10
« Ce n’est pas mon enfant ! ». Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette affreuse circonstance. Autour du berceau se tenaient le médecin du village, quelques voisins et, plus loin assis, assis sur une chaise et sanglotant, son mari. Les visages étaient sévères, personne ne prêtait vraiment attention à la folie passagère de la mère. Perdre un enfant était tellement abominable que les gens, en silence, comprenaient l’indécence de ces propos.

Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette … · 2021. 1. 8. · Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette affreuse circonstance. Autour

  • Upload
    others

  • View
    5

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette … · 2021. 1. 8. · Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette affreuse circonstance. Autour

« Ce n’est pas mon enfant ! ». Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette affreuse circonstance. Autour du berceau se tenaient le médecin du village, quelques voisins et, plus loin assis, assis sur une chaise et sanglotant, son mari.

Les visages étaient sévères, personne ne prêtait vraiment attention à la folie passagère de la mère. Perdre un enfant était tellement abominable que les gens, en silence, comprenaient l’indécence de ces propos.

Page 2: Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette … · 2021. 1. 8. · Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette affreuse circonstance. Autour

« Cette chose n’est pas mon enfant, mon fils. Je vous le dis, je vous le dis. » Le mari se leva et serra sa femme dans ses bras. Il lui posa un baiser sur le front avant de

l’emmener loin du petit corps recroquevillé et noirci. Une fois la mère dehors, suivie de quelques voisines en larmes, le médecin reprit son discours.

C’est vraiment curieux. Je n’avais encore jamais vu telle maladie. Vraisemblablement, celle-ci s’est attaquée aux poumons et à la peau du petit être. Regardez comme sa peau est noire, comme carbonisée. Cela est vraiment étrange, curieux, oui, curieux... »

L’histoire en resta là. Deux jours plus tard, Gabriel fut enterré. Tout le village avait été fortement secoué par le malheur qui frappait cette famille connue pour sa joie naturelle, le père toujours prêt à aider le voisinage, la mère faisant des miracles de par sa gentillesse envers les plus âgés. Il n’y avait pas une personne qui aurait pu dire du mal de ces gens-là. Alors, on se tut, on laissa le chagrin envahir les cœurs et bercer de mélancolie les âmes. Les semaines passèrent et, dans l’esprit d’Hélène, une bien étrange théorie fit son chemin...

La malheureuse mère avait sombré dans une profonde déprime. Elle refusait désormais de

sortir de sa chambre. Son brave mari lui portait ses repas trois fois par jour. Cette maison autrefois animée de rires et de joie s’était enfermée dans un silence morbide des plus pesants.

Le vendredi matin, on frappa à la porte. Comme à l’accoutumée, le mari pensa à un voisin venu lui demander des nouvelles de la santé de son épouse ou lui apporter des œufs, du beurre, quelque provision. La solidarité dans ces petits hameaux campagnards était grande et chacun se souvenait d’Hélène surpassant tout. Elle rendait très souvent visite aux personnes âgées du village, passant facilement une ou deux heures à leurs côtés, partageant un café ou leur portant un morceau d’une délicieuse tarte juste sortie du four. Il était donc tout naturel de lui rendre la pareille. Lorsque l’homme ouvrit la porte, il fut surprit de voir face à lui la vieille Bérangère. Celle-ci vivait à l’écart du village et avait mauvaise réputation.

Page 3: Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette … · 2021. 1. 8. · Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette affreuse circonstance. Autour

On la disait quelque peu sorcière, et seuls les gens affligés d’une douleur insupportable, osaient en dernier recours se rendre jusqu’à sa chaumière pour y recevoir un onguent ou un mélange de fleurs et de feuilles séchées dont elle avait le secret. En échange de ce service, la femme demandait toujours quelque chose de singulier comme de déposer des carafes de lait sur une large pierre plate à la lisière de la forêt, de pendre autour d sa maison des bouquets d’ail ou de houx, d’enterrer dans le jardin les ossements d’un lapin. Toutes des pratiques liées à d’anciennes croyances qui ne faisaient que conforter l’idée de sorcellerie à son égard.

Bref, la Vieille Bérangère était sortie de sa tanière et se tenait maintenant là, sur le seuil de la maison endeuillée. Elle demanda à entrer, à voir Hélène, sans même assortir sa demande d’un bonjour.

