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HYPOMYLOS PHELIZONI NOV. GEN. NOV. SP., UNE I TAPE PRI COCE DE L'I VOLUTION DE LA MOLAIRE TRIBOSPHI NIQUE (CRI TACI BASAL DU MAROC) DENISE SIGOGNEAU-RUSSELL Inst,'tug de PaMontologie, URA 12 CNRS, Musdum National d'Histoire NalureUe, 8 rue Buffon, F-75005 Paris. RI~_.SUMI~ Les s6diments du Cr6tac6 inf6rieur du Maroc, qui ont d6jh fourni plusieurs mammif6res nouveaux, viennent de livrer une molaire inf6rieure particuliSrement importante : celle-ci repr6sente en effet un stade d'6volution interm6diaire entre les th6riens non tribosph6niques et la molaire tribosph6nique la plus ancienne connue, Aegialodon, tout en pr6sentant quelques sp6cialisations qui lui sont propres. HYPOMYLOS PHELIZONI NOV. GEN. NOV. SP., A PRIMITIVE TRIBOSPHENID STAGE FROM THE LOWER CRETACEOUS OF MOROCCO ABSTRACT The early Cretaceous sediments of Morocco, which have already yielded several new mammals, have just produced a particularly important lower molar ; the latter represents an evolutionary stage intermediate between the non-tribosphenic Therians and the oldest tribosphenic lower molar known, Aegialodon, while displaying specializations of its own. MOTS-CLI~ : MOLAIRE TRIBOSPHI~NIQUE, I~VOLUTION, CR~-TACI~ INFt~RIEUR, MAROC. KEY-WORDS : TRIBOSPHENIC MOLAR, EVOLUTION, LOWER CRETACEOUS, MOROCCO. INTRODUCTION Au cours du trSs laborieux proc6d6 de r6cup6ration des dents mammaliennes dans les s6diments cr6tac6s du Maroc, dents dont plusieurs ont d6j~t 6t6 d6crites (par e~: Sigogneau-RusseU et al. 1990 et Sigogneau-Russell 1991a), vint r6cemment au jour une molaire inf6rieure tout-fi-fait particuliSre, complSte sauf pour les racines. I1 ffit de suite apparent que cette molaire repr6sentait une 6tape primitive dans l'6volution des mammifSres tribo- sph6niques. Or cette 6volution n'est connue darts ses 6tapes initiales, que par IO'elantherium Daszheveg & Kielan-Jaworowska, 1984 et Aegialodon Kermack et al. 1965, respectivement d'Asie et d'Europe. Si l'on salt maintenant (Sigogneau-Russell 1991b) que l'Afrique h6bergeait elle aussi des mammif6res tribosph6niques d6j~t 6volu6s durant le Secondaire, il est int6ressant d'apprendre qu'une 6tape plus primitive cohabitait avec ces derniers ; ce qui pourrait appuyer l'hypoth6se selon laquelle une lign6e au moins de mammifSres tribo- sph6niques se serait diff6renci6e sur ce continent, le gisement du synclinal d'Anoual qui a fourni ces fossiles se situant, autant qu'on le sache, tout ~ faith la base du Cr6tac6. Manuscrit d6pos6 le 02.01.1992 Manuscrit accept6 d6finitivement le 20.03.1992 i!eobios, 1992-') ote br6ve 1 25, fasc. 2 [ .389-393 .J

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HYPOMYLOS PHELIZONI NOV. GEN. NOV. SP., UNE I TAPE PRI COCE DE L'I VOLUTION

DE LA MOLAIRE TRIBOSPHI NIQUE (CRI TACI BASAL DU MAROC)

DENISE S I G O G N E A U - R U S S E L L Inst,'tug de PaMontologie, URA 12 CNRS, Musdum National d'Histoire NalureUe, 8 rue Buffon, F-75005 Paris.

RI~_.SUMI~

Les s6diments du Cr6tac6 inf6rieur du Maroc, qui ont d6jh fourni plusieurs mammif6res nouveaux, viennent de livrer une molaire inf6rieure particuliSrement importante : celle-ci repr6sente en effet un stade d'6volution interm6diaire entre les th6riens non tribosph6niques et la molaire tribosph6nique la plus ancienne connue, Aegialodon, tout en pr6sentant quelques sp6cialisations qui lui sont propres.

