Histoire Et Littérature

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  • 7/21/2019 Histoire Et Littrature

    1/15

    EHESS

    Histoire et littrature: propos de RacineAuthor(s): Roland BarthesSource: Annales. Histoire, Sciences Sociales, 15e Anne, No. 3 (May - Jun., 1960), pp. 524-537Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/27580147.

    Accessed: 15/08/2013 20:27

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    Sociales.

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  • 7/21/2019 Histoire Et Littrature

    2/15

    D?BATS ET COMBATS

    Histoire

    et

    litt?rature

    :

    ?

    propos

    de

    Racine

    Il

    existe

    actuellement

    ?

    la

    Radiodiffusion

    fran?aise

    une

    ?mission

    na?ve

    et

    touchante

    *

    :

    touchante,

    parce

    qu'elle

    veut

    sugg?rer

    au

    grand

    public

    qu'il

    n'y

    a

    pas

    seulement

    une

    histoire

    de la

    musique

    mais

    qu'il

    y

    a

    aussi

    des

    rap

    ports

    entre

    l'histoire

    et

    la

    musique;

    na?ve,

    on ne

    voit

    que

    trop

    pourquoi

    :

    le

    principe

    de l'?mission

    consiste

    ?

    rapprocher

    des

    ?v?nements

    et

    des

    uvres.

    Le trait

    d'union,

    le

    rapport,

    l'?l?ment

    commun,

    bref

    le facteur

    d'identit??

    la date.

    On

    nous

    annonce:

    1788

    ?

    Convocation des

    ?tats

    g?n?raux

    ;

    Rappel

    de

    Necker

    ;

    Concerto

    n?

    IV

    ?

    quatre,

    en

    ut

    mineur,

    pour

    cordes,

    de

    B.

    Galuppi.

    La

    ponctuation

    laisse

    ici

    perplexe

    :

    l'auteur de l'?mission

    pense-t-il

    ?

    un

    rap

    port analogique

    entre

    le

    rappel

    de Necker

    et

    le concerto

    de

    Galuppi

    ?

    Veut

    il

    seulement

    nous

    sugg?rer

    que

    Pun

    et

    l'autre

    font

    partie

    d'un

    m?me

    ensemble

    causal

    ?

    Ou

    au

    contraire

    nous

    alerte-t-il

    sur

    une

    coexistence

    piquante,

    vise

    t-il

    ?

    nous

    faire

    mesurer

    toute

    la dissemblance d'un

    concerto et

    d'une

    r?vo

    lution?

    Veut-il

    nous

    manifester

    perfidement,

    sous

    couleur

    d'histoire,

    le

    d?sordre

    de

    productions

    esth?tiques,

    la

    vanit? de

    toute

    histoire

    totale,

    en

    laissant

    parler

    de lui-m?me

    le ridicule

    d'une

    m?thode

    qui

    rapproche

    la

    d?faite navale

    de

    la

    Hougue

    et

    les

    sonates

    de

    Corelli,

    l'?lection

    du

    Pr?si

    dent

    Doumer

    et

    les Cris du

    Monde de

    Honegger

    ?

    Laissons

    cette

    ?mission;

    dans

    sa

    na?vet?,

    elle

    ne

    fait

    que poser

    au

    grand

    public

    de

    la Radio

    ce

    vieux

    probl?me

    des

    rapports

    de

    l'histoire

    et

    de

    l'

    uvre

    d'art, que Pon

    d?bat

    activement,

    avec

    des

    fortunes

    et

    des

    raffinements

    divers,

    depuis qu'il

    y

    a une

    philosophie

    du

    temps,

    c'est-?-dire

    depuis

    le

    si?cle

    dernier. Voici

    deux

    continents

    :

    d'une

    part

    le

    monde,

    son

    foisonnement

    de

    faits,

    politiques,

    sociaux,

    ?conomiques,

    id?ologiques;

    d'autre

    part

    l'

    uvre,

    d'apparence

    solitaire,

    toujours ambigu? puisqu'elle

    se

    pr?te

    ?

    la

    fois

    ?

    plu

    sieurs

    significations.

    Le

    r?ve serait ?videmment

    que

    ces

    deux

    continents

    eussent

    des

    formes

    compl?mentaires,

    que,

    distants

    sur

    la

    carte,

    on

    p?t

    cepen

    dant,

    par

    une

    translation

    id?ale,

    les

    rapprocher,

    les

    embo?ter Pun

    dans

    l'autre,

    un

    peu

    comme

    Wegener

    a

    recoll?

    l'Afrique

    et

    l'Am?rique.

    Malheu

    reusement,

    ce

    n'est

    qu'un

    r?ve

    :

    les formes

    r?sistent,

    ou,

    ce

    qui

    est

    pire,

    elles

    ne

    changent

    pas

    au

    m?me

    rythme.

    A vrai

    dire,

    jusqu'?

    pr?sent,

    ce

    probl?me

    ne

    s'est

    donn?

    comme

    r?solu

    1.

    Cette

    ?mission,

    intitul?e

    ?

    L'Histoire de

    la

    Musique

    ?,

    a

    lieu

    le

    vendredi

    sur

    France

    III.

    524

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  • 7/21/2019 Histoire Et Littrature

    3/15

    HISTOIRE

    ET

    LITT?RATURE

    qu'?

    la lumi?re

    des

    grandes philosophies,

    celles de

    Hegel,

    de

    Taine,

    de

    Marx.

    Hors des

    syst?mes,

    mille

    rapprochements,

    d'un

    savoir,

    d'une

    ing?niosit?

    admirables,

    mais

    semble-t-il,

    par

    une

    derni?re

    pudeur,

    toujours

    fragmen

    taires,

    car

    l'historien

    de la litt?rature

    coupe

    court

    d?s

    qu'il approche

    de l'his

    toire

    v?ritable

    :

    d'un continent

    ?

    l'autre,

    on

    ?change quelques signaux,

    on

    souligne

    quelques

    connivences. Mais,

    pour

    l'essentiel,

    l'?tude de chacun

    de

    ces

    deux

    continents

    se

    d?veloppe

    d'une

    fa?on

    autonome

    :

    les

    deux

    g?ographies

    communiquent

    mal.

    Voici

    une

    histoire de la

    litt?rature

    (n'importe

    laquelle

    :

    je

    n'?tablis

    pas

    un

    palmar?s,

    je

    r?fl?chis

    sur

    un

    statut)

    ;

    elle n'a

    d'histoire

    que

    le

    nom

    :

    c'est

    une

    suite

    de

    monographies,

    dont

    chacune,

    ?

    peu

    de

    choses

    pr?s,

    encl?t

    un

    auteur et

    l'?tudi?

    pour

    lui-m?me

    ;

    l'histoire n'est

    ici

    que

    succession

    d'hommes

    seuls;

    bref

    ce

    n'est

    pas

    une

    histoire,

    c'est

    une

    chronique;

    certes

    l'effort

    de

    g?n?ralit?

    existe

    (et

    de

    plus

    en

    plus),

    portant

    sur

    des

    genres

    ou

    des

    ?coles;

    mais

    il

    est

    toujours

    cantonn?

    ?

    la

    litt?rature

    elle-m?me;

    c'est

    un

    coup

    de

    chapeau

    donn?

    en

    passant

    ?

    la

    transcendance

    historique,

    un

    hors-d'

    uvre

    au

    plat

    principal

    :

    l'auteur. Toute

    histoire litt?raire

    nous

    renvoie

    ainsi

    ?

    une

    s?quence

    de

    critiques

    closes

    : aucune

    diff?rence

    entre

    l'histoire

    et

    la

    critique;

    travaillant

    sur

    Racine,

    je

    puis,

    sans

    secousse

    m?thodique,

    passer

    du Racine

    de

    Thierry

    Maulnier

    au

    chapitre

    d'A.

    Adam

    sur

    Racine,

    dans

    son

    Histoire

    de

    la

    Litt?rature

    fran?aise

    au

    XVIIe

    si?cle

    :

    c'est

    le

    langage

    qui

    change,

    non

    le

    point

    de

    vue

    ;

    dans

    l'un

    et

    l'autre

    cas,

    tout

    part

    de Racine

    et

    rayonne

    diversement, ici

    vers

    une

    po?tique, l?

    vers une

    psychologie tragique

    :

    en

    mettant

    les choses

    au

    mieux,

    l'histoire litt?raire n'est

    jamais

    que

    l'histoire

    des

    uvres.

    Peut-il

    en

    ?tre

    autrement

    ? Dans

    une

    certaine

    mesure,

    oui

    :

    une

    histoire

    litt?raire

    est

    possible,

    en

    dehors

    des

    uvres

    m?mes

    (j'y

    arrive

    ?

    l'instant).

    Mais,

    de

    toutes

    mani?res,

    la

    r?sistance

    g?n?rale

    des

    historiens

    de

    la

    litt?ra

    ture ?

    passer

    pr?cis?ment

    de la litt?rature

    ?

    l'histoire

    nous

    renseigne

    sur

    ceci

    :

    qu'il

    y

    a un

    statut

    particulier

    de

    la

    cr?ation

    litt?raire;

    que

    non

    seule

    ment

    on

    ne

    peut

    traiter la litt?rature

    comme

    n'importe

    quel

    autre

    produit

    historique

    (ce

    que

    personne

    ne

    pense

    raisonnablement),

    mais

    encore

    que

    cette

    sp?cialit?

    de

    l'

    uvre

    contredit dans

    une

    certaine

    mesure

    ?

    l'histoire,

    bref

    que

    l'

    uvre

    est

    essentiellement

    paradoxale, qu'elle

    est

    ?

    la

    fois

    signe

    d'une histoire, et r?sistance ? cette histoire. C'est ce

    paradoxe

    fondamental

    qui

    se

    fait

    jour,

    plus

    ou

    moins

    lucidement,

    dans

    nos

    histoires

    de la litt?ra

    ture;

    tout

    le

    monde

    sent

    bien

    que

    l'

    uvre

    ?chappe,

    qu'elle

    est

    autre

    chose

    que

    son

    histoire

    m?me,

    la

    somme

    de

    ses

    sources,

    de

    ses

    influences

    ou

    de

    ses

    mod?les

    : un

    noyau

    dur, irr?ductible,

    dans la

    masse

    ind?cise

    des

    ?v?nements,

    des

    conditions,

    des mentalit?s

    collectives

    ;

    voil?

    pourquoi

    nous

    ne

    disposons

    jamais

    d'une

    histoire de

    la

    litt?rature,

    mais

    seulement

    d'une

    histoire des

    litt?rateurs.

