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Histoire de Historiographie Moderne

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HISTOIREDE

L'HISTORIOGRAPHIE MODERNE

HISTOIREDE

L'HISTORIOGRAPHIE

MODERNEPAR

ED.

FUETER

Traduit de l'allemand par Emile

JEANMAIRE

(avec notes et additions de l'auteur.)

9\

r

PARISLIBRAIRIE FLIX ALGAN108,

BOULEVARD SAINT-GERMAIN,1914Tous droits de reproduction et d'adaptation rservs pour tous pays.

10!

V

AVERTISSEMENT

Il

n'est peut-tre pas inutile de

remarquer expressment que

le

prsent ouvrage ne veut pas donner plus que ne promet sonIl

titre.

essaie de dcrire Thistoire de Thistoriographie europenne depuisil

l'humanisme jusqu' nos jours;l'histoire

ne veut

traiter

comme

telles ni

de

la philosophieIl

de

l'histoire, ni celle

des recherches etdes thories histo-

de

la critique rudites.

ne touche

l'histoire

riques et de la mthode historique qu'autant qu'elles paraissentavoir influenc le dveloppement de l'historiographie.

Des changela

ments

qui,

aux temps modernes, se sont produits dansdel'histoire

concep-

tion qu'a eue

l'humanit europenne,les

il

ne signale que

ceux qui ont trouv expression dansIl

ouvrages des historiens.

ne parle que d'un11

trs petit

nombre d'auteurs de programmesun penseur aussiorigi-

historiques.

a:

mme dla

laisser de ct

nal que Bodinest

Methodus ad facilem historiarum cognitionemil

un

livre trs

remarquable, mais

n'a pas port de fruits pour

l'historiographie.

Une

histoire

de l'historiographie est aussi peu une histoire de

la didactique historique

qu'une histoire des thories dramatiqueset la

n'est

une

histoire

du drame. Dans plusieurs priodes, la.thorie

pratique ont suivi des voies trs diffrentes. Avant le temps du Ra-

tionahsme

la situation tait telle

que

les historiens reconnaissaient

en principe les rgles de l'cole, mais les mconnaissaient dans leursouvrages. Us procdaient

comme beaucouples

d'anciens dramaturges

:

pour leurs crations

ils

se rglaient avec pleine conscience

(comme

Lope de Vega) non surFUETER.

prceptes de la thorie acadmique,

11

HISTOIRE DE L HISTORIOGRAPHIE MODERNEles dsirs

mais sur

du public,

c'est--dire en ce cas, des Autorits.

On ne comprend

bien l'ancienne historiographie qu'en examinant

en elles-mmes les uvres des historiens.

L'espace restreint dont nous disposions nous a forc de n'admettre

qu'un modique choix d'historiens. De

la priode qui a suivi le

Rationalisme, notamment, nous avons d exclure beaucoup d'excellents travailleurs. Voici les principes qui

nous ont guid.et les

Nous n'avons

trait;

d'une faon dtaille que les initiateurs

penseurs originaux

nous n'avons mentionn que brivement oufait

pas du tout les pigones qui n'ont

qu'obir consciencieusement

aux

instigations d'un esprit suprieur et appliquer

un nouveau

sujet la

mthode

qu'il leur avait transmise.

Parmi

les auteurs qui

n'appartiennent pas l'historiographie proprementhistoriens

du droit, de

la littrature,

de

l'glise, etc.

notre choix adite

les

t plus svre encore.

Une

histoire

de l'historiographie doit tre

autre chose qu'un lexique des historiens. J'ai vis traiter toutesles directions principales pluttJ'ai

que tous

les

principaux historiens.faon que l'on pt

cherch organiser

monnoms

expos de

telle

facilement

y

insrer les

qui ne figurent pas dans le texte.

Les chapitres d'introduction

intituls

Remarques gnrales neil

se

rapportent pas uniquement aux quelques auteurs dont

est parl

immdiatement aprs

;

ils

en visent beaucoup d'autres, non nom-

ms, qui ont poursuiviJ'ai fait

les

mmes

buts.les diversj'ai

de

mme

une diffrence entre

ouvrages d'un

seul et

mme

historien.

La plupart du temps

d renoncer Il

suivre les fluctuations qu'ont traverses tels ou tels historiens.

y

en a d'minents qui n'appartiennent notre histoire que par un trspetit

nombre de

leurs ouvrages, un ou

deux souvent. Je me

suis

permis alors de ne les considrer que

nombre d'ouvrages. Un

travail

comme auteurs d'un petit d'ensemble comme celui-ci doit, ceintellectuel de leur

me

semble, laisser de ct tous les ouvrages qui ont pu introduirele

une nouvelle priode dans

dveloppement11

auteur, mais non dans l'historiographie.

faut

abandonner

le reste

aux biogr^hes

et

aux

spcialistes.

AVERTISSEMENT

III

Ajoutons quelquesphiques.

observations

sur

les

donnes bibliogra-

Je

me

suis laiss guider en cette matire plutt par des consid-

rations pratiquesarticles

que par

le

dsir d'une symtrie thorique.

Des

de Revues,

surtout

anciens, ont t cits ou non selon

qu'il existait

ou non une

littrature spciale plus rcente.

Quandd me

je pouvais indiquer

un expos d'ensemble nouveau,

je m'abstenaisj'ai

d'inscrire des travaux antrieurs.

Vu

l'espace restreint,

contenter de l'indispensable. Voici les rgles que j'ai suivies.

r

Dans tous les cas o

il

existait

des livres consulter modernes

facilement accessibles, avec des Index dtaills, tels que VAllge-

meine Deutsche Biographie,phy,etc., j'ai

le

Dictionary of National Biograles

renonc rpter tous

travaux qui y sont

cits,

en particulier ceux de peu d'tendue et ceux qui sont purementbiographiques.2

Dans d'autres cas encore, jeles trente dernires annes.

n'ai

prtendu tre complet que

pour

La

littrature d'avant

1800

est si

compltement signale chez Wachlern'avait pas besoin d'tre reproduiteet;

(voir

ci-dessous)

qu'elle

et la littrature d'entre

1800

1880

est en

grande partie dpasse,

et d'ailleurs facile trou-

ver par les indications d'crits postrieurs. Des mlanges biographiques, des publications de lettres, etc., qui ne se rapportent qu'la vie prive d'un historien n'ont pas tils

mentionns,

mme quand

ont paru dans les temps les plus rcents.3 C'est

particulirement

le

cas pour les historiens qui n'ont crit

que

comme

occupation secondaire.

D'auteursles

comme

Schiller,

Machiavell'historien.

et autres,

on n'a

cit

que

ouvrages qui concernenttout occus'est

Quant des crivains qui ne se sont pas du

ps d'crire l'histoire

(comme Montesquieu

et

Rousseau), on

dispens de notices littraires.4

Des uvres des

historiens

que nous avons examins nous

IV

HISTOIRE DE L HISOUIOGRAriIIE MODERNEet par-

n'avons signalr que celles qui sont proprement historiques,

mi

elles

seulement les plus importantes.

A

moins de circonstancesla

spciales,et

nous n'avons donn que l'anne de

premire dition,les

pour

les

ouvrages parus avant 1800 naturellement toutes

rditions critiques. Les

nombreuses ditions

et

rimpressionsxviii'^

d'anciens livres d'histoire pendant les xvi% xvii" ettaient d'autant

sicles,

moins

utiles noter qu'elles sont catalogues trset

compltement chez Wachler

que

le

prsent travail ne peut

songer rivaliser d'exactitude dtaille avec cet ouvrage volu-

mineux.5*

Le

lieu d'impression n'a t indiqula

que pour les publicationsfut

antrieures 1800. Tant que

production littraire

soumise

la

censure des Autorits, les histoires nationales ne furent gnelles portaient

ralement livres l'impression que quand

un carac-

tre officieux. Aussi peut-on souvent, d'aprs le lieu d'impression,

juger de la nature et deappartenant l'histoirele

la

tendance d'un livre

d'histoire.a-t-il

Un

exposla

mdivale ou moderne

paru entre

contre-rformation et

rationalisme, sur le continent en dehors de la

Hollande,

soit

dans?

la patrie

de l'auteur,

soit

dansil

le

pays dont

il

traite l'histoire

Jusqu' preuve du contraire

faut le tenir

pour

officieux,

ou tout au moins agrable au gouvernement.

Au

XIX* sicle, les conditions taient autres,le

du moins dans

les

pays considrs par

prsent ouvrage. La connaissance du lieuet anglais,ils

perd ds lors toute importance. Pour les livres franais

on n'a pas besoin de l'indiquer, car partir de 1800

parais-

sent presque sans exception Paris ou Londres. Mais pour les

ouvrages d'histoire allemands la rsidence de l'diteur est galementindiffrente.6

Nous renvoyons une:

fois

pour toutes aux recueils consulter

suivants

Ludwig Wachler, Geschichte derKunstseit

historischen Forschung

und

der Wiederherstellung der litterrischen Kullur in

Europa

(dans la Geschichte der Knste

und Wissenschaften de

Goettingen) 1812 1820 (pour toute la littrature ancienne ainsi

.

AVERTISSEMENT

Vxvii'' et

que pour tousxvni^sicles.

les petits historiens

non nomms des xvi%

L'ouvrage

de Wachler s'interrompt juste avant

Ranke)

Allgemeine Deutsche Biographie, 1875 1910. Caractristiqueset

index de litttrature dtaills.

On

trouve en certains cas des

complments ces derniers chez Franz Xavier v. Wegele. Geschichte der deutschen Historiographie seit

dem Auftreten

des

Hu-

manismiis 1885 (danschland publie parservices,le

la

Geschichte der Wissenschaften in Deuts-

Comit historique de Munich). Les mmesdela

surtout

quant l'indicationparet S.le

littrature,

sont

rendus pour

les historiens anglais

Dictionary of National 1903. Cf. enin der

Biographyoutre

dit par L.

Stephen

Lee 1885

Georg de Wyss, Geschichte der Historiographiela littrature

Schweiz 1895 (pour touteSuisses).

ancienne sur

les historiens

Ce ne sont pas seulement desSources del'histoire

historiens franais que traitent les

de Finance dites par Auguste Molinier etss.).

Henri Hauser (1901

Sont considrer pour notre but

le

cinquime volume del'introduction

la

premire partie rdige par Molinier avecetle

gnrale

chapitre

sur

les

historiens

des

annes 1461 1494 (1904)la

et les trois

volumes parus jusqu'ici de

deuxime partie

crite parles

Hauser qui vont jusqu' 1589

(publ.

