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droit de communication out 1 I° PARTIE LES POUVOIRS DE L’ADMINISTRATION ET LEURS LIMITES DANS LA RECHERCHE DE L’IRREGULARITE

i° partie les pouvoirs de l'administration et leurs limites dans la

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I° PARTIE

LES POUVOIRS DE L’ADMINISTRATION ET LEURS LIMITES D ANS LA RECHERCHE DE L’IRREGULARITE

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De l’exercice du droit de communication à la vérification de comptabilité, les moyens de recherche dont dispose l’administration posent tous le même problème : jusqu’où l’administration peut-elle aller? La réponse à cette question ne peut ressortir que d’une analyse des moyens mis en œuvre pour atteindre l’objectif voulu par le législateur. Il est en effet possible de savoir jusqu’où l’administration peut aller quand on a précisé comment elle peut y aller. Les pouvoirs de l’administration et leurs limites dans la recherche de l’infraction seront donc exposés en distinguant deux types d’investigations : celles qui débouchent ou peuvent déboucher sur la mise en recouvrement d’un impôt supplémentaire et les autres qui, au lieu de se terminer par une mise en recouvrement, peuvent conduire l’administration à mettre en œuvre les premières. Ces dernières peuvent être les procédures préparatoires des premières. Un premier chapitre traitera donc du droit de communication, de la procédure d’enquête, de la perquisition. Ces trois moyens ont en commun de ne pas être spécifiquement fiscaux. Ils sont utilisés par d’autres administrations. Un second chapitre analysera la vérification de comptabilité et l’examen contradictoire de l’ensemble de la situation fiscale personnelle. Ces deux procédures sont spécifiquement fiscales et seules l’administration des impôts peut les mettre en œuvre.

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TITRE 1

DES PROCEDURES DE RECHERCHE NON SPECIFIQUES Les développements antérieurs ont permis de constater que l’administration peut avoir des renseignements extérieurs. Le droit de communication dont elle dispose n’est cependant pas illimité. Un premier développement permettra de mesurer l’étendue du droit de communication selon que les recherches qu’il permet concernent des tiers ou le contribuable chez qui il s’exerce. Un second développement sera consacré à une innovation récente en matière fiscale : l’enquête. Sa durée de vie est encore trop brève pour que de longs développements lui soient consacrés mais issue de l’enquête douanière, elle a probablement un bel avenir devant elle. Un troisième développement sera consacré à la perquisition qui en matière fiscale a connu récemment une vie fort agitée. Dans les trois cas, ces moyens de recherche de l’infraction seront présentés comme des procédures autonomes, ce qu’ils sont effectivement. Leur articulation avec les procédures de vérification fera aussi l’objet d’analyses détaillées puisque ces procédures peuvent aussi constituer autant de préliminaires à des vérifications et des moyens utilisables par les vérificateurs en cours de vérification.

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SOUS-TITRE 1 : LE DROIT DE COMMUNICATION Comme le rappelle la doctrine (1) :

« Le droit de communication, dont la naissance est contemporaine de celle de l'impôt sur le revenu, a trouvé son premier fondement législatif dans la loi du 31 juillet 1920 (2) portant fixation du budget général de l’exercice 1920. L'article 31 de cette loi disposait que « en aucun cas, les administrations de l'Etat, des départements et des communes, ainsi que les entreprises concédées ou contrôlées par l'Etat, les départements et les communes, ne pourront opposer le secret professionnel aux agents de l'administration des finances ayant au moins le grade de contrôleur ou d'inspecteur adjoint qui, pour établir les impôts institués par les lois existantes, leur demanderont communication des documents de service qu'elles détiennent ». Son second alinéa obligeait l'autorité judiciaire à « donner connaissance à l'administration des finances de toute indication » de nature à faire présumer une fraude fiscale. L'article 32, pour sa part, imposait aux commerçants « de représenter à toute réquisition des agents du Trésor ayant au moins le grade de contrôleur ou d'inspecteur adjoint les livres dont la tenue est prescrite par le titre II du Code de commerce ainsi que tous livres et documents annexes, pièces de recettes et de dépenses... » (3). Il est aujourd'hui codifié aux articles L.81 à L.102-AA, qui figurent au chapitre II, « Le droit de communication », du titre II, « Le contrôle de l'impôt », du Livre des procédures fiscales, après avoir figuré aux articles 1987 et suivants du CGI. Il permet, selon la formule de l'article L 81 du LPF, « aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir communication des documents et renseignements » auprès des autres administrations ou organismes publics, voire privés (4), (articles L.83 à L.84 A, L.97 à L.99 et L.102 A), de l'autorité judiciaire (L.82 C et L.101), des professions industrielles et commerciales (article L.85), ou agricoles (L.85 A), de certaines professions non commerciales

(1) Glaser, « Droit de communication : quelles garanties pour le contribuable ? » chron.

RJF 08 p.787 et ss (2) Loi du 31 juillet 1920, JORF 01/08/21, errata JORF 14/08 et 04/09, D.21-lég. p.114 et

ss (3) L’exposé des motifs indiquait que « ces deux articles, sans établir un régime

d’inquisition fiscale de nature à inquiéter les commerçants honnêtes, permettront un meilleur rendement de l’impôt grâce à la collaboration des divers organes administratifs et aux renseignements que les agents du Trésor pourront trouver dans la comptabilité du redevable » (Bulletin des lois et décrets 1920 p.308)

(4) Notamment les nombreux organismes de sécurité sociale ou versant des prestations sociales

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(article L.86 et L.86-A), mais aussi de diverses autres catégories énumérées aux articles L.87 à L.96-F, L.102 et L.102-AA. Mais, la loi, qui n’en donne en outre qu’une définition très sommaire, n’assortit ce droit exorbitant de l’administration fiscale d’aucune garantie, tout en faisant peser sur les personnes qui y sont soumises la menace de l’amende prévue à l’article 1734 du CGI, voire d’une peine d’emprisonnement de six mois en application de l’article 1789 du même Code. »

Les développements consacrés au droit de communication distingueront deux modalités d’exercice du droit de communication parce qu’elles posent des problèmes très différents : l’exercice du droit de communication auprès de tiers et l’exercice du droit de communication auprès du contribuable vérifié lui-même. Avant d’aborder ces développements, un problème presque anecdotique sera rapidement présenté ici. Le droit de communication s’exerce traditionnellement sur des supports papier (factures, livres comptables), une rapide évolution conduit à la généralisation de procédés de conservation différents : microfichage, conservation sur supports magnétiques. La loi de finances pour 1983 (1) dans ses articles 75 et 76 a donc prévu de compléter respectivement les articles L.81 et L.82 du LPF par la formule :

« L’obligation prévue à l’alinéa précédent (définissant le droit de communication) est applicable quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents y compris lorsqu’il est magnétique. »

On pouvait alors s’interroger sur l’articulation de ce texte avec la loi informatique et libertés (2) qui réglemente les conditions de transmission des informations nominatives. Un agent des impôts peut-il alors exercer le droit de communication ? Oui répond l’administration (3) dans la mesure où, dans ses articles 29 et 43, ce texte ouvre un accès à des informations nominatives à des "tiers autorisés" par des législations particulières. "Ces tiers autorisés ont un droit d’accès légal qui n’a pas à être explicitement mentionné dans les documents soumis à la CNIL comme doivent l’être les autres destinataires des informations" (4). L’administration a aussi précisé (5) qu’ « Il ne peut être exigé des contribuables,

notamment des établissements bancaires, qui désirent s’en tenir à l’interprétation stricte des textes régissant l’exercice du droit de communication, autre chose que la communication sur place des documents comptables qu’ils détiennent. Rien ne s’oppose toutefois à ce que le service des impôts obtienne, sur place, les photocopies des documents consultés en utilisant soit le matériel des contribuables visités lorsque ceux-ci y consentent, soit les appareils à photocopier portatifs qui lui sont attribués. Les dépenses correspondant à cette utilisation - y compris, le cas échéant, la fourniture du courant électrique - sont prises en charge par l’administration. Les contribuables - en particulier les établissements bancaires qui peuvent satisfaire à leurs obligations au regard du droit de communication soit en présentant le document demandé soit en remettant des photocopies du document en question - peuvent être

(1) Loi n°82-1126 du 29 décembre 1982, JORF 30/12/82, p.3995 et ss, DF 83 n°43 (2) Loi n°78-17 du 6 janvier 1978, JORF 07/01/78 p.227 et ss (3) BODGI 13 K-2-85 du 26 novembre 1985, DF 51/85-II 8590 (4) BODGI 13 K-2-85 du 26 novembre 1985, DF 51/85-II 8590 (5) BOI 13 K-2-88 n° 6 du 18 mars 1988; Doc. adm. 13 K-118 n° 1 à 4, 1er juin 2001

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remboursés des frais exposés sur la base forfaitaire de 3 F, soit 0,46 € (TTC) le feuillet. Il est précisé que ce coût englobe tous les frais de recherche dont feraient état les contribuables pour s’acquitter des obligations qui leur incombent.

Ce prix est inchangé depuis le 1er janvier 1988.

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CCHHAAPPII TTRREE 11EERR -- LL EE DDRROOII TT DDEE CCOOMM MM UUNNII CCAATTII OONN AAUUPPRREESS DDEESS TTII EERRSS Le droit de communication est le droit reconnu à l’administration de prendre connaissance et, au besoin, copie, de documents détenus par les tiers (entreprises, administrations, organismes divers.....). On peut d’ores et déjà noter qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 9 juillet 1965 « les

agents de la Direction générale des impôts, de la Direction générale des douanes et des droits indirects, du Service de la répression des fraudes et du Service des instruments et mesures peuvent, sans se voir opposer le secret professionnel, consulter tous les documents dans les administrations ou offices de l’Etat, des départements ou des communes, les établissements placés sous le contrôle de l’Etat, ainsi que les entreprises et services concédés par l’Etat, les départements et les communes ». Sous réserve de l’article 5 alinéa 2 de la loi 51-711 du 7 juin 1951 qui

précise en ce qui concerne les travaux de l’INSEE : « Les renseignements individuels d’ordre économique ou financier figurant sur les questionnaires revêtus du visa prévu à l’article 2 ne peuvent être en aucun cas utilisés à des fins de contrôle fiscal ou de répression économique ».

Ce texte était repris à l’article L.84 du LPF comme à l’article 64-A-2 du Code des douanes. L’article 84 de la loi de finances rectificative pour 1992 (1) le précise :

« Les renseignements individuels, portant sur l’identité ou l’adresse des personnes ou d’ordre économique ou financier recueillis au cours des enquêtes statistiques visées à l’article 2 de la loi 51-711 du 7 juin 1951 sur ... (le reste sans changement) ».

Ce texte étend donc aux renseignements individuels portant sur l’identité ou l’adresse des personnes au même titre que tout renseignement recueilli au cours d’enquêtes statistiques ayant trait à la vie personnelle et familiale et d’une manière générale aux faits et comportements d’ordre privé l’interdiction d’utilisation à des fins de contrôle fiscal des renseignements individuels d’ordre économique ou financier. Avant de présenter les textes qui donnent à l’administration fiscale un droit de communication bien défini sur les documents détenus par tel ou tel, il est à noter que l’article R*81-2 du LPF précise que :

« Les fonctionnaires qui ont compétence pour procéder au contrôle d’une déclaration de revenu global ou à la vérification de la situation fiscale d’une exploitation ou d’une entreprise, ou d’un contribuable exerçant une activité professionnelle, peuvent, pour les besoins de ce contrôle ou de cette vérification, exercer le droit de communication prévu à l’article L.81 à l’égard de toute personne ou organisme soumis à l’exercice de ce droit. »

tandis que l’article L.81 du même LPF autorise les agents qui exercent ce droit de communication à en utiliser les résultats :

« Le droit de communication permet aux agents de l’administration des impôts, pour l’établissement de l’assiette et le contrôle des impôts, d’avoir connaissance des

(1) Loi n°92-1476 du 31 décembre 1992, JORF 05/01/93, FR 62/92 p.77, DF 1-2/93 n°2

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documents mentionnés aux articles L.83 à L.96 dans les conditions qui y sont précisées. »

La doctrine (1) rappelle que « La loi ne prévoyant aucune procédure spécifique lorsque

l'administration exerce son droit de communication, la jurisprudence confirme que celui-ci n'est assorti d'aucune formalité particulière (2). Il n’a notamment pas à être précédé de l’envoi d’un avis au contribuable (3), qui n’a, ainsi, pas à être informé de ce que l’administration en fait usage auprès de tiers pour recueillir des informations le concernant (4). De ce point de vue, la jurisprudence n'a pas évolué depuis l’origine et n’a posé aucune limite procédurale à l’exercice de ce droit.

En outre, et indépendamment des textes analysés plus loin, la jurisprudence reconnaît à l’administration le droit d’utiliser des renseignements obtenus de personnes non soumises au droit de communication (5). La doctrine (6) relève que « rien n'interdit à l'administration, en vertu de son pouvoir

général d’investigation, de demander des renseignements à des personnes ou organismes qui ne sont pas soumis au droit de communication, dès lors que ceux-ci ne sont pas tenus de répondre (7). »

Progressivement, le Conseil d’Etat affinera les grandes lignes du régime juridique du droit de communication. Le problème est alors de concilier deux principes contradictoires : � l’indépendance des procédures, car l’utilisation du droit de communication n’est pas

l’utilisation du droit de vérification ; � la prise en compte dans la procédure d’imposition, d’une irrégularité dans la mise en

œuvre du droit de communication. L’arrêt Marcantetti (8), qui sera analysé plus loin, prohibe la menace de sanction pour non réponse adressée à une personne non soumise au droit de communication.

(1) Glaser, « Droit de communication : quelles garanties pour le contribuable », chron. RJF

08 p.790 (2) CE 13 mars 1964 n°57930, Dupont p.413

CE 10 janvier 1966 n°53382, Dupont p.243 CE 18 décembre 1968 n°70330, Lebon p.659

(3) CE 28 novembre 1980 n°18869, RJF 81 n°105 CE 27 avril 1987 n°63634, RJF 87 n°660, chron. Liébert-Champagne RJF 87 p.383, DF

43/87 n°1948 concl. M. de Saint-Pulgent (4) CE 6 octobre 2000 n°208765, SARL Trace, RJF 00 n°1497 chron. Maïa p.895 (5) CE 21 avril 1986 n°45912, RJF 86 n°630 p.402 (6) Glaser, « Droit de communication, quelles garanties pour le contribuable ? », chron.

RJF 08 p.787 et ss (7) CE 13 juillet 1963 n°58361 et 58362, DF 49/63 n°1166

CE 26 avril n°65604, Dupont p. 370, DF 22/67 n°663 CE 14 octobre 1970 n°77231, Dupont p. 41 CE Plén. 19 décembre 1975 n°88119, RJF 76 n°52 CE 27 avril 1987 n°63634, RJF 87 n°660

(8) CE 1er juillet 1987 n°54222, Marcantetti, RJF 87 n°1020 concl. O Fouquet p. 505, GAJF 4ème ed. n°54

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L’arrêt Marie (1), dans une situation différente où le droit de communication était exercé sur des personnes soumises au droit de communication, précise que « l’irrégularité

de cette enquête est sans influence sur la régularité de la procédure d’imposition dès lors que la société de fait, n’ayant pas déclaré de résultat, se trouvait en situation de taxation d’office et que son existence n’a pas été révélée à l’administration par ces investigations ».

Ce considérant est particulièrement intéressant : il marque un recul du principe de l’indépendance des procédures en ce qu’il admet que le caractère irrégulier de l’exercice du droit de communication pourrait affecter la valeur probante des renseignements recueillis. Dans tous les cas où les redressements sont effectués selon la procédure contradictoire, l’administration peut utiliser les renseignements obtenus des tiers ou d’autres services, mais

« à la condition que le contribuable en soit informé par le service des impôts et soit mis en mesure de les contester » (2).

Cette information peut aller jusqu’à la communication au contribuable qui en fait la demande des "procès-verbaux d’audition de témoins" (3). Le Conseil d’Etat rappelle souvent que (4) « si l’administration peut utiliser, en vue de

déterminer les bases d’imposition d’un contribuable, les informations qu’en usant régulièrement de son droit de communication, elle a recueillies sur l’activité d’un tiers et, notamment, des indications tirées d’une comptabilité occulte tenue par un tiers, de tels éléments ne sauraient être utilement opposés à l’intéressé que s’ils sont, en outre, corroborés par des constatations propres à son entreprise, à son activité ou à sa situation. »

La Cour de cassation semble adopter une attitude assez proche (5). Le Conseil d’Etat se refuse cependant à entourer du moindre formalisme la mise en œuvre du droit de communication. Dans un cas où l’administration se procure, sur sa demande, un rapport établi par une autre administration, cette demande n’est soumise à aucun formalisme de sorte que « la société requérante n’est, dés lors, en tout état de cause,

pas fondée à soutenir que le droit de communication aurait été exercé irrégulièrement » (6).