HYPOMYLOS PHELIZONI NOV. GEN. NOV. SP., A PRIMITIVE TRIBOSPHENID STAGE FROM THE LOWER CRETACEOUS OF MOROCCO

ABSTRACT

The early Cretaceous sediments of Morocco, which have already yielded several new mammals, have just produced a particularly important lower molar ; the latter represents an evolutionary stage intermediate between the non-tribosphenic Therians and the oldest tribosphenic lower molar known, Aegialodon, while displaying specializations of its own.

MOTS-CLI~ : MOLAIRE TRIBOSPHI~NIQUE, I~VOLUTION, CR~-TACI~ INFt~RIEUR, MAROC.

KEY-WORDS : TRIBOSPHENIC MOLAR, EVOLUTION, LOWER CRETACEOUS, MOROCCO.

I N T R O D U C T I O N

Au cours du trSs laborieux proc6d6 de r6cup6ration des dents mammaliennes dans les s6diments cr6tac6s du Maroc, dents dont plusieurs ont d6j~t 6t6 d6crites (par e~: Sigogneau-RusseU et al. 1990 et Sigogneau-Russell 1991a), vint r6cemment au jour une molaire inf6rieure tout-fi-fait particuliSre, complSte sauf pour les racines. I1 ffit de suite apparent que cette molaire repr6sentait une 6tape primitive dans l'6volution des mammifSres tribo- sph6niques. Or cette 6volution n'est connue darts ses 6tapes initiales, que par IO'elantherium Daszheveg &

Kielan-Jaworowska, 1984 et Aegialodon Kermack et al. 1965, respectivement d'Asie et d'Europe. Si l'on salt maintenant (Sigogneau-Russell 1991b) que l'Afrique h6bergeait elle aussi des mammif6res tribosph6niques d6j~t 6volu6s durant le Secondaire, il est int6ressant d'apprendre qu'une 6tape plus primitive cohabitait avec ces derniers ; ce qui pourrait appuyer l'hypoth6se selon laquelle une lign6e au moins de mammifSres tribo- sph6niques se serait diff6renci6e sur ce continent, le gisement du synclinal d'Anoual qui a fourni ces fossiles se situant, autant qu'on le sache, tout ~ faith la base du Cr6tac6.

Manuscrit d6pos6 le 02.01.1992 Manuscrit accept6 d6finitivement le 20.03.1992

i!eobios, 1992-') ote br6ve 1 25, fasc. 2 [

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S Y S T I ~ M A T I Q U E

Ordre TRIBOSPHENIDA McKenna 1975 Famille indet. Genre Hypomylos nov. gen

Esp~ce type - 1-1. phelizoni nov. sp.

Etymologie - Hypomylos, pour souligucr le grand d6ve- loppement de l'hypoconide et le sous-d6veloppement (hypo, Gr.) de la fonction broyeuse (mylos, Gr., broyer).

D i a g n o s e - Genre de mammif6res tribosph6niques ~t molaires inf6rieures caract6ris6es par la r6duction du paraconide, l'hypoconide large et plat, le talonide tr~s 6troit, inclin6 lingualement et d6pourvu d'entoconide. Pas de cuspule ant6ro-lingual et pratiquement pas de bourrelet ant6ro-labial.

HYPOMYLOS PHELIZONI NOV. SP.

Etymologie - p k . e l i z o n i , en reconnaissance de l'aide long terme de M. Alain Ph61izon dans le tri de divers s6dlments, en particulier celui du Maroc off il a d6couvert SA 54.

Holotype - MNHN SA 54, molaire inf6rieure droite compl~te sauf pour les racines. Lg = 2ram.

Horizon et localit~ - Synclinal d'Anoual, Province de Talsinnt (Maroc) ; s6quence B des "couches rouges" ; Cr6tac6 basal (Berriasien ?).

Diagnose - Comme pour le genre.

Discussion - La diagnose ct les figurations rcndent comptc des principalcs caract6ristiques de cette dent : trigonide ouvcrt, donc 6troit par rapport ~t sa longueur ainsi qu'~ la longucur totale de la dent, et plus long que lc talonide ; talonide tr~s 6troit et inclin6 du c6t6 lingual, oi~ il est A peine limit6 par une entocristide faible et bas situ6c ; celle-ci ne porte pas d'entoconide ; la m6tacristide est saillante labialement et forme un angle avec la v6ritable cr6te oblique. A ces traits primitifs se superposent des caract~res sp6cialis6s : taille relativemcnt grande ; tr6s petit paraconide et en cons6quence d6calage lingual du m6taconide ; absence de sillon ant6rieur puisque pas de cuspule lingual ni de cingulum labial ; tr6s large hypoconide 6ta16 ant6ro- post6rieurement.

