lui permettre de jouer un rôle beau-coup plus important par rapport à la société politique. Ce mouvement, qui est à la fois une réaction contre le tout-État et le système technico-industriel, se voulait une alternative au « dilemme capitalisme-socia-

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lisme » 91. Cette dynamique sociale a été un puissant catalyseur à l’émergence des ONG pendant cette période.

3° Politique

Les luttes de libération nationale dans les anciennes colonies, les mouvements anti-colonialistes dans les pays colonisateurs eux-mêmes, fortement appuyés par les partis socialistes et surtout commu-nistes des métropoles, et la Conférence de Bandung, à Java en Indoné-sie, réunissant 29 pays non-alignés (Afrique et Asie), en 1955, ont suscité chez les populations des pays du Nord un esprit de solidarité vis-à-vis de celles du Sud, qui allait se manifester par l’envoi de vo-lontaires et de fortes contributions financières. La collecte de ces fonds et leur transfert ont donné lieu à la création de nombreuses ONG.

Dans les années 70-80, l’influence des théories de la dépendance et du sous-développement, l’engagement de l’église catholique en Amé-rique latine, à travers la théologie de la libération, et la révolution san-diniste nicaraguayenne de 1979, ont suscité, une nouvelle fois, la sym-pathie des peuples occidentaux et ravivé leur esprit de solidarité, pro-voquant du même coup la création de diverses ONG.

Il convient également de souligner la politique des Droits de l’homme du président américain Jimmy Carter, qui fut à la base de la création de plusieurs ONG travaillant [97] à la défense des droits hu-mains ; la politique néolibérale de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher, dont les gouvernements ont fait passer une grande partie de leur aide aux pays du Tiers monde par le canal des ONG, dans le but évident d’affaiblir l’État par rapport au secteur privé dans le domaine économique. Il faut mentionner aussi le problème des réfugiés qui a également contribué à la création d’ONG, tout en augmentant de fa-çon considérable leur capacité d’intervention.

Ainsi, si on peut faire remonter l’origine des actions humanitaires à l’époque coloniale ou au début du XXe siècle en Europe, on doit re-connaître que c’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale qu’on a assisté à l’institutionnalisation de ces actions sous forme 91 Mathurin, Aliette et al, op. cit., p.7.

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d’ONG œuvrant dans des champs beaucoup plus larges que l’aide hu-manitaire. Mais, c’est à partir des années 60, plus spécifiquement au lendemain de l’accession des pays d’Afrique et d’Asie du Sud-Est à l’indépendance, qu’on a assisté à la prolifération de ces organisations et à leur importance sans cesse croissante dans la coopération au déve-loppement.

MODE D’INTERVENTION

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Les ONG étrangères, dans le cadre de leur contribution aux activi-tés de développement dans les pays du Sud, apportent une aide indis-pensable au fonctionnement et à la capacité d’intervention des ONG locales sur le terrain. Leur mode d’intervention consiste à financer des petits projets de développement communautaire, des projets de déve-loppement intégré et à fournir des experts aux ONG du Sud, pour l’ac-complissement de programmes spécifiques.

Les ONG du Nord, en finançant partiellement ou totalement les activités des ONG du Sud, interviennent dans les domaines les plus divers, comme l’éducation, la santé, l’alimentation, l’agriculture, la formation, l’élevage, l’environnement, la technologie appropriée, l’ar-tisanat, la [98] pêche, etc. Elles aident également au perfectionnement de cadres au profit des ONG des pays du Tiers monde, en établissant des programmes d’échanges de ressources humaines et en finançant des bourses d’études pour les cadres d’ONG du Sud. Elles fournissent aussi des appuis méthodologiques en termes d’évaluation d’activités, d’élaboration de programmes...

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TYPOLOGIE

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Les ONG du Nord sont d’une très grande diversité, mais cela ne nous empêche nullement de les classer en quatre grandes catégories :

1° les ONG qui sont l’expression de la politique sociale des Églises (l’église catholique et les sectes protestantes) ;

2° les ONG qui sont en théorie indépendantes, mais constituent, en fait, des instruments du Ministère de la Coopération externe ou des Agences bilatérales de leurs pays, avec tout ce que cela sup-pose ;

3° les ONG qui sont liées au grand capital financier international ;4° les ONG qui ont pris naissance à partir du développement du

mouvement associatif, plus précisément le mouvement tiers-mondiste, et dont le financement provient en grande partie de la générosité des populations des pays du Nord.

RELATIONS ENTRE LES ONG ÉTRANGÈRESET LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

DE DÉVELOPPEMENT

Vu leur nombre, leur influence sur l’opinion publique mondiale, la part de l’aide internationale qu’elles manipulent et leur impact sur les rapports Nord-Sud, les organisations internationales de développe-ment accordent [99] une importance accrue aux ONG étrangères dans le cadre de leurs activités de développement. Ainsi, des organisations internationales telles l’ONU, la CEE, l’OEA et certaines institutions spécialisées « entretiennent avec certaines d’entre elles des relations suivies et leur octroient parfois même un statut consultatif. » 92

Au début des années 70, on a assisté à une coopération étroite entre les ONG étrangères et certaines organisations internationales, qui au-92 Gandolfi, Alain, op. cit., p.29.

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rait pu faire craindre que celles-là ne se transforment en instrument permettant à ces dernières de trouver un canal propice pour l’applica-tion de la vision des relations économiques Nord-Sud des grands pays capitalistes, qui dominent au sein de ces organisations.

En effet, le programme basé sur une basic human needs approach lancé en 1974 par Mc Namara, directeur de la Banque mondiale à cette époque, en réponse à la pauvreté sans cesse croissante dans les pays du Tiers monde, constitue un pas décisif dans la coopération entre ONG étrangères et organisations internationales de développe-ment.

Dans ce programme, qui mettait l’accent sur la « lutte contre la pauvreté et l’extension du filet du secours social pour les plus défavo-risés », la priorité était accordée aux projets de développement agri-cole, à l’éducation et à la santé publique. Une très grande importance fut accordée au rôle des Organisations non gouvernementales dans l’application de cette politique de développement, parce qu’on esti-mait qu’elles étaient plus efficaces dans l’allocation de l’aide à la po-pulation locale. Ainsi, les ONG étaient considérées par certaines orga-nisations internationales comme un instrument efficace pour l’applica-tion de leur politique de développement.

Comme la politique de développement de certaines institutions in-ternationales n’est rien d’autre que le reflet de la vision du développe-ment de certains pays industrialisés, — dans les années 80, la coopé-ration entre ONG [100] et organisations internationales, influencée par le reaganisme, allait se renforcer, comme nous l’avons souligné plus haut, dans le but évident d’affaiblir l’État dans les pays du Sud et d’imposer le néo-libéralisme à l’échelle planétaire, avec ses consé-quences sociales, qui sont un véritable cauchemar pour les peuples du Tiers monde.

Il convient de souligner qu’à la quatrième rencontre de la Confé-rence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNU-CED) et les ONG, du 4 au 6 décembre 1991, quelques 37 ONG répar-ties à travers les cinq continents, étaient présentes. Et des thèmes très importants ont été débattus au cours de cette session, concernant :

- les priorités des ONG dans les relations Nord-Sud ;

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- les problèmes commerciaux ;- le développement soutenu ;- la question de la dette ;- le rôle des ONG dans les changements politiques et l’envi-

ronnement économique 93.

On pourrait également souligner la Première Rencontre internatio-nale sur le développement, la coopération internationale et les ONG, organisée par l’Institut brésilien d’analyses sociales et économiques (IBASE) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), du 5 au 9 août 1992, ayant réuni environ 270 ONG. Cette rencontre a permis l’élaboration d’un important document de 328 pages traitant du niveau de coopération entre les ONG elles-mêmes et entre les agences multilatérales et l’État en matière de développement. Ce document soulignait également la nécessité de renforcer cette co-opération.

Les ONG étrangères, dans le cadre de leur action pour le dévelop-pement au profit des pays du Sud, collaborent avec d’autres acteurs de la coopération internationale, dont les organisations internationales de développement. La coopération entre les ONG et celles-ci a revêtu les [101] formes suivantes : échanges de services, consultations, défini-tion et exécution de programmes ou de projets de développement.

À partir des années 70, les ONG occupent une place importante dans la coopération au développement des pays du Tiers monde. Les institutions internationales et les pays industrialisés, tenant compte de cette situation, et de la corruption systématique qui règne au niveau de l’administration publique dans de nombreux pays du Sud — ainsi que de la politique néo-libérale des années 80 visant à affaiblir l’État dans ces pays, — ont fait passer une partie importante de leur aide aux pays sous-développés par le canal des ONG. Mais si les ONG sont deve-nues des partenaires incontournables dans la coopération au dévelop-pement, on doit reconnaître par contre que les relations qui existent entre elles et les organisations internationales de développement, sont asymétriques. Ces dernières ont tendance à considérer les ONG

93 Rencontre No. 5, p. 65, revue éditée par le Centre de recherche et de forma-tion économique et sociale pour le développement (CRESFED).

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comme des agences d’exécution d’une politique de développement, à la définition de laquelle elles n’ont pas participé.

RELATIONS ENTRELES ONG DU NORD ET L’ÉTAT

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Les relations entre les ONG du Nord et l’État sont plus qu’évi-dentes. Mais avant d’analyser ces relations, il convient de nous en-tendre sur l’acception du concept « État », qui est diversement inter-prété par les spécialistes et chercheurs des sciences sociales.

Définitions du concept « État »

Selon le Petit Larousse illustré de 1987, l’État est l’« entité poli-tique constituée d’institutions diverses qui président aux destinées collectives d’une société et exerce, à ce titre, le pouvoir. »

Pour A. Esmein, l’« État est la personnification juridique d’une nation. » 94

[102]D’après Georges Burdeau, l’« État, c’est le pouvoir institutionna-

lisé. » 95

On retrouve à peu près la même idée dans la définition que Max Weber donne à ce concept : « L’État est le groupe politique qui reven-dique avec succès le monopole de la contrainte physique légitime. » 96

Les marxistes le définissent comme « l’organisation politique d’une classe économiquement dominante, qui a pour but de défendre le régime existant et de mater la résistance des autres classes. » 97

94 Voir Chantebout, Bernard, Droit constitutionnel et science politique, deuxième édition, Armand Colin, Paris, 1991, p. 16.

95 Ibid.96 Ibid., p. 17.97 Dictionnaire philosophique, Éditions du Progrès.

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Nous utiliserons le concept « État » selon l’acception que lui donne le Petit Larousse illustré, et, dans le cadre de ce travail, il peut être assimilé, comme le font souvent les politologues, au gouvernement en place.

Relations ONG-État dans le Nord

Dans des pays occidentaux, tels le Canada, les États-Unis, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, etc., l’État a entrete-nu, progressivement, d’étroites relations avec les ONG en leur accor-dant des subventions, et dans le cas des USA, l’État est à l’origine de la création de puissantes ONG qui peuvent être considérées comme des organismes déconcentrés des agences gouvernementales.

À leur tour, de nombreuses ONG du Nord, à travers leurs succur-sales dans les pays du Sud et les ONG locales qu’elles financent, dis-posent d’informations privilégiées qu’elles fournissent aux agences gouvernementales de leurs pays d’origine. Elles permettent égale-ment, dans certains cas, aux services d’intelligence de leur pays d’ori-gine d’infiltrer les groupes de base et d’exercer un contrôle rigoureux sur certains secteurs des populations du Sud. Elles sont parfois utili-sées, lorsque les circonstances le requièrent, par quelques agences pu-bliques de certaines puissances occidentales, comme instrument pour renforcer ou déstabiliser les régimes du Sud.

[103]Au Canada, il existe quelques 133 ONG, qui sont financées par

l’Agence de coopération internationale (ACDI) 98. Le financement par l’État canadien de ces ONG, couvrant toutes les tendances politiques et toutes les confessions religieuses, est assimilé à une manœuvre vi-sant à obtenir la bonne grâce des divers secteurs du paysage socio-po-litique national. En outre, on ne doit pas oublier l’aspect de marketing qui existe dans tout cela, car ces ONG font la promotion de la techno-logie canadienne dans les pays du Tiers monde où elles ont des an-tennes locales.

98 ACDI, Rapport annuel 1988-1989, p. 90-92.

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En France, avant l’avènement des socialistes au pouvoir, il existait au sein du Ministère de la Coopération un bureau de liaison des ONG. À cette époque, les subventions de l’État français aux ONG étaient estimées à 4 millions de francs 99. Avec l’accession du parti socialiste au pouvoir en 1981, les subventions du gouvernement aux ONG étaient augmentées à 29 millions de francs 100. On a aussi assisté à l’agrandissement du bureau de liaison des ONG, à l’augmentation de son personnel et au renforcement des liens entre les ONG et le gou-vernement. À titre d’exemple, nous pouvons souligner la concertation entre le gouvernement français et les ONG françaises dans le cadre de la préparation de la première Conférence internationale sur les Pays les moins avancés (PMA) en 1981.

Les ONG françaises travaillent également de concert avec le gou-vernement dans l’élaboration et la définition de politiques nationales, notamment en matière de « coopération Nord-Sud, de stratégie(s) ali-mentaire(s) et des actions de solidarité » 101. L’enclenchement du pro-cessus de démocratisation en Bolivie, en 1983, allait offrir un autre exemple de coopération étroite entre les ONG françaises et le gouver-nement français, grâce à la mise sur pied de la mission qui avait pour titre « Action de Solidarité » avec la Bolivie et qui était composée de représentants des ONG, du gouvernement et d’organisations de la so-ciété civile 102.

[104]Aux États-Unis d’Amérique, dans les années 80, des ONG dispo-

sant de moyens financiers considérables ont vu le jour à la faveur du reaganisme. Pour certaines d’entre elles, les termes « collaboration », « coopération » et « concertation » sont impropres pour décrire la na-ture des relations entre les ONG américaines et le gouvernement amé-ricain. Le terme « instrument » conviendrait mieux. Ces ONG re-çoivent non seulement des subventions du gouvernement américain, mais aussi, très souvent, elles sont, sinon en théorie du moins en pra-tique, des filiales de la United States Agency for International Deve-

99 Henrys, Daniel, « Relations ONG-État », dans Définition, rôle et fonction des ONG, Cahier 1- Ateliers de travail organisés par la HAVA les 29-30 janvier 1991, à l’Hôtel Holiday Inn de Port-au-Prince, p. 21.

100 Ibid.101 Ibid.102 Ibid.

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lopment (USAID). En général, l’action de ces ONG dans le Tiers monde, notamment dans le domaine de l’aide alimentaire, vise à anéantir la base productive des pays bénéficiaires afin d’ouvrir leurs marchés aux produits des USA.

Les relations entre ONG et État existent dans tous les pays du Nord. Si les ONG reçoivent de l’État des subventions, en échange, objectivement, elles lui permettent d’être en contact étroit avec les populations du Sud et d’exercer sur elles un certain contrôle. Sauf les très rares exceptions où l’on pourrait parler de relations de partenariat entre ONG et État, les ONG sont généralement des instruments desti-nés à appliquer la politique du gouvernement de leurs pays d’origine dans le Tiers monde. En ce sens, on se demande si on peut effective-ment parler d’autonomie, voire d’indépendance, des ONG par rapport à l’État et si, dans certains cas, les ONG ne sont pas plus gouverne-mentales que les agences bilatérales de leurs pays d’origine.

RELATIONS ENTRE LES ONG DU NORDET LA SOCIÉTÉ CIVILE

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Avant d’aborder ce thème, il convient de nous entendre sur la défi-nition du concept « société civile » qui peut paraître très ambigu et qui peut être considéré comme un concept fourre-tout, vu les interpréta-tions très diverses auxquelles il a donné lieu.

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Définitions du concept « société civile »

L’utilisation du concept « société civile » remonte à la philosophie du XVIIIe siècle. Ce terme désignait plus spécifiquement les rapports de propriété et, par la suite, la société bourgeoise elle-même.

Les matérialistes anglais et français expliquaient sa formation « en se référant aux qualités naturelles de l’homme, à la politique, aux ré-formes de gouvernement, à la législation et à la morale, etc. » 103

Pour Hegel, la « société civile » est « un système de besoins fondé sur la propriété privée, les rapports de propriété, de droit, la condi-tion sociale, etc. » 104

Karl Marx définit la « société civile » comme « l’organisation de la famille, des différents groupes sociaux et des classes, les rapports de propriété et de répartition et, plus généralement, les formes et les modalités de l’existence et du fonctionnement de la société, de la vie réelle et de l’activité des hommes. » 105

Antonio Gramsci établit une relation de complémentarité entre la « société civile » et la « société politique ». À propos de ces deux concepts il a écrit : « On peut pour le moment établir deux grands “étages” dans les superstructures, celui que l’on peut appeler l’étage de la “société civile”, c’est-à-dire l’ensemble des organismes vulgai-rement dits “privés” ; et celui de la “société politique” ou de l’État ; ils correspondent à la fonction d’“hégémonie” que le groupe domi-nant exerce sur toute la société, et à la fonction de “domination di-recte” ou de commandement qui s’exprime dans l’État et dans le gou-vernement juridique. » 106

103 Dictionnaire philosophique, Éditions Du Progrès.104 Ibid.105 Ibid.106 Gramsci, Antonio, Gramsci dans le texte, Éditions Sociales, Paris, 1977, pp.

606-607. Pour une étude beaucoup plus approfondie du concept « société civile », on peut consulter l’excellent ouvrage de J. Yvon Thériault, La So-ciété civile ou la chimère insaisissable. Essai de sociologie politique. Édi-tions Québec/Amérique, Montréal, 1985.

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La conception gramscienne différenciant la « société civile » de la « société politique » — tout en établissant une relation de complémen-tarité entre ces deux entités — est partagée par de nombreux socio-logues et politologues, qui sont conscients du rôle politique sans cesse croissant des associations de la « société civile » dans de nombreux [106] pays. Dans les années 70, on a assisté à la résurgence des idées gramsciennes en Amérique latine particulièrement, — et on sent, au-jourd’hui, de plus en plus la pression de la « société civile » sur la « société politique ».

En effet, ces « organismes vulgairement dits privés » sont actuelle-ment non seulement des groupes de pression très puissants, mais aussi des acteurs dont le poids sur l’échiquier politique, dans le cas de cer-tains pays, ne saurait être sous-estimé, — pour ne pas dire qu’il est déterminant. En France, par exemple, les associations d’écologistes (les Verts comme on les appelle), de femmes, etc., par le jeu des al-liances électorales et parlementaires, peuvent influencer la formation d’un gouvernement, voire l’élection d’un chef d’État. En Haïti, actuel-lement, il faudrait réaliser une étude pour déterminer le rôle effectif joué par ces « organismes » dont parlait Gramsci, dans la victoire de Jean-Bertrand Aristide aux élections du 16 décembre 1990.

Quoiqu’il en soit, et malgré les nuances que nous venons de rele-ver, le concept « société civile », dans le cadre de notre travail, sera utilisé dans son sens gramscien.

Relations ONG-société civile

Dans les pays occidentaux, malgré les subventions de l’État, à l’ex-ception de celles qui sont des filiales des agences bilatérales ou qui entretiennent des relations directes avec les services d’intelligence du gouvernement de leurs pays, qui les financent à partir de comptes ou de fonds secrets, les Organisations non gouvernementales dépendent, pour leur fonctionnement et le financement de leurs activités de déve-loppement dans les pays du Tiers monde, en grande partie, de la géné-rosité du public et surtout des associations de la société civile. Pour recueillir les fonds dont elles ont besoin, elles sont obligées, très sou-vent, d’organiser des campagnes de sensibilisation de l’opinion pu-

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blique de leurs pays autour [107] des conditions infra-humaines dans lesquelles vivent les peuples du Sud. Pour y parvenir, elles réalisent et diffusent des documentaires destinés à la télévision, publient des re-vues, organisent des forums de discussion, etc.

Ainsi, elles trouvent des volontaires acceptant de travailler dans des projets de développement qu’elles financent ou exécutent dans les pays du Sud et portent la société civile à participer plus directement et plus activement à la coopération au développement des pays du Tiers monde. Car après tout, les subventions que les ONG du Nord re-çoivent de l’État et l’aide que les pays sous-développés reçoivent des pays industrialisés proviennent directement de l’argent du contri-buable, c’est-à-dire de la société civile.

La première partie de ce travail a été consacrée aux Organisations non gouvernementales étrangères, à la coopération internationale et aux stratégies pour le développement. Notre objectif était de jeter les bases théoriques indispensables pour comprendre la nature, le fonc-tionnement et le rôle des Organisations non gouvernementales haï-tiennes et les objectifs qu’elles poursuivent à travers les activités de développement qu’elles entreprennent à travers tout le pays.

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Haïti : l’invasion des ONG

Deuxième partieLES ORGANISATION

NON GOUVERNEMENTALESEN HAÏTI

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Vu leur nombre et la part de l’aide à Haïti qui passe par leur ca-nal 107, les Organisations non gouvernementales représentent un facteur important dans la lutte pour le développement du pays. Pour mieux évaluer leur travail sur le terrain et déterminer leur contribution réelle dans la difficile bataille pour l’amélioration des conditions de vie du peuple haïtien, il convient d’étudier les dimensions du « sous-dévelop-pement haïtien », sa spécificité et ses théories explicatives.

[112]

107 Voir le chapitre V.

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Haïti : l’invasion des ONG

DEUXIÈME PARTIE

Chapitre IVLE SOUS-DÉVELOPPEMENT

HAÏTIEN

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SES DIMENSIONS

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N’importe quel étranger arrivant en Haïti peut, dès ses premiers pas et au premier coup d’œil, se rendre compte qu’il s’agit d’un pays dont les structures sont dramatiquement arriérées. Les statistiques of-ficielles disponibles sont — volontairement ou involontairement — faussées pour masquer la gravité de la situation. Elles lui permettront, malgré tout, de comprendre qu’une distance astronomique sépare déjà Haïti de ses voisins les plus proches de la Caraïbe, de l’Amérique cen-trale, des pays du Cône Sud et surtout de l’Amérique du Nord. Le pays souffre en effet d’un sous-développement chronique ; c’est d’ailleurs le seul PMA du continent américain, et ses structures re-flètent tous les symptômes, tous les critères, les caractéristiques ou « caractères fondamentaux du sous-développement » 108. Les facteurs suivants nous aideront à mieux cerner l’ampleur de ce drame.

Insuffisances alimentaires

Selon les statistiques officielles et internationales, le déficit ali-mentaire chez l’Haïtien est exceptionnellement grave. En effet, sa consommation moyenne journalière est de 1 900 calories et de 13 grammes de protéines 109, contrairement aux recommandations de la FAO qui sont de l’ordre de 2 200 calories et 55 grammes de protéines pour une diète équilibrée. Sur la base de ces données, le déficit ali-mentaire journalier chez l’Haïtien est de 300 calories et 42 grammes de protéines. Selon un rapport publié par l’USAID en 1988, l’Haïtien consomme 20% de [116] moins de calories et 30% de moins de pro-téines que le taux recommandé par les Nations Unies. Dans les mi-108 Lacoste, Yves, op. cit., p. 50.109 Ministère de la Planification, de la Coopération externe et de la Fonction

publique, Le Livre blanc, Port-au-Prince, décembre 1990, p. 24.

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lieux ruraux, ces déficiences sont de 40% de calories et 50% de pro-téines. Et d’après un rapport publié en 1988 par le Bureau internatio-nal du travail (BIT) : la malnutrition touche 3 enfants sur 4 ; près de 90% des cas de mortalité infantile ont pour cause la malnutrition chro-nique et la gastro-entérite ; la consommation de viande est inférieure à 5 kg par an par habitant, et celle du lait est de 5 litres dans les cam-pagnes.

Malgré l’écart qu’on peut observer au niveau de ces estimations, en ce qui a trait à la consommation en protéines, elles n’en témoignent pas moins de la gravité de la situation.

Conditions sanitaires

Le système sanitaire est fortement déficient pour ne pas dire in-existant en Haïti. Les données suivantes 110, datant de 1989, témoignent d’une couverture sanitaire excessivement réduite qui ne correspond nullement aux besoins de la population :

- 2 médecins pour 10 000 habitants ;- 0,17 dentiste, 1 infirmière, 3 auxiliaires pour 10 000 habitants ;- et 1 lit d’hôpital pour 2 000 habitants 111.

D’après le dernier recensement officiel de 1990 112, il n’existe dans tout le pays que 516 centres et services de santé, 348 dispensaires et 42 hôpitaux.

Il est à noter cependant que la grande majorité de la population n’ayant pas accès aux soins médicaux pour des raisons pécuniaires ou ne bénéficiant pas des services de certaines ONG dans ce domaine, recourt, de façon systématique, à la médecine traditionnelle (« méde-cin-feuille »).

[117]

110 Ibid., p. 25.111 Tardieu, Jerry, Embargo sur Haïti : les premières conséquences, Imprime-

rie Le Natal, Port-au-Prince, 1992, p. 109.112 Ibid.

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En outre, il convient de souligner les disparités villes/campagne : 90% de ce personnel médical déjà insuffisant se concentre à Port-au-Prince et plus de 75% des médecins diplômés de l’unique faculté de médecine et de pharmacie dont dispose le pays, émigrent vers les États-Unis 113.

"La desserte en eau potable est estimée à 27 % dans le milieu ru-ral, 65% dans les villes secondaires et 51% dans la capitale. L’accès aux moyens d’assainissement serait de 30% dans les zones urbaines et de 1% dans les zones rurales. » 114

Avec les égouts à ciel ouvert et la poubellarisation des villes, joints au déficit cumulatif en ce qui concerne le système de santé et d’hygiène publics, on peut facilement comprendre pourquoi le taux de mortalité est de 13,8 pour mille ; le taux de mortalité infantile, de 108,2 pour mille 115 ; et l’espérance de vie, de 51,2 ans pour les hommes et de 54,4 ans pour les femmes 116.

Éducation

Le niveau éducatif en Haïti est le plus bas de l’hémisphère : le taux brut de scolarisation du cycle primaire, concernant les enfants âgés de 6 à 12 ans, est de 49,8% ; celui du secondaire, pour les enfants entre 13 et 18 ans, est de 15,9%, selon les données de 1988 117.

Plus de 77% de la population est analphabète ; en milieu rural, ce taux est de 90% 118.

113 CRESDIP (Centre de recherches sociales et de diffusion populaire) /NCHR (National Coalition For Haitian Refugees) /HSI (Haïti solidarité internatio-nale), Dossier 1- Haïti, pays écorché, p. 45.

114 Ministère de la Planification, de la Coopération externe et de la Fonction publique, op. cit., p. 24.

115 Selon un rapport publié par la Banque interaméricaine de développement (BID), le taux de natalité en Haïti est de 35,4 pour mille, alors que la moyenne mondiale est de 29 pour mille. La moyenne mondiale pour le taux de mortalité est de 11 pour mille.

116 Unicef, 1988.117 Ministère de la Planification, de la Coopération externe et de la Fonction

publique, op. cit., p. 24.118 Ministère de l’Éducation nationale - MEN, 1988.

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La situation au niveau de l’enseignement supérieur est encore plus dramatique. En 1985, sur une population de plus de 5 millions d’habi-tants, on comptait 5 187 étudiants universitaires (92% inscrits à l’Uni-versité d’État...) et quelques 600 professeurs 119.

[118]

Forte proportion d’agriculteurs à basse productivité

Haïti est, comme on se plaît à le répéter, un pays essentiellement agricole. Mais son agriculture n’arrive même pas à lui permettre d’at-teindre le stade de l’auto-suffisance alimentaire, et on ne saurait impu-ter ce phénomène à une quelconque politique économique extravertie qui consisterait à expédier la plus grande partie de la production agri-cole du pays à l’extérieur. Les deux tiers de la population active du pays travaillent dans ce secteur qui ne représente qu’un tiers du PIB. La baisse de la production des denrées agricoles et l’augmentation de la population entraînent une hausse générale des prix de ces produits.

Le volume des produits agricoles destinés à l’exportation a consi-dérablement diminué, en particulier celui du café, et depuis de nom-breuses années, Haïti importe du sucre et des céréales, ce qui té-moigne de la sous-productivité du secteur agricole. Le tableau suivant nous montre que la production du café, principale denrée d’exporta-tion du pays, a connu une baisse sensible pendant les années 83 à 87. Et, très probablement, avec la crise politique qui a secoué le pays au cours de ces deux dernières années, la production nationale a baissé à tous les niveaux.

119 Pierre-Charles, Gérard, Université et démocratie, CRESFED (Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement), Port-au-Prince, 1988, p. 8.

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[119]

Tableau 1

Production agricole (en tonnes)

Produits 1983 1986 1987

Riz 124 000 135 000 133 000

Haricots 47 000 49 000 48 000

Maïs 186 000 205 500 202 000

Bananes 500 400 531 000 522 000

Mil 118 000 124 000 122 000

Viande 41 000 92 000 102 000

Canne 5 958 000 4 542 947 4 463 900

Café 37 250 3 088 31 572

Cacao 4 710 5 359 5 189

Sources : BRH, 1989.

Ampleur de la croissance démographique,faible proportion de citadinset faiblesse des « classes moyennes »

Comme dans de nombreux pays sous-développés, la croissance démographique constitue un frein au développement d’Haïti. Des ef-forts ont été faits tant par le secteur public, les Organisations non gou-vernementales que par les organismes internationaux pour contrôler la progression de la population. Ainsi, de 1986 à 1990, elle a accusé un taux de croissance de l’ordre 2,01% et varié de près d’un demi-million d’habitants, en passant de 5 989 001 habitants en 1986 à 6 486 000 habitants en 1990 120.

Il est à souligner que le taux de croissance démographique est beaucoup plus élevé en zone urbaine qu’en zone rurale. En effet, le

120 Institut haïtien de statistiques et d’informatique (IHSI).

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 123

taux de croissance en zone urbaine est passé successivement, entre 1986 et 1990, de 4,17% à 4,10%, à 4,04% et à 3,98%. En zone rurale, le taux de croissance au cours de cette même période était respective-ment de 1,28%, 1,23%, 1,17% et 1,12%. Malgré [120] une augmenta-tion rapide et soutenue de la population en zone urbaine depuis les quatre dernières décennies, la population en zone rurale représente plus de 70% de la population totale du pays. De 72,66% de la popula-tion totale en 1986, elle est tombée à 70,39% en 1990, comme l’at-teste le tableau suivant :

[121]

Tableau 2

Évolution de la population en zones urbaine et rurale(en milliers d’habitants)

Période* PopulationTotale

Populationen zone urbaine

Populationen zone rurale

1986 5 989,1 1 637,2 4 351,9

1987 6 113,3 1 705,5 4 407,8

1988 6 237,6 1 775,5 4 462,1

1989 6 361,8 1 847,3 4 514,5

1990 6 486,0 1 920,8 4 565,2

Sources : Institut haïtien de statistiques et d’informatique (IHSI).