    En

    somme,

    dans

    la

    litt?rature,

    deux

    postulations

    :

    l'une

    histo

    rique,

    dans la

    mesure

    o?

    la

    litt?rature

    est

    institution;

    l'autre

    psychologique,

    dans

    la

    mesure

    o? elle

    est

    cr?ation. Il faut

    donc,

    pour

    l'?tudier,

    deux

    disci

    plines

    diff?rentes

    et

    d'objet

    et

    de

    m?thode;

    dans

    le

    premier

    cas,

    l'objet,

    c'est

    l'institution

    litt?raire,

    la

    m?thode,

    c'est la

    m?thode

    historique

    dans

    ses

    plus

    r?cents

    d?veloppements;

    dans

    le

    second

    cas,

    l'objet,

    c'est la cr?ation litt?

    raire,

    la

    m?thode,

    c'est

    l'investigation psychologique.

    Il faut le dire

    tout

    de

    525

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    4/15

    ANNALES

    suite,

    ces

    deux

    disciplines

    n'ont

    pas

    du

    tout

    les

    m?mes

    crit?res

    d'objectivit?;

    et

    tout

    le

    malheur de

    nos

    histoires

    litt?raires c'est

    de les

    avoir

    confondues,

    encombrant

    sans cesse

    la

    cr?ation

    litt?raire de

    menus

    faits

    venus

    de

    l'his

    toire,

    et

    m?lant

    au

    scrupule

    historique

    le

    plus

    sourcilleux,

    des

    postulats

    psy

    chologiques

    par

    d?finition

    contestables1. Devant

    ces

    deux

    t?ches,

    on

    ne

    demandera

    ici rien

    de

    plus

    qu'un

    peu

    d'ordre.

    N'exigeons

    pas

    de

    l'histoire

    plus

    qu'elle

    ne

    peut

    nous

    donner

    :

    l'histoire

    ne nous dira

    jamais

    ce

    qui

    se passe dans un auteur au moment o? il ?crit.

    Il serait

    plus

    efficace

    d'inverser

    le

    probl?me

    et

    de

    nous

    demander

    ce

    qu'une

    uvre

    nous

    livre de

    son

    temps.

    Prenons

    donc r?solument

    l'

    uvre

    pour

    un

    document,

    la

    trace

    particuli?re

    d'une

    activit?,

    dont seul

    le

    versant

    collectif,

    pour

    le

    moment,

    nous

    int?ressera;

    voyons

    en

    un

    mot

    ce

    que

    pourrait

    ?tre

    une

    histoire,

    non

    de

    la

    litt?rature,

    mais de la

    fonction

    litt?raire. Pour

    cet

    examen,

    nous

    disposons

    d'un

    guide

    commode,

    quoique

    visiblement

    h?tif

    :

    quelques

    remarques

    de

    Lucien

    Febvre,

    rapport?es

    ici m?me

    par

    Claude Pi

    chois,

    dans

    une

    contribution

    au

    probl?me

    qui

    nous

    int?resse

    2. Il

    suffira

    de

    confronter

    les

    points

    de

    ce

    programme

    historique

    avec

    quelques

    travaux

    r?cents

    de

    la

    critique

    racinienne,

    l'une des

    plus

    vivantes

    qui

    soient

    (j'ai

    dit

    qu'en

    mati?re

    de

    litt?rature,

    histoire

    et

    critique

    ?taient

    encore

    confondues),

    pour

    cerner des lacunes

    g?n?rales,

    d?finir des t?ches.

    Le

    premier

    v u

    de Lucien

    Febvre

    est

    une

    ?tude

    du milieu.

    En

    d?pit

    de

    sa

    vogue

    critique, l'expression

    me

    para?t

    incertaine. S'il

    s'agit

    du

    groupe

    humain

    tr?s restreint

    qui

    entoure

    l'?crivain

    et

    dont

    chaque

    membre

    est

    ?

    peu

    pr?s

    connu

    (ses

    parents,

    ses

    amis,

    ses

    ennemis),

    le

    milieu de

    Racine

    a

    ?t?

    souvent

    d?crit,

    du moins

    dans

    ses

    aspects

    circonstanciels;

    car

    les

    ?tudes

    de

    milieux n'ont

    ?t?

    souvent

    que

    des

    recensions de

    biographies

    mineures,

    l'his

    toire

    anecdotique

    de

    certaines

    fr?quentations

    ou

    mieux

    encore

    de

    certaines

    ?

    brouilles

    ?.

    Mais

    si

    l'on

    con?oit

    le

    milieu d'un

    ?crivain

    d'une

    mani?re

    plus

    organique, plus

    anonyme,

    comme

    le

    lieu

    des

    usages

    de

    pens?e,

    des

    tabous

    implicites,

    des

    valeurs

    ?

    naturelles

    ?,

    des int?r?ts

    mat?riels d'un

    groupe

    d'hommes associ?s r?ellement

    par

    des

    fonctions

    identiques

    ou

    compl?men

    taires,

    bref comme une

    portion

    de classe

    sociale,

    les ?tudes se font bien

    plus

    rares.

    Pour

    l'essentiel de

    sa

    carri?re,

    Racine

    a

    particip?

    ?

    trois

    milieux

    (dont

    souvent

    deux

    ?

    la

    fois)

    :

    Port-Royal,

    la

    Cour,

    le

    Th??tre;

    sur

    les

    deux

    pre

    miers,

    ou

    plus

    exactement

    sur

    leur intersection

    (et

    c'est

    cela

    qui

    compte

    pour

    Racine),

    nous

    avons

    l'?tude

    de

    Jean

    Pommier

    sur

    le

    milieu

    jans?niste

    et

    mondain de

    la

    comtesse

    de

    Gramont;

    on

    conna?t

    d'autre

    part

    l'analyse,

    ?

    la fois

    sociale

    et

    id?ologique,

    que

    Lucien Goldmann

    a

    faite

    de

    l'aile

    ?

    droi

    1.

    Marc Bloch disait

    d?j?

    ?

    propos

    de

    certains

    historiens

    :

    ?

    S'agit-il

    de

    s'assurer

    si

    un

    acte

    humain

    a

    vraiment

    eu

    lieu?

    Ils

    ne

    sauraient

    porter

    dans

    cette

    recherche

    assez

    de

    scrupules.

    Passent-ils

    aux

    raisons

    de

    cet

    acte?

    La

    moindre

    apparence

    les

    satisfait

    :

    fond?e

    ?

    l'ordinaire

    sur un

    de

    ces

    apophtegmes

    de

    banale

    psychologie,

    qui

    ne

    sont

    ni

    plus

    ni

    moins

    vrais

    que

    leurs contraires

    ?.

    (M?tier d'historien, p. 102J.

    2.

    Cl.

    Picho

    is

    :

    ?

    Les

    cabinets

    de

    lecture ? Paris durant

    la

    premi?re

    moiti? du

    XIX?

    si?cle

    ?,

    Annales,

    juil.-sept.

    1959,

    pp.

    521-84.

    526

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  • 7/21/2019 Histoire Et Littrature

    5/15

    HISTOIRE ET

    LITT?RATURE

    ti?re

    ?

    du

    jans?nisme.

    Sur

    le

    milieu

    th??tral,

    ?

    ma

    connaissance,

    peu

    d'infor

    mations,

    sinon

    anecdotiques,

    nulle

    synth?se;

    ici

    plus

    que

    jamais,

    le fait

    bio

    graphique

    ?clipse

    le fait

    historique

    :

    Racine a-t-il

    eu

    une

    fille de

    la Du Parc

    ?

    Ce

    probl?me

    dispense

    d'entrer

    dans les

    usages

    du milieu

    com?dien,

    ?

    plus

    forte

    raison d'en chercher

    les

    significations

    historiques.

    De

    ce

    bilan num?ri

    quement

    modeste,

    saisissons

    tout

    de suite le vice

    :

    l'extr?me

    difficult? d'at

    teindre la

    g?n?ralit?

    d'un milieu

    ?

    travers

    une

    uvre ou une

    vie

    ;

    d?s

    que

    l'on

    demande

    au

    groupe

    ?tudi?

    une

    certaine

    consistance,

    l'individu

    recule;

    ?

    la

    limite,

    il

    est

    ?

    peine

    n?cessaire,

    ?

    moins

    m?me

    qu'il

    ne

    g?ne.

    Dans

    son

    RabelaiSyL.

    Febvre

    a

    vraiment

    vis?

    un

    milieu;

    Rabelais

    y

    est-il

    central ?

    nulle

    ment;

    c'est

    plut?t

    un

    point

    de

    d?part

    pol?mique (la pol?mique

    ?tant

    le

    d?mon

    socratique

    de L.

    Febvre),

    le

    pr?texte passionnel

    ?

    redresser

    une

    inter

    pr?tation

    trop

    moderne

    de l'ath?isme

    au

    xvie

    si?cle;

    bref

    un

    cristallisateur.

    Mais

    que

    l'on

    accorde

    trop

    ?

    l'auteur,

    que

    le

    g?nie

    soit

    observ?

    avec

    trop

    de

    complaisance,

    et

    c'est

    tout le milieu

    qui s'?parpille

    en

    relations,

    en

    anecdotes,

    en

    ?

    promenades

    ?

    litt?raires1.

    Sur le

    public

    de Racine

    (second

    point

    du

    programme

    de

    L-

    Febvre),

    beau

    coup

    de

    remarques

    incidentes,

    des

    chiffres

    pr?cieux,

    cela

    s'entend

    (notam

    ment

    dans

    Picard),

    mais

    nulle

    synth?se

    r?cente,

    le

    fond

    de

    la

    question

    reste

    myst?rieux.

    Qui

    allait

    au

    spectacle

    ?

    A

    lire

    la

    critique

    racinienne,

    Corneille

    (tapi

    dans

    une

    loge)

    et

    Mme de

    S?vign?.