La premiere question qui se pose est celle de savoir si la molaire sup6rieure correspondante poss6dait ou non un protocone. La r6ponse doit r6sider darts les facettes d'usure du talonide. Malheureusement la dent est tr6s frMche. Cependant il semble bien que l'on puisse d6tecter deux surfaces d'usure dans ce talonide, l'une, en croissant, proche de la base de la m6tacristide (facette 5 de Crompton 1971), l'autre, plus centrale, subcirculaire et 16g6rement "martel6e" (facette 5'), surfaces d'usure qui ne peuvent avoir 6t6 form6es que par la face ant6rieure d'un petit protocone. Par ailleurs, P. Butler sugg~re que la petite facette d'usure d6celable stir la face ant6rieure du paraconide (Fig. 2B) pourrait avoir 6t6 produite par la face post6rieure du protocone de la dent sup6rieure imm6diatement ant6rieure (facette 2 de Crompton). II apparalt donc bien que SA 54 soit inclure parmi les Tribosphenida, m~me si l'absence de facette 6 situe cette dent ~ un niveau 6volutif proche

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Figure 1 - HyImnylas pheltrani, nov. gen. nov. sp. Sp6cimen-type SA 54 ; A, en -cue linguale ; B, en r u e labiale ; C, cn r u e post6rieure; D, en vue occlusale ; E, en rue ant6rieure, b, bassin du talonide ; co, crSte oblique ; cu, cuspule ant6ro-labial ; hl, hypoconulide ; hy, hypoconide ; ma, mdtaconide ; md, m6tacristide; pa, paraconide ; pr, protoconide ; u, facette d 'usure. A, lingual view ; .8, labial view ; £, posterior view ; D, ocdusal view ; E, anterior view. b, talonid basin ; co, crista obliqua ; cu, antero-labial tubercle; hl, hypoconulid ; by, hypoconid; ma, metaconid ; md, motacristid ; pa, paraconid ; pr, protoconid ; u, wear facet.

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Figure 2 - ltypomylos pbeltzont, nov. gen. nov. sp. Sp&imen-type SA 54, A, en vue occlusale ; B, en vue ant6rieure. 1, 4, 5, 5', facettes d'usure scion la nomenclature de Crompton 1971. A, odusa/view ; B, anterior view. 1, 4, 5, 5" wear facets according to Crompton's nommtdature (1971).

d 'Aeg ia lodon . Toutefois le sillon profond6ment stri6 qui d6prime la paroi labiale du m6taconide et quc limite la m6tacristide t6moigne de la pr6dominance de la fonction coupante paracone-trigonide et de l'absence de conules snr la protocrista de la dent sup6rieure.

Une autre question concerne l'attribution 6ventuelle de cette dent au genre Tr ibo the t ium (Sigogneau-Russell 19911)) ; la faible angulation ant6rienre du protoconide et la petitesse du paraconide pourraient correspondre ~t une courte m6tacrista ; en outre l'absence d'angulation de l'hypoconide t6moigne certainement de l'absence d'angulation entre paracone et m6tacone, deux carac- t6res qui correspondent ~ ce que l'on a observ6 chez T t i b o t h e r i u m (SA 39). Mais la longueur du trigonide de SA 54 suppose une tr6s longue aile parastylaire, et une embrasure interdentaire plus importante que ne le laisse pr6voir le grand d6veloppement du protocone de SA 39. Et surtout la surface d'usure 6 de ce protocone indique clairement la pr6sence d'un entoconide sur la molaire inf6rieure correspondante, entoconide absent sur SA 54. Enfm lagrande extension labio-linguale de ce protocone contredit l'6troitesse du talonide de SA 54 : la molaire sup6rieure de H y p o m y l o s devait avoir un protocone 6troit et court et un grand m6tacone aplati.

