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Pour citer cet article : Legrand E, et al. Hypercalciurie au cours de l’ostéoporose. Revue du rhumatisme monographies (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2013.02.005 ARTICLE IN PRESS G Model MONRHU-195; No. of Pages 4 Revue du rhumatisme monographies xxx (2013) xxx–xxx Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Hypercalciurie au cours de l’ostéoporose Hypercalciuria and osteoporosis Erick Legrand , Béatrice Bouvard , Maurice Audran Service de rhumatologie, université d’Angers, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 9, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Accepté le 26 evrier 2013 Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Ostéoporose Hypercalciurie Lithiase urinaire r é s u m é La découverte d’une hypercalciurie au décours d’un épisode lithiasique ou lors des explorations biolo- giques de l’ostéoporose, impose une enquête clinique et biologique, pour rechercher une étiologie et en particulier une hyperparathyroïdie primitive ou une consommation excessive de vitamine D, calcium, de sel, d’alcool ou de protéines d’origine animale. Au cours de l’ostéoporose, la découverte d’une hyper- calciurie idiopathique (HCI) ne modifie pas la prise en charge thérapeutique habituelle, en assurant des apports calciques adaptés sans dépasser 800 mg/j. Après un épisode lithiasique, si les mesures de régime ne n’avèrent pas suffisantes, la prescription d’un diurétique thiazique est possible en vérifiant l’efficacité biologique et la tolérance. © 2013 Publi ´ e par Elsevier Masson SAS pour la Société française de rhumatologie. Keywords: Osteoporosis Hypercalciuria Nephrolithiasis a b s t r a c t The discovery of hypercalciuria after a nephrolithiasis or among biological tests for osteoporosis requires a clinical and biological careful investigation to search for primary hyperparathyroidism or excessive intake of vitamin D, calcium, salt, alcohol or proteins of animal origin. In osteoporosis, the discovery of idiopathic hypercalciuria does not change the usual therapeutic care, ensuring appropriate calcium intake not exceed 800 mg per day. After nephrolithiasis, if dietary therapy is insufficient, the prescription of hydrochorothiazide is possible with checking regularly the biological effectiveness and tolerance. © 2013 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société française de rhumatologie. L’hypercalciurie est un symptôme biologique définie par une excrétion urinaire du calcium supérieure à 4 mg/kg par 24 heures (ou > 0,1 mmol/kg par 24 heures). Cette détermination doit être effectuée dans des conditions techniques et cliniques précises : mesure réalisée au minimum sur deux journées, sur des urines bien mélangées, à distance d’une fracture vertébrale ou périphé- rique (délai de deux mois) ; à distance d’un épisode de colique néphrétique (délai de deux mois) ; en l’absence de toute prise médicamenteuse de calcium ou de vitamine D. Il est également important de bien prendre en compte le poids du patient pour calculer la limite supérieure acceptable de la cal- ciurie. Il est ainsi inutile de déclencher des investigations devant la Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Legrand). découverte d’une hypercalciurie, chiffrée à 350 mg par 24 heures, excédant les limites classiques des laboratoires (300 mg/24 h) mais chez un homme de 100 kg. Ce symptôme biologique peut répondre à un certain nombre d’étiologies nutritionnelles, endocriniennes, rénales ou osseuses (hypercalciuries secondaires). En l’absence de cause décelable après une enquête clinique et biologique particulièrement soi- gneuse, l’hypercalciurie est dite idiopathique [1]. 1. Hypercalciuries secondaires 1.1. Fréquence des hypercalciuries diététiques Il existe des liens étroits entre les apports alimentaires sponta- nés de calcium, mais aussi de sodium, de protéines, de glucides, d’alcool, de potassium et l’excrétion urinaire de calcium. Un régime déséquilibré, riche en viande, sel, sucres et alcool favorise l’hypercalciurie et la lithiase. L’influence de ces facteurs diététiques est présente chez les sujets normaux mais elle est encore plus importante chez les patients porteurs d’une hypercalciurie idio- pathique (HCI) [2] : 1878-6227/$ see front matter © 2013 Publi ´ e par Elsevier Masson SAS pour la Société française de rhumatologie. http://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2013.02.005