Dans le même sens, la Cour de cassation a considéré que lorsque à la suite d’une perquisition dans le cadre des infractions à la réglementation pénale d’appareils automatiques installés dans un débit de boissons, des agents de police avaient constaté l’exploitation de deux appareils en infraction à la réglementation pénale, les agents des impôts pouvaient tirer les conséquences fiscales de cette perquisition dans un procès-verbal

(1) CE Plén. 21 juin 1989 n°52385, Marie, RJF 89 n°994 (2) CE 14 mai 1986 n°59590, RJF 86 n°719 p.402 (3) CE 14 mai 1986 n°59590, RJF 86 n°719 p.402 (4) CE 25 novembre 1994 n°122656, Etienne, RJF 95 n°58

CE 12 janvier 1987 n°48204, RJF 87 n°338 (5) Cass. com. 7 décembre 1993 n°91-17935 (n°1962-P), Declercq, RJF 94 n°358 (6) CE 30 octobre 1989 n°57492, Restaurant chez Bébert, RJF 90 n°62

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sans procéder à une nouvelle perquisition à condition toutefois de prendre la précaution de ne pas présenter les constatations d’agents d’autres services comme les leurs (1). De même encore, les agents de l’administration fiscale peuvent établir un procès-verbal en matière de contributions indirectes à partir du procès-verbal établi par le SRPJ à la suite d’une perquisition établissant la matérialité d’une infraction à la réglementation des jeux (2). Les agents de l’administration fiscale n’ont pas à suivre les procédures relatives aux perquisitions. Pour le Conseil d’Etat (3) : « l’administration fiscale tenait de l’article 1987 du CGI

(devenu L.83 du LPF) le pouvoir d’utiliser […] les renseignements que lui avait communiqués les services de police de la ville de A pour démontrer que Mme X se livrait de manière habituelle à la prostitution ».

L’article L.83 du LPF reprenant les mêmes termes que d’autres textes relatifs au droit de communication, le Conseil d’Etat exprime là une position de principe applicable au droit de communication en général. Pour la Cour de cassation lorsque l’administration entend utiliser des renseignements obtenus dans le cadre du droit de communication prévu à l’article L.83 du LPF, elle doit apporter la preuve d’une demande préalable : « si le droit de communication

prévu par cette disposition au profit de l’administration des impôts n’est pas soumis à une forme particulière, il appartient à l’administration, lorsque le contribuable, contestant la régularité de la procédure de communication, invoque l’absence de demande de la part de cette administration, de démontrer qu’une telle demande a été présentée » (4).

Enfin, il est à noter que l’exercice de ce droit est renforcé par de lourdes sanctions. La loi de finances rectificative pour 1992 (5) commentée par l’administration (6) punit d’une amende de 10.000 F portée à 20.000 F à défaut de régularisation dans les trente jours d’une mise en demeure, tout obstacle mis à l’exercice par l’administration du droit de communication prévu aux articles L.82-A à L.96-B du LPF, que cet obstacle résulte d’un refus de communication, de l’absence de tenue d’un document obligatoire ou du défaut de présentation d’un document en raison de sa non conservation dans les délais prévus à l’article 102-B du LPF

(1) Cass. crim. 14 mai 1990, BOI 2 L-5-90 (2) Cass. crim. 14 mai 1990 n°89-85467, Maugérard et Charlot, RJF 91 n°527 (3) CE 29 septembre 1982 n°22981, RJF 82 n°1044 p.514 (4) Cass. com. 7 décembre 1993 n°91-17935, Ind.16.219 (5) Loi n°92-1476 du 31 décembre 1992, art. 84-II, DF 1-2/93 n°2 (6) BOI 13 K-1-93 du 5 avril 1993, DF 93-II-10.880

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Section 1/ Conditions générales d’exercice du droit de communication

Les recherches concernant des tiers peuvent être entreprises dans des directions très variées qui seront présentées dans les développements suivants.

Parag.1/ Le droit de communication auprès des administrations publiques et assimilés

C’est l’article L.83 du LPF qui prévoit un tel droit de communication auprès des administrations, des établissements publics, collectivités locales… S’agissant des organismes publics, leur liste est fixée à l’article L.83 LPF et vise : - des tribunaux (autorité judiciaire et ministère public); - des organismes de sécurité sociale. À l’égard des caisses de sécurité sociale, le droit de

communication consiste, notamment, à mettre à la charge de ces organismes l’établissement et l’envoi aux services des impôts d’un relevé récapitulatif annuel, par médecin, dentiste, sage-femme, auxiliaire médical et laboratoire d’analyses médicales, des feuilles de maladie et notes de frais remises par les assurés (relevé individuel des praticiens).

- des administrations publiques et assimilées autres que fiscales, comme la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et notamment les organismes financiers (Banque de France, Trésor public, Caisse des dépôts et consignations ... ).

La communication entre services de l’administration fiscale s’effectue le plus

souvent sans formalités particulières. Pour les autres services, une demande doit normalement être adressée par les services fiscaux mais il peut s’agir d’une demande verbale sauf pour ce qui concerne la communication de pièces ou de dossiers par l’autorité judiciaire ou le ministère public qui peut s’effectuer spontanément.

En pratique, les conditions dans lesquelles une autre administration s’est procurée un document communiqué à l’administration fiscale sont sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition, sauf en cas de détournement de procédure (1). L’analyse de ce texte conduit à s’interroger successivement sur deux points : l’étendue de ce droit et ses modalités d’exercice.

11/ L’étendue du droit de communication Les établissements publics, les banques, les administrations sont soumis à l’article L.83 du LPF.

(1) CE 21 octobre 1987 n°59759, RJF 87 n°658 avec concl. O. Fouquet, LPA 20/88 p 4

CE 12 juillet 1989 n°58083, RJF 89 n°591

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Les établissements publics sont souvent des sources précieuses de renseignements pour l’administration fiscale. Les recoupements effectués auprès de l’Office National Interprofessionnel des Céréales (l’ONIC) indiquent les quantités de farine panifiable utilisées par un boulanger pendant une année civile: c’est là un élément important dans la vérification d’un boulanger. De même, pour vérifier un débitant de tabac, les renseignements communiqués par la SEITA sont irremplaçables. La loi (1) a officialisé et sécurisé les échanges entre la DGCCRF et la DGDDI portant sur les informations recueillies dans le cadre de leurs missions respectives.

12/ La notion d’administration S’agissant des organismes publics, leur liste est fixée à l’article L.83 LPF et vise : - des tribunaux (autorité judiciaire et ministère public); - des organismes de sécurité sociale. À l’égard des caisses de sécurité sociale, le droit de

communication consiste, notamment, à mettre à la charge de ces organismes l’établissement et l’envoi aux services des impôts d’un relevé récapitulatif annuel, par médecin, dentiste, sage-femme, auxiliaire médical et laboratoire d’analyses médicales, des feuilles de maladie et notes de frais remises par les assurés (relevé individuel des praticiens).

- des administrations publiques et assimilées autres que fiscales, comme la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et notamment les organismes financiers (Banque de France, Trésor public, Caisse des dépôts et consignations ... ).

La communication entre services de l’administration fiscale s’effectue le plus

souvent sans formalités particulières. Pour les autres services, une demande doit normalement être adressée par les services fiscaux mais il peut s’agir d’une demande verbale sauf pour ce qui concerne la communication de pièces ou de dossiers par l’autorité judiciaire ou le ministère public qui peut s’effectuer spontanément.

En pratique, les conditions dans lesquelles une autre administration s’est procurée un document communiqué à l’administration fiscale sont sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition, sauf en cas de détournement de procédure (2). Ainsi que le note M. Fouquet (3), le droit de communication ne s’exerce en principe, qu’entre administrations distinctes et non entre services de l’administration fiscale (4). La question se pose alors de savoir ce qu’il faut entendre par “administrations distinctes”. Des administrations dépendant de ministères différents sont des administrations distinctes et il semble qu’il en aille de même pour des services dépendant de directions générales différentes au sein d’un même ministère. Il en résulte que l’administration fiscale

(1) Loi n°2005-1720 du 30 décembre 2005 art.98, DF 7/06 n°179 (2) CE 21 octobre 1987 n°59759, RJF 87 n°658 concl. O. Fouquet, PA 20/88 p 4

CE 12 juillet 1989 n°58083, RJF 89 n°591 (3) Fouquet "le droit de communication ..." GP 7-8/02/86 p.1 (4) CE 22 juin 1983 n°27923, RJF 83 p.431, concl. Verny DF 84

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peut utiliser régulièrement des renseignements obtenus, dans l’exercice de son droit de communication auprès d’administrations distinctes comme la douane (1), la concurrence et consommation, la police, le trésor (2) et ce alors même que les opérations auxquelles ces administrations se sont livrées sont entachées d’irrégularités (3). Lorsqu’il s’agit de simples échanges de renseignements entre des services différents de l’administration fiscale, un renseignement irrégulièrement recueilli par un autre service ne peut être utilisé. Cette règle devrait normalement s’appliquer aux services des impôts directs dans leurs rapports avec ceux des contributions indirectes, même si ces derniers disposent de pouvoirs spécifiques de contrôle, de visite et de saisie, ou encore avec ceux de l’enregistrement. Or la jurisprudence admet que les services des impôts directs exercent leur droit de communication à l’égard des services des contributions indirectes ou de l’enregistrement lorsque ceux-ci ont procédé à des investigations en vertu de leurs pouvoirs spécifiques (4). Cette solution parait difficile à justifier depuis la fusion des différentes régies au sein d’une direction unique. De même c’est encore sur le fondement de l’article L.83 du LPF que « l’administration

fiscale est en droit d’obtenir de l’autorité judiciaire et notamment du parquet les pièces et renseignements qu’elle a recueillis dans le cadre de ses attributions non juridictionnelles » (5) comme à l’occasion d’une cession soumise à agrément du

garde des Sceaux. L’évolution des méthodes et des moyens de travail de l’administration fait apparaître des problèmes nouveaux dans les relations entre administrations. C’est ainsi qu’à la demande de la CNIL, la loi de finances rectificative pour 1994 (6) a organisé l’échange de certains renseignements entre la direction générale des impôts et les services de l’équipement :

« Art. 28 - Il est inséré, dans le Livre des Procédures Fiscales, un article L.135-G ainsi rédigé: “Les services en charge de l’équipement et du logement et ceux de l’administration fiscale peuvent se communiquer mutuellement les informations relatives au recensement et à l’achèvement des opérations de construction, de démolition et de modification portant sur les immeubles.” ».

De la même façon, la loi de finances pour 1999 (7) organisera des modalités de communication en matière de contrôle de TVA intra-communautaire entre les agents de la Direction générale des impôts et de la Direction générale des douanes et droits indirects.

(1) Cass. crim. 18 mars 1991 n°89-83890, RJF 91 n°1023

Cass. com. 7 décembre 1993 n°91-17935, Ind. 16219 (2) Décret n°2006-552 du 15 mai 2006, JORF 17/05/06 @ legifrance (3) CE 22 juin 1983 n°27923, RJF 83 n°932, concl Verny DF 84 (4) CE 29 septembre 1982 n°27724, RJF 82 n°1065

CE 18 février 1985 n°38246, RJF 85 n°597 CE 4 novembre 1983 n°28071, RJF 84 n°63

(5) TA Rouen 13 avril 1993 n°89-1342, 89-1343, RJF 94 n°587 (6) Loi n°94-1163 du 29 décembre 1994, art.28, DF 1-2/95 n°2 p.74 (7) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998, DF 1/99 n°1

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Pour prévenir les manquements aux règles de facturation dans le cadre de la TVA intra-communautaire, les agents des douanes peuvent, dans le cadre des articles 60 et 61 du Code des douanes, procéder au contrôle des moyens de transport à usage professionnel et de leur chargement et à se faire présenter les documents professionnels de toute nature en la possession du conducteur (art. L 80-J du LPF). Ce « contrôle à la circulation » ne relève pas de la procédure de contrôle de l’impôt proprement dite. Il permet d’appréhender les mouvements physiques de biens dans les échanges intra-communautaires, son objectif est de prévenir, en collectant des informations de toute nature, le développement des circuits occultes d'achats et de ventes intra-communautaires éludant le paiement de la TVA. Il est exercé exclusivement par les douaniers. Afin de rendre les contrôles à la circulation plus efficaces, les articles 103 et 104 de la loi de finances pour 1999 (1), modifiant l’article L. 80-J du LPF, autorisent désormais les agents des douanes : - à prendre copie des documents professionnels en possession du conducteur, - à communiquer ces copies aux services compétents de la Direction générale des impôts, - et à se faire assister, lors des contrôles à la circulation par des agents de cette même

Direction générale des impôts. Ces deux articles sont ainsi rédigés :

« Art. 103. – L’article L. 80-J du Livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé: “Ils peuvent prendre copie de ces documents et les communiquer aux services compétents de la direction générale des impôts.” » « Art.104. – L’article L.80-J du Livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé: “Ils peuvent se faire assister lors de ces contrôles par des agents de la direction générale des impôts,” »

D’autre part, l’article 105 de la même loi de finances (2), codifié sous l’article L.83-A nouveau du LPF, dispose que les agents de la Direction générale des impôts et de la Direction générale des douanes et droits indirects peuvent se communiquer spontanément tous les renseignements et documents recueillis dans le cadre de leurs missions respectives.

« Art.105. - Après l’article L.83 du Livre des procédures fiscales, il est inséré un article L.83-A ainsi rédigé : «Art. L.83-A. - Les agents de la direction générale des impôts et de la direction générale des douanes et droits indirects peuvent se communiquer spontanément tous les renseignements et documents recueillis dans le cadre de leurs missions respectives.»

Cette dernière disposition a pour objet de développer la coopération, manifestement imparfaite, entre les services des deux directions chargées du contrôle de la TVA intra-communautaire mais elle vise aussi à lever un obstacle à l’exercice spontané du droit de communication entre ces deux directions. On rappelle, à cet égard, que la Cour de cassation (3) a jugé que, si le droit de communication prévu par l’article L.83 du LPF au profit de l’administration des impôts n’est pas soumis à une forme particulière, il appartient à l’administration, lorsque le contribuable, contestant la régularité de la procédure de communication, invoque l’absence de demande de la part de cette Administration, de

(1) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.103 - 104, DF 1/99 n°1 p.102 et 122 (2) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.105, DF 1/99 n°1 p.102 et 122 (3) Cass. com. 7 décembre 1993 n°91-17935, M. Declercq, DF 25/94, n°1216

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démontrer qu’une telle demande a été présentée. Par suite, la cour a cassé le jugement qui s’était abstenu de relever que l’administration des impôts démontrait avoir présenté à la Direction générale des enquêtes douanières une demande de communication du document litigieux. L’article L.83-A nouveau du LPF autorisant la communication « spontanée » de tous renseignements et documents recueillis dans le cadre des missions respectives des deux Directions, l’administration fiscale n’aura plus à établir qu’elle en a demandé communication par écrit. Commentant cette disposition (1) l’administration rappellera : D’une part que l’article L.80-J du LPF ne concerne que les manquements aux règles de facturation visées à l’article L.80-I du LPF et que dispositif prévu à l’article L.83 du LPF continue à s’appliquer aux échanges entre les agents de la DGI et de la DGDDI lorsque la mise en œuvre du droit de communication est effectuée sur demande préalable. D’autre part que l’assistance dans le cadre des contrôles à la circulation ne concerne que les moyens de transport à usage professionnel et leur chargement, réalisées dans le cadre d’une intervention programmée par les services compétents des deus administrations. La loi de finances pour 2003 (2) introduira une nouvelle dérogation au secret professionnel des agents de l’administration fiscale au profit de la direction générale de la comptabilité publique. L’article L.152, 1er alinéa du LPF permet aux agents de l’administration fiscale de communiquer aux organismes de Sécurité sociale les renseignements nécessaires à l’assiette des cotisations et au calcul des prestations ainsi qu’à l’assiette et au calcul de la CSG. Les centres des pensions de la DGCP chargés de précompter la CSG sur les pensions versées aux retraités de l’Etat examinent leurs avis d’imposition pour appliquer les mesures d’exonération. La CNIL leur en ayant refusé l’accès, les centres demandaient les avis aux retraités dont ils assuraient le suivi. Pour mettre fin à cette complexité la loi a ajouté au 1er alinéa de l’article L.152 du LPF (3) les mots en italiques :

« Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes et services chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale, de l'attribution de la protection complémentaire en matière de santé visée à l'article L.861-1 du code de la sécurité sociale à la direction générale de la comptabilité publique et aux institutions mentionnées au chapitre Ier du titre II du livre IX du code de la sécurité sociale les informations nominatives nécessaires: »

13/ Les arrangements administratifs Les vérificateurs utilisent souvent des informations qui proviennent d’administrations d’autres pays. Quelques conventions internationales prévoient de tels échanges (4) mais c’est surtout l’article 4 de la Directive n°77/799/CEE du Conseil du 19 décembre 1977 qui généralise ce procédé en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune.

(1) BOI 13 K-9-99 du 29 juillet 1999, DF 38/99-II-12289 (2) Loi n°2002-1575 du 30 décembre 2002, art.102, DF 1-2/03 n°1 p.50 et 61 (3) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998, art.107-IV-1°, JORF 31/12/98 p.20050 (4) Convention du 31 août 1994 entre le France et les USA, art.27 §-3

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S’agissant de ce dernier texte, il prévoit que l’échange spontané intervient lorsque : « a) l’autorité compétente d’un Etat membre à de raisons de présumer qu’il existe une réduction ou une exonération anormales d’impôts dans l’autre Etat membre »

et la CJCE précisera (1) que s’agissant du caractère anormal de la réduction ou de l’exonération, il suffit que le premier Etat membre ait des raisons de présumer que, sans son information, une diminution injustifiée d’impôt pourrait exister ou être octroyée dans l’autre Etat membre. Pour la Cour, l’efficacité du dispositif de la directive exclut ici toute règle “de minimis” prévoyant un niveau minimum de diminution d’impôt.