En fait les genres les plus proches sont K e r m a c k i a et Trini t i ther ium de l'Albien du Texas (Slaughter 1971 ; Butler 1978), en particulier au niveau de la m6tacristide (Fox 1975). SA 54 apparait plus proche du premier par la petitesse du paraconide et la situation linguale du m6taconide, bien que ces caract6res ne soient pas aussi accentu6s sur le genre am6ricain. En outre le talonide de K e r m a c k i a forme un r6el bassin, limit6 par trois tubercules. Par l'6troitesse du talonide, son inclinaison linguale et cette absence d'entoconide, SA 54 apparait au contraire plus proche de Trini t i therium, mais dans cc genre le talonide est tout de m6me mieux d61imit6, m~me si l'entocristide reste faible. En outre le trigonide est plus comprim6 et les para- et m6taconides y sont sub6gaux ; enfm la paroi post6rienre du trigonide y est

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Figure 3 - llypomylos phettzont, nov. gen. nov. sp. Sp6eimen-type SA 54. A, rue linguale ; B, rue labiale ; C, rue ant6rieure ; D, vue post6rieure ; E, vue ocelusale. St6r6ophotographies C. Weber, URA 12 CNRS. A, lingual view ; B, labial view ; C, anterior view ; B, posterior view ; E, ocdusal view.

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Tableau 1 - C o m p a m i s o n des caract6res des molaires inf6rieures chez SA 54 et les di f f6rents mammif6res 6voqu6s dans le texte, cing. a.-la., c ingulum ant6ro- labia l ; co, cr~te obl ique ; cusp a.-l., tubercule ant6ro- l ingual ; ent., en tocon ide ; entocr. , entocris t ide ; hi, hypoconul ide ; ht, h au t eu r ; hyp, hypoconide ; L., longueur totale ; la, largeur ; Ig, longueur ; mdta, mf t acon ide ; mtc, m6tacris t ide ; para, paraconide ; t a l . , ta lonide ; tr., t r igonide. Comparison of the characters of the lower teeth in SA 54 and the different mammals mentioned in the text. cing. a-la, antero-lingual cingulum ; co, crista obliqua ; cusp. a-l, antero-lingual lubercle ; ent, entoconid ; entocr, entocristid ; hl, hypoconulid ; ht, height ; hyp, hypoconid ; L, total length ; la, width ; lg, length ; mdta, metaconid ; mtc, metacristid ; para, paraconid ; tal, talonid ; tr, trigonid.

plus .transversale: En outre, si le cuspule ant6rieur lingual manque dans les deux genres texam, le cingulum ant6ro-labial y est bien prononc6. Enfm t'hypoconide est anguleux comme dans la plupart des molaires tribo- sph6niques (il est cependant assez plat chezAlphadon). Au total, les deux genres albiens sont plus 6volu6s dans une direction tribosph6nique. Bien entendu les molaires inf6rieures attribu6es h Pappotherium et Holoclemensia des mEmes gisements sont encore plus 6volu6es, en particulier par l'att6nuation ou la disparition de la m6tacristide (Fox 1975).

P r o k e n n a l e s t e s K I E L A N - J A W O R O W S K A & D A S Z H E V E G 1989, de l'Aptien de Mongolie, est lug aussi 6volu6 h cet 6gard (en fait la m6tacristide persiste, mais att6nu6e et situ6e sur un plan diff6rent de la crete oblique), ainsi que dans la direction transversale du postvallum et dans la largeur du talonide ; mais il 6voque Hypomylos par la r6duction du paraconide et sa situation labiale par rapport au m6taconide, ainsi que par l'obliquit6 linguale du talonide (au moins sur PSS 40, Sigogneau-Russell et al. sous presse , en fait la ressernblance entre cet 6chantillon et la dent de Kermackia est remarquable, la principale diff6rence se situant au niveau de la crete

oblique, caract6rc il est vrai tr6s significatif d'un point dc vuc 6volutif).

Fox (c.p. 1~)1) fait remarquer la ressemblance entre SA 54 et certains 6chantillons de Potamotelses, chez qui le paraconide peut Etre r6duit et l'angle du trigonide tr6s ouvert. S'il est vrai que dans ce genre la forme de l'hypoconide, la petitesse de l'entoconide et la longueur du talonide rappellent SA 54, sur les molaires pubfi6es au moins (Fox 1972), le talonide est plus large, l'entoconide mieux individuafis6 et surtout le paraconide est 6gal au m6taconide et aussi lingualement situ6 ; enfin il existe un cuspule ant6ro-labial plus net que sur notre dent.