Hypercalciurie au cours de l’ostéoporose

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Page 1: Hypercalciurie au cours de l’ostéoporose

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ARTICLE IN PRESSG ModelONRHU-195; No. of Pages 4

Revue du rhumatisme monographies xxx (2013) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ypercalciurie au cours de l’ostéoporose

ypercalciuria and osteoporosis

rick Legrand ∗, Béatrice Bouvard , Maurice Audranervice de rhumatologie, université d’Angers, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 9, France

i n f o a r t i c l e

istorique de l’article :ccepté le 26 fevrier 2013isponible sur Internet le xxx

ots clés :stéoporoseypercalciurieithiase urinaire

r é s u m é

La découverte d’une hypercalciurie au décours d’un épisode lithiasique ou lors des explorations biolo-giques de l’ostéoporose, impose une enquête clinique et biologique, pour rechercher une étiologie et enparticulier une hyperparathyroïdie primitive ou une consommation excessive de vitamine D, calcium,de sel, d’alcool ou de protéines d’origine animale. Au cours de l’ostéoporose, la découverte d’une hyper-calciurie idiopathique (HCI) ne modifie pas la prise en charge thérapeutique habituelle, en assurant desapports calciques adaptés sans dépasser 800 mg/j. Après un épisode lithiasique, si les mesures de régimene n’avèrent pas suffisantes, la prescription d’un diurétique thiazique est possible en vérifiant l’efficacitébiologique et la tolérance.

© 2013 Publie par Elsevier Masson SAS pour la Société française de rhumatologie.

a b s t r a c t

eywords:steoporosisypercalciuriaephrolithiasis

The discovery of hypercalciuria after a nephrolithiasis or among biological tests for osteoporosis requiresa clinical and biological careful investigation to search for primary hyperparathyroidism or excessiveintake of vitamin D, calcium, salt, alcohol or proteins of animal origin. In osteoporosis, the discoveryof idiopathic hypercalciuria does not change the usual therapeutic care, ensuring appropriate calciumintake not exceed 800 mg per day. After nephrolithiasis, if dietary therapy is insufficient, the prescriptionof hydrochorothiazide is possible with checking regularly the biological effectiveness and tolerance.

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© 2013 Publish

L’hypercalciurie est un symptôme biologique définie par unexcrétion urinaire du calcium supérieure à 4 mg/kg par 24 heuresou > 0,1 mmol/kg par 24 heures).

Cette détermination doit être effectuée dans des conditionsechniques et cliniques précises :

mesure réalisée au minimum sur deux journées, sur des urinesbien mélangées, à distance d’une fracture vertébrale ou périphé-rique (délai de deux mois) ;à distance d’un épisode de colique néphrétique (délai de deuxmois) ;en l’absence de toute prise médicamenteuse de calcium ou devitamine D.

Pour citer cet article : Legrand E, et al. Hypercalciurie au cours dhttp://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2013.02.005

Il est également important de bien prendre en compte le poidsu patient pour calculer la limite supérieure acceptable de la cal-iurie. Il est ainsi inutile de déclencher des investigations devant la

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (E. Legrand).

878-6227/$ – see front matter © 2013 Publie par Elsevier Masson SAS pour la Société frattp://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2013.02.005

y Elsevier Masson SAS on behalf of the Société française de rhumatologie.

découverte d’une hypercalciurie, chiffrée à 350 mg par 24 heures,excédant les limites classiques des laboratoires (300 mg/24 h) maischez un homme de 100 kg.

Ce symptôme biologique peut répondre à un certain nombred’étiologies nutritionnelles, endocriniennes, rénales ou osseuses(hypercalciuries secondaires). En l’absence de cause décelableaprès une enquête clinique et biologique particulièrement soi-gneuse, l’hypercalciurie est dite idiopathique [1].