    Mais

    qui

    encore

    ?

    La

    cour,

    la

    ville,

    qu'?tait-ce

    exactement

    ? Et

    plus

    encore

    que

    la

    configuration

    sociale

    de

    ce

    public,

    c'est

    la

    fonction

    m?me

    du th??tre

    ?

    ses

    yeux qui

    nous

    int?resserait

    :

    distraction

    ?

    r?ve

    ?

    identification

    ?

    distance

    ?

    snobisme

    ?

    Quel

    ?tait le

    dosage

    de

    tous

    ces

    ?l?ments ?

    Une

    simple

    comparaison

    avec

    des

    publics

    plus

    r?cents

    soul?ve

    les v?ritables

    probl?mes historiques.

    On

    me

    dit

    en

    passant

    que

    B?r?

    nice

    obtint

    un

    vif

    succ?s

    de

    larmes.

    Mais

    qui

    pleure

    encore

    au

    th??tre?

    On

    souhaiterait

    que

    les larmes de B?r?nice

    renseignent

    autant

    sur

    ceux-l?

    m?mes

    qui

    les

    versaient,

    que

    sur

    celui

    qui

    les

    faisait

    verser,

    qu'on

    nous

    donn?t

    une

    histoire

    des

    larmes,

    qu'on

    nous

    d?crivit

    ?

    partir

    de l?

    et

    gagnant

    de

    proche

    en

    proche

    d'autres

    traits,

    toute

    une

    affectivit?

    d'?poque (rituelle

    ou

    r?elle

    ment

    physiologique?),

    exactement

    ?

    la

    fa?on

    dont Granet

    a

    reconstitu?

    les

    manifestations

    du

    deuil

    dans la

    Chine

    classique.

    Sujet

    mille

    fois

    signal?,

    mais

    jamais

    encore

    exploit?,

    s'agissant

    pourtant

    du

    si?cle vedette de

    notre

    litt?rature.

    Autre

    objet

    historique

    (indiqu?

    par

    L.

    Febvre)

    :

    a

    formation

    intellectuelle

    de

    ce

    public

    (et

    de

    ses

    auteurs).

    Or

    les

    indications

    qu'on

    nous

    donne

    sur

    l'?ducation

    classique

    sont

    ?parses,

    elles

    ne

    permettent pas

    de reconstituer

    le

    syst?me

    mental

    que

    suppose

    toute

    p?dagogie.

    On

    nous

    dit,

    toujours

    en

    passant,

    que

    l'?ducation

    jans?niste

    ?tait

    r?volutionnaire,

    qu'on

    y

    enseignait

    le

    grec,

    que

    la classe

    s'y

    faisait

    en

    fran?ais,

    etc.

    Ne

    peut-on

    aller

    plus

    avant,

    soit

    dans le

    d?tail

    (par

    exemple,

    le

    ?

    v?cu

    ?

    d'une

    classe),

    soit

    dans

    la

    pro

    fondeur

    du

    syst?me,

    ses contacts

    avec

    l'?ducation

    courante

    (car

    le

    public

    de

    Racine

    n'?tait

    pas

    tout

    jans?niste)

    ?

    Bref

    ne

    peut-on

    tenter

    une

    histoire,

    m?me

    partielle,

    de

    l'enseignement

    fran?ais

    ?

    En

    tout

    cas,

    la lacune

    est

    parti

    culi?rement

    sensible

    au

    niveau

    de

    ces

    histoires

    litt?raires,

    dont

    le

    r?le

    serait

    1.

    Si discute

    que

    soit

    son

    Port-Royal,

    Sainte-Beuve

    a

    eu

    l'?tonnant

    m?rite

    d'y

    d?crire

    un

    milieu

    v?ritable,

    o? nulle

    figure

    n'est

    privil?gi?e.

    527

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  • 7/21/2019 Histoire Et Littrature

    6/15

    ANNALES

    pr?cis?ment

    de

    nous

    fournir

    des informations

    sur

    tout

    ce

    qui,

    dans

    l'auteur,

    n'est

    pas

    l'auteur lui-m?me.

    A

    la

    v?rit?,

    la

    critique

    des

    sources

    appara?t

    d'un

    int?r?t

    d?risoire ? c?t? de l'?tude du

    v?ritable

    milieu

    formateur,

    celui

    de

    l'adolescent.

    Peut-?tre

    une

    bibliographie

    exhaustive

    nous

    fournirait-elle

    sur

    tous ces

    points

    l'essentiel

    de

    ce

    que

    nous

    demandons.

    Je

    dis

    seulement

    que

    le

    temps

    de la

    synth?se

    est

    venu,

    mais

    que

    cette

    synth?se

    ne

    pourra

    jamais

    s'accomplir

    dans

    les cadres

    actuels

    de

    l'histoire

    litt?raire. Derri?re

    ces

    lacunes,

    en

    effet,

    il

    y

    a un

    vice

    qui,

    pour

    n'?tre

    que

    de

    point

    de

    vue,

    et

    non

    d'information,

    n'en

    est

    pas

    moins

    fondamental

    :

    le

    privil?ge

    ?

    centralisateur

    ?

    accord?

    ?

    l'auteur.

    Partout, c'est Racine qui fait compara?tre l'histoire devant lui, autour de

    lui,

    ce

    n'est

    pas

    l'histoire

    qui

    cite Racine. Les

    causes,

    du

    moins

    mat?rielles,

    en

    sont

    claires

    :

    les

    travaux

    raciniens

    sont,

    pour

    l'essentiel,

    des

    travaux

    uni

    versitaires;

    ils

    ne

    peuvent

    donc

    transgresser,

    sinon

    en usant

    de

    subterfuges

    limit?s,

    les

    cadres

    m?mes

    de

    l'enseignement

    sup?rieur

    :

    d'un c?t?

    la

    philo

    sophie,

    d'un

    autre,

    l'histoire,

    plus

    loin

    la

    litt?rature;

    entre

    ces

    disciplines,

    des

    ?changes,

    de

    plus

    en

    plus

    nombreux,

    de

    mieux

    en

    mieux

    reconnus;

    mais

    l'objet

    m?me

    de

    la

    recherche

    reste

    pr?d?termin?

    par

    un

    cadre

    d?suet,

    de

    plus

    en

    plus

    contraire

    ?

    l'id?e

    que

    les

    nouvelles sciences

    humaines

    se

    font

    de

    l'homme K Les

    cons?quences

    sont

    lourdes

    : en

    accommodant

    sur

    l'auteur,

    en

    faisant

    du

    ?

    g?nie

    ?

    litt?raire le

    foyer

    m?me

    de

    l'observation,

    on

    rel?gue

    au

    rang

    de

    zones

    n?buleuses,

    lointaines,

    les

    objets

    proprement

    historiques;

    on ne les touche que par hasard, en

    passant;

    dans le meilleur des cas, on les

    signale,

    laissant

    ?

    d'autres

    le

    soin

    de les

    traiter,

    un

    jour;

    l'essentiel

    de l'his

    toire

    litt?raire

    tombe

    ainsi

    en

    d?sh?rence,

    abandonn?

    ?

    la

    fois

    par

    l'historien

    et

    le

    critique.

    On

    dirait

    que

    dans

    notre

    histoire

    litt?raire,

    l'homme,

    l'auteur,

    tient

    la

    place

    de

    l'?v?nement dans l'histoire

    historisante

    :

    ind?niable

    capital

    ? conna?tre

    sur un

    autre

    plan,

    il bouche

    pourtant

    toute

    la

    perspective;

    vrai

    en

    soi,

    il induit ?

    une

    vision fausse.

    Sans

    parler

    encore

    des

    sujets

    inconnus,

    vastes

    terres

    qui

    attendent

    leurs

    colons,

    voyez

    un

    sujet

    d?j?

    excellemment

    d?frich?

    par

    Picard

    :

    la

    condition

    de

    l'homme

    de

    lettres

    dans la

    seconde moiti?

    du

    XVIIe

    si?cle. Partant

    de

    Racine,

    oblig?

    de

    s'y

    tenir,

    Picard

    n'a

    pu

    apporter

    ici

    qu'une

    contribution,

    l'histoire

    est encore

    fatalement

    pour

    lui le

    mat?riau

    d'un

    portrait;

    il

    a vu

    le

    sujet

    dans sa

    profondeur

    (sa pr?face

    est

    cat?gorique

    sur le

    point),

    mais ce

    n'est

    encore

    qu'une

    terre

    promise;

    oblig?

    par

    la

    primaut?

    de l'auteur

    de

    donner

    autant

    de

    soin

    ?

    l'affaire des

    Sonnets

    qu'aux

    revenus

    de

    Racine,

    Picard

    contraint

    son

    lecteur

    ?

    chercher

    ici

    et

    l?

    cette

    information sociale

    dont

    il

    a

    bien

    vu

    l'int?r?t;

    encore ne nous

    renseigne-t-il

    que

    sur

    la

    condition

    de

    Racine. Mais

    est-elle

    vraiment

    exemplaire?

    Et

    les

    autres,

    y

    compris

    et

    surtout,

    les

    ?crivains

    mineurs

    ?

    Picard

    a

    beau

    repousser

    sans cesse

    Tinter

    1. Il

    est

    bien

    ?vident

    que

    les

    cadres de

    l'enseignement

    suivent

    l'id?ologie

    de

    leur

    temps,

    mais

    avec

    des

    retards

    variables

    ;

    au

    temps

    o?

    Michelet

    commen?ait

    son

    cours

    au

    Coll?ge

    de

    France,

    le

    d?coupage,

    ou

    plut?t

    la

    confusion

    des

    disciplines

    (notam

    ment

    philosophie

    et

    histoire)

    ?tait

    tout

    proche

    de

    l'id?ologie

    romantique.

    Et

    aujour

    d'hui? Le cadre

    ?clate,

    on le voit ? certains

    signes

    :

    adjonction

    des Sciences

    Humaines

    aux

    Lettres dans le

    nom

    de

    la

    nouvelle

    Facult?,

    enseignement

    de

    l'Ecole

    des

    Hautes

    Etudes.