Si l'on se tourne maiutenant du c6t6 des formes tribo- sph6niques primitives, Kielantherium, de la mEme localit6 mongolienne que Prokennalestes, pr6sente comme Hypomylos une paroi post6rieure du trigonide oblique avec une forte m6tacristide, un paraconide plus petit que le m6ta- conide (au moins snr les molaires ant6rieures), et un cuspule ant6ro-lingual peu distinct. Cependant l'hypoconide y est plus anguleux, le bassin du talonide plus court (l'hypoconide et l'hypoconulide sont plus proches l'tm de l'autre) mais mieux d61imit6 par une nette entocristide. Ouant ~ Aegialodon que Fox (1976) propose de mettre en synonymie avec le pr6c6dent, il pr6sente en effet une paroi post6rieure du trigonide oblique, en rapport avec un tr6s petit proto- conide, mais il diff6re par de nombreux caract6res tant de IO'elantherium que d'Hypomylos : le paraconide est 6gal ou sup6rieur au m6taconide, le cuspule ant6rieur est mieux d6velopp6, le trigonide est plus large labio- lingualement. En fait la comparaison d6taill6e de SA 54 avec la dent du Wealdien montre une opposition pour 11 caract6res et la concordance pour 3 seulement (Tab. 1). Par ailleurs IO'elantherium et Aegialodon constituent certainement deux genres distincts, mais il taut insister sur le fait que l'unique molaire d'Aegialodon est tr6s us6e et qu'elle ne nous permet pas de cormaffre la variabilit6 le long de la rang6e dentaire teUe qu'on peut l'observer sur la mfichoire type de IO'elanthefium par exemple.

Hypomylos appara~ au total plus primitif que ces deux genres au niveau du talonide, c'est-h-dire du point de vue strictement tribosph6nique.

Si l'on compare maintenant Hypomylos avec le genre non tribosph6nique Peramus (Clemens & Mills 1971), on retrouve dans ce genre l'obliquit6 de la paroi post6rieure du trigonide (encore que la m6tacristide y soit moins saillante) ; le m6taconide est plus lingual que le paraconide (mais non pas plus gros), l'hypoconide est anguleux et plus gros que l'hypoconulide, dont il est d'aiUenrs plus proche , 1~ aussi il existe un cuspule ant6ro-lingual ;enfm le talonide n'est prafiquement pas excav6 et bien sftr tr6s oblique lingualement ; autrement

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dit les caract~res tribosph6niques y sont moins accentu6s que chez Hypomylos et les sp6cialisations de ce dernier genre nc sont pas prdsenles.

C O N C L U S I O N

Que la dent SA 54 repr6sente une 6tape primitive du point de vue tribosph6nique ne fait aucun doute ; en fait le d6veloppement du talonide, avec son hypoconide dispos6 longitudinalement, semble accentuer davantage la fonction coupante que la fonction broyeuse. Par ailleurs la r6duction du paraconide et la hauteur du trigonide ; ain~i que la position distale de l'hypoconulide sont habitueUement consid6r6es comme des traits euth6riens. Rappelons que Tribotheriurn au moins, par l'6troitesse du plateau labial post6rieur, se situerait lui aussi plut6t du c6t6 euth6rien. Si l'on ne peut plus soutenir une simple dichotomie marsupiaux-placentaires au cours du Cr6tac6 inf6rieur, il est possible de propo- ser (Butler 1990) une plus profonde et plus ancienne division (fro du Jurassique ?) en m6tath6riens-euth6- riens ; darts cette hypoth~se, chacun des deux ensembles comporterait plusieurs branches, parmi lesquelles la branche marsupiale et la branche placentaire auraient seules surv6cu. Toutefois, le fait que la plupart des taxons du Cr6tac6 inf6rieur ne soient repr6sent6s que par des dents isol6es doit nous contraindre/t une grande prudence daus des interpr6tations d'une port6e aussi g6n6rale que la d6finition et la composition d'infra- classes.

R e m e r c l e m e n t s - Je suis tr~s reconnaissante envers les Professeurs P. Butler et R.C. Fox, qui ont bien voulu relire le manuscrit et proposer d'int6ressantes suggestions.

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