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Hygiène de la grossesseexcerpts.numilog.com/books/9782072193408.pdf · le poids de ses organes vont augmenter de façon continue. Taille et poids. — La taille augmente régulièrement

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HYGIÈNE DE LA GROSSESSE

SAVOIR VIVRE

HENRI VIGNES Professeur Agrégé à la Faculté de Médecine

Accoucheur des Hôpitaux de Paris

HYGIÈNE de la

GROSSESSE

G A L LI MA R D Septième édition

Tous droits de reproduction et de traduction réservés pour tous les pays y compris la Russie. Copyright by Librairie Gallimard, 1942.

INTRODUCTION

La grossesse est l'état physiologique dans lequel se trouvent la femme et les femelles des mammifères lorsque, après avoir été fécondées, elles portent en elles et nourrissent le ou les produits de la concep- tion. Il y a, pendant cette période, entre la mère et le futur enfant, une association (et, plus exactement, une symbiose, comme disent les biologistes, c'est-à- dire une association à bénéfice réciproque et non un parasitisme au bénéfice d'un seul). Nous allons étu- dier cette symbiose, sommairement, sous trois rubriques : fonctions propres au produit de la concep- tion; fonctions des enveloppes qui entourent celui-ci et permettent les échanges avec sa mère; modifica- tions subies par les fonctions de l'organisme maternel.

PHYSIOLOGIE DE L'EMBRYON ET DU FŒTUS Période de segmentation. — Lorsque l'ovule a été

fécondé par la pénétration du spermatozoïde, la nouvelle cellule qui résulte de la fusion du germe paternel avec le germe maternel et qui constitue le premier stade de l'œuf humain commence à se diviser en multiples cellules, de telle façon que la masse totale de ces cellules ainsi créées soit toujours

égale à la masse de la cellule initiale : c'est ce que l'on appelle la période de segmentation, ci-dessous schématisée d'après un dessin du Prof. ROULE.

Période embryonnaire. — Bientôt cet amas de cellules augmente de volume; mais, en même temps, certains groupes de cellules deviennent différentes les unes des autres et prennent des caractères spé- ciaux. Par la juxtaposition des cellules ainsi diffé- renciées, l'ébauche des organes va se constituer : c'est la période d'organogenèse et le produit de la conception s'appelle, alors, un embryon. L'ébauche de presque tous les organes se différencie très préco- cement, avant la sixième semaine — pour être plus large, disons avant la fin du deuxième mois.

Toute cause morbide agissant avant cette date détermine des anomalies de l'organogenèse, c'est- à-dire des malformations et monstruosités.

La différenciation des organes se poursuit suivant une série d'étapes dont la succession est toujours la même. Nous n'en connaissons que très partiellement le mécanisme. Parmi les faits connus, nous en cite- rons quelques-uns pour faire comprendre le sens des phénomènes qui aboutissent à la formation de l'être humain.

1° HERBST, ayant mis des œufs d'oursin fécondés dans une eau de mer privée de calcium, a vu que les cellules se multipliaient, mais qu'elles restaient sans cohésion, si bien qu'en fin de compte, des centaines de cellules étaient assemblées au fond du cristallisoir, sans réussir à former un corps d'oursin. Le calcium

est, donc, indispensable à ce stade de la vie. Par d'autres expériences, le même auteur a établi que le calcium et le potassium sont indispensables. à la croissance, que le soufre et le magnésium sont indis- pensables à la formation du tube digestif, etc...

2° Il y a corrélation entre l'apparition d'un organe et l'apparition d'autres organes qui en dépendent : par exemple, dans l'œil, le cristallin et la cornée n'apparaissent jamais si la vésicule oculaire primitive, future rétine, ne s'est pas développée.

3° Les circonstances qui, normalement, consti- tuent des excitants pour un organe, concourent à son développement; par exemple l'action de la lumière est nécessaire au complet développement des élé- ments qui permettent la sensation lumineuse : par amputation de la paupière de chats nouveau-nés, MURR a montré que la lumière accélère incontesta- blement la croissance et la différenciation de ces éléments (dits éléments photo-récepteurs).