    528

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  • 7/21/2019 Histoire Et Littrature

    7/15

    HISTOIRE

    ET

    LITT?RATURE

    pr?tation psychologique

    (Racine

    ?tait-il

    ?

    arriviste

    ?

    ?),

    sans

    cesse

    la

    per

    sonne

    de Racine

    revient

    et

    l'embarrasse.

    Restent,

    autour

    de

    Racine,

    bien

    d'autres

    attitudes

    ?

    explorer,

    celles-l?

    m?mes

    qui

    formaient

    le

    dernier

    point

    du

    programme

    de L.

    Febvre

    :

    ce

    qu'on

    pourrait

    appeler

    les faits de

    mentalit? collective. Des

    raciniens avertis

    les

    ont

    eux-m?mes

    signal?s

    au

    passage,

    en

    souhaitant

    qu'un

    jour,

    bien

    au-del?

    de

    Racine,

    on

    les

    explore.

    C'est

    Jean

    Pommier

    r?clamant

    une

    histoire

    du

    mythe

    racinien,

    dont

    on

    peut

    sans

    peine

    imaginer

    quel

    ?clairage

    pr?cieux

    elle

    appor

    terait

    ? la

    psychologie,

    disons

    pour

    simplifier

    :

    bourgeoise,

    de

    Voltaire

    ?

    Ro

    bert

    Kemp.

    Ce

    sont

    A.

    Adam,

    R.

    Jasinski

    et

    J.

    Orcibal

    appelant

    l'attention

    sur

    le

    go?t, l'usage

    pour

    ainsi

    dire institutionnel de

    l'all?gorie

    au

    XVIIe

    si?cle

    :

    fait

    typique

    de mentalit?

    collective,

    ? mon sens autrement

    important

    que

    la

    vraisemblance

    des

    clefs

    elles-m?mes.

    C'est

    encore

    Jean

    Pommier

    demandant

    une

    histoire

    de

    l'imagination

    au

    xvne

    si?cle

    (et

    notamment

    du

    th?me

    de la

    m?tamorphose).

    On voit

    que

    les t?ches

    de

    cette

    histoire

    litt?raire

    dont

    on

    ?value

    ici

    les

    obligations

    ne

    font

    pas

    d?faut.

    J'en

    vois

    d'autres,

    sugg?r?es

    par

    une

    simple

    exp?rience

    de

    lecteur.

    Celle-ci,

    par

    exemple

    :

    nous

    ne

    disposons

    d'au

    cun

    travail moderne

    sur

    la

    rh?torique

    classique;

    on

    rel?gue

    d'ordinaire

    les

    figures

    de

    pens?e

    dans

    un

    mus?e

    du

    formalisme

    p?dant,

    comme

    si

    elles

    n'avaient

    eu

    d'existence

    que

    dans

    quelques

    trait?s de

    P?res

    J?suitesl;

    Racine

    pourtant

    en

    est

    plein,

    lui

    qui

    est

    r?put?

    le

    plus

    ?

    naturel

    ?

    de

    nos

    po?tes.

    Or

    c'est

    tout

    un

    d?coupage

    du monde

    que

    le

    langage

    impose,

    ?

    travers ces

    figures

    de

    rh?torique.

    Cela

    rel?ve-t-il

    du

    style

    ?

    de

    la

    langue

    ?

    Ni

    de

    l'un

    ni

    de

    l'autre;

    il

    s'agit

    en

    v?rit? d'une

    institution

    v?ritable,

    d'une

    forme

    du

    monde,

    aussi

    importante

    que

    la

    repr?sentation

    historique

    de

    l'espace

    chez

    les

    peintres

    :

    malheureusement,

    la

    litt?rature attend

    encore son

    Francastel.

    Cette

    question

    aussi,

    que

    je

    ne

    vois

    nulle

    part

    poser

    (m?me

    pas

    dans

    le

    programme

    de

    Febvre),

    sinon

    chez

    des

    philosophes,

    ce

    qui

    est sans

    doute

    suffisant

    pour

    la discr?diter

    aux

    yeux

    de l'historien

    litt?raire

    :

    qu'est-ce

    que

    la litt?rature

    ?

    Je

    ne

    demande

    rien

    d'autre

    qu'une

    r?ponse

    historique

    :

    qu'?tait

    la

    litt?rature

    (le

    mot

    est

    d'ailleurs

    anachronique)

    pour

    Racine

    et ses

    contem

    porains,

    quelle

    fonction

    exacte

    lui

    confiait-on,

    quelle

    place

    dans

    l'ordre

    des

    valeurs,

    etc.

    ?

    A

    vrai

    dire,

    je

    vois

    mal

    qu'on puisse engager

    une

    histoire

    de

    la

    litt?rature

    sans

    que

    l'on

    s'interroge

    d'abord

    sur son

    ?tre

    m?me.

    Bien

    plus,

    que

    peut

    ?tre,

    litt?ralement,

    une

    histoire de la

    litt?rature,

    sinon

    l'histoire de

    l'id?e

    m?me

    de

    litt?rature ?

    Or

    cette

    sorte

    d'ontologie

    historique,

    portant

    sur

    l'une

    des

    valeurs

    les moins naturelles

    qui

    soient,

    je

    ne

    la

    trouve

    nulle

    part.

    Et

    cette

    lacune,

    on

    ne

    la

    sent

    pas

    toujours

    innocente

    :

    si

    l'on

    s'inter

    roge

    minutieusement

    sur

    les

    accidents

    de la

    litt?rature,

    c'est

    que

    son

    essence

    ne

    fait

    pas

    de

    doute;

    ?crire

    appara?t

    en

    somme

    aussi

    naturel

    que

    manger,

    dormir

    ou

    se

    reproduire,

    cela

    ne

    m?rite

    pas

    l'histoire.

    D'o?

    chez

    tant

    d'his

    toriens

    litt?raires,

    telle

    phrase

    innocente,

    telle

    inflexion

    de

    jugement,

    tel

    silence,

    destin?s

    ?

    nous

    t?moigner

    de

    ce

    postulat

    :

    que

    nous

    devons

    d?chiffrer

    Racine,

    non

    certes

    en

    fonction

    de

    nos

    propres

    probl?mes,

    mais du

    moins

    sous

    le

    regard

    d'une

    litt?rature

    ?ternelle,

    dont

    on

    peut,

    dont

    on

    doit

    discuter

    les modes d'apparition,

    mais

    non

    l'?tre m?me.

    1.

    Voir

    par exemple

    celui

    du

    P?re

    Lamy

    :

    La

    Rh?torique

    ou

    Vart de

    parler

    (1675).

    529

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  • 7/21/2019 Histoire Et Littrature

    8/15

    ANNALES

    Or

    l'?tre

    de

    la

    litt?rature

    replac?

    dans

    l'histoire

    n'est

    plus

    un

    ?tre.

    D?sa

    cralis?e,

    mais

    ?

    mon sens

    d'autant

    plus

    riche,

    la

    litt?rature

    redevient

    l'une

    de

    ces

    grandes

    activit?s

    humaines,

    de

    forme

    et

    de

    fonction

    relatives,

    dont

    Febvre

    n'a

    cess?

    de

    r?clamer l'histoire. C'est

    donc

    au

    niveau

    des

    fonctions

    litt?raires

    (production,

    communication,

    consommation)

    que

    l'histoire

    peut

    seulement

    se

    placer,

    et

    non au

    niveau des individus

    qui

    les

    ont exerc?es.

    Autrement

    dit,

    l'histoire

    litt?raire

    n'est

    possible

    que

    si

    elle

    se

    fait

    sociolo

    gique,

    si elle s'int?resse

    aux

    activit?s

    et

    aux

    institutions,

    non aux

    individus

    *.

    On voit

    ?

    quelle

    histoire

    nous

    m?ne le

    programme

    de Febvre

    :

    ?

    l'oppos?

    m?me des

    histoires

    litt?raires

    que

    nous

    connaissons;

    les mat?riaux

    s'y

    retrou

    veraient,

    en

    partie

    du

    moins;

    mais

    l'organisation

    et

    le

    sens

    seraient

    contraires

    :

    les

    ?crivains

    n'y

    seraient

    consid?r?s

    que

    comme

    les

    participants

    d'une acti

    vit?

    institutionnelle

    qui

    les

    d?passe

    individuellement,

    exactement

    comme

    dans

    les

    soci?t?s dites

    primitives,

    le

    sorcier

    participe

    ?

    la fonction

    magique;

    cette

    fonction,

    n'?tant fix?e

    dans

    aucune

    loi

    ?crite,

    ne

    peut

    ?tre saisie

    qu'?

    travers

    les

    individus

    qui

    l'exercent;

    c'est

    pourtant

    la

    fonction

    seule

    qui

    est

    objet

    de

    science.

    Il

    s'agit

    donc

    d'obtenir

    de l'histoire

    litt?raire,

    telle

    que

    nous

    la

    connaissons,

    une

    conversion

    radicale,

    analogue

    ?

    celle

    qui

    a

    pu

    faire

    passer

    des

    chroniques

    royales

    ?

    l'histoire

    proprement

    dite.

    Compl?ter

    nos

    chroniques

    litt?raires

    par

    quelques ingr?dients

    historiques

    nouveaux,

    ici

    une

    source

    in?dite,

    l?

    une

    biographie

    renouvel?e,

    ne

    servirait

    ? rien

    :

    c'est

    le cadre

    qui

    doit

    ?clater,

    et

    l'objet

    se

    convertir.

    Amputer

    la

    litt?rature

    de

    l'individu On voit l'arrachement, le paradoxe m?me. Mais

    une

    histoire

    de

    la

    litt?rature

    n'est

    possible

    qu'?

    ce

    prix;

    quitte

    ?

    pr?ciser

    que

    ramen?e

    n?ces

    sairement

    dans

    ses

    limites

    institutionnelles,

    l'histoire de la litt?rature

    sera

    de

    l'histoire

    tout court

    *.

    Quittons

    maintenant

    l'histoire

    de la

    fonction

    pour

    aborder

    celle de la

    cr?ation,

    qui

    est

    l'objet

    constant

    des histoires

    litt?raires dont

    nous

    disposons.

    Racine

    a

    cess?

    d'?crire

    des

    trag?dies apr?s

    Ph?dre.