Le mari la laissa passer. Elle se dirigea sans détour vers la porte de la chambre et, sans frapper, y pénétra. Hélène se redressa dans son lit à la vue de la Bérangère. La vieille femme lui prit les mains et au bout d’une longue minute, déclara :

« Ma fille, tu es peut être la seule dans ce village à t’être rendue chez moi sans besoin. Tes présents, je vais te les rendre aujourd’hui en te livrant le secret.

T’as bien raison de clamer que ton petit n’est point mort ! C’est les fées qui te l’ont pris ! Et je sais que tu en doutes... »

Ces quelques paroles avaient bondi dans le cœur de la mère déplorée et elle éclata en sanglots. Sans s’en départir, la Vieille sortit de son tablier une petite bourse de cuir. Elle en détacha le nœud et plongea la main dedans pour en ressortir un drôle de caillou troué et un petit flacon d’onguent.

« Rends-toi à la lisière de la forêt, près de la grande pierre plate. Là oins tes paupières de cet onguent de trèfle et de cardamine, il te donnera la vision. N’aie pas peur, sois forte et courageuse, le monde te semblera différent, mais la détermination d’une mère en viendra à bout. Rien ne peut empêcher l’amour d’une mère, rien... Pars dès que tu peux, au crépuscule, c’est mieux. Emporte avec toi quelques bijoux si tu en possèdes, ils te serviront bien. »

Cette fois c’était les yeux de la Bérangère qui s’embuèrent de larmes naissantes, qu’elle effaça d’un revers de sa manche mitée.

« Quant à la pierre, garde-là précieusement, elle te servira de clé pour rentrer à la maison. Va, ma fille, retrouver ton enfant ! »

La Vieille se retourna et quitta la pièce laissant Hélène sans voix, sanglotant sur le lit, serrant dans ses mains la petite bourse de cuir et son étrange contenu.

Page 4: Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette … · 2021. 1. 8. · Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette affreuse circonstance. Autour

Son mari vint la rejoindre, lui posa mille questions, mais n’obtint rien d’elle. Il la regarda se lever, s’habiller et la pensa simplement guérie par on ne sait quel sort jeté par la Bérangère.

Lorsque la porte claqua une heure plus tard, il ne lui vint même pas à l’esprit qua sa femme s’était enfuie. Il pensa qu’elle était partie prendre l’air ou discuter avec une voisine. Il jeta un regard à travers la fenêtre et vit Hélène s’éloignant sur le chemin. Il remarqua à peine la besace qui pendait à ses côtés, lourde des quelques affaires qu’elle emportait pour son voyage.

Au bout d’une heure e marche. Hélène parvint à la forêt. Elle retrouva rapidement la grande pierre plate où les gens venaient déposer les victuailles demandée par la Bérangère en échange de ces services.

Comme la Vieille le lui avait dit, elle sortit de sa besace la petite bourse en cuir et en extirpa la fiole contenant l’onguent. Après l’avoir ouverte et répandu son contenu sur ses doigts, elle s’en frotta les paupières. Le soir avançait et Hélène ne savait vers où regarder.

À quelques mètres d’elle, elle aperçut un lièvre, les oreilles dressées qui l’observait, prêt à déguerpir.

Elle cligna des yeux. Ce n’était plus un lièvre qui se tenait devant elle, mais un étrange petit

bonhomme rabougri, vêtu d’une veste d’un vert foncé orné d’une pâquerette en guise de boutonnière.

Elle se rappela les conseils de Bérangère et fit semblant que rien n’avait changé. Bientôt un autre de ces drôles se montra. Ils échangèrent quelques messes basses avant d’emprunter un sentier pénétrant dans la forêt. À bonne distance, Hélène les suivit, faisant de temps à autre un arrêt, mimant de cueillir une herbe ou quelques baies. Mais de son œil clairvoyant, elle ne quittait pas du regard ces deux êtres singuliers.

Page 5: Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette … · 2021. 1. 8. · Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette affreuse circonstance. Autour

Plus elle s’enfonçait dans la forêt, plus celle-ci perdait les atours qu’elle lui connaissait. Les noisetiers brillaient d’une étrange lueur dorée tandis que les houx semblaient animés d’une vie propre, leurs branches se mouvant pour chasser des myriades de papillons blancs s’déposant.