4° La différenciation supprime plus ou moins complètement la fertilité cellulaire : les organes endommagés par une cause nocive quelconque ne peuvent se régénérer que s'ils ont conservé des cellules primitives non différenciées. Lorsqu'on pra- tique des cultures de tissu dans des liquides nutritifs artificiellement préparés, les tissus prélevés sur les embryons se cultivent mieux que les tissus d'adultes; les cellules jeunes, reprenant plus facilement le type non différencié, reprennent mieux aussi l'aptitude à la multiplication que ne le font les cellules plus vieilles.

5° Il faut noter, enfin, que, sous l'influence de l'inanition, la plupart des organes (chez les inverté-, brés, du moins) disparaissent et que la disparition se fait selon l'ordre inverse de leur apparition, c'est-à-dire que les derniers élaborés disparaissent les premiers.

Période fœtale. — Depuis la fin de la différencia- tion jusqu'à la naissance, la principale affaire du nouvel être (que l'on appelle alors fœtus) est d'assu- rer sa propre croissance, en incorporant des sub- stances relativement simples qu'il emprunte à sa mère et en faisant, aux dépens de ces substances, la synthèse de substances plus compliquées. Ces syn- thèses qui fusionnent plusieurs petites molécules en une grosse ont, donc, pour effet de diminuer le nombre des molécules contenues dans chaque cellule; cette diminution des molécules a pour conséquence une diminution de la pression osmotique, laquelle est la force s'opposant à la pénétration d'autres molécules; cela revient à dire que la pénétration de nouvelles molécules nutritives va recommencer de plus belle. Les cellules arrivent ainsi à être gorgées de matériaux nutritifs et, alors, elles vont se diviser et former deux cellules plus pauvres qui, à leur tour, feront appel aux petites molécules provenant du sang de la mère. Et ainsi de suite. Tel est, infiniment résumé, le mécanisme de la croissance. Le résultat en est que la taille et le poids du fœtus, la taille et le poids de ses organes vont augmenter de façon continue.

Taille et poids. — La taille augmente régulièrement de la fin de l'organogenèse au jour de la naissance; en particulier, pendant chacun des cinq derniers mois, elle augmente de 5 cm. et, comme elle ne varie guère au même âge suivant les divers indi- vidus, on peut évaluer l'âge d'un fœtus, avec une assez bonne certitude, en le mesurant. A terme, le fœtus mesure de 49 à 52 cm. environ.

L'augmentation de la taille précède l'augmenta- tion du poids : la taille étant fonction du nombre des

Développement du fœtus (grandeur naturelle): 43e jour, 60e jour, 11 semaine, 17e semaine.

cellules et le poids étant fonction de l'enrichissement de chaque cellule.

L'augmentation du poids n'est pas la même tous les mois, mais elle est progressive; le fœtus, qui a mis cinq mois pour peser environ une livre, gagne une livre pendant le sixième mois et pèse 1 kgr. ; à sept mois, il pèse 1.700 gr. environ; à terme, il atteint 3.500 gr. ou un peu plus. Mais, à la diffé- rence de la taille, le poids subit de grandes varia- tions suivant les sujets; certains enfants sont très lourds, soit parce que leur nutrition a été très bonne ou trop bonne, soit parce qu'ils sont tarés par cer- taines maladies, telle la syphilis; d'autres enfants ont un poids insuffisant, parce que leur mère a été mal nourrie, parce qu'elle a subi pendant la grossesse une maladie fébrile ou toute autre maladie débili- tante, ou parce que le placenta (voir p. 15) a été lésé et rendu, en partie, inutilisable aux échanges entre mère et fœtus.