« b) un contribuable obtient, dans un Etat membre une réduction ou une exonération d’impôt qui devrait entraîner pour lui une augmentation d’impôt ou un assujettissement à l’impôt dans l’autre Etat membre ; c) des affaires entre un contribuable d’un Etat membre et un contribuable d’un autre Etat membre dans lesquelles interviennent un établissement stable de ces contribuables ou un ou plusieurs tiers, se trouvant dans un ou plusieurs autres pays, sont de nature à entraîner une diminution d’impôt dans l’un ou l’autre Etat membre ou dans les deux ; d) l’autorité compétente d’un Etat membre a des raisons de présumer qu’il existe une diminution d’impôt résultant de transferts fictifs de bénéfices à l’intérieur de groupes d’entreprises ; e) dans un Etat membre, à la suite des informations communiquées par l’autorité compétente de l’autre Etat membre, sont recueillies des informations qui peuvent être utiles à l’établissement de l’impôt dans cet autre Etat membre. »

Quant à la portée de cette directive, la jurisprudence de la CJCE () en donne une interprétation large en considérant que les exclusions du territoire douanier communautaire doivent faire l’objet d’une interprétation stricte et ne s’opposent pas à l’obligation d’assistance mutuelle (2). Les autorités nationales mettront en œuvre ces orientations en signant des accords bilatéraux prévoyant des échanges automatiques de renseignements, des échanges spontanés de renseignements, et des contrôles fiscaux simultanés pour lesquels les modalités de sélection des dossiers sont minutieusement organisées (3).

14/ Les collectivité locales La loi de finances pour 2006 a réécrit les dispositions du LPF organisant les relations fiscales avec les collectivités locales : sont article 106 (4) précise les obligations de l’administration fiscale dans la transmission aux collectivité locales et à leurs groupements, des rôles généraux des impôts directs locaux :

(1) CJCE 13 avril 2000 n°420/98, WN c/ staatssecretaris van Financiën, DF 27/00 n°560 (2) CJCE 21 juillet 2005 n°349/03, Commission c/ Royaume-Uni, DF 3/06 n°72 (3) BOI 13 K-3-02, instruction du 26 mars 2002 “Accord entre la France et l’Espagne en

matière d’échange de renseignements” DF 15/02-II-12813 BOI 13 K-10-02 du 14 octobre 2002. “Arrangement administratif franco-belge en

matière de renseignements”, DF 44-45/02-II-12910 (4) Loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005, art.106, JORF 31/12/05 p.20597, DF 4/06 n°90

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« I. - Le troisième alinéa de l’article L.135-B du livre des procédures fiscales est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés : « L'administration fiscale est tenue de transmettre, chaque année, aux collectivités locales et à leurs groupements dotés d'une fiscalité propre : « a) Les rôles généraux des impôts directs locaux comportant les impositions émises à leur profit et, à leur demande, les montants des rôles supplémentaires lorsqu'ils sont d'un montant supérieur à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé du budget ; « b) Le montant total, pour chaque impôt perçu à leur profit, des dégrèvements dont les contribuables de la collectivité ont bénéficié, à l'exception de ceux accordés en application de l'article L.190. » II. - Les services de l'Etat communiquent chaque année à chaque collectivité territoriale et à leurs groupements dotés d'une fiscalité propre : 1° Le montant qui leur est versé par l'Etat au titre des compensations d'exonération de la fiscalité directe locale ; 2° La part de la dotation globale de fonctionnement correspondant aux montants antérieurement perçus au titre du I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n°98-1266 du 30 décembre 1998). III. - Les informations mentionnées au I sont portées à la connaissance de l'assemblée délibérante dès la réunion qui suit leur communication. »

L’article 107 de la même loi (1) étend les possibilités d’échange d’informations nécessaires au recensement des bases des impositions directes locales :

« L'avant-dernier alinéa de l'article L.135-B du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé : « Les collectivités locales, les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre et l'administration fiscale peuvent se communiquer mutuellement les informations nécessaires au recensement des bases des impositions directes locales. »

(1) Loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005, art.107, JORF 31/12/05 p.20597, DF 4/06 n°90

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Parag.2/ Le droit de communication auprès des banques

Le secret bancaire connaît, en France, de nombreuses exceptions prévues par l’article L.511-33 du code monétaire et financier. La Cour de cassation précise que ce secret, qui n’est pas opposable au juge pénal, est conçu comme protection du client de la banque de sorte que la banque ne saurait se retrancher derrière le secret bancaire pour se protéger elle-même dans un contentieux l’opposant à client (1) ou dans un contentieux civil où elle est partie (2) ; par contre, si le client peut, en certaines hypothèses, renoncer au secret et en délier la banque, cette dernière ne saurait en aucun cas divulguer des informations relatives à des tiers (3) sauf « si l’information sollicitée porte sur une opération à laquelle le tiers est directement intéressé et constituant l’objet même du litige » (4). Le droit de la preuve peut donc l’emporter sur le secret bancaire (5). Si la jurisprudence interprète strictement les exceptions au secret bancaire (6) elle n’entrave pas pour autant l’administration fiscale qui bénéficie de larges exceptions. En outre le banquier ne peut rester passif en attendant que l’administration exerce son droit de communication, la Cour de cassation rappelle que les banques ont des obligations de vigilance tant à l’ouverture des comptes que pendant leur fonctionnement :

« Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient qu'à la lecture des statuts de la société Sheen, cette dernière entend se livrer à la réception des fonds et à la fourniture de crédits, de services financiers et de prestations de services d'investissements et que ces activités relèvent de professions réglementées ; qu'ayant fait ressortir que la banque ne pouvait ignorer ce fait et aurait dû faire preuve d'une vigilance particulière, la cour d'appel a pu, sans imposer une restriction affectant la libre prestation de services au sein de l'Union européenne, retenir que la banque avait l'obligation de vérifier que la société Sheen avait obtenu l'agrément légalement prévu et a ainsi, abstraction faite du grief de la quatrième branche qui attaque un motif surabondant, légalement justifié sa décision ; Attendu, en deuxième lieu, que c'est sans se référer aux obligations de vigilance imposée aux organismes financiers par l'article 14 de la loi n°90-614 du 12 juillet 1990, devenu l'article L. 563-3 du code monétaire et financier, que la cour d'appel a retenu que le fonctionnement du compte de la société Sheen, qui présentait des mouvements très nombreux sans justification apparente et des virements de sommes

(1) Cass. com. 16 janvier 2001 n°98-11744 (n°111 FS-P) Crédit Lyonnais c/ Lenaff,

D.5/03-II-Jp-sc p.340 (2) Cass. com. 19 juin 1990 n°88-19618, D.92-somm.32 obs. Vasseur, Bull. civ. IV n°179

Cass. com. 11 avril 1995 n°92-20985, D.96.573 note Matsopoulou (3) Cass. com. 21 septembre 2010 n°09-68994, RTDCom 2011.761 obs. Legeais

Cass. com. 25 janvier 2005 n°03-14693, D. 05.AJ.485 obs. Avena-Robardet, Bull. civ. IV n°13

(4) Gavalda et Stoufflet, « Droit bancaire » Litec n°256 (5) Avena Robardet, note sous Cass. com. 11/10/11 n°10-10490 (n°983 FS-P+B), D.37/11-

actu.2532 (6) Cass. com. 10 décembre 2002 n°00-10824 (n°2085 FP-B) Abbey national France c/

Berthe, D.2/03-II-Jp-aj p.134

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ainsi créditées sur des comptes étrangers, ouverts en Suisse ou aux Bahamas, ne pouvait qu'attirer l'attention, s'agissant d'opérations qui font nécessairement l'objet d'une surveillance accrue ; Attendu, enfin, qu'après avoir relevé que la méfiance née du fonctionnement de ce compte aurait dû être encore accrue en raison du dépôt répété sur le compte de la société Sheen de chèques émis à l'ordre de la banque avec ou non indication d'un second bénéficiaire, l'arrêt retient que la banque aurait dû s'interroger sur les risques de confusion entretenue par la société Sheen avec sa propre dénomination comme sur la volonté de l'émetteur du chèque, le véritable bénéficiaire de ce dernier étant la banque ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir des anomalies de fonctionnement appelant une vigilance particulière de la banque, la cour d'appel a pu retenir que cette dernière avait commis un faute en procédant à l'encaissement de tels chèques dans ces conditions » (1).

Les développements qui suivent présentent quelques-uns des textes instituant ce droit de communication de l’administration et illustrant son étendue : L’article L.563-1 CMF précise que « Les organismes financiers […] doivent, avant

d’ouvrir un compte, s’assurer de l’identité de leur cocontractant par la présentation de tout document écrit probant. Ils s’assurent dans les mêmes conditions de l’identité de leur client occasionnel qui leur demande de faire des opérations dont la nature et le montant sont fixés par décret en Conseil d’Etat (2). Ils se renseignent sur l’identité véritable des personnes au bénéfice desquelles un compte est ouvert ou une opération réalisée lorsqu’il leur apparaît que les personnes qui demandent l’ouverture du compte ou la réalisation de l’opération pourraient ne pas agir pour leur propre compte »

L’article 1649-A du CGI : « Les administrations publiques, les établissements ou

organismes soumis au contrôle de l'autorité administrative et toutes personnes qui reçoivent habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces doivent déclarer à l'administration des impôts l'ouverture et la clôture des comptes de toute nature. »

L’article 164-FB de l’Annexe IV au CGI : « Les déclarations d'ouverture, de clôture ou de

modification des comptes de toute nature incombent aux établissements, personnes physiques ou morales, qui gèrent ces comptes. »

L’article 164-FC de l’Annexe IV au CGI : « Les déclarations d'ouverture, de clôture ou de

modification de comptes visées à l'article 164 FB sont souscrites dans le mois suivant les ouvertures, modifications et clôtures des comptes auprès de la direction des services fiscaux du siège de l'établissement qui gère ces comptes ou, après accord de celle-ci, auprès d'une autre direction des services fiscaux. Ces déclarations font l'objet d'un traitement informatisé dénommé gestion du fichier des comptes bancaires et assimilés qui recense, sur support magnétique, l'existence des comptes et porte à la connaissance des services autorisés à consulter ce fichier la liste de ceux qui sont détenus par une ou plusieurs personnes physiques ou morales.

(1) Cass. com. 22 novembre 2011 n°10-30101 (n°1154 F-P+B), Sté IPFE c/ Banque

Populaire Loire et Lyonnais, D.43/11.2924, Bull. civ. IV n° (2) Opérations supérieures à 50.000 F et location d’un coffre

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Les informations ne peuvent être communiquées qu'aux personnes ou organismes bénéficiant d'une habilitation législative et dans la limite fixée par la loi (Voir arrêté du 23 octobre 1995, art. 2, JO du 31). »

L’article 164-FD de l’Annexe IV au CGI : « Les déclarations d’ouverture, de clôture ou de

modification de comptes mentionnées à l'article 164 FB doivent comporter les renseignements suivants : La désignation et l’adresse de l’établissement qui gère ce compte ; La désignation du compte, numéro, nature, type et caractéristique ; La date et la nature de l’opération déclarée : ouverture, clôture ou modification en distinguant si celle-ci affecte le compte lui-même ou son titulaire ; Pour les personnes physiques, leurs nom, prénoms, date et lieu de naissance, adresse et numéro SIRET pour les entrepreneurs individuels ; Pour les personnes morales, leur dénomination ou raison sociale, forme juridique, numéro SIRET et adresse. »

L’article 164-FE de l’Annexe IV au CGI : « Le droit d'accès prévu par l'article 34 de la loi

n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, s'exerce auprès du centre des impôts du domicile fiscal du titulaire. En outre, le droit d'opposition, prévu par l'article 26 de cette même loi, ne s'applique pas au traitement mis en œuvre. »

L’article 164-FF de l’Annexe IV au CGI : « Il est satisfait aux obligations résultant des

articles 164 FB à 164 FE par la communication d'un support magnétique ou par l'envoi d'imprimés normalisés. Cette dernière formule est réservée aux établissements n'assurant pas la tenue de leurs comptes à l'aide de moyens automatiques de traitement de l'information de nature à permettre la communication des renseignements à l'aide de supports magnétiques. »

Les articles R*96-C-1, R*96-C-2 et R*96-C-3 du LPF précisent l’étendue du droit de

communication de l’administration des impôts auprès des intermédiaires tenant le compte d’opérations réalisées par leurs clients sur un marché à terme d’instruments financiers ou de marchandises (art. R*96-C-1), sur un marché d’options négociables (art. R*96-C-2) ou sur des bons d’options (art. R*96-C-3). Trois décrets du même jour modifient, pour les opérations dénouées à compter du 1er janvier 1996, les trois articles cités ci-dessus : les mots "la date et le montant des encaissements et décaissements effectués par chacun de leurs clients" sont remplacés par les mots "la date de réalisation et le montant du profit ou de la perte dégagé par chacun de leurs clients à la clôture de chaque position" (1).

La sanction de ce droit est prévue par l’article 1740-bis du CGI qui précise que : « Les organismes qui ne se conforment pas aux obligations prévues à l'article L.96-A du livre des procédures fiscales, sont passibles d'une amende égale à 50% du montant des sommes non communiquées. Lorsque le contribuable apporte la preuve que le Trésor n'a subi aucun préjudice, le taux de l'amende est ramené à 5% et son montant plafonné à (5 000 F) 750 € en cas de première infraction.

(1) Décret n°95-1329 du 28 décembre 1995, DH 4/96-législation-p.26

Décret n°95-1330 du 28 décembre 1995, DH 4/96-législation-p.26 Décret n°95-1331 du 28 décembre 1995, DH 4/96-législation-p.26

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L'infraction est constatée et l'amende recouvrée, garantie et contestée dans les conditions prévues pour les contraventions aux dispositions relatives au droit de communication. »

Les infractions sont constatées par voie de procès-verbal et le contrevenant dispose de 30 jours pour faire valoir ses observations. Certaines formes de placements bancaires sont encouragées par des avantages fiscaux et

l’article 1739 du CGI dans sa forme issue de l’ordonnance de 2005 (1) sanctionne le non respect des conditions auxquelles sont subordonnés des avantages fiscaux.

Le droit de communication auprès des banques constitue aussi la clé de voûte de la taxation des revenus de capitaux mobiliers. C’est ainsi que l’administration rappelle régulièrement les obligations déclaratives des établissements payeurs de revenus de capitaux mobiliers (2). Ces obligations sont assorties de lourdes sanctions, ainsi par exemple, la législation antérieure à 1987 prévoyait une sanction de vingt fois le montant des sommes non déclarées par les personnes qui assurent le paiement de revenus de capitaux mobiliers. La loi de 1987 ramènera cette pénalité au seul montant de ces sommes… ce qui devrait être encore dissuasif. On rappelle encore que non seulement l’administration dispose d’un large droit de communication sur les banques mais elle dispose d’un droit de communication très facile à utiliser grâce à un accès permanent sur les intitulés de tous les comptes ouverts par tous les contribuables (FICOBA : FIchier des COmptes BAncaires), sur les personnes disposant de procuration d’autres comptes, et elle obtient immédiatement les relevés de tous les comptes qu’elle souhaite consulter. L’administration avait d’abord prévu (3) que la mise en oeuvre du droit de communication auprès des banques, visé à l’article L.83 du LPF, était subordonnée à l’autorisation préalable de la direction générale. Elle a rapporté cette doctrine (4). L’administration considère aussi qu’elle peut, en application des dispositions de l’article L.85 du LPF, demander aux établissements bancaires la communication des pièces de caisse relatant les paiements en espèces des chèques barrés. L’administration fiscale peut obtenir des banques les relevés des comptes, les bordereaux de remise de chèques ou d’effets, les supports magnétiques, les copies de chèques, dans le mesure où le client n’a pas lui-même satisfait à la demande, dans la mesure où il ne s’agit pas de pièces déjà communiquées par la banque à

l’administration lors d’une déclaration à laquelle elle est tenue. L’administration fiscale peut encore obtenir tous documents de service relatifs au client mais :

(1) Ord. n°2005-1512 du 7 décembre 2005 art.13-IV, JORF 08/12/05 p.18912 (2) BOI 5 A-1-03 du 21 janvier 2003, DF 6/03-II-12947 (3) BOI 13 K-2-88 du 18 mars 1988, DF 14/88-II-9392

Doc. adm. 13 K-1232 § 10 et 13 K-171 § 4 du 1er juin 2001 (4) BOI 13 K-3-11 du 11 mai 2011, DF 21/11-II-14464

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- il doit s’agir là de demande exceptionnelle, - autorisée par la Direction générale des impôts.

