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Lac de montagne. L’atome d’hydrogène est extrêmement abondant sur Terre, dans l’eau des lacs, des rivières et des océans ainsi que dans les combus- tibles fossiles. I. LES ÉNERGIES PRIMAIRES ET LEUR TRANSFORMATION l’hydrogène, vecteur énergétique d’avenir J. Demolin/DIAPHOR CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001 13 L’hydrogène sera la vedette énergétique du siècle qui débute, sans parler de l’implication de ses isotopes dans la fusion thermonucléaire contrôlée. Une fusion thermonucléaire qui, réalisée au cœur du Soleil, est d’ailleurs à la source de l’énergie solaire qui modifiera aussi peu ou prou le paysage énergétique. Utilisée pour elle-même, sous forme thermique, thermodynamique et surtout photovoltaïque, elle peut présenter un avantage pour certaines applications, si son coût est estimé sur la base de l’énergie distribuée au lieu d’utilisa- tion et non pas du seul coût de production. Abondante mais difficile à recueillir de par son caractère diffus (1 kW/m 2 au maximum), de l’alternance jour/nuit et des aléas météorologiques, elle reste inadaptée aux fortes intensités énergétiques. Elle n’en suscite pas moins un effort de R&D du CEA tandis que l’éolien, manifestation plus indi- recte de l’énergie solaire, peut utiliser les compétences acquises dans le nucléaire. L’autre lien entre énergie solaire et hydrogène est qu’elle permet aussi de produire celui-ci, indirectement via la pho- tosynthèse, à partir des sous-produits de la transformation de la biomasse, ou plus directement par la “digestion” de cette biomasse par des enzymes. Or l’hydrogène assure une fonction de stockage de l’énergie qui devrait faire de lui un vecteur énergétique complémentaire de l’électricité, justifiant un effort particulier du CEA. Il pourra d’ailleurs être également produit, via l’électrolyse de l’eau, par une filière électrogène non polluante comme le nucléaire (aux heures creuses) ou le solaire. Avec l’oxygène de l’air, il assurera une conversion directe en énergie électrique et en chaleur dans les piles à combustible ou pourra même être utilisé directement comme carburant.

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Page 1: I. LES ÉNERGIES PRIMAIRES ET LEUR TRANSFORMATION

Lac de montagne. L’atome d’hydrogène est extrêmement abondant sur Terre, dans l’eau des lacs, des rivières et des océans ainsi que dans les combus-tibles fossiles.

I. LES ÉNERGIES PRIMAIRES ET LEUR TRANSFORMATION

l’hydrogène, vecteur énergétique d’avenir

J. Demolin/DIAPHOR

CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001

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L’hydrogène sera la vedette énergétique du siècle qui débute, sans parler de l’implication de ses isotopes dans lafusion thermonucléaire contrôlée. Une fusion thermonucléaire qui, réalisée au cœur du Soleil, est d’ailleurs à lasource de l’énergie solaire qui modifiera aussi peu ou prou le paysage énergétique. Utilisée pour elle-même, sous forme thermique, thermodynamique et surtout photovoltaïque, elle peut présenterun avantage pour certaines applications, si son coût est estimé sur la base de l’énergie distribuée au lieu d’utilisa-tion et non pas du seul coût de production. Abondante mais difficile à recueillir de par son caractère diffus (1 kW/m2

au maximum), de l’alternance jour/nuit et des aléas météorologiques, elle reste inadaptée aux fortes intensitésénergétiques. Elle n’en suscite pas moins un effort de R&D du CEA tandis que l’éolien, manifestation plus indi-recte de l’énergie solaire, peut utiliser les compétences acquises dans le nucléaire. L’autre lien entre énergie solaire et hydrogène est qu’elle permet aussi de produire celui-ci, indirectement via la pho-tosynthèse, à partir des sous-produits de la transformation de la biomasse, ou plus directement par la “digestion”de cette biomasse par des enzymes. Or l’hydrogène assure une fonction de stockage de l’énergie qui devrait fairede lui un vecteur énergétique complémentaire de l’électricité, justifiant un effort particulier du CEA. Il pourrad’ailleurs être également produit, via l’électrolyse de l’eau, par une filière électrogène non polluante comme lenucléaire (aux heures creuses) ou le solaire. Avec l’oxygène de l’air, il assurera une conversion directe en énergieélectrique et en chaleur dans les piles à combustible ou pourra même être utilisé directement comme carburant.

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Si l’homme s’appuie aujourd’hui sur desvecteurs énergétiques bien maîtrisés (élec-tricité et combustibles fossiles liquides etgazeux), le durcissement inéluctable descontraintes va imposer une évolution de lanature de ces vecteurs. Leurs limites appa-raissent en effet clairement. L’électriciténécessite un réseau de distribution qui peutêtre vulnérable aux intempéries et qui a unimpact sur l’environnement (électromagné-tique et esthétique). Son inconvénient majeurest toutefois l’impossibilité de la stocker engrandes quantités. Les combustibles fossilessont handicapés par leur raréfaction pro-grammée à moyen terme et leur pollution,comme générateurs de CO2, redoutable gazà effet de serre visé par les accords de Kyoto(voir Énergies d’aujourd’hui et de demain).

Pour être compétitif, un nouveau vecteur,complémentaire de l’électricité, doit pouvoirrépondre à plusieurs critères : pouvoir êtreproduit à partir de différentes sources d’éner-gie primaire, fossiles et non fossiles, êtrefacilement transporté, stocké et distribué.Enfin, il doit être facile à convertir sous desformes finales d’utilisation : mécanique, élec-trique, chimique, thermique…

L’idée d’utiliser l’hydrogène comme vec-teur énergétique n’est pas nouvelle. Jules Verne,l’un de nos plus grands visionnaires, écrivaiten 1874 dans L’Île mystérieuse : “Je pensequ’un jour, l’hydrogène et l’oxygène seront lessources inépuisables qui fourniront chaleur etlumière.” Depuis, l’idée a poursuivi son che-min et fait maintenant l’objet d’un consensusde la majorité des acteurs énergétiques. Laseule question qui reste réellement posée est desavoir à quelle échéance le changement s’opé-rera. La réponse dépendra de la façon dontseront relevés les quatre défis de l’hydrogène :sa production, son utilisation comme com-bustible, son stockage et sa distribution.

L’hydrogène, auquel colle trop souvent uneimage de danger (les accidents de l’Hinden-burg et de Challenger, voire l’arme thermo-nucléaire), est pourtant paré de séduisantesqualités. Élément le plus abondant de notreunivers, il est léger, abondant et énergétique :sa densité d’énergie (120 MJ/kg) est élevéecomparée à celle de l’essence, par exemple(45 MJ/kg). Sa densité d’énergie volumiqueest en revanche plus faible, un litre d’essenceéquivalant, sur le plan énergétique, à 4,6 litresd’hydrogène comprimé à 700 bars.