    C'est

    un

    fait;

    mais

    ce

    fait

    renvoie-t-il

    ?

    d'autres

    faits

    d'histoire ? Peut-on

    V?tendre

    ? Tr?s

    peu,

    son

    d?ve

    loppement

    est surtout de

    profondeur;

    pour lui donner un sens,

    quel qu'il

    soit

    (et

    on

    en a

    imagin?

    de

    tr?s

    divers),

    il

    faut

    postuler

    un

    fond

    de

    Racine,

    un

    ?tre

    de

    Racine,

    cet

    ?tre

    f?t-il

    dans

    le

    monde,

    bref il faut toucher

    ?

    une

    mati?re

    sans

    preuve,

    qui

    est

    la

    subjectivit?.

    Il

    est

    possible

    de saisir

    objecti

    vement

    dans

    Racine

    le fonctionnement

    de

    l'institution

    litt?raire;

    il

    est

    impos

    sible

    de

    pr?tendre

    ?

    la m?me

    objectivit?

    lorsqu'on

    veut

    surprendre

    en

    lui

    le

    fonctionnement de

    la

    cr?ation.

    C'est

    une

    autre

    logique,

    ce

    sont

    d'autres

    exigences,

    une

    autre

    responsabilit?

    ;

    il

    s'agit d'interpr?ter

    le

    rapport

    d'une

    uvre

    et

    d'un individu

    :

    comment

    le faire

    sans se

    r?f?rer

    ?

    une

    psychologie

    ?

    1. Voir

    ?

    ce

    sujet

    :

    I. Meyerson

    :

    Les

    fonctions

    psychologiques

    et

    les

    uvres.

    Paris

    Vrin,

    1948,

    223

    p.

    2. Goldmann a bien vu le probl?me : il a tent? de soumettre Pascal et Racine ?

    une

    vision

    unique,

    et

    le

    concept

    de

    vision

    du

    monde

    est chez

    lui

    express?ment

    socio

    logique.

    530

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  • 7/21/2019 Histoire Et Littrature

    9/15

    HISTOIRE

    ET

    LITT?RATURE

    Et

    comment cette

    psychologie

    pourrait-elle

    ?tre autre

    chose

    que

    choisie

    par

    le

    critique?

    Bref,

    toute

    critique

    de

    la

    cr?ation

    litt?raire,

    si

    objective,

    si

    partielle

    qu'elle

    se

    pr?tende,

    ne

    peut

    ?tre

    que

    syst?matique.

    Il

    n'y

    a

    pas

    ?

    s'en

    plaindre,

    mais

    seulement

    ? demander

    la franchise du

    syst?me.

    Il

    est ?

    peu

    pr?s

    impossible

    de

    toucher

    ?

    la cr?ation

    litt?raire

    sans

    pos

    tuler l'existence

    d'un

    rapport

    entre

    l'

    uvre et

    autre

    chose

    que

    l'

    uvre.

    Pen

    dant

    longtemps

    on

    a

    cru

    que

    ce

    rapport

    ?tait

    causal,

    que

    l'

    uvre

    ?tait

    un

    produit

    :

    d'o?

    les

    notions

    critiques

    de

    source,

    de

    gen?se,

    de

    reflet,

    etc.

    Cette

    repr?sentation

    du

    rapport

    cr?ateur

    appara?t

    de

    moins

    en

    moins

    soutenante

    :

    ou

    bien

    l'explication

    ne

    touche

    qu'une

    partie

    infime de

    l'

    uvre,

    elle

    est

    d?ri

    soire;

    ou

    bien

    elle

    propose

    un

    rapport

    massif,

    dont la

    grossi?ret?

    soul?ve

    mille

    objections

    (Plekhanov,

    l'aristocratie et le

    menuet).

    L'id?e de

    produit

    a

    donc

    fait

    place

    peu

    ?

    peu

    ?

    l'id?e

    de

    signe

    :

    l'

    uvre

    serait le

    signe

    d'un

    au

    del?

    d'elle-m?me;

    la

    critique

    consiste

    alors

    ?

    d?chiffrer la

    signification,

    ?

    en

    d?couvrir

    les

    termes,

    et

    principalement

    le

    terme

    cach?,

    le

    signifi?.

    C'est

    actuellement

    L.

    Goldmann

    qui

    a

    donn?

    la

    th?orie la

    plus pouss?e

    de

    ce

    qu'on

    pourrait

    appeler

    la

    critique

    de

    signification,

    du

    moins

    lorsqu'elle s'applique

    ?

    un

    signifi?

    historique;

    car

    si

    l'on s'en

    tient

    au

    signifi?

    psychique,

    la

    cri

    tique

    psychanalytique

    et

    la

    critique

    sartrienne ?taient

    d?j?

    des

    critiques

    de

    signification.

    Il

    s'agit

    donc

    d'un

    mouvement

    g?n?ral qui

    consiste

    ?

    ouvrir

    l'

    uvre,

    non

    comme

    l'effet

    d'une

    cause,

    mais

    comme

    le

    signifiant

    d'un

    signifi?.

    Bien

    que

    la

    critique

    ?rudite

    (dirai-je

    pour

    simplifier

    :

    universitaire

    ?)

    reste

    encore

    pour

    l'essentiel

    fid?le

    ?

    l'id?e

    (organique,

    et

    non

    structurale)

    de

    gen?se,

    il

    se

    trouve

    pr?cis?ment

    que

    l'ex?g?se

    racinienne

    tend

    ?

    d?chif

    frer

    Racine

    comme

    un

    syst?me

    de

    significations.

    Par

    quel

    biais ? Celui

    de

    l'all?gorie

    (ou

    de

    la

    clef,

    ou

    de

    l'allusion,

    selon

    les

    auteurs).

    On

    sait

    que

    Racine suscite

    aujourd'hui

    toute

    une

    reconstitution

    de

    ?

    clefs

    ?,

    historiques

    (Orcibal)

    ou

    biographiques

    (Jasinski)

    :

    Andromaque

    ?tait-elle

    la

    Du

    Parc?

    Oreste

    est-il

    Racine

    ?

    Monime

    ?tait-elle

    la

    Champmesl?

    ?

    Les

    jeunes

    Juives

    ?'Esther

    figuraient-elles

    les

    Filles

    de

    l'Enfance

    de

    Toulouse

    ?

    Athalie

    est

    elle

    Guillaume

    d'Orange

    ?

    etc.

    Or,

    quelque

    rigueur

    ou

    quelque

    flou

    qu'on

    lui

    donne,

    l'all?gorie

    est

    essentiellement

    une

    signification,

    elle

    rapproche

    un

    signifiant

    et

    un

    signifi?.

    Je

    ne

    reviens

    pas

    sur

    la

    question

    de savoir

    s'il

    ne

    serait

    pas

    plus

    int?ressant

    d'?tudier

    le

    langage

    all?gorique

    comme

    un

    fait

    d'?poque, que

    d'examiner

    la

    probabilit?

    de

    telle

    ou

    telle

    clef.

    Je

    retiens

    seu

    lement

    ceci

    :

    l'

    uvre

    est consid?r?e

    comme

    le

    langage

    de

    quelque

    chose,

    ici

    tel fait

    politique,

    l?

    Racine

    lui-m?me.

    L'ennui,

    c'est

    que

    le d?chiffrement

    d'un

    langage

    inconnu,

    pour

    lequel

    il

    n'existe

    pas

    de document

    t?moin

    analogue

    ?

    la

    pierre

    de

    Rosette,

    est

    ?

    la

    lettre

    improbable,

    sauf

    ?

    recourir

    ?

    des

    postulats

    psychologiques.

    Quelque

    effort

    de

    rigueur

    ou

    de

    prudence

    que

    s'impose

    la

    critique

    de

    signification,

    le

    caract?re

    syst?matique

    de

    la

    lecture

    se

    retrouve

    ?

    tous

    les niveaux.

    D'abord

    au

    niveau

    m?me du

    signifiant.

    Qu'est-ce

    au

    juste qui

    signifie

    ?

    un

    mot

    ?

    un

    vers

    ?

    un

    personnage?

    une

    situation?

    une

    trag?die?

    le

    corps

    entier

    de

    l'

    uvre1?

    1.

    Charles

    1er

    ayant

    confi?

    ses

    enfants ?

    Henriette

    d'Angleterre

    par

    ces

    mots

    :

    Je ne

    puis

    vous

    laisser

    de

    gages

    plus

    chers,

    et

    Hector confiant

    le

    sien ?

    Andromaque

    Dar ce vers

    *

    *

    Je

    te

    laisse

    mon

    fus

    pour gage

    de

    ma

    foi,

    R.

    Jasinski

    voit l?

    un

    rapport

    significatif,

    il

    conclut ?

    une

    source,

    ?

    un

    mod?le.

    Pour

    531

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  • 7/21/2019 Histoire Et Littrature

    10/15

    ANNALES

    Qui

    peut

    d?cr?ter

    le

    signifiant,

    hors

    d'une

    voie

    proprement

    inductive,

    c'est-?-dire

    sans

    poser

    d'abord

    le

    signifi?,

    avant

    le

    signifiant

    ?

    Et

    ceci,

    qui

    est

    plus

    syst?matique

    encore

    :

    que

    faire

    des

    parties

    de l'

    uvre

    dont

    on

    ne

    dit

    pas

    qu'elles signifient

    ?

    L'analogie

    est un

    gros

    filet

    :

    les trois

    quarts

    du

    discours

    racinien

    passent

    au

    travers.

    D?s

    lors

    que

    l'on

    entreprend

    une

    critique

    des

    significations,

    comment

    s'arr?ter

    en

    chemin?

    Faut-il

    renvoyer

    tout

    l'insignifiant

    ?

    une

    alchimie

    myst?rieuse

    de

    la

    cr?ation,

    d?pensant

    sur

    un vers

    des tr?sors

    de

    rigueur

    scientifique,

    puis,

    pour

    le

    reste,

    s'abandonnant

    paresseusement

    ?

    une

    conception

    proprement

    magique

    de

    l'

    uvre

    d'art

    ?

    Et

    quelles

    preuves

    donner

    d'une

    signification

    ?