La physiologie du fœtus peut se ramener schéma- tiquement à deux tendances : nutrition et préparation à la vie extra-utérine.

a) Nous avons donné le sens général de la nutrition en indiquant l'importance des synthèses. L'organisme s'enrichit en matières solides : il en contient 3 p. 100 à la fin de l'organogenèse et 25 p. 100 à la naissance. Il s'enrichit en protides (1), en sels divers, en glucides (2) et il est particulièrement riche

(1) Les protides (ou substances albuminoïdes ou substances azotées) dont les types les plus communs sont la chair musculaire et le blanc d'œuf sont l'élément principal des divers tissus animaux. Ce ne sont, d'ailleurs, pas des substances simples et l'analyse chimique montre qu'ils sont constitués par le fusionnement en une seule molécule de plusieurs molécules d'acides aminés.

(2) Les glucides (autrefois appelés hydrates de carbone) sont des substances dont les deux principaux types sont les sucres et les polysac-

en glycogène (1), en lipides (2). Toutes les réactions chimiques de la nutrition se produisent chez lui en dépensant moins d'énergie que ne le fait un adulte pour assimiler sa nourriture; car elles portent sur des aliments préparés, digérés, assimilés par l'organisme maternel. Elles aboutissent à des substances qui sont de plus en plus complexes; car ce n'est pas tout de fabriquer du protoplasme, il faut que ce protoplasme acquière certains caractères de maturité pour devenir apte à la vie extra-utérine.

b) La préparation à la vie extra-utérine n'est que le perfectionnement de l'organogenèse. Chaque organe devient plus mûr : les divers segments du tube digestif élaborent de façon très précoce les ferments qui, ultérieurement, serviront à la diges- tion; le foie, le rein, le pancréas deviennent de plus en plus aptes à fonctionner; les glandes endocrines (3) également; le cœur, de façon très précoce, assure la circulation du sang; le système nerveux et le système musculaire, sans être tout à fait au point, sont compa-

charides (tel l'amidon ou le glycogène) ; chaque molécule de ces derniers résulte du fusionnement de plusieurs molécules de sucre. Les glucides ont pour fonction principale (mais non unique) d'assurer les combus- tions de l'organisme : c'est le charbon que l'on met dans la machine.

(1) Le glycogène est un amidon animal. Comme la molécule d'ami- don, celle de glycogène résulte de la fusion de plusieurs molécules de sucre. Il constitue une réserve de sucre. Lorsque l'organisme a besoin de sucre, il décompose du glycogène pour s'en procurer. Il est abondant dans le foie, dans le muscle, dans le placenta.

(2) On désigne sous le nom de lipides les corps gras, c'est-à-dire les graisses animales et végétales, les huiles et quelques corps voisins.

(3) Les glandes endocrines ou glandes à sécrétion interne sont des organes qui déversent leur sécrétion, non pas à l'extérieur ou dans la cavité d'un organe creux, mais dans le sang (thyroïde, hypophyse, surrénale, etc.). Ces produits de sécrétion s'en vont agir sur le fonction- nement de divers organes. A côté des glandes dont toute l'activité est endocrine, il en existe d'autres qui ont une sécrétion externe et une sécrétion interne : par exemple, le pancréas déverse dans l'intestin le suc pancréatique dont les ferments digèrent le contenu intestinal et il déverse dans le sang plusieurs sécrétions internes et, en particulier, l'insuline qui participe à la chimie des sucres dans l'organisme.

rables à ceux de l'adulte; la plupart des réflexes s'observent chez des avortons très jeunes; la succion, la déglutition, la respiration sont possibles; la régu- lation de la température contre l'excès de froid et contre l'excès de chaud, pour être imparfaite, n'en existe pas moins. Seules les circonvolutions céré- brales sont quasi inexistantes et ceci explique ce que les mouvements du nouveau-né et, plus encore, ceux du prématuré ont d'imprécis.