C’est un carburant non polluant et nontoxique dont la combustion ne rejette que del’eau, et éventuellement un peu d’oxydesd’azote (si celle-ci se produit avec de l’air àhaute température). Seule son explosivité,dans des conditions particulières (milieuconfiné) pose des problèmes, parfaitementsolubles par ailleurs. Mais quel vecteur d’éner-gie ne présente aucun risque ? Parmi tous lesvecteurs existants ou imaginables, l’hydro-gène est le plus sûr dès lors qu’ont été identi-fiés et pris en compte les paramètres à gérer.Comme il est plus léger que l’air et qu’il dif-fuse très rapidement, son absence d’accumu-lation réduit les risques. Son transport (descentaines de km de gazoduc à hydrogène fonc-tionnent sans la moindre défaillance depuisplus de 70 ans) et son utilisation (plus de 6 mil-lions de tonnes par an dans le monde) s’ap-puient sur une longue expérience qui devraiteffacer les dernières réticences. Rien qu’enEurope, pas moins de 65 milliards de m3 sontproduits annuellement pour les besoins de lachimie et d’autres industries. Il faut aussi rap-peler que l’hydrogène entrait pour moitié dansla composition du gaz de ville au milieu dusiècle dernier.

HYDROGÈNE

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CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001

LES PROMESSES DE L’HYDROGÈNEUn vecteur énergétique qui aurait les vertus de l’électricité et des énergies fossiles sans en avoirles inconvénients : seul l’hydrogène peut prétendre ressembler à ce portrait-robot et justifierun programme de recherche significatif comme celui que vient de lancer le CEA. Il devrait s’imposer à terme, couplé à des nouvelles technologies, dont celle de la pile à combustible. L’enjeu ? Apporter des réponses satisfaisantes aux quatre questions de sa production, de son uti-lisation comme combustible, de son stockage et de sa distribution.

Le Square des photographes/AIR LIQUIDE

Usine d’hydrogène liquide destiné aux lanceurs Ariane

à Kourou, en Guyane française.En Europe, 65 milliards de m3

d’hydrogène sont déjà produitspour les besoins de la chimie et

d’autres industries.

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Si le gaz hydrogène (sous sa forme molé-culaire) n’existe quasiment pas dans la nature,l’atome d’hydrogène est extrêmement abon-dant sur notre terre, ne serait-ce que dans l’eaudes lacs, des rivières et des océans et évi-demment dans les combustibles fossiles.Aujourd’hui, 96 % de l’hydrogène produit etconsommé dans le monde (essentiellementpar les industries chimiques) proviennent dereformage du gaz naturel, c’est-à-dire d’uneénergie fossile. Aussi longtemps que cetteénergie primaire devra être utilisée pour satis-faire des besoins énergétiques, il n’est pasintéressant d’en transformer davantage enhydrogène. En effet, même si des gains derendement de conversion (donc des gainsd’émission de CO2) sont envisageables viade nouvelles technologies comme les piles àcombustible, ces gains seront presque annu-lés par l’effet multiplicatif du rendement dureformage du combustible fossile en hydro-gène. En clair, tant que les combustibles fos-siles seront indispensables, il semble préfé-rable de conserver les techniques actuelles detransformation, mais au fur et à mesure deleur substitution par des énergies renouve-lables, l’hydrogène s’imposera, couplé à cesnouvelles technologies. Il est indispensabled’utiliser l’hydrogène, produit sans gaz à effetde serre dans les piles à combustible pourconserver leur avantage en termes d’émissionde gaz carbonique. En effet, une pile à com-bustible utilisant le reformage de gaz naturelémet un peu plus de gaz carbonique que lesnouveaux moteurs diesels en préparation.Ceux-ci, couplés à une batterie (véhiculeshybrides) sont encore plus intéressants entermes d’émission de gaz à effet de serre.

Pour rester cohérent avec l’utilisationd’une électricité propre pour produire le com-bustible hydrogène, le CEA entend donc, pourle futur, suivre préférentiellement la voie del’utilisation directe de l’hydrogène dans lespiles à combustible, même si la voie du refor-mage des hydrocarbures peut être une étapeintermédiaire.

Trois grandes filières de production

Cet hydrogène sera nécessairement extraitde l’eau, mais comment sera-t-il fabriqué ?Trois grandes filières de production sont envi-sageables (et combinables entre elles) : l’oxy-dation de gaz ou de produits organiques d’ori-gine fossile ou végétale, l’électrolyse de l’eauet la production directe à partir de la bio-masse ou par l’utilisation de bactéries.

La voie la plus intéressante en termesd’émission de gaz à effet de serre apparaîtcelle de l’électrolyse de l’eau, sous réservequ’elle soit économiquement compétitive etréalisée à partir de sources d’énergie élec-trique elles-mêmes non productrices de gazà effet de serre. L’énergie nucléaire répond à

ces conditions. Une autre famille de procé-dés nucléaires fait appel à la chaleur produitepar des réacteurs à haute température (HTR)fournissant des calories vers 900 °C, pouralimenter des réactions thermochimiques etendothermiques de craquage de l’eau. Dansce cas, des rendements de l’ordre de 60 %paraissent réalistes. Dans l’hypothèse d’unrecours aux énergies solaires, stricto sensuou au sens le plus large, le mode de produc-tion dépendra de la forme considérée. S’ils’agit d’énergie photovoltaïque ou éolienne,l’électricité produite et non consomméedirectement sur le réseau produira, par élec-trolyse de l’eau, de l’hydrogène stocké surplace ou injecté dans un réseau spécifique.

Pour utiliser la biomasse, deux voies sontenvisagées : soit la production directe d’hy-drogène par photobiochimie (enzymes hydro-génases), soit la production de gaz méthane oud’alcool, ensuite transformés en hydrogènepar reformage (voir Produire de l’hydrogèneà partir d’eau et de lumière grâce auxmicroorganismes et Produire du carburantpar transformation thermochimique de la bio-masse).

Le rendement de production varie beau-coup selon l’énergie employée. Ainsi, pourproduire 1 kWh d’hydrogène utilisable, il faututiliser 3,3 kWh d’énergie hydraulique, 8 kWhd’énergie nucléaire (moins avec le nucléaireà haute température) et 20 kWh de solaire.

Quatre formes de stockage

Le problème du stockage se pose dès laproduction, centralisée ou décentralisée auniveau du distributeur, afin de l’adapter aumieux aux modes de consommation. Ce stoc-kage peut être mis en œuvre de quatremanières, selon les masses en jeu et la durée.L’hydrogène peut être transformé en un pro-duit hydrogéné (comme un alcool). Il peutêtre liquéfié, mais la très basse températurenécessaire (20 K) exige alors une isolationthermique onéreuse et conduit à des pertescomprises entre 0,1 % et 1 % par jour selonla taille du réservoir. Il peut être comprimédans un réservoir naturel (souterrain) ou arti-ficiel, fixe ou transportable. Dans ce domaine,les travaux auxquels a participé le CEA ontnotamment permis de développer des tech-nologies de stockage sûr de l’hydrogène à700 bars. L’hydrogène peut, enfin, êtreabsorbé dans des matériaux ad hoc : leshydrures et les nanostructures de carbone(nanotubes) apparaissent particulièrementséduisants mais seront-ils un jour compéti-tifs ? L’arrivée, dès 2005, des premières sériesindustrielles de piles à combustible dans ledomaine du transport nécessite d’évaluerrapidement les conditions de stockage del’hydrogène (Voir Comment stocker sûre-ment et efficacement l’hydrogène ?). Le CEA,qui étudie la faisabilité des différentes for-

mules, entend participer à l’évaluation d’in-frastructures adaptées, à l’élaboration desnormes et, d’une façon générale, à l’analysede la sûreté des installations mettant en œuvrel’hydrogène comme combustible.