    Le

    nombre

    et

    la

    convergence

    des

    indices factuels

    (Orcibal)

    ? On

    atteint

    ici,

    m?me

    pas

    le

    probable,

    seule

    ment

    le

    plausible.

    La

    ?

    r?ussite

    ?

    d'une

    expression

    (Jasinski)

    ?

    C'est

    un

    pos

    tulat

    caract?ris?

    que

    d'inf?rer de la

    qualit?

    d'un

    vers au

    ?

    v?cu

    ?

    du

    senti

    ment

    qu'il exprime.

    La

    coh?rence du

    syst?me

    signifiant

    (Coldmann)

    ?

    C'est,

    ?

    mon

    sens,

    la seule

    preuve

    acceptable,

    tout

    langage

    ?tant

    un

    syst?me

    forte

    ment

    coordonn?;

    mais

    alors,

    pour

    que

    la coh?rence

    soit

    manifeste,

    il

    faut

    l'?tendre

    ? toute

    l'

    uvre,

    c'est-?-dire

    accepter

    l'aventure d'une

    critique

    totale.

    Ainsi,

    de

    toutes

    parts,

    les

    intentions

    objectives

    de

    la

    critique

    de

    signification

    sont

    d?jou?es

    par

    le

    statut

    essentiellement arbitraire

    de

    tout

    syst?me

    linguistique.

    M?me

    arbitraire

    au

    niveau des

    signifi?s.

    Si

    l'

    uvre

    signifie

    le

    monde,

    ?

    quel

    niveau

    du monde

    arr?ter

    la

    signification

    ? A l'actualit?

    (Restauration

    anglaise pour Athalie)

    ? A la crise

    politique (crise turque

    de

    1671 pour Afithri

    dat?)

    ?

    Au

    ?

    courant

    d'opinion

    ?? A la

    ?

    vision du monde

    ?

    (Goldmann)

    ?

    Et si l'

    uvre

    signifie

    l'auteur,

    la m?me

    incertitude

    recommence

    :

    ?

    quel

    niveau

    de

    la

    personne

    fixer

    le

    signifi?

    ?

    ?

    la

    circonstance

    biographique

    ?

    au

    niveau

    passionnel

    ?

    ?

    une

    psychologie

    d'?ge

    ?

    ?

    une

    psych?

    de

    type

    archa?que

    (Mauron)

    ? C'est

    chaque

    fois

    d?cider

    d'un

    palier,

    moins

    en

    fonction

    de

    l'

    uvre

    que

    de

    l'id?e

    pr?con?ue

    qu'on

    se

    fait

    de la

    psychologie

    ou

    du

    monde.

    La

    critique

    d'auteur

    est

    en

    somme une

    s?miologie qui

    n'ose

    pas

    dire

    son

    nom.

    Si elle

    l'osait,

    elle conna?trait

    au

    moins

    ses

    limites,

    afficherait

    ses

    choix

    ;

    elle

    saurait

    qu'elle

    doit

    toujours

    compter

    avec

    deux

    arbitraires,

    et

    donc les

    assumer.

    D'une

    part, pour

    un

    signifiant,

    il

    y

    a

    toujours plusieurs

    signifi?s

    possibles

    :

    les

    signes

    sont

    ?ternellement

    ambigus,

    le

    d?chiffrement

    est tou

    jours un choix. Dans Esther, les Isra?lites opprim?s sont-ils les protestants,

    les

    jans?nistes,

    les

    Filles

    de

    l'Enfance,

    ou

    l'humanit?

    priv?e

    de

    r?demption

    ?

    La Terre

    qui

    boit

    le

    sang

    d'Erecht?e,

    est-ce

    l?

    couleur

    mythologique,

    trait

    pr?cieux

    ou

    fragment

    d'un

    phantasme

    proprement

    racinien

    ?

    L'absence

    de

    Mithridate

    est-elle

    exil de

    tel

    roi

    temporel

    ou

    silence

    mena?ant

    du

    P?re

    ?

    Pour

    un

    signe,

    combien

    de

    signifi?s

    Je

    ne

    dis

    pas

    qu'il

    est

    vain de

    soupeser

    la vraisemblance

    de

    chacun

    d'eux;

    je

    dis

    qu'on

    ne

    peut

    finalement choisir

    qu'en

    prenant

    partie

    sur

    le

    syst?me

    mental

    dans

    son

    entier.

    Si

    vous

    d?cidez

    que

    Mithridate

    est

    le

    P?re,

    vous

    faites de

    la

    psychanalyse;

    mais si

    vous

    d?cidez

    qu'il

    est

    Corneille,

    vous

    vous

    r?f?rez

    ?

    un

    postulat

    psychologique

    appr?cier la probabilit? d'une telle signification, qui peut tr?s bien n'?tre qu'une

    co?ncidence,

    il

    faut

    se

    reporter

    ?

    la discussion

    de

    Marc

    Bloch

    dans

    M?tier

    d'historien

    (p.

    60

    sqq).

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    11/15

    HISTOIRE

    ET

    LITT?RATURE

    tout

    aussi

    arbitraire,

    pour

    banal

    qu'il

    soit.

    D'autre

    part,

    la

    d?cision

    d'arr?ter

    ici

    et

    non

    pas

    l?

    le

    sens

    de l'

    uvre

    est

    ?galement

    engag?e1.

    La

    plupart

    des

    critiques s'imaginent

    qu'un

    coup

    d'arr?t

    superficiel

    garantit

    une

    plus grande

    objectivit?

    : en

    restant

    ?

    la

    surface

    des

    faits,

    on

    les

    respecterait

    mieux,

    la

    timidit?,

    la

    banalit?

    de

    l'hypoth?se

    serait

    un

    gage

    de

    sa

    validit?.

    De

    l?

    un

    recensement

    des

    faits

    tr?s

    soigneux,

    souvent

    tr?s

    fin,

    mais

    dont

    on

    coupe

    prudemment

    l'interpr?tation

    au

    moment

    m?me

    o?

    elle deviendrait

    ?clai

    rante.

    On

    note

    par

    exemple

    chez

    Racine

    une

    obsession

    des

    yeux,

    mais

    on

    s'interdit

    de

    parler

    de

    f?tichisme;

    on

    signale

    des

    traits

    de

    cruaut?,

    sans

    vou

    loir

    convenir

    qu'il

    s'agit

    de

    sadisme,

    sous

    pr?texte

    que

    le

    mot n'existait

    pas

    au

    XVIIe

    si?cle

    (c'est

    ?

    peu

    pr?s

    comme

    si

    l'on

    refusait de

    reconstituer

    le

    cli

    mat

    d'un

    pays

    ?

    une

    ?poque

    pass?e

    sous

    pr?texte

    que

    la

    dendroclimatologie

    n'existait

    pas alors);

    on

    note

    qu'alentour

    1675,

    l'Op?ra

    supplante

    la

    trag?die;

    mais

    ce

    changement

    de

    mentalit?

    est

    r?duit

    au

    rang

    de

    circonstance

    :

    c'est

    l'une

    des

    causes

    possibles

    du

    silence

    de Racine

    apr?s

    Ph?dre.

    Or

    cette

    pru

    dence

    est

    d?j?

    une vue

    syst?matique,

    car

    les

    choses

    ne

    signifient

    pas

    plus

    ou

    moins,

    elles

    signifient

    ou

    ne

    signifient

    pas

    :

    dire

    qu'elles

    signifient

    super

    ficiellement,

    c'est

    d?j?

    prendre parti

    sur

    le

    monde.

    Et

    toutes

    significations

    ?tant

    reconnues

    pr?somptives,

    comment

    ne

    pas

    pr?f?rer

    celles

    qui

    se

    placent

    r?solument

    au

    plus profond

    de la

    personne

    (Mauron)

    ou

    du monde

    (Gold

    mann),

    l?

    o?

    on a

    quelque

    chance

    d'atteindre

    une

    unit?

    v?ritable

    ?

    Risquant

    un

    certain

    nombre

    de

    clefs,

    R.

    Jasinski

    sugg?re

    qu'Agrippine

    figure

    Port

    Royal.

    Fort bien

    ;

    mais

    ne

    voit-on

    pas qu'une

    telle

    ?quivalence

    n'est

    risqu?e

    que

    dans la

    mesure

    o?

    elle

    reste

    en

    chemin

    ?

    plus

    on

    pousse

    l'hypoth?se,

    mieux

    elle

    ?claire,

    plus

    elle

    devient

    vraisemblable;

    car

    on

    ne

    peut

    retrouver

    Port-Royal

    dans

    Agrippine

    qu'en

    inf?rant

    de

    l'un

    et de

    l'autre

    un

    arch?type

    mena?ant,

    install?

    au

    plus

    profond

    de

    la

    psych?

    racinienne

    :

    Agrippine

    n'est

    Port-Royal

    que

    si l'un

    et

    l'autre

    sont

    le

    P?re,

    au sens

    pleinement

    psychana

    lytique

    du

    terme.

    En

    fait,

    le

    coup

    d'arr?t

    impos?

    par

    le

    critique

    ?

    la

    signification

    n'est

    jamais

    innocent.

    Il r?v?le

    la

    situation

    du

    critique,

    introduit

    fatalement

    ?

    une

    cri

    tique des critiques. Toute lecture

    de

    Racine,

    si

    impersonnelle qu'elle s'oblige

    ?

    ?tre,

    est

    un

    test

    projectif.

    Certains

    d?clarent

    leurs

    r?f?rences

    :

    Mauron

    est

    psychanalyste,

    Goldmann

    est

    marxiste.

    Ce

    6ont

    les

    autres

    que

    je

    voudrais

    maintenant

    interroger.

    Et

    puisqu'ils

    sont

    historiens

    de

    la cr?ation

    litt?raire,

    comment se

    repr?sentent-ils

    cette cr?ation

    ?

    Qu'est

    exactement

    une

    uvre

    ?

    leurs

    yeux

    ?