* Données révisées par la Direction d’analyse et de recherche démographique (DARD) de l’IHSI.

La population haïtienne accuse une densité moyenne de 220 habi-tants au km2 et dans certaines sections communales du département de l’Artibonite, elle est de 500 habitants au km2. Les bidonvilles géants de la capitale et des villes de province sont de véritables fourmilières humaines. Cette situation est d’autant plus préoccupante que d’impor-tants mouvements migratoires internes favorisent chaque année l’arri-vée de nouveaux venus dans les centres urbains. L’émigration est aus-

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si importante, car quelque 14 000 Haïtiens 121 quittent le pays annuelle-ment, de façon légale, et avec les départs illégaux, ce chiffre peut être estimé à 25 000. Si l’on tient compte de la population haïtienne vivant à l’extérieur du pays, qui s’élève à plus d’un million de personnes 122, on peut même parler d’explosion démographique dans le cas haïtien.

Quant à la «classe moyenne», elle est un concept fourre-tout en Haïti. Le petit employé de bureau, l’ouvrier [122] qualifié ou le petit caporal de l’armée qui gagne 1 000 gourdes le mois (soit l’équivalent de 75 dollars américains), les professionnels des sciences exactes ou sociales dont les salaires mensuels peuvent parfois atteindre 50 000 gourdes, vous diront tous qu’ils appartiennent à cette même classe. Parfois la conception de l’appartenance à cette classe frise l’absurde, en ce sens qu’elle se définit non pas en fonction du statut social de l’individu, de la fonction qu’il occupe ou de son niveau de vie, mais surtout en fonction de sa couleur. Cela signifierait que dès qu’on est noir, on fait partie de la classe moyenne. Cette tendance à faire de l’appartenance à une classe sociale donnée une simple question de couleur et non de communauté d’intérêts déterminant des positions politico-idéologiques communes, est un héritage historique. Selon de nombreux historiens, à l’époque coloniale, le système social domin-guois avait une structure pyramidale avec les blancs au sommet, les affranchis (gens de couleur) au milieu et les esclaves (nègres) à l’échelon inférieur.

Certains historiens n’ont pas hésité à parler de la classe des blancs, de celle des affranchis et de celle des esclaves 123, comme si les membres de chacune de ces catégories sociales avaient les mêmes in-térêts. Mais on sait qu’il existait à St-Domingue des blancs proprié-taires et des blancs non propriétaires couramment appelés petits blancs ou blancs manants, qui étaient des artisans et dont les intérêts étaient différents de ceux des grands propriétaires blancs qui les mé-prisaient et qui les considéraient comme des fauteurs de troubles, vou-lant créer un chambardement dans la colonie afin de se substituer à eux. Il en était de même de la catégorie des affranchis dont les princi-

121 Ministère de la Planification, de la Coopération externe et de la Fonction publique, op.cit., p. 24.

122 Cette estimation a été faite par le BIT dans un rapport publié en 1988.123 Dorsainvil, J.C., Histoire d’Haïti, Cours supérieur, FIC, Éditions Henri

Deschamps, Port-au-Prince, p. 42.

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paux leaders, notamment Vincent Ogé, avaient tout fait pour créer une alliance entre propriétaires blancs et affranchis, dans le but évident de faire échec aux « menées subversives » des non propriétaires blancs et mulâtres, et surtout de maintenir les esclaves — principaux artisans de l’étonnante prospérité qu’avait connue St-Domingue à la veille de 1789 — dans une situation de soumission totale. Mais si on utilise la conception [123] marxiste du concept « classe sociale » 124, on peut facilement voir toute la fausseté de l’amalgame classe/couleur à cette époque, et il n’est pas osé de parler du « prolétariat blanc » de St-Do-mingue à la veille de la Révolution française.

Au lendemain de la proclamation de l’Indépendance, après l’assas-sinat de Dessalines et la fondation de la République de l’Ouest par Alexandre Pétion, l’amalgame classe/couleur est réapparu. On utilisait à cette époque le concept pigmentocratie pour caractériser le régime de Pétion, parce qu’il gouvernait uniquement avec les membres de sa caste, tous des gens de couleur. Si au prime abord on peut croire à la justesse de ce concept, lorsqu’on va au fond des choses, on peut faci-lement comprendre qu’il recelait une vérité superficielle, car les Alle-mands de Fond-des-Blancs et les Polonais de Cazalé ne faisaient pas partie de l’équipe gouvernementale de Pétion. Et dans le Nord, où Henri Christophe avait instauré une monarchie de droit divin et où il n’existait que des noirs, le pouvoir, avec tous les privilèges que cela suppose, était détenu par le Roi et une poignée de ducs, de marquis, de comtes et de barons, à l’exclusion de la grande majorité des habitants du royaume qui étaient leurs sujets et qui étaient voués à l’oppression la plus féroce et à l’exploitation la plus éhontée.

Cet amalgame classe/couleur, qui aurait pu être difficile à démas-quer avant les travaux du célèbre penseur allemand Karl Marx, a été élucidé par Jean-Jacques Accaau, le célèbre leader paysan qui a pris

124 Pour Vladimir Ilitch Oulianov (Lénine), l’un des plus grands théoriciens du marxisme, les classes sociales sont de « vastes groupes d’hommes qui se distinguent par la place qu’ils occupent dans un système historiquement défini de production sociale, par leur rapport (la plupart du temps fixé et consacré par les lois) avec les moyens de production, par leur rôle dans l’or-ganisation sociale du travail, par les modes d’obtention et l’importance de la part des richesses sociales dont ils disposent. Les classes sont des groupes d’hommes dont l’un peut s’approprier le travail de l’autre, à cause de la place différente qu’il occupe dans une structure déterminée de l’économie sociale » (Lénine, Oeuvres, t. 29, p. 425).

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les armes contre les nantis de l’époque, avec sa formule didactique « Nèg rich se milat, milat pôv se nèg » 125. Malgré cette précision du paysan sociologue sur le concept « classe sociale » que Marx aura à confirmer par la suite, la question de couleur a été utilisée tout au long de notre histoire nationale par les politiciens pour induire le peuple en erreur et le porter à soutenir leur projet anti-national, antipopulaire, anti-progrès et dictatorial.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les Nationaux et les Libé-raux (Parti National, Parti Libéral) revendiqueront [124] réciproque-ment le pouvoir en terme de couleur. Les premiers utiliseront la for-mule : « Le pouvoir au plus grand nombre », c’est-à-dire les féodaux, grands propriétaires fonciers noirs, qui prétendent représenter les inté-rêts de tous les noirs du pays ; les seconds, feront valoir la formule : « Le pouvoir aux plus capables », c’est-à-dire aux mulâtres, membres de la bourgeoisie d’affaires, qui prétendent représenter les intérêts de tous les gens de couleur du pays. Mais le triomphe du « noirisme » sur le « mulâtrisme » en 1946, avec l’accession à la présidence de Dumar-sais Estimé, grand propriétaire foncier de la plaine et de la vallée de l’Artibonite, représentant et défenseur des intérêts des féodaux noirs, a porté la question de couleur à un degré qu’elle n’avait jamais atteint auparavant.

La question de couleur, comme arme politico-idéologique mystifi-catrice de la réalité socio-économique du pays, a été portée à son pa-roxysme par François Duvalier pour accéder au pouvoir. Mais les faits suivants aideront à démasquer le noirisme et à comprendre que la question de couleur en Haïti n’est qu’un trompe-oeil, un attrape-ni-gaud.

1° De 1946 à nos jours, après près d’un demi siècle de « pouvoir noir », la situation du pays s’est considérablement détériorée et l’ag-gravation des conditions de vie des masses populaires qui sont sou-mises à une misère de plus en plus affreuse, n’est qu’une lapalissade.

2° L’accord tacite ou le pacte de la honte entre l’élite noire et l’élite mulâtre : la « Révolution de 1946 » en Haïti n’est qu’une simple passation de pouvoir, sans guerre civile, d’une élite à une autre. Avec la nouvelle position politique de l’élite noire, les mulâtres 125 « Le noir riche est un mulâtre, le mulâtre pauvre est un noir ».

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vont être chassés, progressivement, de l’administration publique et des postes diplomatiques et se replieront dans le commerce import/export, qui était leur fief de toujours, avec l’assentiment de leurs homologues noirs. Ceux-ci vont, sans aucun scrupule et avec la complicité des puissances impérialistes, détourner l’aide internationale et les recettes [125] internes de l’État, pour s’enrichir au détriment du pays dans son ensemble et des masses populaires en particulier. De son côté, l’élite mulâtre s’enrichira davantage par le monopole de l’importation, de la vente et de l’exportation de certains produits que lui accorde le « pou-voir noir » et aussi par la contrebande et la corruption des agents de la fonction publique.

Dans son souci de favoriser l’émergence d’une « bourgeoisie d’af-faires noire » à côté de la bourgeoisie mulâtre, François Duvalier a, par le biais du Ministère du Commerce, délivré un certain nombre de licences (permis d’importation) à des privilégiés noirs de son régime. N’étant nullement intéressés par le commerce, ces derniers se sont livrés à un important trafic de licences avec des commerçants mu-lâtres, qui leur rapporte des millions de dollars. Les commerçants mu-lâtres de leur côté, profitant de leurs accointances avec le « pouvoir noir », ont utilisé les services quasi gratuits de la Banque centrale pour financer leurs activités et saigner à blanc les éternelles victimes du système d’apartheid social vieux de près de deux siècles, en réalisant des bénéfices de l’ordre de 500 à 1 000% dans la vente de produits importés afin d’arrondir leurs millions. Cette collusion entre privilé-giés noirs et mulâtres pour pérenniser le système inique, dans le but évident de maintenir et renforcer les inégalités sociales déjà criantes, nous a permis de lever un autre pan du voile masquant la réalité de la question de couleur en Haïti.

3° L’inconsistance du « noirisme » (l’idéologie des classes moyennes noires que l’on appelle couramment « la Classe »), dont les tenants ont toujours prêché la blancophobie et la mulâtrophobie, s’est révélée dans toute sa plénitude quand des « noiristes notoires ont pro-fité de la détérioration de la situation économique de certaines fa-milles de mulâtres de la petite bourgeoisie pour “venger leur race” » 126, selon leur propre expression. Cette obsession de la mulâ-

126 Les éléments noirs des classes moyennes recherchent ardemment la mulâ-tresse ou la brune pour épouse afin d’avoir une progéniture qui ne ressemble ni à eux, ni à leurs parents ; c’est ce qu’ils appellent « venger sa race » ou

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tresse qu’ils haïssent, pousse certains d’entre eux à rechercher la com-pagnie de la paysanne de Cazalé 127 ou de celle de Fond-des-Blancs 128, malgré leur [126] profond mépris pour les paysans. Quant à ceux qui ont pu obtenir des postes diplomatiques à l’extérieur, ils ont tous épousé des blondes, par haine pourrait-on dire ironiquement, avec peut-être en tête cette phrase de Racine : « Si j’embrasse mon rival, mais c’est pour l’étouffer. »

D’un autre côté, des dizaines de milliers de victimes qu’a faites la dictature des Duvalier et des centaines de milliers d’Haïtiens qui ont laissé le pays, 99% ont été des noirs. Il y a eu non seulement des mu-lâtres qui ont été ministres ou chefs d’État-Major de l’armée pendant plus de 40 ans de « pouvoir noir », mais de plus la richissime bour-geoisie mulâtre a apporté son soutien financier aux régimes noiristes quand cela était nécessaire.

L’amalgame classe/couleur et la question du noirisme étant mis à nu, voyons maintenant la faiblesse des classes moyennes.

S’il est vrai que de 1946 à nos jours, quelques éléments des classes moyennes ont pu devenir multimillionnaires grâce au pillage systéma-tique des caisses de l’État et au détournement de l’aide internationale, il n’en demeure pas moins vrai que ces « classes » restent très faibles dans leur ensemble. Politiciens professionnels, fonctionnaristes, intel-lectuels de cabinet, les membres des classes moyennes sont incapables de vivre en dehors de l’administration publique qu’ils considèrent comme leur mangeoire. Ceux qui ont une certaine formation, au nom de la technique, se font passer pour des « techniciens » prêts à servir n’importe quel régime totalitaire, sanguinaire. N’a-t-on pas vu au cours des deux dernières années, des soi-disant intellectuels et même des directeurs de lycée installer leurs bureaux au « Grand Quartier Gé-néral des Forces Armées d’Haïti » ? Vivant au-dessus de leurs moyens, ils sont prêts à devenir indicateurs de police ou à commettre

« mettre du lait dans son café ».127 Section de la commune de l’Arcahaie, située au nord de Port-au-Prince, où

les soldats polonais qui faisaient partie de l’expédition française s’étaient regroupés, pour vivre avec l’autorisation des autorités haïtiennes, au lende-main de la débâcle du corps expéditionnaire de Bonaparte.

128 Section de la commune de Fond-des-Nègres, située dans le département du Sud, où les soldats allemands du corps expéditionnaire français s’étaient regroupés pour vivre après la défaite des troupes napoléoniennes.

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n’importe quel forfait pour sauvegarder leur emploi ou pour en trou-ver un. Mégalomanes et ambitieux, ils se croient prédestinés et avant même d’avoir les quarante ans, ils ont leur costume de prestation [127] de serment et leur discours d’investiture qu’ils revoient, aug-mentent et corrigent chaque année, sachant que tôt ou tard, ils devien-dront président de la « République de Port-au-Prince ». Cette obses-sion du pouvoir par n’importe quel moyen a valu à certains d’entre eux d’être la marionnette de n’importe quel militaire rétrograde ou zenglendo.

L’une des caractéristiques de la grande partie des membres de ces classes moyennes est leur mépris pour le peuple, pour les paysans sur-tout, comme si ce mépris pouvait effacer leur humble origine proléta-rienne ou campagnarde. Lorsqu’on analyse ces classes en fonction de leur force économique, elles sont sinon faibles, du moins inexistantes, à moins qu’on se laisse tromper par l’effet de démonstration dont leurs membres sont passés maîtres. Les petits artisans représentent un poids économique supérieur au leur dans la société haïtienne.

Industrialisation restreinte et incomplète

La faiblesse du secteur industriel en Haïti témoigne du degré d’ar-riération du pays et de l’ampleur du féodalisme dans lequel il baigne.

L’agro-industrie

Ce secteur qui devrait être la base de sustentation de l’industrie parce qu’il utilise des produits agricoles, est en déclin depuis un cer-tain temps. Avec des usines telles Barbancourt (rhum), la Haitian American Sugar Company (HASCO), la Centrale Dessalines aux Cayes, l’Usine de Welsh et La Rue au Cap-Haïtien, l’Usine de Dar-bonne à Léogâne (usines à sucre), l’usine de viande de la HAMPCO, les usines laitières de Damien, la Laina, l’IDAI, auxquelles il convient d’ajouter la Famosa et le Facolef, l’agro-industrie a connu un certain essor pour ensuite stagner et finalement péricliter avec la fermeture de plusieurs des usines précitées et avec les problèmes d’infrastructure,

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[128] de concurrence étrangère et de contrebande auxquels font face celles qui essaient encore de survivre.

L’industrie de substitution d’importation

Il existe dans ce sous-secteur plusieurs usines d’une certaine im-portance, dont certaines sont installées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale 129. On peut citer la Minoterie et la Cimenterie d’Haïti (entreprises mixtes mais considérées généralement comme propriétés de l’État haïtien), l’Aciérie d’Haïti, des savonneries, des huileries, la LAHSA (Les Allumettes Haïtiennes SA) appartenant à la grande bourgeoisie locale et quelques entrepreneurs moyens. Les usines de l’État ne fonctionnent plus, plusieurs du secteur privé ont déjà fermé leurs portes. Avec la crise politique que traverse le pays depuis quelques années, ce secteur connaît de sérieuses difficultés.

Les entreprises de sous-traitance

Ce secteur compte quelques 449 entreprises installées dans le pays au cours des décennies 1970-1980 et emploie plus de 40 000 ou-vriers 130. Avec la décote de la gourde, le salaire journalier de base est d’environ 1 dollar 20. Deux phénomènes ont entraîné un net ralentis-sement au niveau des activités de ce secteur : la compétivité japonaise qui a fait baisser le chiffre d’affaires des firmes transnationales des États-Unis dans le domaine de l’électronique, et les troubles socio-po-litiques qu’a connus le pays pendant la courte période précédant le départ de Jean-Claude Duvalier et après le 7 février 1986.

Ce secteur déjà ébranlé par l’intensification des mouvements de protestation d’ouvriers et l’agitation socio-politique, a reçu le coup de grâce lors du sanglant coup d’État du 30 septembre 1991. Avec les sanctions prises par la communauté internationale contre les [129] au-torités de facto qui frappent de plein fouet les entreprises de la sous-traitance, moins de 1 000 ouvriers travaillent actuellement au Parc

129 Pierre-Charles, Gérard, Le Système économique haïtien, CRESFED, p. 29.130 Ibid., p. 31.

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industriel de Port-au-Prince. Ce secteur est donc actuellement agoni-sant. — Le tableau suivant nous donne une idée du rachitisme chro-nique dont souffre le secteur industriel haïtien.

Tableau 3

PIB par branche d’activité (estimation pour 1987)

Branches d’activités en million de $ % PIB

Agriculture 279,7 29,0

Industries extractives 1,0 0,1

Manufactures 154,3 16,0

Eau — électricité 9,8 1,0

Bâtiments — travaux publics 62,0 6,4

Commerce, restaurants, hôtels 177,2 18,2

Transport — communication 19,4 2,0

Services marchands 146,7 15,1

Services non marchands 119,2 12,2

PIB Total 969,3 100,0

Source : BRH, 1989.

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Faiblesse du produit intérieur brut et du produit national brut par habitant  131, violentes inégalités sociales

Le PIB d’Haïti a été estimé à 1 215,0 millions de dollars en 1987 ; il se situe au niveau de celui de 1985 qui était de 1 215,3 millions de dollars et inférieur à celui de 1991 132. Le PIB par habitant qui était de 1 239 millions de dollars est d’environ 200 dollars par an 133. Quant au produit national brut (PNB), il a été évalué à 1 013,2 millions de dol-lars en 1987 134, soit moins de 200 dollars par habitant.

[130]En réalité, ces chiffres masquent les inégalités scandaleuses qui

caractérisent la société haïtienne, car selon la Banque mondiale, moins de 1% de la population accapare 46% du revenu national et 80% per-çoivent un revenu par tête inférieur à 100 dollars par an, vivant ainsi au-dessous du seuil de pauvreté absolue estimé à 150 dollars par habi-tant. Et environ 2 700 familles en milieu urbain reçoivent 72% des revenus qui sont déjà très faibles dans le pays le plus pauvre de l’Amérique 135.

131 « La valeur de la production des secteurs primaire, secondaire et tertiaire, additionnée durant une année, définit le produit interne brut (PIB), soit la somme des biens et services créés durant une année par une économie natio-nale déterminée. Le calcul du PIB tient compte de la valeur ajoutée, compta-bilise et déduit du total de la production la valeur des intrants (matières pre-mières, énergétiques) correspondant aux diverses phases du processus pro-ductif. Le produit national brut (PNB) est égal au PIB, plus la balance posi-tive ou négative des paiements nets à effectuer en termes de la différence entre les revenus des non-résidents et étrangers en Haïti et ceux provenant des résidents haïtiens à l’étranger. Le produit interne par tête d’habitant me-sure le rapport entre la valeur totale de la production et la population d’un pays. C’est un indicateur qui permet de comparer le niveau de production et par conséquent de développement d’une économie nationale par rapport à une autre. Source : Pierre-Charles, Gérard, ibid., p. 36.

132 CEPAL, Rapport économique sur Haïti, 1987.133 Dans le rapport antérieur, la CEPAL a estimé le PIB per capita haïtien pour

l’année 1987 à 198,6 dollars.134 BRH, 1989. Avec la décote de la gourde, ce chiffre représente l’équivalent

de 75 dollars américains environ.135 Ministère de la Planification, de la Coopération externe et de la Fonction

publique, op. cit., p. 25.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 133

Il est à noter qu’avec la décote de la gourde, le revenu per capita en milieu rural peut être estimé à moins de 15 dollars américains par an.

Hypertrophie et parasitismedu secteur tertiaire

L’hypertrophie et le parasitisme du secteur tertiaire sont beaucoup plus accentués en Haïti que dans la majorité des pays sous-dévelop-pés 136. En effet, sur les 3 millions de personnes 137 que compte la popu-lation active du pays, 43,9% évoluent dans ce secteur 138.

Le degré du sous-développement du pays peut se mesurer à la sous-productivité du secteur informel dans lequel fonctionnent les chômeurs déguisés qui représentent 60% de la population active 139 et l’inefficacité légendaire de l’administration publique où travaillent plus de 50 000 fonctionnaires, très peu qualifiés dans leur grande ma-jorité.

Le parasitisme de ce secteur peut être observé au niveau des dé-penses publiques dont le budget de fonctionnement de l’État (salaires des employés dont certains sont fictifs, corruption, etc.) représente plus de 90%, comme le présente le tableau suivant.

136 Pierre-Charles, Gérard, ibid., p. 34.137 Rapport de la Banque mondiale, 1991.138 Selon le rapport du Human Development Report Office (Section de la

UNDP) publié à New York en 1992, le secteur primaire compte 50,4% de la population active, le secteur secondaire, 5,7% et le secteur tertiaire, 43,9%.

139 Pierre-Charles, Gérard, ibid., p. 34.

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[131]

Tableau 4

Les dépenses publiques (en millions de dollars)

Années 1985 1986 1987

Dépenses courantes 356,0 356,5 330,1

Développement 36,4 44,1 31,0

Total 392,4 400,6 361,1

Sources : BRH, 1989-

Ampleur du chômage et du sous-emploi

Le taux de chômage est estimé à 60%, et 70 à 80% des gens qui travaillent seraient sous-employés. Selon un rapport publié par le BIT en 1988, près de 95% de la population rurale et environ 60% de celle de Port-au-Prince vivent au-dessus du seuil de pauvreté absolue. Ces chiffres constituent un témoignage éloquent de l’ampleur du drame haïtien.

Situation de subordination économique

Comme tous les pays sous-développés, Haïti subit la domination économique étrangère : son économie est commandée par celle des grands pays capitalistes. Cette subordination se manifeste à travers la détérioration des termes de l’échange qu’on peut observer au niveau des relations Nord-Sud. En effet, le prix des denrées que les pays du Tiers monde exportent vers les pays industrialisés peuvent stagner ou chuter, tandis que le prix des produits manufacturés qu’ils sont obligés d’importer accuse une croissance géométrique constante. Ainsi, la ba-lance commerciale des pays du Sud est généralement déficitaire, et pour faire face au déficit budgétaire au niveau des finances publiques l’État est obligé de recourir à des [132] emprunts internes et externes.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 135

En ce qui a trait à la dette externe, les pays du Tiers monde sont contraints de s’endetter davantage pour payer le service de la dette. Dans le cas d’Haïti, cette situation est encore plus grave avec la baisse de la production nationale, du volume d’exportation et de la faiblesse des recettes publiques. Les tableaux suivants peuvent nous donner une idée de la gravité du cas haïtien.

Tableau 5

Balance commerciale (en millions de dollars)

Années 1986 1987 1988*

Exportations 191 198 180

Importations 303 308 245

Balance commerciale -112 -110 -65

Source : BRH, 1989.

Tableau 6

Les recettes budgétaires (en millions de dollars)

Années 1985 1986 1987

Recettes douanières 62,2 45,2 36,3

Recettes internes 161,9 157,1 164,7

Recettes diverses 30,7 44,2 37,7

Total 254,8 246,5 238,7

Source : BRH, 1989.

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[133]

Tableau 7

Dette publique (en millions de dollars)

1986 1987 1988

Dette intérieure 513,7 523,8 548,9

Dette extérieure 707,9 769,1 788,6

Dette totale 1 222,6 1 298,0 1 337,5

Source : BRH, 1989.

Pour avoir une vision globale de la situation économique du pays au cours des dix dernières années, nous présentons en annexe des ta-bleaux qui nous permettront d’apprécier le PIB de chaque secteur de l’économie haïtienne. (Voir Annexe I)

Le schéma de la page suivante illustre bien le degré d’arriération des structures du pays.

Comme nous venons de le voir, Haïti souffre d’un sous-développe-ment chronique, et les experts les plus respectés partagent cet avis.

Pour Benoît Joachim, Haïti est l’une des illustrations les plus conventionnelles et les plus vivantes de ce qui s’appelle le sous-déve-loppement, ou plus proprement, la formation sociale dépendante 140.

Le géographe français Paul Moral, qui a travaillé pendant près de dix ans en Haïti avant d’aller à l’Université de Dakar, lors d’un col-loque du Centre national de la recherche scientifique sur les « Pro-blèmes agraires des Amériques latines » tenu à Paris en 1965, a cru déceler dans les régions d’Afrique récemment sorties de la domination coloniale française ce qu’il désigne comme une « haïtianisation », identifiée à « un affaissement progressif de l’économie » 141.

140 Joachim, Benoît, Les Racines du sous-développement en Haïti, Éditions Henri Deschamps, Port-au-Prince, Haïti, 1979, p. 2.

141 Ibid.

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[134]

Schéma — Formation économique et sociale d’Haïti

Structure et rapports arriérés,rachitiques et bâtards

Sous-développement généraldes forces productives

Classes dominantes traditionnelleset forme d’État prédateur

Accumulation simple

Basse productivité Forme d’exploitationdes richesses

Forte concentration des revenus

Chômage et inflation

structurelle

Baisse ten-dancielle des prix interna-tionaux des produits agri-coles d’expor-tation

Production en régression (agr/ind)

Faiblesse des investisse-

ments

Contraction permanente

de la demande

Chute des revenus

Faible niveau d’exportation Marché local restreint

Hausse ten-dancielle des prix interna-tionaux des produits ma-nufacturés importés

Disponibilité financière précaire

Source : Jean-Pois, Hérold, La Crise actuelle de l’économie haïtienne vue dans une perspective historique. Mémoire de licence présenté au CTPEA, février 1992, p.50.

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[135]

De son côté, à peu près à la même époque, le publiciste et homme d’État dominicain Juan Bosch a employé le terme haïtianisation pour caractériser « le processus qui a consisté pour certains pays d’Amé-rique latine à faire un bond dans leur développement pour se mettre ensuite à reculer. » 142

Le professeur Gérard Pierre-Charles a pour sa part fait une analyse apocalyptique du drame haïtien, et avec l’accélération du processus de dégradation de la situation du pays au cours des vingt-cinq dernières années, sa prédiction s’est avérée d’une étonnante précision. Il a en effet écrit ce qui suit au sujet du drame haïtien : « Inutile donc de nourrir des illusions sur un hypothétique progrès, fruit de l’évolution naturelle. Après 160 ans d’indépendance, Haïti a épuisé toutes ses possibilités de progrès et n’a plus les moyens d’offrir à son peuple ne fût-ce qu’un minimum de bien-être. Son cas préfigure l’avenir de ces pays d’Amérique latine et du Tiers Monde qui n’ont pas réussi à se libérer des entraves de la féodalité et rompre le carcan asphyxiant de la domination étrangère. » 143

À la lumière de ce qui précède, il ne s’agit plus de nous interroger sur le sous-développement haïtien, mais de préférence de nous deman-der comment en sommes-nous arrivés là ? C’est à cette question que nous essayerons de répondre au second point de ce chapitre.

142 Ibid.143 Pierre-Charles, Gérard, Radiographie d’une dictature, Éditions Nouvelle

Optique, Montréal 1973, pour la traduction française : « Prolégomènes à l’étude du cas d’Haïti ».

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SES THÉORIES EXPLICATIVES

De « la Perle des Antilles »à «  la Lanterne Rouge » de l’Amérique

Retour à la table des matières

Haïti, ci-devant Saint-Domingue, avec sa production annuelle de 80 000 tonnes de sucre et de 40 000 tonnes de café, était considérée, à la veille de 1789, comme le centre agro-industriel le plus important et occupait une place légendaire dans le commerce international de l’époque. Selon le professeur Gérard Pierre-Charles, l’application [136] des techniques les plus progressistes la mettait, à bien des égards, en avance sur la France 144. Et le Marquis Gouy d’Arcy, dans une lettre au Roi Louis XVI en date du 31 mai 1788, affirme que « Me trônait aux côtés de la France comme un second Royaume. » 145 Le tra-fic entre la colonie et l’extérieur était assuré par quelque 1 745 bâti-ments, dont 700 américains, montés par 80 000 marins 146.

La France réalisait les deux tiers de son commerce extérieur avec Saint-Domingue, soit l’équivalent de 210 millions de francs. Le com-merce illicite avec d’autres pays, notamment les États-Unis et l’An-gleterre, porte le chiffre d’affaires des transactions de la colonie à près d’un demi-milliard de francs 147. Aucune possession étrangère du Nou-veau Monde, pas même le Mexique, le Brésil et le Pérou, ne pouvait soutenir la comparaison avec Saint-Domingue en termes de valeur des transactions réalisées avec leur métropole ou avec le « marché ex-terne » 148. Et en référence à l’importance économique de l’Asie pour l’empire britannique, un chercheur français n’a pas hésité à affirmer que « l’Inde était au Royaume-Uni ce que Saint-Domingue était à la France. » 149 On comprend alors que cette « île légendaire », qui avait

144 Pierre-Charles, Gérard, Vision contemporaine de Toussaint Louverture, CRESFED, 1992, p.18.

145 Ibid., p. 19.146 Ibid.147 Ibid.148 Pluchon, Pierre, Toussaint Louverture, un révolutionnaire noir d’ancien

régime, Éditions Fayard, Paris, 1989, pp. 16-17.149 Ibid.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 140

connu une étonnante prospérité, méritait effectivement l’épithète de Perle des Antilles.

Lorsqu’on compare ces chiffres fabuleux aux données angoissantes que nous avons avancées au début de ce chapitre, on se rend compte que le sous-développement haïtien s’explique par une conjonction de facteurs, les uns plus importants que les autres, tels la dépendance, les revers de l’Histoire, la nature de l’État haïtien...

La dépendance coloniale

Comme tous les pays du continent américain, Haïti a connu plus de trois siècles de dépendance coloniale. Contrairement aux États-Unis et au Canada qui ont connu une colonisation de peuplement et à l’instar des autres anciennes colonies européennes du Nouveau Monde (et [137] peut-être un peu plus qu’elles), l’exploitation coloniale dans un premier temps, et néo-coloniale ou impérialiste par la suite, est en grande partie responsable du drame haïtien. En effet, l’Espagne, en réduisant les Indiens à l’esclavage et en les contraignant à travailler dans les mines d’or jusqu’à la mort, a commis un véritable génocide contre les habitants de l’île et dépouillé le pays de sa richesse naturelle la plus importante.