1906 1912). Sur

ouvrages (mais ceux-l seulement) descrits

historiens franaislatin)

modernes (y compris ceux qui sont

en

on

est bien orient par

Gustave Lanson, Manuel bibliogra1

phique de la littrature franaise moderne,(xvif sicle) 1910, III(xviii''

(xvi

sicle)

1909,

II

sicle)

1911, IV (xix^ sicle) 1912.

Ondel

trouve aussi des notices bibliographiques sur les historiens

franais

du

xix^ sicle chez H. P. Thieme,

Guide bibliographique

littrature franaise dela littrature sur

1800a 1907.qu'il

Pour

l'humanisme ancien, ce

y

a de

mieux

est

Georg Voigt, Die Wiederbelebimg des klassischenerste

Altertums oder das

Jahrhundert des Humanismus,

S" dition

procure par M. Lehnert, 1893.

VI

HISTOIRK DE L HISTORIOGRAPHIE MODERNE

Pour riiisloire de

la

Philosophie de l'histoire nous renverrons sur-

tout Robert Flint, Historical

Philosophy in France and French

Belgium and Sxvitzerland, 1893, elPaul Barth, Die Philosophieder Geschichfe als Soziologie, 1897. Pour l'Histoire de la civilisation Friedrich Jodl Die Kulturgeschichtschreibiing iind ihr Pro-

blem 1878

:

Ernsl Schaumkell, Geschichte der deutschen Kulturziir

geschichtschreibiing von der Mitte des 48. Jahrhiinderts bis

Romantik (exclusivement) 1905 (danssocit Jablonowski raires; l'expos,;

les livres

couronns par

la

cite icil'a

cause de quelques notices littles

comme

dmontr Nohl dans

Forschiingen

zur brandenburgischen und preiissischen Geschichte 19 [1906]288, est en grande partie une compilation d'colier deDilthey dans la Deutsche Rundschau, 1901,III et

l'article

de

de

J.

Goldstein,

Hume^ParL.v.

1903). Pour V Histoire ecclsiastique, F.-Ch. Baur, Die,

Epochen der kirchlischen Geschichtschreibung 1852.la citation

Ranke zur

Kritik, nous entendons Touvrage de,

Ranke, Zur Kritik neuerer Geschichtschreiber1874(Appendice

2^ di-

tion,

Geschichten

der romanischen

undla

germanischen Vlker)

Nous renvoyonslittrature, qui

aussi

une

fois

pour toutes aux Histoires de

souvent contiennent des donnes

trs utiles prci-

sment pouraise

la bibliographie.

Les historiens de

la littrature fran-

notamment ont coutume de parler enhistoriens.

dtail

d'une partie auici

moins de leurs

Nommons

seulement

G. Lanson,

Histoire de la littrature franaise (1894 et nombreuses ditionsdepuis) et l'Histoire de la langue et de la littrature franaise (1896

1899) publie par Petit de Julleville.anglais l'analogue dansqui parait depuis 1907.

On

a pour les historiens

Cambridge History of English Literature,

De mme on

n'a pas cit en particulier

Max Lenz,

Geschichte;

der Universitt Berlin,attend un demi-volume

1910

(actuellement jusqu' 1840

on

final).

Notre expos se trouve trs heureusement complt par l'ou-

vrage (paru en 1913) de G. -P. Gooch, History and Historians in

AVERTISSEMENTthe

VII

Nineteenth Century^ qui non seulement parle de beaucoup depas leur placeici,

petits historiens qui n'ont

mais

traite l'histoire

des recherches avec autant d'ampleur quegraphie.

celle

de l'historio-

Indiquons enfin l'esquisse extraordinairement spirituelle

et

sug-

gestive d'une histoire de l'historiographie ancienne et moderne,

particulirement au point de vue de la philosophie de l'histoire,

que Benedetto Croce a publie sousdlia Storiografia^ dans leCritica.

le titre

de Intorno alla Storiala

numro de mai de l'anne 1913 de

HISTOIREDE

L'HISTORIOGRAPHIE MODERNE

LIVRE PREMIERL

HISTORIOGRAPHIE HUMANISTE EN ITALIE

A.

L HISTORIOGRAPHIE HUMANISTE JUSQU'A LA CONTRE-RFORMATIONLesprcurseurs de l'historiographie humaniste:

L

PTRAQUE ET BOCCACE.L'historiographie moderne,

comme

d'autres branches de la

lit-

trature, part de l'humanisme. Les

deux premiers matres de

la

nouvelle culture

:

voil ses fondateurs. Ni Ptrarque, nilui

Boccace

sans doute n'ont puet n'a constitu

donner sa forme

dfinitive. Elle n'a pris vie

une vritable

cole qu'aprs que la productionlettrs celle

humaniste eut pass des mains desd'Etat. Maisles

des

hommessicle,

humanistes florentins

qui, vers la fin

du

xiv''

introduisirent le style

nouveau dans

les relations

diplomatiques et

dans

les publications politiques, et qui portrent aussi leur activit

sur l'histoire, ont beau s'carter de la tendance de leurs

prd-

cesseurscieuses.

:

ils

leur doivent

commey a

historiens des instigations pr-

Leurs principes critiques sont emprunts;

en partie

Ptrarque et Boccace

il

mme

un cas

(la

Vita di Dante de

Boccace) o leurs productions ont pu se rattacher directement

une cration des vieux matres.1.

^

Ptrarque.

(Petracco), n en 1304 Are/.zo, niorl en 1374 prs d'Arqu:

Les uvres historiques du clbre humaniste Francesco Petrarca non loin de Padoue, sontFUETER.1

2

HISTOIRE DE L HISTORIOGRAPHIE MODERNE

1 Une hisloire de rancicnne Rome en biographies, le Quoriundam clarissimorum virormn epitome (qu'on appelle ordinairement d'aprs les premiersmols de la ddicaccLiber de viris illustribus). Il y traite de vingtet un hros de l'histoire romaine de Romulus Csar, et en plus d'Alexandre le Grand, de Pyrrhus et d'Annibal. L'ouvrage fut continu aprs sa mort et complt par son lve Lombarde dlia Seta, qui y ajouta douze biographies et poussa chronologiquement la srie jusqu' Trajan (P. de Nolhac. Notices et Extraits des manuscrits de la Bibliothque Nationale, 34, restreint qu'aprs coup son sujet l'histoire I, 68 ss). Ptrarque na romaine. Une rdaction antrieure commenait par Adam et comprenait, avant les Romains, neuf hros de l'histoire biblique, Ninus, Smiramis, et deux figures de la lgende hellnique (de Nolhac, ibid., p. 99 ss). Le titre d'Epitome indique le caractre de compilation et de rsum des Viri et ne doit pas se traduire par extrait (Nolhac, p. 66). Premire dition complte par L. Razzolini ; Francisi Petrarchae de viris illustribus vitae 1874 et 1879 dans la Collezione di opre indite a rare. Les biographies composes par Lombarde sont ranges avec les authentiques; les quatre dernires seulement (Auguste, Vespasien, Titus et Trajan) sont omises. Le second volume, qui contient la biographie de Csar n'est qu'une rimpression de l'dition donne par C.-E.-Chr. Schneider en 1827 [Fr. P. Historia Julii Caesaris, auctori vindicavit, secundum codicem Hamburgensem correxit, cum interpretatione ilalica contulit Schn.) Un fac-simil de la Vita Ptrarque. Vie de Csar, reproCaesaris a t publi depuis par L. Dorez duction phototypique du manuscrit autographe 1906. On doit aussi Schneider l'attribution positive de l'ouvrage Ptrarque on l'attribuait auparavant ce Julius Celsus qui passait au moyen ge pour l'auteur des Commentarii sur la guerre des Gaules (Cf. D. Rossetti. Petrarca, Giulio Celso e Boccaccio 1828). Avant Razzolini il n'avait t publi qu'une partie des autres Vies par Schneider 1829-1834 dans les programmes de l'Universit de Breslau. A l'dition Razzolini est ajoute la traduction italienne, acheve en 1397, de Donati degli Albanzani. Le travail de de Nolhac dans les Notices et Extraits 34, I, 61 148 est le complment indispensable de cette dition. Ptrarque chercha donner dans le Compendium un extrait de l'pitome, dont il composa lui-mme encore les quatorze premires biographies; c'est Lombardo dlia Seta qui ft l'extrait des autres ( partir d'Alexandre le Grand). Ce compendium porte dans beaucoup d'ditions le titre d'Epitorne, ce qui a occasionn de frquentes confusions avec l'ouvrage principal. (11 ne figure que dans les anciennes impressions des Opra, dans l'dition de Ble de 1581, p. 495 501 sous le titre de Vita:

;

rum virorum illustrium epitome.) 2 Rerum memorandarum libri IV, recueil d'anecdotes historiques compos sur le type de Valre Maxime. La matire n'est pas exclusivement emprunte l'histoire ancienne aux divisions prises dans Valre de Romani et Externi s'en ajoute une sur les Recentiores. L'ouvrage est rest:

inachev. Editions

comme pour

le

Compendium

(d.

cit.

392 495).

H. Cochin et L. Uorez en prparent une dition critique, qui sera publie comme 8 et 9*^ volumes de la Bibliothque littraire de la Renaissance.

PETRARQUELittrature.P.

3

Ce que nous avons de meilleur sur les Viri illustres est de Nolhac, Ptrarque et l'humanisme, 2*^ dit. 1907 (le chapitre Ptrarque et les historiens romains). On peut comparer encore sur les fier. memor. G. Krting Petrarcas Leben und Werke [Geschichte der Literatur Italiens im Zeitalter der Renaissance I, 1878) 592 614; toutefois, son expos ainsi que celui de L. Geiger {Petrarca 1874, p. 78 ss.) sont dpasss en grande partie par de Nolhac. Korting est attaqu aussi par A. Viertel, P. De V. ill. 1900. G. Kirner Sulle opre storiche di F. P. 1889 dans:

;

Ptrarque et l'histoire romaine.fique qui

Ce n'est pas:

un

intrt scienti-

amena Ptrarque

l'histoire

ce sont les aspirations de

son patriotisme utopique vers

l'unit iti^ienne, vers le rtablisseil

ment de

l'ancien empire romain. Et

ne composa d'abord ses crits:

historiques que pour lui-mme, press par ses malheursdait au pass de le consolertin, la vie

il

deman-

du prsent. De ce;

fils

d'un exil floren-

avait fait

un cosmopolite italien

le solide

appui d'une cit

lui

manquait.

Comment la

situation politique de son

temps

et-elle

pu donner

satisfaction son

temprament circonspect

et mditatif?