    D'abord

    et

    essentiellement

    une

    alchimie;

    il

    y

    a

    d'un

    c?t?

    les

    mat?riaux,

    historiques,

    biographiques,

    traditionnels

    (sources);

    et

    puis,

    d'un

    autre

    c?t?,

    (car

    il

    est

    bien

    ?vident

    qu'il

    reste

    un

    ab?me

    entre

    ces

    mat?riaux

    et

    l'

    uvre),

    il

    y

    a

    un

    je-ne-sais-quoi,

    aux

    noms

    nobles

    et

    vagues

    :

    c'est

    Y

    ?lan

    g?n?rateur,

    le

    myst?re

    de

    V?me,

    la

    synth?se,

    bref

    la

    Vie;

    de

    cette

    part-l?,

    on

    ne

    s'occupe

    1. Sartre amontr? que la critique psychologique (celle de P. Bourget, par exemple)

    s'arr?tait

    trop

    t?t,

    l?

    pr?cis?ment

    o?

    l'explication

    devrait

    commencer

    (L'Etre

    et

    le

    N?ant,

    Gallimard,

    1948,

    p.

    643

    sqq.).

    533

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  • 7/21/2019 Histoire Et Littrature

    12/15

    ANNALES

    gu?re,

    sinon

    pour

    pudiquement

    la

    respecter;

    mais

    en

    m?me

    temps

    on

    interdit

    qu'on

    y

    touche

    :

    ce

    serait

    abandonner

    la

    science

    pour

    le

    syst?me.

    Ainsi Pon

    voit

    les m?mes

    esprits s'?puiser

    en

    rigueur

    scientifique

    sur

    un

    d?tail

    acces

    soire

    (combien

    de

    foudres

    lanc?es

    pour

    une

    date

    ou une

    virgule)

    et

    s'en

    remettre

    pour

    l'essentiel,

    sans

    combattre,

    ?

    une

    conception

    purement

    magique

    de

    l'

    uvre

    :

    ici

    toutes

    les m?fiances

    du

    positivisme

    le

    plus

    exigeant,

    l? le

    recours

    complaisant

    ?

    l'?ternelle

    tautologie

    des

    explications

    scolastiques

    ;

    de

    m?me

    que

    l'opium

    fait dormir

    par

    une

    vertu

    dormitive,

    de

    m?me

    Racine

    cr?e

    par

    une

    vertu

    cr?ative

    :

    curieuse

    conception

    du

    myst?re

    qui

    sans

    cesse

    s'ing?nie

    ?

    lui

    trouver

    des

    causes

    infimes;

    et

    curieuse

    conception

    de la

    science,

    qui en fait la gardienne jalouse de l'inconnaissable. Le piquant, c'est que le

    mythe

    romantique

    de

    l'inspiration (car

    en

    somme,

    V?lan

    g?n?rateur

    de

    Racine,

    ce

    n'est rien

    d'autre

    que

    le

    nom

    profane

    de

    sa

    muse)

    s'allie ici

    ?

    tout

    un

    appareil

    scientiste;

    ainsi de

    deux

    id?ologies

    contradictoires1

    na?t

    un

    syst?me

    b?tard,

    et

    peut-?tre

    m?me

    un

    tourniquet

    commode

    ;

    l'

    uvre

    est

    rationnelle

    ou

    irrationnelle

    selon les

    besoins

    de

    la

    cause :

    Je

    suis

    oiseau;

    voyez

    mes

    ailes...

    Je

    suis souris

    ;

    vivent

    les

    rats

    Je

    suis

    raison;

    voyez

    mes

    preuves.

    Je

    suis

    myst?re;

    d?fense

    d'approcher.

    L'id?e

    de consid?rer

    l'

    uvre comme

    une

    synth?se

    (myst?rieuse)

    d'?l?

    ments

    (rationnels)

    n'est

    probablement

    ni

    fausse

    ni

    vraie;

    c'est

    simplement

    une

    fa?on

    ?

    fort

    syst?matique

    et

    parfaitement

    dat?e

    ?

    de

    se

    repr?senter

    les choses. C'en est une autre, et non moins

    particuli?re,

    que d'identifier

    fatalement

    l'auteur,

    ses

    ma?tresses

    et

    ses

    amis

    avec

    ses

    personnages.

    Racine

    c'est Oreste ?

    vingt-six

    ans,

    Racine,

    c'est

    N?ron;

    Andromaque,

    c'est

    la Du

    Parc;

    Burrhus,

    c'est

    Vitar

    d,

    etc.,

    combien

    de

    propositions

    de

    ce

    genre

    dans

    la cri

    tique

    racinienne,

    qui justifie

    l'int?r?t

    excessif

    qu'elle

    porte

    aux

    fr?quen

    tations

    du

    po?te

    en

    esp?rant

    les

    retrouver

    transpos?es

    (encore

    un

    mot

    magique)

    dans le

    personnel

    de

    la

    trag?die.

    Rien

    ne se

    cr?e

    de

    rien;

    cette

    loi

    de

    la

    nature

    organique

    passe

    sans

    l'ombre

    d'un

    doute

    ?

    la

    cr?ation

    litt?raire

    :

    le

    person

    nage

    ne

    peut

    na?tre

    que

    d'une

    personne.

    Si

    encore

    on

    supposait

    ? la

    figure

    g?n?ratrice

    une

    certaine

    indiff?renciation,

    de

    fa?on

    ?

    tenter

    de saisir

    la

    zone

    phantasmatique

    de la

    cr?ation;

    mais

    ce

    sont

    au

    contraire

    des imitations aussi

    circonstancielles

    que

    possible

    que

    l'on

    nous

    propose,

    comme

    s'il ?tait

    av?r?

    que

    le moi ne retient

    que

    les mod?les

    qu'il

    ne

    peut

    pas

    d?former;

    du mod?le

    ?

    sa

    copie,

    on

    exige

    un

    terme commun

    na?vement

    superficiel

    :

    Andromaque

    reproduit

    la

    Du Parc

    parce

    qu'elles

    ?taient

    toutes

    deux

    veuves,

    fid?les

    et

    pourvues

    d'un

    enfant; Racine,

    c'est

    Oreste,

    parce

    qu'ils

    avaient

    le

    m?me

    genre

    de

    passion,

    etc.

    C'est

    l?

    une vue

    absolument

    partiale

    de la

    psychologie.

    D'abord,

    un

    personnage

    peut

    na?tre de

    tout

    autre

    chose

    que

    d'une

    personne

    :

    d'une

    pulsion,

    d'un

    d?sir,

    d'une

    r?sistance,

    ou

    m?me

    plus simplement

    d'une

    sorte

    d'organisation endog?ne

    de

    la

    situation

    tragique.

    Et

    puis

    surtout,

    s'il

    y

    a

    mod?le,

    le

    sens

    du

    rapport

    n'est

    pas

    forc?ment

    analogique

    :

    il

    y

    a

    des

    filiations

    invers?es,

    antiphrasiques

    pourrait-on

    dire;

    il

    n'y

    a

    pas

    beaucoup

    1. H. Mannheim a bien montr? le caract?re

    id?ologique

    du

    positivisme,

    ce

    qui,

    d'ailleurs,

    ne

    l'a nullement

    emp?ch?

    d'?tre f?cond

    (Id?ologie

    et

    Utopie,

    Rivi?re,

    1956,

    p.

    93

    sqj.

    534

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  • 7/21/2019 Histoire Et Littrature

    13/15

    HISTOIRE

    ET

    LITT?RATURE

    dfaudace

    ?

    imaginer

    que

    dans la

    cr?ation,

    les

    ph?nom?nes

    de

    d?n?gation

    et

    de

    compensation

    sont

    aussi

    f?conds

    que

    les

    ph?nom?nes

    d'imitation.

    On

    approche

    ici du

    postulat qui

    commande

    toute

    repr?sentation

    tradi

    tionnelle

    de

    la

    litt?rature

    :

    l'

    uvre

    est

    une

    imitation,

    elle

    a

    des

    mod?les,

    et

    le

    rapport

    entre

    l'

    uvre

    et

    les

    mod?les

    ne

    peut

    ?tre

    qu'analogique.

    Ph?dre

    met

    en

    sc?ne

    un

    d?sir

    incestueux;

    en

    vertu

    du

    dogme

    d'analogie,

    on

    recher

    chera

    dans la

    vie

    de Racine

    une

    situation incestueuse

    (Racine

    et

    les

    filles de

    la Du

    Parc).

    M?me

    Goldmann,

    si soucieux

    de

    multiplier

    les relais

    entre

    l'

    uvre

    et

    son

    signifi?,

    c?de

    au

    postulat

    analogique

    :

    Pascal

    et

    Racine

    appar

    tenant

    ?

    un

    groupe

    social

    politiquement

    d??u,

    leur

    vision

    du

    monde

    repro?

    duira cette

    d?ception,

    comme

    si

    l'?crivain n'avait

    d'autre

    pouvoir

    que

    de

    se

    copier

    litt?ralement

    lui-m?me

    K Et

    pourtant,

    si

    l'

    uvre

    ?tait

    pr?cis?ment

    ce

    que

    l'auteur

    ne

    conna?t

    pas,

    ce

    qu'il

    ne

    vit

    pas

    ? Il

    n'est

    pas

    n?cessaire

    d'?tre

    psychanalyste

    pour

    concevoir

    qu'un

    acte

    (et

    surtout

    un

    acte

    litt?raire,

    qui

    n'attend

    aucune

    sanction de

    la

    r?alit?

    imm?diate)

    peut

    tr?s bien

    ?tre

    le

    signe

    invers?

    d'une

    intention;

    que

    par

    exemple,

    sous

    certaines

    conditions

    (dont

    l'examen

    devrait

    ?tre

    la

    t?che

    m?me

    de

    la

    critique),

    Titus fid?le

    peut

    en

    fin

    de

    compte

    signifier

    Racine

    infid?le,

    qu'Oreste,

    c'est

    peut-?tre pr?ci

    s?ment

    ce

    que

    Racine

    croit

    ne

    pas

    ?tre,

    etc.