La France, de son côté, en systématisant la politique espagnole consistant à importer des noirs africains devant remplacer les indiens complètement exterminés, a organisé le pays de façon à le transformer en son principal pourvoyeur de matières premières devant faire fonc-tionner ses nombreuses usines. L’exploitation de Saint-Domingue est donc à l’origine de l’accumulation par la France de richesses im-menses pendant plusieurs siècles, destinées à alimenter son propre développement. Et pour tirer le maximum de profit par la mise en va-leur de cette colonie, elle a, — par une législation spéciale (le Code Noir), par la militarisation de la société fondée sur le racisme à ou-trance et la dépendance étroite de l’administration coloniale à l’admi-nistration métropolitaine, — favorisé un prodigieux développement des forces de production matérielles 150.

150 Pierre-Charles, Gérard, op. cit., p. 20.

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Avec une main-d’oeuvre servile abondante 151, l’absence d’un sys-tème de santé et d’hygiène publics, d’un système éducatif adéquat et par la destruction systématique des forêts dans les plaines et dans les mornes pour l’implantation de la culture de la canne à sucre et du café ou l’exportation du bois, la France a initié le processus de dégradation devant conduire au triste spectacle du sous-développement chronique dont souffre Haïti. En effet, avec près d’un million d’habitants, la po-pulation domingoise préfigurait l’explosion démographique que connaît le pays actuellement. Le déboisement entraînant l’érosion et la dégradation de l’environnement est à l’origine de la crise écologique qui menace aujourd’hui l’existence même des Haïtiens.

[138]La violence qui a caractérisé le régime colonial d’oppression et

d’exploitation féroce, cette violence qui a permis à une poignée de colons de maintenir pendant plusieurs siècles des centaines de milliers d’hommes dans la plus complète soumission, est à l’origine du sys-tème d’apartheid social instauré en Haïti au lendemain de 1804 et qui a permis à une minorité de privilégiés d’exclure plus de 90% de la population des richesses sociales du pays pendant près de deux siècles.

Elle est aussi à l’origine de la mentalité de colon et de comman-deur qui a toujours caractérisé les détenteurs du pouvoir en Haïti, qui ne connaissent que la répression comme méthode de gestion gouver-nementale. La mentalité de la minorité privilégiée consistant à investir dans des activités spéculatives, le commerce, la recherche du gain fa-cile et surtout les transferts de fortunes dans des banques étrangères, trouve son point de départ dans l’attitude des colons de Saint-Do-mingue, dont les plus fortunés étaient des absentéistes  152 qui enten-daient faire fortune pour ensuite retourner dans la métropole et trouver une place de choix dans une société capitaliste en gestation, où le sta-tut social de l’individu est défini en fonction de sa richesse.

151 En 1789, la colonie comptait environ 709 642 esclaves, 40 000 blancs et 30 000 affranchis. Source : Pierre-Charles, Gérard, op. cit., p. 19.

152 Les colons absentéistes étaient des blancs qui possédaient de grandes habi-tations à Saint-Domingue et qui passaient une partie de l’année dans la colo-nie et l’autre en France. Certains d’entre eux, qui avaient hérité leur proprié-té d’un parent, confiaient la gestion de leurs biens à un gérant et n’ont, dans certains cas, jamais mis le pied à Saint- Domingue.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 142

La dépendance néo-coloniale

La proclamation de l’Indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804 re-présentait un acte défiant la logique de l’Histoire universelle et porteur d’espoir pour les peuples asservis du monde entier. C’est, en effet, pour la première fois qu’une masse d’esclaves, — abrutis en plus par l’enfer domingois, — parvinrent à briser leurs chaînes pour forger un État indépendant. Mais cette épopée glorieuse ainsi que le rêve d’in-dépendance intégrale des premiers dirigeants haïtiens voleront en éclats moins de vingt-cinq ans plus tard, ouvrant alors la voie à la dé-pendance néo-coloniale, — le nouveau visage sous lequel se pré-sentent les rapports de domination et d’exploitation entre les grands pays capitalistes et les petits pays qui [139] auront réussi à se libérer du joug colonial. Ainsi, Haïti, le premier État né à la suite d’une ré-volte victorieuse d’esclaves, est aussi le premier pays du Tiers monde à voir la pénétration du capital étranger agir en son sein comme instru-ment idéal du néo-colonialisme, qui sera modernisé et porté à son pa-roxysme avec l’implantation des filiales des firmes transnationales dans les pays du Sud. Ce contact violent, ce choc entre une économie nationale en gestation et l’économie capitaliste en plein essor, a blo-qué l’évolution normale haïtienne et consolidé le système féodal, qui brillera dans toute sa splendeur pendant le long règne de Jean-Pierre Boyer. Dans cette optique, le professeur Gérard Pierre-Charles a dis-tingué deux causes du sous-développement haïtien :

1° « La première est la limitation de l’époque elle-même. Une so-ciété féodale peut difficilement arriver en vingt ans au degré de matu-rité lui permettant de mettre à nu ses contradictions et de détruire ses bases d’existence. Dans les années postérieures, ce processus fut compromis par l’impact de l’intervention économique des nations capitalistes. »

2° « La deuxième, essentielle pour la jeune Haïti, fut le libéra-lisme insouciant qui présida les relations entre l’État féodal et les na-tions déjà industrialisées du monde. L’Angleterre, les États-Unis, l’Allemagne, trouvèrent en Haïti un marché idéal pour leurs produits

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manufacturés. La force de leur pénétration tua dans le germe toute possibilité d’apparition et de développement d’une bourgeoisie indus-trielle locale. » 153

À ce sujet, deux éléments étroitement liés, voire complémentaires, contribueront à l’appauvrissement du pays et à la mise en place des structures devant accélérer son processus de dégradation et le transfor-mer en étalon du sous-développement.

[140]

a) La pénétration du capital étranger

L’acceptation par Boyer, en 1825, de payer à la France une indem-nité de 150 millions de francs en guise de dédommagements aux an-ciens colons et comme condition requise pour la reconnaissance offi-cielle de l’Indépendance du pays, a mis Haïti dans une véritable im-passe. Au lieu d’épargner ses maigres ressources pour pouvoir les in-vestir dans la réalisation des travaux d’infrastructure indispensables au bien-être collectif, le pays a dû les consacrer au paiement d’une dette stupide que lui a value la maladresse d’un de ses dirigeants les plus rétrogrades. « Le pire de toute cette affaire, écrit Anténor Firmin, ce furent les mesures qu’on adopta pour acquitter cette lourde indemnité qui pesa comme une charge de plomb sur la pauvre petite Répu-blique. Reconnue en faveur des colons français, afin de les dédomma-ger de leurs propriétés abandonnées à Saint-Domingue, c’était, en toute justice, sur ces propriétés vendues à des prix dérisoires, qu’on devait établir un impôt destiné à couvrir ces annuités. Eh bien, pour payer la dette française, les masses composant la population noire et travaillant la terre furent les seules surchargées d’une taxe indirecte sous forme de droit d’exportation sur le café, empirée par une émis-sion de papier-monnaie qui empêchait le cultivateur de savoir au juste quelle est la contre-valeur qu’on lui offrait pour le produit de ses travaux. » 154

153 Pierre-Charles, Gérard, L’Économie haïtienne et sa voie de développement, Éditions G-P. Maisonneuve et Larose, Paris, 1967, p. 32.

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En effet, pour payer la première tranche de 30 millions, Jean-Pierre Boyer a dû contracter auprès de la Banque Gandolphe et Cie l’équi-valent de cette somme au taux de 6% l’an. La banque française ayant au préalable prélevé ses intérêts ainsi que les frais de service, le gou-vernement haïtien n’a reçu en fin de compte que 24 millions de francs qui constituèrent, avec la balance de l’indemnité, « ce que l’histoire haïtienne appelle la double dette, qui donna naissance à la perpé-tuelle dette extérieure. » 155

Pour compléter cette somme et verser la première tranche de 30 millions aux autorités françaises, le [141] gouvernement Boyer a mis à sec le Trésor public. En outre, l’État haïtien a dû faire face au ser-vice intérêt-capital de la dette contractée auprès de la banque fran-çaise. Cette situation a porté Boyer à prendre une série de décisions qui auront des conséquences économico-socio-politiques désastreuses pour l’avenir du pays. L’émission de papier-monnaie ne correspon-dant nullement au volume de production nationale, conduira le pays à une situation d’inflation et de marasme économique. La taxe sur les produits d’exportation et surtout la promulgation du Code rural de 1826, rétablissant l’esclavage sans la lettre, ont donné lieu à une vague de mécontentement populaire, de troubles socio-politiques et de prises d’armes qui devaient saper les bases du régime de Boyer.

Analysant cette situation, le professeur Gérard Pierre-Charles a écrit : « N’ayant pas provoqué au préalable un flux de devises ca-pables de stimuler l’économie, d’augmenter la production et les reve-nus et de créer en conséquence les disponibilités nécessaires à leurs remboursements, ces obligations constitueront une barrière au déve-loppement du pays. Durant longtemps les ressources fiscales furent mobilisées vers une fin unique : payer les arriérés d’une dette for-cée. » 156

Devant l’incapacité du gouvernement de Boyer à honorer ses enga-gements financiers et à verser les tranches subséquentes, les autorités françaises prirent la décision de diminuer de moitié la balance des 120

154 Firmin, Anténor, M. Roosevelt, Président des États-Unis, et la Répu-blique d’Haïti, Paris, Pichon et Durant, 1905, p. 325.

155 Pierre-Charles, Gérard, op. cit., p. 134.156 Ibid., p. 135.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 145

millions de francs. Ce qui ramena la dette extérieure d’Haïti à 90 mil-lions de francs en 1838 157.

Malgré les difficultés de toutes sortes, les responsables haïtiens, grâce aux sacrifices imposés aux masses populaires et aux cultivateurs en particulier, et en contractant d’autres dettes, ont versé dans la se-conde moitié du XIXe siècle 76 millions de francs à la France. Ainsi, en 1875, la dette extérieure haïtienne était estimée à treize millions sept cent cinquante mille (13 750 000) francs 158.

[142]En acceptant l’Ordonnance de 1825, Boyer a scellé « le destin de

la Nation haïtienne » et livré le pays à la merci du capital étranger qui marquera profondément l’évolution socio-économique d’Haïti qui, dès lors, était condamnée à subir l’exploitation la plus éhontée et les humiliations de toutes sortes de la part des puissances occidentales.

Les Emprunts Domingue

En septembre 1874, le gouvernement de Domingue contracte au-près de la maison Marcuard André et Cie de Paris un emprunt de 15 millions de francs, sur la base d’un décompte de l’ordre de 33% et remboursable en deux ans. De ce montant, le gouvernement n’a reçu en fait que la somme de 10 millions de francs. Moins d’un an plus tard, le 30 juin 1875, le gouvernement haïtien contracte un nouvel em-prunt d’un montant nominal de 50 millions de francs. Si le premier emprunt, selon les responsables du gouvernement de Domingue, était destiné à l’achat de biens d’équipement et à l’établissement d’une banque en Haïti, le second devait servir au paiement des services inté-rêts-capital du premier et des quelque 13 millions de francs du solde de la « double dette », c’est-à-dire à l’unification de la dette extérieure haïtienne. Et comme à l’accoutumée, on a observé les mêmes « pra-tiques d’exploitation et d’agiotisme qui caractérisent les rapports

157 Ibid.158 Bonhomme, Ernest, « Cours d’Administration financière », Faculté de Droit

de Port-au-Prince, pp. 5- 6, cité par Pierre-Charles, Gérard, in L’Économie haïtienne et sa voie de développement, p. 135.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 146

entre le capital étranger et Haïti, » 159 depuis le gouvernement de Jean-Pierre Boyer. En effet, les souscripteurs n’ont versé que 31 millions de francs des obligations valant 36 millions et le Crédit général s’est adjugé 9 millions 500 mille francs. Ainsi, le gouvernement haïtien n’a reçu que 21 millions 800 mille francs 160.

L’emprunt d’un montant nominal de 50 millions de francs contrac-té par le gouvernement d’Hyppolite, en 1896, en vue d'unifier une nouvelle fois la dette extérieure, mais qui n’a été souscrit à Paris qu’en 1897 sous le gouvernement de Sam a donné lieu, une fois de plus, à un agiotage scandaleux de la part des banquiers français.

[143]En 1910, le gouvernement d’Antoine Simon contracte un emprunt

d’un montant de 65 millions de francs, au taux de 6% l’an et payable en 50 ans. L’Union Parisienne, après les prélèvements effectués en fonction du rituel traditionnel, a remis au gouvernement haïtien 40 millions 345 mille 892 francs, soit 61,53% du montant nominal 161. En dépit du fait que la banque française ait agi au nom d’un consortium international de banquiers formé par des financiers allemands et amé-ricains 162, les États-Unis interviennent diplomatiquement pour imposer leur participation. Cédant aux pressions américaines, le gouvernement d’Antoine Simon signe avec des financiers américains les fameux contrats de chemin de fer du Nord (Cap-Haïtien — Port-au-Prince) et d’exploitation de la figue-banane (contrat Mac-Donald) 163. Ce qui a soulevé un mécontentement général dans le pays.

Les emprunts contractés par l’État haïtien de 1875 à 1910 s’élèvent à 166 millions de francs. Plus de la moitié de cette somme a été acca-parée par les créanciers eux-mêmes et une fraction considérable de ce qui restait a été consacrée au paiement des services intérêts-capital et à l’unification de la dette 164. Le tableau suivant présente l’état de la dette extérieure haïtienne à la veille de l’occupation américaine de 1915.

159 Pierre-Charles, Gérard, op. cit., p. 135.160 Ibid., p. 136.161 Ibid.162 Ibid.163 Dorsainvil, J.C., op. cit., p. 286.164 Pierre-Charles, Gérard, op. cit., p. 136.

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[144]Tableau 8

État de la dette extérieure, 1914

Balance à payer Expiration de la dette

Emprunt 1875 10 799 580 1922

Emprunt 1897 37 988 500 1932

Emprunt 1910 64 368 500 1961

Total 113 155 380

Soit 22 millions 574 mille 316 dollars au taux de conversion de l’époque 165.

L’emprunt de 1922

Par l’accord monétaire du 12 avril 1919, la Banque Nationale d’Haïti, filiale de la National City Bank 166 obtient le monopole de l’émission monétaire. Pour permettre à l’État haïtien de faire face à ses obligations, surtout envers les capitalistes étrangers, elle réalise un emprunt dont le montant nominal était de l’ordre de 22 894 000, 41 dollars 94 (dollars US) auprès de la National City Bank. Cet emprunt a été lancé par la Banque à 92,137% et offert au public à 96,50% avec des intérêts de 6% 167.

La valeur reçue par l’État haïtien de la filiale de la National City Bank a été affectée, comme à l’accoutumée :

1° au remboursement des emprunts français, lesquels avaient dimi-nué de 21 millions 410 mille 617 francs 99 en 1915 à 6 millions 37 mille 650 francs en 1922, en raison de la forte dévaluation du franc ;

165 Châtelain, Joseph, La Banque nationale, son histoire, ses problèmes, collec-tion du Tricinquantenaire de l’Indépendance d’Haïti, 1954, Imprimerie Meld., S.A., Lausanne, Suisse, p. 80.

166 Pierre-Charles, Gérard, op. cit., p. 139.167 Ibid.

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2° au paiement des obligations arriérées dues à la Compagnie des Chemins de fer, propriété d’Américains, et à l’achat des autres obligations du gouvernement haïtien ;

[145]3° au remboursement des avances de trésorerie consenties par la

Banque Nationale d’Haïti ;4° à l’amortissement de la dette intérieure ;5° à l’extinction de réclamations diverses ;6° au paiement de la première tranche de l’amortissement 168.

Ainsi, Haïti, vingt ans après son indépendance, s’est transformée en une véritable vache à lait pour le capital financier international. Sa situation actuelle découle directement de ce premier aspect de l’ex-ploitation féroce et systématique dont elle est l’objet depuis 1825.

L’installation des commerçants étrangersen Haïti

Avec l’installation des premiers commerçants étrangers en Haïti, les possibilités d’accumulation interne ont été considérablement com-promises. L’objectif de ces commerçants était de réaliser des surpro-fits qu’ils devaient placer dans les coffres des banques de leurs pays. Bien longtemps avant Boyer, des commerçants anglais et américains s’étaient installés dans le pays. Mais avec l’acceptation de l’Ordon-nance de 1825 par Boyer, qui reconnut également aux bateaux battant pavillon français une diminution de 50% des droits de douane, le pays va être envahi par des commerçants, contrebandiers et trafiquants de tous poils, qui vont réaliser des fortunes colossales, avec la complicité des responsables haïtiens, sur le dos du peuple et hypothéquant du même coup son avenir. Malgré la protection des commerçants haïtiens par la loi 169 les agents consignataires étrangers, profitant de la compli-168 Châtelain, Joseph, op. cit., pp. 82-83.169 Le commerce indigène était protégé par les décrets du 23 avril 1807 et du

30 décembre 1809 qui interdisaient aux consignataires étrangers d’exercer en dehors des ports.

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cité des dirigeants haïtiens de l’époque et forts du soutien de leur consulat, ont renforcé leur pouvoir économique et se sont constitués en de véritables « États dans l’État » 170. Analysant cette situation, Alain Turnier écrit : « Le protectionnisme haïtien, confirmé d’année en année, enfreint, trompé avec goût, parfois sous les yeux complai-sants des Pouvoirs, ne constituaient qu’une vaine gesticulation, desti-née peut-être à flatter l’orgueil national [146] par l’affirmation, en faveur de l’Haïtien, du principe des privilèges et des zones réser-vées » 171.

Au lieu de se contenter de la situation privilégiée dont ils jouis-saient pour s’enrichir, ces commerçants étrangers, dont certains étaient d’anciens aventuriers, d’anciens flibustiers, ont profité de la moindre incartade pour offrir à leurs pays le prétexte nécessaire, avec la diplomatie de la canonnière en vigueur au XIXe siècle, pour exiger de l’État haïtien des indemnités. Au cours du XIXe siècle et jusqu’au début du XXe siècle, les grandes puissances n’ont pas cessé d’humilier et d’exploiter Haïti en exigeant de ses responsables, avec le couteau sous la gorge, le paiement d’indemnités pour leurs ressortissants, qui étaient parfois des faux-monnayeurs et des contrebandiers pris en fla-grant délit et tombés de ce fait sous le coup des lois haïtiennes. Ainsi, en 1850, les États-Unis ont envoyé trois bateaux de guerre pour exiger des autorités haïtiennes une indemnité de 500 000 dollars.

En 1872, le gouvernement allemand, dont deux ressortissants rési-dant en Haïti prétendaient avoir été lésés dans leurs intérêts, est inter-venu avec deux frégates dans la rade de Port-au-Prince pour exiger de l’État haïtien le paiement d’une indemnité de 15 mille marks en leur faveur.

En 1877, l’Angleterre à son tour réclame 682 000 dollars en faveur des concessionnaires Hauder. À la suite de l’Affaire Lauzanne et Pel-letier (1874-1884), le gouvernement français contraint l’État haïtien à payer 174 750 dollars. Le 6 décembre 1897, deux bateaux de guerre allemands se présentent dans la rade haïtienne pour exiger des respon-sables haïtiens 20 mille dollars en faveur de Luders, un de leurs res-sortissants installés en Haïti.

170 Pierre-Charles, Gérard, op. cit., p. 39.171 Turnier, Alain, Les États-Unis et le marché haïtien, Washington, 1955, p.

25.

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Le 17 décembre 1914, le gouvernement américain donne l’exemple le plus parfait des pratiques de l’État-bandit, capable de commettre, contre toute décence, des actes de brigandage dignes des plus vils assassins. En [147] effet, les marines américains pénètrent à la Banque Nationale armes au poing, en « tenue de gangster », em-portent les valeurs en or et en dollars qui s’y trouvaient au profit de la City Bank 172.

Sept mois après, les marines retournent en Haïti pour prendre le contrôle des douanes et des finances du pays qu’ils garderont pendant 19 ans. Avant de repartir en 1934, ils ont pris le soin de mettre sur pied l’Armée d’Haïti, qui leur assurera un contrôle permanent sur les institutions et un rôle déterminant dans les décisions politiques du pays et dans l’orientation de sa politique extérieure 173.

Les revers de l’histoire

Si le sous-développement d’Haïti est essentiellement un produit des rapports de domination et d’exploitation vieux de plus de cinq cents ans entre Haïti et les puissances coloniales, néo-colonialistes ou impérialistes, d’autres facteurs ont, par contre, déterminé la spécificité de ce phénomène. Ainsi, le poids de l’Histoire a également imposé au pays une trajectoire expliquant la distance astronomique qui existe entre son état actuel et sa prospérité légendaire à l’époque coloniale.

En effet, les esclaves de Saint-Domingue, pour s’émanciper du système infernal d’oppression et d’exploitation sur lequel reposait l’économie domingoise, ont dû mettre la colonie à feu et à sang. L’in-cendie systématique des plantations de canne à sucre et des installa-tions qui s’y trouvaient a porté un coup sévère à la capacité de produc-tion du pays. Les rivalités intercolonialistes entre la France, l’Espagne et l’Angleterre au sujet de Saint-Domingue, qui se sont manifestées violemment vers les années 1791-1798, ont aggravé cette situation déjà catastrophique. Malgré les efforts de Toussaint Louverture, la

172 Ibid., p. 263.173 En 1961, le vote du Ministre haïtien des Affaires étrangères a permis aux

États-Unis d’expulser Cuba de l’OEA.

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production de Saint-Domingue et d’Haïti ne connaîtra jamais le ni-veau qu’elle atteignait en 1789 174.

[148]En outre, le rêve de Toussaint Louverture d’inventer un monde où

la liberté des opprimés, conquise par la lutte, n’impliquerait pas en quelque sorte une destruction réciproque entre maîtres et esclaves, mais où elle pourrait être conservée, dans un nouveau rapport de forces, par la négociation, la complémentarité et l’interdépendance 175 n’a pas été compris par Napoléon Bonaparte. Le « Premier des Blancs » en se montrant implacable à l’endroit du « Premier des Noirs », a signé l’échec du projet louverturien, scellant du même coup sa propre déchéance 176 et condamné « les successeurs de Louverture à réaliser en Haïti l’indépendance totale, rapport de négation et de des-

174 Les chiffres suivants indiquent une nette tendance à la baisse des produits agricoles du pays entre 1789 et 1820 :

Produits (livres)

1789 1801 1820

Sucre raffiné 45 576 531

16 540 787

Sucre brut 93 500 500

18 500 000

2 500 000

Café 76 000 000

43 000 000

35 100 000

Source : Latortue François, « Le Droit du travail en Haïti », pp. 39-40, cité par Gérard Pierre-Charles, dans L’Économie haïtienne et sa voie de déve-loppement, p. 28.

175 Pierre-Charles, Gérard, Vision contemporaine de Toussaint Louverture, CRESFED, 1992, p. 63.

176 Une bonne partie des troupes d’élite de Napoléon Bonaparte faisaient partie du corps expéditionnaire de 1802 chargé de mettre fin à l’entreprise auda-cieuse de Toussaint Louverture. Ces soldats aguerris, vainqueurs des pyra-mides d’Égypte et qui avaient fait de la France la plus grande puissance mi-litaire de l’Europe à cette époque, victimes de l’ardeur combative des troupes indigènes, d’une nature hostile et surtout de la fièvre jaune, ne rever-ront pas l’Europe. Ainsi, ils feront défaut à Napoléon au moment où il en aura le plus besoin, c’est-à-dire lors de la Campagne de Russie en 1812, en 1814 lorsqu’il dut abdiquer pour la première fois et à Waterloo, en Belgique, en 1815.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 152

truction réciproque de la Métropole et de la colonie ». Avec elle, « .Saint-Domingue a disparu, disait Victor Schoelcher, et Haïti n’est pas encore... » 177

C’est sur les cendres de Saint-Domingue que les vainqueurs des troupes d’élite de Napoléon allaient devoir construire Haïti, dans un climat d’hostilité et d’isolement où la diplomatie de la canonnière bat-tait son plein. Cette situation allait être aggravée par le manque de préparation notable de nos premiers dirigeants, car si pour vaincre les soldats les plus aguerris de l’Europe il fallait des génies militaires pourvus d’un courage extraordinaire, d’une volonté, d’une capacité et d’une pugnacité légendaires, pour construire et diriger un pays, il fal-lait des qualités bien différentes, telle que la capacité de gestion, d’ad-ministration et d’élaboration d’un projet global (et sa mise en applica-tion) devant conduire à moyen et à long termes au bien-être de la col-lectivité tout entière. Or les artisans de l’Indépendance allaient accu-muler erreur sur erreur, passer d’un extrême à un autre sans aucune transition, facilitant ainsi la tâche aux architectes du néo-colonialisme.

De l’indépendance intégraleà la capitulation totale

Le principe d’indépendance intégrale prôné par Dessalines, s’il avait été appliqué avec intelligence, aurait pu donner naissance à une bourgeoisie nationale qui, [149] profitant de la politique économique protectionniste de l’État pour se fortifier, aurait dû réaliser l’accumu-lation nécessaire à la mise en application d’une politique de moderni-sation et de développement national à moyen et à long termes. Il a malheureusement été sapé par une série de facteurs internes.

En effet, l’ambition du pouvoir chez les généraux conduira à l’as-sassinat du principal artisan de l’Indépendance moins de trois ans après la glorieuse épopée de Vertières. Suite au drame du Pont-Rouge, le territoire national, déjà exigu, hébergera, à un certain moment de la durée, quatre États : l’État du Nord avec Christophe, de 1807 à 1820 ; celui de l’Ouest avec Pétion, de 1807 à 1818 ; l’État éphémère du Sud avec Rigaud, de 1810 à 1811 ; « celui de la Grand-Anse » avec Go-

177 Pierre-Charles, Gérard, op.cit., p. 58.

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man, de 1807 à 1820 178. Pendant ces 13 années (1807-1820), Haïti se transformera en un véritable volcan en ébullition avec les intermi-nables guerres civiles et les expéditions punitives et exterminatrices auxquelles se livraient les dirigeants de l’époque. Cela contribuera à l’affaiblissement progressif du pays : avec l’impossibilité d’une poli-tique économique nationale et avec Boyer c’est le triomphe du libéra-lisme économique, qui contribuera au renforcement du féodalisme, rendant difficile, voire impossible toute politique de modernisation.

Le lourd fardeau du militarismeet des insurrections

Au lendemain de l’Indépendance, face à l’hostilité de la commu-nauté internationale, le pays s’était transformé en un véritable « camp retranché » : de nombreuses forteresses ont été érigées, les 3/4 du bud-get de l’État étaient consacrés à la défense et la Nation était en état d’alerte permanent pour faire face à une éventuelle invasion française, qui ne devait d’ailleurs jamais avoir lieu. Ainsi, le militarisme allait briller dans toute sa splendeur tout au long du XIXe siècle. « De 1804 à 1915, écrit Gérard Pierre-Charles, seuls des militaires gouver-nèrent le pays ; noirs ou mulâtres, cultivés ou illettrés, les militaires ont joué un rôle [150] très important dans l’évolution politique haï-tienne. » 179 Et comme les militaires étaient aussi de grands proprié-taires terriens, le militarisme constituait l’épine dorsale du système féodal et est à l’origine des multiples révoltes armées qui ont secoué le pays pendant tout le XIXe siècle. Un historien qui s’est penché sur l’origine des insurrections pendant cette période, a révélé que, de 1804 à 1845, vingt-cinq des vingt-neuf insurrections enregistrées dans le pays avaient été organisées par des militaires qui essayaient de renver-ser du pouvoir un général pour en mettre un autre 180. Et ces actes de brigandage des militaires ont contribué à ruiner le pays. À ce sujet, le 178 Il est à souligner que la Grand-Anse, qui échappait au contrôle des autorités

de l’Ouest et du Sud, était beaucoup plus un « territoire libéré » qu’un véri-table État.

179 Pierre-Charles, Gérard, L’Économie haïtienne et sa voie de développement, op. cit., p. 36.

180 Magloire, Auguste ; « Les Insurrections », pp. 408-412, cité par Gérard Pierre-Charles, op. cit., p. 36.

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bilan de la guerre civile de 1867-1869, tel qu’il est établi par Louis Joseph Janvier, est éminemment édifiant :

« Que de ruines accumulées en 18 mois... Les palais édifiés avec la sueur du peuple, brûlés. L’épargne nationale, fruit de 50 années de labeur et de travaux patients, dilapidée : les plus riches convertis en misérables. La dette nationale augmentée, tant à l’extérieur qu’à l’in-térieur. Le champ envahissant la ville, le paysan armé contre les gens de la ville. Au moins cent millions de dépenses en plus des pertes ma-térielles de tout type qui peuvent s’évaluer à 200 millions » 181.

« De son côté, la guerre civile de la bourgeoisie libérale contre l’ordre établi (1883-1884) cause des dégâts de 800 à 900 millions de piastres » 182.

En 1878, sur une population de près d’un million d’habitants, le pays disposait d’une armée de 30 à 50 mille hommes, conscrits obli-gatoires dans certains cas, qui était au service des caciques mili-taires 183. Le budget national maintenait 187 généraux... en plus d’un nombre beaucoup plus élevé de généraux « par courtoisie » 184.

Ce militarisme à outrance et cette prolifération de guerres civiles ont permis aux trafiquants étrangers de tous poils de réaliser de « bonnes affaires » en vendant des armes et des munitions aux chefs de guerre qui n’avaient pour tout projet politique que le système « ôte-toi que je [151] m’y mette ». Et comme ces drôles de commerçants vendaient parfois à crédit, le succès de ces aventures militaires leur garantissait des privilèges illimités au détriment des intérêts du pays. Gérard Pierre-Charles traduit de façon éloquente cette extraordinaire conjugaison de forces internes et externes pour faire reculer le pays, lorsqu’il écrit : « les deux forces dominantes de la société haïtienne, très liées entre elles, furent “l’élite civile”, formée de bourgeois, commerçants principalement, et “l’élite militaire”, des généraux et commandants d’arrondissement, par excellence féodaux fonciers. Dans leurs luttes continuelles pour le pouvoir, ces deux “élites” acce-ptèrent, favorisèrent la pénétration étrangère dans l’économie et la 181 Janvier, Louis-Joseph, Haïti et ses visiteurs, Éditions Flammarion, Paris,

1882, p. 489.182 Janvier, Louis-Joseph, Les Affaires d’Haïti, Éditions Flammarion, Paris,

1883-1884, p. 260.183 Firmin, Anténor, op. cit., p. 325.184 Janvier, Louis-Joseph, Haïti et ses visiteurs, op. cit., pp. 124-125.