Unil

patriote italien

comme

lui

ne pouvait s'accommoder de l'empire

des Barbares. L'oubli des maux du prsent (iniqui temporis oblimo),

ne pouvait

le

trouver que dans la contemplation de l'ge d'or, de

cet idal qui avait t ralis, puisque son pays avait tenu le

mondel'Ita1

sous sa domination.lie

Au

milieu des dchirements politiques de

contemporaine,

il

se rfugia dans la glorieuse histoire de la

Rome

;

antiqueIl

est toujours assez fcheux pourla raison qu'il

un historien de se tourner vers

le

pass par

ne peut s'intresser au prsent. de jadis,s'il

Com-

ment comprendrait-ilsur les tches du jour

les luttes?

n'a pas les yeux ouverts

Une:

autre circonstance encore tait dsavantait

tageuse pour Ptrarque

il

dconcert non seulement parla:

les

problmes historiques, mais par ceux deIlil

psychologie individuelle.c'tait

ne comprenait bien qu'un seul

homme

lui-mme. Autantil

montre de pntration dans l'analyse de soi-mme, autant

est

incapable de comprendre des caractres trangers, surtout des

hommesSi

d'action. Les sonnets Laure dessinent l'amoureux;

avecj

une finesse admirable encoreil

les figures

des Trionfi sont des abstractions.

avait peint des

hommes

de

l'histoire

romaine d un

esprit apparent

au sien

!

Il

s'y refusa

par des motifs patriotiques etla

s'attacha avec

un exclusivisme voulu des hros de

guerre et de

4la politique.

HISTOIRE DE L HISTORIOGRAPHIE MODERNE

Rien d'tonnant cevie.

qu'il

y choue. Ses personnagesil

manquent detr

Quand

il

essaye de:

les caractriser,

reste

empne se

dans une pi)rasologie vague

d'une personnalit aussi fortele

mentfait

marque que celle d'un Caton;

Censeur par exemple,

il

pas une ide juste

il

l'appelle704).Il

quelque part orator elegantissin'est pas plus

mus

(Viri d. Razzolini,:

I,il

heureux dans unequ'il

caractristique indirecte

rassemble sans choix tout ce

trouve

sur son hros,

mme

des anecdotes insignifiantes. Non content deil

s'en tenir au point de vue partial de Tile-Live,

va plus loin que son

matre

:

il

supprime sciemment (sciens

sileo)

des

faits

rapports

par

celui-ci,,

quand

ils

risquaient de dfigurer son tableau idal.

C'est ainsi qu'il passe sous silence l'anecdote raconte (ite-LiveXXXIX,4:2, s.)

sur^Quinctius Flaminius, netaie aliquid,(I,

numperveniretcive

unquam ad nolitiam hominon dicam a Romano duce sed a RomanoCe qu'a deIl

commissumdtails.

708,

s.).

thtral ce style tant admir

ne

le

choque pas davantage.

le

prend pour guide, en grand

comme

dans les

Son

culte pour le premier Scipion l'Africain (sonil

hros favori, sur lequelthorie de Tile-Live,

s'tend le plus, aprs Csar) repose sur une

qui,

avec d'autres Romains de son temps,

regardait la priode des guerres puniques

comme Tge

d'or de la

Rpublique romaine.

Le style historique de Ptrarque.

Le mpris du prsent etOnsait

l'en-

thousiasme pour l'ancienne

Rome

ont influ un autre point de vue

(-encore sur les productions de Ptrarque.

que son dsir de

vivre au moins en esprit dans l'antiquit le poussa crireis'il

commefor-

y vivait rellement encore. DansI,

le

De remediis utriusque

unae

29,

il

s'exprime

comme

si

les

courses de chars elles luttes

antiques taient de son temps encore une coutume gnrale.

Mme

procd dans ses uvres historiques.ques de l'administrationet

Il

emploie

les

termes techni-

de

la

guerre chez les Romainssi le

comme

des expressions courantes,

comme

sens n'en avait pas chang

depuis et que ses contemporains aient su ce qu'est un consul ou untribun du peuple.Il

n'aurait

pu autrement garder sa pose d'ancien

Romain. Une

interprtation exacte de ces termes et d'ailleurs exig

de longues et savantes tudes de droit public que Ptrarque n'avaitni les

moyens

ni l'envie d'entreprendre.

PETRARQUE

5

Ce

n'tait

en

fin

de compte qu'un dtail extrieurIl

;

pas complte-

ment

inoffensif cependant.

y a une

troite affinit entre l'habitude

de Ptrarque de dsigner des objets antiques par des termes auxquelsses contemporains attachaient de tout autres ides

ou n'en attachaients'efforaient

aucune, et

la

manie des puristes postrieurs, qui

de

dsigner des choses modernes par des quivalents antiques.

En revanche, Ptrarqueantique.lius

est tout fait indpendantIl

dans

la

com-

'

position de ses biographies.Il

ne s'attache pour cela aucun modle j estimait Sutone, mais ne le suivait pas quant Corn;

Nepos,

il

ne

le

connaissait pas encore.

Ptrarque et

les sources.

Avec

lui, la

critique des sources

'

fit

un progrscritique.

dcisif.

Ptrarque n'avait pas de dispositions pour

la

Mais ses

efforts

pour prserver de toute souillure moderne

son tat romain idal l'amena distinguer suffisamment les sources

pour s'appuyer exclusivement sur des auteurs anciens et bannirrsolument del'histoire

ancienne les inventions fabuleuses du_iil

moyen

ge. Pour la biographie d Alexandre le Grand,la

ne

fit

aucune concession

lgende d'Alexandre et n'accueillit que les

relations de tmoins anciens (latins). Mais quels tmoins!

A

ct

de Justin, avant tout Quinte-Curce,etil

qu'il prenait tout

fait au srieux'Voici

dont

le style lui inspirait

une grande admiration.tait antique,il

commentsans exa'

procdait.si elle

Ds qu'une sourcetait

l'utilisait,

miner

digne de

fui

;

moins quil

il

n'y et des invraisem^^

blances trop grossires, parmi lesquellesdiges anciens (Kirner, p. 74).Il

rangeait surtout les pro-

ne

faisait

pas de diffrence entre les

auteurs d'poques diffrentes et ne s'informait pas de leur tendance.

Dans sa biographie de Csar,taires et ne se

il

suivait sans hsiter lesle

Commenla

demandait pas

si

Csar (ou

Celsus suppos dpen-

dant de

lui)

n'avait peut-tre pas

mis quelque partiaht dans

couleur du

rcit.

D'un autre ct,

il

cherchait mettre en uvre tout

ce qu'il trouvait de documents^antiques,

mme

les rares sourcesil

non

littraires

dont on disposait alors, et pour sa vie de Csar

fit

quelques emprunts aux lettres de Cicron.

A l'exception

de Cornlius

Nepos

et

deVelleius Paterculus,

il

connaissait dj tous les historiensqu'il traitait

romains qui nous ont t conservs pour la priode

(quant

aux auteurs postrieurs,

il

lui

manquait avant tout

Tacite).

6

HISTOIRE DE L HISTORIOGRAPHIE MODERNE

Lesle

Res memorandse L'autre ouvrage historique de Ptrarque, Rerum memorandarum libri IV, n'appartient gure l'histoIci

riographie.

ce n'est plusil

le patriote, c'est le

moraliste qui parle.les Viri illus-

Entres

cette qualit,

fait

preuve d'indpendance. Dans

dj

il

s'cartait volontiers des sources

romaines en ce qui

touchait la philosophie de la vie. Mais nous n'avons pas nous

occuper

ici

des principes thiques soutenus par Ptrarque dans son

recueil de cas intressants pour la morale et la philosophie.

Remar-

quons seulement quel'histoire

la

plupart des anecdotes sont empruntes

ancienne, un petit nombre sont des Recentiores. La fiction

de l'ancienne

Rome

est

maintenue

ici

encore

:

tout

commeExterni.

chez

Valre Maxime, les anciens Grecs figurentreste, ni le plan ni l'excution

comme

AuViri

ne montrent vis--vis dela

la littrature

de l'antiquit ou du moyen geillustres.

mme

originalit

que

les

Ptrarque novateur.rique de PtrarqueToriographie.

Malgr ses faiblesses,le

l'activit

histol'his-

marque

dbut d'une nouvelle re dansfois

Pour la

premire

depuis longtemps

l'histoire n'tait

plus crite sur

commandel'tait

d'une autorit, ni d'aprs les vues d'une

^classe ou avec l'appui d'un systme thologique. Un laque ind-

pendant (Ptrarque

comme

crivain) traitait l'histoire d'aprs

sa conception personnelle. Le

fait

que

la personnalit qui l'entre-

prenait tait peu qualifie pour l'histoire ne diminue en rien la valeur

de cette innovation. Les fondations taient poses

:

l'historiographie

humaniste de

l'Italie

n'avait qu' btir.

2.

Boccace.

Giovanni BoccAccio,Ie clbre pote et humaniste (n en 1313 Paris, crit en fait d'uvres historiques i De Claris mulieribus, 104 biographies (105 avec l'avant-dernire, la vie de Brunehilde emprunte aux Casibus), toutes, l'exception des 7 dernires, de femmes de l'antiquit, et presque exclusivement de la lgende grecque et de l'histoire romaine. C'est dessein, d'aprs la prface, que Boccace n'a pas admis dans son recueil de Saintes hbraques et chrtiennes: seule l'histoire d'Athalie provient de la Bible. Publi probablement vers 1362. Sur le? diffrentes versions cf. G.Traversari,Appunti suUe redazioni del De clar. mut. diG. B. dans les Miscellanea di studi cri-

mort en 1375 Certaldo), a

:

tici

pubblicati in onore di G. Mazzoni, per cura di A. dlia Torre e P. L.