Une utilisation optimisée

Quant à l’utilisation elle-même de l’hy-drogène, elle peut s’opérer soit par des voiesconnues et maîtrisées, comme les moteurs ther-miques, les turbines à gaz, les chaudières, etc.,sous réserve de certaines modifications, soitpar des voies nouvelles, dont la pile à com-bustible, très bon convertisseur d’énergie,est la plus prometteuse pour la productiond’électricité et de chaleur. L’hydrogène pour-rait aussi être utilisé pour produire des carbu-rants de synthèse par hydrogénation de la bio-masse ou, ajouté au gaz naturel, pour accroîtreson pouvoir calorifique. Ces dernières années,de grands progrès ont été réalisés dans laconception de piles. Le CEA y a activementparticipé avec pour objectif constant une fortediminution du coût de réalisation des piles,dans deux filières privilégiées (voir chapitreII). Dans le cadre de son programme hydro-gène, il entend en outre mettre l’accent surl’optimisation de ce combustible pour chaquetype de pile, mobile ou stationnaire, celle dessystèmes globaux et, in fine, celle de l’en-semble du cycle de l’hydrogène. ●

Thierry Alleau

et Christian NgôDirection de la recherche technologique

CEA/Fontenay-aux-Roses

CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001

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CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001

Au moment où la société industrielle com-mence à entrevoir la fin du pétrole relative-ment bon marché et où la prise de consciencecollective se tourne en faveur de la luttecontre l’effet de serre (encadré A, L’effet deserre), l’utilisation de la biomasse et desdéchets comme source d’énergie et/ou la four-niture d’hydrogène constitue une alternativeparticulièrement attrayante et un enjeu majeurpour l’avenir de la société. Les compétences,disponibles au Commissariat à l’énergie ato-mique (CEA), dans les domaines de la ther-mohydraulique, de la thermochimie ainsique de la conduite et de l’optimisation desprocédés sont des atouts déterminants pourassurer le développement et le transfert à l’industrie des technologies requises.

Les enjeux

La biomasse est constituée de tous lesvégétaux qui se développent à la surfacede la Terre. Elle effectue le captage et lestockage de l’énergie solaire qu’il estensuite possible de restituer sous forme decombustibles ou de carburants, sansimpact sur l’effet de serre, par des trans-formations plus ou moins efficaces auxplans énergétique et économique (figure 1).Quatre voies principales sont envisageables.

La première, la combustion (ou l’incinéra-tion), produit essentiellement de la chaleur àun niveau de température qui est limité, autourde 650 °C, par la présence dans les fuméesde l’azote introduit avec l’air et de vapeursacides ou de goudrons(1) condensables, quidonnent lieu à des phénomènes de corrosion.Dans ces conditions, la cogénération d’élec-tricité et de chaleur, au moyen d’un cycle àvapeur, ne conduit qu’à 30 % d’électricité et70 % de chaleur, laquelle est un complémentéconomiquement difficile à valoriser.

La deuxième voie est la méthanisation,réalisée par la fermentation anaérobie, c’est-à-dire la décomposition par action bacté-

rienne en absence d’air, de substances trèshumides comme les algues, les déjectionsanimales ou les déchets ménagers. Il est ainsipossible d’obtenir un mélange gazeux de méthane (50 à 60 %) et de gaz carbo-nique (35 à 40 %) rendant son utilisationcompliquée et restreinte à une combustionin situ pour la production de chaleur et d’élec-tricité.

Une troisième voie, la fermentation alcoo-lique, est adaptée aux produits saccharifères,contenant du sucre comme la betterave oula canne à sucre, ou amylacés, comportantde l’amidon telles les céréales. Après hydro-lyse et préparation d’une solution sucrée,soumise à la fermentation, de l’éthanol(2) estobtenu par distillation. Le rendement glo-

bal est largement pénalisé par la consom-mation élevée d’énergie associée à la culturedes plantes, et surtout par l’opération de dis-tillation qui limite la production à environ1,4 kWh pour 1 kWh consommé.

La transformation thermochimique, enfin,qui conduit à la gazéification des substancesorganiques et végétales, convient particu-lièrement bien à la valorisation des produitslignocellulosiques(3) comme le bois ou lespailles (encadré 1). C’est cette filière qui pré-sente le plus fort potentiel énergétique pourla fabrication de carburants avec un taux de2,5 à 3 kWh produits pour 1 kWh consommé.

Pour la France métropolitaine, la ressourcede biomasse lignocellulosique mobilisablepourrait fournir 15 % (30 Mtep/an) de la

HYDROGÈNE ET BIOMASSE

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Produire du carburant par transformationthermochimique de la biomasse

Jolyot/Campagne, Campagne

Vincent Kessler/SIPA PRESS

Ramassage et pressage de pailleen balles (en haut) ; forêts vos-

giennes dévastées par la tempêtede décembre 1999 (en bas). Le

bois et la paille peuvent être valo-risés par transformation en un

combustible capable de produiresimultanément de l’électricité etde la chaleur ou en un carburant

propre, comme l’hydrogène ou le méthanol.

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consommation actuelle d’énergie primaire(encadré B, Chaînes et systèmes énergé-tiques). Cela nécessiterait de récolter les rési-dus de l’exploitation forestière (rémanents)et d’exploiter les taillis qui, aujourd’hui, sontabandonnés et nuisent à la productivité desforêts. Il faudrait par ailleurs collecter lesrésidus agricoles (pailles) qui, pour l’instant,sont éliminés dans des proportions inutile-ment élevées, par enfouissement dans le sol.Il s’agirait encore d’imaginer la bonne façonde tirer profit des 15 % de la surface agri-cole inutilisés pour les productions alimen-taires, en y cultivant des plantations énergé-

tiques herbacées ou lignocellulosiques, selonle type de terrain et le climat. Il serait enfinimportant d’améliorer la qualité du tri, pourmieux assurer la valorisation de la biomassequi, en fin de cycle, revient sous forme dedéchets (bois, papiers, cartons…).

Ce double enjeu de production de car-burants propres et de valorisation énergé-tique des déchets constitue un réel défi pourla société dans les prochaines décennies.Cela explique que le CEA ait jugé néces-saire d’engager ses compétences pourcontribuer à la recherche des solutions lesmieux adaptées.

Des verrous technologiques

Les verrous technologiques se situent àdifférents niveaux (encadré 1). La gazéifi-cation de la biomasse, ainsi d’ailleurs quecelle du charbon, n’est pas une possibilitérécente. Elle a notamment été pratiquée avantet pendant la Deuxième Guerre mondiale afinde compenser la pénurie des produits pétro-liers. Cependant, elle a été très vite abandon-née dès que les carburants d’origine fossilesont redevenus disponibles à faible prix. Cen’est donc pas la faisabilité de la gazéifica-tion qu’il s’agit aujourd’hui de démontrermais plutôt l’amélioration de sa fiabilité etla progression de sa rentabilité économiqueen s’appuyant sur de nouvelles bases qui sontla fin du pétrole relativement bon marché,la prise en compte de la lutte contre l’effet

de serre et la nécessité de créer des emplois,en milieu rural particulièrement.

Parmi les verrous sur lesquels les compé-tences du CEA peuvent s’exercer, trois appa-raissent essentiels. Ils conditionnent le coûtde fonctionnement d’une installation ou met-tent en cause sa fiabilité de fonctionnement.

Le premier concerne le prix de la matièrepremière, fortement influencé par les diffi-cultés de collectage, de stockage et de trans-port dans les milieux agricoles et forestiers.Pour abaisser les coûts, il est possible de relâ-cher les contraintes sur la nature et l’homo-généité des matériaux, notamment en accep-tant de traiter simultanément de la biomasse“propre” et d’autre part des déchets dont l’éli-mination est rentable. Il faut pour cela déve-lopper des technologies suffisamment flexi-bles et disposer d’une connaissance précisedu comportement thermique et chimique desmatières à transformer.