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politique nationales. Cette attitude contrastait, de façon catégorique, avec la politique d’indépendance intégrale des Pères de la Patrie. » 185

Ainsi, l’oligarchie 186 haïtienne, dès sa naissance, a constitué un ins-trument puissant entre les mains des forces externes qui ne sont nulle-ment intéressées au développement du pays. Et c’est d’ailleurs pour-quoi celles-ci ont toujours appuyé les forces les plus rétrogrades d’Haïti, qui sont à l’origine de l’échec de toute tentative de moderni-sation capable d’améliorer les conditions infra-humaines dans les-quelles végètent les masses populaires ainsi que l’image du pays, qui provoque chez les étrangers tantôt le mépris, tantôt la pitié, quand ce-lui-ci n’est pas considéré tout simplement comme un objet de risée.

Les rendez-vous manqués

L’épopée glorieuse de Vertières semble avoir grisé démesurément nos premiers dirigeants. Ils ont cru que leur victoire était uniquement le fruit de leur héroïsme, négligeant ainsi complètement les rivalités interimpérialistes. L’Angleterre étant à l’époque maîtresse des mers, a empêché la France napoléonienne d’envoyer des renforts à Saint-Do-mingue et de pourvoir ses troupes du corps expéditionnaire en armes et munitions. Voulant [152] exagérer le courage de nos valeureux guerriers, certains historiens haïtiens ont négligé, de façon délibérée, ce facteur important qui a contribué à faire pencher la balance du côté des troupes indigènes. La reconnaissance de ce fait aurait pu permettre à nos premiers dirigeants de revenir à la stratégie de Toussaint Lou-verture, dosage de force (violence) et d’intelligence, consistant à jouer sur les rivalités intercolonialistes (inter-impérialistes) pour asseoir sa position et consolider son régime. L’application d’une telle politique basée sur l’exploitation de l’équilibre de la terreur entre les grandes puissances aurait permis aux dirigeants de l’époque d’utiliser la force de certains ennemis pour neutraliser celles des autres, en faisant, selon les circonstances, des concessions minimes. Incapables de jouer ce

185 Pierre-Charles, Gérard, op. cit., p. 63.186 Pour Juan Bosh, « l’oligarchie est un bloc formé de propriétaires terriens,

les commerçants, les agents impérialistes, le clergé, les petits bourgeois de la bureaucratie civile et des forces armées ». Voir la préface de Radiogra-phie d’une dictature de Gérard Pierre-Charles.

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jeu, ils ont consacré les 3/4 du budget de l’État à la défense du pays, c’est-à-dire à la militarisation, contre une éventuelle invasion fran-çaise, alors que la France napoléonienne occupée à faire la guerre contre toute l’Europe, ne pouvait rien contre Haïti. Dans la phase des-tructive de la révolution de Saint-Domingue, ces guerriers étaient gé-niaux, mais dans sa phase de construction ou de reconstruction, ils se sont révélés très piètres. Toussaint Louverture était venu un peu trop tôt : on ne peut désarmer ou confondre des puissances hostiles aussi redoutables, qu’en utilisant la tactique et la stratégie politiques em-ployées par celui que Napoléon tua à petit feu au Fort-de-Joux.

Au lieu de profiter des difficultés de Napoléon en Europe pour se lancer à la construction et à la consolidation de l’État-Nation, qui au-rait pu engager le pays dans une politique de modernisation, comme ce fut le cas pour de nombreux pays d’Amérique latine, nos premiers dirigeants se sont amusés à guerroyer, à s’entretuer, à s’enfoncer dans le féodalisme le plus obscurantiste, condamnant du même coup le pays à un avenir tragique. Il est vrai que Christophe, avec son despo-tisme éclairé, a entrepris dans le Nord une politique de modernisation qui laisse encore dans le coeur des Haïtiens des empreintes indélé-biles, mais il n’avait pas le contrôle de tout le pays. En outre sa cruau-té et son exclusivisme sont [153] la preuve évidente que l’objectif de nos « révolutionnaires de 1804 » était de remplacer le colon blanc par des colons noirs ou mulâtres.

Avec l’échec du mouvement de Boyer Bazelais en 1884 et celui d’Anténor Firmin en 1902, Haïti a peut-être raté une chance excep-tionnelle de se moderniser. Lorsque le système féodal haïtien tombe en décomposition dans la deuxième décennie du XXe siècle, les États-Unis se trouvaient exactement au faîte de leur puissance, la Première Guerre mondiale annonçant le début de la décadence de l’Europe. L’impérialisme américain volera au secours du système féodal dont le replâtrage empêchera au pays de connaître une ère de progrès.

La nature de l’État haïtien

L’État haïtien, dès sa naissance, en 1804, s’est révélé un instru-ment au service du complexe militaro-civil de l’époque pour mainte-

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nir et renforcer un système de privilèges que les démunis — plus de 90% de la population — ont toujours eu du mal à accepter. Si dans certaines sociétés, en dépit des clivages sociaux et de l’existence des intérêts de classes, qui sont par essence antagoniques, l’État joue un rôle d’arbitre et privilégie, tout en défendant les intérêts de la classe économiquement dominante, les intérêts supérieurs de la Nation, s’il assure, ou prétend assurer, le bien-être collectif, en Haïti c’est tout juste le contraire. L’État haïtien, détenant, selon l’expression webe-rienne, « le monopole de la contrainte physique légitime », a toujours constitué un cadre légal permettant à la minorité privilégiée de péren-niser le régime néo-colonial instauré en 1804.

En dépit de la velléité qu’on a pu observer chez Dessalines, d’ins-taurer l’État-Nation, l’État haïtien a toujours été exclusiviste. Après les hésitations de Dessalines, Christophe, dans le Nord, a instauré un régime monarchique qui symbolisait l’exclusion de la [154] grande majorité des habitants de son royaume, en divisant ses concitoyens en seigneurs et serfs, maîtres et serviteurs. Pétion à son tour, a établi dans l’Ouest et le Sud un régime républicain au service des intérêts exclu-sifs des membres de sa caste. Boyer, quant à lui, avec la promulgation du Code rural de 1826, a rétabli l’esclavage sans la lettre, avec, d’un côté, les maîtres avec tous les privilèges que cela suppose, et, de l’autre, les esclaves qui ne sont même pas propriétaires de leur force physique.

Pour maintenir ce système d’apartheid, l’État ne dispose que d’une seule arme, la violence extrême. Et comme la violence opprimante engendre toujours la contre-violence libératrice, l’histoire d’Haïti est émaillée de jacqueries, d’insurrections et de guerres civiles. Même si les démunis n’ont jamais eu raison des nantis, ils leur ont tout au moins enlevé le sommeil en maintes occasions. Ainsi, en guise de ré-action contre les privilèges des nantis et les abus qu’ils sont obligés de commettre pour les conserver ou les renforcer, les démunis ont, en plusieurs occasions, revendiqué, les armes à la main, le pouvoir poli-tique.

Jean-Baptiste Goman, à la tête des paysans sans terre opprimés et exploités, instaure dans une partie de la Grande-Anse, de 1807 à 1820, un régime qui a pu résister aux divers assauts des troupes de Pétion, avant de succomber face à la politique de la terre brûlée pratiquée par les six régiments que Boyer détacha à ses trousses.

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Un peu plus tard, les paysans du Sud, face à l’oppression et l’ex-ploitation des grands propriétaires fonciers, entrent en rébellion. Jean-Jacques Accaau prend la tête du mouvement en se faisant proclamer « chef de l’armée souffrante et des réclamations populaires ». Les pi-quets ont résisté aux assauts répétés de la coalition gouvernement-bourgeoisie-latifundistes, permettant ainsi au « Royaume de la Hotte » de survivre pendant cinq ans (1843-1848).

[155]Par la suite, certains commandants d'arrondissement exploiteront le

mécontentement des paysans sans terre et des cultivateurs pauvres, ces éternels exclus, pour marcher sur Port-au-Prince et s’emparer du pou-voir, en leur offrant en contrepartie un « coup de clairin » et en leur donnant « carte blanche » pour piller (la première génération des ca-cos). Depuis lors, cette pratique est devenue monnaie courante chez ceux qui détiennent le pouvoir en Haïti et qui veulent défendre les pri-vilèges que leur confère ce pouvoir (vol, corruption, détournement des fonds publics ou de l’aide internationale) et assurer la pérennité d’un système inique permettant à moins de 1% de la population de détenir 46% des richesses du pays 187.

Cette pratique s’est systématisée pendant la dictature des Duvalier. En effet, Papa Doc utilisera la détresse de ceux qui, à force de végéter dans la fange, d’être exclus, marginalisés, deviennent des aigris pour asseoir les bases de son régime. Ainsi, le lumpen-prolétariat ou sous-prolétariat 188 dans l’acception marxiste du terme, deviendra le bassin idéal où le dictateur recrutera ses indicateurs de police, ses hommes de main ou tout simplement ses macoutes.

Lorsqu’on observe le fonctionnement de l’État et ses pratiques, sous la dictature des Duvalier, pendant la transition de 1986 à 1990 et surtout depuis le coup d’État du 30 septembre 1991, on serait tenté de le qualifier de « fascisme créole » ou d’État-bandit. Ce dernier concept, aussi séduisant qu’il puisse paraître, se révèle impropre pour caractériser l’État haïtien. En effet, l’État-bandit, tel qu’on l’a connu

187 Selon un rapport publié par le Bureau international du travail (BIT) en 1988.

188 Dans la terminologie marxiste, le lumpen-prolétariat représente la partie la plus misérable du prolétariat, que son extrême aliénation écarte de la prise de conscience révolutionnaire.

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aux XVe, XVIe et XVIIe siècles, est bien différent de l’État haïtien. Si dans le cadre des rivalités intercolonialistes, la France, l’Angleterre, la Hollande, etc., savaient délivrer des lettres de course aux flibustiers ou armer des bandits notoires, des repris de justice, des tueurs profession-nels, pour arriver à obtenir leur part du butin que constituaient les ri-chesses du Nouveau Monde, on doit reconnaître qu’à l’intérieur de leurs frontières, ces États avaient des pratiques bien différentes. Il en est de même des États-Unis d’Amérique que l’on peut considérer, [156] dans le cadre de l’exercice de son impérialisme, comme l’ex-pression la plus fidèle, la plus achevée, le parangon même de l’État-bandit. On peut rappeler à ce sujet les activités de déstabilisation de la CIA en Amérique latine et dans la Caraïbe contre des gouvernements légalement établis et jouissant d’une très grande légitimité populaire. Mais à l’intérieur de ses frontières, l’État américain garantit l’ordre capitaliste en vigueur et fait preuve d’une extrême sévérité contre ceux qui prétendent le troubler ; même ceux présentant un déséqui-libre mental ne sont pas épargnés. On se rappelle ici, à titre d’exemple, la violence avec laquelle les émeutes de Los Angeles ont été réprimées en 1992 par l’administration Bush ainsi que la manière dont a été résolue « l’affaire David Koresh » 189, que l’on appelle cou-ramment la « tragédie de Dallas », par l’administration Clinton.

À la lumière des arguments et faits précédents, nous devons recon-naître que l’État haïtien n’est pas un État-bandit. Il nous revient donc de déceler la vraie nature de cet État en fonction de ses pratiques.

Le régime des Duvalier reposait sur la terreur ; cet instrument de prédilection avait permis au tyran de renforcer son pouvoir. En même temps, il donnait lieu à toutes sortes d’excroissances ; les hommes de main du pouvoir, tueurs professionnels, pouvaient tout se permettre : vol, viol, meurtre, incendie, etc., l’État leur garantissant l’impunité.

Au lendemain du 7 février 1986, avec la valse des généraux rétro-grades, la vraie nature de l’État haïtien allait se révéler au grand jour, dans toute sa laideur, dans toute sa nudité. L’institution militaire, in-cluant la police, dont la mission est, selon la Constitution de 1987, de garantir l’ordre, la sécurité, ou, pour reprendre une expression chère 189 À Waco, au Texas, la guerre des nerfs entre les forces de sécurité améri-

caines et David Koresh, le fondateur d’une secte religieuse, s’est terminée, en 1993, en un holocauste ayant occasionné la mort de plusieurs dizaines de personnes, dont un grand nombre d’enfants en bas âge.

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aux militaires, d’assurer « la protection des vies et des biens », a été à l’origine de presque tous les actes de brigandages diurnes et nocturnes qu’a connus le pays après la chute de Jean-Claude Duvalier.

[157]Mais il ne faudrait pas se méprendre, cette armée, filiale du Penta-

gone, et la milice des Duvalier ont collaboré étroitement avec l’esta-blishment américain dans le cadre de la lutte anti-communiste pendant la Guerre froide. Donc l’État haïtien est un produit des rapports de domination entre Haïti, la « périphérie », et les grandes puissances, particulièrement les États-Unis, le « centre ». Avec raison, le profes-seur Gérard Pierre-Charles écrit : « ...Dans les conditions actuelles d’affaiblissement du système capitaliste mondial, la crise des struc-tures dans les pays dépendants entraîne non seulement une aggrava-tion catastrophique de l’appauvrissement des masses, mais aussi la violence aveugle des classes dirigeantes menacées. » 190

190 Pierre-Charles, Gérard, Radiographie d’une dictature, op. cit., « Prolégo-mènes à l’étude du Cas d’Haïti ».

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Ainsi, le sous-développement haïtien, comme celui des autres pays du Tiers monde d’ailleurs, est un produit de l’exploitation coloniale, relayée par le néocolonialisme, c’est-à-dire un produit de la « dépen-dance ». Par contre, quant à la spécificité du drame haïtien, elle est le résultat des revers ou du poids de l’histoire qui, comme le reconnaît un officiel américain 191, n’a pas été clémente pour Haïti dans le passé, ainsi que de la nature de l’État haïtien.

[158]

191 Déclaration faite par Stanley Schrager, porte-parole de l’ambassade améri-caine à Port-au-Prince - Voir Le Nouvelliste du jeudi 11 novembre 1993, No. 34661.

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[159]

Haïti : l’invasion des ONG

DEUXIÈME PARTIE

Chapitre VLES ORGANISATIONS

NON GOUVERNEMENTALESÉVOLUANT EN HAÏTI

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[160]

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[161]

La présence des ONG en Haïti, comme dans tous les pays du Tiers monde, est de plus en plus accrue. Face à l’incapacité de l’État haïtien et l’aggravation des conditions d’existence déjà précaires de plus de 90% de la population, il est évident que leurs activités sur le terrain ne sauraient être ignorées et les couches défavorisées ne sauraient non plus se passer de leur aide. Ainsi, il nous est obligatoire, vu le thème de notre travail, de réaliser une radiographie du secteur ONG, avant de faire le bilan de leurs activités et déterminer le rôle qu’elles pour-raient jouer dans une politique globale de développement.

ORIGINES ET ÉMERGENCEDES ONG INSTALLÉES EN HAÏTI

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Si l’on se base uniquement sur l’aspect humanitaire, on pourrait faire remonter l’origine des Organisations non gouvernementales tra-vaillant en Haïti à 1860, en faisant référence au Concordat entre l’État haïtien et l’Église catholique romaine. À partir de cette date, les pre-mières congrégations religieuses européennes vont s’établir dans le pays où elles se sont intéressées particulièrement au domaine de l’édu-cation et, à un degré moindre, à celui de la santé. En effet, depuis plus d’un siècle, les écoles des Frères de l’Instruction chrétienne et bon nombre d’autres congrégations religieuses couvrent presque toute l’étendue du territoire national. En général, on trouve au sein de ces établissements scolaires un petit dispensaire destiné à octroyer des soins d’urgence sinon à la population locale, du moins aux élèves. Ces congrégations religieuses sont à but non lucratif et leurs œuvres so-ciales ne diffèrent en rien de l’action des ONG. D’ailleurs, [162] comme celles-ci, elles sont reconnues légalement et bénéficient des subventions de l’État.

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La présence des ONG en Haïti, au sens strict du terme, remonte aux années 50, car c’est au cours de cette décennie que des organisa-tions telles que la Coopération for American Relief Everywhere (CARE), le Catholic Relief Service (CRS), le Service chrétien d’Haïti (SCH) et la Coopération haïtiano-néerlandaise (COHAN) se sont im-plantées dans le pays. Au cours des années 60, avec la prolifération des sectes protestantes dans le pays, on allait assister à la multiplica-tion des ONG liées aux églises protestantes nord-américaines.

Dans les années 70, conjointement à la politique de « libéralisation démocratique » prônée par Jean-Claude Duvalier — sans doute pour attirer les millions de l’aide bilatérale et faciliter l’implantation des usines de la sous-traitance —, l’offensive lancée par l’Église catho-lique par le biais de la Caritas qui a établi un réseau de projets de dé-veloppement en milieu rural couvrant tout le territoire national en vue de freiner l’expansion du protestantisme, le programme basé sur une « basic human needs approach » lancé en 1974 par Mc Namara alors président de la Banque mondiale, pour combattre la progression sans cesse croissante de la pauvreté dans le Tiers monde et la campagne de l’opposition au régime des Duvalier, dénonçant l’octroi d’aide directe à la dictature, ont conduit à la prolifération des ONG dans le pays.

Dans les années 80, la pauvreté, ayant atteint un niveau scandaleux et étant devenu un phénomène de masse, a porté des milliers d’Haï-tiens à utiliser des embarcations de fortune pour fuir le cauchemar de leur pays et se lancer à l’assaut du rêve américain. Les naufrages natu-rels ou « provoqués » ont donné lieu à des pertes en vie humaine qui ont révolté l’opinion publique nationale et internationale. La médiati-sation de ces événements a porté de nombreuses ONG nord-améri-caines et européennes à intensifier leurs activités sur le terrain, pour celles qui s’y trouvaient déjà, à venir s’établir en [163] Haïti ou à ac-corder un financement substantiel aux ONG locales.

La politique néo-libérale de Ronald Reagan, qui visait à affaiblir l’État dans les pays du Tiers monde au profit du développement et du renforcement du secteur privé, a, par l’intermédiaire de l’USAID, fait passer une grande partie de l’aide des États-Unis à Haïti par le canal des ONG établies dans le pays, ce qui a permis du même coup la créa-tion de nouvelles ONG.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 165

La chute de Jean-Claude Duvalier a permis, au lendemain du 7 fé-vrier 1986, le retour massif des exilés haïtiens. Parmi eux se trou-vaient de nombreux universitaires, professionnels et cadres de toutes sortes qui allaient créer des centres de défense des droits humains, des centres de recherches et de formation ou des institutions intervenant dans le domaine du développement, permettant ainsi une nouvelle augmentation du nombre des ONG dans le pays. D’un autre côté, de nombreux privilégiés du régime déchu ainsi que des conservateurs de tout acabit se sont lancés, sous l’instigation de leurs anciens alliés ou patrons étrangers, dans la création de diverses ONG, dans le but évident d’empêcher les secteurs anti-duvaliéristes d’avoir un contrôle absolu sur les groupes de base et de donner ainsi une certaine base populaire au « duvaliérisme sans Duvalier ». Mais au lieu d’établir des mécanismes de contrôle, de définir une méthode d’organisation et de gestion des groupes de base ainsi qu’une nouvelle orientation idéolo-gique, comme le voudraient leurs patrons étrangers, ils en ont profité uniquement pour s’enrichir.

Les faits que nous venons d’énumérer, joints à l’incapacité évi-dente et la corruption proverbiale de ceux qui contrôlent l’appareil d’État, sont à l’origine de cette myriade d’ONG dont regorge le pays.

En effet, les chiffres avancés par divers auteurs et documents offi-ciels, en ce qui a trait à la quantité d’ONG existant dans le pays, sont effrayants. Richard Bergeron [164]

situe leur nombre entre 200 et 400 192 ; en 1984, la HAVA avait es-timé le nombre d’ONG évoluant dans le pays entre 200 à 330 193 ; une étude réalisée par l’Institut Nord-Sud en 1984 avait fait mention de plus de 400 ONG fonctionnant dans le pays 194 ; en 1987, la Banque mondiale avait relevé au moins 250 et probablement plus de 300 ONG en Haïti 195 ; en 1990, le Ministère de la Planification, en plus des 149 ONG qu’il avait reconnues légalement, avait identifié environ 600 ONG qui continuaient à mener leurs activités en marge de la légali-té 196 ; en 1993, la HAVA a publié un document intitulé Répertoire des Organisations non gouvernementales reconnues par l’État haïtien, 192 Bergeron, Richard, op. cit., p. 197.193 HAVA, Rapport annuel de 1983-1984, p. 31.194 English E.P. : L’Aide au développement du Canada à Haïti, Institut Nord-

Sud, 1984, p. 76.195 Banque mondiale, Rapport annuel de 1987, p. 18.

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dans lequel figurent 146 ONG établies en Haïti et reconnues par l’État. Il convient de signaler en outre que les ONG ayant le statut de fondation et jouissant d’une reconnaissance légale n’ont pas été men-tionnées dans ce document. Ce qui porte le nombre d’ONG fonction-nant dans un cadre légal ou illégal à environ 800.

TYPOLOGIE

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Les ONG évoluant en Haïti peuvent être divisées, de façon très superficielle, en deux grands groupes : les ONG étrangères et les ONG nationales.

Les ONG étrangères

Les ONG étrangères sont celles qui sont des filiales ou des succur-sales d’agences bénévoles ayant leur siège central en dehors du pays, même si leur personnel administratif est composé uniquement d’Haï-tiens.

Les ONG nationales

Les ONG nationales sont celles qui sont fondées en Haïti et dont le siège principal se trouve en Haïti, quelle que soit la nationalité des membres assurant leur administration et leurs sources de financement.

196 Ministère de la Planification, de la Coopération externe et de la Fonction publique, op. cit., p. 135.

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[165]Cependant, si l’on veut aller au fond des choses, nous devons utili-

ser une critériologie plus sérieuse. Car chaque ONG, ou du moins chaque type d’ONG, comme toute organisation de la société civile, est porteuse d’un projet politique, conformément à sa vision du dévelop-pement. Ainsi, pour arriver à l’établissement d’une typologie tenant compte de cette réalité, nous devons nous intéresser aux théories en fonction desquelles les ONG expliquent le sous-développement d’une façon générale, car leur conception du développement n’en est qu’un corollaire et d’elle découlent, en grande partie, les types d’activités qu’elles mènent sur le terrain ou qu’elles financent, ainsi que leurs méthodes d’approche et la stratégie qu’elles utilisent. De ce point de vue, nous distinguerons, comme l’ont déjà fait certains auteurs 197, deux grands groupes :

1° Les ONG qui expliquent le sous-développement en fonction des problèmes internes auxquels font face les pays du Tiers monde sont réparties en deux grandes tendances :

- les ONG assistancielles  ;- les ONG proposant et utilisant le « développement commu-

nautaire » comme instrument de lutte contre le sous-déve-loppement.

2° Celles qui considèrent le sous-développement comme un pro-duit des rapports de domination et d’exploitation entre les grands pays du système capitaliste mondial et les petits pays du Tiers monde (théorie de la dépendance, rapports centre/périphérie). On distingue deux tendances également au sein de ce groupe :

- les ONG luttant pour des réformes dans les relations Nord-Sud ;

- les ONG luttant pour des transformations au niveau des rap-ports centre/périphérie, ainsi que des changements dans les structures politique, économique et sociale des pays du Sud.

197 Mathurin, Aliette et al, op. cit., pp. 19-24.

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[166]

Les ONG « assistancielles »

Les ONG de cette tendance sont des institutions de charité et de secours. Leur objectif est de venir en aide aux affamés, aux victimes de la guerre ou de catastrophes naturelles, tels la sécheresse, l’inonda-tion ou les cyclones. On retrouve les ONG « assistancielles » surtout en Amérique du Nord, particulièrement aux États-Unis et au Canada. On peut citer, à titre d’exemple pour cette première catégorie, le CARE, la World Vision, le CRS, etc. Ces ONG disposent de puissants moyens financiers. Secours d’Urgence en Afrique, un regroupement d’une cinquantaine d’ONG canadiennes, a, pour la seule année 1985-1986, envoyé en Afrique des dons en nourriture et en médicaments estimés à plus de 50 millions de dollars 198. Ces ONG, quoique moins nombreuses, se retrouvent aussi en Europe. Action internationale contre la faim, Médecins du monde et Médecins sans frontière font parties de ce type d’ONG.

Les ONG proposant et utilisant le développementcommunautaire comme instrument de luttecontre le sous-développement

Ces ONG, qui appartiennent en général à la tendance religieuse conservatrice, aident les membres de leurs populations cibles à se re-grouper en vue de conjuguer leurs efforts dans la lutte contre le sous-développement. Ainsi, elles financent à leur profit des projets de déve-loppement communautaire répondant aux besoins des habitants d’une localité, comme si chaque « îlot de développement » constituait une bataille gagnée dans la « guerre contre les sous-développement ».

198 SUA « Rapport final 1985-1986 », cité par Mathurin, Aliette et al, op. cit., p. 20.

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Secours catholique, CANSAVE et SCH sont des échantillons de ce second type.

[167]

ONG luttant pour des réformesdans les relations Nord- Sud

Ces ONG qui sont de tendances religieuses progressistes entre-prennent dans les pays industrialisés des campagnes systématiques de dénonciation des rapports asymétriques, des échanges inégaux entre les pays du Nord et ceux du Sud. Elles cherchent aussi à influencer ou à orienter la politique de coopération du gouvernement de leur pays d’origine vis-à-vis des pays du Tiers monde.

Dans tous les pays sous-développés, ces ONG pratiquent et encou-ragent, par les types de projets qu’elles mettent sur pied ou qu’elles financent, le développement endogène ou l’auto-développement. Dans les projets exécutés ou financés par ces ONG, on utilise essentielle-ment des ressources et matières premières locales ou on essaie de pro-mouvoir l’artisanat ou l’industrie dans l’unique but de satisfaire les besoins fondamentaux des populations concernées, tout en facilitant les échanges internes 199. Le SKAT en Suisse, le GRET, en France, GATE en Allemagne, CCFD, Action de Carême, EZE, etc., font partie de cette troisième catégorie.

Les ONG luttant pour des transformations au niveau des rapports centre/périphérie, ainsi que des changements dans les structures poli-tique, économique et sociale des pays du Sud

Cette catégorie regroupe de façon majoritaire des ONG du Tiers monde et certaines ONG des pays industrialisés. Dans le Nord, les ONG de cette catégorie réalisent à peu près le même travail que les ONG de la troisième catégorie et entretiennent avec les ONG du Sud, à l’instar des ONG de la catégorie antécédente, des relations de parte-nariat. Elles reçoivent de leurs partenaires du Sud les informations nécessaires pour leurs campagnes de sensibilisation de l’opinion pu-

199 « Cimade, Information », 1983, cité par Mathurin, Aliette et al, op. cit., p. 23.

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blique dans les pays industrialisés. L’INODEP et l’AFDI en sont des exemples typiques.

[168]Les ONG de cette tendance qui évoluent dans le Tiers monde ap-

portent leur soutien aux groupes de base et travaillent de façon à élar-gir et à renforcer ces groupes de base afin qu’ils puissent se transfor-mer en groupes de pression. IDEA et ITECA font partie de ces ONG du Sud.

Il convient de souligner que si chacune des tendances que nous venons de passer en revue a donné naissance à tout un ensemble d’ONG, certaines des ONG du 3e et du 4e types sont d’abord passées par le 1er et le 2e types. En outre, malgré la coexistence des quatre types d’ONG, les spécialistes en développement considèrent le 3e et le 4e comme une évolution par rapport aux deux premiers, en ce sens qu’ils s’attaquent aux causes du sous-développement et accordent aux populations concernées un rôle fondamental dans l’orientation du pro-cessus de développement 200.

Les tableaux de l’Annexe II, qui sont tirés d’un important travail réalisé par le Groupe de recherche et d’appui au milieu rural (GRA-MIR) et publié en 1989 201, nous présentent une description très dé-taillée et presque exhaustive des quatre types d’ONG que nous venons de voir. (Voir Annexe II)

200 On pourrait tout aussi bien parler d’un cinquième type d’ONG comprenant celles qui sont liées au grand capital financier international. Elles financent surtout la recherche et la promotion universitaire. C’est le cas, par exemple, de grandes fondations américaines, telles que la Fondation Ford et la Fonda-tion Rockefeller.

201 Mathurin, Aliette et al, op. cit., pp. 66-74.

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NIVEAU D’INSTITUTIONNALISATION

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Nous avons vu qu’il existe quelque 800 ONG en Haïti. Il va sans dire que ces organismes très hétérogènes, qui vont des petites œuvres sociales aux immenses bureaux gérant des millions de dollars annuel-lement, ne sauraient avoir le même degré d’institutionnalisation. S’il est vrai que des particuliers utilisent souvent le label ONG dans l’unique but de bénéficier des franchises douanières sur des articles et des biens qui ne correspondent pas toujours au volume et aux types d’activités qu’ils réalisent dans le pays et que certaines ONG fonc-tionnent en dehors des normes élémentaires de gestion et d’adminis-tration, nous devons par contre admettre que de nombreuses ONG ont atteint un niveau d’institutionnalisation [169] exemplaire, en fonction des exigences des bailleurs de fonds d’ailleurs.

Certaines de ces organisations possèdent un personnel technique très qualifié composé de gestionnaires et d’experts-comptables élabo-rant des dossiers financiers très bien charpentés, justifiant les moindres centimes dépensés. Certaines d’entre elles font volontaire-ment appel à des bureaux d’évaluation ou à des firmes d’audit pour analyser leur état financier, quand elles ne répondent pas tout simple-ment aux exigences de leurs agences de financement. Ces ONG ont des comptes en banque à leurs noms et les transactions financières des bailleurs de fonds se font directement à travers les banques commer-ciales. Elles sont en outre dirigées, très souvent, par un conseil de di-rection ou d’administration composé de plusieurs membres qui doivent contresigner les chèques de décaissement.

Ces ONG ont des programmes annuels et même quinquennaux de travail et investissent beaucoup dans la formation de leur personnel, qui bénéficie également des programmes de renforcement institution-nel établis par des ONG du Nord. Mais l’institutionnalisation n’est pas nécessairement synonyme de transparence et n’exclut donc nullement les éventuels cas de malversations et de détournements de fonds qu’on peut observer beaucoup plus facilement au niveau des ONG qui se sont spécialisées dans la distribution de l’aide alimentaire aux couches défavorisées 202.202 Ibid., p. 52.

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DOMAINES D’INTERVENTIONET TYPES D’ACTIVITÉS

DANS LE MILIEU

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Les domaines dans lesquels les ONG interviennent et les types d’activités qu’elles entreprennent sur le terrain correspondent, dans une certaine mesure, à leur conception du développement. Et s’il ar-rive souvent de rencontrer des ONG de diverses tendances s’adonnant aux mêmes activités dans le milieu, une différence

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 173

[170]

Tableau 1

Domaine d’activité des ONG en Haïti

Origine Domaine d’activité

Dév. RuralDév. Agric.