Au total, on pourrait imaginer qu'un avorton mis dans des conditions expérimentales minutieuse- ment organisées puisse survivre : une couveuse par- faite, des liquides nutritifs adéquats, etc., pourraient permettre ce tour de force scientifique. Il n'en est pas moins vrai qu'une naissance prématurée est un très gros facteur de risques pour le fœtus : risque de mort dans les très mauvais cas, risque de tares plus ou moins accentuées dans les moins mauvais cas (1). Et c'est le devoir du médecin et de l'assistance sociale de faire l'impossible pour assurer à l'enfant une naissance au terme normal et un achèvement complet de son organisme.

LES ENVELOPPES DE L'ŒUF

L'ovule qui a été fécondé par le spermatozoïde dans la partie de la trompe la plus proche de l'ovaire chemine, ensuite, le long de la trompe et arrive dans l'utérus. Pendant toute la phase de segmentation (voir p. 7) et à l'extrême début de l'organogenèse, il vit sur les réserves nutritives accumulées par l'ovule

(1) H. VIGNES et G. BLECHMANN, Les Prématurés. (Masson, éd., 1933.)

pendant sa maturation. Mais arrive un moment où ces réserves sont épuisées et où il lui faut faire appel aux éléments nutritifs provenant de la mère. Pour cela, il va se greffer dans la muqueuse de l'utérus.

Voici, sommairement, comment s'effectue cette greffe.

Une des premières manifestations de la différen- ciation dont nous avons parlé précédemment consiste en un partage des cellules embryonnaires en deux groupes : l'embryon proprement dit et les enveloppes qui l'entourent. Ces enveloppes sont au nombre de deux : l'amnios, la plus proche du fœtus, et le chorion qui est au contact de la muqueuse utérine. L'embryon est relié au chorion par le cordon ombilical. Le cho- rion est hérissé de petites saillies, tassées les unes contre les autres, comme le serait une chevelure très serrée, chacune de ces petites saillies constituant une villosité choriale.

Une partie des villosités s'atrophient, d'autres persistent dans une zone du chorion où elles consti- tuent le placenta. C'est par les villosités du placenta que le fœtus puise dans le sang et dans les tissus maternels les substances utiles à sa vie. Au début, le placenta les prélève en sécrétant des ferments qui digèrent les tissus maternels pour permettre leur absorption; plus tard, il se nourrit principalement par filtration. C'est, aussi, au niveau du placenta que le fœtus respire en absorbant de l'oxygène et en rejetant de l'acide carbonique.

MODIFICATIONS DE L'ORGANISME MATERNEL

Elles sont de deux sortes : modifications de l'uté- rus dans lequel se développe l'œuf, et modifications de l'organisme féminin dans son ensemble.

Modifications de l'utérus. — La nidation de l'œuf dans l'utérus est rendue possible parce que la mu- queuse utérine a été préparée par la sécrétion interne

Coupe d'avant en arrière montrant les organes du bassin d'une femme non enceinte : A, anus; B, muqueuse exocervicale qui tapisse le col utérin; C, muqueuse endocervicale qui tapisse le canal du col utérin; D, muqueuse endométriale qui tapisse l'intérieur du corps utérin; E, vagin tapissé par la muqueuse vaginale; F, vulve; G, vessie; H, ovaire.

de l'ovaire; puis l'œuf fécondé se maintient en place par la sécrétion d'une autre glande, elle-même dépen-

dante de l'ovaire, le corps jaune, qui empêche l'œuf d'être résorbé ou d'être expulsé. L'œuf se développe et son développement dilate l'utérus; celui-ci, qui

Coupe d'avant en arrière du bassin montrant les organes d'une femme au début de la grossesse : dans la muqueuse endométriale qui est hypertrophiée, l'œuf, représenté par un point noir, s'est creusé un nid.

pesait une cinquantaine de grammes avant la gros- sesse, en pèsera quinze cents à terme et remplira une

notable partie de l'abdomen. Certains malaises observés chez la femme enceinte s'expliquent par cette augmentation de l'utérus, qui modifie la posi-