Il est à noter que les services des douanes disposent d’un pouvoir plus large puisque la communication porte sur tous documents de toute nature même d’études internes (1) et peut aller jusqu’à la liste des locataires de coffres (2) dés lors que ceux-ci se rapportent à des opérations relevant exclusivement de la compétence de la douane. En outre ce droit de communication est assorti d’un droit de saisie prévu par l’alinéa 3 de l’article 65 du Code des douanes. La doctrine (3) rappelle que « les investigations du service au sein des FCP ne peuvent être

assimilées à une vérification de comptabilité dès lors que ces derniers n’ont pas la personnalité morale (4). Simplement doivent-ils tenir à la disposition de l’administration les documents nécessaires au contrôle de leur activité (5) »

Concernant les transactions sur l’or, on se reportera aux développements relatifs aux justifications en matière de vérification personnelle. Le droit de communication dont dispose l’administration est encore renforcé par les obligations déclaratives des banques qui concernent les comptes bancaires et certaines opérations. L’étendue du droit de communication est donc très large et ce droit constitue une arme redoutable et un outil précieux pour l’administration… mais encore faut-il que le contribuable ait ouvert un (plusieurs) compte(s) bancaire(s). Dans la pratique on ne voit pas comment organiser ne serait-ce que la vie d’un foyer sans compte en banque mais il y avait certainement là un « vide juridique » que le législateur comblera en ajoutant une article L.526-13 au Code monétaire et financier réservé à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée :

« Art. L.526-13.- L’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté fait l’objet d’une comptabilité autonome, établie dans les conditions définies aux articles L.123-12 à L.123-23 et L.123-25 à L.123-27. « Par dérogation à l’article L.123-28 et au premier alinéa du présent article, l’activité professionnelle des personnes bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0, 64 et 102-ter du code général des impôts fait l’objet d’obligations comptables simplifiées. « L’entrepreneur individuel à responsabilité limitée est tenu de faire ouvrir dans un établissement de crédit un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l’activité à laquelle le patrimoine a été affecté. » (6)

Ce qui permettra de limiter les conséquences des incidents bancaires : « Le chapitre Ier du titre III du livre Ier du code monétaire et financier est complété par un article L.131-86-1 ainsi rédigé : « Art. L.131-86-1. - Lorsque le titulaire du compte est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, les dispositions de la présente section s’appliquent :

(1) Cass. crim. 11 juin 1979 n°78-92797 (2) Cass. crim. 30 janvier 1975 n°74-91309 (3) Bonnet, concl. sous CAA Marseille 20/12/05 n°02MA00942, Godé, DF 23/06 n°424 (4) Loi n°79-594 du 13 juillet 1979 art.1er, DF 31/79 n°1626 (5) Décret n°81-89 du 29 janvier 1981 art 1er-III, DF 9/81 n°397 (6) Loi n°2010-658 du 15 juin 2010 art 1, JORF 16/06/10 p.10984

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« - aux comptes afférents au patrimoine non affecté lorsque l’incident de paiement résulte d’un chèque émis sur l’un de ces comptes ; « - aux comptes afférents au patrimoine affecté à une activité professionnelle lorsque l’incident de paiement résulte d’un chèque émis sur l’un de ces comptes, à l’exclusion, le cas échéant, des comptes afférents au patrimoine affecté à une autre activité professionnelle. » (1).

Il ne s’agit donc pas d’ouvrir un compte par personne mais un compte par patrimoine. Ce contexte fait que l’exercice illégal de la profession de banquier devient tentant. La jurisprudence rappelle que cet exercice n’est pas caractérisée par le caractère répétitif de l’opération, son caractère onéreux et le taux d’intérêts élevé ne suffisent pas (2), la connaissance, par le prêteur, du droit des obligations n’est pas davantage un élément à prendre en considération (3) ; c’est la recherche de clientèle que vise l’incrimination prévue par l’article L.511-5 du code monétaire et financier qui a pour objet de réprimer les prêteurs d’habitude se présentant comme des professionnels auprès de plusieurs emprunteurs éventuels (4). La jurisprudence rappelle aussi que la méconnaissance du monopole bancaire entraîne la nullité des conventions et que, tant que les parties n’ont pas été remises en l’état antérieur à la conclusion de leur convention annulée, l’obligation de restituer inhérente au contrat de prêt demeure valable (5), la solution pourrait être différente pour les contrats immoraux (6).

21/ La communication des comptes bancaires L’article 1649-A du CGI pose le principe du droit de communication de l’administration sur les numéros de comptes bancaires :

« Les administrations publiques, les établissements ou organismes soumis au contrôle de l'autorité administrative et toutes personnes qui reçoivent habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces doivent déclarer à l'administration des impôts l'ouverture et la clôture des comptes de toute nature. »

La Directive anti blanchiment de 2005 (7) ajoute que « Les États membres interdisent à leurs établissements de crédit et autres établissements financiers de tenir des comptes anonymes ou des livrets d'épargne anonymes. Par dérogation à l'article 9, paragraphe 6, les États membres exigent dans tous les cas que les titulaires et les bénéficiaires de comptes anonymes ou de livrets d'épargne anonymes existants soient soumis aux

(1) Ordonnance n°2010-1512 du 9 décembre 2010 art 10, JORF 10/12/10 p.21617 (2) Cass. crim. 5 février 1995, RD bancaire 95 p.77, obs. Campana et Calendini

Cass. crim. 2 mai 1994 n°93-83512, Bull. crim. n°158 (3) Cass. com. 3 décembre 2002 n°00-16957 (n°2045 FS-P), Desideri c/ Multedo, D. 3/03

jp-aj p.202 (4) CA Paris 26 juin 1995, RD bancaire 96 p.233, obs. Crédot et Gérard

Cass. crim. 2 mai 1994 n°93-83512, Bull. crim. n°158 (5) Cass. com. 3 décembre 2002 n°00-16957 (n°2045 FS-P), Desideri c/ Multedo, D. 3/03

jp-aj p.202 (6) Cass. civ. 15 décembre 1873, D.1874 1 p.222 (7) Directive 2005/60/CE du 26 octobre 2005, art. 6, JOUE FR du 25 novembre 2005 (L

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mesures de vigilance à l'égard de la clientèle dès que possible et, en tout état de cause, avant que ces comptes ou livrets ne soient utilisés de quelque façon que ce soit. » ce qui était déjà le cas en France depuis longtemps.

L’administration connaît ainsi les comptes bancaires ouverts par un contribuable et elle peut obtenir du Fichier des comptes bancaires les intitulés de tous les comptes ouverts par un contribuable donné. Pendant de longues années, ce répertoire ne comportait pas les comptes ouverts auprès des Caisses d’Epargne, des Trésoreries Générales ou de la Banque de France de sorte que, le plus souvent, le vérificateur n’étant pas informé des comptes ouverts auprès de ces organismes, ne procédait qu’à des investigations partielles en raison d’une interprétation restrictive des dispositions de l’article 58 de l’annexe II au CGI. L’article 75 de la loi de finances pour 1980 (1) étend aux administrations publiques, aux établissements ou organismes soumis au contrôle de l’autorité administrative, des obligations dont ils étaient parvenus à s’affranchir. Commentant ce texte, l’administration précisera (2) :

« Sont notamment visés: pour les administrations les comptables publics et les Centres de Chèques Postaux, les Caisses de Crédit Mutuel, les Caisses d’Epargne ... »

avant de rappeler que certaines tolérances administratives antérieures sont reconduites. Pour exploiter la masse de renseignements ainsi mis à sa disposition, l’administration a organisé un traitement informatisé du fichier des comptes bancaires (FICOBA) approuvé par la CNIL le 3 novembre 1981. Un arrêté du 14 juin 1981 (3) en a précisé le fonctionnement, modifié par un arrêté du 23 octobre 1995 (4) précisant quels services peuvent recevoir communication des informations gérées par FICOBA étant précisé que ce fichier constitue un traitement automatisé d’informations nominatives qui entre dans le champ d’application de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (5). Quelques années plus tard, l’administration a rappelé (6) les obligations déclaratives des banques en précisant que « l’article 1649-A du CGI soumet les personnes

physiques ou morales qui reçoivent en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces, à l’obligation de déclarer à l’administration des impôts l’ouverture et la clôture des comptes de toute nature. Les modalités de déclaration sont prévues aux articles 164-FB à 164-FF de l’annexe IV au CGI. »

L’administration précisera les personnes tenues par l’obligation en rappelant un principe et les tolérances administratives (1).

(1) Loi n°80-30 du 18 janvier 1980, JORF 19/01/80 p.147, DF 6/80 n°263 (2) BODGI 5 A-1-81 du 18 août 1981, DF 40/81-II-7017 (3) BODGI 5 A-2-82 du 9 septembre 1982, DF 41/82-II-7470 (4) Arrêté du 23 octobre 1995, JORF 31/10/95, DF 47/95 n°2151 (5) Loi n°78-17 du 6 janvier 1978, JORF 07/01/78 p.227 (6) BOI 5-A-2-95 du 5 juillet 1995, DF 31-36/95-II-11.440

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« Les dispositions de l’article 1649-A du CGI s’appliquent à toutes les personnes physiques ou morales qui reçoivent en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. Sont notamment visés : - la Banque de France - les comptables publics - les services financiers de la Poste - l’ensemble des établissements visés par la loi bancaire du 4 janvier 1984 modifiée - la Caisse des Dépôts et consignations - les sociétés de Bourse. 1° Principe La déclaration des ouvertures, des modifications et des clôtures concerne tous les comptes ouverts au nom de leurs clients par les personnes ou organismes visés par l’article 1649-A, quels que soient la nationalité ou le domicile du titulaire, ou la nature ou la dénomination du compte (compte d’entreprise, compte de particulier, compte à terme, compte sur livret, compte épargne-logement, compte d’épargne à long terme, compte de non-résidents ou de correspondants étrangers,...). 2° Tolérances administratives. En vertu de tolérances administratives, les déclarations ne sont pas exigées pour : - les comptes généralement désignés sous le nom de comptes de passage ou de comptes suspensifs ouverts à des clients occasionnels en vue d’opérations isolées. Il convient toutefois que l’intitulé de ces comptes mentionne l’identité et le domicile du client occasionnel qui doit en justifier. - les comptes impersonnels, parfois dénommés "créditeurs divers", qui sont, en fait, des comptes internes propres à l’établissement concerné mais qui sont parfois utilisés pour retracer des opérations avec la clientèle. Ces opérations doivent rester exceptionnelles, être sans rapport avec une activité commerciale, industrielle, libérale ou agricole et leur montant doit être limité. Par ailleurs, les banques doivent pouvoir indiquer, à la demande de l’administration, l’identité des personnes concernées et les écritures retracées par ces comptes. - les comptes ouverts par les notaires pour enregistrer les versements concernant une seule opération comme un achat d’immeuble ou de fonds de commerce. - les comptes ouverts dans les entreprises de fabrication ou de vente de marchandises aux clients et fournisseurs et enregistrant les opérations purement commerciales; - les comptes d’avance ou de prêt, dans la mesure où le remboursement du crédit est effectué par prélèvement sur un compte ordinaire ou d’épargne ouvert au nom de l’emprunteur dans un établissement ou organisme soumis à l’obligation de déclaration prévue par l’article 1649 A du CGI. - les comptes de trésorerie et d’opérations interbancaires (comptes enregistrant les avoirs des établissements financiers auprès des instituts d’émission, Trésor Public, CCP et autres intermédiaires financiers). »

Dans cette même note (2) l’administration rappelle les sanctions attachées à cette obligation de déclaration.

(1) BOI 5-A-2-95 du 5 juillet 1995, DF 31-36/95-II-11.440 (2) BOI 5-A-2-95 du 5 juillet 1995, DF 31-36/95-II-11.440

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L’absence de déclaration dans les délais requis ou les omissions ou inexactitudes relevées dans les avis produits sont passibles d’amendes fiscales dans les conditions prévues aux articles 1725 et 1726 du CGI. Deux ans plus tard, l’administration précisera encore ces tolérances (1) :

« Les comptes titres ne sont pas visés par ces tolérances. Les comptes titres constituent une catégorie de comptes entrant dans le champ d’application de l’obligation déclarative prévue par les dispositions de l’article 1649-A du CGI dont les modalités de déclaration à Ficoba sont présentées par l’instruction du 22 juin 1995 précitée. La note technique de la DGI du 21 décembre 1984 relative aux modalités d’entrée en vigueur du format définitif prévoit que les comptes titres peuvent ne pas être déclarés au nom de chacun des titulaires dés lors que les opérations relatives à ces comptes sont retracées dans un compte principal (compte ordinaire ou d’épargne) ouvert au nom du même titulaire dans le même établissement et déclaré à la DGI. »

Après avoir rappelé que ces dispositions s’appliquent depuis le 1er janvier 1985 l’administration précise qu’elles continuent à s’appliquer aux conditions suivantes :

« - seuls les comptes titres (ordinaires, plans et comptes d’épargne en actions) sont susceptibles de bénéficier de cette tolérance ; - l’ensemble des dépôts et prélèvements du compte titre doit être retracé dans un compte principal ordinaire ou d’épargne géré par le même établissement et ouvert au nom du même titulaire ; - le compte principal doit être déclaré au fichier Ficoba selon les modalités rappelées dans l’instruction du 22 juin 1995 (2) ; - le compte principal doit être obligatoirement déclaré sous la caractéristique "compte multiple"; il est rappelé que cette mention s’applique à l’ensemble des comptes qui présentent des sous-comptes portant la même racine. La tolérance administrative concernant les comptes titres rattachés ne s’applique que si toutes les conditions présentées sont simultanément remplies. »

22/ La communication des produits de l’épargne La directive « en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts », dite directive « épargne », (3) a été transposée en droit interne par la loi de finances rectificative pour 2003 (4) dont le texte est codifié aux articles 242-ter, 1768-bis, et 199-ter du CGI. L’administration a commenté ce nouveau dispositif dans une instruction (5) à laquelle il sera largement emprunté. 22-1/ La directive « épargne »

(1) BOI 5 A-2-97 du 28 avril 1997, DF 22/97-II-11.788 (2) BOI 5 A-2-95 du 22 juin 1995, DF 31-36/95-II-11.440 (3) Directive n°2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 (4) Loi n°2003-1312 du 30 décembre 2003 art.24, DF 4/04 n°124 (5) BOI 5 I-3-05, instruction du 12 août 2005, DF 37/05-II-13398

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Le dispositif de la directive est précédé de considérants intégralement reproduits ci-après qui posent clairement le problème que les instances communautaires voulaient régler et les difficultés à surmonter : garantir la libre circulation des capitaux et permettre aux Etats de taxer les revenus de l'épargne qui constituent des revenus imposables pour les résidents de tous les États membres. Ces considérations débouchent sur quatre chapitres et une annexe. � Le chapitre 1 est consacré aux dispositions introductives : objet de la Directive,

définition du bénéficiaire effectif, identification et détermination du lieu de résidence des bénéficiaires effectifs, définition de l'agent payeur, définition de l'autorité compétente, définition du paiement d'intérêts, champ d'application territorial.