1. Hypercalciuries secondaires

1.1. Fréquence des hypercalciuries diététiques

Il existe des liens étroits entre les apports alimentaires sponta-nés de calcium, mais aussi de sodium, de protéines, de glucides,d’alcool, de potassium et l’excrétion urinaire de calcium. Unrégime déséquilibré, riche en viande, sel, sucres et alcool favorise

e l’ostéoporose. Revue du rhumatisme monographies (2013),

l’hypercalciurie et la lithiase. L’influence de ces facteurs diététiquesest présente chez les sujets normaux mais elle est encore plusimportante chez les patients porteurs d’une hypercalciurie idio-pathique (HCI) [2] :

nçaise de rhumatologie.

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Tableau 1Étapes diagnostiques utiles lors de la découverte d’une hypercalciurie.

1 Vérifier les valeurs normalesen fonction du poids du patient

Calciurie normale inférieure à4 mg/kg/24 h

2 Vérifier que la mesure a étéréalisée dans un délai adapté

Deux mois après une fracture ouune colique néphrétique

3 Stopper les supplémentscalciques et la vitamine D

Nouvelle détermination de lacalciurie des 24 h deux semainesplus tard

4 Rechercher une maladie dumétabolisme phosphocalciqueen particulier unehyperparathyroïdie primitiveou une maladie osseuse

Examen clinique, recherche defractures, détermination de lacréatininémie, calcémie,albuminémie, phosphorémie,phosphatases alcalines, PTH, 25 OHvitamine D

5 Rechercher une hypercalciuriediététique

Nouvelle détermination de lacalciurie des 24 h après régime :2 produits laitiers et 100 g deviande par jour, suppression du selrajouté et de l’alcool

6 Persistance d’une Explication et poursuite du régime,

ARTICLEONRHU-195; No. of Pages 4

E. Legrand et al. / Revue du rhuma

l’excrétion urinaire de calcium est d’abord dépendante de laration calcique alimentaire : environ 6 à 7 % de la charge calciquealimentaire sera retrouvée dans l’excrétion urinaire de calciumchez le sujet normal. Ce chiffre est presque triplé chez le patientporteur d’une HCI. Ainsi, à titre d’exemple, si la ration calciquepasse de 400 mg à 1 g/j, la calciurie augmentera d’environ 40 mgchez les témoins et d’environ 100 mg chez le patient hypercalciu-rique ;l’apport de sodium inhibe la réabsorption tubulaire calcique etmajore la calciurie : l’augmentation de la ration sodée alimentairede 6 g/j élève la calciurie d’environ 25 mg chez le sujet sain et deplus de 50 mg chez le lithiasique ;l’apport en protéines « d’origine animale » favorise la lithiaserénale. Le lien entre la calciurie et l’apport protéique, présent cheztous les individus, est plus net chez les sujets porteurs d’une HCI.Le catabolisme des acides aminés sulfurés (méthionine en par-ticulier) contenus dans la viande provoque l’apparition d’acidesfixes et de sulfates. Ces acides sont tamponnés par le carbonatede calcium au niveau plasmatique ce qui conduit à un relargagedu calcium et à son élimination rénale. De plus, ils agissent direc-tement sur le tubule rénal en limitant la réabsorption calcique.Enfin, les sulfates, très faiblement réabsorbés au niveau du rein,complexent le calcium urinaire et limitent ainsi sa réabsorptiontubulaire ;l’ingestion de sucres ou d’alcool est responsable d’une élévationtransitoire de l’insulinémie qui diminue la réabsorption tubulairedu calcium et provoque une hypercalciurie transitoire ;enfin, par des mécanismes encore mal élucidés, une réductiondes apports alimentaires en potassium accroît l’excrétion uri-naire de calcium et de phosphore. L’hypokaliémie provoqueraitune réduction de la réabsorption tubulaire des phosphates etune hypophosphorémie relative qui stimulent la production decalcitriol (et donc l’augmentation de l’absorption intestinale ducalcium).