Coupe d'avant en arrière montrant un stade de la grossesse plus avancé que la figure précédente : A, placenta, dont les villosités se sont greffées dans la muqueuse utérine.

tion des organes abdominaux et peut en gêner le fonctionnement. Mais, sauf maladies abdominales

préexistantes qui, jusque-là, étaient bien tolérées et que cette croissance dérange, la croissance de l'utérus se poursuit sans inconvénient et les organes s'y

Grossesse de six mois environ : A, placenta; B, cordon ombilical amenant le sang du placenta à l'ombilic et vice versa.

adaptent grâce à leur mobilité et grâce à l'élasticité des parois abdominales qui se laissent distendre.

Modifications générales de l'organisme. — La grossesse s'accompagne de nombreuses modifications de l'organisme féminin. Certains auteurs les ont attribuées à ce que le fœtus sécréterait des substances susceptibles d'agir sur l'organisme maternel, voire même de l'intoxiquer. Mais il semble que cette théorie explique, seulement, un petit nombre des phénomènes observés (1). Et, quand il s'agit d'inter- préter ce qu'est la physiologie générale de la grossesse et l'influence de la grossesse sur les maladies de la femme enceinte, la première idée qui vient à l'esprit, celle qui se déduit de la définition même de la gros- sesse, c'est que l'étude doit porter principalement sur un métabolisme (voir p. 21, note 1) un peu spécial lié aux spoliations répétées que le fœtus fait subir à sa mère pour assurer son développement. Ce sont les spoliations exercées par le fœtus sur les tissus de sa mère qui constituent le principal carac- tère de la grossesse. Il se produit, de ce fait, dans l'organisme de la femme, un très grand nombre de modifications au niveau de presque tous les organes et, si nous essayons de comparer ces modifications à celles qui s'observent au cours d'autres états physiologiques ou pathologiques, nous arrivons à la conclusion que les états les plus comparables à la grossesse sont le jeûne d'une part, les petites saignées répétées d'autre part. Faites plusieurs petites sai- gnées, pendant plusieurs semaines et plusieurs mois, à un humain ou à un animal : au bout d'un certain temps, son foie présente les modifications semblables à celles du foie pendant la grossesse, son sang pré- sente une composition très comparable au sang des femmes enceintes, etc.

(1) H. VIGNES, Physiologie obstétricale normale et pathologique. (Un vol. Masson, éd., 1923.)

Donc la grossesse peut se comparer à une petite saignée qu'exercerait le fœtus tous les jours sur sa mère et cette notion domine toute l'histoire de la grossesse. Chez une femme normale, ces saignées sont sans aucune importance; elles sont subies gaillar- dement, les réserves se reconstituant au fur et à mesure qu'elles sont pillées. Bien mieux, les fonctions physiologiques de la mère sont stimulées : l'appétit est augmenté, les combustions organiques aussi, la circulation est plus importante, les fonctions du rein, du foie, du métabolisme (1) sont activées. Chez une femme normale, mise en conditions normales, il n'y a rien là qui puisse dépasser les ressources de l'orga- nisme. Toute une série de dispositions permettent à l'enfant de faire appel aux réserves maternelles et permettent à la mère de s'adapter rapidement à cet appel suivant les besoins du moment. Parmi ces dispositions, citons la suractivité du système ner- veux végétatif (voir p. 150, note 1) et des glandes endocrines (voir p. 13, note 3) maternelles, lesquelles président à la mobilisation des réserves de l'orga- nisme.