� Le chapitre 2 traite de l’échange d'informations : communication d'informations par l'agent payeur et échange automatique d'informations

� Le chapitre 3 concerne les dispositions transitoires : période de transition, retenue à la source, partage des recettes, exceptions au système de la retenue à la source, élimination des doubles impositions, titres de créance négociables,

� Le chapitre 4 comporte des dispositions diverses et les dispositions finales : autres retenues à la source, transposition, réexamen, entrée en vigueur, destinataires

� L’annexe comporte la liste des entités assimilées visées à l'article 15 La Belgique bénéficiait, avec le Luxembourg et l’Autriche, d’un régime transitoire. Ces Etats ne participaient pas immédiatement à l’échange automatique d’informations pour maintenir pendant quelques années encore leur secret bancaire. Pendant une période transitoire, ces trois pays ont donc pu s’abstenir d’échanger l’information sur les revenus de l’épargne couverts par la directive s’ils appliquaient un système de retenue à la source aux mêmes revenus. Sous la pression de l’OCDE et du G20, la Belgique a toutefois anticipé sa participation à l’échange automatique d’informations auquel elle contribue depuis le 1er janvier 2010, elle a abandonné à la même date son régime de transition lui permettant de s’abstenir d’échanger l’information sur les revenus de l’épargne, elle n’applique plus le système de retenue à la source aux mêmes revenus (15% pendant les trois premières années de la période de transition, 20% pendant les trois années suivantes et de 35% par la suite). A noter que, depuis le 1er janvier 2006, la législation belge offre la possibilité d’une régularisation rapide et anonyme par l’intermédiaire du point de « contact régularisation » créé au sein du service des décisions anticipées. 22-2/ La transposition en droit national Le législateur national interviendra dans plusieurs domaines. La loi autorisera l’approbation de l’accord de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres d’une part, et la Confédération suisse d’autre part pour lutter contre la fraude et toute activité illégale portant atteinte à leurs intérêts financiers (1). La loi de finances rectificative pour 2003 (2) intègrera les dispositions communautaires à l’ordre interne :

« I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :

(1) Loi n°2007-166 du 7 février 2007, JORF 09/02/07 p.2475 (2) Loi n°2003-1312 du 30 décembre 2003, art.24, JORF 31/12/03 p.22594

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A. - Le 1 de l’article 242 ter est ainsi modifié : 1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , sauf s'agissant des produits mentionnés aux 1° et 2° si leur bénéficiaire a son domicile fiscal hors de France dans un Etat membre de la Communauté européenne » ; 2° Après le cinquième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés : « Pour l’établissement de cette déclaration, les personnes qui en assurent le paiement individualisent les intérêts des créances de toute nature et produits assimilés tels qu'énumérés par un décret transposant l'article 6 de la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d’intérêts. « Les revenus de cette nature provenant de la cession, du remboursement ou du rachat de parts ou actions d’organismes de placements collectifs ou entités assimilées investis à plus de 40% en créances ou produits assimilés sont déterminés et déclarés dans des conditions prévues par décret. « Pour l’application des dispositions de l’alinéa précédent, l’organisme ou l’entité ou, à défaut de personnalité morale, son gérant ou représentant à l’égard des tiers, fournit aux personnes mentionnées au premier alinéa, dans des conditions prévues par décret, les informations nécessaires à l'appréciation de la situation de l'organisme ou entité au regard du pourcentage de 40%. Cette situation est précisée dans les documents constitutifs ou le règlement de l'organisme ou entité ou, à défaut, dans leurs inventaires prévus à l'article L.214-8 du code monétaire et financier. A défaut d'information, les personnes mentionnées au premier alinéa considèrent que le pourcentage de 40% est dépassé. » ; 3° Dans l'avant-dernier alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « La déclaration mentionnée au premier alinéa ». B. – L’article 1768-bis est ainsi modifié : 1° Au 1 bis, le mot : « septième » est remplacé par le mot : « dixième » ; 2° Il est complété par un 4 et un 5 ainsi rédigés : « 4. L’organisme ou l’entité ou, à défaut de personnalité morale, son gérant ou représentant au regard des tiers, qui mentionne sur les documents prévus au huitième alinéa du 1 de l'article 242-ter des informations qui conduisent à tort à ne pas considérer les revenus réalisés lors des cessions, remboursements ou rachats de leurs parts ou actions comme des intérêts au sens du septième alinéa du 1 de ce même article est passible d'une amende fiscale annuelle de 25.000 €. « 5. Par dérogation au 1, l’absence d’individualisation des sommes prévues au sixième alinéa du 1 de l’article 242-ter ainsi que l’insuffisance de déclaration des sommes en cause sont sanctionnées par une amende fiscale forfaitaire de 150 € par information omise ou erronée, dans la limite de 500 € par déclaration. Cette amende n’est pas applicable pour les infractions commises sur la base des informations fournies à l’établissement payeur dans les conditions prévues au huitième alinéa du 1 de l’article 242-ter. » C. - Le 1 de l’article 199-ter est complété par un c ainsi rédigé : « c. La retenue à la source, temporairement prélevée par la Belgique, le Luxembourg et l’Autriche conformément à l’article 11 de la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts, ouvre droit après imputation, le cas échéant, des autres retenues à la source et crédits d'impôt mentionnés aux a et b, à un crédit d'impôt égal à cette retenue qui est déduit de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année au cours de

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laquelle les revenus définis au sixième alinéa du 1 de l’article 242-ter, majorés du montant des retenues à la source auxquelles ils ont été soumis, sont déclarés et imposés. En cas d’excédent, celui-ci est restitué. » II. - Les dispositions du I s’appliquent aux déclarations afférentes aux sommes qualifiées d’intérêts au sens du sixième alinéa du 1 de l’article 242-ter du code général des impôts payés à compter du 1er janvier 2005. A cet effet, les personnes mentionnées au 1 de ce même article identifient à compter du 1er janvier 2004 les bénéficiaires de tels intérêts selon des modalités qui seront fixées par voie réglementaire. »

L’article 36 de la loi de finances rectificative pour 2004 (1) modifie l’entrée en vigueur des textes transposant la directive « épargne », cette entrée en vigueur étant subordonnée à une décision du Conseil de l’Union européenne qui, dans une décision du 14 juillet 2004, a remplacé la date d’entrée en application de la directive « épargne », fixée initialement au 1er janvier 2005, par celle du 1er juillet 2005.

« Dans la première phrase du II de l'article 24 de la loi de finances rectificative pour 2003 (2), les mots : « du 1er janvier 2005 » sont remplacés par les mots : « de la date d'application de la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts décidée par le Conseil de l'Union européenne sur le fondement du 3 de l'article 17 de cette même directive ».

Tandis que l’article 40 de la loi de finances pour 2004 (3) a élargit le champ d’application de l’option pour le prélèvement libératoire aux intérêts, arrérages et produits de toute nature de placement à revenu fixe et aux gains de cession des bons ou contrats d capitalisation et d’assurance-vie de source européenne perçus depuis le 1er janvier 2005. Commentant cette disposition, l’administration (4) reporte le délai d’option du 15 juillet 2005 au 15 octobre 2005.

« Ces textes seront complétés par un décret (5) transposant l’article 6 de la directive « épargne » en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts et pris pour l’application des dispositions de l’article 242-ter du CGI relatif à la déclaration de ces paiements d’intérêts et modifiant l’annexe III à ce code. « Article 1 : Au livre Ier, première partie, titre Ier, chapitre II, de l’annexe III au code général des impôts, la section II bis est complétée par les articles 49-I-ter à 49-I-sexies ainsi rédigés : « Art. 49-I-ter. - I. - Pour l’application des sixième et septième alinéas du 1 de l’article 242-ter du code général des impôts, les personnes mentionnées au premier alinéa de cet article qui assurent le paiement des intérêts de créances de toute nature et produits assimilés définis au III doivent joindre à la déclaration prévue à l'article 49-D, et dans le même délai, un état de ces sommes, payées au cours de l'année précédente à un bénéficiaire effectif défini au II. « Par dérogation, les gérants et les dépositaires des actifs des fonds communs de créances et des fonds communs de placement ne bénéficiant pas de la procédure de

(1) Loi n°2004-1485 du 30 décembre 2004, JORF 31/12/04 p.22522 (2) Loi n°2003-1312 du 30 décembre 2003, JORF 31/12/03 p.22594 (3) Loi n°2004-1485 du 30 décembre 2004, art. 40, JORF 31/12/04 p.22522 (4) BOI 5 I-1-05 du 28 juillet 2005, DF (5) Décret n°2005-132 du 15 février 2005, JORF 17/02/05 p.2670

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reconnaissance mutuelle des agréments prévue par la directive 85/611/CEE du Conseil du 20 décembre 1985 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières ainsi que les représentants à l'égard des tiers des organismes ou entités sans personnalité morale produisent dans le même délai un état de sommes définies au III que ces fonds, organismes ou entités ont reçues pour leur quote-part revenant à un bénéficiaire effectif au cours de l'année précédente lorsque ces fonds, organismes ou entités ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés. « Toutefois, les fonds, organismes ou entités mentionnés au deuxième alinéa peuvent déclarer ces sommes au titre de l'année de leur paiement, sur option expresse, irrévocable et globale, formulée soit par le gérant du fonds, qui en informe le dépositaire des actifs, soit, pour tout autre organisme ou entité, son représentant à l'égard des tiers. Cette option est formulée au plus tard le 30 juin 2005 pour les fonds, organismes ou entités existant à cette date, ou dans le mois de leur création dans les autres cas, auprès de la direction des services fiscaux désignée par l'article 49-H, qui leur délivre un certificat. Les organismes ou entités qui reçoivent des sommes mentionnées au III d'un tiers résident d’un autre Etat membre de la Communauté européenne lui remettent à sa demande un exemplaire de ce certificat pour justifier de leur option. « II. - Est considéré comme bénéficiaire effectif : « 1° Toute personne physique qui a son domicile fiscal hors de France dans un Etat membre de la Communauté européenne et qui perçoit pour son propre compte ou à qui sont attribuées les sommes définies au III ; « 2° Tout organisme ou entité à qui sont payées ou attribuées les sommes définies au III établi hors de France dans un Etat membre de la Communauté européenne, sans personnalité morale, qui n'est pas passible de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent et qui ne bénéficie pas de la procédure de reconnaissance mutuelle des agréments prévue par la directive 85/611/CEE du Conseil du 20 décembre 1985 précitée, lorsqu'il n'a pas produit le certificat d'option délivré par l'autorité compétente de son Etat de résidence pour l'application du régime mentionné au troisième alinéa du I. « III. - 1. Les intérêts de créances de toute nature et produits assimilés au sens de la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts s'entendent : « 1° Sous réserve du 2, des intérêts payés ou inscrits en compte, qui se rapportent à des créances de toute nature, assorties ou non de garanties hypothécaires ou d'une clause de participation aux bénéfices du débiteur, et notamment les revenus des fonds publics et des obligations d’emprunts, y compris les primes et lots attachés à ceux-ci, à l’exclusion des pénalisations pour paiement tardif ; « 2° Des intérêts courus ou capitalisés obtenus lors de la cession, du remboursement ou du rachat des créances mentionnées au 1° ; « 3° Des revenus mentionnés aux 1°, 2° et 4° distribués par un organisme de placement collectif en valeurs mobilières bénéficiant de la procédure de reconnaissance mutuelle des agréments prévue par la directive 85/611/CEE du Conseil du 20 décembre 1985 ou par un organisme ou une entité, défini au 2° du II, établi dans un Etat membre de la Communauté européenne et ayant opté pour le régime mentionné au troisième alinéa du I, ou par un organisme de placement collectif établi hors de la Communauté européenne. Il en est ainsi que ces revenus soient payés à un bénéficiaire effectif directement par ces organismes ou entités ou

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indirectement par l’intermédiaire d’une entité définie au 2° du II et établie dans un Etat membre de la Communauté européenne ; « 4° Des revenus réalisés lors de la cession, du remboursement ou du rachat de parts ou d'actions des organismes ou entités mentionnés à la première phrase du 3° qui investissent, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'autres organismes ou entités de même nature, plus de 40 % de leur actif en créances mentionnées au 1°, pourcentage calculé dans les conditions fixées à l'article 49-I-quater, sous réserve des dispositions du 1 de l'article 49-I-sexies. « 2. Ne sont pas considérés comme des créances mentionnées au 1° du 1 les obligations domestiques et internationales et autres titres de créances négociables lorsque leur émission d'origine est antérieure au 1er mars 2001 ou, à défaut, lorsque leurs prospectus d'émission d'origine ont été visés avant cette date par les autorités compétentes, à condition qu'aucune nouvelle émission de ces titres n'ait été réalisée à compter du 1er mars 2002. « En cas d'émission nouvelle postérieure à cette dernière date d'un des titres de créances mentionnés au premier alinéa, est considéré comme créance au sens du 1° du 1 : « a. L’ensemble des émissions d’un même titre si celles-ci sont réalisées par un Etat ou par une entité mentionnée à l’annexe de la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 précitée, y compris les émissions réalisées antérieurement au 1er mars 2002 ; « b. La nouvelle émission postérieure au 1er mars 2002 si celle-ci est réalisée par tout autre émetteur. « IV. – L’Etat mentionné au premier alinéa du I comprend, outre la reprise des éléments d’identification du déclarant, de la référence aux comptes concernés et des éléments d’identification du bénéficiaire effectif mentionnés respectivement aux 1°, 2° et a du 3° de l’article 49-E : « 1° Pour les bénéficiaires effectifs mentionnés au 1° du II, le numéro d’identification fiscale lorsqu’il figure sur le passeport ou la carte d’identité officielle du bénéficiaire effectif ou tout document probant communiqué par ce dernier, pour les relations contractuelles établies à compter du 1er janvier 2004 ou pour les transactions effectuées en l’absence de relation contractuelle à compter de cette même date ; « 2° Pour les bénéficiaires visés au 2° du II, la dénomination ou raison sociale, l’adresse du siège social ou du principal établissement au 1er janvier de l’année de souscription de l’état mentionné au premier alinéa du I. Les éléments d’identification sont justifiés dans des conditions fixées par arrêté ; « 3° Le montant total des intérêts et des revenus mentionnés aux 1° et 3° du 1 du III et le montant total des cessions, rachats ou remboursements de créances, parts ou actions mentionnés aux 2° et 4° du 1 du même III. « Art. 49-I-quater. - Le quota d’investissement de 40% mentionné au septième alinéa du 1 de l’article 242-ter du code général des impôts est calculé en retenant au numérateur les investissements directs et indirects en créances mentionnées au 1° du 1 du III de l’article 49-I-ter et au dénominateur l’actif total de l’organisme ou entité, sur la base de la valeur liquidative des investissements. Ce quota est calculé par l’organisme ou l’entité, ou à défaut de personnalité morale, son gérant ou représentant à l’égard des tiers. « La situation antérieure à la date d’entrée en vigueur des sixième à huitième alinéas de l’article 242-ter précité des organismes ou entités mentionnés à la première phrase du 3° du 1 du III de l'article 49-I-ter au regard du quota d’investissement est

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appréciée par référence à la politique en matière d’investissement telle que définie dans les documents constitutifs ou le règlement des organismes ou entités concernés en vigueur à cette même date ou, à défaut, par référence à la moyenne des pourcentages calculés dans les conditions définies au premier alinéa tels qu'ils ressortent des inventaires mentionnés au huitième alinéa du 1 de l’article 242-ter précité arrêtés en 2004. « A compter de la date d’entrée en vigueur mentionnée au deuxième alinéa, la situation de l’organisme ou de l’entité concerné au regard du quota d’investissement, qui figure dans les documents mentionnés au huitième alinéa du 1 de l’article 242-ter du code général des impôts, est contrôlée à chaque fin de semestre de son exercice par cet organisme ou entité ou, à défaut de personnalité morale, son gérant ou représentant à l’égard des tiers. « Art. 49-I-quinquies. - I. - Pour l’application des dispositions du huitième alinéa du 1 de l’article 242-ter du code général des impôts, l’organisme ou l’entité mentionné à la première phrase du 3° du 1 du III de l’article 49-I-ter ou, à défaut de personnalité morale, son gérant ou son représentant à l’égard des tiers, informe les établissements payeurs de revenus mentionnés au 4° du 1 du III du même article 49-I-ter de sa situation au regard du quota d’investissement de 40 % mentionné à l’article 49-I-quater. « Cette information sur la situation de l’organisme ou entité au regard du quota d’investissement de 40% est transmise à l’établissement payeur selon un modèle établi par l’administration fiscale : « a. Dans le mois de leur création pour les organismes ou entités créés à compter de la date d’entrée en vigueur des sixième à huitième alinéas du 1 de l’article 242-ter ou à cette même date pour les organismes ou entités existants. A défaut d’information, l’actif des organismes ou entités est réputé être investi à plus de 40% en créances mentionnées au 1° du 1 du III de l’article 49-I-ter. « b. Dans le mois de la constatation d’un changement de la situation de l’organisme ou de l’entité au regard du quota d’investissement constaté lors du calcul semestriel prévu au troisième alinéa de l’article 49-I-quater et conduisant à modifier la qualification de la nature des revenus mentionnés au 4° du 1 du III de l’article 49-I-ter. Toutefois, cet organisme ou entité ou, à défaut de personnalité morale, son gérant ou son représentant à l’égard des tiers est dispensé de communiquer cette information lorsque ce changement constitue le premier changement et qu’il n’est pas confirmé lors du calcul semestriel suivant. « Un double du modèle mentionné au deuxième alinéa est adressé au dépositaire des actifs lorsque celui-ci dépose l’état prévu au I de l’article 49-I-ter. « II. – L’organisme ou l’entité ou, à défaut de personnalité morale, son gérant ou son représentant à l’égard des tiers, fournit également la situation de l’organisme ou entité au regard du quota d’investissement de 40% aux établissements payeurs qui en font la demande. « Art. 49-I-sexies. - 1. Pour l’application des sixième et septième alinéas du 1 de l’article 242-ter du code général des impôts, les personnes mentionnées au I de l’article 49-I-ter qualifient les revenus de la nature de ceux mentionnés au 4° du 1 du III du même article au vu des éléments communiqués dans les conditions prévues à l’article 49-I-quinquies ou au 2 ci-après. « Les revenus sont qualifiés d’intérêts lorsque le quota d’investissement en titres de créances ou produits assimilés de l’organisme ou entité concerné a été déclaré supérieur au moins une fois à 40% au cours de la période de détention des parts ou actions de cet organisme ou entité par le bénéficiaire effectif du revenu.