.2. Autres hypercalciuries secondaires

De très nombreux contextes étiologiques peuvent être associés la présence d’une hypercalciurie [1] :

hypercalciuries liées à une augmentation de l’absorption intesti-nale calcique : intoxication à la vitamine D, excès de synthèse de1–25 dihydroxyvitamine D : sarcoïdose, hyperparathyroïdie pri-mitive ;hypercalciuries liées à une accélération de la résorption osseuse :métastases, myélome, fractures récentes, maladie de Paget,hyperparathyroïdie, hyperthyroïdie ;hypercalciuries liées à un défaut de la réabsorption tubulairedu calcium : hyperthyroïdie, diurétiques de l’anse, syndrome deBartter, tubulopathies, acidose métabolique. . .

. Diagnostic de l’hypercalciurie

Il comporte plusieurs étapes distinctes : éliminer les causesvidentes, rechercher une étiologie et en particulier une hyperpa-athyroïdie primitive puis analyser les facteurs diététiques en causeTableau 1).

.1. S’assurer par l’interrogatoire qu’il n’existe pas une causevidente

Pour citer cet article : Legrand E, et al. Hypercalciurie au cours dhttp://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2013.02.005

Les prises de calcium et de vitamine D, de glucocorticoïdes oue furosémide, les jours précédent l’analyse urinaire, favorisent

’apparition d’une hypercalciurie.

hypercalciurie idiopathique nouvelle détermination de lacalciurie 4 mois plus tard

Parfois, une ostéopathie est déjà connue et potentiellementexplicative : myélome, paget, fracture récente, sarcoïdose déjàdiagnostiquée : il demeure utile, dans ces circonstances, de disposerd’un bilan biologique décrit ci-dessous.

2.2. Rechercher par l’examen clinique et la biologie, unehypercalciurie secondaire

On prendra en compte les antécédents pathologiques, l’histoireclinique, l’état général, les douleurs osseuses et la survenue éven-tuelle de fractures récentes.

Les examens biologiques sont indispensables : hémogramme,CRP, électrophorèse des protéines, ionogramme sanguin et urinaireavec créatininémie, calcémie, albuminémie, phosphorémie, phos-phatases alcalines, PTH, calciurie et phosphaturie, 25 OH vitamineD.

La découverte d’une maladie rénale devra conduire à demanderun avis néphrologique.

Le dosage de l’enzyme de conversion est utile mais en secondeintention devant un faisceau d’arguments en faveur d’une sarcoï-dose.

Cette seconde étape permet, en s’aidant si nécessaire del’imagerie (radiographies standard, scintigraphie osseuse) derepérer les diagnostics suivants : maladie de Paget, myélome,métastases osseuses, hyperparathyroïdie primitive, sarcoïdose,tubulopathies et diabète phosphoré.

2.3. Analyser les facteurs diététiques favorisant l’expression del’hypercalciurie

Si les examens biologiques n’ont pas apporté d’explication eten particulier n’ont pas montré l’existence d’une hyperparathyroï-die primitive, il est utile de réaliser une enquête alimentaire parl’interrogatoire « puis de prescrire une nouvelle mesure de la cal-ciurie, sur deux jours consécutifs, après une semaine d’un régimecomportant » :

• pas plus de deux produits laitiers par jour et une seule ration de

e l’ostéoporose. Revue du rhumatisme monographies (2013),

100 g de viande par jour ;• suppression des charcuteries, du sel rajouté dans l’assiette, de

l’eau minérale riche en calcium, de l’alcool.

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E. Legrand et al. / Revue du rhuma

Si la calciurie mesurée sur 24 heures est alors inférieure à mg/kg par jour, on peut considérer que l’hypercalciurie est’origine diététique.