Le deuxième verrou tient à l’efficacité dela transformation, qui fixe la quantité dematière à utiliser pour produire une quantitéd’énergie donnée. L’optimisation du fonc-tionnement des installations nécessite destravaux expérimentaux permettant d’établiret de qualifier une modélisation de l’en-semble du procédé, qui aidera ultérieurementà la conception et au contrôle du fonction-nement d’unités performantes. Trois opéra-tions essentielles doivent, dans ce but, êtreétudiées et analysées séparément. La ther-molyse d’abord, dont les conditions opéra-toires influent sur les fractions gazeuse ousolide qui en résultent. Ensuite le traitement,si possible catalytique, des goudrons et desacides contenus dans la fraction gazeuse, leurélimination pouvant être accélérée ou obte-nue à des températures plus basses, en pré-sence de réactifs bien choisis. Enfin, la gazéi-fication à la vapeur de la fraction solide pourlaquelle la technique des lits fluidisés sembleparticulièrement adaptée (encadré 2).

Un troisième verrou est constitué par uneincompatibilité entre les niveaux de tempé-ratures à atteindre pour, d’une part, éliminerles composés acides et les goudrons et,d’autre part, éviter les risques de fusion descendres. Le craquage thermique des pre-miers n’est obtenu que vers 1 000 à 1 100 °Calors que dès 900 °C les seconds apparaissentavec la formation d’agglomérats de mâche-fer(4) qui entraînent des risques de rétentionet de blocage des matières en cours de trans-formation.

C’est donc au prix d’une analyse fine etdétaillée des différents matériaux utilisables

CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001

ressources filières usages énergétiques

électricité

betteraves

mélasse

égouts de sucrerie

céréales

transestérification

hydrolyse

hydrolyseenzymatique

fermentationanaérobie

gazéificationà l’oxygène

gazéification à l’air

fermentationalcoolique

combustion directe

carbonisation - pyrolyse

combustion directe

cogénération

carburants

huiles

esters

éthanol

ETBE

méthanol

MTBE

gaz pauvre

plantesoléagineuses

bois, paille

végétaux secs

orduresménagères

algues

déjections animales

déchetsagro-alimentaires

boues de stationsd’épuration

sucres

bio-gaz(méthane)

chaleur

(D’après l’Ademe)

Figure 1. Les différentes filières de valorisation énergétique de la biomasse. ETBE : éthyl-tertio-butyl-éther ; MTBE :méthyl-tertio-butyl-éther.

(1) Huileux, visqueux et de couleur brune ounoire, les goudrons sont des sous-produits dela distillation ou de la carbonisation de lahouille ou du bois.(2) Alcool (C2H5OH) dérivé de l’éthane (C2H6),un hydrocarbure gazeux.(3) Formés de lignine et de cellulose. La lignineest une substance organique complexe, consti-tuant principal du bois, qui imprègne les cel-lules, les fibres et les vaisseaux conducteurs,les rendant imperméables, inextensibles etrigides. La cellulose est un produit macromo-léculaire du groupe des glucides, polymère duglucose, composant essentiel et caractéristiquede la paroi des cellules végétales.(4) Résidu de combustion, notamment de lahouille et du bois, résultant de la fusion et dela solidification des sels minéraux qui compo-sent les cendres.

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CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001

et des multiples opérations thermochimiquesà exécuter qu’il sera possible de concevoirles technologies adaptées puis d’optimiseret de contrôler les usines de gazéification quipermettront de produire les carburants renou-velables de demain.

Des compétences dans deux domaines essentiels

Le CEA dispose de compétences et demoyens expérimentaux dans les deuxdomaines essentiels que sont le traitementthermique des matériaux et des déchets végé-

taux ou organiques ainsi que la conception,la modélisation et l’optimisation d’unités etde procédés industriels mettant en œuvre lathermique et la thermohydraulique.

Les équipes de sa Direction de l’énergienucléaire chargées du cycle du combustibleont acquis une solide expérience dans les opé-rations de thermolyse, d’incinération et devitrification de déchets en tous genres, et pos-sèdent sur les sites de Marcoule et de Cada-rache des équipements de laboratoire (fourset moyens d’analyse) nécessaires à la carac-térisation des produits susceptibles d’être rete-nus. Depuis le milieu de l’année 2000, des

campagnes de caractérisation sont menées à Cadarache. Dans un premier temps, ellesont porté sur la thermolyse de bois, de pailleou de grains de céréales mais aussi de farinesanimales et de boues de stations d’épuration des eaux urbaines ou encore de papiers et de cartons ou autres résidus non recyclables.Une priorité pour 2001 concerne, dans undeuxième temps, l’étude, après adaptation desmoyens expérimentaux, du traitement des gazde thermolyse pour en éliminer les goudrons.Les équipes en charge de l’étude des réacteursnucléaires mobiliseront pour leur part, sur lesite de Grenoble, leur large compétence dans

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Une succession d’opérations lourdes et contrôlées1

70 % de leur masse devenue gazeuse alorsque 30 % de la masse d’origine demeuresolide et représente le charbon de bois,essentiellement constitué de carbone (C).La gazéification du carbone se poursuitjusque vers 900 ou 1 000 °C à l’aide d’unréactif comme l’air, l’oxygène (O2) ou lavapeur d’eau (H2O), qui réalise une oxy-dation plus ou moins complète du car-bone en monoxyde de carbone (CO) ouen gaz carbonique (CO2). L’utilisation

d’air, à ce stade, est peu coûteuse maisintroduit dans le produit final de l’azoteindésirable. L’oxygène, provenant de ladistillation de l’air, est cher et dange-reux. De plus, il favorise la formationd’oxyde de carbone. Avec la vapeur d’eauen tant que réactif, une quantité supplé-mentaire d’hydrogène (H2) est récupé-rée. Toutefois, un moyen de chauffageannexe doit être employé, par exemplepar combustion de carbone ou de gaz depurge résiduels. L’obtention d’un gaz debonne qualité et non corrosif nécessitel’élimination des acides et des gou-drons(1) résultant de la thermolyse. Il fautpour cela porter ces produits aux envi-rons de 1 000 ou 1 100 °C afin de réali-ser leur dégradation thermique (cra-

quage) ou effectuer vers 800 à 900 °Cune réaction catalysée qui permet d’évi-ter la fusion des cendres et la créationde mâchefers(4) constatées entre 900 et1 000 °C, phénomènes risquant de nuireau bon fonctionnement du gazogène.

Le gaz obtenu peut être brûlé dans unmoteur ou une turbine à gaz pour pro-duire de l’énergie mécanique ou de l’élec-tricité. Il peut aussi conduire à la syn-thèse d’hydrocarbures (méthanol,diméthyl-éther(5)…) utilisables directe-ment comme combustible ou vecteurd’énergie ou encore matière première del’industrie chimique. Il est possible, enfin,de raffiner le gaz de biomasse pour enextraire l’hydrogène qui deviendra parcette filière le combustible propre etrenouvelable dont les piles à combus-tible auront besoin.