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« A défaut de pouvoir déterminer la période de détention des parts cédées par le bénéficiaire effectif, les revenus sont qualifiés d’intérêts lorsque le quota d’investissement en titres de créances ou produits assimilés a été déclaré supérieur à 40% au moins une fois depuis la création de l’organisme ou entité ou depuis la situation communiquée à la date d’entrée en vigueur des sixième à huitième alinéas du 1 de l’article 242-ter. « A défaut d’information sur la situation de l’organisme ou entité, ces revenus sont qualifiés d’intérêts. « 2. Lorsqu’un établissement payeur, au sens de l’article 75 de l’annexe II au code général des impôts, paie des revenus mentionnés au 4° du 1 du III de l’article 49-I-ter à un autre établissement payeur, il doit accompagner ce paiement des informations relatives à la situation des organismes ou entités mentionnés à la première phrase du 3° du 1 du III du même article 49 I ter dont les parts sont cédées ou rachetées au regard de leur quota d’investissement, informations qui lui ont été transmises dans les conditions prévues à l’article 49-I-quinquies. » Article 2 L’état prévu au I de l’article 49-I-ter de l’annexe III au code général des impôts, joint à la déclaration mentionnée à l’article 49-D de la même annexe III, est souscrit pour les intérêts de créances de toute nature et produits assimilés payés à compter de la date d’entrée en vigueur des sixième à huitième alinéas de l’article 242-ter du code général des impôts. »

Enfin, un arrêté du 15 février 2005 relatif à l’identification des bénéficiaires effectifs de paiements d’intérêts définis à l’article 49-I-ter de l’annexe III au code général des impôts et modifiant l’annexe IV à ce même code, dispose :

« Article 1 : L’annexe IV au code général des impôts est ainsi modifiée : I. - Le 2 de l’article 9 est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Les personnes présentant un passeport ou une carte d’identité officielle délivré par un Etat membre de la Communauté européenne qui déclarent être résidentes d’un pays tiers produisent l’attestation de résidence fiscale prévue au dernier alinéa de l’article 13. A défaut, elles sont considérées comme résidentes fiscales de l’Etat membre qui délivre le passeport ou la carte d’identité officielle. » II. – L’article 13 est ainsi modifié : 1° Les indexations A, B et C deviennent respectivement les indexations I, II et III ; 2° Le I est ainsi modifié : Le 1° est complété par les mots : « ou carte d’identité officielle délivré par un autre Etat que la France accompagné si nécessaire de tout document probant comportant l’adresse ou le numéro d'identification fiscale » ; Le 14° est complété par les mots : « accompagné si nécessaire de tout document probant comportant l'adresse ou le numéro d'identification fiscale » ; 3° Le II est ainsi modifié : Son intitulé est complété par les mots : « ou organismes sans personnalité morale » et les indexations 16° à 18° deviennent respectivement les indexations 1° à 3° ; Au 1°, après les mots : « exemplaire des statuts », sont insérés les mots : « ou tous documents constitutifs » et, après les mots : « de la société », sont insérés les mots : « ou de l’organisme ». 4° Le III est ainsi modifié : Son intitulé est complété par les mots : « ou organismes sans personnalité morale » et l’indexation : « 19° » est supprimée ;

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Au deuxième alinéa, après les mots : « service des impôts », sont insérés les mots : « ou par l’autorité administrative compétente du lieu de résidence fiscale ». Article 2 Les dispositions du présent arrêté entrent en vigueur pour l’identification des présentateurs et des bénéficiaires de revenus de capitaux mobiliers à compter du 1er janvier 2004, en application des dispositions du II de l’article 24 de la loi de finances rectificative pour 2003. »

22-3/ Les commentaires administratifs C’est presque sans délai que l’administration commentera l’ensemble de ces dispositions (1) en rappelant : � que l’objectif de cette directive est l’imposition effective des revenus de l’épargne sous

forme de paiement d’intérêts dans l’Etat membre où le bénéficiaire effectif a sa résidence fiscale, conformément aux dispositions législatives de ce dernier Etat membre ;

� qu’à cette fin, elle instaure une transmission automatique d’informations entre Etats membres de la Communauté européenne concernant le paiement de revenus qualifiés d’intérêts par un agent payeur établi dans un Etat membre à un bénéficiaire effectif, personne physique ou entité assimilée, établi dans un autre Etat membre ;

� que ce dispositif implique la création de nouvelles obligations à la charge des établissements payeurs français et des sanctions corrélatives. De nouvelles obligations d’information sont également mises à la charge des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) par le décret n°2005-132 du 15 février 2005 qui précise le contenu des obligations des établissements payeurs et des OPCVM, notamment en matière d’identification des bénéficiaires effectifs et des revenus qualifiés d’intérêts.

La directive « épargne » prévoit en outre, à titre transitoire, un dispositif alternatif à l’échange d’informations pour l’Autriche, le Luxembourg et la Belgique consistant en l’application aux revenus versés par les agents payeurs établis dans ces Etats à un bénéficiaire effectif résident d’un autre Etat membre, d’une retenue à la source dont le taux augmentera progressivement, et en un partage de recettes entre les deux Etats membres concernés (2). 22-4/ Les commentaires des organismes professionnels Ces commentaires ont été nombreux, on n’en rapportera qu’un (3), la décision portant adoption d'un règlement relatif aux procédures internes destinées à mettre en oeuvre les obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et dispositif de contrôle interne destiné à assurer le respect des procédures. Cette décision distingue deux parties :

(1) BOI 5 I-3-05 du 12 août 2005, DF 37/05-II-n°13398 (2) BOI 5 I-1-06 du 12 janvier 2006, DF 5/06-II-13455 (3) Conseil National des Barreaux, décision du 12 juillet 2007, JORF 09/0807 p.13331

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La première partie est consacrée aux procédures internes que doivent mettre en place les avocats qui, dans le cadre de leur activité professionnelle, réalisent des transactions financières ou immobilières au nom et pour le compte de leur client ou qui participent en assistant leur client à la préparation ou à la réalisation des transactions concernant : 1° L’achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce ; 2° La gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant au client ; 3° L’ouverture de comptes bancaires, d’épargne ou de titres ; 4° L’organisation des apports nécessaires à la création de sociétés ; 5° La constitution, la gestion ou la direction des sociétés ; 6° La constitution, la gestion ou la direction de fiducies de droit étranger ou de toute autre structure similaire. L’article 2 précise que sous les réserves visées à l’article L. 562-2-1 du code monétaire et financier, les avocats ne sont pas assujettis au présent règlement dès lors qu’ils exercent une activité de consultation juridique ou lorsque leur activité se rattache à une procédure juridictionnelle à l’occasion de l’une ou l’autre des six activités prévues à l’article 1er. L’article 3 renvoie aux exigences de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 et du décret n° 2006-736 du 26 juin 2006, et notamment aux prescriptions relatives : - aux obligations d’identification des clients et des ayants droit économiques ; - à l’examen des opérations inhabituellement complexes supérieures à 150.000 € et à l’obligation de consignation écrite de ses caractéristiques sur un registre spécial mis à disposition du bâtonnier et de TRACFIN ; - à la déclaration de soupçon ; - au contrôle par le bâtonnier du respect des modalités de communication avec TRACFIN visées à l’article 4. L’article 7 précise que cette procédure doit prévoir les modalités : - d’information préalable du responsable du contrôle interne ; - d’enregistrement et de conservation des documents se rapportant aux opérations ayant donné lieu à déclaration. L’article 4 précise que l’avocat remet la déclaration de soupçon au bâtonnier, pour transmission à TRACFIN de l’ensemble des renseignements et des documents utiles. Si TRACFIN réclame les documents relatifs à la déclaration de soupçon prévus par l’article L.563-4 du code monétaire et financier, l’avocat auteur de celle-ci les transmet sans délai et en adresser copie au bâtonnier.

« Lorsque, en application du seul article L.563-4 du code monétaire et financier, TRACFIN interroge un avocat dans le but de reconstituer l’ensemble des transactions faites par une personne physique ou morale liées à une opération suspecte, celui-ci ne doit transmettre à TRACFIN que les renseignements et documents conservés dans le cadre de l’exécution de son obligation de vigilance relatifs à l’identité de son client ainsi que la copie de l’acte établissant l’opération, sous la double condition que ces renseignements et ces documents aient été obtenus à l’occasion d’une des activités prévues à l’article 1er et qu’ils n’aient pas été obtenus dans le cadre d’une activité de consultation juridique ou se rattachant à une procédure juridictionnelle. »

L’article 5 prévoit l’adoption de règles écrites internes, communiquées à sa demande au bâtonnier, décrivant les diligences à accomplir, donnant des indications sur les sommes et la nature des opérations devant faire l'objet d'une vigilance particulière en tenant compte des activités exercées.

« Le droit d’informer son client de la déclaration de soupçon régularisée prévu par l’article L.574-1 du code monétaire et financier doit y être expressément rappelé. »

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L’article 8 précise qu’il y a lieu à déclaration de soupçon lorsque quatre conditions sont cumulativement remplies : 1. L'opération n’entre pas dans le champ d’application de la déclaration de soupçon visée à

l’article L. 562-2-1 du code monétaire et financier. 2. Son montant unitaire ou total est supérieur à la somme de 150.000 €. 3. Elle se présente dans des conditions inhabituelles de complexité. 4. Elle ne paraît pas avoir de justification économique ou d’objet licite. Il y a lieu à déclaration de soupçon si les justifications obtenues ne sont pas jugées suffisantes. La déclaration de soupçon doit faire état des renseignements recueillis et documentés concernant en particulier : - l’origine et la destination des sommes ainsi que l’objet de la transaction ; - l’identité du donneur d’ordre et du ou des ayants droit économiques (nom, adresse, profession) ; - les caractéristiques de l’opération au regard des quatre critères énoncés au premier alinéa du présent article. Le document n’est communiqué à TRACFIN et au bâtonnier qu’à leur demande. L’avocat assujetti tient, pendant cinq ans, le document et les pièces qui s’y rattachent à la disposition de TRACFIN et du bâtonnier. La deuxième partie est consacrée au contrôle interne, Dans les cabinets constitués en société, l’article 10 précise que « les obligations fixées dans la présente partie du règlement s'imposent exclusivement à la personne morale. » « Les avocats et les structures assujettis veillent à mettre en place un contrôle interne adéquat en adaptant de façon proportionnelle et raisonnable l'ensemble des dispositifs prévus à la nature et au volume de leurs activités ainsi qu'aux risques auxquels ils sont exposés. » et l’article 12 précise que « les structures assujetties désignent par écrit un responsable chargé du contrôle interne, de veiller à la cohérence et à l'efficacité du risque de non-conformité. ». Aux termes de l’article 10 « L'ensemble des informations résultant de l'activité de contrôle interne n'est pas accessible à TRACFIN. Seul le bâtonnier peut y avoir accès sous réserve que sa demande soit motivée et faite au visa des articles L. 562-7 ou L. 563-6 du code monétaire et financier. »

23/ La convention OCDE et l’échange de renseignements au niveau international Pendant de longues années les pays soucieux de sauvegarder le secret bancaire signaient des conventions établies sur le modèle OCDE en réservant l’échange de renseignements ou assistance administrative à des situations très particulières. La tendance s’est violemment inversée en 2009 et 2010. Le lecteur est renvoyé aux développements sur « le droit de communication auprès d’administrations étrangères » et plus particulièrement le point consacré au « cadre international de l’assistance administrative ».

24/ La surveillance de certaines opérations Le droit de communication auprès des organismes financiers peut revêtir un aspect plus indirect : par des interdictions d’utilisation d’argent liquide, l’administration s’assure que de nombreux paiements laisseront une trace sur laquelle elle pourra utilement exercer

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son droit de communication ; dans le même ordre d’idée l’administration contrôle certains transferts.

24-1/ Les paiements en espèces Au lendemain de la défaite et de l’occupation de la France la limitation des paiements en espèces avait pour but de contrôler les échanges monétaires substantiels. Après la fin de la guerre et de l’occupation, la justification du maintien de cette disposition se justifiait par son utilité dans la lutte contre l’inflation en ces temps d’instabilité monétaire cet effet étant très faible une autre justification fut avancée : l’absence de traçabilité des paiements objectif plus tard renforcé par la lutte contre le blanchiment. Parallèlement à cette lutte, les professionnels ne pouvaient refuser les paiements en espèces : tout refus de pièces ou billets constitue une infraction sanctionnée d’une peine contraventionnelle (1), sauf si les pièces et billets n’ont pas cours légal en France (devises étrangères, francs), sont manifestement faux ou gravement endommagés et donc susceptibles d’être rejetés par la banque de France. Un commerçant n’est pas tenu d’accepter plus de cinquante pièces à lors d’un seul paiement, les pièces métalliques ne constituant qu’une monnaie d’appoint (2), enfin, le débiteur doit faire l’appoint (3) ce qui autorise le commerçant à refuser un paiement en espèces lorsqu’il n’a pas assez de liquidités pour rendre la monnaie mais le créancier ne peut refuser par principe un paiement en espèces, il doit être équipé pour stocker le liquide et le transporter (4). A ces dispositions s’en ajoutent d’autres encore plus radicales qui sont analysées dans les développements qui suivent. Les développements qui suivent seront successivement consacrés aux limitations des paiements en espèces et à la constatation des violations de ces interdictions.

24-11/ Les limitations à l’utilisation des espèces La réglementation en vigueur distingue selon que les paiements se font entre professionnels ou entre un professionnel et un particulier. � Les paiements entre professionnels

(1) Code pénal art.R.642-3 et 131-13 (2) Règlement CE n°974/98 du 3 mai 1998 art.11 modifié par

Règlement CE n°2169/2005 du 21 décembre 2005 (3) Code monétaire et financier, art. L.112-5

Cass. crim. 14 décembre 2005 n°04-87536, Bull. crim. n°334, D. 06-AJ-498 obs. Avena Robardet, RTD Com. 06-501 obs. Bouloc, JCP-E 06 n°23 p.993 note Kenfack et de Lamy

(4) Cass. crim. 3 octobre 2007 n°07-80045 (n°5316 F-PF), D.40/07-actu-p.2803

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L’article 1er de la loi du 22 octobre 1940 modifié (1) prévoit l’obligation d’utiliser d’utiliser des moyens de paiement scripturaux (chèques barrés, virements, cartes de crédit ou de paiement) pour les règlements entre commerçants :

« 1° Les règlements qui excèdent la somme de 5.000 F ou qui ont pour objet le paiement par fraction d'une dette supérieure à ce montant, portant sur les loyers, les transports, les services, fournitures et travaux ou afférents à des acquisitions d'immeubles ou d'objets mobiliers ainsi que le paiement des produits de titres nominatifs et des primes ou cotisations d'assurance doivent être effectués par chèque barré, virement ou carte de paiement ou de crédit ; il en est de même pour les transactions sur des animaux vivants ou sur les produits de l'abattage. Le paiement des traitements et salaires est soumis aux mêmes conditions au-delà d'un montant fixé par décret. 2° Les dispositions du 1° ne sont pas applicables : - aux règlements à la charge de personnes qui sont incapables de s'obliger par chèques ou de celles qui, ne disposant plus de compte, en ont demandé l'ouverture en application des dispositions de l'article 58 de la loi n°84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit ; - aux règlements faits directement par des particuliers non commerçants à d'autres particuliers, à des commerçants ou à des artisans ; - aux règlements des transactions portant sur des animaux vivants ou sur les produits de l'abattage effectués par un particulier pour les besoins de sa consommation familiale ou par un agriculteur avec un autre agriculteur, à condition qu'aucun des deux intéressés n'exerce par ailleurs une profession non agricole impliquant de telles transactions. »

Le plafond des paiements en espèces connait des fluctuations erratiques traduisant une paranoïa certaine :

Période Montant Origine Du 01/01/02 au 03/08/05 750 € (2) Du 03/08/05 au 01/02/09 1.100 € (3) Du 01/02/09 au 01/11/09 450 € (4) Du 17/06/12 au 3.000 € (5)

Ce texte est aujourd’hui codifié à l’article L.112-6 du Code monétaire et financier selon lequel :

« I. Les règlements qui excèdent la somme de mille cent euros ou qui ont pour objet le paiement par fraction d’une dette supérieure à ce montant, portant sur les loyers, les transports, les services, fournitures et travaux ou afférents à des acquisitions d’immeubles ou d’objets mobiliers ainsi que le paiement des produits de titres nominatifs et des primes ou cotisations d’assurance doivent être effectués par chèque barré, virement ou carte de paiement ; il en est de même pour les transactions sur des animaux vivants ou sur les produits de l’abattage. Le paiement des traitements et salaires est soumis aux mêmes conditions au-delà d’un montant fixé par décret.