.4. Si ce bilan complet est totalement négatif et si la calciurie’est pas normalisée par le régime, il s’agit alors d’une vraieypercalciurie idiopathique (HCI)

En l’absence de conséquences thérapeutiques, il ne semble pasndispensable d’aller plus loin dans les investigations, notammentour clarifier le mécanisme rénal ou intestinal de l’hypercalciurie.

L’origine génétique de l’HCI semble probable car 75 % des enfantsithiasiques et 70 % des adultes lithiasiques ont des ATCD familiauxe lithiase. De plus Bushinsky et al. et Karnauskas et al. [3,4] ontontré l’existence, chez une lignée de rats lithiasiques avec une

ypercalciurie majeure, de trois mécanismes liés à une hyperex-ression du VDR : hyperabsorption intestinale du calcium, défaute réabsorption rénale du calcium et excès de résorption osseuse.

. Hypercalciurie prolongée, idiopathique ou diététique :uel risque pour le patient ?

.1. Risque de lithiase calcique récidivante

Il est bien réel puisque 30 à 50 % des patients lithiasiquesrésentent une hypercalciurie, ce symptôme biologique n’étantrésent que moins de 10 % de la population générale indemne de

ithiase. Il est toutefois important de garder en mémoire que la sur-enue d’une lithiase urinaire calcique n’est pas liée uniquement àne hypercalciurie « mais résulte de l’association de plusieurs fac-eurs métaboliques » incluant aussi une hydratation insuffisante,ne hyperoxalurie, une hyperuricosurie, une hypocitraturie et unecidose tubulaire [2].

.2. Risque d’ostéoporose débattu

De nombreuses études ont recherché des liens entre l’existence’une lithiase calcique et la densité minérale osseuse. Il s’agit lelus souvent d’études portant sur de très faibles effectifs (20 à20 patients), sans groupe témoin. Elles montrent une tendance

la diminution modérée de la densité osseuse chez les patientsithiasiques, sans pouvoir incriminer directement l’hypercalciurie5].

Le travail plus important de Caudarella et al. [6] comporte96 patients lithiasiques et montre l’existence d’une ostéoporoseensitométrique chez 14 % des patients « mais sans lien avec la pré-ence d’une hypercalciurie » (21,7 % des sujets). Deux études ontuggéré dans des conditions méthodologiques imparfaites que lesatients lithiasiques présentaient un risque accru de fracture verté-rale [7,8]. L’étude NHANES III (14 646 sujets) a analysé les relationsntre la lithiase, la densité osseuse et le risque de fracture : chez lesommes lithiasiques, le risque de fracture est plus élevé (RR 2,32 IC5 % 1,04-5,18 pour les fractures vertébrales). Les relations sontlus ténues chez les femmes et non significatives (RR 1,75 IC 95 %,58-5,29 pour les fractures vertébrales) [8]. Cette étude ne com-ortait pas d’analyse de la calciurie mais elle suggère fortement que

e lien entre densité osseuse basse et lithiase n’est présent que chezes hommes avec une ration calcique basse (inférieur à un produitaitier par jour). Pour certains auteurs – c’est donc la diète calciquerolongée – autrefois proposée aux patients lithiasiques, qui favo-iserait la diminution de la densité osseuse et l’augmentation duisque de fracture et non l’hypercalciurie elle-même.

Pour citer cet article : Legrand E, et al. Hypercalciurie au cours dhttp://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2013.02.005

Enfin dans l’interprétation de ces données, il faut égalementrendre en compte le fait que plusieurs étiologies de la lithiase sontgalement source de perte osseuse et de fractures : les syndromese malabsorption favorisent la lithiase oxalique et l’ostéoporose,

PRESSonographies xxx (2013) xxx–xxx 3

les glucocorticoïdes favorisent la formation des calculs calciques etla perte osseuse, les régimes très pauvres en calcium augment lerisque de lithiase oxalique et de fracture.