Santé Éducation ArtisanatTechniques

Infrastruct.Eau

Aided’urgence

Autres

Qté

(+TC

)

Qté

%TC

Qté

%TC

Qté

%TC

Qté

%TC

Qté

%TC

Qté

%TC

Qté

%TC

USA 109 44 40 65 65 64 59 24 22 21 19 19 17 26 24Canada 30 14 47 15 50 11 37 1 7 2 7 2 7 5 17

Aut. occ. 62 35 56 11 18 21 34 11 18 4 6 7 11 17 27

Tot. occ. 201 93 46 91 45 96 48 37 18 27 13 28 14 48 24Haïti 61 33 54 31 51 36 59 6 10 11 18 — — 9 15

Total 262 126 48 122 47 132 50 43 16 38 15 28 11 57 22

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 174

[171]

Tableau 2

ONG actives en Haïti 203

Origine Affiliationreligieuse

FINANCEMENT

ONGconcernées

> 1% public > 20% public > 50% public

Qté % Qté % Qté % Qté % Qté %

USA 109 42 70 64 46 20 43 14 30 11 24

Canada 30 11 12 40 20 12 60 11 55 7 53

Europe (3) 54 21 28 52 31 22 71 17 55 11 35

Internat. 8 3 (4) 5 6 2 33 2 33 1 6

Total occ. 201 77 114 57 103 56 54 43 42 30 39

Haïti (5) 61 23 24 29

Total 262 100 138 53

203 1) Ces données sur le financement des ONG ne concernent pas leurs dépenses en Haïti, mais l’origine des fonds de leur budget global. 2) Données disponibles seulement pour les ONG enregistrées au Répertoire de l’OCDE. 3) France, Belgique, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Hollande, Suède. Suisse. 4) Dix des 63 ONG restantes déclarent coopérer avec l’USAID. 5) Sont consi-dérées comme haïtiennes, les ONG fondées en Haïti et n’étant pas une filiale directe d’une ONG étrangère, même si elles dé-pendent financièrement à 100% de sources externes.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 175

[172]notable peut être observée au niveau de l’approche utilisée, la stra-

tégie employée et la finalité desdites activités.

Les ONG « assistancielles »

Les ONG de cette tendance interviennent surtout dans le domaine des secours d’urgence, la distribution de médicaments, la répartition de l’aide alimentaire, la distribution des semences, le planning familial, l’eau potable, l’éducation formelle, l’assainissement, etc.

Certaines d’entre elles s’adonnent à une activité exclusive. Par exemple, la totalité de l’aide alimentaire fournie par l’USAID à Haïti passe par le CRS (25%), CARE (50%), le SCH (12,5%) et le Secours mondial adventiste (12,5%) 204. Les CDS et l’AOPS détiennent, dans une certaine mesure, le monopole de la santé et la FONHEP, celui de l’éducation. Pour de plus amples détails, on peut consulter le tableau 1 de ce chapitre.

Les ONG proposant et utilisant le développementcommunautaire comme instrument de lutte contre le sous-développement

Ces ONG s’intéressent d’une façon générale à la création de grou-pements communautaires et de coopératives dont elles assurent la for-mation des membres en matière de gestion et d’animation, afin qu’ils puissent prendre en charge les projets d’élevage, d’agriculture, de san-té et d’éducation devant contribuer au développement économique d’une localité ou d’un village.

204 Ibid., p. 23.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 176

[173]

Les ONG luttant pour des réformesdans les relations Nord-Sud

Les ONG de cette tendance s’intéressent surtout à la diffusion d’une information alternative sur les causes du drame que vivent les membres de leurs groupes-cibles, organisent des conférences-débats, des séminaires de formation, publient des documents didactiques, réa-lisent des documentaires audio-visuels, dans le but évident de créer des médias parallèles. Les projets qu’elles financent concernent en grande partie l’éducation informelle, l’appui à l’organisation, l’agri-culture et l’élevage, la santé communautaire, le développement d’autres circuits d’échanges commerciaux, les technologies appro-priées ou alternatives 205.

205 « Après quatre mois d’enquête sur les programmes de l’USAID en Haïti, le Miami Hérald signalait de nombreux cas de fraude. De vastes quantités d’aliments étaient livrées à des écoles « zombies », c’est-à-dire inexistantes, alors que les écoles réelles et les centres de nutrition n’en recevaient pas du tout. Lorsque les inspecteurs du Secours catholique vérifièrent l’adresse de 55 établissements recevant l’aide alimentaire des États-Unis, ils ne trou-vèrent en fait que des magasins, des terrains vagues et des cimetières. En outre, il fut établi qu’une partie de l’aide alimentaire revenait de façon régu-lière en contrebande aux États-Unis. Des propriétaires de magasins à Miami se vantaient d’être en mesure de fournir régulièrement des sacs de produits alimentaires de l’aide américaine aux immigrants haïtiens qui, selon eux, s’étaient habitués à leur goût en Haïti » (Le Miami Herald 1982). ...Une vérification distincte menée par Secours catholique permit d’établir que, dans l’un des centres, notamment, l’USAID n’avait pu justifier l’absence de 53 000 sacs et caisses d’aliments évalués à 531 000 dollars, et qu’à Port-au-Prince un tiers des aliments destinés à être distribués gratuitement n’attei-gnait jamais les bénéficiaires (USAID, 1983). Pour de plus amples informa-tions sur ce sujet voir Dewind, Josh et Kinley III, David, Aide à la migra-tion, l’impact de l’assistance internationale à Haïti. Traduit de l’américain, les Éditions du CIDIHCA, Montréal, 1988, pp. 80-81.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 177

Les ONG luttant pour des transformationsau niveau des rapports centre/périphérie,ainsi que des changements dans les structures politique,économique et sociale des pays du Sud

Les ONG de ce type interviennent en fait dans les mêmes do-maines que celles de la catégorie précédente et réalisent un travail d’appui et d’encadrement aux groupes de base, notamment les couches défavorisées, marginalisées et exploitées : populations des bidonvilles, chômeurs, paysans sans terre, femmes, etc. L’appui à ces groupes consiste en assistance juridique, formation en matière de droits humains, éducation populaire, devant permettre à ces groupes de mieux s’organiser pour revendiquer leurs droits et lutter contre les abus et l’exploitation dont ils sont victimes.

Le tableau 1 206, à la page 170, nous donne une idée sur la réparti-tion de quelque 262 ONG évoluant en Haïti, en fonction de leurs do-maines d’activités.

[174]

Stratégie

La stratégie utilisée par chacun des types d’ONG en question, re-flétera souvent sa vision du développement ou du moins la place qu’il accorde aux populations concernées dans sa vision du processus de développement. Ainsi, on pourrait dire que chaque type d’ONG pos-sède sa propre stratégie 207 que nous pouvons expliquer comme suit :

- le type I conçoit, élabore et exécute le projet pour les groupes de base, sans la participation de ces dernières ;

206 Source : Mathurin, Aliette et al, op. cit., p. 55.207 Il convient de souligner qu’il arrive souvent qu’une même ONG utilise plu-

sieurs stratégies de façon simultanée.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 178

- le type II permet ou accepte une certaine participation des groupes-cibles, mais établit et fixe lui-même le cadre de cette participation ;

- le type III encourage la participation des groupes de base au niveau du choix, de la conception, de l’élaboration et de l’exé-cution des projets en fonction de leurs besoins, leur sert de guide, tout en assurant une prise en charge quasi totale des pro-jets par les groupes concernés ;

- le type IV a pratiquement la même stratégie que le type III, avec la nuance suivante : il n’intervient pas du tout ou du moins uniquement pour évaluer les résultats et analyser avec les groupes de base les causes de leurs échecs ou de leurs réussites.

La stratégie du type I condamne les groupes-cibles à une dépen-dance totale ; celle du type II, en leur reconnaissant une certaine parti-cipation, réduit un peu cette dépendance ; celle du type III les rend autonomes, tandis que celle du type IV vise à les rendre complètement indépendants à moyen terme.

La part de l’aide à Haïti qu’elles utilisent

Le gâchis administratif des 29 années de dictature, le pillage systé-matique des fonds publics par les détenteurs [175] du pouvoir, l’inca-pacité historique du secteur public à gérer des projets de développe-ment et, surtout le reaganisme dans les années 80, la nouvelle stratégie financière, favorable aux ONG, adoptée par les agences bilatérales des pays industrialisés, ont permis aux ONG établies en Haïti de recevoir des bailleurs de fonds publics un important appui financier et de gérer ainsi une part très substantielle de l’aide publique au développement. Le tableau suivant 208 nous indique l’origine des fonds du budget glo-bal de 262 ONG actives en Haïti, ainsi que le pourcentage de l’aide publique au développement passant par leur canal, de 1981 à 1985.

208 Source - Ibid., pp. 54 et 56.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 179

Tableau 3

Aide publique au développement et aide des ONG (en millions) 209

1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985

1

APD 93.0 93.0 105.0 107.0 128.0 134.0 135.0 —

2

ONG 11.9 11.5 12.7 16.3 15.4

3 26.2 24.2 25.6 30.0

Bien que nous ne disposions pas de données statistiques le prou-vant, nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, que le pour-centage de l’aide publique à Haïti transitant par le canal des ONG a considérablement augmenté de 1986 à 1993, en raison de la valse de coups d’État militaires, des massacres perpétrés par des généraux sans foi ni loi et surtout de l’appétit insatiable de ces derniers et de leurs alliés pour les fonds publics.

En outre, il nous a été impossible d’estimer l’aide que les ONG établies dans le pays reçoivent des ONG-mères, des ONG-partenaires, des associations et des groupes [176] organisés de pays industrialisés. Mais lorsqu’on prend en compte l’aide publique à Haïti passant par le canal des ONG et l’aide qu’elles reçoivent des ONG, des organisa-tions ou associations des pays du Nord, il n’est pas osé d’affirmer que les ONG qui existent en Haïti gèrent plusieurs dizaines de millions de dollars annuellement.

209 Sources : 1) OCDE, Weltentwicklungsbericht, 1986. 2) Banque mondiale, Haïti, examen des dépenses publiques, 1987.3) Commissariat à la promotion nationale, cité dans ce même rapport de la Banque mondiale.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 180

Le nombre effarant d’ONG installées dans le pays, l’appui finan-cier très substantiel qu’elles reçoivent de l’extérieur et leur présence dans les neuf départements géographiques du pays, les rendent incon-tournables dans toute politique de développement national. Mais le résultat de leur travail est-il proportionnel aux fonds qu’elles gèrent ? Nous répondrons à cette question au septième et dernier chapitre de ce travail en faisant le bilan des activités des ONG dans le pays.

[177][178]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 181

[179]

Haïti : l’invasion des ONG

DEUXIÈME PARTIE

Chapitre VILES ORGANISATIONS

NON GOUVERNEMENTALESHAÏTIENNES FACE

AUX AUTRES ACTEURSINTERVENANT DANS

LE DÉVELOPPEMENT DU PAYS

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[180]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 182

[181]

Les ONG haïtiennes, dans le cadre de leurs activités de développe-ment, travaillent en étroite collaboration avec d’autres acteurs. Ce chapitre sera consacré exclusivement à l’étude des relations qu’entre-tiennent les ONG haïtiennes avec ces divers acteurs.

ARTICULATION ENTRE ONG DU NORDET ONG HAÏTIENNES

Relations entre les ONG haïtienneset les ONG étrangères

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La création des ONG haïtiennes est généralement une initiative des ONG du Nord et en ce sens il n’est pas exagéré de considérer, dans une certaine mesure, les ONG haïtiennes comme des filiales ou des succursales de ces dernières. Et même lorsqu’il arrive que des profes-sionnels haïtiens soient exclusivement à l’origine de la création d’ONG dans le pays, il est évident que leur fonctionnement dépend complètement du soutien des ONG étrangères, qui peut prendre la forme de financement de leurs programmes d’activités et des projets destinés aux groupes de base, d’envoi de coopérants pour la réalisa-tion d’une tâche précise ou pour apporter un support méthodologique multidimensionnel. Souvent les ONG haïtiennes ne font qu’exécuter des programmes pour les ONG du Nord et quand elles élaborent leurs programmes ou un projet quelconque, elles sont obligées de le faire en fonction des exigences des bailleurs de fonds. En outre, les ONG haï-tiennes fournissent aux ONG étrangères les informations dont elles ont besoin pour [182] influencer, dans un sens ou dans un autre, l’opi-nion publique dans leur pays respectif et, du même coup, orienter la politique et l’aide de leur pays vis-à-vis de l’État haïtien, en fonction de leur option idéologique.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 183

On peut soutenir pour conclure, que les relations de dépendance qui caractérisent les rapports Nord-Sud se reproduisent au niveau des relations entre les ONG haïtiennes et les ONG étrangères. On peut donc affirmer que les ONG haïtiennes, ne pouvant se passer du finan-cement des ONG du Nord, choisissent leurs partenaires étrangers en fonction de critères idéologiques qu’elles partagent avec eux.

Relations entre les ONG haïtienneset les organisations internationales de développement

Les ONG haïtiennes, à l’instar des ONG étrangères évoluant en Haïti et comme on peut l’observer dans les pays industrialisés et dans ceux du Tiers monde, pour des raisons qu’on a déjà expliquées dans les chapitres III et V, entretiennent depuis environ une quinzaine d’an-nées des rapports de plus en plus étroits avec les organisations interna-tionales de développement. Les organisations bilatérales de certains pays occidentaux et les organismes multilatéraux s’adressent principa-lement aux ONG haïtiennes (et aux ONG étrangères évoluant en Haï-ti) pour l’exécution de certaines activités dans le cadre de leurs pro-grammes et pour la distribution de l’aide qu’ils fournissent aux couches défavorisées de la population. En outre, les ONG haïtiennes réalisent pour le compte de ces organismes des études et évaluent l’impact des projets financés par ces derniers sur la population de cer-taines régions du pays. Les organisations internationales de dévelop-pement financent également des projets conçus, élaborés et exécutés par des ONG haïtiennes et font appel à celles-ci pour des consulta-tions sur la définition et l’exécution de certains de leurs programmes destinés aux populations défavorisées.

[183]Comme on a pu le constater, il existe une collaboration étroite

entre les ONG haïtiennes et les organisations internationales de déve-loppement. Celles-ci font de plus en plus appel aux services des ONG haïtiennes non seulement pour la compétence de leurs cadres mais aussi et surtout dans le but évident de contourner l’État haïtien dont la crédibilité est mise en question tant sur le plan technique, administra-

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 184

tif que politique, sans oublier la corruption proverbiale qui le caracté-rise.

ARTICULATION SUR LE TERRAIN

Relations ONG/État

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Les relations entre les ONG et l’État haïtien comportent deux phases : la première s’étend de l’établissement des premières ONG en Haïti à la fin des années 70, et la seconde, du début des années 80 à nos jours.

La première phase

Au cours de cette période, les relations entre les ONG et l’État étaient caractérisées à la fois par la tolérance et l’indifférence. Durant cette phase, l’État tolérait la présence et le fonctionnement des ONG sur le territoire haïtien sans chercher à orienter, à contrôler ou à gêner leurs activités, sachant que ces institutions, d’une manière ou d’une autre, ne pouvaient que pallier ses propres déficiences en matière de santé, d’éducation et d’encadrement à fournir aux populations défavo-risées des coins les plus reculés du pays. Les ONG de leur côté, en remplissant leur mission humanitaire, ne s’intéressaient nullement aux causes des problèmes auxquels faisaient face les couches défavorisées et, de ce fait, ne constituaient pas une menace ou un danger pour le pouvoir en place. Vis-à-vis de l’État, les ONG affichaient une attitude d’indifférence totale, comme si, en tant qu’institutions à but non lucra-tif et apolitiques, elles .voulaient éviter [184] d’avoir des relations avec l’État qui est une entité éminemment politique. On pourrait même affirmer que l’État et les ONG s’ignoraient mutuellement et partageaient ou cultivaient cette même attitude d’indifférence. Malgré la création du Ministère du Plan, théoriquement chargé de coordonner les activités de développement dans le pays, quelle que soit leur ori-

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 185

gine, les ONG ne soumettaient jamais leur programme de travail à cette institution de l’État et celle-ci ignorait l’existence de nombreuses ONG pourtant actives dans le pays 210. Si au cours de cette première période, l’État tolérait ou acceptait la présence et le fonctionnement des ONG sur l’ensemble du territoire national et ne cherchait pas à entraver leurs activités sur le terrain, du fait qu’elles accomplissaient des tâches relevant de sa compétence mais qu’il ne pouvait réaliser, par la suite, les relations entre les ONG et l’État allaient changer du tout au tout.

La deuxième phase

À partir des années 80, les relations entre les ONG et l’État allaient être caractérisées par une attitude de méfiance, de rivalité et même d’hostilité. À l’origine de ce changement d’attitude se trouvaient plu-sieurs facteurs dont les principaux sont :

- La politique néo-libérale de Ronald Reagan, qui consistait à faire passer la plus grande partie de l’aide bilatérale et multila-térale destinée aux pays du Tiers monde par le canal des ONG dans le but évident d’affaiblir l’État dans les pays du Sud et de favoriser le développement et le renforcement du secteur privé. Cette politique a permis aux ONG fonctionnant dans le pays de disposer de moyens financiers considérables les transformant en centre de décisions très influent pouvant se substituer à l’État. Pour mettre en exergue l’importance de ce facteur, il convient de souligner qu’une étude, réalisée par la CNUCED et publiée en 1989, atteste que la moitié des services de santé en Haïti est assurée par les ONG, et de nos jours on estime à 70% la part des ONG dans les [185] services de santé 211. Selon cette même étude, les ONG ont une prépondérance de 60% au niveau de l’éducation primaire, et les dépenses effectuées par elles dans l’agriculture et le développement communautaire atteignent

210 Mathurin, Aliette et al, op. cit., p. 58.211 Henrys, Daniel, « Relations ONG/État », in Cahier 1- Ateliers de travail

organisés par la HAVA les 29-30 janvier 91 à l’Hôtel Holiday Inn de Port-au-Prince, p. 20.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 186

66% du budget national 212. Il s’agit donc de véritables États dans l’État ;

- la naissance des ONG de la deuxième génération, notamment celles du 3e et du 4e types qui ne se contentent pas seulement de fournir de l’aide humanitaire aux populations défavorisées mais qui s’attaquent aussi aux causes du sous-développement et sur-tout au système socio-politico-économique engendrant les conditions infra-humaines dans lesquelles vivotent les couches défavorisées. Le travail d’animation et de conscientisation réali-sé par ces ONG au niveau des groupes de base devait inquiéter sérieusement les responsables de l’État ;

- les ONG d’obédience religieuse (catholique), sous l’influence de la doctrine sociale de l’Église catholique romaine dans un premier temps et, par la suite, sous celle de la théologie de la libération ont permis aux masses opprimées et exploitées des bidonvilles et des zones rurales de pouvoir exprimer leurs mé-contentements, tout en essayant de contrôler et d’orienter le mouvement de contestation des masses ;

- le travail de réflexion qui s’amorçait dans certains milieux d’ONG sur la nature de l’État, sur la nécessité de travailler et de lutter pour le changer et le rôle que les ONG peuvent et doivent jouer, après le 7 février 1986, dans ce processus, a contribué à déclencher ou du moins à envenimer les hostilités.

Ainsi, à partir de 1980, l’État va afficher, de façon nette et claire, sa volonté de contrôler les ONG. Cette volonté conduira à la publica-tion, le 27 décembre 1982, du décret réglementant l’implantation et le fonctionnement des ONG dans le pays. Le deuxième chapitre de ce décret traite de la constitution et du fonctionnement des Organisations non gouvernementales d’aide au développement [186] (ONG). L’ar-ticle 12 de ce décret stipule, en son deuxième alinéa, que pour bénéfi-cier du statut d’ONG, les fondateurs « doivent soumettre une réfé-rence de garantie d’une Banque ou de deux Organisations non gou-vernementales nationales ou internationales, opérationnelles en Haïti ou d’une Agence bilatérale ou multilatérale ayant son siège dans le pays. » De plus l’article stipule, en son septième alinéa, que les fonda-212 Ibid., p. 20.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 187

teurs « doivent établir l’existence d’une source de financement natio-nale, externe ou mixte. »

Si l’article 3 prévoyait la création d’un Comité mixte de coordina-tion des activités des ONG composé de sept fonctionnaires du secteur public et de sept représentants du secteur ONG, ainsi que d’une Unité de coordination de la Secrétairerie d’État du Plan, nous devons recon-naître que ces organes n’existaient que théoriquement et, d’ailleurs, le Comité mixte n’a jamais fonctionné. De là on peut déduire facilement que ce décret ne visait qu’à mettre un terme au travail d’animation et de conscientisation qu’effectuaient certaines ONG, — surtout celles liées à l’Église catholique, au niveau des groupes de base, travail jugé très subversif par les autorités de l’époque — , à contrôler les fonds gérés par les ONG et à accéder à une partie des devises de l’aide étrangère, à travers l’obligation faite aux ONG d’ouvrir un compte à la Banque nationale de crédit 213.

La publication de ce décret a provoqué une réaction très vigou-reuse de la part des ONG liées à l’Église catholique qui, tout en recon-naissant la nécessité d’un statut légal pour les ONG et d’une coordina-tion de leurs interventions sur le plan de développement, l’ont sévère-ment critiqué et dénoncé : « le contrôle excessif du gouvernement et la perte de l’indépendance des ONG » ainsi que « la possibilité de répression, non seulement sur les ONG, mais aussi sur tout ce qui peut gêner, sur toutes les activités. » 214

On peut affirmer que ce décret n’avait pas atteint ses buts, étant donné que de nombreuses ONG, dont celles [187] liées à l’Église ca-tholique, ne s’étaient pas inscrites au Ministère du Plan et celles d’entre elles qui étaient enregistrées à ce ministère, par souci de léga-lité, n’en continuaient pas moins de se démarquer et d’afficher une très grande méfiance vis-à-vis de l’État.

À la chute de Jean-Claude Duvalier, presque tous les gouverne-ments qui se sont succédé ont manifesté leur volonté d’exercer un contrôle très strict sur les activités des ONG. L’ex-Premier Ministre, sous la présidence de L. F. Manigat, monsieur Martial Célestin, avait

213 Mathurin, Aliette et al, op. cit., p. 59.214 CARITAS - Haïti, « La CARITAS face au décret du 27 décembre 1982

réglementant le fonctionnement des ONG en Haïti », p. 9-, cité par Mathu-rin, Aliette et al, op. cit., p. 59.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 188

préparé un texte pour non seulement « resserrer l’étau sur les ONG mais pour les mettre sur les rails. » 215 Après le renversement de Mani-gat, le général Namphy fera élaborer un décret pour contrôler les ONG. Le général Prosper Avril, qui chassera Namphy du pouvoir par un coup d’État, remaniera le texte de Namphy et publiera, le 5 octobre 1989, un décret très musclé qui « suscitera non seulement la réproba-tion des ONG mais la grogne de “patrons” d’organismes pour-voyeurs d’aide comme l’USA1D et l’ACDI. » 216 Ce qui portera le géné-ral Avril à mettre rapidement en veilleuse son décret, tout en annon-çant des discussions avec les ONG en vue d’élaborer une nouvelle législation à soumettre par devant les deux Chambres 217.

À côté de ces tentatives effectuées par les responsables de l’État pour contrôler légalement les ONG, il convient de souligner que des actes de terreur ont été perpétrés par les autorités du pays à l’encontre de certaines ONG dont les installations ont été sauvagement saccagées ou complètement démantelées, sans oublier les persécutions dont sont victimes généralement les groupes de base avec lesquels ces ONG travaillent. À titre d’exemple, on peut citer les atrocités dont ont été victimes en 1987 dans le Nord-Ouest les cadres de Tèt Kole, ci-devant Ann Avan, et les membres des groupements avec lesquels ils tra-vaillent, qui avaient fait 1 042 morts et des milliers de blessés, sans que les autorités en place à l’époque aient daigné ouvrir une quel-conque enquête pour déterminer les responsables de ce carnage. Il en est de même des actes de vandalisme perpétrés contre le [188] MPP par les hommes de main du général Avril et la destruction complète des installations de cette institution par les militaires, au lendemain du coup d’État du 30 septembre 91, ainsi que l’incendie et le pillage des plantations des paysans qu’elle encadrait, par ces mêmes bandits. Ces faits montrent, de façon évidente, que les relations entre les ONG et l’État sont loin d’être harmonieuses.

215 Henrys, Daniel, in Cahier 1 de la HAVA, op. cit., p. 21.216 Ibid., p. 21.217 Il convient de souligner que l’ex-ministre de la Planification du Gouverne-

ment Préval, M. Renaud Bernadin, avait, par une négligente inertie ou dans le but de contrôler le secteur ONG, repris le texte du décret du Général Avril avec de légères modifications, comme projet de loi à soumettre par devant les deux chambres.

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Relations ONG/société civile

Contrairement à ce qui se passe dans les pays industrialisés, où les fonds nécessaires au fonctionnement des ONG et au financement de leurs activités de développement dans les pays du Sud proviennent dans une certaine mesure de la générosité du public en général et sur-tout des associations de la société civile, en Haïti, c’est le phénomène inverse qui se produit, car ce sont les ONG qui financent les activités et même le fonctionnement de nombreuses associations de la société civile. Ce sont elles aussi qui permettent souvent aux membres des associations de la société civile de pouvoir participer à certains col-loques ou séminaires à l’extérieur du pays, en finançant leurs frais de voyage ou même de séjour.

À côté de ces relations de type pécuniaire entre ONG et associa-tions de la société civile, les ONG entretiennent avec celles-ci des re-lations mutuellement bénéfiques. À titre d’exemple, on peut souligner que les ONG organisent au profit des membres des associations de la société civile des séminaires de formation et mettent à la disposition de celles-ci la compétence de leurs cadres lorsqu’elles organisent des colloques. Les associations socio-professionnelles agissent de même à l’endroit des ONG quand ces dernières organisent des séminaires de formation sur des thèmes relevant de leurs domaines de compétence.

Pour terminer, il convient de souligner que les ONG mettent en outre à la disposition des associations de la [189] société civile des bulletins, des revues d’analyse ainsi que les résultats de leurs re-cherches, sans oublier les documentaires audio-visuels qu’elles réa-lisent sur des thèmes bien précis, — ce qui leur permet d’avoir une influence grandissante sur l’opinion publique.

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Relations ONG/groupes de base

Les groupes de base englobent les associations de femmes (petites marchandes), les groupements de paysans, les organisations de quar-tiers, les organisations d’entraide communautaire, les coopératives, les organisations populaires dans leur ensemble, c’est-à-dire tout ce qui exprime ou traduit la volonté des couches défavorisées ou marginali-sées de s’organiser en vue de faire face aux multiples problèmes aux-quels elles sont confrontées quotidiennement. C’est dans cette accep-tion que le concept « groupes de base » sera utilisé dans le cadre de ce travail.

Au premier abord, il convient de souligner que les ONG, d’une manière générale, encouragent la formation des groupes de base. Pour implanter un projet quelconque dans un milieu, elles exigent l’exis-tence au sein de la population cible, d’une structure organisée, capable de participer à l’exécution de ce projet, même si elle doit être enca-drée par un ou des animateurs d’un niveau beaucoup plus élevé. Lors-qu’il arrive que cette structure soit déjà existante, les ONG y opèrent un travail qualitatif, en organisant des séminaires de formation pour ses membres.

Les associations de femmes

De nombreuses ONG se sont lancées dans des activités visant la promotion de la femme. Certaines de ces ONG encouragent les femmes du secteur informel, qui sont habituées à s’adonner à des pra-tiques commerciales individuelles, à se regrouper en associations afin de [190] pouvoir bénéficier de prêts les aidant à constituer des stocks de marchandises qu’elles renouvellent régulièrement. Ceci leur pro-cure un double avantage :

- en achetant en gros, elles bénéficient d’une diminution considé-rable du prix des produits ;

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- en bénéficiant d’un prêt d’une ONG, dont le taux d’intérêt est de l’ordre de 12% l’an, elles cessent d’être des vaches à lait pour les usuriers professionnels qui leur prêtaient de l’argent à des taux d’intérêt de l’ordre de 100% le mois.

En outre, les ONG, pour ne pas perdre complètement l’argent qu’elles prêtent aux associations de marchandes, sont obligées d’orga-niser des séminaires de formation en gestion pour leurs membres, afin qu’ils puissent tenir un cahier de crédit et ne pas se fier uniquement à leur mémoire. Ce travail d’encadrement des ONG aident ces petites marchandes, qui sont généralement à la fois pères et mères de famille, à mieux faire face à leurs responsabilités.

Il existe aussi des ONG qui travaillent de façon exclusive avec des associations de femmes. Ces ONG effectuent un travail de formation et d’information au profit des membres de ces associations de femmes en mettant à leur disposition des journaux, des centres de documenta-tion. Elles fournissent aussi une assistance aux femmes victimes de répression policière ou de brutalité de la part de leurs conjoints.

Les groupes de paysans

Les ONG réalisent un travail d’encadrement auprès des associa-tions regroupant les petits paysans et, à un degré moindre, les paysans moyens. Elles mettent à la disposition de ces associations des banques d’outils et de semences, et réalisent, en collaboration avec elles, des projets de conservation de sols, de reboisement, de stockage et de conservation de certains produits, de [191] vulgarisation de certaines pratiques culturales visant à augmenter la productivité et la production des denrées de base. Les ONG vulgarisent également au profit de ces associations des projets d’élevage de bétail et de poissons dans le but de diminuer la carence en protéines animales dans le milieu rural. Les ONG organisent aussi des séminaires de formation pour les membres de ces associations dans les domaines de la production, de l’élevage et de la gestion.

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Les organisations de quartiers

Ces organisations que l’on rencontre généralement au niveau des zones marginalisées du pays et surtout dans les immenses bidonvilles de la capitale et des villes de province, bénéficient des services de nombreuses ONG dans les domaines de l’éducation formelle et non formelle, de la santé et du logement. Elles bénéficient également de l’appui et de l’encadrement des ONG pour des activités artistiques, artisanales et commerciales qui leur permettent d’améliorer les condi-tions d’existence de leurs membres et de maintenir une certaine cohé-sion au sein des habitants de leurs quartiers.

Les organisations d’entraide communautaire

Ces organisations formées en vue de faire face aux difficultés aux-quelles sont confrontés les habitants d’une communauté travaillent en étroite collaboration avec les ONG qui les aident à installer des centres de santé et des écoles communautaires, à réaliser des projets de captage de sources, de latrinisation, de création et de réparation de voies de pénétration pour faciliter le transport des denrées locales, etc.

Les coopératives

Les ONG fournissent un encadrement et un appui direct aux co-opératives dans le but de renforcer leur [192] structure organisation-nelle et de gestion et d’améliorer les services qu’elles offrent à leurs membres. Elles permettent, par les nombreux contacts dont elles dis-posent à l’extérieur, aux coopératives d’avoir accès directement au marché international pour l’écoulement de leurs produits, ce qui per-met d’éliminer toute une pléthore d’intermédiaires, les uns plus avares que les autres, tels les spéculateurs et les exportateurs, et de réaliser du même coup des bénéfices énormes sur la vente de leurs produits.