    Il

    faut aller

    plus

    loin,

    se

    demander

    si

    l'effort

    principal

    de

    la

    critique

    ne

    doit

    pas porter

    sur

    les

    processus

    de

    d?formation

    plut?t

    que

    sur ceux

    d'imitation;

    ?

    supposer que

    l'on

    prouve

    un

    mod?le,

    l'int?r?t,

    c'est de

    montrer

    en

    quoi

    il

    se

    d?forme,

    se

    nie

    ou

    m?me

    s'?vanouit;

    Vimagination

    est

    d?formatrice;

    Vactivit?

    po?tique

    consiste

    ?

    d?faire

    des

    images

    : cette

    proposition

    de

    Bachelard

    fait

    encore

    figure

    d'h?r?sie,

    dans

    la

    mesure

    o?

    la

    critique

    positiviste

    continue

    d'accorder

    un

    privil?ge

    exor

    bitant

    ?

    l'?tude des

    origines

    *.

    Entre

    l'ouvrage

    estimable

    de

    Knight, qui

    recense

    tous

    les

    emprunts

    de

    Racine

    ?

    la

    Gr?ce,

    et

    celui

    de

    Mauron,

    qui

    essaye

    de

    comprendre

    comment

    ces

    emprunts

    se

    sont

    d?form?s,

    on

    me

    per

    mettra

    de

    penser

    que

    le

    second

    approche davantage

    le

    secret

    de la cr?ation

    *

    D'autant

    que

    la

    critique analogique

    est

    finalement aussi

    aventureuse

    que

    l'autre.

    Obs?d?e,

    si

    j'ose

    dire,

    par

    le

    ?

    d?nichage

    ?

    des

    ressemblances,

    elle

    ne

    conna?t

    plus

    qu'une

    d?marche

    :

    l'induction;

    d'un fait

    hypoth?tique,

    elle tire des

    cons?quences

    bient?t

    certaines,

    construit

    un

    certain

    syst?me

    en

    fonction

    d'une

    certaine

    logique

    :

    si

    Andromaque

    est

    la

    Du

    Parc,

    alors

    Pyrrhus

    est

    Racine,

    etc.

    Si,

    ?crit

    R.

    Jasinski,

    guid? par

    la

    Folle

    Querelle,

    nous

    pouvions

    croire

    ?

    une

    m?saventure

    amoureuse

    de

    Racine,

    la

    gen?se

    d'Andro

    maque

    deviendrait

    claire.

    On

    la

    cherche,

    et

    naturellement

    on

    la

    trouve.

    Les

    ressemblances

    prolif?rent

    un

    peu

    comme

    les

    alibis

    dans

    le

    langage

    para

    1.

    Infiniment

    moins

    souple

    que

    Goldmann,

    un

    autre

    marxiste,

    George

    Thomson

    a

    ?tabli

    un

    rapport

    brutalement

    analogique

    entre le

    renversement des

    valeurs

    au

    Ve

    si?cle

    av.

    J.-C,

    dont

    il

    p^nse

    retrouver

    la

    trace

    dans

    la

    trag?die

    grecque,

    et

    le

    passage

    d'une

    ?conomie

    rurale

    ?

    une

    ?conomie

    marchande,

    caract?ris?e

    par

    une

    brusque

    promotion

    de

    l'argent

    (Marxism

    and

    Poetry).

    2.

    Sur

    le

    mythe

    des

    origines,

    voir Bloch

    :

    M?tier

    d'historien,

    p.

    6

    et

    15.

    8.

    Il

    n'y

    a aucune

    raison

    pour

    que

    la

    critique

    prenne

    les

    sources

    litt?raires d'une

    uvre,

    d'un

    personnage

    ou

    d'une

    situation

    pour

    des

    faits bruts

    :

    si Racine choisit

    Tacite,

    c'est

    peut-?tre parce qu'il y

    a

    dans

    Tacite

    des

    phantasmes d?j?

    raciniens

    :

    Tacite

    aussi

    rel?ve

    d'une

    critique

    psychologique,

    avec

    tous

    ses

    choix

    et toutes

    ses

    incerti

    tudes.

    535

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  • 7/21/2019 Histoire Et Littrature

    14/15

    ANNALES

    nolaque.

    ?

    ne

    faut

    pas

    s'en

    plaindre,

    la

    d?monstration

    d'une coh?rence

    ?tant

    toujours

    un

    beau

    spectacle

    critique;

    mais

    ne

    voit-on

    pas

    que,

    si le

    contenu

    ?pisodique

    de

    la

    preuve

    est

    objectif,

    le

    postulat

    qui

    en

    justifie

    la

    recherche

    est,

    lui,

    parfaitement

    syst?matique

    ? Si

    ce

    postulat

    ?tait

    reconnu,

    si

    le

    fait,

    sans

    qu'on

    renonce

    aux

    garanties

    traditionnelles

    de

    son

    ?tablissement,

    ces

    sait

    enfin

    d'?tre

    l'alibi

    scientiste d'une

    option psychologique,

    alors,

    par

    un

    retour

    paradoxal,

    l'?rudition

    deviendrait

    enfin

    f?conde,

    dans

    la

    mesure

    o?

    elle

    ouvrirait

    ?

    des

    significations

    manifestement

    relatives,

    et

    non

    plus

    par?es

    des

    couleurs d'une

    nature

    ?ternelle.

    R.

    Jasinski

    postule

    que

    le

    ?

    moi

    profond

    ?

    est

    modifi?

    par

    des situations

    et

    des

    incidences,

    donc

    par

    les donn?es bio

    graphiques.

    Or

    cette

    conception

    du

    moi

    est

    aussi

    ?loign?e

    de la

    psychologie

    telle

    que

    pouvaient

    l'imaginer

    les

    contemporains

    de Racine

    que

    des

    concep

    tions

    actuelles,

    pour

    lesquelles

    le moi

    profond

    est

    pr?cis?ment

    celui

    qui

    est

    d?fini

    par

    une

    fixit? de

    structure

    (psychanalyse)

    ou

    par

    une

    libert?

    qui

    fait

    la

    biographie,

    au

    lieu

    d'?tre conditionn?e

    par

    elle

    (Sartre).

    En

    fait,

    R.

    Jasinski

    projette

    sa

    propre

    psychologie

    en

    Racine,

    comme

    chacun

    d'entre

    nous;

    comme

    A.

    Adam,

    qui

    a

    bien le droit de dire

    que

    telle

    sc?ne

    de Mithridate ?meut

    ?

    ce

    que

    nous avons

    de

    meilleur

    ?;

    jugement

    express?ment

    normatif,

    fort

    l?gi

    time,

    ?

    condition

    toutefois de

    ne

    pas

    d?clarer

    plus

    loin

    ?

    absurde

    et

    barbare

    ?

    l'interpr?tation

    que

    Spitzer

    donne

    du

    r?cit de Th?ram?ne.

    Oserais-je

    dire

    ?

    Jean

    Pommier

    que

    ce

    qui

    me

    pla?t

    dans

    son

    ?rudition,

    c'est

    qu'elle

    marque

    des

    pr?f?rences,

    flaire

    certains

    th?mes

    et

    non

    point

    d'autres,

    bref

    qu'elle

    est

    le

    masque

    vivant

    de

    quelques

    obsessions ? Ne sera-t-il

    plus sacril?ge,

    un

    jour,

    de

    psychanalyser

    l'Universit? ? Et

    pour

    en

    revenir

    ?

    Racine,

    pense-t-on

    qu'on

    puisse

    d?monter

    le

    mythe

    racinien,

    sans

    qu'y

    comparaissent

    tous

    les

    critiques

    qui

    ont

    parl?

    de

    Racine

    ?

    On

    serait

    en

    droit de demander

    que

    cette

    psychologie qui

    fonde

    la

    cri

    tique

    d'?rudition

    et

    kui

    est,

    en

    gros,

    celle

    qui

    r?gnait

    ?

    la naissance

    du

    sys

    t?me

    lansonien,

    consente

    ?

    se

    renouveler

    un

    peu,

    qu'elle

    suive

    un

    peu

    moins

    Th?odule

    Ribot. On

    ne

    le demande

    m?me

    pas;

    mais

    que

    simplement,

    elle

    affiche

    ses

    choix.

    La litt?rature s'oiTre? la recherche

    objective

    par

    toute sa face institution

    nelle

    (encore

    qu'ici

    comme

    en

    histoire,

    le

    critique

    n'ait

    aucun

    int?r?t

    ?

    mas

    quer

    sa

    propre

    situation).

    Quant

    ?

    l'envers

    des

    choses,

    quant

    ?

    ce

    lien

    tr?s

    subtil

    qui

    unit

    l'

    uvre

    ?

    son

    cr?ateur,

    comment

    y

    toucher,

    sinon

    en

    termes

    engag?s

    ?

    De

    toutes

    les

    approches

    de

    l'homme,

    la

    psychologie

    est

    la

    plus

    improbable,

    la

    plus marqu?e

    par

    son

    temps.

    C'est

    qu'en

    fait la

    connaissance

    du

    moi

    profond

    est

    illusoire

    :

    il

    n'y

    a

    que

    des

    fa?ons

    diff?rentes de le

    parler.

    Racine

    se

    pr?te

    ?

    plusieurs

    langages

    :

    psychanalytique,

    existentiel,

    tragique,

    psychologique

    (on

    peut

    en

    inventer

    d'autres;

    on

    en

    inventera

    d'autres)

    ;

    aucun

    n'est innocen

    .

    Mais

    reconna?tre

    cette

    impuissance

    ?

    dire

    vrai

    sur

    Racine,

    c'est

    pr?cis?e

    ent

    reconna?tre

    enfin le

    statut

    sp?cial

    de la

    litt?rature.

    D

    tient

    dans

    un

    paradoxe

    :

    la

    litt?rature

    est

    cet

    ensemble

    d'objets

    et

    de

    r?gles,

    de

    techniques

    vt

    d'oeuvres,

    dont la fonction dans l'?conomie

    g?n?rale

    de

    notre soci?t?

    est

    pr?cis?ment

    d'institutionnaliser

    la

    subjectivit?.

    Pour

    suivre

    536

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  • 7/21/2019 Histoire Et Littrature

    15/15

    HISTOIRE

    ET

    LITT?RATURE

    ce

    mouvement,

    le

    critique

    doit lui-m?me

    se

    faire

    pa

    adoxal,

    afficher

    ce

    pari

    fatal

    qui

    lui

    fait

    parler

    Racine d'une

    fa?on

    et

    non

    d'une

    autre

    :

    lui aussi fait

    partie

    de la

    litt?rature. La

    premi?re

    r?gle

    objective

    e