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Hémochromatose : « trop de fer, c’est l’enfer »

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Page 1: Hémochromatose : « trop de fer, c’est l’enfer »

pratique | biochimie/analyse génétique

16 OptionBio | Lundi 13 septembre 2010 | n° 441

Première maladie génétique en France, l’hé-mochromatose atteint 1 personne sur 300 et est à l’origine de 2 000 décès chaque

année. Cette maladie de surcharge en fer est aujourd’hui mieux connue.Pour la 7e année consécutive, gastroentérologues, hépatologues et spécialistes de la maladie se sont mobilisés le 12 juin dernier (Journée nationale de l’hémochromatose) dans une quarantaine de vil-les françaises pour informer le grand public mais aussi leurs confrères sur la reconnaissance des premiers symptômes, la mise en place du dépis-tage familial, les traitements...

Physiopathologie de l’hémochromatose héréditaireUn sujet normal possède 5 g de fer environ (poids d’un clou) répartis entre l’hémoglobine des héma-ties, la myoglobine des muscles et les réserves, la ferritine et l’hémosidérine. Des 15 à 20 mg de fer apportés par l’alimentation, 1 à 2 mg sont absorbés chaque jour et 1 à 2 mg sont éliminés. Chez les malades atteints d’hémochromatose héréditaire (HH), 5 à 10 mg du fer alimentaire

sont absorbés quotidiennement tandis qu’un seul mg de fer est perdu. La conséquence est une surcharge progressive de l’organisme.L’hyperabsorption du fer est due à l’hepcidine et à la BMP6 récemment découverte. Synthétisées par le foie, elles joueraient un rôle essentiel dans l’homéostasie du fer en freinant son absorption digestive. Ainsi, il a été bien montré que des sou-ris déficientes en hepcidine ont une surcharge en fer alors que des souris ayant un excès d’hep-cidine ont une anémie ferriprive. De plus, des souris dont le gène HFE1 est altéré développent une hémochromatose par absence de production d’hepcidine. Ces données expérimentales ont été confirmées chez l’homme. Une dysrégulation de l’hepcidine est bien à l’origine de l’hémochroma-tose de type 1 avec mutation sur le gène HFE1, la plus fréquente des HH.

Une mutation sur le gène HFE1 est la principale étiologie de l’hémochromatose héréditaireLes deux principales mutations identifiées sur ce gène sont C282Y et H63D, de type homozygote

ou hétérozygote. La mutation C282Y entraîne la substitution d’une cystéine par une tyrosine en position 282 et la mutation H63D, la substitu-tion d’une histidine par un acide aspartique en position 63.L’homozygotie C282Y++/C282Y++ est à l’ori-gine de l’hémochromatose de type 1 ; l’hété-rozygotie composite pour les mutations C282Y et H63D (C282Y+–/H63D+–) est retrouvée chez un faible pourcentage de malades. La fréquence allélique de la mutation C282Y varie selon un gradient Nord-Sud : de 5 % en Bretagne à 3 % en Languedoc-Roussillon, 1 % en Italie et nulle en Afrique.La pénétrance de la maladie est incomplète et son expressivité, variable : ainsi, en Bretagne, 10 % des hommes homozygotes C282Y sont asymptomatiques, 60 % ont des signes biolo-giques et 30 % des signes cliniques. La péné-trance est plus faible chez la femme : 20 % sont asymptomatiques, 65 % ont une expression bio-logique et 10 % seulement, des signes cliniques qui s’aggravent progressivement avec l’âge.

Manifestations clinique de l’HHTrois phases peuvent être distinguées.

Phase de latence cliniqueLa phase de latence clinique (de 0 à 20 ans) cor-respond à l’accumulation du fer dans les organes depuis la naissance. Parfaitement tolérée, elle n’est que rarement détectée lors de tests biologi-ques ou d’une enquête familiale.

Phase symptomatiqueLa phase symptomatique (vers 20 ans chez l’homme et 35 ans chez la femme) est caracté-risée par une asthénie importante, chez environ 1 sujet atteint sur 2, continue ou à l’emporte-pièce, motivant paradoxalement et souvent la prescription de fer (!), de vitamine C (favorisant l’absorption du fer) ou un bilan fer à la recher-che d’une carence, permettant de poser le

Hémochromatose : « trop de fer, c’est l’enfer »

L’hémochromatose est une maladie génétique (principalement due à une mutation sur le gène HFE1), qui atteint en France 1 personne sur 300. Cette pathologie correspond à une surcharge progressive en fer dans l’organisme. Elle se développe en trois phases : latence, symptômes, puis complications. Son traitement repose sur les saignées.

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diagnostic. Les autres manifestations sont des troubles sexuels (perte de la libido, troubles de l’érection, aménorrhée) rarement exprimés à cet âge, des douleurs articulaires métacarpo-phalangiennes et interphalangiennes des 3e et 4e doigts (la poignée de main est douloureuse), des arthralgies des poignets, genoux, chevilles, coudes, des troubles du rythme cardiaque, un essoufflement à un effort minime. Parfois, les premiers signes sont une élévation modérée et inexpliquée des transaminases ou une hyper-glycémie intermittente.