Ram-

BOCCACE

7

baldi, 1907. La dernire dition et la plus accessible, mais gte par les interventions. personnelles de l'diteur, Berne 1539. Sur les ditions antrieures et les nombreuses traductions comp. A. Hortis, Stuclj sulle

opre latine del B., 1879.2 De Casibus virorum illustrium libri IX, une centaine de chapitres, la plupart sous forme de biographies, sur l'inconstance du bonheur humain. La matire des huit premiers livres est emprunte l'antiquit classique et biblique, celle du neuvime au moyen ge et au temps prsent. Ecrit entre 1356 et 1364. Plusieurs fois remani, et con-

serv en deux rdactions diffrentes (H. Hauvette, Recherches sur le De Casibus, 1900). La dernire et relativement la meilleure dition 1544 Augsbourg, Cf. Hortis, op. cit. 3 La vitadi Dante. Conserve en deux rdactions, une plus ancienne, dite le Compendio (publie parE. Rostagno 1899 comme vol. II-III de la Biblioteca storico-critica dlia Letteratura dantesca) et la Vulgate plus dtaille (dition critique de Macri-Leone 1888 dans Raccolta di opre indite o rare). Les deux ditions imprimes conjointement dans A. SolertiLe vite di Dante, Petrarca e Boccaccio scritte fino al secolo XVII, Milan, s. d. (vers 1904). 4 De vita et moribus domini Francisa Petrarchse. Publi d'abord par D. Rossettidans le livre Petrarca, Giulio Celso e Boccaccio, iS28, se trouveaussi chez Solerti (voir3). Ecrit vraisemblablement entre 1348 et 1349. Index des uvres chez G.Krting, Boccaccios Leben und Littrature. Werke (1880). M. Landau, G. B. 1877. Quelques documents sur les sources des uvres historiques latines (1 et 2) sont donns par Schck dans

Neue Jahrbcherf. Philologie und Padagogik, 110 (1874), 467 ss. Ajoutons Le Hortis dans l'ouvrage cit (n 1) et dans deux tudes spciales donne famose, descritte da G. B., 1877 et Cenni di G. B. intorno Tito Livio:

commentati, 1877. L'apprciation la plus juste et la plus scrupuleuse de la Vita di Dante est celle de P. Scheffer-Boichorst [Aus Dantes Verbannung,1882, p. 191 ss.) Cf.chichte Dantes,

dans

en outre Th. Paur, Ueber die Quellen zur Lebensgesle trente-neuvime volume du Neues Lausitzisches

Magazin

(1862), 1238 ss.

C.

Trabalza, Studi sul B., 1906.

Boccace continuateur de Ptrarque.

Les encouragements donfruit.

ns par Ptrarque ne restrent pas sanspas,

Boccace ne dmentit^

comme

historien

non plus, sa dpendance du matre. Sesse rattachent troitement celles deil

uvres historiques

latines

Ptrarque. D'une manire tout extrieure,

est vrai.

Il

emprunta

son modle quelques habitudes spciales, tudia les sources surlesquelles celui-ci avait attir l'attention, et recherchales historiens

comme

lui

anciens perdus.

Quant il

l'esprit

qui avait inspir

l'activit historique

de son matre,

n'en a gure senti le souffle.n'tait"^

Commentpasle

en

et-il t

autrement! Le pote du Decamerone

penseur

solitaire qui se

dtourne avec dgot du spectacle

8

HISTOIRE DK L HISTORIOGRAPHIE MODERNEle

de son temps et laisse errer mlancoliquement son rea^ard dans

mondele

glorieux de l'antiquit romaine.

Il

prend rsolument pied dansne rpond pas pourlui

temps prsent. L'tude deIl

l'antiquit

un besoin intrieur.

ne sadonne l'humanisme que pour y cher-

icher l'ornement de ses crations potiques. L'histoire pour elle-

mmelatins

l'intresse

moins encore que Ptrarque; sesni

crits historiquesni

ne marquent aucun progrs,

dans

les

connaissances

dans

les recherches.

Avec ses Femmescomplter lesl'gard

illustres

,

Boccace voulait, ce que

dit sa prface,

Hommes

illustres

de Ptrarque. Une prvenance

de ses nobles protectrices affames de divertissementsexpliquercette

peut

seule

singulire

ide

:

sous prtexte quela justice

Ptrarque n a trait que les hommes, prtendre que.

ou

la

galanterie exige un pendant fminin Par ses biographies de capitaines^et

d'hommes

d'Etat romains, Ptrarque avait essay de tracer un

tableau de la grandeur militaire et politique de l'ancienneet si l'excution

Rome,quitta

chez

lui

dj tait reste au-dessous de l'intention,

Isa

pense conservait dedel'histoire,

la

valeur pour l'histoire. Boccace,

lui,

le terrain

en se mettant recueillir des anecdotes surtitres les

[des

femmes clbres aux

plus diffrents.lieux

Il

est vrai

que

le

sujet

permettait d'accumuler les

communs moraux qu'onil

aimait dans les cercles de Cour. Connaissant son public,

ne

lui

supposait aucun intrt pour

la

matire

traite, et

ne visait qu'

^'amusement. Le choix du thme qui pouvaitet autorisaitles rcits

attirer tout le

mondel'art

des intermdes scandaleux,

la varit

des personnages,

romanesques des femmes clbres rdigs avec

du

nouvelliste exerc

tout

cela montre clairement le but de l'opus:

cule. Cela est bien caractristique

tout est rabaiss au niveau de laqu'il

nouvelle,garit

mme

les

lgendes grecques,

raconte avec la vul-

du rationalisme populaire deil

lantiquit.

Naturellement,'

ne saurait

s'agir

en l'occurrence de critique desfait

sources. Boccace ne le cdait d'ailleurs pas Ptrarque endition et

d'ru-

de lecture, bien que

les citations11

moins prcises trahissent

une lecture plus

superficielle.

connaissait toutes les uvres

historiques de l'antiquit que Ptrarque avait lues, et en plus Tacite(F.

de Nolhac, BoccaceXII, 1892)

et

Tacite dans les Mlanges de V Ecole de

Rome.

BOCGAOE

9

Le second ouvrage historique de Boccace, De casibus visorum illustritim, est inspir

par

le

Rei^m memorandaruni

liber Aq Ptrarque.

Car

les considrations

morales auxquelles les exquisses biogra-

phiques runies par Boccace servent de point de dpart, ne touchentpas seulement,

comme

le titre

pourrait le faire croire, l'inconstanceles loci

de

la fortune

humaine, mais peu prs tous

communes de

l'thique

populaire.

Avec

cette diffrence, que Ptrarque n'avait?

donn son livre que comme un recueil d'exemples, tandis que Boccaceaffectait l'allure d'une histoire universelle

ou tout au moins d'unhistoires isoles j

extrait

systmatique de cette histoire. Et

comme des

depuisil

Adam

et

Eve jusqu' nos jours, ne forment pas un ensemble,artificielles,

tait forc

de recourir des additionsfeuilletons.

des transi-

tions de

romans ou de

Par

l

son uvre reste vraiment

trangre l'historiographie. D'un autre ct Boccace, sur la sensibilit

duquel l'antiquit avait une moins forte prise que sur celle du

matre, a considrablement tendu le cercle des crivains compulss

en dpassant la chute de l'empire romain et en annexant par

exemple Grgoire de Tourssont en progrs sur les

et Paul Diacre.

A

cet gard, les Casus

Femmes

clbres,

o

les Scriptores historiie

aiigustae taient les derniers auteurs utiliss.

Boccace gagna aussi l'enthousiasme de Ptrarque pour l'histoire de il a traduit lui-mme la 4" Dcade en italien {La quarta De di T.L., volgarizzata daG. B.,i. V des Deche di T. L. volgarizzate d. buon secolo publies par Pizzorno. Une traduction de la 'i" Dcade livre I et 11 donne comme provenant de Boccace a t publie par Carlo Baudi di Vesme dans le Scelta di Curiosit lett. 143 et 153 (1875 s.).Tite-Live:

Boccace crateur de la biographie d artistes.trs

Si

Boccace resta

infrieur

Ptrarque tant

qu'il

le

prit

pour modle, sonil

activit historique fut d'une

grande porte quandle

ouvrit une nou-

velle voie.

Son contact plus intime avec

prsent empcha sesla

tudes humanistes d'affaiblir en rien sa haute estime pour

Divina

I

Commedia.

C'est de sa vnration pour le matre de la posie italienne

qu'est sortie l'uvre historique la plus importante de Boccace, sa

Vie de Dante.

Cet ouvrage est plus qu'une protestation indirecte contre l'exclusivisme classique affich, sinon rellement prouv par Ptrarque.Vis--vis de la littrature ancienne,il

se dresse en pleine indpen-

40

HISTOIRE DE L HISTORIOGRAPHIE MODERNE

(lance; elle ne pouvait lui offrir de modle,

mme

dans

la

mesure

o

elle

lavait

fait

pour

les

Hommes

illustres

de Ptrarque. La VitaIl

di Dante est la premire vritable biographie d'un pote.

s'y

mle sans doute de

la rhtorique, surtoutqu'il

de

la

morale raisonnante;

on y sent parfois, plusla

ne conviendrait dans une biographie,la posie.

tendance dune Oratio pro domo, d'une apologie del'effort

Mais partout se montre galement

pour tracer

le

caractre

du pote

et

de l'homme,

et

Boccace

sait

donner son style relev

autant de prcision que pouvait en comporter la rhtorique d'unloge.

Le

fait

que

le

pote seul obtient satisfaction, tandis que

le poli-

tique est presque totalement ignor, n'a gure t dsavantageux l'ouvrage.

Que Boccace,

qui manquait de sens politique, n'ait pas

enrichi sa narration de deux ou trois lieuxcivils, le lecteur s'enfait taire la

communs

sur les troubles

console aisment.

Il

l'excusera moins d'avoir

critique en prsence de la rapide floraison de la lgende

dantesque. Boccace reproduit tout bonnement la tradition qui voulait

voir dans sa vie le pote tel qu'elle l'imaginait d'aprs son

uvre.'

Atec

la Vita di

Dante

(et

une esquisse antrieure, en

latin,

sur

Ptrarque) Boccace a inaugur dans

la httrature historique

un nou-

veau genre,

la

biographie d'artistes.

Aucun genre

n'a produit dans

l'humanisme de plus nombreux rejetons. Les tendances artistiquesde l'humanisme et dela

Renaissance n'ont pas trouv dans

l'histo-

riographie d'expression plus directe que dans les ouvrages la tte,

desquels se place la Vie de Dante.

II.

Les

Annalistes humanistes

A.

La fondation de V historiographie humanisteet

Vancienne cole florentine.

1.

a.

Les principes de l'historiographie humaniste Le retour aux formes de la rhtorique des anciens.

Tendances de publicistes.

Ptrarque et Boccace

avaient crit

l'histoire en moralistes et en lettrs. Leurs uvres historiques ne

formaient qu'une partie, et non la plus importante de leur carrire

L

HISTORIOGRAPHIE HUMANISTE ET l'anTIQUIT

H

d'crivains. Ils taient en dehors de la vie politique de leur temps.Ils

ne traitaient que des vnements particuliers et ne se mesurrent

jamais avec un grand sujet historique.

On ne pouvait apprendre

d'eux la manire de traiter, par exemple, l'histoire d'un pays oucelle d'un sicle. L'historiographie latine des publicistes qui l'entre-

prirent ne pouvait puiser chez eux qu'une inspiration gnrale.