Il est important de remarquer que lamême quantité de gaz carbonique estémise par oxydation lente du bois aban-donné à l’air libre (pourrissement) ou paroxydation rapide lors d’une (bonne) com-bustion génératrice d’énergie. Cette quan-tité de gaz carbonique étant celle que laplante a utilisée pour sa croissance, il enrésulte une parfaite neutralité pour l’en-vironnement et l’impact sur l’effet de serre.

La filière thermochimique de thermo-

lyse et de gazéification de la biomasse

(schéma) comporte une succession d’opé-rations qui nécessitent simultanément letransfert de grandes quantités de chaleuret le contrôle de la proportion et du tempsde contact des réactifs en présence.

Après l’opération de séchage, trèsendothermique, la thermolyse consisteen la dégradation thermique des produitsqui aux alentours de 600 °C ont perdu

biomasse cellulosehémicelluloseligninehumidité 20 à 30 %

séchage matière sèche : C6H7O4

chaleur

gazéification

combustion

chaleur

synthèse purification

chaleurC + CO2

C + H2O2 CO

chaleur120 à 150 °C

thermolyse gaz = CO-CO2-CH4-H2jus condensables :

eau, acide acétique,acide formique, acétone,méthanol, acétate de méthyle,phénol, créosote

goudronscharbon de bois :

carbone + sels minéraux

500 à 600 °C

900 °C1 100 °C

début de fusion des cendresfin du craquage des acides et des goudrons

70 %en masse

30 %en masse

airou oxygèneou vapeur d’eau

CO + H2O

CO + H2

CO2 + H2

excès d’azoteexcès d’oxyde de carbone

gaz de synthèse CO, H2+ CH4+CO2+…

chaleurélectricité

énergie mécanique

chaleurcarburant liquide

(méthanol)

chaleurhydrogène

HYDROGÈNE ET BIOMASSE

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l’Association générale des producteurs de blé(AGPB) et l’Institut technique des céréales etfourrages (ITCF) sont impliqués. Enfin, pour cequi concerne les ressources lignocellulosiques,les services dépendant du ministère de l’Agri-culture et de la Forêt sont concernés au même

l’analyse et la modélisation des processusthermiques et thermohydrauliques afin d’amé-liorer la compréhension et la connaissancedes procédés de base, tels que le séchage et lathermolyse des matériaux puis la gazéificationà la vapeur des résidus carbonés.

Deux objectifs principaux ont été fixés pourles prochaines années. Le premier concernel’étude et la maîtrise du composant clé queconstitue le réacteur à lit fluidisé (encadré 2).Le deuxième, plus global, a pour objet lamodélisation de l’ensemble du procédé dansle but de se doter d’outils pouvant servir à lafois d’aide à la décision quant aux choix desproduits à gazéifier, ou de moyens de concep-tion ou d’optimisation des futures installa-tions. C’est donc tout d’abord sur les opéra-tions de thermolyse et de gazéification queporteront l’essentiel des activités dévelop-pées par le CEA. Au-delà, il faudra envisagerles différentes façons de transformer ou d’uti-liser le gaz de synthèse, soit comme com-bustible de cogénération (50 % d’électricité,50 % de chaleur), soit comme source de car-burants, sous forme gazeuse tels l’hydrogèneou le méthane, ou sous forme liquide tels le méthanol, le diméthyl-éther(5) ou d’autreshydrocarbures de synthèse.

Tout au long du programme, des collabo-rations seront établies avec un réseau étendude partenaires nationaux ou européens. Dansle domaine des connaissances de base, des relations sont engagées ou sur le pointd’aboutir avec plusieurs groupes de recherchepublique et universitaire. Fort de son expé-rience du traitement des goudrons et de lamise en œuvre des lits fluidisés circulants, leLaboratoire de recherche sur le matériau bois(LERMAB), implanté à l’Université de Nancy(Meurthe-et-Moselle) et associé à l’Écolenationale supérieure des technologies et indus-tries du bois (ENSTIB) à Épinal (Vosges), estd’ores et déjà très actif. Des industriels, sus-ceptibles à terme de construire des installa-tions, sont invités dès l’origine à apporter leurcontribution dans la mise en place et le dérou-lement des programmes. C’est notamment lecas de Traidec qui, à Sainte-Foy-l’Argentière(Rhône), construit des thermolyseurs pourl’élimination de déchets industriels ou ména-gers, et de la Société de construction indus-trielle de la Méditerranée (CNIM) à la Seyne-sur-Mer (Var), qui est le plus gros constructeurfrançais d’unités d’incinération de déchets etd’usines de cogénération à partir de résidusagricoles dans les DOM-TOM. Pour la prospec-tion et la mise à disposition des ressources,les agriculteurs regroupés sous l’égide de

CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001

La gazéification à la vapeur

en réacteur à lit fluidisé

Dans un réacteur à lit fluidisé

(schéma), la gazéification à la vapeurdes résidus solides de la thermolyse,essentiellement du carbone (C) et 5 à10 % de sels minéraux, s’effectue vers700 à 800 °C dans des conditions biencontrôlées d’homogénéité de tempé-rature et de concentration des réac-tifs. La réaction endothermique, ditedu gaz à l’eau, entre le carbone (pointsnoirs sur le schéma) et la vapeur d’eauH2O (fond bleu) produit un mélangede monoxyde de carbone (CO) et d’hy-drogène (H2), appelé gaz de synthèse.La chaleur de réaction est fournie parun fluide caloporteur (points ocre) misen circulation à contre-courant entrele réacteur de gazéification, où il estdispersé pour réaliser un apport dechaleur homogène, et un four de

chauffage à lit entraîné, où il est portéà environ 900 °C par combustion àl’air de résidus extraits du procédé(poussières et particules solides nongazéifiées ou gaz de purge non utili-sables comme, par exemple, dumonoxyde de carbone en excès ou duméthane). La température maximalede 900 °C permet d’éviter la fusion descendres et la formation des mâche-fers(4) qui risqueraient d’entraver lesmouvements des particules. Le choixen tant que caloporteur d’un matériauriche en calcium et en magnésium, telle sable de dolomite, procure un effetbénéfique de catalyse des réactionsde gazéification et d’élimination desgoudrons(1), ainsi produites soit en untemps plus court, soit à des tempéra-tures plus basses.

2

fumées + cendres

gaz de synthèse+ cendres

fluidecaloporteur(sable)distribuéen pluie

lit entraînéde caloporteur

réacteur à lit fluidiséde gazéification

à la vapeur(C + H2O → CO + H2)

biomasse ourésidus solidesde thermolyse

four dechauffageà 900 °C

recyclage ducaloporteur

poussièrescombustiblesou gaz depurge

vapeur d’eau700 à 800 °C

air

(5) Hydrocarbure de composition CH3�O�CH3de propriétés physiques intermédiaires entre cellesdu butane et du propane se présentant à l’étatliquide à 20 °C sous une pression de 5,3 bars.

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CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001

titre que les grandes scieries. Dans le but depréparer ou de développer des applications,des contacts sont établis avec des groupescomme EDF-GDF et Dalkia (groupe Vivendi).Des relations sont également engagées auniveau international, en particulier avec desindustriels et des universitaires du Danemark,pays qui conduit une politique très volonta-riste dans le domaine des énergies renouve-lables.