4. Quand doser la calciurie des 24 heures ?

4.1. Détermination de la calciurie utile au décours d’une lithiase

Trois arguments plaident en faveur cette exploration :

• il existe un lien direct entre l’hypercalciurie et la survenue decoliques néphrétiques récidivantes (par lithiase calcique) ;

• la découverte de l’hypercalciurie permet parfois de diagnostiquerune hyperparathyroïdie primitive, dont le traitement chirurgicalest possible ;

• si l’hypercalciurie est idiopathique, la diminution de la calciuriepar des mesures de régime, permet de réduire le risque de lithiase.

Mais il est important de rappeler que ce dosage doit être réaliséà distance de l’épisode de colique néphrétique (délai classique de2 mois).

4.2. Intérêt du dosage de la calciurie

Il est plus discutable devant une ostéoporose découverte dansla période post-ménopausique.

Les autres dosages biologiques plasmatiques (en particulier cal-cémie, 25 OH vitamine D et PTH) sont plus efficaces pour repérerune carence en vitamine D ou une hyperparathyroïdie primitive.

La constatation d’une hypercalciurie modérée, au décours d’unefracture ostéoporotique, est bien difficile à interpréter. S’agit-ild’une simple conséquence de la fracture ? L’hypercalciurie est-elleen partie le reflet de l’hyper-résorption osseuse ? S’agit-il d’uneconséquence de l’excès de consommation de calcium ou de vita-mine D, fréquente chez une patiente angoissée par le diagnosticd’ostéoporose ?

Certains auteurs proposent toutefois de doser la calciurie pourmoduler les apports calciques, en ne dépassant pas 800 mg/j si lapatiente présente une HCI.

En revanche, on comprend le souhait du clinicien de disposer dela calciurie des 24 heures :

• lors de l’exploration d’un trouble du métabolisme phosphocal-cique, par exemple une hypercalcémie modérée ;

• lors de la prescription d’une supplémentation calcique impor-tante, supérieure à 500 mg/j ;

• devant une ostéoporose vraiment inexpliquée : homme oufemme de moins de 50 ans, sans pathologie ni facteurs de risque.

5. Principes de traitement de l’hypercalciurie

5.1. Traitement étiologique

Il est toujours indispensable si une cause est mise en évidence :arrêt d’une supplémentation inappropriée en calcium ou vitamineD, traitement chirurgical d’une hyperparathyroïdie primitive, trai-tement d’une sarcoïdose. . .

5.2. Traitement des hypercalciuries d’origine diététique

C’est la poursuite du régime qui a permis de diminuer ou de

e l’ostéoporose. Revue du rhumatisme monographies (2013),

normaliser la calciurie.La ration calcique sera toutefois maintenue normale : 800 mg/j

tout compris car un régime pauvre en calcium est délétère pourla masse osseuse et inefficace pour prévenir la récidive lithiasique.

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E. Legrand et al. / Revue du rhuma

e régime pauvre en calcium semble même favoriser la lithiase enugmentant l’oxalurie, en raison d’une hyperabsorption colique desxalates alimentaires (défaut de complexation par le calcium danse tube digestif).

La ration sodée sera limitée de fac on à ce que l’excrétion uri-aire de sodium soit inférieur à 200 mmol par 24 heures [9]. Ononseillera des apports en protéines sur la base de 1 mg/kg par journ diversifiant les sources protéiques et en limitant la consomma-ion de viande.

Un programme de réduction du poids est utile chez les patientsorteurs d’une surcharge pondérale, en limitant en particulier laonsommation d’alcool et de sucres rapides.

Assurer une hydratation de 1,5 L/j par une eau riche en calciumi le patient ne prend aucun produit laitier et par une eau pauvren calcium si la ration calcique laitière est normale.

.3. Traitement de l’hypercalciurie idiopathique

Après adaptation du régime alimentaire, en l’absence’amélioration suffisante de la calciurie, on pourra proposer

a prescription de thiazides, qui positivent la balance calcique,iminuent la calciurie d’environ 30 %, préviennent la récidive

ithiasique. Une étude récente réalisée dans une lignée de ratsrésentant une lithiase calcique et une hypercalciurie constante

montré de plus une amélioration qualitative et quantitative duissu osseux trabéculaire [10] en leur administrant de la chlor-halidone. On utilise au départ une dose de 25 mg puis 50 mg’hydrochlorothiazide par jour en surveillant la kaliémie.