L'historiographie humaniste proprement dite n'apparut qu'aprs

que

le style

humaniste eut commenc s'employer dans

les rela-

tions diplomatiques. C'estla

quand Coluccio

Salutati eut fait place affaires tranla

nouvelle culture dans

le

dpartement florentin des

gres, que son lve

Leonardo Bruni put songer mettre

main

une historiographie officieuse, destine avant tout l'tranger.

Des tendances esthtiques

et

des tendances politiques imprimaient

cette nouvelle cration une allure contradictoire.tiques, les historiens

Comme;

poli-

i

humanistes dsiraient mettre

le

gouvernement

de leur pays en bonne posture vis--vis de l'trangerlistes, ils

comme

sty-

cherchaient rendre clbres leur tat et ses hros, c'est-

-dire captiver par

une exposition brillante

le

lecteur

mme

que

le

sujet n'intressait pas.

L'amour de

la gloire

s'unissait des butsj

politiques pratiques. L'historien avait la fois des devoirs d'artisteet

de publiciste.

.^

Rattachement Ihistoriographie deimitation des

1

Antiquit.tait

Or, l'exactediscift

^

modles classiques romains

aux yeux des

ples de l'humanisme l'unique

moyen

d'atteindre un style quila disposition

impression.

Comme

type de l'annaliste, tant pour

que

pour

la narration,

on ne reconnaissait que Tite-Live, dj clbrle

par Ptrarque

comme

plus grand des historiens. Bruni et ses

disciples ne pouvaient se rattacher Ptrarque et Boccace, ceuxci

ne suflisant plus aux nouvelles exigences de

style, qui visaient l'anti-

une reproduction mthodique des modes d'expression dequit.

Le plus

brillant reprsentantle

romain de l'historiographie rhtori./

'

cienne devint ainsiIrine

matre de l'historiographie humaniste. La docl'histoire

des anciennes coles de rhteurs, qui dfinissaient(Cicron,

comme munus oratoris1,

De Oratore, ii, | o"!fut

;

cf.

De Legibus,

2

(I 5)

:

opus oratorium maxime)

de nouveau mise en valeur.

12

HISTOIRE DK L'niSTlt(UOGaAPlllE MUDEUNKla

Les historiens s'efforcrent de nouveau de rivaliser avec

posie

1

(celle des rhteurs). Leurs rcits durent mouvoir, branler, comme une tragdie de Snque ou un chant de l'Enide. On retrouva les artifices par lesquels 'les historiens alexandrins avaient charm un

public gnralement tranger la vie politique. Le rcit dramatique

eut de nouveau la premire place. La chronique du

moyen ge;

remontant

l'Histoire ecclsiastique d'Eusbe, taitle

sans art

ellel'his-

avait cependant permis d'embrasser aisment danstoire tous les

cadre de

domaines de

la vie

publique

:

elle fut

systmatiquement'

bannie par les Annales

la Tite-Live,

qui n'attirent l'attention que

sur les vnements se prtant un dveloppement esthtique,

les

guerres et les rvolutions.

Au heu de relater les

faits

importants pour

l'existence de groupes entiers, les historiens, qui voulaient frapper

l'imagination, s'en tenaient plutt l'histoire de certains person-

nages

;

autant que possible

ils

disposaient leurs plans

comme

s'il

s'agissait de prparer

un grand opra. On ne

s'inquitait

gure de

savoir

si

l'historien comprenait bien les problmes historiques et

savait bien interprter les sources.

A

quoi servait-il que plusieurs,

par leur exprience pratique, fussent bien autrement prpars crire l'histoire,

que

les

dclamateurs de l'Antiquit dont ils copiaient

la manire? L'autorit des Anciens tait trop puissante pour qu'ils

eussent pu suivre une voie nouvelle et meilleure.

Ce

n'est pas tout.

A

un certain gard

les

humanistes avaient une

position plus dsavantageuse que leursmodles. Ceux-ci, les Romains

du moins, pouvaient parler la langue des gens-cultivs de leur temps. Cette libert fut enleve aux historiens humanistes par le purismevieux-latin, auquel

eux aussi devaient obir cause de sa belle et

uniforme sonorit, c'est--dire par des raisons esthtiques^j

Le moyen gen'avait pas

avait naturellement cr des expressions tech-

niques pour des institutions politiques et militaires que l'antiquit

connues

;

il

avait tantt forg des mots tout nouveaux,

tantt

donn aux anciens un nouveau sens. L'humanisme donnala tractation scientifique

presque un coup mortel

de

l'histoire en

proscrivant plus rigoureusement ces termes nouveaux, dont beau-

coup ne pouvaient se traduire par un mot classique. La narration tait dj phraseuse par surcrot, on prit l'habitude de dsigner des:

objets

modernes par des quivalents antiques.

C'tait plus qu'un

L HUMANISMli

ET L ANTIQUIT

13

innocent badinage, etla

il

est curieux que, pour la langue elle-mme,

science

ait

d

faire place l'effet esthtique.la critique^

Ces dfauts ne doivent pas drober aux yeux de

moderne

les progrs qui furentla

accomplis quand mme. Elle peut

juger ddaigneusement

poursuite de la forme artistique qui

dtournait les humanistes des mmoires et des compilations informes

du moyen ge

finissant

;

mais

elle

ne saurait,

mme du point

de vuel'effort

de l'historiographie scientifique, condamner absolument pour couler touten'estla

matire historique dans un nouveau moule. Ce

pas sans

fruit

que des

hommes

cultivs consacrrent leur

temps

et leurs peines desfit

recherches historiques, et la critiquela disparition

historique ne

que gagner

du morcellement inintellatine

ligent des compilations

du moyen ge. L'historiographieet les rcits

du

moyenpourle

ge, part les

mmoires

emprunts

l'histoire

ecclsiastique, n'avait pas cr une forme nouvelle, satisfaisante

got artistique

:

on comprend que Bruni et ses disciples se

soient attachs au matre de l'historiographie romaine. Mais l'historien

moderne

n'en regrettera pas moins que les humanistes aientla suivrefaire.

pouss leur culte de l'antiquit jusqu'I

mme

l oii,

avec

urs propres forces,

ils

auraient pu mieux

Brunf et ses success'ils

seurs auraient produit des uvres de plus grande valeur

avaient

pu viter

l'imitation

des historiens anciens et crer eux-mmes unele voit

forme nouvelle, approprie leur temps. On

par les essais

indpendants tents au sein de l'humanisme par l'cole des grandsFlorentins.

En procdant comme

ils le firent,

les

humanistes endos-

srent les dfauts d'autruict ne purent qu'imparfaitement mettre en

uvre leurs qualits propres.continuateurs de la manire duc'est

Si la critique

moderne apprcie

les

moyen ge

plus que les humanistes,

uniquement parce que

les

premiers ont exprim d'une faon

plus immdiate ce qu'ils avaient pens et prouv.b.

La scularisation de

Ihistoire.

La rupture avec

la

forme ecclsiastique de l'historiographie eut;

des causes plus profondes que de simples diffrences formelles

de

mme,

derrire la sparation radicale qui dtacha l'histoire rgio-

nale de l'histoire universelle, se cachaient des tendances politiques.Voil ce qui, au fond, donne un cachet particulier l'historiographie

14

HISTOIRE DE l'hISTORIOGRAPHIE MODERNEet la distingue

de l'humanisme,Live tentes au

des nombreuses imitations de Tite-

moyen

ge.elle et l'historio-

Parlons d'abord de l'cart qui se produit entregraphie ecclsiastique.

L'humanisme

et la conception ecclsiastique de Ihistoire.difficile

C estmouve-

une question assez

claircir. L'humanisme tait un

ment prononc de

lacisation, et

son got pour l'antiquit provienttait

en grande partie de ce que les crivains anciens

exempts des

conceptions de l'glise chrtienne. Mais on ne sait trop jusqu' quelpointil

avait conscience de son opposition.italiens ontles

Les humanistes

compltement scularis

l'histoire,

mme quandI

on ne

compare qu' des prdcesseurs laques quilimin l'ide qu'une Providence

n'avaient pas reu la culture humaniste, tels que Giovanni Villaniet

Dino Compagni.

Ils

ont tout

fait

divine fixe soit le cours de l'histoire

du monde,

soit le dtail

des v-

kiements. La thorie des quatre monarchies n'est pas mentionne

mme

dans

les essais d'histoire universelleils

comme les Ennadesxviii^ sicle, ils

de

Sabellicus. Mais

ne nient pas davantage, directement,

la doctrine

ecclsiastique. Contrairement

smx philosophes dul'glise.

ne

^iscutent pas

le

systme historique delais.s

Leur dtachementlutte,

de ce systme n'a

dans leurs uvres aucune trace de

mme

sourde. C'est qu'au xv* sicle, en face de propos incrdules

qui ne tendaient pas une rvolte ouverte ou des crations sectaires, l'glise se

montrait plus tolrante que dans les sicles qui ont:

suivi la

rformation

elle

a tolr

mme

les violentes sorties

de

Machiavel.

Les histoires de miracles.

On peutils

reconnatre l l'influenceles

de l'historiographie antique. Mais un autre gardi

humanistes

l'ont dpasse.qu'ils

A

partir

de Bruni,

se sparent de Tite-Live en ce

\

excluent de leur narration toute espce de prodiges. Chez

Bruni on chercherait en vain les lgendes merveilleuses que raconte

Giovanni

Villani.il

Cet exemple fut gnralement suivi. Particulire-

ment quand

s'agissait

de miracles chrtiens. On conserva bienl'histoire

plus longtemps les fables dans

ancienne canonique

(et

chez quelques historiens celles des histoires de miracles qui ressem-

l'humanisme et les miraclesblaient aux prodiges des anciens).

15

Mme

aprs s'tre compltementles

dbarrasss des rcits fabuleux du

moyen ge,

humanistes

n'osaient pas appliquer ce procd radical

la tradition antique.

Pareillement, dans la premire moiti du xix^ sicle, les thologiensn'appliqurent que peu peu aucritiques d'aprs lesquelsils

Nouveau Testament

les principes

traitaient l'Ancien.