ComplicationsLes complications surviennent entre 45 et 60 ans chez l’homme, 50 et 59 ans chez la femme. L’as-thénie chronique et intense conduit à l’arrêt de l’activité professionnelle, à l’alitement et plus tard à l’invalidité. Elle est souvent associée à un état dépressif. Les troubles articulaires (75 % des cas) sont importants (polyarthrite des grosses articu-lations, synovite, pseudo-goutte) et l’ostéoporose souvent précoce. Au niveau hépatique, la sur-charge ferrique est responsable de fibrose et de cirrhose, qui se complique dans 5 à 10 % des cas, d’un hépatocarcinome, même après traitement déplétif. Une surveillance semestrielle par dosage de l’alpha-fœtoprotéine et échographie hépatique est recommandée.Les autres complications sont cardiaques (insuf-fisance cardiaque et infarctus), la survenue d’un diabète (50 % des cas), une mélanodermie accen-tuée sur les organes génitaux, les cicatrices et les zones exposées au soleil avec pigmentation ardoisée au niveau de la bouche, du palais et des conjonctives, une déformation des ongles, une diminution de la pilosité, une finesse de la peau. L’accumulation de fer dans l’antéhypophyse diminue la sécrétion de FSH et LH entraînant un hypogonadisme, responsable d’impuissance et d’atrophie testiculaire avec diminution de la tes-tostéronémie chez l’homme, et d’une ménopause précoce chez la femme.

Un diagnostic précoce est indispensable pour prévenir la survenue des complicationsCertains signes cliniques rares chez un sujet jeune : asthénie, troubles sexuels, douleurs articu-laires, etc., doivent alerter. Il en est de même d’une hypertransaminasémie et/ou d’une hyperglycémie découverte(s) sur un bilan systématique. Les exa-mens de biologie qu’il convient alors d’effectuer sont la ferritinémie et le coefficient de saturation (CS) de la transferrine (à jeun) ; le fer sérique a peu d’intérêt car son dosage est peu sensible et sa concentra-tion sérique varie dans la journée. Si la ferritine est élevée et le CS supérieur à 45 %, la recherche de mutations du gène HFE1 s’impose.Une enquête familiale doit être réalisée afin de pou-voir poser un diagnostic et instaurer un traitement précoce chez les membres porteurs de la famille.La recherche de la mutation C282Y du gène HFE1 (B180) est remboursée par la Sécurité sociale depuis avril 2007, dans les cas suivants :« – cadre individuel : suite à un bilan général au cours duquel une augmentation du coefficient de saturation de la transferrine (> 45 %) est décou-verte et après exclusion de toutes les autres étio-logies pouvant entraîner cette augmentation ; suite à un bilan orienté ayant permis de diagnostiquer des signes cliniques, biologiques, d’imagerie ou d’histologie suggérant une hémochromatose ;- cadre familial : sujet ayant un parent au pre-mier degré porteur de la mutation C282Y à l’état homozygote, à l’exclusion des sujets mineurs et des mères ménopausées ou ne désirant plus avoir d’enfant ;Les techniques doivent permettre de différencier les homozygotes des hétérozygotes pour cette mutation. »

Le traitement repose sur les saignéesSimple, efficace, bien toléré et peu coûteux, le trai-tement repose sur des saignées hebdomadaires de 400 à 500 mL en moyenne, durant 1 à 2 ans en fonction de la surcharge en fer. Chaque saignée

permet de soustraire environ 200 à 250 mg de fer. L’efficacité du traitement déplétif est évaluée par la ferritinémie (objectif = 50 ng/mL) et la tolérance biologique, par l’hémoglobine qui doit rester supé-rieure à 11 g/dL.Les saignées sont poursuivies “à vie” (traitement d’entretien) avec pour objectif, de maintenir la ferritinémie à un taux inférieur à 50 ng/mL. Leur efficacité est d’autant plus grande que le traite-ment a été institué tôt (entre 20 et 35 ans). L’as-thénie, la mélanodermie, les troubles cardiaques s’atténuent, voire disparaissent. En revanche, les douleurs articulaires et le diabète s’amendent plus difficilement, une fois installés.Les chélateurs du fer ne sont utilisés que dans les rares cas de contre-indications aux sai-gnées (ponction veineuse non réalisable, anémie associée).L’érythro-aphérèse permet de prélever unique-ment les hématies et d’éliminer le fer qu’elles contiennent (500 à 1 000 mg de fer éliminés à chaque séance). Ce traitement nécessite un appa-reillage complexe (séparateur de cellules), ce qui en restreint l’accès, et n’est pas remboursé par la Sécurité sociale.Au stade de cirrhose décompensée avec hépato-carcinome, une transplantation hépatique peut être envisagée.Au quotidien, il n’y a aucun régime alimentaire à suivre si ce n’est d’éviter de prendre du fer ou de la vitamine C sous forme pharmaceutique ; il est recommandé de boire du thé. |

ESTHER SACOUN

Journaliste scientifique, Paris

SourceCommuniqué de presse de l’association Hémochromatose France, Paris, juin 2010.

Pour en savoir pluswww.has.fr, Prise en charge de l’hémochromatose liée au gène HFE. Consensus d’experts, juillet 2005.www.hemochromatose.fr