Une source d’hydrogèneabondante

La biomasse, forme d’énergie solaire trans-formée, est capable de couvrir une part impor-tante de la consommation énergétique d’unpays comme la France de manière durable.En plus des formes traditionnelles d’énergie,thermique ou électrique, la biomasse peutconstituer une source abondante de ce car-

burant propre que l’hydrogène est appelé àdevenir. Des programmes de recherche et dedéveloppement sont engagés dans ce sens.Le CEA devrait y apporter une large contri-bution au sein de groupements de recherchepluridisciplinaires et multinationaux. ●

Gérard ClaudetDirection de l’énergie nucléaire

CEA/Grenoble

20

CEA

Banc de thermolyse à four tour-nant du CEA/Cadarache. L’alimen-

tation en biomasse se fait par latrémie conique située sur la

droite. Les résidus solides sontcollectés en bas à gauche. Les

résidus gazeux sont prélevés ettraités à gauche vers le haut. Au

second plan, à gauche, se trouvel’étage de purification et de

lavage des fumées.

Produire de l’hydrogène à partir d’eau et de lumière grâce aux microorganismes

HYDROGÈNE ET BIOMASSE

IBS/CEA-CNRS

Structures moléculaires deshydrogénases à fer (gauche)

et à nickel-fer (droite), enzymescapables de catalyser la produc-

tion d’hydrogène. Les grandes et petites sous-unités protéiques,

représentées sous forme deruban, apparaissent respective-

ment en bleu et en rouge.Chaque hydrogénase possède

trois agrégats fer-soufre (sphèresrouges et jaunes ou rouges et

vertes) qui servent de relais pourle transport d’électrons vers le site actif enfoui au centre

de l’enzyme.

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Les biologistes savent depuis un siècle queles bactéries capables de photosynthèse etles algues sont aptes à fabriquer de l’hydro-gène gazeux sous l’action de la lumière (enca-dré 1). Cependant, ce n’est qu’à partir desannées soixante-dix, après la première crisepétrolière, que la production biologique d’hy-drogène a été envisagée tout d’abord auxÉtats-Unis. Les travaux ont en premier lieuporté sur des systèmes photosynthétiquesreconstitués (chloroplastes isolés couplés àl’enzyme hydrogénase et à une ferré-doxine), sur des cyanobactéries (algues bleu-vert qui réalisent la photodissociation del’eau) et sur les bactéries photosynthétiques.La recherche de nouvelles technologies per-mettant la production et l’utilisation d’uneénergie propre et renouvelable a remis récem-ment sur le devant de la scène la productionbiologique d’hydrogène, en particulier grâceaux capacités des microalgues.

Selon le même processus que les plantes,les microalgues ont la faculté de photooxy-der les molécules d’eau en oxygène et enespèces fortement réductrices. Le pouvoirréducteur ainsi formé est employé par l’orga-nisme photosynthétique pour assimiler le gazcarbonique sous forme de sucre, grâce aucycle de Calvin (encadré 1). De manière sim-plifiée, l’absorption d’un photon par les molé-cules de chlorophylle conduit à une séparationde charges au niveau des photosystèmes I etII, fonctionnement similaire à celui d’une pho-topile. Ces réactions photochimiques per-mettent la photolyse de l’eau en oxygène,avec création d’espèces très fortement réduc-trices, les ferrédoxines. Dans certaines condi-tions, les molécules de ferrédoxine interagis-sent avec une hydrogénase, enzyme quicatalyse la production d’hydrogène à partirde deux protons (2 H+) et de pouvoir réduc-teur. Globalement, deux molécules d’hydro-gène et une d’oxygène sont obtenues à partirde deux molécules d’eau et d’énergie solaire.

Deux principaux freins biologiques limi-tent la production continue d’hydrogène parles microalgues selon ce processus. Toutd’abord, l’hydrogénase est extrêmement sen-sible à l’oxygène créé lors de la photodisso-ciation. D’autre part, le pouvoir réducteurformé au niveau du photosystème I doit êtredétourné de sa fonction naturelle, la réduc-tion du gaz carbonique en sucre, et réorientévers l’hydrogénase. Ces deux obstacles ontjusqu’à présent restreint les applicationspotentielles de la production biologique d’hy-drogène. Les progrès récents de la biologiemoléculaire et de la biologie structurale per-mettent d’envisager de nouvelles approchesen contrôlant l’expression des enzymes impli-quées, notamment au niveau des chloro-plastes, ou en modifiant la structure deshydrogénases pour les rendre insensibles àl’oxygène, afin d’ouvrir la voie à des solu-tions opérationnelles.

Sensibilité de l’hydrogénasevis-à-vis de l’oxygène

L’objectif à terme est d’éviter l’inhibitionde l’hydrogénase par l’oxygène. Ceci peutêtre réalisé en éliminant l’oxygène au fur età mesure de sa production, en effectuant unbalayage par un gaz neutre comme l’azote,par exemple. Cette approche apparaît coû-teuse et techniquement complexe. Une autreapproche consiste à essayer de sélectionnerdes hydrogénases résistantes à l’oxygène. Plu-sieurs tentatives infructueuses ont été menéesdans le passé. Aux États-Unis, des travauxrécents de l’équipe du Dr. Michael Seibert(National Renewable Energy Laboratory, Gol-den, Colorado) ont conduit à la sélection d’hy-drogénases résistantes. Toutefois, l’améliora-tion est faible et l’enzyme reste sensible à desconcentrations d’oxygène relativement basses,imposant un balayage important.

Les structures moléculaires de deuxgrandes familles d’hydrogénase ont été obte-nues à l’Institut de biologie structurale Jean-Pierre Ebel (IBS) à Grenoble et l’arrangementde leur site actif a été déterminé (encadré 2).La connaissance approfondie de la structurede cette enzyme permet d’envisager la modi-fication, par mutagenèse dirigée, de son siteactif afin de le rendre résistant à l’oxygène etaussi à d’autres produits de réaction tels quele monoxyde de carbone… En effet, des tra-vaux réalisés à l’IBS ont également montréque l’hydrogène accède au site actif enfoui

dans la molécule par des canaux hydro-phobes. En bloquant ces canaux partielle-ment, il devrait être possible d’empêcherl’oxygène d’arriver au site actif sans pourautant bloquer l’accès à l’hydrogène, beau-coup plus petit.

Aiguillage des électrons vers l’hydrogénase

Il a été mis en évidence que dans desconditions où le photosystème II n’est pasactif (inhibition, mutants en étant dépour-vus), la microalgue Chlamydomonas restecapable de produire de l’hydrogène souslumière à partir d’un substrat carboné. Cesmécanismes alternatifs de transferts d’élec-trons, regroupés sous le nom de chlorores-piration (encadré 1), sont étudiés depuis plu-sieurs années au Commissariat à l’énergieatomique (CEA) par la Direction des sciencesdu vivant sur le site de Cadarache. Une voierécente de production d’hydrogène, tirantparti de ces mécanismes réactionnels, a der-nièrement été explorée par le groupe d’Anas-tosios Melis (Université de Berkeley, États-Unis). Toutefois, le rendement obtenu(nombre de molécules d’hydrogène produitpar photon absorbé) est bas, une étape limi-tante de ces processus étant le faible débitdes transferts alternatifs d’électrons qui sontsous le contrôle d’enzymes peu abondantes.L’identification de ces enzymes est en cours.Lorsqu’elle sera terminée et que les gènes

CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001

Coupe observée en microscopie

électronique d’unemicroalgue Chlamy-

domonas d’unelongueur d’environ

10 µm. N représente le noyau, m une mito-

chondrie (siège de l’activité respiratoire),

cp un chloroplaste (leslamelles correspondentaux thylakoïdes), am un

grain d’amidon, f lesflagelles et p la paroi.