Cependant ce

n'est

pas sans rserves que les humanistes rptaient les histoires demiracles contenus dans une littrature sacre pour eux.rent pour la plupart aux voies frayes parl'glise:

Ils

en restPres deIls

Evhmre

et les

ils

se contentrent de rationaliser les lgendes antiques.

traitrent d'ailleurs l'histoire ancienne si

rarement que leur attitude

demi critique n'eut gure d'importance pratique.Cette innovation s'accomplit galement sans polmique, sans

_Commentlois

qu'on et ni en principe l'apparition de miracles.et-il t

en j

autrement? On ne put apercevoir nettement

le conflit entre

la conception thologique du

mondeles

et celle

qu'imposent les

de

la nature,

que lorsque

la

philosophie moderne indpendante eut

trouv une base assure dansrelles

dcouvertes des sciences natu-

aux

xvii^

et xviii^

sicles.

L'humanisme n'prouvait gurel'univers.

d'ailleurs le besoin d'un

systme philosophique deil

A

la

philosophie d'cole duquilui ft

moyen ge

n'en opposait pas une nouvelle

propre

;

il

n'opposait pas davantage la philosophie chr- _J

tienne de l'histoire une thorie purement laque.leurs aides sur l'histoire

En voulant rigerauraient perdu

en systme, les humanistes auraientils

touch une sphre de spculations abstraites ohaleine. Machiavel

iui-mme s'en remet expressment aux gens duI,

mtier pour l'explication des prodiges. {Discorsi sopra T. Liviocf.

56

;

sur l'hsitation de

Pomponace

propos des apparitions de1. 1,

spectres, F.

Lange Gesch. des Materialismus,ici

Livre

II,

SectionlII).

Les humanistesla

encore

et cela explique pourquoi

ils

jugeaientIls

polmique

inutile

suivaient une voie tout empirique.

se

"?

mettaient pour crire l'histoire au point de vue des laques cultivs,qui,

en

Italie,

demeuraient sceptiques vis--vis de tous

les miracles

ecclsiastiques modernes,forces surnaturelles.

sans nier en principe la possibilit de

Ils refltaient la

pense de leurs gouvernements,

qui taient assez clairs pour ne pas compter, dans la pratique,

sur une intervention miraculeuse de la Providence.

En vue du color

16

HISTOIRE DE L HISTOniOGRAPJIIE MODERNE

Iniinus de l'exposition, les miracles chrtiens devaient dj tre

exclus

;

mais ce qui eut une plus grande influence encore,

c'est la

froide raison politique des pouvoirs dirigeants. Les banquiers et les

industriels florentins surtout, habitus

mener

leurs intrigues diplo-

matiques sans regarder aux intrts spirituels et ecclsiastiques,taient

peu disposs concder au

Ciel

une grande influence sur

la

politique.

Cette manire de voir n'tait pas particulire auxitaliens.

hommes

diktatopi-

Mais

c'est le

propre de

1

humanisme

d'avoir

donn aux

nions de laques instruits une expression libre de toutes les formulesecclsiastiques, modifie seulement par des tendances artistiques.

Le contraste avec

la

manire mdivale apparat tout d'abord chez

Commines.c.

Les tendances politiques.

Le penchant des humanistes pour

l'Antiquit se rencontra sur

un

autre point encore avec les aspirations des gouvernements.

La politique ecclsiastique.

Des raisonslui

de style auraient djl'glise

empchet

les

humanistes de donner volontiers l'action degrande place quitait;

des siens

la

revient dans l'histoire mdivale.le

L'unit du

style antique

menace par

son moderne des

appellations ecclsiastiques

quand on croyait devoir reproduire

dans tous ses dtails

la

technique de l'histoire ancienne, on rpu-

gnait autant que les historiens romains mentionner ct des

gnraux

et des

hommes

d'Etat un troisime pouvoir politique, celui

0es

prtres. Quoi qu'il en soit, les humanistes racontrent autantl'histoire

que possible

des tats duni

moyen ge comme

s'il

n'y avait

pas eu d'Eglise universelle

de clerg international auxquels les

gouvernements dussent avoir gard dans l'administration de leursterritoires.

Le pape lui-mme est pour eux un souverain

comme

un

*^ autre.

r

Cette attitude concorde

videmment avec

les

tendances nationa-

listes

de

la lin

du moyen ge, avec

les efforts

pour soumettre

les

pouvoirs ecclsiastiques de chaque pays la souverainet du gou'j

vernementtions

territorial. C'tait

en quelque sorte contester

les prten-

de

la

Curie

la

domination universelle sur l'glise que

LES TENDANCES POLITIQUES

17

d'accorder dans l'histoire une importance aussi minime que possible

au gouvernement central de

l'glise.

Sans doute, cette tendance ne

s'exprima que ngativement, sans polmique directe. L'Eglise

romaine ne

fut

pas attaque, mais ignore. C'tait un

effet

de

'

la

soumission qu'elle

la

forme antique. Le meilleur exemple dec'est

la contrainte

exerait,

qu'un historien postrieur,

de l'cole de

Machiavel, crivant en italien une histoire politique de Florence,crut devoir s'excuser de mentionner Savonarole (voir ci-dessousp. 103).

Nous n'avons pas besoin de montrer combien

l'histoire

tait ainsi mutile.

Tendances anti-imprialistes.l'histoire

C'est par les mmes raisons quedans une chroniqueville

rgionale se dtache de l'histoire universelle. Giovanni

Villani avait

encore insr

l'histoire florentinel'histoire

mondiale. Bruni met rsolumentcentre de son exposition, etil

de sa propre

au

ne rapporte ce qui se passe au dehorsLes humanistes suivaientjils

qu'autant que cela intresse Florence.

encore en cela l'exemple de Tite-Live. Mais

n'avaient pas que

des raisons de style pour s'attacher ce champion del'histoire:

Rome

dans,

ils

se soulevaient contre les prtentions de l'Empire aussi

bien que contre celles de la Curie.

Les crivains antrieurs n'avaient pas encore rompu avec que leur propre paysn'tait

l'ide

qu'une partie de

la

chrtient politiqueIls

ment

et religieusement organise (le

Monde).la

sentaient les deset

tines de leur ville

engages dans celles de

Papaut

de l'Em-

pire, sans bien se rendre compte des consquences politiques de

de cette vue Les historiens humanistes partir de Bruni se mirent au point de vue del'Etat territorialtel

que

l'a

connu

la fin

du

moyencitla

ge.

Dans

leurs tentatives pour traiter l'histoire do leur propre

comme un dveloppement indpendantle

s'exprimait l'opinion de

souverainet de l'Etat moderne. Ces aspirations politiques taientpatriotisme italien la romaine qu'on

en parfaite harmonie avec

emprunta Ptrarque

et

dont on joua contre l'Empire tranger.

A

l'exemple de Tite Live, on ne reconnut d'autre critre historique

que

l'intrt

de

la Cit.

Ces tendances n'ont pas peu contribu distinguertions historiques deFUETER.

les

produc-

l'humanisme des imitations antrieures des his2

[ii

lUiTOIHE DE l'hIsTUIUOGUAI'IIIE MODERNK

toricns romains. Les historiensvilles)

du moyen ge

(surtout ceux deset

navaient jamais

t,

dans leurs imitations de Salluste

de

Titc-Live, aussi consquents, aussi conscients

que

les

humanistes.

Mais en outre,

ils

avaient un autre esprit

:

tout en restant dans l'his-

toriographie latine et classique, les humanistes taient en contact

avec

les forces vives

de

la politique territoriale italienne.

Littrature sur l'histoire de Tiiistoriographis humaniste en Italie.

pas mme essay. Nous manquons presque compltement de travaux spciaux. C'est seulement dans ces tout derniers temps que des savants italiens ont commenc examiner systmatiquement la mthode de travail de tel ou tel historien humaniste et le degr de confiance qu'il mrite. Mais ce n'est qu'un dbut et comme ils n'ont pris qu'au hasard quelques noms clbres, ces recherches ont peu clair histoire de l'historiographie. Pour les donnes biographiques, on nous renvoie encore aux recherches diligentes, mais naturellement insuffisantes aujourd'hui, d'Italiens du ces tudes, remarquaxvni'^ sicle (Apostolo Zeno, Argelati, Muratori) blement rsumes dans l'histoire littraire bien connue de Tirabosch.i (voir ci-dessous p. 401), ont servi de base peu prs tous les travailleurs modernes, qui ont fidlement rpt les erreurs que TiraboschiCette histoire n"a pas encore t crite.

On ne

l'a

:

avait laisses chapper.

Les ouvrages connus de Burckhardt, de Gaspary et de Voigt ne traidu temps, et surtout dans ses rapports avec l'histoire de la civilisation et de la littrature. Gaspary est le plus complet, relativement mais son travail s'interrompt avant qu'il ait pu dcrire l'expansion de l'historiographie humaniste. Lestent que brivement l'historiographie;

indications de Voigt sont tout fait insuffisantes. Il construit notre historiographie d'aprs l'ide qu'il se fait de l'humanisme et n'entre pas dans les circonstances particulires au milieu desquelles les historiens Les cherIl dit par exemple Enea Silcio, II (186"2), 309 cheurs humanistes s'adonnrent presque exclusivement l'histoire ancienne, qui gagna beaucoup par des traductions des historiens grecs et par des tudes archologiques d'ensemble. L'histoire du moyen ge fut traite avec mpris, parce qu'on tait rebut par le latin barbare de ses sources et que le fond chrtien n'avait plus d'at-

travaillaient.

:

En somme, un pais brouillard couvrait l'poque qui avait suivi chute de l'empire romain d'Occident. Y mettre de la lumire et de l'ordre, c'tait un travail de gant, dont s'acquitta l'ardeur sche de Flavio Biondo. Son livre fut trs estim, mais peu lu . C'est le contraire de presque tout cela qui est la vrit. Le dveloppement statu par Voigt aurait peut-tre rpondu la tendance gnrale de l'humanisme mais il n'a pas eu lieu, pas la raison que presque tous les historiographes humanistes crivaient pour le compte d'un prince ou d'une cit, qui ne s'intressaient qu'au pass de leur dynastie ou de leur commune. Aussi ont-ils, par le fait, trait presque exclusivement l'histoiretraits.

la

;

BRUNI:

19

du moyen ge et nglig peu prs totalement l'histoire ancienne non seulement l'histoire romaine (bien quentre les ouvrages conservs desAnciens, qui dfiaient toute concurrence, il y et quelques lacunes combler) mais aussi l'histoire grecque. Les Dcades de lUondus (voir ci-dessous) n'ont pas t critiques cause du sujet, mais cause du rcit dpourvu d'ornements, et si elles n'ont pas t lues, on en a fait entout cas plus d'extraits que de tout autre ouvrage d'histoire humaniste.

Nous avons l un chantillon des erreurs de jugement o peuvent tomber d'autres chercheurs moins prpars que Voigt, en voulantcaractriser l'historiographie humaniste.

2.