Mais il faut prendre en compte que ce traitement peut être asso-ié à « des effets indésirables fréquents » : asthénie, hypotension,yperlipidémie, hypokaliémie. Il ne doit donc être proposé que si

e régime a été bien suivi sur plusieurs mois et s’avère vraimentnsuffisant. Son efficacité réelle doit être évaluée en mesurant cheze patient la calciurie – à plusieurs reprises – avec et sans traite-

ent par les thiazides. Son indication doit être de nouveau évaluéeprès un à deux ans de traitement. Si l’on observe l’apparition’une dyslipidémie sous traitement, l’indapamide peut remplacer

’hydrochlorothiazide.

.4. Traitement de l’ostéoporose associée à une hypercalciuriediopathique

L’HCI ou diététique est présente chez environ 5 à 10 % de la popu-ation générale. Il est donc possible de découvrir lors du bilan d’unestéoporose, une hypercalciurie. Mais, la coexistence de ces deuxffections n’a pas valeur de causalité. Il n’existe pas de preuvesonvainquantes que le traitement de l’hypercalciurie par des diu-étiques améliore l’évolution de l’ostéoporose. Certes plusieurstudes épidémiologiques ont montré que dans la population géné-ale, l’administration de diurétiques thiazidiques était associéevec une réduction du risque de fracture de hanche [11]. Les études’intervention sont rares et moins convaincantes. Giusti et al. ont

nclus 77 femmes ménopausées avec une hypercalciurie et une den-ité osseuse basse (T-score < −2 sur le rachis ou sur le fémur) dansne étude randomisée comparant trois traitements : indapamide,5 mg/j (diurétique apparenté aux thiazides) seul, alendronate70 mg/semaine) seul ou la combinaison des deux médicaments.près un an de traitement, il n’existe aucune amélioration de la den-

Pour citer cet article : Legrand E, et al. Hypercalciurie au cours dhttp://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2013.02.005

ité osseuse dans le groupe indapamide seul ; les densités osseusesombaires et fémorales s’améliorent respectivement de 5,8 % et 2 %ans le groupe alendronate, de 8,2 % et 2,9 % dans le groupe alen-ronate + indapamide. La calciurie diminue de 24,3 % dans le groupe

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alendronate, de 34,7 % dans le groupe indapamide et de 49,7 % dansle groupe combinaison. La différence entre le groupe alendronate etle groupe indapamide n’est pas significative [12]. Cette étude portesur des petits effectifs mais elle suggère que la prescription d’undiurétique n’est pas très efficace dans ce contexte. Legroux-Gerotet al. [13] n’ont pas non plus observé de gain de densité osseuselombaire ou fémorale dans un groupe de 14 hommes ostéoporo-tiques avec une hypercalciurie, en dépit d’une diminution franchede la calciurie (−45,9 % à 18 mois).

6. Conclusions

Il est utile de déterminer la calciurie des 24 heures et la den-sité minérale osseuse après une lithiase calcique, en raison desimplications diagnostiques et thérapeutiques potentielles.

Au cours de l’ostéoporose, en présence de facteurs étiologiquesclairs et en l’absence d’antécédents de coliques néphrétiques, lamesure de la calciurie des 24 heures n’est pas indispensable.

Si toutefois, le médecin est confronté à la coexistence d’uneostéoporose et d’une hypercalciurie, il devra analyser, de fac onséparée, les étiologies possibles des deux affections. La présenced’une hypercalciurie incite à modérer les apports calciques autourde 800 mg/j mais le traitement de fond de l’ostéoporose devra êtredécidé, selon les règles habituelles, en particulier celles proposéespar les dernières recommandations communes de la SFR et du GRIO[14].

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

Références

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