Cette suractivité des échanges nutritifs a pour effet, en même temps que le fœtus fait appel aux réserves de la mère, de permettre à celle-ci la consti- tution d'autres réserves : la femme enceinte stocke de l'azote, du phosphore, du chlore, du soufre, du magnésium, etc... Et ceci explique pourquoi beau-

(1) On désigne sous le nom de métabolisme l'ensemble des phéno- mènes d'assimilation et de désassimilation. Si l'on spécifie métabo- lisme d'une substance, c'est de l'assimilation et de la désassimilation de cette substance qu'il s'agit : par exemple, métabolisme des glucides (voir p. 12, note 2) veut dire assimilation du sucre, mise en réserve du sucre sous forme de glycogène (voir p. 13, note 1), décomposition ultérieure du glycogène pour fournir du sucre, combustion de ce sucre pour créer de l'énergie, élimination de l'acide carbonique résultant de la combustion.

coup de femmes se développent et s'épanouissent du fait de la grossesse. On ne saurait trop insister sur les bienfaits de la grossesse pour un certain nombre d'entre elles. Chez la femme normale, la grossesse doit s'envisager avec bonne humeur et confiance — sauf en cas de circonstances défavo- rables (fatigues, maladies, alimentation médiocre).

Mais les femmes qui (soit pour la totalité de leur organisme, soit au niveau d'un de leurs organes) sont au-dessous de la normale supportent mal la suractivité de la grossesse et ressentent des inconvé- nients nombreux et fort variés. La grossesse, a pu dire un grand accoucheur anglais, fait la preuve de l'intégrité des organes; si l'un de ces organes n'est pas à la hauteur de sa tâche, il se produira des troubles qui pourront être légers, mais qui, chez certaines femmes, pourront être ennuyeux ou pour- ront devenir dramatiques, ceci s'observant soit en cas de maladies déjà connues, soit en cas de maladies jusque-là méconnues. Il y a des grossesses qui sont mal supportées parce que la constitution de la femme est médiocre ou parce que les circonstances sont particulièrement défavorables. « Ce n'est pas une vie », s'indignent certaines patientes. « Vous êtes assommant, docteur. » En réalité, ce sont les mala- dies et les malaises de la grossesse qui sont assom- mants, sans compter les maladies et les malaises d'après grossesse. Pas mal de femmes après ces gros- sesses traînent de lamentables séquelles : combien de jeunes femmes pimpantes et allantes s'effondrent après une maternité, et combien voient de menues tares congénitales (1) s'enfler d'une façon excessive!

(1) Congénital se dit de toute particularité qui est apportée par le nouvel être à la naissance. Ce mot n'est pas synonyme d'héréditaire : l'hérédité est la transmission d'une particularité constitutionnelle,

Que d'asthénies (1), que de ptoses (2), que de maigreurs, que d'engraissements disgracieux! Que de dommages inesthétiques, de troubles du caractère, de tuberculoses, de maladies de Basedow (3) ! Toutes ces rançons, très diverses, doivent être prises en considération si l'on essaie d'approfondir les mala- dies et les malaises dé la grossesse. Il faut connaître ces états pour essayer de les prévenir et de les guérir en prescrivant le traitement approprié et en impo- sant les mesures hygiéniques indispensables dès qu'il sera nécessaire et aussi longtemps qu'il sera nécessaire.

En somme, si la plupart des femmes sup- portent bien la grossesse, il en est d'autres pour qui beaucoup de ménagements sont indispensables. On entend dire, quelquefois, que ces ménagements sont superflus : sa mère faisait la lessive quand elle était enceinte, sa tante a traversé un désert à dos de chameau. Ce n'est pas un argument. La femme qui se plaint a quelque anomalie dans ses tissus, dans ses nerfs, dans son état psychologique. Il faut, toujours, propre à l'un des parents; une particularité congénitale non hérédi- taire résulte d'une circonstance favorable ou défavorable subie acci- dentellement par la mère pendant la grossesse.

(1) Sous le nom d'asthénie, on désigne la sensation que l'organisme n'est pas capable de fournir une énergie normale.