La fondation de l'annalistique humaniste pab Lonardoi^uuNi,

iiauNi

d'o le nom 'Aretinus qui lui n 1369 Arezzo gagn tudia d'abord la jurisprudence l'humanisme par Chrysoloras, il obtint, par l'entremise de Coluccio Salutati 1405, l'emploi de secrtaire du pape; partir de 1415, aprs avoir

Leonardo

est ordinairement

donn

;

la ville, il rside Florence, y reoit, de bourgeoisie; aprs avoir rempli plusieurs fonctions publiques, il est de nouveau, 1427, nomm chancelier d'Etat ; en rcompense de son histoire florentine, la Seigneurie, 1439, l'exempte en partie, des impts et redevances; il meurt, 1444, avant d'avoir achev son uvre; funrailles publiques avec participation du gouvernement. Ses

t quelque

temps chancelier de

1416, le droit

uvres historiques sont1

:

fut

libri XU (jusqu' 1404). Le premier livre termin en 1416. Les six premiers livres, une fois achevs, furent prsents ensemble au gouvernement florentin plus tard (1439) livres VII IX ensemble. Les trois derniers livres ne furent dposs qu'aprs la mort de l'auteur (entre 1445 et 1449) entre les mains des autorits.

Historiarum Florentinarum

;

Pre(Gherardi dans Arch. stor. it., srie IV, vol. 15 (1885), p. 416 ss. mire dition, Strasbourg, 1610 avec la traduction de D. Acciaioli 1856 1860. La prface de Bruni ne se trouve que dans la traduction;

italienne (d'abord Venise, 1476).2

Rerurn suo tempore in Italia gestarum commentanus. Premire dition

Lyon, 1539 puis, avec le premier ouvrage, 1610, et dans Muratori Simples traductions (en partie inavoues) Commentarii XIX. rerum grcarum (d'aprs les Hellenica de Xnophon imprim d'abord De bello Lyon, 1539). De bello punico (d'aprs Polybe d'abord 1490). Bruni a italico adversm Gothos gesto (d'aprs Procope; Foligno, 1470). en outre traduit en latin plusieurs vies de Plutarque. Sur ses biograSur l'Histoire Florenphies de Dante et de Ptrarque, voir p. 125 s.latine.Script.

;

:

;

;

tine,

Gervinus dans sa Geschichte der florentinischen HistoriographieiII.

{Histo-

rische Schriften, 1833, p. 57 ss.) et E. Santini, L. B. Aretino e

suoi Histor.

Florent.

XU

fortuna dlia storia

1910 (dans les Annali dlia R. Scuola superiore di Pisa) et La fior. di L. Bruni nel Rinascimento dans les Studi slorici,

XX,it.

Moins importants sont le Discorso de G. Monzani dans Arch. stor. V [1857) und Franz Beck, Studien zu L. Bruni 1912 (36. Ileft du Ahhandlungen zur mittleren und neucren Geschichte).2.JN.

S.

20

HISTOIRE DE

l'

HISTORIOGRAPHIE MODERNE

Letalentd'historiendeBruni. Son //is^oiVeF^orew/'neestnon seu-

lement

la

premire uvre en date de l'historiographie humaniste pro-

prement

dite,

mais un de ses documents

les plus

remarquables. Elle

permet de se rendre compte de

la difficult qu'il

y eut crer ce genre

et des germes fconds qui furent crass dans l'ornire de l'antiquit. ancienne et 11 y avait conflit entre les prescriptions de la rhtorique

les

vues ralistes acquises dans

la

pratique politique

:

tout en le

rsolvant l'avantage des premires, Bruni nous permet d'entrevoir

ce

qu'il aurait

pu

faire

commeIl

historien indpendant.

Il

ne manquait

pas des dons de

l'historien.

ne s'intressait pas aux spculations

philosophiques; mais c'tait unla

homme intelligent,

connaissant bienqu'il

politique pratique, faisant srieusement sa tche. Ds

peut

laisser lelivre,

champ

libre ses aptitudes

comme

dans

le

premier

qui donne un aperu deles livres postrieurs,

l'histoire florentine jusqu' 1250,il

ou

dans

o

osa s'manciper de ses modlesle

son histoire a une trs relle valeur. D'abord, Bruni esthistorien

premier

moderne qui

fasse de la critique par principe. Les lgendessi

ecclsiastiques et profanes,

aimes, les miracles,

il

les exclut

compltement de sa narration; une comparaison avec de Giovanni Villani dans les parties o il l'a mise profit,la

Chroniqueest trs

instructive cet gard. Les fables sur la fondation de Florence,

qu'avait retenues encore le demi-humaniste Filippo Villani, sont pourlui

non avenues.Il

Il

a

l'il

ouvert sur les puissances qui mnent laSi

politique.

connat l'influence des circonstances gnrales.

Florence a t btie danssecuritas

une plaine,

la raison

en est d'aprs

lui la

romani imperii. Quand

l'Etrurie fut

subjugue par

les

Romains, Etrusca virtus omnino cons^nuitpuissance maritime de Pise duil

cum neque(p.

honores8).Il

capessere neque majoribus in rbus versari liceret

fait

dpendre

la

fait

que jusqu'au tempsport.Il

de Charlemagne

ne subsistait en Toscane aucun autre

ne

se laisse pas entraner par son patriotisme jusqu'au point de donnertoujours raison aux Florentins.

A

propos des ngociations entames

en 1401 entre les Florentins et Robert du Palatinat au sujet d'unesubvention,il

veut que sur des extraits impartiaux

semble-t-il (p. 244).Il

des actes,

le lecteur

se fasse lui-mme un jugement

n'est

jamais question d'une intervention de la Providence.la voie

On

entrait

dans

d'une explication naturelle de

l'histoire.

Combien Bruni se dis-

BRUNItino-ue par l

21

de Dino C( mpagni, qui attribuait encore une grande

influence l'action mystrieuse

dune Puissance

surnaturelle

!

Influence de l'historiographie antique

.

Mais tous ces avantagesqu'ils n'taient

ne pouvaient se dvelopper librement qu'autantcontraris parles prceptes del'art

pas

antique. Ceux-ci exercrent surla rhtoriquela

deux points leur funeste influence. Premirement,faonnala ralit

en liminant del'art et

la

reproduction de

vie les

parties ingrates;

pour

en

les

remplaant par des conventions

thtrales d'accord avec elle, une psychologie fausse, au lieu de pr-

senter les figures historiques telles que l'observation les montrait,reconstruisait leurs sentiments d'aprs les types scolaires sur les-

quels reposait l'ducation de l'orateur ancien. De nouveau, l'histoireessayait de rivahser avec la tragdie des rhteurs. La lutte pourl'existence entre les Etats et les partis suivait les

mmes procds

que sur

la

scne les hros d'un mlodrame.

Ce principe d'exposition apparat bien vident quand on compareBruni avec Giovanni Villani, qui est sa principale source pour les premiers livres Comme l'historien humaniste a transform la rvo.

lution de

Giano dlia Bella raconte par

Villani, VIII,I,

1

(et pareillexi)!

ment par Dino Compagni,

d. del Lungo, Hvre

ch.

Dans

la

Chronique, tout se passe naturellement. De

frquentes violences,

surtout de la part des nobles contre les Popolani, poussent un

groupe d'amis des rformes parmil'aide{Ce7'ti

la

bourgeoisie chercher de

buoni uomini

arteftci e

mercatanti di Firenze che

voleano bene vivere).

Un de

leurs chefs est

un antico

e valente

uomo

nobile popolano ricco e possente appel Giano dlia Bella. Ces

hommes

russissent faire dicter, 1293, les Ordinamenta justitila recettele

Bruni (hb. IV, p. 67 69) dispose le tout d'aprs

des rvolu-

tions donnes par les coles des rhteurs. Bella est

hros idal.

Le riche plbien de Villani

et

de

l'histoire* devient claris

quidemRienzi

majoribus ortus, sed ipse modicusdans l'opra) oppose la

civis qui, lui seul

(commela

nobUUas des discours sur

turpissima

Florenz, III, 42 s. 1. D'aprs R. Davidsohn, Forschungen zur Geschichle von maison de (Regeste 160), Giano dlia Bella appartenait une puissante et solide banque et se trouvait, au moment o la rvolution clata, plus prs de la soixantaine que de la cinquantaine.

22se7'vilus.

HISTOIRE DK

l>

HlSTOniOCUAini

lE

MODERNElui fait

Une

grand harangue,

que Bruni

tonir:

dans une

assemble du peuple imaginaire, amne

la rvolution

ses paroles

enllammentest vote.

les auditeurs

de

telle sorte

que

la

nouvelle constitution

Ce qui troublerait peut-trele

l'effet

esthtique, Bruni le tourne oului est le

passe compltement sous silence. Ce qui

plus dsa-

grable,

comme

tous les auteurs

idalistes, ce

sont les affairesle

conomiques.

Oii selon Villani

des transactions financires ont eu

plus de poids, Bruni prfre introduire des motifs levs.

A

la suite

de Villani

(VI,

76)

il

raconte

(1.

Il,

p.

26

s.)

que

les Siennois et

leurs allis les Gibelins florentins exils dterminent le roi Manfred

leur envoyer contre Florence une forte troupe de cavaliers alle-

mands.

Il

rsume en gnral assez fidlementil

la relation

de son

auteur. Mais

ne

dit

pas un mot de

la

circonstance particulirement

releve par Villani, que les Siennois durent emprunter la Socit

des Salimbeni 20000 florins d'or pour

la

solde

des troupes

et

que Manfred envoya ses gens en Toscane colla moneta

de' Sanesi,

che pagaro la metade per tre mesi. Villani raconte, VII, 10,

que

rinfant Henri de Castille per bisogno del re Carl (d'Atijoic) gli

presto, si dice, quaranta mila doble d'oro, le quali

non riebbe mai.jamaiset

Bruni est infiniment moins raliste. Chezl'argent ait t

lui,

pas question que

emprunt

pe?':

bisogno,

ni

que

la dette n'ait

t paye. Voici sa version

...

quamobrem etIII).

necessitudinis jure

procurationis benefcio inductus petenti Carolo

magnam

pecuii

vim Arrigus muluat

(p. 43,

1.