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Les organisations de jeunes

Ces organisations, regroupant en grande partie des jeunes aux conditions socio-économiques précaires, bénéficient d’une attention spéciale de la part des ONG. Celles-ci organisent généralement des séminaires de formation en éducation populaire au profit des membres de ces associations, font venir des formateurs étrangers dans le pays et envoient des cadres travaillant dans le domaine de l’éducation popu-laire en Haïti à l’étranger afin de profiter d’autres expériences dans ce domaine, qu’ils partagent à leur retour avec les groupes qu’ils en-cadrent. De nombreux cahiers d’éducation populaire ont été rédigés par les ONG au bénéfice des membres de ces organisations.

Les groupes de base, comme on a pu le constater, constituent le public-cible des ONG. Celles-ci ont développé des liens organiques relativement solides avec ces groupes qui bénéficient de la compé-tence de leurs cadres et de leur accès plus ou moins facile aux sources de financement. Mais on ne saurait omettre de mentionner que ces groupes ont de grandes faiblesses sur le plan organisationnel et ne sont pas épargnés par la gangrène de la corruption généralisée comme méthode de gestion gouvernementale au cours des 35 dernières an-nées. Aussi, les responsables d’ONG sont-ils en ce sens déçus dans leurs rapports avec certains de ces groupes. Ceux-ci à leur tour re-prochent aux ONG de ne pas leur [193] reconnaître une certaine auto-nomie et de décider pour eux sans même daigner les consulter.

Relations ONG/ONG

À part certains échanges informels, il n’existait pratiquement pas de relation entre les ONG actives en Haïti, et on relevait, entre elles, dans certains cas, un esprit de cloisonnement et même de compéti-tion 218. Ce n’est qu’en 1981 que les ONG liées à l’USAID ont décidé de se regrouper au sein d’une plate-forme, portant le nom de

218 Mathurin, Aliette et al, op. cit., p. 62.

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HAVA 219, chargée de « coordonner pour soutenir et renforcer les ac-tivités des ONG travaillant en Haïti. » 220 Malgré cet objectif pompeux, on affirme que la HAVA « représente plutôt un lieu d’échange tech-nique et qu’il est difficile de parler de vision et d’approche commune du développement. » 221 En outre, on dénote chez certaines ONG un certain esprit de réticence à l’égard de cette plate-forme, à cause de son étroite collaboration avec l’USAID 222.

À partir de 1990, on a observé chez les responsables de nom-breuses ONG un certain esprit d’ouverture, et un effort sensible a été fait pour le rapprochement des institutions qu’ils dirigent. C’est à la faveur de cette nouvelle dynamique qu’allait prendre naissance une plate-forme regroupant en son sein plusieurs ONG actives sur le ter-rain et portant le nom de Regroupement Inter-OPD. Cette plate-forme, dont les membres s’élèvent à une quarantaine d’ONG, a élaboré un important document en août 1992, dans le but d’orienter l’aide huma-nitaire internationale vers ses destinataires. Ce document porte le nom de Aide d’urgence : lignes stratégiques, axes d’intervention.

De 1990 à 1994, un long chemin a été parcouru par cette plate-forme. Il convient de souligner qu’il existe, entre autres, une « Propo-sition de code d’éthique pour les organismes de promotion du déve-loppement », qui a été [194] soumise aux ONG membres ainsi qu’une fiche d’adhésion. Ceci donne l’impression qu’il existe une parfaite cohésion entre les institutions membres de l’Inter-OPD. Mais pour ceux qui connaissent la nature de ces ONG et qui ont l’habitude de fréquenter leurs représentants, cette plate-forme regroupe des ONG ayant une vision du développement totalement différente et soutenant des projets politiques diamétralement opposés. À titre d’exemple, nous rappelons les deux faits suivants :

- Au cours d’une réunion de cette plate-forme à l’hôtel Holiday Inn en 1992, un sentiment de malaise était hautement visible dans l’assis-tance et une atmosphère de tension et d’indignation régnait dans la salle, quand le représentant d’une ONG liée au secteur conservateur du pays eut à proposer à l’assemblée « une autre vision des droits hu-219 Haitian Association of Voluntary Agencies (Association haïtienne des

agences bénévoles).220 Voir Mathurin, Aliette et al, op. cit., p. 62.221 Ibid.222 Ibid.

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mains » qui ne devraient plus s’inscrire dans la logique « provocation/répression » (le peuple provoque et l’armée réprime) mais « d’éduquer le peuple pour qu’il ne provoque plus l’armée ».

- Au cours d’une autre réunion de la plate-forme, ce même respon-sable d’ONG devait proposer aux autres institutions membres de s’ad-joindre au gouvernement de facto de Marc L. Bazin pour « gérer l’aide d’urgence et sauver le peuple de la situation de famine qui le menace ». Cette proposition avait soulevé un vaste mécontentement au sein de l’assemblée qui, dans son immense majorité, la rejetait. Mais la décision de l’assemblée n’empêcha pas les responsables de la Fondation haïtienne de l’enseignement privé (FONHEP) et des centres pour le développement et la santé (CDS) de se rendre au Palais natio-nal pour signer avec le Premier Ministre de facto un accord sur le fi-nancement d’un plan de parrainage « destiné à permettre aux enfants démunis de pouvoir se rendre à l’école ». Mais on sait que cette ma-nœuvre maladroite ne visait qu’à donner une certaine base sociale au régime de facto.

À la suite de ces incidents fâcheux, certaines ONG se sont retirées de la plate-forme afin de ne pas prêter le flanc aux manœuvres basse-ment politiciennes des ONG [195] soutenant le régime de facto, mino-ritaires certes, mais dotées d’une audace sans pareille.

Il convient de souligner également l’existence d’une autre plate-forme regroupant une vingtaine d’ONG travaillant dans le domaine de l’éducation populaire. Elle a également vu le jour en 1990 et a déjà élaboré divers documents définissant une vision commune de l’éduca-tion populaire pour les institutions membres, les lignes à suivre et la stratégie à adopter dans le travail sur le terrain.

Si la démarche théorique et méthodologique est hautement appré-ciable, la mise en application des décisions adoptées s’est heurtée aux contraintes de la réalité et les commissions mises sur pied se révèlent inopérantes et non fonctionnelles.

Malgré les problèmes et difficultés de toutes sortes qu’on vient de constater, il demeure évident que la concertation entre les ONG est indispensable si leurs activités doivent s’inscrire dans un cadre global de développement. Nous reviendrons sur ce problème au chapitre sui-vant.

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Comme on a pu le constater, les Organisations non gouvernemen-tales actives collaborent avec divers acteurs intervenant dans les acti-vités de développement dans le pays. Mais ceci n’empêche qu’on as-siste à l’accentuation systématique de l’état de dégradation générale du pays qui est, en quelque sorte, l’expression de son sous-développe-ment chronique. Comment sortir de cette situation tragique qui consti-tue une honte pour tous les secteurs de la société haïtienne ? La ré-ponse à cette question fera l’objet du septième et dernier chapitre de notre travail.

[196]

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Haïti : l’invasion des ONG

DEUXIÈME PARTIE

Chapitre VIIBILAN DES ACTIVITÉS

DES ONGDANS LE PAYS

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[199]

Le bilan des activités des ONG en Haïti, soulignons-le dès le dé-part, n’est pas différent de celui de l’expérience bilatérale et multilaté-rale. En effet, l’aide internationale à Haïti, sous toutes les formes dans lesquelles elle s’est manifestée depuis l’après-guerre (technique, en nature, en espèces, etc.) n’a pu empêcher l’accélération du processus de dégradation du pays. Et de nombreux chercheurs affirment que son bilan accuse un échec monumental 223. Il en est de même des activités des ONG dans le pays dont l’échec peut être observé facilement à tra-vers les résultats insignifiants qu’ont obtenus les projets de développe-ment intégré et les petits projets de développement communautaire.

LES PROJETSDE DÉVELOPPEMENT INTÉGRÉ

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Certaines ONG, en raison même du caractère multidimensionnel du développement, se sont lancées dans l’implantation et l’exécution de projets de développement intégré dans de nombreuses régions du pays. Ces projets qui touchent généralement l’éducation, la santé, l’agriculture, l’irrigation, la transformation et la commercialisation des produits, certains travaux d’infrastructures, etc., ont suscité bien des espoirs dans leurs zones d’implantation.

Ces projets, selon les ONG, sont non seulement destinés à amélio-rer plus ou moins sensiblement les conditions d’existence des popula-tions qu’ils touchent directement, mais aussi, par effet d’entraînement, celles des zones avoisinantes. Mais contrairement aux résultats es-

223 Cf. Pierre-Charles Gérard, L’Économie haïtienne et sa voie de développe-ment, Éditions G-P. Maisonneuve et Larose, Paris, 1967, pp.89-91 ; Bernar-din, Ernst A., L’Espace rural haïtien. Bilan de 40 ans d’exécution des pro-grammes nationaux et internationaux de développement (1950-1990). Édi-tions des Antilles S.A., Port-au-Prince, 1991, Chapitre IV.

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comptés, on constate généralement que même après de nombreuses années d’implantation d’un projet de [200] développement intégré dans une zone, la situation socioéconomique de la population qui en bénéficie directement ne cesse de se détériorer, avec comme consé-quences directes, l’exode rural, la bidonvillisation et l’émigration massive et illégale.

Seuls les employés des projets, qui sont généralement des citadins ou des paysans aisés ou moyens, en tirent profit. Ce qui renforce leurs privilèges et leur domination sur les membres des groupes de base et des démunis d’une façon générale.

Les projets de développement intégré, contrairement à ce qu’on pourrait croire, sont incapables d’améliorer la situation socio-écono-mique des populations directement touchées et ne peuvent avoir aucun effet d’entraînement pour la simple et bonne raison qu’ils ne s’ins-crivent pas dans une politique globale de développement national.

LES PETITS PROJETSDE DÉVELOPPEMENT

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Les petits projets de développement sont le fer de lance de la stra-tégie de développement communautaire utilisée par toutes les ONG, même si nombre d’entre elles, surtout celles des types III et IV, recon-naissent qu’ils ne peuvent en aucune façon contribuer au développe-ment du pays.

En effet, si les petits projets de développement permettent de ré-soudre de façon ponctuelle des problèmes locaux spécifiques, on doit par contre admettre qu’ils relèvent du coup par coup au lieu de s’ins-crire dans le cadre d’un programme de développement sinon national du moins régional. En ce sens, ils présentent généralement un défaut d’articulation et les cas de duplication sont monnaie courante.

En outre, si les ONG, dans leur ensemble et surtout celles des types III et IV, conçoivent les petits projets de développement comme des activités devant être prises en [201] charge par les communautés ru-rales en vue de renforcer leurs capacités économiques ainsi que leur

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autonomie, il n’en demeure pas moins vrai que le pouvoir d’achat des familles paysannes, même dans les aires directes d’implantation des projets, ne cesse de diminuer et que leur dépendance ne fait que se renforcer.

De plus, on observe au niveau de l’exécution de ces petits projets le développement d’un certain bureaucratisme tendant à reproduire le système d’exploitation mis en place par l’oligarchie et tant décrié par les ONG des types III et IV. Comme les projets de développement intégré, l’exécution des petits projets de développement nécessite l’utilisation des services de cadres moyens qui sont généralement des paysans moyens et aisés, alors que les véritables bénéficiaires de ces projets devraient être les petits paysans, les paysans sans terre, c’est-à-dire les démunis d’une façon générale.

Comme on a pu le constater, les petits projets de développement, à l’instar des projets de développement intégré d’ailleurs, ne sont que des activités contribuant à la survie des communautés rurales, sans pour autant parvenir à freiner le processus de dégradation de leur si-tuation socio-économique. Pour contribuer effectivement au dévelop-pement du pays, ils doivent être repensés et s’intégrer dans un projet global de développement national, avec au préalable des changements institutionnels et structurels en profondeur. Nous aurons à revenir là-dessus.

LES RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE

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Avant d’arriver à l’analyse et l’interprétation des données qui nous permettront de vérifier nos hypothèses, il convient de présenter le questionnaire, le procédé d’échantillonnage et les difficultés rencon-trées lors de sa mise à exécution.

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[202]

Le questionnaire

Il comporte dix-neuf questions et se divise en deux parties. La pre-mière comprend des questions relatives aux informations concernant strictement l’institution qui le reçoit, et la seconde porte sur les ré-flexions personnelles du membre de l’institution en ce qui a trait aux activités des ONG d’une manière générale.

Procédé d’échantillonnage

Pour rendre notre échantillon représentatif, nous avons tenu compte de deux critères fondamentaux dans la sélection des ONG auxquelles ont été soumis le questionnaire. Ces deux critères sont le type et la taille des ONG. En ce sens nous avons fait en sorte que notre échantillon couvre les ONG des quatre types 224 et qui sont, en fonction de leur capacité d’intervention sur le terrain et l’enveloppe financière dont elles disposent, considérées comme grandes, moyennes et petites.

Observations

Avant de réaliser l’enquête proprement dite, nous avons jugé né-cessaire d’effectuer un pré-test sur un échantillon de cinq ONG, en vue de déterminer les éventuelles difficultés que sa mise à exécution pourrait présenter. Ce travail a été fait au cours de la dernière semaine du mois de février 1994 et a conduit à une légère modification du questionnaire qui était excessivement long et à sa division en deux parties afin de faciliter son traitement sur ordinateur.

Le questionnaire a été distribué dans sa version finale à quarante-deux ONG pendant la première semaine du mois de mars. Nous avons 224 Voir p. 102.

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dû attendre la première semaine du mois de mai pour recueillir vingt-huit des quarante-deux questionnaires distribués, soit les 2/3.

[203]Pour obtenir ce maigre résultat, nous avons dû faire montre d’une

persuasion suave, d’une patiente impatience et parfois jouer à l’idiot pour éviter que les rapports enquêteur / enquêté ne se transforment en conflit ouvert.

Malgré notre appartenance au milieu ONG et l’extrême prudence dont nous avons fait preuve en accompagnant le questionnaire d’une lettre de notre directeur de thèse, une personnalité bien connue dans ce secteur, et donnant l’assurance formelle aux enquêtés que le nom de l’institution qu’ils dirigent ne sera pas cité dans le cadre de l’analyse ainsi que l’interprétation des informations qu’ils ont fournies, certains d’entre eux se sont montrés ouvertement hostiles, excessivement mé-fiants et, dans certains cas, grossiers et même vénaux.

Pour illustrer ce que nous venons d’avancer, nous citons les deux faits suivants parmi une dizaine d’autres qui sont souvent très humi-liants. Le responsable d’une ONG assistancielle nous a déclaré ouver-tement que la recherche ne l’intéresse pas, qu’il n’a pas de temps à perdre et que, si nous voulons faire une demande d’huile de cuisine, de céréales ou de détergents, il est inutile d’utiliser des moyens dé-tournés, il suffit de remplir un formulaire destiné à cet effet. Un autre responsable d’ONG nous a fait savoir que même si nous braquions une arme à feu sur lui, il n’accepterait pas de remplir le questionnaire. Nous lui avons répondu que nous ne sommes ni un attaché, ni un mili-taire mais un modeste chercheur, et nous lui avons demandé pourquoi il avait tenu ce langage martial à notre endroit ? Visiblement gêné, il a changé de ton pour nous demander quel profit il tirerait en acceptant de répondre à nos questions. Nous lui avons répondu, avec un calme imperturbable, que nous sommes sûr qu’il s’agit là d’une erreur de langage, car lorsqu’il parle de profit il ne fait nullement allusion à l’argent, mais qu’il voudrait sans doute avoir l’assurance qu’il contri-bue à faire progresser la recherche scientifique dans un milieu com-plètement hostile à ce genre d’activité. À ce moment il s’est ressaisi et a finalement accepté de [204] remplir le questionnaire, tout en nous félicitant pour notre « douce persuasion », selon sa propre expression.

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Les vingt-huit questionnaires recueillis sont donc le résultat de l’esprit de ténacité de l’enquêteur et de l’esprit de sacrifice inesti-mable des enquêtés.

Analyse et interprétation des données de l’enquête

L’analyse et l’interprétation des données se feront sous forme de tableaux et de graphiques assortis d’explications, afin de vérifier si nos réflexions sont conformes à la réalité et de permettre à tout un chacun de pouvoir constater, mathématiquement, si elles sont dé-pouillées ou non de toute subjectivité.

Tableau 1

Implantation ou fondation des ONG en Haïti

Années ONG

50-55 2

55-60 1

60-65

65-70 1

70-75 1

75-80 7

80-85 7

85-90 9

Total 28

Ce tableau permet de constater que pendant les périodes 1975-80, 1980-85, 1985-90, on a assisté à une prolifération des ONG en Haïti. Les raisons expliquant cette prolifération seront exposées plus loin.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 204

[205]

Le graphique suivant explicite davantage les données du tableau précédent.

Graphe I

Tableau 2

ONG reconnues et non reconnues légalement

ONG reconnues légalement 20

ONG non reconnues légalement 8

Total 28

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[206]

Représentation graphique de ce tableau

Graphe II

Notons que si les graphiques précédents montrent que 71% des ONG de notre échantillon bénéficient d’une reconnaissance légale, cela ne traduit pas pour autant la nature des relations État/ONG. Elles se sont fait reconnaître pour obtenir le statut légal et éviter d’avoir maille à partir avec les autorités gouvernementales, dont l’élan répres-sif est proverbial, pour jouir de certaines franchises douanières ou tout simplement parce que les agences de coopération bilatérales ou multi-latérales avec lesquelles elles collaborent le leur demandent. En outre,

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 206

il convient de souligner que sur quelques huit cents ONG évoluant en Haïti, seulement 146 sont légalement reconnues 225.

[207]

Tableau 3

ONG membres et non membresd’un regroupement d’ONG

ONG membres d’un regroupement 26

ONG non membres d’un regroupement 2

Total 28

225 HAVA (Association haïtienne des agences bénévoles), « Répertoire des Organisations non gouvernementales reconnues par l’État haïtien en 1993 ». En 1990, le Ministère de la Planification, de la Coopération externe et de la Fonction publique avait estimé ce nombre à 149.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 207

Représentation graphique

Graphe III

Les ONG membres d’un regroupement d’ONG affirment avoir ain-si plus de facilité à bénéficier d’échanges d’information, d’un partage d’expérience ainsi que d’une meilleure concertation et une meilleure coordination des actions sur le terrain.

Les ONG non membres d’un regroupement affirment n’avoir au-cune raison justifiant une telle attitude.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 208

[208]Tableau 4

ONG ayant ou non des projetsconjoints avec d’autres ONG

ONG ayant des projets conjoints 22

ONG n’ayant pas de projet conjoints 6

Total 28

Représentation graphiqueGraphe IV

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 209

Domaines de concertation entre les ONG

La concertation entre les ONG concerne surtout les échanges d’in-formation, la définition des priorités et, dans une moindre mesure, la planification et les échanges de ressources humaines.

[209]

Domaine d’intervention des ONG

Tableau 5

Pourcentages consacrés à la formation

En % ONG En % ONG

1-5 1 50-55 -

5-10 1 55-60 1

10-15 4 60-65 -

15-20 3 65-70 2

20-25 - 70-75 -

25-30 3 75-80 -

30-35 1 80-85 -

35-40 5 85-90 -

40-45 1 90-95 -

45-50 1 95-100 1

Ce tableau donne les pourcentages consacrés à la formation par vingt-quatre ONG à l’intérieur de leurs activités. Quatre des vingt-huit ONG de l’échantillonnage ne font pas de formation.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 210

[210]

Tableau 6

Recherche

En % ONG En % ONG

1- 5 8 50-55 -

5- 10 2 55-60 -

10- 15 1 60-65 -

15- 20 2 65-70 -

20- 25 3 70-75 -

25- 30 3 75-80 -

30- 35 1 80-85 -

35- 40 - 85-90 -

40- 45 - 90-95 -

45- 50 1 95-100 -

Total 21

Ce tableau montre l’intérêt que vingt-et-une ONG accordent à la recherche dans leurs activités. Sept des vingt-huit ONG de l’échan-tillonnage choisi ne font pas de recherche.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 211

[211]

Tableau 7

Appui technique

En % ONG En % ONG

1- 5 - 50-55 15- 10 4 55-60 -10- 15 1 60-65 -15- 20 5 65-70 -20- 25 2 70-75 125- 30 6 75-80 -30- 35 1 80-85 -35- 40 - 85-90 -40- 45 - 90-95 -45- 50 2 95-100 -

Cinq des ONG de notre échantillon ne s’adonnent pas à ce genre d’activité.

Soulignons, ici, que la formation s’exerce dans les domaines sui-vants :

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 212

[212]Tableau 8

Domaines de formation

ONG

Production 19Animation 21Conscientisation 23Organisation 24Le culturel 7La formation classique 11La formation professionnelle 12L’alphabétisation 12La santé 19Les droits humains 8La commercialisation 12La gestion et l’administration 23L’environnement 2Les activités sportives 1

Ce tableau nous renseigne sur les domaines dans lesquels les ONG exercent leurs activités de formation. Il convient de souligner que les ONG interviennent généralement dans plusieurs domaines à la fois.

b) La recherche s’exerce dans les domaines suivants :[213]

Tableau 9

Domaines de recherche

ONGSocial 14Économique 18Culturel 5Éducationnel 8Technologique 16

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 213

c) Les ONG fournissent un appui technique dans les domaines de :

Tableau 10

Domaines d’appui technique

ONGLa production 21La commercialisation 13La conservation des produits 11La conservation des sols 12La transformation 6des produits agricolesL’artisanat 8La programmation 2des activités de santéLa gestion des données 1La construction 1

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 214

[214]

Tableau 11

Répartition des activités des ONG dans le pays

En % P-au-P Villes de province Zones rurales

1- 5 6 7 -5- 10 1 3 -10- 15 - 1 115- 20 5 2 -20- 25 2 1 125- 30 1 3 230- 35 - - -35- 40 2 1 140- 45 - - -45- 50 1 - 150- 55 - - -55- 60 - - 160- 65 - - 265- 70 - - 170- 75 2 - -75- 80 - - 180- 85 1 - 485- 90 - - 190- 95 1 - 495 -100 1 - 3

Total 23 18 23

Il convient de souligner que certaines des vingt-huit ONG de l’échantillonnage affirment intervenir uniquement à Port-au-Prince et dans les zones avoisinantes ; d’autres, à Port-au-Prince et dans les villes de province ; alors que certaines d’entre elles n’interviennent que dans les zones rurales. Il y a également parmi elles de très puis-santes ONG intervenant dans les neuf départements géographiques du pays.

Les informations recueillies lors de l’enquête nous permettent de conclure, et ce, même si certaines ONG ont [215] catégoriquement refusé de localiser leurs zones d’intervention, que les Organisations non gouvernementales travaillent sur l’ensemble du territoire national.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 215

Il convient de souligner aussi que onze des vingt-huit ONG de notre échantillonnage disposent de succursales en province.

Tableau 12

Affection du budget des ONG

En % Salaires et fraisde fonctionnement

Activités dedéveloppement

1 - 5 - -5 -10 2 -10 -15 2 -15 -20 4 -20 -25 1 125 -30 5 130 -35 1 -35 -40 1 140 -45 1 -45 -50 1 -50 -55 1 155 -60 1 -60 -65 - 365 -70 - 470 -75 - 375 -80 - 380 -85 - 385 -90 - -90 -95 - -95 -100 - -

Total 20 20

Ce tableau nous permet de constater que les salaires et les frais de fonctionnement peuvent être très élevés au niveau de certaines ONG (55 à 60% du budget total dans certains cas), tandis que 20 à 25% de ce budget est parfois [216] affecté aux activités de développement proprement dites.

Il est à souligner que huit ONG se sont abstenues de répondre à cette question.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 216

Auto-évaluation des activités des ONG

Dans la deuxième partie du questionnaire, nous avons cherché à recueillir l’opinion des responsables d’ONG sur les activités de ce secteur dans le pays. En d’autres termes, nous leur avons demandé de faire une évaluation critique de leur travail sur le terrain et de formuler des propositions pour son amélioration, afin qu’il constitue une contri-bution effective au développement du pays. Nous allons donc présen-ter les résultats de cette partie du questionnaire.

[217]

Tableau 13

Domaines dans lesquels les ONG contribuentle plus au développement du pays

Domaines ONG

Social 5Éducation 14Nutrition 1Santé 15Environnement 1Conscientisation 7Organisation 5Droits humains 1Petits projets de développement 3Formation 3Éducation civique 1Animation 1Alphabétisation 1Recherche 2Agriculture 2Infrastructures rurales 1Dans aucun domaine 2

Le tableau 13 présente les domaines dans lesquels les responsables d’ONG estiment que celles-ci contribuent au développement du pays. On notera que la santé et l’éducation occupent le premier plan et que deux ONG estiment que ces organisations ne contribuent au dévelop-

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 217

pement du pays dans aucun domaine. Une des vingt-huit ONG de l’échantillonnage s’est abstenue de donner son opinion.

[218]

Tableau 14

Domaines dans lesquels les ONG contribuentle moins au développement du pays

Domaines ONG

Environnement 8Macro-économie 9Culture 3Auto-développement(autonomie des groupes de base)

2

Production 3Éducation civique 1Recherche 1Domaine assistanciel(aide alimentaire)

2

Ce tableau présente les domaines dans lesquels les responsables d’ONG estiment que celles-ci contribuent le moins au développement du pays. Quatre responsables d’ONG n’ont pas accepté de répondre à cette question.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 218

[219]

Tableau 15

Évaluation de l’action des ONG

Bon

ne

Moy

enne

Mau

vais

e

Abs

tent

ion

Développement économique et social 1 18 8 1

Survie des secteurs défavorisés 11 13 4 -

Gain d’autonomie des secteurs défavorisés 1 10 15 2

Stabilité et durabilité des projets - 14 12 2

Intégration des projets 2 11 14 1

Types de financement

Dans leur grande majorité, les responsables d’ONG reconnaissent qu’il existe trois types de financement :

1° par projet2° par programme3° et celui destiné au renforcement institutionnel.

Le financement par programme, selon les responsables d’ONG, est difficile à obtenir, mais il permet une meilleure planification et articu-lation des activités sur le terrain ; le financement par projet permet de faire face à des besoins ponctuels et facilite l’évaluation. Il est plus facile à obtenir mais pose un sérieux problème d’articulation ; le fi-nancement institutionnel renforce la capacité d’intervention des ONG mais développe le bureaucratisme.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 219

[220]

Tableau 16

Expériences de concertation, de planification et decoordination des activités sur le terrain

Positives Négatives Abstention

17 4 7

Onze responsables d’ONG estiment qu’elles doivent être renfor-cées ; un autre affirme qu’elles engendrent des problèmes idéolo-giques ; un autre y relève l’absence d’une approche pluraliste, respec-tueuse des différences et un manque de formalisation des rapports. Pour trois autres responsables d’ONG, ces expériences relèvent une tendance hégémonique chez certaines ONG, un défaut de structuration et une gestion sectaire : ils voient dans ces expériences la mauvaise exécution d’une bonne idée.

Tableau 17

Impact du travail des ONG(selon les responsables des institutions

faisant partie de notre échantillon)

Positif Neutre Négatif Abstention

L’environnement 8 14 3 3

L’agriculture 11 11 2 4

La santé 23 2 2 1

L’éducation 19 3 3 3

La création d’emploi 10 10 5 3

Dans ce tableau, l’impact du travail des ONG sur la création d’em-plois est jugé positif pour les cadres ; neutre, parce qu’il ne peut pas diminuer le chômage chronique qui affecte l’ensemble de la popula-tion active du pays ; et négatif pour les démunis qui ne bénéficient que de sous-emplois.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 220

[221]

Tableau 18

Impact des activités des ONG

Freinage Accélération Aucun impact

L’exode rural 14 5 9

La bidonvillisation 9 7 12

L’émigration 11 2 15

Tableau 19

Conception des rapports entre les ONG et la population(selon les responsables d’ONG)

Partenariat 23Assistance 5

Vingt-trois responsables d’ONG interviewés estiment que les rela-tions ONG/population devraient être des relations de partenariat, tan-dis que les cinq autres affirment qu’elles doivent demeurer des rela-tions d’assistance.

Les vingt-huit responsables d’ONG interviewés estiment que la population perçoit ses rapports avec les ONG comme des rapports as-sistanciels.

[222]

Tableau 20

Activités des ONG pour réduireleur dépendance financière

ONG

Rien 19Diversification de leurs bailleurs de fonds 4Vente de services 5

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 221

Tableau 21

Exigences d’une politique globale de développement en Haïti(selon les responsables d’ONG)

Établissement d’un État de droit, d’un État responsable 25Partenariat — État//société civile (ONG) 21Élaboration et exécution d’un projet global de développement écono-mique et social

15

Organisation et renforcement de la société civile 3Établissement d’un État fort et progressiste 1Flexibilité et souplesse de la communauté internationale 1Acceptation de la compétition internationale 1Encouragement de l’investissement privé 1Promotion de l’éducation civique 1Privilégier la formation professionnelle 2Abstention 1

[223]

Tableau 22

Les grandes agences internationales répondent-ellesaux exigences d’une politique globale de

développement en Haïti ?

La réponse des responsables d’ONG à cette question se résume ainsi :

ONG

Oui 5

Non 19

En partie 2

Abstention 2

Concernant les facteurs de blocage existant à ce niveau, quinze responsables d’ONG affirment que la vision et la politique de déve-loppement de ces agences ne correspondent pas aux intérêts du pays ; huit autres estiment que ces agences appliquent pour Haïti des for-mules générales qui ne prennent pas en compte les particularités de l’économie et de la société haïtiennes. Il y en a un qui affirme que le

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 222

principal facteur de blocage à ce niveau est la démission de l’État ; cinq responsables d’ONG n’ont pas voulu répondre à cette question.

[224]Tableau 23

L’état répond-il aux exigences d’une politique globalede développement en Haïti ?

Les responsables d’ONG répondent de la manière suivante à cette question :

ONG

Oui 1

Non 25

En partie 1

Abstention 1

Tableau 24

Facteurs de blocage

ONG

La corruption 3La routine 2Manque de préparation des responsables 3Démission de l’État 5Manque de stabilité politique 5Pauvreté de l’État 1Archaïsme et parti pris de l’État 3Caractère répressif et anti-national de l’État 9La nature de l’État 5Faiblesse de l’ensemble des secteurs de la société 1Dépendance de l’État 1Manque d’organisation de la société civile 1Abstention 3

Il est à souligner qu’un seul et même responsable d’ONG peut énu-mérer plusieurs facteurs de blocage.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 223

[225]

Tableau 25

Les ONG répondent-elles aux exigencesd’une politique globale de développement en Haïti ?