Dr Jacqueline Olive/CNRS-INSTITUT JACQUES MONOD

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CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001

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Photosynthèse, chlororespiration et production d’hydrogène

chez la microalgue verte Chlamydomonas

1

thylacoïdiennes tandis que les réactionsmétaboliques ont lieu dans le milieuliquide interne (ou stroma) du chloro-plaste.

Certains organismes photosynthé-tiques, tels que l’algue verte unicellulaireChlamydomonas, sont capables de seservir du pouvoir réducteur formé par lePS I pour produire de l’hydrogène molé-culaire (H2). Cette réaction, catalysée

par une enzyme - l’hydrogénase -, faitintervenir des protons (H+) comme sub-strat accepteur d’électrons. L’éclairementd’une suspension d’algues placées enconditions anaérobies permet de visua-liser la compétition existant entre cesdeux voies d’utilisation des électrons : laréduction du gaz carbonique et la pro-duction d’hydrogène. Dans un premiertemps, les électrons issus du PS II et du

PS I sont dirigés vers l’hydrogénase.Cependant, l’accroissement de la concen-tration en oxygène dans le milieu, qui aun effet inhibiteur sur l’hydrogénase, etle déclenchement du cycle de Calvinconduisent à un arrêt rapide de la pro-duction d’hydrogène (figure 2a).

Au cours de ces dernières années,diverses autres voies de transferts d’élec-trons ont été décrites. Elles font notam-ment intervenir la réduction ou l’oxy-

dation non photochimique, c’est-à-direne dépendant pas de l’action des PS I etPS II, des molécules de PQ par l’inter-médiaire d’enzymes telles qu’une NADHdéshydrogénase (NDH, voir figure 1) ouune quinol oxydase. Ces voies nouvelles,qui témoignent de la présence d’unechaîne respiratoire au sein même duchloroplaste, sont plus connues sous lenom de chlororespiration. L’existencede ces voies alternatives de transfertsd’électrons permet de faire fonctionner laproduction d’hydrogène de manière pro-longée en anaérobie, dans des conditionsoù le PS II et le cycle de Calvin sont inhi-bés, en utilisant les réserves carbonées[CHO]n comme donneur d’électrons auxmolécules de PQ via la NDH (figure 2b).Toutefois, ces réserves étant limitées,l’algue doit les reconstituer lors d’unephase photosynthétique productriced’oxygène.

Lors de la photosynthèse, l’énergielumineuse captée par les molécules dechlorophylle des antennes collectrices(LHC) des photosystèmes I et II (PS I etPS II) est transmise aux centres réac-tionnels P700 et P680, aboutissant à uneséparation de charges. Au niveau du PS II,la charge négative permet la réduction

d’un accepteur primaire d’électrons, laphéophytine(1), puis celle de plastoqui-

nones (PQ), petits transporteurs d’élec-trons solubles dans la membrane thyla-

coïdienne. L’accumulation de 4 chargespositives du côté donneur du PS IIconduira à la photodissociation de l’eau(H2O) et à la production d’oxygène molé-culaire (O2). Les plastoquinones réduitesPQ(H)2 servent de donneur d’électronsau PS I, via une petite protéine solublecontenant du cuivre, la plastocyanine

(Pc). Le complexe cytb6-cytf représenteun carrefour important des trajets d’élec-trons. Sous l’action de la lumière, le PS Iréduit la ferrédoxine (Fd) puis leNADP+, par l’intermédiaire de la pro-téine FNR, en NADPH. De l’ATP est syn-thétisé à partir d’adénosine-diphosphate(ADP) et de phosphate inorganique (Pi)grâce au gradient électrochimique trans-membranaire formé à la lumière. NADPHet ATP sont ensuite utilisés pour la réduc-tion du gaz carbonique (CO2) au coursd’un ensemble de réactions métaboliquesoù intervient l’enzyme ribulose diphos-phate (RuBP). Ces réactions, connuessous le nom de cycle de Calvin, consti-tuent la voie principale d’incorporationdu carbone (C) dans la matière vivante(figure 1). Ces réactions se produisentdans le chloroplaste, compartiment spé-cifique des cellules végétales. Les réac-tions de transferts d’électrons sont prin-cipalement cantonnées aux membranes

(1) Véritable accepteur primaire décou-vert bien après la mise en évidence durôle d’une molécule de quinone Q0comme accepteur.

Pc

PQ(H)2P680

P700

PS II

NADPH

O2+

4 H+

2 H2O

FNRH+

H+

ATPADP+Pi

cytf

NAD(P)H

NDH

NAD(P)+

cycle de Calvin

RuBP CO2

hydrogénase

[CHO]n

PS I

2 H+H2

LHC LHC

[CHO]n

NADP+

cytb6

Fd

Figure 1. Les principales réactions de transferts d’électrons et les réactions métaboliquesrégissant la photosynthèse et la production d’hydrogène au sein des chloroplastes de lamicroalgue Chlamydomonas. Les réactions liées à l’hydrogénase sont en rose et celles ratta-chées à la chlororespiration sont en bleu.

temps (min)

conc

entr

atio

n (m

icro

mol

e/lit

re)

00 2 4 0 2 4 6

1

2

3

4a b

H2

O2

Figure 2. Production d’hydrogène lors de l’éclairement (flèche verticale) d’une suspensionde microalgues Chlamydomonas placées en conditions anaérobies. En a, échantillontémoin ; en b, échantillon pour lequel le PS II et le cycle de Calvin ont été inhibés.

HYDROGÈNE ET BIOMASSE

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CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001

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seront repérés, il sera alors possible de lesplacer sous le contrôle de promoteurs fortsafin d’augmenter l’abondance des protéinesimpliquées et ainsi le rendement des trans-ferts d’électrons associés.

Les techniques moléculaires donnent éga-lement les moyens de contrôler les réactionsphotosynthétiques qui freinent le transfertd’électrons vers l’hydrogénase. Une solutionconsisterait à réaliser l’expression condition-

nelle d’une sous-unité essentielle du photo-système II placée sous le contrôle d’un pro-moteur. Ceci conduirait à entrer à la demandedans une phase de production d’hydrogèneen exploitant pleinement le potentiel des cellules. Une des sous-unités essentielles de l’enzyme responsable de la fixation dugaz carbonique pourrait être sous le contrôle du même promoteur, ce qui permettrait d’aiguiller les électrons sur l’hydrogénase.

Les hydrogénases2

de Fe et de Ni, a été identifié commeétant une espèce oxo sur la base de don-nées spectroscopiques et de la densitéélectronique.

Une analyse topologique de l’hydro-génase et une étude cristallographique,où du xénon sous pression a été diffusédans les cristaux, révèlent l’existenced’une grande cavité hydrophobe reliéeelle-même au site actif et à la surface dela molécule par des canaux entièrementou partiellement hydrophobes. Des cal-culs de dynamique moléculaire suggè-rent que ce réseau pourrait être utiliséde manière exclusive pour transférer,voire même stocker, l’hydrogène du siteactif vers la surface ou inversement.