S’approchant de l’un des insectes, la jeune femme vie distinctement un tout petit corps

surmonté d’un visage aux traits humains. Ce n’étaient des papillons qui s’acharnaient sur l’arbuste, mais bien de minuscules fées.

Hélène poursuivit son chemin, abandonnant là les deux lièvres-lutins pour suivre la piste magique jalonnée d’arbrisseaux scintillants. Ils semblaient ouvrir une voie vers un autre monde. Soudain la forêt s’effaça à son regard pour laisser place à une large vallée où quelques toitures émergeaient ci et là. S’abritant derrière buissons et futaie, l’humaine s’avança encore dans le pays des fées, qui se couvrait doucement de son manteau étoilé.

Page 6: Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette … · 2021. 1. 8. · Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette affreuse circonstance. Autour

La nuit favoriserait sa quête. Mais où chercher son enfant ? Le pays semblait si vaste, et so caractère inconnu ne lui facilitait pas la tâche. Devant les difficultés que sa raison dénombrait au fur et à mesure, Hélène perdait de l’assurance. C’est alors qu’elle sentit son cœur battre dans sa poitrine, un battement fort, celui d’une mère à la recherche de son enfant. L’image de son petit Gabriel s’imposa à son esprit et une force nouvelle la ragaillardit. Osant sortir des buissons, elle posa un pas franc sur le chemin et se remit en marche vers le village le plus proche.

Arrivée aux premières habitations, Hélène en admira les lignes sculptées qui décoraient les façades de ces murs courbés, surmontés d’un toit mêlant merveilleusement le bois à une sorte de cristal. Une douce lumière bleutée émanait des toitures et leur aura éclairait le chemin entre les maisonnettes. La femme osa jeter un œil à travers une fenêtre. Elle aperçut quelques gnomes attablés autour d’une grosse marmite fumante. C’était l’heure du dîner et la faim se manifesta sous la forme de gargouillis dans le ventre d’Hélène. C’est alors qu’elle entendit derrière elle une petite voix fluette lui dire :

« Bien le bonjour grande elfe ! Quel bonheur t’amène dans notre village ? « Hélène se retourna. Face à elle, une petite fille, ou plutôt une petite gnome. Elle avait le

visage joyeux, des yeux noirs et rieurs et elle portait une sorte de tunique grisâtre munie d’une large capuche tombante.

« Bonjour à toi. Euh... Je suis un peu perdue, improvisa Hélène, peux-tu me dire où je suis ?

- Eh bien au village des Tucks, pardi ! Toi, à ta taille, je devine que tu viens de la grande forêt ? Je n’avais encore jamais vu d’elfes comme toi, mais j’en ai entendu parler... - Euh, oui, c’est cela. »

Hélène avait décidé de taire le fait qu’elle était humaine afin de poursuivre sa quête sans danger.

3Ehbien belle, belle elfe, suis-moi, ma famille te logera cette nuit et nous t’offrirons volontiers de quoi taire les gargouillis que j’entends... hihihi... »

Page 7: Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette … · 2021. 1. 8. · Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette affreuse circonstance. Autour

Hélène fut menée dans l’une des maisonnettes, où elle fit la rencontre de six gnomes charmants qui non seulement lui offrirent le gîte et le couvert, mais lui permirent d’en découvrir bien plus sur l’objet e sa quête. Après avoir abordé le sujet des enfants enlevés, la mère gnome lui apprit que c’était là, hélas, une fâcheuse habitude des Fées grises, celles qui habitaient dans le palais de cristal au cœur de la vallée. Hélène leur dit vouloir justement s’y rendre et la petite Tuck, qui répondait au nom de Wyvien, proposa de l’y mener dès le lendemain matin. Cette nuit-là, Hélène eut du mal à s’endormir, tellement l’espoir de retrouver son fils lui faisait battre le cœur.

Wyvien et Hélène se présentèrent le lendemain aux portes du palais des Fées grises. Elles

furent toutes deux cordialement accueillies et invitées à rencontrer immédiatement leur reine. La rencontre se passa bien, Hélène jouant à la perfection le rôle improvisé d’une émissaire venue d’une lointaine forêt afin de saluer les Fées grises. Elle offrit en guise de présents les quelques bijoux qu’elle avait emportés. Tout cela plut énormément à la reine des Fées grises qui lui accorda le droit de demeurer en ce palais aussi longtemps qu’elle le désirait.