(1) Loi du 22 octobre 1940 article 1er, JO 08/11/40 p.5602 (2) Ord. n°2000-916 du 19 septembre 2000 art.5-III, JORF 22/09/00 p.14877 (3) Loi n°2005-882 du 2 août 2005 art.39, JORF 03/08/05 p.12639 (4) Ord. n°2009-104 du 30 janvier 2009 art.1, JORF 31/01/09 p.1819 (5) Décret n°2010-662 du 16 juin 2010 art.1, JORF 18/06/10 p.11088

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II. Les dispositions du I ne sont pas applicables : a. Aux règlements à la charge de personnes qui sont incapables de s’obliger par chèques ou de celles qui, ne disposant plus de compte, en ont demandé l’ouverture en application des dispositions de l’article L.312-1 ; b. Aux règlements faits directement par des particuliers non commerçants à d’autres particuliers, à des commerçants ou à des artisans ; c. Aux règlements des transactions portant sur des animaux vivants ou sur les produits de l’abattage effectués par un particulier pour les besoins de sa consommation familiale ou par un agriculteur avec un autre agriculteur, à condition qu’aucun des deux intéressés n’exerce par ailleurs une profession non agricole impliquant de telles transactions ; d. Au règlement des dépenses de l'Etat et des collectivités et établissements publics. Par dérogation aux dispositions du I ci-dessus, les dépenses des services concédés qui excèdent la somme de quatre cent cinquante euros doivent être payées par virement. »

Le plafond pour le paiement des traitements et salaires est fixé par décret à 1.500 €. Les contraventions à ces dispositions sont sanctionnées par une amende de 5% prévue à l’article L.112-7 du même code, qui est recouvrée comme en matière de timbre, elle incombe pour moitié au débiteur et pour moitié au créancier chacun étant solidairement tenu d’en assurer le règlement total. Le Conseil d’Etat (1) tout en reconnaissant la nature de loi de police aux dispositions limitant l’utilisation des espèces en limitera l’application aux paiements effectués sur le territoire national :

« […] les dispositions du premier alinéa de l'article 3 du code civil n'ont pas pour effet de soumettre les règlements effectués hors du territoire français à l'obligation instaurée au I de l'article L.112-6 du code monétaire et financier ; que, par suite, en jugeant que dès lors que le paiement n'avait pas eu lieu en France, l'administration n'était pas fondée à infliger à la société Eurospeed Technic France l'amende prévue à l'article 1840 N sexies du code général des impôts, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit »

Cette décision conduit à s’interroger sur l’avenir de cette disposition (2) « (…) la solution du Conseil d’Etat ne peut être satisfaisante car la loi qu’il applique ne l’est pas. L’adoption d’une monnaie unique a rendu nécessaire la création d’un espace européen unique de paiement (SEPA). Or après avoir unifié le régime et le coût des paiements à l’intérieur de la zone euro ne doit-on pas s’acheminer vers des règles communes de paiement ? A une zone monétaire unique devrait correspondre une règlementation du paiement unique, surtout lorsque celle-ci est édictée dans le but de lutter contre la fraude et le blanchiment d’argent, objectifs législatifs qui ne peuvent qu’être partagés par l’ensemble des Etats de la zone euro. Les Etats membres de la zone euro partageant leur politique monétaire, le territoire de défense de cette politique devrait épouser les frontières de la monnaie ; au lieu d’invoquer le territoire français du lieu de paiement, le Conseil d’Etat aurait pu se référer au territoire de circulation est espèces en cause… »

(1) CE 10 mai 2012 n°337573, Sté Eurospeed Technic France, D.34/12.2289 note Kleiner (2) Caroline Kleiner note sous CE 10/05/12 n°337573, Sté Eurospeed Technic France,

D.34/12.2289

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� Les paiements entre un professionnel et un particulier L’article 1649-quater-B du CGI prévoit que les particuliers non commerçants sont tenus d’effectuer par l’un des moyens de paiement inscrivant le montant payé au débit d’un compte tenu chez un établissement de crédit, une entreprise d’investissement ou une institution mentionnée par la loi (1) tous paiements d’un montant supérieur à un seuil qui a fortement varié sous peine d’amende. Ce texte vise donc les artisans, les membres des professions libérales, les agriculteurs mais une exception est toutefois prévue, sous certaines conditions, en faveur des particuliers non commerçants n’ayant pas leur domicile fiscal en France. Le seuil fixé par cet article 1649-quater-B du CGI est longtemps resté fixé à 150.000 F. Il a été modifié par l’article 102 de la loi de finances pour 1999 (2) qui l’abaissera à 50.000 F :

« Art. 102. - I. - Dans le premier et le deuxième alinéa de l’article 1649 quater B du Code général des impôts, la somme: "150.000 F" est remplacée par la somme : "50.000 F"». II. - Dans le premier alinéa du même article, les mots: « soit par virement bancaire ou postal, soit par carte de paiement ou de crédit. », sont remplacés par les mots: « soit par tout autre moyen inscrivant le montant réglé au débit d’un compte tenu chez un établissement de crédit, une entreprise d’investissement ou uns institution mentionnée à l’article 8 de la loi n°84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit.» III.- Ce même article est complété par un alinéa ainsi rédigé: Tout règlement d'un montant supérieur à 50.000 F en paiement d'un ou de plusieurs biens vendu aux enchères, à l'occasion d'une même vente, doit être opéré selon les modalités prévues au premier alinéa.»

Toute infraction à ces obligations est punie, en application de l’article 1749 du CGI, d’une amende dont le maximum est fixé à 100.000 F. Commentant ce texte (3) applicable à compter du 1er janvier 1999, l’administration précisera : S’agissant des personnes concernées, ce texte ne concerne pas les particuliers non commerçants n’ayant pas leur domicile fiscal en France qui peuvent effectuer le règlement de tout bien ou service d’un montant supérieur à 50.000 F en chèque de voyage ou en espèces. « Dans ce cas, le vendeur du bien ou le prestataire de services,

doit relever l’identité et le domicile de l’acquéreur justifiés par un document officiel (passeport, carte d’identité …) ainsi que le numéro, la date d’émission et la référence de l’organisme émetteur de ce document. Ces mentions doivent figurer sur les pièces comptables de l’entreprise (doubles de factures, bordereau de vente à l’exportation…) » (4).

(1) Loi n°84-46 du 24 janvier 1984 art.8, JORF 25/01/84 p.390 (2) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.102, DF 1/99 n°1 p.102 et 122 (3) BOI 13 K-7-99 du 3 juin 1999, DF 25/99-II-12235 (4) BOI 13 K-7-99 du 3 juin 1999, § A-I, DF 25/99-II-12235

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S’agissant de l’objet du règlement, l’administration (1) précise qu’en application de l’article 26 de la première loi de finances rectificative pour 1986 (2)

« les transactions relatives aux bons qui offrent au porteur la possibilité de rester anonyme peuvent être effectuées par tout moyen de paiement. Il s’agit essentiellement des transactions portant sur les bons de capitalisation (CGI art. 125-O-A) et les bons énumérés au 2° du III-bis de l’article 125-A du CGI. »

L’administration rappelle enfin que le texte de 1998 (3) vise expressément les ventes aux enchères où le seuil s’apprécie par rapport au total des opérations effectuées au cours de la même vente (4). La loi de finances pour 2000 reviendra sur cette limitation en la ramenant de 50.000 à 20.000 F (5) soit 3.000 € et en modifiant en conséquence l’article 1649-quater-B du CGI. Commentant cette disposition, l’administration précisera (6) que : « la détermination du

seuil de 20.000 F s’apprécie en prenant en considération le montant global de la transaction toutes taxes comprises. Tous les règlements partiels se rapportant à une dette dont le montant total dépasse ce seuil entrent dans le champ d’application de cet article. »

Par ailleurs cette obligation est étendue (7) à quelques catégories spécifiques de paiements qui étaient jusqu’alors exclus du champ d’application de ce texte :

« I. – L’article 1649-quater-B du Code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé : “Tout versement d’une prime ou d’une cotisation d’assurance au titre d’un contrat d’assurance vie ou d’assurance décès doit être opérée suivant les modalités prévues au premier alinéa, au delà de 20.000 F et par contrat.” II. – Dans le deuxième alinéa (1°) de l’article 1er de la loi du 22 octobre 1940 relative aux règlements par chèques et virements, après les mots “titres nominatifs” sont insérés les mots “et des primes ou cotisations d’assurance” ».

Commentant cette disposition, l’administration précise (8) que : « […] les particuliers non commerçants doivent dorénavant respecter le seuil de 20.000 F pour les versements effectués sur des contrats d’assurance vie ou d’assurance décès. Cette limite s’applique aux primes versés par année civile et par contrat, afin d’éviter le recours à des paiements fractionnés. S’agissant des commerçants, ils doivent respecter pour ces mêmes versements le seuil de l’obligation de paiement par chèque barré ou assimilé fixé à 5.000 F par l’article 1er de la loi du 22 octobre 1940 modifiée. »

La conversion de tous les seuils en Euros permettra encore de rogner sur ces limites qui passeront de 20.000 F à 3.000 € (9).

(1) BOI 13 K-7-99 du 3 juin 1999, § A-II, DF 25/99-II-12235 (2) Loi n°86-824 du 11 juillet 1986, DF 30/86 n°1400 (3) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.102, DF 1/99 n°1 p.102 et 122 (4) BOI 13 K-7-99 du 3 juin 1999, DF 25/99-II-12235 (5) Loi n°99-1172 du 30 décembre 1999 art. 101, DF 1-2/2000 n°1 p. 88 et 102 (6) BOI 13 K-3-00 du 8 février 2000, DF 10/00-II-12413 (7) Loi n°99-1172 du 30 décembre 1999 art. 102, DF 1-2/2000 n°1 p. 88 et 102 (8) BOI 13 K-3-00 du 8 février 2000, DF 10/00-II-12413 (9) Ord. n°2000-916 du 19 septembre 2000, DF 41/00 n°754

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Une nouvelle modification de l’article 1649-quater-B du CGI resserrera cette obligation pour le paiement d’un acompte (1) :

« Le premier alinéa de l’article 1649-quater-B du Code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : “Toutefois, les dispositions du présent alinéa ne font pas obstacle au paiement d’un acompte, réglé par tous moyens, dans la limite de 3.000.F” » 460 € à compter du 1er

janvier 2002, sur ce dernier point l’administration (2), après avoir indiqué que ce texte introduit un assouplissement, indiquera que ces dispositions ne concernent pas les personnes ayant la qualité de commerçant qui sont soumis aux dispositions de la loi de 1940 ni les particuliers non commerçants non résidents qui n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 1649-quater-B. L’article 1680 du CGI (3) ajoutera encore à une disposition que l’on pouvait croire suffisante en limitant à 3.000 € le paiement des impôts en numéraires… et il est vrai que dans les années qui précédaient les services du Trésor étaient des plus discrets sur les paiements qu’ils recevaient en espèces. L’article L.112-6 du Code monétaire et financier portera ce seuil à 15.000 € lorsque le débiteur justifie qu'il n'a pas son domicile fiscal en France et n'agit pas pour les besoins d'une activité professionnelle (4). Enfin l’efficacité de cet arsenal est assurée par un système de pénalités très sévères analysées avec les pénalités spéciales (articles 1749 du CGI). L’article L.112-9 du Code monétaire et financier reprenait des dispositions qui avaient été abrogées par l’article 25 de la loi du 11 juillet 1986 (5) et n’étaient donc plus en en vigueur à la date de publication de l’ordonnance de codification du 14 décembre 2000. Les dispositions abrogées avaient été codifiées à l’article 1649-ter-G du CGI, elles prévoyaient que les particuliers non commerçants devaient effectuer par chèques barrés d’avance et non transmissibles par voie d’endossement ou par virement postal ou bancaire les règlements des transactions d’un montant supérieur à 10.000 F portant sur les bijoux, pierreries, objets d’art de collection ou d’antiquité. Ces dispositions avaient pour effet de prohiber l’usage des cartes bancaires et assortissaient leur méconnaissance d’une amende fiscale dont le montant était fixé à 25% des sommes en cause. Le juge des référés du Conseil d’Etat était alors saisi d’une demande de suspension de l’exécution de l’article L.112-9 du Code monétaire et financier et il a considéré que, tant les inconvénients que ces dispositions présentent pour la vie économique que l’intérêt général qui s’attache à ce que cessent sans délai d’apparaître comme faisant partie de l’ordre juridique des dispositions qui après avoir été abrogées n’y ont été réintroduites que du fait d’une erreur matérielle font que l’urgence posée à l’article L.521-1 du Code de justice administrative doit être regardée comme remplie et il a prononcé la suspension de

(1) Loi n°2000-1352 du 30 décembre 2000 art.84, DF 1-2/00 p.102 et 114 (2) BOI 13 K-3-01 du 1er février 2001, DF 9/01-II-12575 (3) Loi n°2001-1275 du 28 décembre 2001, art. 112, DF 1-2/02 n°1 p.93 et 105 (4) Décret n°2010-662 du 16 juin 2010 art.1, JORF 18/06/10 p.11088 (5) Loi n°86-824 du 11 juillet 1986, art.25, DF 30/86 n°1400

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l’application de l’article L.112-9 du Code monétaire et financier (1). La formation de jugement confirmera cette décision en prononçant l’annulation de l’article L.112-9 (2). L’article 1649-ter-G du CGI sera abrogé en 2004 (3). 24-12/ La surveillance des opérations internationales Cette surveillance prend deux aspects : l’application aux relations commerciales internationales des interdictions de paiements en espèces et la surveillance des transferts transfrontaliers. � Les paiements internationaux entre professionnels La réglementation exposé au point précédent est réservée aux relations nationales (4) et sur ce point le Conseil d’Etat n’a fait que confirmer la doctrine administrative (5) selon laquelle :

« L'obligation de paiement par chèque, virement ou carte de paiement prévue par l'article L. 112-6 du code monétaire et financier (...) s'applique (...) à l'ensemble des transactions réalisées par des commerçants sur le territoire français ».

� Les paiements par un étranger non professionnels Les dispositions de l’article 1649-quater-B du CGI sont réservées aux particuliers non professionnels français. Ce texte n’est pas applicable aux étrangers… mais un commerçant ne saurait pour autant accepter d’un étranger un paiement en chèque de voyage ou en espèces supérieur à 3.000 € sans prendre quelques précautions. Il devra s’assurer de l’identité et du domicile de l’acquéreur sur un document officiel comme un passeport ou une carte d’identité dont il relèvera le numéro, la date d’émission et la référence de l’organisme émetteur. Ces indications devront figurer sur les pièces comptables de l’entreprise avec le double de la facture et du bordereau de vente à l’exportation. � Les transferts transfrontaliers Par un décret pris pour l’application du règlement (CE) n°1889/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant

(1) CE juge des référés 20 mars 2001 n°230462, Syndicat national des horlogers,

bijoutiers, joailliers, orfèvres et spécialistes de l’art de la table Saint-Eloi e.a., RJF 01 n°1109, DF 28/01 en bref p.1078

(2) CE 4 juillet 2001 n°230461, Syndicat national des horlogers, bijoutiers, joailliers, orfèvres et spécialistes de l’art de la table Saint-Eloi e.a., RJF 01 n°1586

(3) Ord. n°2004-281 du 25 mars 2004 art.29, JORF 27/03/04 p.5894 (4) CE 10 mai 2012 n°337573, Sté Eurospeed Technic France, D.34/12.2289 note Kleiner

Gicquel, « Les drôles d’amendes universelles françaises sanctionnant les règlements en argent », DF 7/07 Etude n°181 p.7

(5) RM n°67915, JOAN Q 16 août 2005 p.7818

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ou sortant de la Communauté et de l’article L. 152-1 du code monétaire et financier, le droit français distinguera les transferts dans l’Union européenne de ceux en direction ou en provenance de l’extérieur à l’Union (1). Opérations en provenance de ou vers l’extérieur de la Communauté européenne Pour les opérations en provenance ou vers l’extérieur de la Communauté, l’art. 1er du décret de 2007 (2) modifie l’article R. 152-6 du code monétaire et financier par les dispositions suivantes :

« Art. R. 152-6. − La déclaration prévue à l’article 3 du règlement (CE) n°1889/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté est faite par écrit par les personnes physiques, pour leur compte ou pour celui d’autrui, auprès de l’administration des douanes, au moment de l’entrée ou de la sortie de la Communauté européenne. »

Le principe est donc posé : ces opérations doivent donner lieu à une déclaration écrite quel que soit leur montant ! Opérations dans la Communauté européenne L’article 2 du décret de 2007 (3) modifie l’article R.152-7 du CMF en rappelant d’abord le principe d’une déclaration écrite :

« I. – La déclaration des sommes, titres ou valeurs transférés vers un Etat membre de la Communauté européenne ou en provenance d’un tel Etat, prévue à l’article L. 152-1, est faite par écrit par les personnes physiques, pour leur compte ou pour celui d’autrui, auprès de l’administration des douanes, au plus tard au moment du transfert. »

L’article 2 du décret modifie le II de l’article R.152-7 du CMF et précise ensuite le champ d’application du principe et ce qu’il faut entendre par : « sommes, titres ou valeurs »

« II. – Au sens du présent article, sont considérés comme des sommes, titres ou valeurs : « 1° Les instruments négociables au porteur, y compris les instruments monétaires au porteur tels que les chèques de voyage ; « 2° Les instruments négociables (y compris les chèques, les billets à ordre et les mandats) qui sont soit au porteur, endossés sans restriction ou libellés à l’ordre d’un bénéficiaire fictif, soit sous une forme telle que la propriété de l’instrument est transférée au moment de la cession de celui-ci ; « 3° Les instruments incomplets (y compris les chèques, les billets à ordre et les mandats) signés mais où le nom du bénéficiaire n’a pas été indiqué ; « 4° Les espèces (billets de banque et pièces de monnaie qui sont en circulation comme instrument d’échange). »

(1) Décret n°2007-1638 du 19 novembre 2007, JORF 22/11/07, D.42/07 actu lég. p.2935 (2) Décret n°2007-1638 du 19 novembre 2007 art.1, JORF 22/11/07, D.42/07 actu lég.

p.2935 (3) Décret n°2007-1638 du 19 novembre 2007 art.2, JORF 22/11/07, D.42/07 actu lég.

p.2935

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Tandis que l’article 3 du décret (1) modifie l’article R.152-8 du CMF pour préciser que « Les dispositions de l’article R. 152-7 sont applicables aux envois postaux. »

Les autres dispositions de l’article 2 du décret régissent les modalités de déclaration : Le III de l’article R.152-7 du CMF prévoit que la déclaration peut être préalable au transfert :

« III. – Lorsqu’elle est faite préalablement au transfert, la déclaration doit être adressée, par voie postale, au service des douanes, au plus tard cinq jours ouvrables avant le transfert. »

Le IV de l’article R.152-7 du CMF précise le contenu de la déclaration :

« IV. – La déclaration contient, sur un document daté et signé, des informations sur : « 1° Les nom et prénoms du déclarant, sa date et son lieu de naissance, ainsi que sa

nationalité ; « 2° Le propriétaire des sommes, titres ou valeurs, lorsque le transfert est opéré pour

le compte d’un tiers ; « 3° Le destinataire projeté des sommes, titres ou valeurs ; « 4° Le montant et la nature des sommes, titres ou valeurs ; « 5° La provenance des sommes, titres ou valeurs et l’usage qu’il est prévu d’en faire

; « 6° L’itinéraire de transport ; « 7° Le ou les moyens de transport. »

L’article 1649-quater-A du CGI institue pour les particuliers, une obligation de déclaration des transferts qu’ils réalisent en espèces :

« Les personnes physiques qui transfèrent vers l’étranger ou en provenance de l’étranger des sommes, titres ou valeurs, sans l’intermédiaire d’un organisme soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du code monétaire et financier, ou d’un organisme cité à l’article L.518-1 dudit code, doivent en faire la déclaration dans les conditions fixées par décret (Voir art.344-I-bis annexe III). Une déclaration est établie pour chaque transfert à l’exclusion des transferts dont le montant est inférieur à 7.600 €. Les sommes, titres ou valeurs transférés vers l’étranger ou en provenance de l’étranger constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables lorsque le contribuable n’a pas rempli les obligations prévues au premier et deuxième alinéas. »

Le montant de 7.600 € sera porté à 10.000 € (2) et ce texte codifié à l’article L.152-1 du Code monétaire et financier. Ce texte sera réécrit (3) :

« - les deux premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé : « Les transferts des sommes, titres ou valeurs réalisés par des personnes physiques vers un Etat membre de l'Union européenne ou en provenance d'un Etat membre de l'Union européenne sont effectués conformément à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier. » - dans le troisième alinéa, les mots : « aux premier et deuxième alinéas » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 152-1 du code monétaire et financier ».