Toutes

les

donnes de

Villani

que

leur prcision prive de

charme sont remplaces par des phrases de

convention. Les chiffres sont rendus par des adjectifs vagues, tout

au plus par des sommes rondes. L'indication de l'anneest vite autant

mme

que possible

:

Bruni aimera mieux dire insequens

annus, proximus annus,annes.Il

mme quand ce systme s'tend plusieursplaisir les

dveloppe avec d'autant plus de

passages qui prtentdis-

la rhtorique. Villani (VI, 7D) n'avait dit

que peu de mots des

positions

des Florentins aprs

la

dfaite de Montaperti. Bruniil

n'introduit pas seulement

un tableau de son invention,:

a recours

un clich qu'il charge encore

Redeuntium (de

la bataille)

vero

fdi

vultis

ac

t7'istis

oculorum

dejectio nec eos qui in acie ceci-

BRUNIdissent, sed vivos se

23Illos

redeuntesque lugendos monebant.

enim

functos fato,praestanti mortis gnre pro patria interiisse, se ludibrio adversariorum servatos(p.

30, lib.

II).

Avec cet

esprit-l,

il

ne saurait tre question d'une critique un peu

approfondie des sources. Nulle part Bruni n'a rectifi la tendanceguelfe de Villani.

Un second principe funeste qu'il prit la forme antique, c'est la division par annes. On sait que l'antiquit avait gard cette mthode,remontant Thucydide,

mme

alors

que n'existaient plusla brivet

les raisonsla

qui pouvaient excuser ce dernier, savoirtraite, et le rcit

de

priodel'alter-

d'une guerre que coupait naturellementil

nance des saisons. Et pourtant

n'y a pas d'ordonnance

du sujet qui

convienne moins une grande histoire. En s'en tenant aux annales,l'historienni traiter

ne peut mettre en

relief les

vnements importants,

dans leur ensemble

les diffrentes sries

du dveloppementne peut

historique,

chacune ne pouvant se prsenter que par fragments,il

enregistrs sans liaison dans telle ou telle anne;

faire

aucune place des changements qui s'oprent graduellement. Comme malgr tout cela Bruni a suivi la forme antique, les consquences ne se sont pasfait

attendre.

Il

nous donne d'innombrablesla

rcits de petites querelles,territoire florentin;

mais pas un expos de

formation du

des notices dtaches sur des troubles intrieurs,la constitution

mais pas une histoire deplus qu'un(p.

de Florence.il

Il

voulait tre

simple peintre de batailles;

dclare quelque part

64,

1.

IV)

que

l'histoire intrieure

de

la ville

a tout autant d'im-

portance que l'extrieure. Mais avec des donnes isoles sur des troubles intrieurs, qui se trouvent ranges par annes comme dans

une bote fiches, comment

le lecteur se reprsenterait-il

un dve-

loppementL'art

?

mme

de l'exposition souffrait de

la

mthode des annales.n'osait pas raconterfin

Comme

Bruni ne rangeait pas tout bonnement ses matriaux selon

la chronologie,

mais littralement en annales,

il

jusqu'au bout un vnement qui, par hasard, dpassait la

d'une

anne

(cf.

p. 31,

1.

Il,

la relation

coupe par

le

miHeu du sigeil

d'Arezzo en 1260); et les notices qu'il ne savait o placer,intercalait la fin

les

de l'anne,

comme

si le

formait une lacune naturelle pouvant servir au besoin de

changement de millsime magasin

24

HISTOIRE DE L HISTORIOGRAPHIK MODERNEles laitsla

poursous

non

utiliss ailleurs (cf. par

exemple

p. 59, lib.

111,

ou

rubriquela

eodem anno sont rapports deux incendiesIV).

Flo-

rence ot

mort du pape Honorius

Cela est d'autant plus regrettable que, dans les limites que permettait la forme rhtoricienne, Bruni n'est pas un narrateur sansvaleur.

Son ouvrage, l'exception dupremier livre, n'estpas compos.;

Indivision en livres est sans rapport avec la matire

mais en gnral

on s'aperoit trs bien des suites heureuses de cette tude du stylequi distinguait

avantageusement

les

humanistes des chroniqueurs.qu'il savait

Giovanni Villani entassait indiffremment cetoire

de

l'his-

de son pays et de celles de l'tranger; Bruni n'accueille que ce

qui est de son sujet. L'ouvrage

du premier;

tait moiti

chronique

universelle, moiti histoire d'une cittient

l'ouvrage du second s'enla

rigoureusement son sujet.;

L'un est

production d'un

aimable dilettante

l'autre celle d'un vritable crivain.

Le purisme humaniste.fiter

Malheureusement Bruni

n'a

pu pro-

qu'imparfaitement de cet avantage. Le dveloppement naturel

de son talent d'crivain rencontrait un obstacle dans les rgleshuTnanistes du langage. Le

purisme vieux-latin qu'elles prescri-

vaient a particulirement nui l'histoire intrieure.vait

On ne poudes auto-

gure dsigner par des termes de l'anciennedes partis dela

Rome

rits et

Florence mdivale. Quelques-uns de ces

termes sont inoffensifs,

comme

Patres pour les cardinaux.

Il

est

dj plus risqu d'appeler simplement Gallia la haute Italie (par

exemple

p. 34) et

de citer des difices de Florence sous leurs vieux;

noms de

l'poque paenne. Mais Bruni ne s'en tient pas l

il

a sou-

vent remplac la notion concrte de ses sources par une expressionclassique qui n'en rendle

sens qu'approximativement

et,

en bien des de

cas, est tout fait vague. Enfin, la clart

du

rcit souffrait aussi

priphrases innocentes en soi. Pour viter lespartis, et

noms modernes desVillani,

Bruni dira par exemple au(il

lieu de Guelfes et Gibelins factio

adversa factio

remplace Guelfi usciti di Firenze de

VII, 2,

par Florentini per adversam factionem doniole

ejecti, p. 35),

quand seuldela

lecteur qui se reprsente trs exactement l'ensemblel

scne peut savoir qu'en ce passage

Vadversa factio, ce

sont les Guelfes.

BRUNI

25fois,il

Bruni n'tait pas d'ailleurs puriste jusqu'au bout. D'autredsigne les cardinaux par leur vrai

nom

(par exemple p. 53) etIl

parie (p. 73) sans se gner de Guelfes et de Gibelins.historiens postrieursla

a laiss desla

gloire

d'avoir

compltement nivel

langue sur

le

modle antique.une faute moins grave. On pasle

Adans

ct de ces dfauts, le choix restreint du sujet, qui se confinela

guerre et

la politique, parat

serait volontiers

Bruni d'avoir exclus de son expos

commercela ville,

et l'industrie, qui avaient

proprement fond

la

grandeur de

commeauquel

aussi de n'avoir pas signal l'avnement de l'humanismeil

devait tant lui-mme,

si

seulement

il

nous avait fourni une

bonne histoire politique.

A

en juger d'ailleurs par les renseigne-

ments qu'il donne l'occasion sur des vnements autres que militaires et politiques,il

n'et pas t

un remarquable historien de

l'conomie sociale ou de la civilisation.

Le programme de Ihistoriographie humaniste.nente qu'occupe Bruni dans l'historiographie ne

La place miacquise que

lui est

par l'Histoire florentine. Son second ouvrage historique, \ Histoireitalienne contemporaine, est plutt ranger dans la catgorie des

Mmoires. Elle n'a de remarquable quequelque sortele

la prface, qui constitue

en

programme

officiel de l'historiographie humaniste.

Bruni part de cette observation, que les poques de Dmosthne et

de Cicron sont plus connues que celled'aprslui,

parce que

la

y a soixante ans, et cela, facultas scribendi a manqu aux temps mod'il,

dernes. Literse quidem, nisi sunt illustres atque disertae clarilatem

rbus afferre non possunt nequeextendere.

memoriam earum

in

longum

Notez que l'Histoire contemporaine rpond assez mal cette

annonce

;

la

composition en est dcousue et on n'y trouve pasd'loquence prescrits. C'est d'ailleurs d'un argument

les tournois

bizarre que Bruni se sert pour motiver son

programme.

Il

oublie

que les temps de Cicron et de Dmosthne nous sont connus

moins par des uvres historiques que par des

crits

destins

au jour mme et qui nous donnent une image de l'poque d'autant plus vivante qu'ils ne la dpeignent pas ex officio. La mmechose est arrive aux humanistes:

la

postrit s'est instruite

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HIsa'IRE DE L HlSTORlOar.Al'lIlE

MODERNE

sur leur temps par d'autres crits plutt que par ceux de leurs historiens.

Les Ai'TRKs imuvHEs HisroRKi:Es DR BauM ne sont que de simples traductions ou adaptations du grec. Il s'est appliqu le cacher. Dans la prface de son HisioUx grecque il sexprime comme s'il avait librement choisi lui-mme son sujet, qu'il avait pris dans Xnophon avec sa limitation fortuite (il n'a pas mme cru ncessaire de rsumer comme introduction le rcit de Thucydide). Blondus (p. t28 ss. ci-dessous) ne dcouvrit le vrai caractre du livre sur la Guerre des Goths qu'aprs s'tre fait traduire Procope, et Vespasiano da Bisticci rangeait cette traduction de Bruni ainsi que celle del'olybe pai'mi les

uvres originales de notre auteur3.

(d. Frati, 11,32).

F*oggio.

connu, estn en 1380 Terranuova il a t de 14d3 environ 1458 chancelier de l'tat florentin. Il crivit la fin de savie Uistoriarum Florentini populi II. VUI (1352 1455). Publi pour la premire fois dans l'original latin par G.-B. Recanato, Venise 1715. Ensuite par MuratoriPotiiao-BRAcciOLiNi l'humaniste l)ienle territoire

dans

d'Arezzo, mort en 1459;

'Script, xx). Cf. G. Gervinus, Hist. Schriften (1833) p. 60 ss.

Aussi longtemps quesur leur style,

la

critique jugea les

uvres historiques

comme

les auteurs,

de leur ct, n'avaient song

qu' l'agrment de la forme, on mit gnralement Poggio au-dessus

de Leonardo Bruni (Monzani encore en 1857 dans

le

Discours que

nous avons

cit, p. 19).

La langue de Poggio,

disait-on, est plus

pure, sa manire de s'exprimer plus claire et plus lgante. Celaest sr;

mais on en a voulu trop conclure. Ce que Poggio gagnestyliste,il

comme

le

perd

comme

historien. Bruni tait

un

cri-

vain srieux, prenant un intrt rel, quoique pas trs profond, l'histoire:

Poggio n'y voyait qu'un genre

littraire.

Il

n'crivit sans

doute son Histoire florentine que parce que, ayant tcelier d'tat,il

nomm

chan-

voulait galerle

comme historienla qualit

son

illustre

prdces-

seur, et

mme

surpasser paril

de son

latin.

Si c'tait l

son but,

l'a atteint.

Sa langue a une couleur plusil

classique que celle de Bruni, et

comme

ne regarde qu'au

style, la

formes