Elle remercia Wyvien de l’avoir accompagnée et lui promit de repasser par son village le jour où elle se déciderait à rentrer. Une amitié était née entre les deux êtres, entre cette mère éplorée et cette petite femme étrange, le genre de lien qui naît spontanément et vous fait ressentir l’autre comme un être proche, cher à votre cœur.

Une Fée grise emmena Hélène dans ses appartements. Elle lui demanda si elle souhaitait quelque chose.

« Oui, une chose, une question en réalité. Depuis que je suis arrivée, je n’ai pas vu d’homme-fé... - C’est vrai, notre peuple n’est constitué que de femmes. Chacune de nous naît de la rosée, grandit entourée de ses sœurs. - Mais j’ai cru apercevoir des enfants ... » Le visage de la fée s’assombrit.

« En effet, certaines d’entre nous sont des mères. Mais vous devez être bien fatiguée, je vous laisse vous reposer. »

La fée quitta la chambre d’un pas rapide. Lorsqu’elle l’avait interrogée sur les enfants, quelque chose dans son regard avait persuadé Hélène qu’elle devrait aller vite, très vite pour trouver son fils et le reprendre à ces Fées grises. Car elle en était certaine maintenant, Gabriel était ici.

Les autres enfants aperçus dans la cour du palais étaient humains. Les fées devaient les enlever pour satisfaire leur envie d’être mère et placer dans les berceaux ces semblants de corps noircis, homoncules dans leur magie avait le secret.

Page 8: Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette … · 2021. 1. 8. · Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette affreuse circonstance. Autour

Sans prendre la peine de se reposer, Hélène sortit de sa chambre et se mit à arpenter les longs couloirs du palais. Elle s’avança au hasard, suivant ce que lui dictait son cœur. Les couloirs étaient aussi vastes que déserts. Soudain, au détour de l’un d’eux, elle perçut le cri d’un nourrisson ! Pressant le pas, elle se porta vers l’origine supposée du cri, une grande porte aux arabesques dorées.

Elle en poussa les battants et le spectacle qui s’offrit à elle lui fit lâcher un hoquet de surprise. Des berceaux, alignés, en trois rangées. Elle en compta douze. Douze enfants... humains : La plupart des enfants étaient endormis, mais d’autres agitaient leurs menottes, s’étant libérés des draps qui enserraient leurs petits corps.

Hélène jeta un regard circulaire. Personne. Une chance. Elle inspecta les berceaux un à un. Au quatrième, son cœur manqua un battement. C’était lui. Son enfant, son fils, Gabriel ! Ses yeux se remplirent de larmes, ses lèvres tremblèrent lorsqu’elle prononça quelques mots en direction de ces grands yeux ouverts, ces yeux bleus reconnaissables entre mille, qui l’observaient dans un petit gazouillis de bonheur.

« Mon petit... Mon tout petit. Maman est là. Je suis venue pour toi. Maman a fait un long voyage... N’aie pas peur, ne pleure pas, il est temps de partir d’ici... »

Hélène enveloppa Gabriel dans ses draps et le dissimula sous son manteau. Sans trop savoir ce

qu’elle faisait exactement, elle sortit de la pièce, jetant un dernier regard sur les autres berceaux. Sachant pertinemment qu’elle ne pouvait tous les emporter... Elle pensa aux mères malheureuses et cela la précipita encore dans cette fuite improvisée.

Elle descendit des escaliers, poussa des portes. Personne. Elle commençait à croire que les Fées grises avaient déserté leur palais lorsqu’elle déboucha dans la cour centrale. Elles étaient toutes là, rassemblées, les mains tournées vers la lune, la priant.

Par chance elles regardaient dans la direction opposée à la porte par laquelle Hélène avait surgi. Sans un bruit, caressant la petite chevelure blonde dans l’ombre et longea le plus discrètement possible le mur qui la menait vers la sortie.

Page 9: Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette … · 2021. 1. 8. · Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette affreuse circonstance. Autour

Hélène savait son temps précieux. Les fées grises ne tarderaient pas à constater la disparition de l’enfant ou l’une d’elles pouvait à tout moment entrer dans sa chambre et voir qu’elle n’y était plus. La chasse serait sans doute impitoyable. Qui sait ce que réservent les fées à ceux qui les détroussent ? Il y a tant de récits effroyables qui hantent le monde des hommes à propos des créatures de l’Autre Côté. La peur de perdre à nouveau Gabriel poussait Hélène à courir sur le chemin. Déjà, elle apercevait les chaumières du village des Tucks. La forêt ne devait plus être bien loin, mais, en pleine nuit, comment retrouver le sentier, la lisière ? Elle était affolée, elle sentait ses forces l’abandonner quand soudain, du petit buisson à sa gauche, une forme connue surgit.