(2) On désigne sous le nom de ptose la descente d'un organe (et en particulier, d'un organe abdominal) par le relâchement des liga- ments qui, normalement, le maintiennent à sa place : le foie bascule, le rein quitte sa loge, l'estomac descend, l'angle droit et l'angle gauche du côlon s'abaissent, l'utérus tombe. La déficience des ligaments n'est pas tout dans cette disposition constitutionnelle et, presque toujours, les organes creux ainsi descendus ont tendance à être distendus (ce que le Prof. LOEPER a appelé léiasthénie), — l'ensemble réalisant, comme le disait mon maître TUFFIER, une « maladie générale par infériorité des tissus ». La grossesse ne crée pas ces états, mais elle peut les aggraver.

(3) La maladie de Basedow est causée par la suractivité du corps thyroïde. Elle détermine une grande rapidité des battements cardiaques (d'où fatigue possible du cœur), du tremblement, une saillie anormale des yeux, une élévation du métabolisme basal (voir p. 69, note 1), d'où tendance à l'amaigrissement, et un énervement plus ou moins accentué.

tenir compte de ses plaintes. Et il faut bien savoir que la femme semblant en parfait état peut avoir quelque inconvénient caché. J'en demande pardon à ceux qui s'esclaffent en entendant l'aphorisme du Dr Knock : « L'homme bien portant est un malade qui s'ignore. » Un tout petit adverbe suffirait pour faire de cette phrase une loi scientifique : « L'homme bien portant est, parfois, un malade qui s'ignore », et, en ce qui concerne la grossesse, « la femme enceinte qui se croyait bien portante avant sa grossesse était, parfois, une malade qui s'ignorait ». Il n'y a pas lieu de couver la femme enceinte qui est strictement bien portante : mais il est bon de chercher à dépister la malade qui s'ignore.

La grossesse et l'accouchement sont des fonctions naturelles, entend-on dire très souvent. Cela est vrai et les mécanismes qui y président sont remarquable- ment capables de s'adapter à mille difficultés. On raconte, volontiers, que les femmes des tirailleurs s'arrêtent un moment au bord de la piste, expulsent leur enfant, le mettent sur leur dos et regagnent la colonne. C'est tout à fait naturel. Mais ce qui n'est pas naturel, c'est la vie que nous menons. Comme le dit mon éminent ami, le Prof. J.-B. DE LEE (de Chicago) dans ses Principles and Practice of Obste- trics (7e édition, 1938, p. 382) : « La civilisation est en train de produire une race de femmes dont l'adap- tation à la grossesse et à l'accouchement va en dimi- nuant. »

Et, dans la préface de ce même livre, DE LEE développe cette notion : « L'accouchement chez la femme d'aujourd'hui, dit-il, est-il une fonction nor- male?... BOËR se le demandait déjà en 1810. Je dis que cela devrait être, mais que cela n'est pas... Plus de vingt-cinq mille femmes aux États-Unis meurent

chaque année directement ou indirectement des conséquences de la grossesse et du travail. La propor- tion d'invalidité consécutive à la période obstétricale est immense, mais elle échappe à toute mesure... On peut dire que cinquante pour cent des femmes ayant eu des enfants en gardent des traces dont elles souffriront tôt ou tard... — De trois à cinq pour cent des enfants succombent au cours du tra- vail. Peut-on appeler normale une fonction qui tue des milliers de femmes et qui laisse invalide une très grande quantité?... Tout dépend de ce que l'on appelle normal pour l'espèce humaine. Chez les insectes, il est de règle que la femelle meure après la reproduc- tion... Le saumon succombe après avoir frayé... Une certaine mortalité et un certain taux d'invalidité ne seraient-ils pas normaux?... MAURICEAU appelait la grossesse une maladie de neuf mois. Sir James SIMPSON disait que l'accouchement est physiologique dans son objet, mais qu'il ne l'est pas dans diverses particularités qui se produisent de par la vie civi- lisée. ENGELMAN, dans son livre sur l'accouche- ment chez les sauvages, disait que les accouchées souffrent de la persistance de la superstition que l 'accouchement est un acte physiologique... SEL- LHEIM, en 1923, ...attirait l'attention sur ce que la femme civilisée n'est pas adaptée aux exigences de la grossesse... et que, si elle n'est pas physiquement parfaite, elle s'effondre (she fails)... V. BONNEY tient l'accouchement comme étant physiologique pour la race, mais pas pour la femme... »

Pessimisme? Non. « Toute cette misère, conclut DE LEE, est, pour une part, évitable. » (A large part of all this misery is preventable.) Le tout est d'orga- niser des soins appropriés pour guérir les complica- tions, et une hygiène appropriée pour les prévenir.