Le tableau suivant présente la réponse des responsables d’ONG :

ONG

Oui 4Non 17En partie 6Abstention 1

Tableau 26

Facteurs de blocage

ONG

Manque de moyens 1Absence d’un projet national de développement 4Absence d’un partenariat secteur public/secteur privé/ONG 3Leur existence et leur développement dépendent de l’aggrava-tion de la situation

5

Les difficultés du milieu 1L’État est le principal obstacle 1Instabilité politique 2L’action néfaste de puissantes ONG 3Manque de créativité 1Reproduction des pratiques de l’État 1Abstention 6

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 224

[226]

Tableau 27

Rapport ONG/État

ONG

Méfiance réciproque 13

Volonté manifeste de l’État de contrôler les fonds alloués aux ONG 7

Rapports d’hostilité 4

Compétition pour le partage de l’aide 1

Rapports harmonieux entre les ONG partageant sa ligne politique 3

Ignorance réciproque 4

Rapports harmonieux 2

Un même responsable réponses à cette question.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 225

[227]

Tableau 28.

Facteurs de blocage

ONG

Absence d’un État réel 6

Esprit de compétition entre eux 12

La nature même de l’État 3

La nature des ONG 2

Instabilité politique 1

Manque de dialogue 4

Attitude irresponsable de l’État 1

Manque de sentiment national chez certains responsables d’ONG 1

Aucun 1

Abstention 3

Un responsable d’ONG peut donner plusieurs réponses à cette question.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 226

[228]

Tableau 29

Qu’est-ce que l’État peut faire pour faciliteret rendre plus efficace le travail des ONG ?

Réponses des responsables d’ONG :

ONG

Mise en place des structures de partenariat avec les ONG 9Promulgation d’une législation appropriée sur le fonctionnement des ONG

7

Transformation de l’État 7Garantir la stabilité 1De par sa nature, il ne peut rien faire 2Respecter la Constitution 3Redéfinition globale du rôle de tous les secteurs de la vie nationale 3Encadrer les ONG 2Élaborer un programme national de développement et déterminer le rôle des ONG dans son exécution

6

Abstention 3

Notons qu’un responsable d’ONG peut donner plusieurs réponses à cette question.

[229]

Tableau 30

Rôle des ONG dans la politiquede développement de l’État

(selon les responsables d’ONG)

ONG

Élaboration de cette politique 20Partenaire dans l’exécution de cette politique 27Abstention 1

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 227

Vérification des hypothèses

Comme hypothèse principale, nous avons affirmé que « les activi-tés des ONG sur le terrain s’avèrent inadaptées aux exigences de la lutte pour le développement ». L’analyse et l’interprétation des don-nées de l’enquête révèlent qu’un seul responsable d’ONG sur vingt-huit estime que l’action de ces institutions sur le terrain en termes de développement économique et social est bonne 226. Ce qui confirme notre hypothèse principale.

Selon la première de nos deux hypothèses secondaires, « la concer-tation, la planification et la coordination entre elles (Inter-ONG) sont indispensables pour le travail des ONG ». Notre enquête révèle que vingt-six des vingt-huit ONG de l’échantillon sont membres d’un re-groupement d’ONG, et les responsables de ces ONG sont unanimes à reconnaître que « cela permet d’effectuer des échanges d’information, un partage d’expérience ainsi qu’une meilleure concertation et coor-dination des activités sur le terrain. » 227 La première hypothèse secon-daire est donc confirmée.

[230]D’après la deuxième hypothèse secondaire, « seule l’intégration

des activités des ONG dans une politique globale conçue et appuyée par l’État leur permettra d’avoir un impact positif sur le développe-ment du pays. » Les résultats de l’enquête 228 montrent que vingt-cinq responsables ONG sur vingt-huit posent comme exigence d’une poli-tique globale de développement en Haïti, l’établissement d’un État de droit, d’un État responsable ; vingt-et-un de ces responsables d’ONG proposent un partenariat État/société civile (ONG) ; et quinze d’entre eux estiment que l’élaboration et l’exécution d’un projet global de dé-veloppement économique et social est l’une de ces exigences. Ën outre, vingt responsables d’ONG sur vingt-huit affirment que celles-ci ont un rôle à jouer dans l’élaboration de la politique de développe-ment de l’État et vingt-sept d’entre eux sont d’avis que les ONG

226 Voir le Tableau 15, p. 182.227 Voir le Tableau 3, p. 174, et le Graphe III, p. 175.228 Voir le Tableau 21, p. 185.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 228

peuvent être partenaires dans l’exécution d’une telle politique 229. Donc la seconde hypothèse secondaire est confirmée, certes avec des nuances, car elle n’a pas fait mention de la participation de la popula-tion, ce qui nous oblige à faire des considérations et des recommanda-tions dans la conclusion finale du travail.

[231][232]

229 Voir le Tableau 30, p. 190.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 229

[233]

Haïti : l’invasion des ONG

CONCLUSION

Retour à la table des matières

[234]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 230

[235]

Comme on a pu le constater à travers les différents chapitres de ce travail, les Organisations non gouvernementales (ONG), de par leur nombre 230, la part très substantielle de l’aide à Haïti passant par leur canal 231 le fait qu’elles interviennent sur l’ensemble du territoire natio-nal et cela dans presque tous les domaines 232, constituent un secteur dont la participation est indispensable à toute initiative visant à trans-former, de façon radicale, les structures économico-socio-politiques du pays, à la fois archaïques et génératrices de misère et de violence politique donnant lieu à un phénomène de désespoir collectif affectant l’ensemble des secteurs de notre société. Cependant, en dépit de ses puissants moyens financiers et logistiques, et des nombreuses res-sources humaines dont il dispose, le secteur ONG a ses faiblesses. Il convient de souligner que ce secteur ne constitue pas un bloc monoli-thique ayant une vision commune du développement du pays, une même attitude dans ses relations avec les agences bilatérales et multi-latérales, et les bailleurs de fonds, d’une façon générale.

En outre, dans leurs activités sur le terrain, les ONG procèdent gé-néralement au coup par coup et, malgré un certain effort de concerta-tion et de coordination, n’arrivent pas à éviter la duplication. Il convient de souligner aussi que les projets ONG de développement présentent un grave défaut d’articulation, du fait qu’ils ne sont pas intégrés dans une politique globale de développement national.

Certaines ONG, en fonction du type auquel elles appartiennent 233, entreprennent sur le terrain des activités qui pourraient être qualifiées d’« anti-développement ». Ces [236] ONG qui sont le fer de lance de la politique néo-libérale de certains gouvernements occidentaux visant à affaiblir l’État dans les pays du Sud, travaillent au renforcement de la dépendance du pays par rapport aux grands pays capitalistes. Les conditions infra-humaines dans lesquelles vivent les populations défa-vorisées justifient leurs activités assistancielles, caritatives. Les puis-

230 Voir p. 164231 Voir p. 176.232 Voir pp. 169-170.233 Voir pp. 164-165.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 231

sants moyens dont elles disposent et qui proviennent presque exclusi-vement d’agences bilatérales et parfois multilatérales, font d’elles de véritables États dans l’État. Elles n’ont, de ce fait, aucun intérêt dans la construction d’un État responsable capable de concevoir et d’exécu-ter, en collaboration avec l’ensemble des secteurs de notre société, une politique globale de développement susceptible de freiner la progres-sion géométrique du sous-développement chronique dont souffre le pays, d’améliorer les conditions d’existence de l’immense majorité des Haïtiens et de rendre l’avenir moins cauchemardesque pour notre jeunesse. Pour se rendre compte des actions néfastes de ces puissantes ONG, on n’a qu’à considérer l’impact très négatif de la distribution massive de l’aide alimentaire sur la production nationale et sur nos habitudes alimentaires.

Les ONG effectivement intéressées au développement du pays ne sont pas très nombreuses et disposent en général de très peu de moyens pour matérialiser leurs bonnes intentions. Ces ONG ont réali-sé un très bon travail au niveau des groupes de base en termes de for-mation, d’organisation, de conscientisation et surtout en matière de défense des Droits de l’homme. Mais on doit reconnaître que si en théorie ces ONG diffèrent des précédentes, dans la pratique leurs acti-vités sont presque identiques à celles de la catégorie antérieure.

Les considérations que nous venons de faire montrent toute la complexité du secteur ONG et nous devons admettre que les Organi-sations non gouvernementales constituent une arme à double tran-chant. Et les résultats de l’enquête ont révélé que même les respon-sables d’ONG sont d’avis que les activités de leurs institutions [237] ont très peu d’effet dans le domaine macro-économique et, de ce fait, ne peuvent contribuer au développement socio-économique du pays 234. Donc malgré les puissants moyens dont disposent l’ensemble des ONG, celles-ci ne font que contribuer à la survie des secteurs dé-favorisés sans pouvoir arrêter le processus de dégradation du pays qui semble être de plus en plus irréversible. Et comme l’un de nos objec-tifs secondaires a été de faire une évaluation critique du travail des ONG dans le pays et de faire des propositions pour son amélioration, nous nous croyons obligé de faire les recommandations suivantes :

234 Voir les tableaux XIII et XIV des pp.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 232

1) Les ONG devraient se regrouper de la manière suivante : celles des types I et II d’un côté, et celles des types III et IV de l’autre ; ce qui donnerait lieu à deux grands regroupements d’ONG. À l’intérieur de chaque regroupement, les ONG devraient se concerter pour mieux planifier et coordonner leurs activités sur le terrain. Mais il devrait exister un canal de communication entre les deux regroupements afin d’entrer en pourparlers avec les responsables du nouvel État à construire, sur la base d’un dialogue franc, en vue d’aboutir à l’élabo-ration et la promulgation d’une législation appropriée sur le fonction-nement des ONG. Les ONG intervenant dans une même région de-vraient pouvoir établir des canaux de communication entre elles afin d’éviter toute duplication.

Ces nuances peuvent paraître superflues pour les profanes, mais pour ceux qui connaissent bien le secteur ONG, elles sont d’une im-portance capitale, car elles permettraient d’éviter des conflits idéolo-giques et même politiques 235, étant donné que chaque type d’ONG est porteur d’un projet social et même politique.

2) Les ONG luttant pour l’établissement d’un État de droit, d’un État démocratique et responsable, devraient systématiser leur travail de structuration et de renforcement de la société civile afin de débou-cher sur un processus d’institutionnalisation démocratique devant créer les conditions nécessaires pour un partenariat État/société civile (ONG) ; car pour avoir un impact positif [238] sur le développement du pays, les ONG doivent intégrer leurs activités dans une politique globale conçue et appuyée par l’État, qui ne peut atteindre ses objec-tifs sans la participation active de la population. Cette entreprise auda-cieuse pourrait même bénéficier de l’aval de certaines agences bilaté-rales et multilatérales de coopération.

Cette proposition peut paraître utopique à première vue, mais elle est le fruit de trois constatations qui ont consacré la fin des dogmes :

235 Voir p.194

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 233

1° l’échec du Tout-État à l’Est ;2° l’échec du néo-libéralisme à l’Ouest, qui a conduit à la politique

de réhabilitation de l’État de l’actuelle administration améri-caine, surtout dans le domaine de la santé ;

3° et le succès incroyable de « l’économie socialiste de marché » en Chine, avec des taux de croissance annuelle de 9.7% 236.

Si la proposition en soi n’est pas chimérique, par contre son appli-cation peut se heurter à des obstacles presque insurmontables, du fait que les dirigeants des grands pays capitalistes ont des œillères et continuent d’agir avec les vieux réflexes de la Guerre froide, et ne re-connaissent même pas aux pays du Sud le droit de choisir leur poli-tique de développement économique et social. La situation est beau-coup plus compliquée pour nous autres Haïtiens, car, comme le dit si bien le vieil adage mexicain, nous sommes si loin du ciel et si près des États-Unis. D’autre part, la mise sous tutelle internationale du pays semble être de plus en plus inévitable.

Les considérations antérieures, malgré leur évidence, loin de nous porter à nous croiser les bras, doivent renforcer notre détermination à entamer la guerre contre le sous-développement, dans laquelle les Or-ganisations non gouvernementales peuvent être d’un apport considé-rable, à condition qu’elles fassent preuve d’audace, d’imagination et de créativité.

[239]Puisse cette étude contribuer à une réelle prise de conscience de

l’ampleur et de la gravité du drame haïtien et montrer la nécessité d’un partenariat État 237/société civile, dans lequel les ONG auront à jouer un rôle très important, pour engager le pays dans un processus de développement. Ce qui nous permettra de faire face aux problèmes

236 Selon le rapport de la Banque mondiale de 1991, le taux de croissance an-nuelle de la Chine était estimé à 9,7% entre 1980 et 1989, et continue d’aug-menter de façon impressionnante.

237 Voir p. 230.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 234

de la faim, de la santé, de l’éducation et de la dégradation de l’envi-ronnement affectant l’immense majorité des habitants du pays et qui constituent une honte pour l’ensemble des secteurs de notre société.

[240]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 235

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Haïti : l’invasion des ONG

ANNEXES

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 236

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Haïti : l’invasion des ONG

Annexe IÉVOLUTION DES

INDICATEURS ÉCONOMIQUES— COMPTE DU PRODUIT

INTÉRIEUR BRUT

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 237

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Tableau 1

Évolution des indicateurs économiques — Compte du produit intérieur brutEn millions de gourdes constantes 1975/76

1979/80 1980/81 1981/82 1982/83 1983/84 1984/85 1985/86 1986/87 1987/88 1988/89 1989/90(t) (tt) (tt) (tt) (&)

PIB 5 349.00 5 196.00 5 018.00 5 056.00 5 084.00 5 134.00 5 135.00 5 122.00 5 109.00 5 137.00 5 186.83

Importations 2 182.00 2 210.00 1 960.00 1 850.00 2 051.00 2 051.00 1 769.00 1 793.00 1 799.00 1 569.00 1 528.83

Consommation 5 161.00 5 116.00 4 555.00 4 583.00 4 684.00 4 715.00 4 807.00 4 843.00 4 929.00 4 753.00 4 749.20

Investissement 934.00 941.00 877.00 924.00 967.00 1 078.00 987.00 969.00 955.00 918.00 934.25

Exportations 1 436.00 1 349.00 1 546.00 1 399.00 1 352.00 1 342.00 1 110.00 1 103.00 1 024.00 1 035.00 1 040.90

Épargne interne 188.00 80.00 463.00 473.00 400.00 419 00 328.00 279.00 180.00 384.00 437.63

Épargne externe -746.00 -861.00 -414.00 -451.00 -699.00 -709.00 -659.00 -690.00 -775.00 -534.00 -487.93

Population (000 hab.) 4 902 4 977 5 053 5 132 5 211 5 291 5 427 5 535 5 638 5 743 5 865

PIB per capta 1 091 1 044.00 993.07 985.19 975.63 970.33 946.19 925.38 906.17 894.48 884.37

Sources : IRSI, MPCELégende : (t) : Provisoires (tt) : Estimations (&) : Projections

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 238

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Tableau 2

Produit intérieur brut selon son originePrix constant — En millions de gourdes 1975/76

Branche d’activité 79/80 80/81 81/82 82/83 83/54 84/85 85/6 86/87 87/88 88/89(t) (tt) (tt) (tt) (tt)

Secteur primaire 1 789.80 1 755.33 1 697.51 1 571.61 1 626.32 1 636.65 1 675.62 1 680.14 1 664.4l 1 638.70Agriculture 1 444.00 1 414.74 1 396.22 1 331.46 1 381.24 1 387.03 1 422.79 1 419-00 1 392.68 1 364.46Sylviculture, pêche, élevage 279.07 283.63 230.80 235.41 240.12 243.73 247.50 255.82 266.42 268.86Industries extractives 66.73 56.97 70.49 4.72 4.96 5 88 5.32 5.32 5.32 5.46Secteur secondaire 1 300.79 1 192.23 1 152.00 1 215.541 1 171.38 1 185.52 1 169.80 1 147.51 1 150.21 1 169.04Industries manufacturières 976.63 855.71 842.01 887.71 836.05 812.14 815.27 783.15 776.75 789.92Produits alimentaires 287.25 286.70 247.84 312.82 272.90 283-30 287.23 241.46 238.33 247.19Boissons 21.61 20.29 20.64 22.68 20.93 20.69 17.18 22.40 23.38 25.92Industries du tabac 38.90 36.97 34.19 33-08 32.29 27.86 29.87 28.72 33.27 33.27Textile, habillement, cuir 134.04 124.80 117.41 122.97 120.39 117.94 118.59 112.81 107.76 107.76Produits chimiques, caoutchouc 98.48 54.11 66.25 63.82 51.34 26.56 33-69 43-73 45.77 60.36Produits minéraux, non métalliques 36.02 36.06 30.88 32.95 35.24 40.85 36.95 37.40 39.59 39.71Transformations métaux 230.42 197.80 201.97 178.19 173.28 182.80 191.35 191.17 183.20 175.43Produits industriels divers 129.90 98.98 113.85 121.20 129.68 112.15 99.42 105.46 105.46 100.28Électricité et eau 35.83 38.03 40.53 42.05 44.55 45.73 46.62 49.49 53.78 55.70Bâtiments et travaux publics 288.34 298.49 269.46 285.78 290.78 327.65 307.92 314.87 319.69 323.42

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 239

[247]

Tableau 2 (suite)

Branche d'activité 79/80 80/81 81/82 82/83 83/84 84/85 85/86 86/87 87/88 88/89(t) (tt) (tt) (tt)

Secteur tertiaire 2 023.64 2 013.59 1 958.23 2 023.99 2 044.09 2 057.50 2 087.70 2 071.85 2 074.53 2 097 30Commerce 962.71 904.01 863.63 906.45 876.76 885.15 888.74 870.59 867.99 865 62Restaurants, hôtels 35.17 31.83 31.98 30.98 27.59 28.83 23.38 28.94 25.86 20.54Transports et communications 98.85 103.13 97.17 105.74 91.97 84.90 88.29 98.90 104.81 108.22Institutions financières 13.42 14.22 14.53 15.94 15.79 9.18 10.07 5.70 5.83 5.33Affaires immobilières 249.62 259.18 258.93 263.84 268.93 274.21 279.58 285.06 290.65 292.46Services à la collectivité 148.64 167,13 143.32 160.65 188.07 194.75 202.03 177.34 176.09 176.77Services non marchands 515.23 539.08 548.69 540.40 574.99 580.48 595.60 605.32 605.32 628.36PIB au coût des facteurs 5 114.23 4 961.15 4 807.73 4 811.14 4 841.79 4 879.66 4 933.12 4 899.50 4 889.16 4 905.12Impôts et taxes à l’importation 234.40 234.89 210.45 245.00 229 66 204.33 201.46 222.12 220.00 232.00PIB au prix du marché 5 348.63 5 196.04 5 081.18 5 056.14 5 071.45 5 083.99 5 134.58 5 121.65 5 109.54 5 137.12Taux de croissance (%) 7.35 -2.85 -3.42 0.76 0.30 0.25 1.00 -0.25 -0.24 0.54Population estimée (000 hab.) 4 902 4 977 5 053 5 132 5 211 5 292 5 427 5 535 5 638 5 743PIB per capita 1 091 1 044 993 985 973 961 946 925 906 894Taux de croissance du PIB per capita (%) 7.75 -4.33 -4.87 -0.79 -1.22 -1.27 -1.55 -2.19 -2.06 -1.30

Janvier 1990Sources : IRSI, DPMPCEFP Légende : (t) : Provisoires (tt) : Estimations (&) : Projections

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 240

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Tableau 3

Produit intérieur brut selon son origine — Structure (%)

Branche d'activité 79/80 80/81 81/82 82/83 83/84 84/85 85/86 86/87 87/88 88/89(t) (t) (tt) (tt) (tt)

Secteur primaire 33.46 33.78 33.83 31.08 32.07 32.19 32.63 32.80 32.57 31.90Agriculture 27.00 27.23 27.82 26.33 27.24 27.28 27.71 27.71 27.26 26.56Sylviculture, pêche, élevage 5.22 5.46 4.60 4.66 4.73 4.79 4.82 4.99 5.21 573,Industries extractives 1.25 1.10 1.40 0.09 0.10 0.12 0.10 0.10 0.10 0.11Secteur secondaire 24.32 22.95 22.96 24.04 23.10 23.32 22.78 22.41 22.51 22.76Industries manufacturières 18.26 16.47 16.78 17.56 16.49 15.97 15.88 15.29 15.20 15.38Produits alimentaires 5.37 5.52 4.94 6.19 5.38 5.57 5.59 4.71 4.66 4.81Boissons 0.40 0.39 0.41 0.45 0.41 0.41 0.33 0.44 0.46 0.50Industries du tabac 0.73 0.71 0.68 0.65 0.64 0.55 0 58 0.56 0.65 0.65Textile, habillement, cuir 2.51 2.40 2.34 2.43 2.37 2.32 2.31 2.20 2.11 2.10Produits chimiques, caoutchouc 9.03 5.18 6.67 6.48 5.28 2.76 3.56 4.73 0.90 1.17Produits minéraux, non métalliques 0.67 0.69 0.62 0.65 0.69 0.80 0.72 0.73 0.77 0.77Transformations métaux 4.31 3.81 4.02 3.52 3.42 3.60 3.73 3.73 3.59 3.41Produits industriels divers 2.43 190 2.21 2.40 2.56 2.21 194 2.06 2.06 1.95Électricité et eau 0.67 0.73 0.81 0.83 0.88 0.90 0.91 0.97 1.05 1.08Bâtiments et travaux publics 5.39 5.74 5.37 5.65 5.73 6.44 6.00 6.15 6.26 6.30

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 241

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Tableau 3 (suite)

Branche d'activité 79/80 80/81 81/82 82/83 83/84 84/85 85/86 86/87 87/88 88/89(t) (t) (tt) (tt) (tt)

Secteur tertiaire 37.83. 38.75 39.02 40.03 40.31 40.47 40.66 40.45 40.60 40.83Commerce 18.00 17.40 17.21 17.93 17.29 17.41 17.31 17.00 16.99

Restaurants, hôtels 0.66 0.61 0.64 0.61 0.54 0.57 0.46 0.57 0.47 0.40

Transports et communications 1.85 1.98 1.94 2.09 1.81 1.67 1.72 1.93 2.05 2.11

Institutions financières 1.23 1.36 1.46 1.62 1.62 0.96 1.06 0.62 0.11 0.10

Affaires immobilières 4.67 4.89 5.16 5.22 5.30 5.39 5.45 5.57 5.69 5.69

Services à la collectivité 2.78 3.22 2.86 3.18 3.71 3.83 3.93 3.46 3.45 3.44

Services non marchands 9.63 10.37 10.93 10.69 11.34 11.42 11.60 11.82 11.85 12.23

PIB au coût des facteurs 95.62 95.48 95.81 95.15 95.47 95.98 96.08 95.66 95.69 95.48

Impôts et taxes à l’importation 4.38 4.52 4.19 4.85 4.53 4.02 3.92 3.34 4.31 4.52PIB au prix du marché 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00

Légende : (t) : Provisoires (tt) : Estimations

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 242

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Tableau 4

Produit intérieur brut selon son origine — En variation annuelle (%)

Branche d'activité 79/80 80/81 81/82 82/83 83/84 84/85 85/86 86/87 87/88 88/89(t) (t) (tt) (tt) (tt)

Secteur primaire 0.74 -1.93 -3.29 -7.42 3.48 0.63 2.38 0.27 -0.94 -1.54Agriculture 0.74 -2.03 -1.31 -4.64 3.74 0.42 2.58 -0.27 -1.85 -2.03

Sylviculture, pêche, élevage 1.83 1.63 -18.36 2.00 2.00 1.50 1.55 3.36 4.14 0.92

Industries extractives -3.46 -14.62 23.73 -93.30 5.13 18.50 -9.52 0 00 0.00 2.71

Secteur secondaire 11.70 -8.35 -3.37 5.52 -3.63 1.21 -1.33 -1.91 0.24 1.64

Industries manufacturières 14.78 -12.38 -1.60 5.43 -5.82 -2.86 0.39 -3.94 -0.82 1.70

Produits alimentaires 68.02 -0.19 -13.56 26.22 -12.76 3.81 1.39 -15.94 1.30 3.72

Boissons -6.60 -6.11 1.72 9.88 -7.73 -1.14 -16.97 30.41 4.36 10.90

Industries du tabac 10.41 -4.97 -7.53 -3.23 -2.39 -13.72 7.21 -3.84 15.81 0.01

Textile, habillement, cuir 7.96 -6.90 -5.92 473 -2.09 -2.04 0.55 -4.87 -4.48 0.00

Produits chimiques, caoutchouc 50.98 -45.06 22.42 -3.66 -19.56 -48.28 26.87 29.80 4.66 31.88

Produits minéraux, non métalliques 2.12 0.11 -14.37 6.71 6.96 15.89 -9.54 1.22 5.86 0.30

Transformation métaux -16.46 -14.16 2.11 -11.77 -2.75 5.49 4.68 -0.09 -4.17 4.24

Produits industriels divers 7.28 -23.80 15.02 6.45 7.00 -13.52 -11.35 6.08 0.00 -4.92

Électricité et eau 7.72 6.15 6.56 3.75 5.95 2.65 1.94 6.16 8.67 1.04Bâtiments et travaux publics 2.85 3.52 -9.73 6.06 1.75 12.68 -6.02 2.26 1.53 1.71

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 243

[251]

Tableau 4 (suite)

Branche d'activité 79/80 80/81 81/82 82/83 83/84 84/85 85/86 86/87 87/88 88/89(t) (t) (tt) (tt) (tt)

Secteur tertiaire 9.81 -0.50 -2.75 3.36 0.99 0.66 1.47 -0.76 0.13 1.10Commerce 10.74 -6.10 -4.47 4.96 -3.28 0.96 0.41 -2.04 -0.30 -0.27

Restaurants, hôtels 0.17 -9.48 035. -3.13 -10.93 4.51 -18.90 23.77 -17.56 -13.90

Transports et communications -18.92 4.33 -5.78 8.82 -13.02 -7.69 4.00 12.02 5.97 3.26

Institutions financières -4.06 5.97 2.17 9.75 0.93 -41.90 9.75 -43.44 2.25 0.91

Affaires immobilières 1.82 1.83 1.87 1.90 1.93 1.96 1.96. 1.96 1.96 0.62

Services à la collectivité 3.46 12.44 -14.25 12.09 17.07 3.56 3.74 -12.22 -0.70 0.39

Services non marchands 24.55 4.63 1.78 -1.51 6.40 0.95 2.61 1.63 0.00 3.81

PIB au coût des facteurs 6.90 -2.99 -3.09 0.07 0.64 0.78 1.10 -0.68 -0.21 0.33

Impôts et taxes à l'importation 18.76 0.21 -10.49 16.42 -6.26 -11.03 -1.40 10.25 -0.95 1.07PIB au prix du marché 7.37 -2.85 -3.42 0.76 0 30 0.25 1.00 -0.25 -0.24 0.54

Légende : (t) : Provisoires (tt) : Estimations

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 244

[252]Tableau 5

Évolution du produit intérieur brut pour les exercices 1989/90 et 1990/91Projections

En millions de gourdes 1975/76 Structure En variation annuelle (%)

Période

Branche d'activité

88/89 89/90 90/91 88/89 89/90 90/91 88/89 89/90 90/91 80/89 89/91(&) (&) (%) (%) (%) (%) (%) (%) (%) (%)

Secteur primaire 1 638.78 1 647.71 1 663.71 31.90 31.77 31.61 -1.54 0.54 0.97 -0.97 0.76Agriculture 1 364.46 1 371.01 1 384.72 26.56 26.43 26.31 -2.03 0.48 1.00 -0.63 0.74Sylviculture, pêche, élevage 268.86 271.12 273.29 5.23 5.23 5.19 0.92 0.84 0.80 -0.41 0.82Industries extractives 5.46 5.59 5.71 0.11 0.11 0.11 2.71 2.23 2.23 -24.27 2.23Secteur secondaire 1 169.04 1 187.44 1 219.00 22.76 22.89 23.16 1.64 1.57 2.66 -1.18 2.11

0.00 0.00 0.00Industries manufacturières 789.92 797.45 816.93 15.38 15.37 15.52 1.70 0.95 2.44 -2.33 1.70Produits alimentaires 247.19 252.13 259.70 4.81 4.86 4.93 3.72 2.00 3.00 -1.66 2.50Boissons 25.92 28.00 30.24 0.50 0.54 0.57 10.90 8.00 8.00 2.04 8.00Industries du tabac 33.27 33.27 33.27 0.65 0.64 0.63 0.01 0.00 0.00 -1.72 0.00Textile, habillement, cuir 107.76 107.76 109.91 2.10 2.08 2.09 0.00 0.00 2.00 -2.40 1.00Produits chimiques, caoutchouc 60.36 63.98 67.82 1.17 1.23 1.29 31.88 6.00 6.00 -5.29 6.00Produits minéraux, non métalliques 39.71 40.11 40.71 0.77 0.77 0.77 0.30 1.00 1.50 1.09 1.25Transformations métaux 175.43 171.92 174.50 3.41 3.31 3.32 -4.24 -2.00 1.50 -2.98 -0.27Produits industriels divers 100.28 100.28 100.78 1.95 1.93 1.92 -4.92 0.00 0.50 -2.83 0.25Électricité et eau 55.70 58.48 62.29 1.08 1.13 1.18 3.57 5.00 6.50 5.02 5.75Bâtiments et travaux publics 323.42 331.50 339.79 6.30 6.39 6.46 1.17 2.50 2.50 1.28 2.50

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 245

[253]

Tableau 5 (suite)

En millions de gourdes 1975/76 Structure En variation annuelle (%)

Période

Branche d'activité

88/89(%)

89/90(%)

90/91(%)

88/89(%)

89/90(%)

90/91(%)

88/89(%)

89/90(%)

90/91(%)

80/89(%)

89/91(%)

Secteur tertiaire 2 097.30 2 119.33 2 147.76 40.83 40.87 40.81 1.10 1.08 1.31 0.40 1.20Commerce 865.62 870.57 882.60 16.85 16.78 16.77 -0.27 0.57 1.38 -1.17 0.98

Restaurants, hôtels 20.54 19.72 18.93 0.40 0.38 0.36 -13.90 -4.00 -4.00 -5.80 -4.00

Transports et communications 108.22 117.74 124.34 2.11 2.27 2.36 3-26 8.80 5.60 1.01 7.19

Institutions financières 5.33 5.33 5.38 0.10 0.10 0.10 -8.52 0.00 1.00 -9.75 0.50

Affaires immobilières 292.46 294.27 296.09 5.69 5.67 5.63 0.62 0.62 0.62 1.78 0.62

Services à la collectivité 176.77 177.65 179.43 3.44 3.42 3 41 0.39 0.50 1.00 1.94 0.75

Services non marchands 628.36 634.64 640.99 12.23 12.24 12.18 3.81 1.00 1.00 2.23 1.00

PIB au coût des facteurs 4 905.12 4 955.07 5 030.48 95.48 95.53 95.59 0.33 1.02 1.52 -0.46 1.27

Impôts et taxes à l’importation 232.00 232.00 232.00 4.52 4.47 4.41 5.45 0.00 0.00 -0.11 0.00

PIB au prix du marché 5 137.12 5 187.07 5 262.48 100.00 100.00 100.00 0.54 0.97 1.54 -0.45 1.21PIB per capita 894.48 884.41 897.28 -1.30 -1.13 -0.58 -2.18 -0.85

Légende : (&) : Projections

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 246

[254]

Tableau 6

Exercices 1989/90 et 1990/91Projections — En millions de gourdes courantes

1988/89(tt)

1989/90(&)

1990/91(&)

PIB 10 407.00 11 898.00 13 316.00

Importations 2 840.00 3 036.00 3 174.00

Consommation 9 964.00 11 618.00 13 103.00

Investissement 1 458.00 1 543.00 1 554.00

Exportations 1 825.00 1 782.00 1 833.00

Épargne interne 443.00 280.00 213.00

Épargne externe -1 015.00 -1 254.00 -1 341.00

Population (000 hab.) 5 743 5 865 5 985

PIB per capita 1 812.12 2 028.64 2 224.90

Sources : IHSI, MPCELégende : (tt) : Estimations (&) : Projections

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 247

[255]

Tableau 7

2.- Finances publiques Millions de gourdes courantesA- Administration centrale

1988/89(tt)

1989/90(&)

1990/91(&)

Recettes courantes 1 210.1 1 400.0 1 603.0

Internes 901.5 1 052.0 1 209.8

Douanières 221.2 258.0 296.7

Transferts entreprises publiques 87.4 90.0 96.5

Dépenses courantes 1 191.9 1 321.8 1 485.1

Déficit/surplus courant 18.2 78.2 117.9

Dépenses en capital 689.8 821.9 882.5

Investissement 576.1 604.7 643.6

Trésor publique 54.5 70.0 77.0

Fonds externe 521.6 534.7 566.6

Dette publique 113.7 217.2 238.9

Recettes globales 1 210.1 1 400.0 1 603.0

Dépenses globales 1 881.7 2 143.7 2 367.6

Déficit/surplus global -671.6 -743.7 -764.6

Sources : MRF, MPCELégende : (tt) : provisoires (&) : projections

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 248

[256]

Tableau 8.