« Salut à toi l’elfe. Que portes-tu ainsi dans tes bras ? Un enfant ? - Wyvien, c’est toi ? Aide-moi, oh ! Aide-moi, m petite amie ! Cet enfant que tu vois est mon fils, Gabriel. Je ne suis pas une elfe, je suis humaine. Et je suis venue reprendre mon enfant aux fées qui me l’ont volé ! »

Il ne fallut pas longtemps à la jeune gnome pour se décider à aider sa nouvelle amie, elfe ou humaine, peu lui importait. Le sentiment d’amitié qui était né lors de leur rencontre suffisait amplement à prendre la bonne décision. Et puis, à la vue de cette petite bouille blonde, Wyvien avait craqué. Enfin elle ne portait pas vraiment les Fées grises dans son cœur et pouvoir leur jouer un tour n’était pas contre sa nature de gnome. Elle invita Hélène à la suivre, traversant la vallée pour se diriger vers la forêt séparant les deux mondes.

Lorsqu’elles furent rendues, au lieu même où Hélène avait pu apercevoir pour la première fois l’Autre Côté, Wyvien, soudain inquiète lui demanda :

« Mon amie, comment as-tu fait pour franchir la lisière la première fois ? Aucun humain ne le peut sans magie. »

Hélène réfléchit. Elle ne savait pas vraiment. Peut-être était-ce l’onguent, mais dans ce cas, elle n’en possédait plus. Il lui restait la pierre. Elle la sortit de sa besace et la montra à Wyvien.

« Oui, c’est bien une pierre de Pouvoir. Je le ressens. Mais il n’y a qu’une seule pierre. Un seul d’entre vous pourra franchir la lisière. Et j’ai autre chose à t’apprendre. Humaine, tu n’auras pas le même âge une fois retournée dans ton monde. Le temps ne s’écoule pas ici comme chez toi. Il ne suit pas les mêmes lois et vous jouera un tour une fois de l’Autre Côté.

Ainsi l’enfant aura deux de vos années, son père le reconnaîtra, il le protégera, les fées ne le reprendront pas. Elles en voudront un autre, plus jeune encore, encore nourrisson.

Toi, ton âge sera également multiplié par sept et si tu passes, tu mourras. Tu peux encore choisir de rester ici avec lui, mais je ne te cacherai pas qu’il courra un grand

danger. Les Fées grises te le reprendront et, comme tu l’auras sans doute constaté, il n’y a pas d’humains adultes chez les fées.

Page 10: Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette … · 2021. 1. 8. · Hélène avait crié devant la petite assemblée réunie en cette affreuse circonstance. Autour

Ces enfants ne sont que des caprices pour elles, une fois qu’ils grandissent, ils disparaissent. À la manière d’un animal que les gens apprécient lorsqu’il est petit et qu’ils abandonnent plus tard. Il n’y a pas d’amour maternel chez les Fées grises. Elles sont justes jalouses des autres peuples, de ces femmes qui enfantent, elles veulent jouir des rires des enfants. Crois-moi, ton fils court un réel danger dans notre monde. Je suis désolée pour toi, je crains qu’il n’y ait pas d’autre choix... »Hélène comprenait les paroles de Wyvien, mais ce qu’elle venait de dire la bouleversait. Il fallait donc abandonner son fils alors qu’elle venait de le retrouver. Non cela était au-delà de ses forces. Machinalement elle serra son enfant contre son cœur encore un peu plus fort.

« Je sais que cette idée t’est insupportable. Je comprends, mais sache que si tu le laisses partir, il vivra. Si tu tentes de passer avec lui, tu mourras. Tu pourras toujours rester ici avec nous, chercher un moyen de voir grandir ton fils de l’Autre Côté. Tu es mon amie, je ne t’abandonnerai pas, lui non plus. Je le mènerai à l’abri de notre monde.

Nous pouvons, nous les gnomes, revêtir la forme d’un animal pour passer de l’Autre Côté, L’enfant me suivra ».

Ely - Gestin

CeltitudeMania