Trois principales préoccupations d'hygiène s'im- posent à la femme pendant sa grossesse : éviter les troubles morbides qui lui feraient courir un danger ou qui lui laisseraient des séquelles ultérieures, — éviter l'interruption prématurée de la grossesse (soit qu'il s'agisse d'un avortement, soit qu'il s'agisse de la naissance d'un enfant insuffisamment mûr et mal armé pour la vie), — donner naissance à un enfant bien portant, bien doué et apte à un avenir satisfaisant.

Il est vrai que, pour ce dernier desideratum, l'hygiène de la grossesse est partiellement désarmée; la plupart des tares que présente un enfant sont d'origine héréditaire. Ce n'est pas pendant la gros- sesse que l'on y peut quelque chose; c'était avant le mariage, au moment de prendre la décision de se marier qu'il aurait fallu y penser (1). Il est effarant de voir combien peu interviennent, en matière de mariage, les préoccupations de santé et d'hérédité. Pour choisir un partenaire, les imprévoyants et les imprévoyantes se fondent sur un entraînement irré- fléchi; les prévoyants ne sont guère plus sages ou sont, même, moins sages en se fondant sur des consi-

(1) H. VIGNES, Certificat de mariage ou vulgarisation des notions d'eugénique. Rapport au Deuxième Congrès de l'Institut international d'Anthropologie, Prague; 1924 p. 459. — Certificat prénuptial anthropo- logique (Bulletin de la Société d'études des formes humaines, 1930, p. 241 et Progrès médical, 1931, n° 41). Dans ce dernier article, j'insiste sur ce qu'il faut demander à un certificat prénuptial. Il ne s'agit pas de savoir si tel fiancé a une maladie dangereuse : tel médecin croit avoir établi un certificat intéressant parce qu'il a cherché à dépister une tuberculose, une syphilis, etc. Il s'agit de dépister toutes les maladies dangereuses pour l'individu et pour sa descendance. Et cette recherche doit être objective, sans tenir compte des déclarations de l'intéressé.

dérations de milieu social et, plus souvent, sur des considérations d'argent. C'est ainsi qu'ils auront à encaisser, pour toute la vie, un conjoint malade et qu'ils seront exposés à avoir un enfant chétif, malade ou déséquilibré. J'ai souvenir d'un jeune bourgeois qui se plaignait longuement et fastidieusement de ce que lui avaient coûté les maladies de sa femme et de son enfant. Il appartenait à une corporation où l'on a la charge des intérêts de ses clients, où l'on veille à leurs biens matériels, à leur ventes, à leurs contrats, à leurs héritages; son père et son frère appartenaient à cette même corporation. Il se plaignait avec véhé- mence et il étalait force chiffres. Mais pourquoi s'être marié avec une femme dont maints stigmates tra- duisaient d'indéniables tares malgré un premier aspect assez piquant? Sans doute, en la courtisant, avait-il pensé aux biens matériels considérables de son beau-père et à son héritage plutôt qu'à la santé de sa future femme et à son hérédité morbide. Quand on ne pense pas à la santé de sa future femme, à la santé de ses enfants à venir, il ne faut pas s'étonner de traîner dans la vie une femme toujours malade et il ne faut pas s'étonner d'avoir des enfants anormaux, — de même qu'en négligeant le caractère et l'éduca- tion, on peut se réserver des années pénibles. Mais les gens prévoyants pensent aux biens matériels plus qu'à la santé et à l'éducation:

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