Compte du produit intérieur brut Exercices 1989/90 et 1990/1991Projections — En millions de gourdes 1975/76

1988/89(tt)

1989/90(&)

1990/91(&)

PIB 5 137.00 5 106.83 5 262.04

Importations 1 569.00 1 528.83 1 553.45

Consommation 4 753.00 4 749.20 4 788.62

Investissement 918.00 934.25 992.64

Exportations 1 035.00 1 040.90 1 042.46

Épargne interne 384.00 437.63 473.42

Épargne externe -534.00 -487.93 -510.99

Population (106 hab.) 5.74 5.87 5.99

PIB per capita 894.48 884.37 879.20

Sources : IHSI, MPCELégende : (tt) : provisoires (&) : projections

[257][258]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 249

[259]

Haïti : l’invasion des ONG

Annexe II

Retour à la table des matières

[260]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 250

[261]

Tableau 1

Analyse du milieu — Contraintes identifiées

Type I- Dégradation des ressources naturelles- Faible productivité agricole- Aléas climatiques- Manque d’infrastructures et de services (santé, éducation, assai-

nissement du milieu, transport)- Croissance démographique exagérée- Mauvaise gestion des ressources humaines- Manque d’investissements publics et privés- Ignorance (analphabétisme, connaissances techniques insuffi-

santes) et superstition- Mentalité individualiste et fataliste- Commercialisation des produits défavorables aux paysans (pro-

blèmes de stockage et des intermédiaires).

Type IIContraintes physiques

- Dégradation des ressources naturelles- Faible productivité agricole- Aléas climatiques- Conditions de relief rendant l’exploitation agricole difficile- Dégradations des ressources humaines

[262]

Contraintes socio-économiques

- Situation sanitaire et nutritionnelle déficiente- Manque d’infrastructures

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 251

- Absence, inefficacité ou inaccessibilité des services de base (santé, éducation, conseil agricole et crédit)

- Inaccessibilité des intrants agricoles et techniques rudimen-taires

- Activités économiques peu diversifiées- Exiguïté et morcellement des terres, insécurité foncière.

Contraintes politiques

- Faible participation de l’État au développement

Contraintes culturelles

- Ignorance (analphabétisme et connaissances techniques in-suffisantes) et superstition

Commentaire

- Pour le type I, il n’y a pas de référence à une analyse globale du milieu rural et le sous-développement est caractérisé en termes de manque et de besoins. Pour les types II à IV le problème est envisagé en termes de contraintes à surmonter.

- Les types II et III identifient un ensemble de contraintes qui pèsent sur les paysans. Alors que le type II ne hiérarchise pas ces contraintes, et limite son analyse au milieu rural, le type III considère les problèmes de répartition de terres, d’injustices sociales, de commercialisation et les rapports inéquitables entre ville et campagne comme fondamentaux.

- Le type IV identifie les mêmes problèmes fondamentaux que le type III, mais il dégage de son analyse l’existence d’un proces-sus de sous-développement lié à [263] un rapport dominant-do-miné entre paysans et élites rurales et urbaines.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 252

Tableau 2

Analyse du milieu — Contraintes identifiées

Type III

Contraintes physiques

- Dégradation des ressources naturelles- Faible productivité agricole

Contraintes socio-économiques

- Situation sanitaire et nutritionnelle déficiente- Absence, inefficacité ou inaccessibilité des services de base

(santé, éducation, conseil agricole et crédit)- Inaccessibilité des intrants agricoles et techniques rudimen-

taires- Absence de possibilité de stockage de produits agricoles- Inégalité fondamentale des termes d’échange ville-cam-

pagne- Système national d’exportation défavorable aux paysans

(taxes, intermédiaires)- Déséquilibre quant à la disponibilité des 3 facteurs de pro-

duction (terre, main-d’oeuvre, capital)- Régime foncier (répartition et mode de tenure des terres)- Structure sociale hiérarchisée et autoritaire

Contraintes politiques

- Injustices et abus de pouvoir- Politique de développement du gouvernement défavorable

aux paysans

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 253

[264]

Contraintes culturelles

- Mentalité fataliste et individualiste- Enseignement aliénant- Dévalorisation du monde paysan (compétition et manque

d’esprit d’organisation communautaire) et superstition.

Type IV

- Contrôle économique et politiques des élites (dans les villes), sur toutes les ressources (capital, terres et autres) qui maintient un rapport de domination économique et politique sur les pauvres (dans les campagnes). Cela entraîne :* une centralisation politique et administrative* une inégalité fondamentale des termes d’échange ville-cam-

pagne* une répartition et un mode de tenure des terres injuste* une dualité culturelle : existence d’une culture officielle

(langue française, religion chrétienne, médecine occidentale) et d’une culture tolérée (langue créole, religion vaudou, mé-decine traditionnelle).

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 254

Tableau 3

Finalité et objectifs

Type I Type II

FinalitéSatisfaction des besoins fondamentaux de la population défavori-

sée.[265]

Objectifs

- Pallier certains manques ou insuffisance en matière de santé, de nutrition, d’éducation, d’équipement et d’infrastructure

- Rétablir l’équilibre écologique- Augmenter la productivité agricole- Améliorer le niveau de formation et d’information de la po-

pulation- Aider les paysans à s’organiser pour résoudre certains pro-

blèmes.

Finalité

- Amélioration des conditions de vie en milieu rural sur le plan socio-économique.

Objectifs

- Rétablir l’équilibre écologique- Améliorer les conditions sanitaires- Améliorer le niveau d’infrastructure- Augmenter la productivité agricole- Améliorer la scolarisation et la formation des adultes

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 255

- Initier et soutenir des groupements de type coopératif.

Commentaire

- Les quatre types de conception de développement visent la pro-motion de l’homme (elles parlent de développement de l’homme et non des choses), mais pour chacune d’elles, le rôle de l’homme dans le processus de développement est différent :* le type I le considère comme objet de développement, et sa

participation consiste à apporter son concours aux activités envisagées ;

* le type II le considère à la fois comme objet et comme sujet du développement, apportant sa [266] participation au chan-gement de son environnement au sein d’un cadre prédéfini ;

* les types III et IV le considèrent comme sujet du développe-ment et c’est l’homme lui-même qui travaille à son émanci-pation.

- Pour les quatre types, le développement passe par un change-ment dans les mentalités :* pour le type I, il s’agit de dépasser l’attitude fataliste et

d’augmenter le niveau de connaissance de base de la popula-tion rurale ;

* pour le type II, il s’agit de faire acquérir aux paysans une meilleure compréhension des mécanismes économiques pour qu’ils se comportent en tant qu’agents économiques intégrés dans une économie de marché.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 256

Tableau 4

Finalité et objectifs

Type III

FinalitéAugmentation du niveau de contrôle et du pouvoir de décision des

paysans sur le plan social et économique.Émancipation des paysans dans une société où règnent plus de jus-

tice sociale et de respect des droits

Objectifs

- Améliorer le niveau d’infrastructure et la disponibilité de cer-tains services

- Augmenter la production agricole et les revenus- Favoriser l’émergence et le développement de groupements de

type coopératif pour :[267]

* augmenter le niveau de contrôle des paysans sur les circuits de commercialisation

* faciliter l’accès à la terre et garantir une certaine sécurité encourager une plus grande mobilisation de l’épargne indivi-duelle et collective

- Créer un lieu d’analyse et de réflexion sur le milieu rural afin de déterminer les actions à entreprendre.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 257

Type IV

Finalité

- Changement dans les structures économiques, sociales et poli-tiques et renforcement de la position des paysans, conditions nécessaires au développement.

Objectifs

- Créer un cadre de réflexion et d’analyse pour former des agents de changement et favoriser l’émergence d’organisations à la base

- Inciter les paysans à s’organiser pour contrôler leur production et le marché

- Valoriser la culture paysanne.

Pour les types III et IV, il s’agit d’élever le niveau de conscience global des paysans. Par rapport à la culture paysanne, le type III consi-dère qu’elle contient des aspects positifs (à renforcer) et des aspects négatifs (à éliminer), alors que le type IV conçoit celle-ci comme un potentiel à promouvoir dans sa globalité et dont l’évolution dépendra du processus de changement général de la société.

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[268]

Tableau 5

Démarche

Type I

- Processus dans lequel un organisme extérieur à la communauté locale :* identifie des besoins immédiats d’une population défavori-

sée * détermine le type d’aide à apporter* établit une relation donneur-receveur avec cette population à

travers une structure locale existante (Eglise, CAC) ou en créant son propre cadre d’intervention

- Au niveau organisationnel :* renforcement des CAC déjà existants en mettant à leur dis-

position certains moyens financiers et matériels* création de groupements autour d’activités spécifiques* les groupements promus servent de canaux pour l’achemine-

ment de l’aide

- Au niveau organisationnel, création ou renforcement de groupe-ments pour :* la vulgarisation technique et la formation des adultes* l’acheminement de certains services* la réalisation d’activités économiques

- Formation de cadres intermédiaires chargés de :* susciter la création de groupements* vulgariser certaines techniques* animer et suivre les activités des groupements.

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Type II

- Processus dans lequel un organisme extérieur à la communauté locale :

* répond à une demande d’une institution locale exprimant indirectement les besoins de la population

[269]* identifie des contraintes empêchant le développement local* détermine et définit les interventions prioritaires* détermine un programme de travail (souvent avec des objec-

tifs quantitatifs) pour une durée déterminée, avec un budget global

* crée une structure propre pour la réalisation d’un ensemble de mesures intégrées

* établit une relation de transfert de connaissances entre cadres d’un projet et paysans.

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Tableau 6

Démarche

Type III Type IV

- Processus dans lequel une institution locale :* procède à une analyse du milieu* définit un travail de formation-conscientisation avec les pay-

sans et recherche un financement à cet effet* détermine au cours du travail de conscientisation avec les

paysans les actions à entreprendre et les moyens de les réali-ser

- Au niveau organisationnel, incitation à créer de* nouveaux groupes pour :* continuer et élargir le processus de réflexion* élaborer et réaliser de petits projets* dénoncer certaines injustices

- Formation d’intermédiaires chargés de :* susciter la formation de groupes* poursuivre le travail de conscientisation* vulgariser certaines techniques* revaloriser la culture paysanne.

[270]

Remarques

- Le processus de changement envisagé est long et lent, les grou-pements déterminent leurs actions en fonction de leur niveau de conscience. Souvent, l’équipe établit une relation conscienti-seur-conscientisé.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 261

- Au cours de leur évolution, certaines actions s’institutionna-lisent et deviennent permanentes (écoles, santé) ; elles sont par-fois programmées d’avance et l’institution cherche pour elles un financement global.

Commentaire

- Pour les quatre types, les objectifs visés et le travail envisagés sont définis pour une région déterminée et tous les quatre conçoivent que le développement peut se faire au niveau local seulement. Cependant, la démarche des types III et IV inclut une ouverture plus grande sur l’extérieur et l’extension du pro-cessus à d’autres régions (à travers des contacts avec d’autres institutions ou par généralisation du modèle d’organisation prô-né).

- Dans les types I et II, on est en présence d’un processus planifié d’avance qui laisse peu de place à des modifications d’orienta-tion selon les problèmes ponctuels ou la conjoncture locale. Pour les types III et IV, bien qu’il existe une ligne directrice, la démarche est beaucoup plus souple et évolutive et elle s’adapte constamment aux problèmes prioritaires du moment pour les paysans.

- Les types III et IV définissent leur démarche de travail comme une rupture ou une alternative aux gros projets de développe-ment d’infrastructures et de services (comme ceux financés par l’aide bi- ou multilatérale) ou aux actions assistancielles.

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[271]

Tableau 7

Actions

Type I

Ensemble d’actions caritatives avec aide exclusivement extérieure, sur les plans de :

- l’aide alimentaire :* directe* Food for Work

- la construction d’infrastructures :* routes* bâtiments* eau potable

- l’agriculture, l’élevage, la conservation du sol :* distribution de semences et d’outils* pépinières et distribution de plantules* aménagements anti-érosifs* introduction de races améliorées* santé animale

- santé :* soins curatifs* prévention* planning familial

- éducation-formation :* enseignement primaire* alphabétisation* formation technique* formation de cadres techniques

- technologies appropriées- crédit agricole.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 263

Type II

Ensemble d’actions financées par l’extérieur dans un premier temps, mais destinées à être reprises en charge par la communauté ou l’État :

[272]- construction d’infrastructures :

* routes* bâtiments* eau potable

- agriculture, élevage et conservation du sol :* introduction de nouvelles variétés et de races améliorées* banques d’outils* pépinières et distribution de plantules* aménagements anti-érosifs* santé animale* jardins de démonstration* assistance technique

- stockage de produits agricoles- santé préventive- éducation

* préscolaire* alphabétisation* économie domestique.

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 264

Tableau 8

Actions

Type III Type IV

Ensemble d’actions déterminées par les groupements mais ap-puyées par une aide extérieure :

- crédit foncier- agriculture et élevage

* jardins communautaires et démonstration* magasins communautaires agricoles (intrants, outils)* formation en élevage

- stockage des produits agricoles- crédit- éducation :

* enseignement primaire alternatif[273]

* alphabétisation- formation de leaders et d’animateurs- loisirs :

* chants* théâtre

Commentaire

Malgré les différences dans l’analyse de la réalité et dans la conception du développement, les interventions sur le terrain sont à peu près semblables pour les quatre tendances et le degré de dépen-dance par rapport à l’extérieur est aussi important.

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Tableau 9

Projets - ONG

Type I

Catholic Relief ServiceSCHCAREWorld VisionAssociation des œuvres privées (santé)SOS — Villages d’enfantsCompassionPADFBaptist Haiti MissionArmée du SalutInter-Aide

Type II

AEDC — ChambellanEMH — PRR GébeauCECI — St-Michel, CariceFONDEVHAVA

[274]CODEVA DCH — Labordes

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Tableau 10

Type III

CARITASPapayeGPP — BayonnaisSOEOXFAMCOHANGRD

Type IV

IDEAITECAEquipes missionnaires IAF

Commentaire

Bien que cet inventaire soit loin d’être exhaustif, il reflète assez bien la répartition réelle, à savoir que les tendances III et IV sont net-tement minoritaires en Haïti.

[275][276]

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[277]

Haïti : l’invasion des ONG

Annexe IIILISTE DES O.N.G.

AYANT CONSTITUÉNOTRE ÉCHANTILLONNAGE

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[278]

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[279]

1. Aide à l’Enfance — Canada2. Association des Oeuvres Privées de Santé (AOPS)3. Catholic Relief Service (CRS)4. Cooperative for American Relief Everywhere (CARE — Interna-

tional — Haïti)5. Centre de Recherche et d’Action pour le Développement

(CRAD)6. Centre de Recherche et de Formation Économique et Social pour

le Développement (CRESFED)7. Christian Reformed World Relief Committee (CRWRC)8. Comité Haïtien de Développement (CHADEV)9. Comité Protos Haïti (CPH)10. Coopération Haïtiano-Néerlandaise (COHAN)11. Fonds Haïtien de Développement Économique et Social (FON-

HADES)12. Fondation Haïtienne de l’Enseignement Privé (FONHEP)13. Fonds Pour Le Développement Rural (FONDEV)14. Groupe d’Appui Technique et d’Action Pédagogique (GATAP)15. Groupe Haïtien de Recherches et d’Actions Pédagogiques (GH-

RAP)16. Groupe de Recherche et d’Appui au Milieu Rural (GRAMIR)17. Groupe de Recherche pour le Développement (GRD)18. Groupe Technologie Intermédiaire d’Haïti (GTIH)19. Institut Culturel Karl Lévêque (ICKL)

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[280]

20. Institut Haïtien de l’Enfance (IHE)21. Institut de Technologie et d’Animation (ITECA)22. Mennonite Central Committee (MCC)23. Mennonite Economic Development Associates24. Organisation d’Aide Chrétienne Parole et Action (PCA)25. Plan International de Port-au-Prince26. Profamil27. Village d’Enfants S.O.S28. World Vision International — Haiti

[281][282]

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[283]

Haïti : l’invasion des ONG

NOTES

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Pour faciliter la consultation des notes en fin de textes, nous les avons toutes converties, dans cette édition numérique des Classiques des sciences sociales, en notes de bas de page. JMT.

[284][285][286][287][288][289][290][291][292][293][294][295][296][297][298][299][300][301]

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[302][303][304][305][306][307][308][309][310][311][312][313][314]

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[315]

Haïti : l’invasion des ONG

BIBLIOGRAPHIE

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 273

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[329]

Table des matières

Quatrième de couverture

Introduction [11]

Situation de la recherche dans le domaine des ONG et du développement dans le monde [13]

Justification [15]

Problématique [17]

Objectifs [18]

Hypothèses de travail [18]

Méthodologie [19]

Exposé du plan de travail [19]

Première partie

ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES,COOPÉRATION INTERNATIONALE ET STRATÉGIES

POUR LE DÉVELOPPEMENT [23]

Chapitre ICadre théorique et conceptuel [27]

LES THÉORIES DU SOUS-DEVELOPPEMENT [29]

Définition du concept sous-développement [29]

Les critères fondamentaux du « sous-développement » [32]

Théories explicatives du « sous-développement » [34]

Théorie des climats [34]

Théorie des races [35]

Théorie de la causation circulaire [35]

Théorie démographique [35]

Théories des goulots d’étranglement [35]

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Théorie des systèmes de valeur, de comportements ou de motivations [36]

[330]

Théorie de la dépendance [37]

THÉORIES ET STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT [40]

Définitions du concept « développement » [40]

Théories et stratégies de développement [43]

Théorie de la « croissance économique » [43]

Théorie des étapes historiques [43]

Théorie du processus de changement structurel global [45]

Théorie marxiste du développement ou théorie de la dépendance [45]

Stratégies pour l’application des différentes théories de développement [49]

L’intégration dans le système capitaliste mondial [49]

Le nouvel ordre économique international [50]

Le développement endogène et le désengagement sélectif [51]

Origines, nature ET objectifs de l’aide au développement [53]

Origines [53]

Nature de l’aide au développement [55]

Classement des divers types d’aide [56]

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[331]Les formes de l’aide [56]

Les conditions d’octroi de l’aide [57]

Objectifs de l’aide au développement [59]

LES ONG ET LE DEVELOPPEMENT [59]

Définitions du concept « ONG » [59]

ONG et développement [62]

ONG et stratégies de développement [62]

ONG et approches normatives du développement [64]

Le rôle des ONG dans le développement d’Haïti [64]

Chapitre II

Les organisations internationales et le développement [69]

Origines [71]

La Société des nations (SDN) [71]

L’Organisation des Nations Unies (ONU) [72]

Les institutions du système de Bretton Woods [72]

La Communauté économique européenne (CEE) [73]

L’Organisation des États américains (OEA) [74]

Objectifs [75]

La SDN [75]

L’ONU [75]

Le Fonds monétaire international [75]

La Banque mondiale [76]

Le GATT [76]

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[332]

La CEE [76]

L’OEA [77]

Stratégies [77]

La SDN [77]

L’ONU [79]

Les institutions du système de Bretton Woods [79]

La CEE [79]

L’OEA [80]

Domaines et types d’intervention [80]

La SDN [80]

L’ONU [82]

Le FMI [83]

La Banque mondiale [84]

Le GATT [84]

La CEE [85]

L’OEA [86]

Classification [87]

Les organisations internationales de développement et la crise de la dette des pays sous-développés [88]

Chapitre III

Les organisations non gouvernementales étrangères [93]

Origines [95

Mode d’intervention [97]

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[333]

Relations entre les ONG étrangères et les organisations internationales de déve-loppement [98]

Relations entre les ONG du Nord et l’État [101]

Définitions du concept « État » [101]

Relations ONG-État dans le Nord [102]

Relations entre les ONG du Nord et la société civile [104]

Définitions du Concept « Société Civile » [105]

Relations ONG-société civile [106]

Deuxième partieLes organisation non gouvernementales en Haïti [109]

Chapitre IVLe sous-développement haïtien [113]

Ses dimensions [115]

Insuffisances alimentaires [115]

Conditions sanitaires [116]

Éducation [117]

Forte proportion d’agriculteurs à basse productivité [118]

Tableau 1. Production agricole [119]

Ampleur de la croissance démographique, faible proportion de citadins et fai-blesse des « classes moyennes ».

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[334]

Tableau 2 — Évolution de la population en zones urbaine et rurale [121]

Industrialisation restreinte et incomplète [127]

L'agro-industrie [127]

L’industrie de substitution d’importation [128]

Les entreprises de sous-traitance [128]

Tableau 3 — PIB par branche d’activité 129]

Faiblesse du produit intérieur brut et du produit national brut par habitant, vio-lentes inégalités sociales [129]

Hypertrophie et parasitisme du secteur tertiaire [130]

Tableau 4 — Les dépenses publiques [131]

Ampleur du chômage et du sous-emploi [131]

Situation de subordination économique [131]

Tableau 5 — Balance commerciale [132]

Tableau 6 — Les recettes budgétaires [132]

Tableau 7 — Dette publique [133]

Schéma — Formation économique et sociale d’Haïti [134]

SES THÉORIES EXPLICATIVES 135

De « la Perle des Antilles » à « la Lanterne Rouge » de l’Amérique [135]

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[335]La dépendance coloniale [136]

La dépendance néo-coloniale [138

a) La pénétration du capital étranger [140

Les Emprunts Domingue [142

Tableau 8 — État de la dette extérieure 1914 [144]

L’emprunt de 1922 [144]

L’installation des commerçants étrangers en Haïti [145]

Les revers de l’histoire [147

De l’indépendance intégrale à la capitulation totale [148]

Le lourd fardeau du militarisme et des insurrections [149]

Les rendez-vous manqués [151]

La nature de l’État haïtien [153]

Chapitre V. Les organisations non gouvernementales évoluant en Haïti [159]

Origines et émergence des [161]

ONG installées en Haïti]

Typologie [164]

Les ONG étrangères [164]

Les ONG nationales [164]

Les ONG "assistancielles » [166]

Les ONG proposant et utilisant le développement communautaire comme instru-ment de lutte contre le sous-développement [166]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 289

[336]

ONG luttant pou9r des réformes dans les relations Nord-Sud [167]

Les ONG luttant pour des transformations au niveau des rapports centre/périphé-rie, ainsi que des changements dans les structures politique, économique et sociale des pays du Sud [167]

Niveau d’institutionnalisation [168]

Domaines d’intervention et types d’activités dans le milieu [169]

Tableau 1 — Domaine d’activité des ONG en Haïti [170]

Tableau 2 — ONG actives en Haïti [171]

Les ONG « assistancielles » [172]

Les ONG proposant et utilisant le développement communautaire comme instru-ment de lutte contre le sous-développement [172]

Les ONG luttant pour des réformes dans les relations Nord-Sud [173]

Les ONG luttant pour des transformations au niveau des rapports centre/périphé-rie, ainsi que des changements dans les structures politique, économique et sociale des pays du Sud [173]

Stratégie [174]

La part de l’aide à Haïti qu’elles utilisent [174]

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[337]

Tableau 3. Aide publique au développement et aide des ONG [175]

Chapitre VI. Les organisations non gouvernementales haïtiennes face aux autres acteurs intervenant dans le développement du pays [179]

ARTICULATION ENTRE ONG DU NORD ET ONG HAÏTIENNES [181]

Relations entre les ONG haïtiennes et les ONG étrangères [181]

Relations entre les ONG haïtiennes et les organisations internationales de déve-loppement [182]

ARTICULATION SUR LE TERRAIN [183]

Relations ONG/État [183]

La première phase [183]

La deuxième phase [184]

Relations ONG/société civile [188]

Relations ONG/groupes de base [189]

Les associations de femmes [189]

Les groupes de paysans [190]

Les organisations de quartiers [191]

Les organisations d’entraide communautaire [191]

Les coopératives [191]

Les organisations de jeunes [192]

Relations ONG/ONG [193]

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[338]

Chapitre VII

Bilan des activités des ONG dans le pays [197]

LES PROJETS DE DEVELOPPEMENT INTÉGRÉ [199]

LES PETITS PROJETS DE DEVELOPPEMENT [200]

LES RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE [201]

Le questionnaire [202]

Procédé d’échantillonnage [202]

Observations [202]

Analyse et interprétation des données de l’enquête [204]

Tableau 1 — Implantation ou fondation des ONG en Haïti [204]

Graphe I [205

Tableau 2 — ONG reconnues et non reconnues légalement [205]

Graphe II [206]

Tableau 3 — ONG membres et non membres d’un regroupement d’ONG [207]

Graphe III [207]

Tableau 4 — ONG ayant ou non des projets conjoints avec d’autres ONG [208]

Graphe IV [208]

Domaines de concertation entre les ONG [208]

Domaine d’intervention des ONG [209]

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Sauveur Pierre ÉTIENNE, Haïti : l’invasion des ONG. (1997) 292

[339]

Tableau 5. Pourcentages consacrés à la formation [209]

Tableau 6. Recherche [210]

Tableau 7. Appui technique [211]

Tableau 8. Domaines de formation [212]

Tableau 9. Domaines de recherche [213]

Tableau 10. Domaines d’appui technique [213]

Tableau 11. Répartition des activités des ONG dans le pays [214]

Tableau 12. Affection du budget des ONG [215]

Auto-évaluation des activités des ONG [216]

Tableau 13. Domaines dans lesquels les ONG contribuent le plus au développe-ment du pays [217]

Tableau 14. Domaines dans lesquels les ONG contribuent le moins au dévelop-pement du pays [218]

Tableau 15. Évaluation de l’action des ONG [219]

Types de financement [219]

Tableau 16. Expériences de concertation de planification et de coordination des activités sur le terrain [220]

Tableau 17. Impact du travail des ONG [220]

Tableau 18. Impact des activités des ONG [221]

Tableau 19. Conception des rapports entre les ONG et la population [221]

Tableau 20. Activités des ONG pour réduire leur dépendance financière [222]

Tableau 21. Exigences d’une politique globale de développement en Haïti [222]

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[340]

Tableau 23. L’état répond-il aux exigences d’une politique globale de dévelop-pement en Haïti ? [223]

Tableau 24. Facteurs de blocage [224]

Tableau 25. Les ONG répondent-elles aux exigences d’une politique globale de développement en Haïti ? [225]

Tableau 26. Facteurs de blocage [225]

Tableau 27. Rapport ONG/État [226]

Tableau 28. Facteurs de blocage [227]

Tableau 29. Qu’est-ce que l’État peut faire pour faciliter et rendre plus efficace le travail des ONG ? [228]

Tableau 30. Rôle des ONG dans la politique de développement de l’État [229]

Vérification des hypothèses [229]

Conclusion [233]

Annexes

Annexe I [243]

Tableau 1. Évolution des indicateurs économiques — Compte du produit inté-rieur brut [245]

Tableau 2. Produit intérieur brut selon son origine [246]

Tableau 3. Produit intérieur brut selon son origine — Structure (%) [248]

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[341]

Tableau 4 . Produit intérieur brut selon son origine. En variation annuelle (%) [250]

Tableau 5. Évolution du produit intérieur brut pour les exercices 1989/90 et 1990/91 — Projections [252]

Tableau 6. Exercices 1989/90 et 1990/91 — Projections [254]

Tableau 7. 2.- Finances publiques. A- Administration centrale [255]

Tableau 8. Compte du produit intérieur brut. Exercices 1989/90 et 1990/1991 — Projections [256]

Annexe II [259]

Tableau 1. Analyse du milieu — Contraintes identifiées [261]

Tableau 2. Analyse du milieu — Contraintes identifiées [263]

Tableau 3. Finalité et objectifs [264]

Tableau 4. Finalité et objectifs [266]

Tableau 5. Démarche [268]

Tableau 6. Démarche [269]

Tableau 7. Actions [271]

Tableau 8. Actions [272]

Tableau 9. Projets - ONG [273]

Tableau 10. [274]

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[342]

Annexe III. Liste des O.N.G. ayant constitué notre échantillonnage [277]

Notes

Introduction [285]

Première partie

ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES, COOPERATIONINTERNATIONALE ET STRATEGIES POUR LE DEVELOPPEMENT

Chapitre I. Cadre théorique et conceptuel [286]

Chapitre II. Les organisations internationales et le développement [293]

Chapitre III. Les organisations non gouvernementales étrangères [295]

Deuxième partie

LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES EN HAÏTI

Chapitre IV. Le sous-développement haïtien [298]

Chapitre V. Les organisations non gouvernementales évoluant en Haïti [307]

Chapitre VI. Les organisations non gouvernementales haïtiennes face aux autres acteurs intervenant dans le développement du pays [310]

[343]

Chapitre VII. Bilan des activités des ONG dans le pays [312]

Conclusion [313]

Bibliographie [315]

Fin du texte