Les hydrogénases à Fe ont été quant àelles beaucoup moins étudiées. La struc-ture cristallographique de l’hydrogénasede la bactérie Desulfovibrio desulfuri-

cans n’a été déterminée, à 1,5 Å (1 Å =10-10 m) de résolution, à l’IBS que trèsrécemment, en 1999. Les aspects qui ontété plus particulièrement abordés sontla structure du site actif et du possiblesite de fixation de l’hydrogène ainsi quela comparaison entre les hydrogénases àFe et à NiFe. L’analyse détaillée, réali-sée à Grenoble, a permis de visualiserl’ensemble des 6 atomes de Fe, appelé“cluster H”. Cet agrégat peut être séparéen deux groupes fonctionnels : un centre[4Fe4S], typique de ferrédoxines, et uncentre à 2 Fe avec une coordination sansprécédent en biologie. Le premier consti-tue, très probablement, un centre detransferts d’électrons tandis que ledeuxième correspondrait au site actifproprement dit. Le centre à 2 Fe estcoordonné par plusieurs ligands non pro-téiques. En fonction de l’environnementchimique, des données de spectrosco-pie infrarouge et de la densité électro-nique, ces ligands ont été identifiéscomme étant deux molécules demonoxyde de carbone, deux moléculesde cyanure, un propanedithiolate et unmonoxyde de carbone pontant. Un desdeux ions Fe (Fe2) possède un site decoordination vacant susceptible d’êtrele site de fixation de l’hydrogène molé-

culaire. Cette hypothèse est confortéepar le fait qu’il existe une cavité hydro-phobe, semblable à celle observée chezles hydrogénases à NiFe, qui va de la sur-face de la protéine jusqu’au site actif oùelle pointe vers le Fe2.

Les hydrogénases à Fe et à NiFe neprésentent pas d’homologie de séquenceen acides aminés ni de fortes homolo-gies structurales. Cependant, étant donnéqu’elles ont la même activité cataly-

tique, toute analogie entre les deuxenzymes peut être considérée commeimportante pour cette fonction. Un desaspects les plus remarquables des sitesactifs de ces enzymes est la présencedans la sphère de coordination du fer deligands diatomiques tels que le monoxydede carbone et le cyanure. Ce type decoordination favorise la forme réduitede l’atome de fer. Cette caractéristiquedu site actif peut être reliée à la fixationet/ou à la catalyse de l’hydrogène. Uneautre analogie significative est l’existencede cavités hydrophobes joignant le siteactif à la surface de la protéine dans lesdeux familles d’hydrogénase.

Ces petites protéines se divisent endeux grandes familles : les hydrogé-

nases à nickel-fer (NiFe) plutôt consom-matrices d’hydrogène et les hydrogé-nases à fer seul (Fe) plutôt productricesd’hydrogène. La première structure molé-culaire a été obtenue à l’Institut de bio-logie structurale Jean-Pierre Ebel (IBS,CEA-CNRS) en 1995 pour la forme oxydée,et donc inactive, de l’hydrogénase à NiFeisolée à partir de la bactérie réductrice

de sulfate Desulfovibrio gigas. De façonsurprenante, il est apparu que le site

actif était bien plus complexe que prévuet profondément enfoui au cœur de l’en-

zyme à environ 3 nm (1 nm = 10-9 m) detout point de la surface. Il a aussi étémontré, en collaboration avec des spec-troscopistes, que l’atome de Fe était lui-même lié à trois ligands diatomiques nonprotéiques identifiés comme étant unemolécule de monoxyde de carbone etdeux molécules de cyanure. Dans cetteforme oxydée inactive, un quatrièmeligand non protéique, pontant les atomes

Site actif de l’hydrogénase à NiFe isolée àpartir de la bactérie Desulfovibrio fructoso-vorans. Les ligands L1 et L2 correspondentchacun à une molécule de cyanure, L3 àune molécule de monoxyde de carbone etles ligands C66, C69, C537 et C540 à unacide aminé, la cystéine. S1 et S2 représen-tent les atomes de soufre.

IBS/CEA-CNRS

Site actif de l’hydrogénase à Fe isolée à par-tir de la bactérie Desulfovibrio desulfuri-cans. Les ligands de l’atome de fer Fe2 L1 etL3 correspondent chacun à une moléculede monoxyde de carbone, L2 à une molé-cule de cyanure. Les mêmes types deligands sont associés à l’atome de fer Fe1.Une petite molécule, modélisée commeune dithiométhylamine (N), ponte lessoufre S1 et S2 ainsi que la cystéine C178.

IBS/CEA-CNRS

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CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001

L’approche biomimétique

La production d’hydrogène à partir d’élé-ments biologiques purifiés ou artificiels bio-mimétiques reconstitués en un système fonc-tionnel est également envisageable. Leshydrogénases étant des catalyseurs très effi-caces, ce pouvoir catalytique peut être cou-plé à toute réaction capable de fournir desélectrons suffisamment réducteurs pour per-mettre la réduction de protons en hydrogène.Dans la perspective d’applications biotech-nologiques, les travaux sur ces enzymesvisent plusieurs objectifs :

● stabiliser les hydrogénases vis-à-vis dedivers agents dénaturants, l’oxygène enparticulier ;● comprendre le mécanisme catalytiquede la réduction des protons en hydrogèneen vue de l’améliorer ou de le modifier ;● comprendre l’assemblage du site actifmétallique de l’hydrogénase in vivo, quifait intervenir plusieurs protéines, dontcertaines restent à découvrir. Atteindre cet objectif sera sans doute une étape cruciale dans la mise au point de cataly-seurs biomimétiques ;

● rechercher et tester des réducteurs, pho-tobiochimiques ou autres, efficaces pourla réduction de l’hydrogénase et écono-miquement réalistes ;● construire des photosystèmes synthé-tiques couplés à des électrodes mimant la photolyse de l’eau et la production depouvoir réducteur, qui rendraient possiblela séparation spatiale de la productiond’oxygène et la réduction des protons enhydrogène.Ces différentes approches sont dévelop-

pées au CEA, sur les sites de Grenoble et deSaclay.

Le CEA possède les compétences scienti-fiques et techniques permettant d’aborderces diverses voies de recherche. Les équipesde sa Direction des sciences du vivant ontune avance internationalement reconnue enbiologie structurale des hydrogénases, enphotochimie des photosystèmes I et II, eningénierie des protéines ou en transforma-tion génétique des chloroplastes. Il est clairque les projets proposés sont des études enamont d’applications éventuelles, exigeantun effort sur le long terme. La réalisation deces objectifs ambitieux nécessitera le déve-loppement de travaux, déjà en cours, dansles domaines de la biochimie, de l’ingénie-rie moléculaire, de la cristallographie, de laspectroscopie, de la transgenèse et de latransformation chloroplastique. ●

André Verméglio, Laurent Cournac, Gilles Peltier

Direction des sciences du vivantCEA/Cadarache

et Juan-Carlos Fontecilla-CampsInstitut de biologie

structurale Jean-Pierre EbelCEA-CNRS

Direction des sciences du vivantGrenoble

HYDROGÈNE ET BIOMASSE

24

CEA

À gauche, cultures en milieuliquide dans des flacons stérilesde différentes souches de Chla-

mydomonas reinhardtii destinéesà être testées pour leurs caracté-

ristiques photosynthétiques etleurs capacités de productiond’hydrogène. À droite, vue au

microscope optique d’une culture de Chlamydomonas,

microalgue unicellulaire. Le chlo-roplaste (en vert) a une taille

importante par rapport à l’ensemble de la cellule.

IBS/CEA-CNRS

Dispositif où sont effectuées lacristallisation et la manipulationdes cristaux d’hydrogénase enatmosphère contrôlée (condi-tions réductrices). Dans lemodule de gauche se déroulel’étape de cristallisation. À droite,une loupe binoculaire permet de visualiser la formation descristaux et leur manipulation.