(1) Décret n°2007-1638 du 19 novembre 2007 art.3, JORF 22/11/07, D.42/07 actu lég.

p.2935 (2) Décret n°2007-1638 du 19 novembre 2007, JORF 22/11/07, D.42/07 actu lég. p.2935 (3) Décret n°2008-294 du 1er avril 2008 art.1, JORF 02/04/08 p.5512

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Devenant après intervention législative (1) : « Les transferts des sommes, titres ou valeurs réalisés par des personnes physiques vers un Etat membre de l’Union européenne ou en provenance d’un Etat membre de l’Union européenne sont effectués conformément à l’article L.152-1 du code monétaire et financier. Les sommes, titres ou valeurs transférés vers l’étranger ou en provenance de l’étranger constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables lorsque le contribuable n’a pas rempli les obligations prévues à l’article L.152-1 du code monétaire et financier et au règlement (CE) n°1889/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté. »

Ce texte vise des transferts et la jurisprudence (2) a précisé : « les transferts d’espèces à

partir de comptes non déclarés à l’étranger et ayant fait l’objet d’un dépôt sur un compte en France entrent dans le champ d’application des dispositions de l’article 1649-A précité ».

Quant à l’origine des fonds le Conseil d’Etat considère qu’il résulte des dispositions des articles 4-A, 166 et 1649-quater-A du CGI que les personnes dont le domicile fiscal est situé hors de France ne peuvent être imposées en France que pour leurs revenus de source française et non pour les sommes qu’elles transfèrent en France depuis l’étranger ou de France vers l’étranger. Commet donc une erreur de droit la cour administrative d’appel qui juge que la présomption d’existence de revenus instituée par les dispositions de l’article 1649-quater-A s’applique à toute personne physique, qu’elle soit ou non domiciliée en France au sens de l’article 4-A du CGI (3). S’agissant de la prescription, la jurisprudence considère (4) que « le fait générateur de

l’impôt sur le revenu dû au titre des sommes transférées sous forme d’espèces de l’étranger sans déclaration est constitué par le passage des fonds en douane, et non par la perception initiale du revenu ».

Les modalités d’application de cette disposition sont précisées par : - l’article 344-I-bis de l’annexe III au CGI (5), - l’article 164-F-novodecies-A de l’annexe IV au CGI (6), qui concerne la nature des sommes, titres ou valeurs à déclarer ; - l’article 164-F-novodecies-B de l’annexe IV au CGI (7), relatif aux modalités de souscription de la déclaration. Le juge considère que l’article 1649-quater-A du CGI ne méconnaît pas les dispositions des articles 56 et 58 du traité de Rome (1) et précise le champ d’application de de l’article 1649-quater-A du CGI :

(1) Loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008 art.51, JORF 31/12/08 p.20518 (2) CAA Marseille 15 décembre 2010 n°08MA00981, RJF 11 n°540 (3) CE 1er juillet 2010 n°309363, Sigal, RJF 10 n°984 (4) CAA Marseille 15 décembre 2010 n°08MA00981, RJF 11 n°540 (5) Décret n°90-1119 du 18 décembre 1990, JORF 19/12/90 p.15601 (6) Arrêté du 18 décembre 1990, JORF 19/12/90 p.15606 (n°38) (7) Arrêté du 28 janvier 1991

Arrêté du 16 juillet 1993, JORF 24/08/93 p.11959 (@ 4)

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Ratione personae : « les personnes dont le domicile fiscal est situé hors de France ne peuvent être imposées en France que pour leurs revenus de source française et non pour les sommes qu’elles transfèrent en France depuis l’étranger ou de France vers l’étranger » (2) si l’administration ne produit aucun élément de nature à établir que les sommes en litige se rattacheraient à des revenus de source française acquis préalablement au transfert de leur domicile fiscal en France et que les intéressés auraient omis de déclarer.

Cet article prévoit donc deux sanctions � les sommes en provenance de l’étranger sont réputées constituer des revenus

imposables. � l’article 1735 du CGI, dans sa rédaction issue de l’ordonnance de 2005 (3) expose les

sanctions de cette obligation de communication : « I. - Entraîne l’application d’une amende égale à 50% des sommes non communiquées le fait de ne pas se conformer aux obligations de l’article L.96-A du livre des procédures fiscales. Le taux de l’amende est réduit à 5% lorsque le contrevenant établit que l’Etat n’a subi aucun préjudice et son montant est plafonné à 750 € lorsqu’il s’agit de la première infraction de l’année civile en cours et des trois années précédentes. « II. - Le défaut de réponse à la demande faite en application de l’article L.13-B du livre des procédures fiscales entraîne l’application d’une amende de 10.000 € pour chaque exercice visé par cette demande. »

L’administration (4) a précisé que la déclaration des sommes, titres ou valeurs transportés par des personnes physiques doit être souscrite lors du passage de la frontière au bureau de douane. L’article L.152-1 du Code monétaire et financier fixe le seuil de déclaration à 10.000 €. L’article 465 du Code des douanes prévoit en cas de non déclaration par une personne physique d’un transfert en provenance de l’étranger d’une somme supérieure à 10.000 € (5), la possibilité de confisquer la somme non déclarée et de prononcer une amende pouvant aller du quart au total de la somme. La Cour de cassation considère que cette sanction instituée pour lutter contre le blanchiment de capitaux figure parmi les objectifs de la Communauté européenne est conforme au principe communautaire de proportionnalité et à l’article 8 de la Conventions EDH (6). L’ensemble de ces textes est commenté par l’administration des douanes (7) dans une instruction qui donne en annexe les imprimés à servir. L’article 96-A du LPF institue, pour le banquier, une obligation de communication à l’administration de l’identité de l’auteur et du bénéficiaire de tout transfert à l’étranger.

(1) TA Paris 12 juillet 2010 n°06-10581 et 06-10582, RJF 11 n°5 (2) CE 1er juillet 2010 n°309363, Sigal et Batteti-Sigal, RJF 10 n°984 (3) Ord. n°05-1512 du 7 décembre 2005, art. 13-IV, JORF 08/12/05 p.18912 (4) BOI 13 K-2-91 du 5 novembre 1991 repris in

Doc. adm. 13 K-334 n°6 du 10 août 1998 (5) Décret n°07-1638 du 19 novembre 2007, JORF 22/11/07, D.42/07 actu lég. p.2935 (6) Cass. crim. 30 janvier 2002 n°01-82593 (n°299 F-PF), D.9/02-IR-p.780 (7) BOD n°6826 du 26 juin 2009 (DA n°09-043), DF 30-35/09 n°14141

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Opérations depuis l’extérieur de la Communauté européenne Depuis la levée du contrôle des changes intervenue le 1er janvier 1990, les personnes physiques résidant en France ont la possibilité d’effectuer librement des transferts de capitaux vers l’étranger ou en provenance de l’étranger. Elles sont toutefois tenues de déclarer à l’administration des douanes les transferts effectués sans l’intermédiaire d’un organisme financier, dès lors que leur montant est au moins égal à 10.000 € (montant fixé à 7.600 € avant le 15 juin 2007). Cette obligation déclarative initialement prévue par l’article L.152-1 du CMF qui visait l’ensemble des transferts de fonds réalisés à l’étranger. Depuis le 15 juin 2007, l’article L.152-1 du CMF concerne les seuls transferts à l’intérieur de l’Union européenne tandis qu’un règlement communautaire (1) concerne les transferts extracommunautaires. Directement applicable dans les Etats membres, ce règlement a institué une obligation déclarative commune à tous les Etats membres pour tous les transferts de fonds effectués en dehors de l’Union européenne d’un montant au moins égal à 10.000 €. L’article L 152-1 du Code monétaire et financier a donc été modifié (2) pour restreindre son champ d’application aux transferts intracommunautaires (non visés par le règlement) et aligner le montant des opérations concernées sur celui des opérations extracommunautaires, c’est-à-dire à 10.000 € (au lieu de 7.600 € antérieurement). Le deuxième alinéa de l’article 1649-quater-A du CGI instaurera (3) une présomption de revenus pour les contribuables n’ayant pas rempli leur obligation déclarative. Cette présomption de revenus autorise l’administration à rattacher les transferts de capitaux non déclarés directement au revenu global. Le contribuable peut cependant apporter la preuve contraire et justifier que les sommes transférées sont non imposables ou qu’elles ont été antérieurement imposées. La rédaction antérieure de l’article 1649-quater-A du CGI ne tenait pas compte des modifications intervenues depuis le 15 juin 2007 et ne faisait référence qu’au seul défaut d’obligation déclarative de l’article L.152-1 du CMF qui ne visait plus que les transferts intracommunautaires. L’administration ne pouvait donc plus appliquer la présomption de revenus aux transferts extracommunautaires non déclarés. La modification de 2009 (4) rétablit donc le champ d’application territorial d’origine de l’article 1649-quater-A du CGI afin que la présomption de revenus s’applique à l’ensemble des transferts de capitaux non déclarés, quel que soit le pays de provenance ou de destination.

(1) Règlement CE n°1889/2005 du 26 octobre 2005 (2) Loi n°2006-1771 du 30 décembre 2006 art. 96, JORF 31/12/06 p.20228 (3) Loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008 art. 51, JORF 31/12/08 p.20518, DF 5/09 n°138

(4) Loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008 art. 51, JORF 31/12/08 p.20518, DF 5/09 n°138

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24-13/ La surveillance des réductions d’impôt Le contribuable doit pouvoir justifier les réductions d’impôt dont il demande l’imputation et autres paiements de sommes déductibles de la base de l’impôt sur le revenu. Ces justifications sont difficiles à apporter lorsque les paiements ont été faits en espèces, le contribuable doit s’en méfier et faire mentionner sur la facture qu’elle a bien été acquittée en espèces ou se faire délivrer un reçu… mais dans un second temps les dispositions règlementaires ont interdit au contribuable de fournir cette preuve. Il en va ainsi des « services à la personne » (1) : « Seules les factures acquittées soit par

carte de paiement, prélèvement, virement, titre universel ou interbancaire de paiement ou par chèque, soit par chèque emploi service universel peuvent ouvrir droit à l’aide prévue par l’article 199-sexdecies du code général des impôts. »

24-2/ La surveillance des opérations par chèque La réglementation en vigueur distingue ici deux types d’opérations, l’ouverture et la détention de comptes hors des frontières nationales et les transferts de fonds vers l’étranger étant précisé que l’article L.96 du LPF limite l’utilisation des chèques non barrés par la communication à l’administration de l’identité des personnes auxquelles de telles formules sont délivrées ; obligation sanctionnée par l’article 1735 du CGI dans sa rédaction de 2005 (2) selon lequel :

« I. - Entraîne l’application d’une amende égale à 50% des sommes non communiquées le fait de ne pas se conformer aux obligations de l’article L.96-A du livre des procédures fiscales. Le taux de l’amende est réduit à 5% lorsque le contrevenant établit que l'Etat n’a subi aucun préjudice et son montant est plafonné à 750 € lorsqu’il s’agit de la première infraction de l’année civile en cours et des trois années précédentes. II. - Le défaut de réponse à la demande faite en application de l’article L.13-B du livre des procédures fiscales entraîne l’application d’une amende de 10.000 € pour chaque exercice visé par cette demande. »

Les comptes ouverts à l’étranger Son droit de communication permet à l’administration de ne connaître que des comptes ouverts ou des opérations effectuées sur le territoire national. Lorsqu’un résident en France est titulaire d’un compte bancaire dans un autre Etat l’administration française ne pourrait en connaître qu’aux hasards de l’assistance internationale. Une telle perspective constituant un atteinte grave à l’ordre public, le législateur a introduit une obligation déclarative assortie de lourdes sanctions.

(1) Décret n°2007-854 du 14 mai 2007 art. 1-V, JORF 15/05/07 p.8906 (2) Ord. n°2005-1512 du 7 décembre 2005, JORF 08/12/05 p.18912

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Le deuxième alinéa de l’article 1649-A du CGI précise en effet : « Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. »

Ces modalités d’application sont codifiées aux articles 344-A et 344-B de l’annexe III au CGI : L’article 344-A précise d’une part :

« I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. Chaque compte à usage privé, professionnel ou à usage privé et professionnel doit être mentionné distinctement. Les associations et sociétés n'ayant pas la forme commerciale joignent leur déclaration de compte à la déclaration annuelle de leur revenu ou de leur résultat. III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice, par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident. »

L’article 344-B de l’annexe III au CGI précisant d’autre part :

« I. La déclaration de compte visée à l’article 344-A mentionne : La désignation et l’adresse de la personne dépositaire ou gestionnaire auprès de laquelle le compte est ouvert ; La désignation du compte : numéro, nature, usage et type du compte; La date d’ouverture et/ou de clôture du compte au cours de la période au titre de laquelle la déclaration est effectuée ; Les éléments d’identification du déclarant. Ce dernier précise les éléments d’identification du titulaire du compte, lorsqu’il agit en qualité de bénéficiaire d’une procuration dans les conditions visées au deuxième alinéa du III de l'article 344-A de représentant d’un tel bénéficiaire ou du titulaire du compte. Lorsque le déclarant agit en tant que représentant du bénéficiaire de la procuration, il indique également les éléments d’identification de ce dernier.

II. Les éléments d’identification prévus au I sont, pour chaque compte, les suivants : 1. Pour les personnes physiques : a. Les nom, prénoms, date et lieu de naissance et adresse lorsqu’elles agissent en qualité de particulier ou comme représentant du titulaire du compte ou du bénéficiaire d’une procuration dans les conditions visées au deuxième alinéa du III de l’article 344-A ; b. Lorsqu’elles agissent en qualité d’exploitant d’une activité donnant lieu à une déclaration spécifique de résultats, elles précisent, en sus des éléments visés au a,

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l’adresse du lieu d’activité et, s’il y a lieu, le numéro SIRET et l’appellation sous laquelle est exercée l’activité. 2. Pour les personnes morales : leur dénomination ou raison sociale, leur forme juridique, leur numéro SIRET et l’adresse de leur siège social ou de leur principal établissement. La déclaration de compte comporte également l’adresse du ou des titulaires ainsi que l’adresse du ou des bénéficiaires d’une procuration qui a été communiquée au dépositaire ou gestionnaire du compte étranger lorsque cette adresse diffère de celle qui doit être indiquée en application des dispositions précédentes. »

La jurisprudence n’atténue pas la sévérité de ces dispositions. Le Conseil d’Etat précise (1), au visa de l’article 1649-A du CGI : « il résulte de ces

dispositions que l’obligation de déclaration ne porte pas uniquement sur les comptes dont le contribuable est titulaire ; qu’en jugeant que Mme A devait déclarer le compte Léonie , ouvert à l’étranger au nom de M. Ahmad, dès lors qu’elle l’a utilisé, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ; que l’instruction 5A-2-91 du 6 mars 1991 et la documentation administrative 13K-335 en date du 10 août 1998 n’ajoute rien à la loi »

de sorte que l’administration pouvait déduire du défaut de déclaration du compte Léonie et d’un compte de transit, ouvert à son nom également à l’étranger, pour recevoir un héritage, que la contribuable était passible de l’amende sanctionnant ces omissions. Un fichier de comptes bancaires détenus hors de France par des personnes physiques ou morales dénommé « EVAFISC » sera créé par un arrêté (2) dont le texte est reproduit ci-après :

« Article 1 - La direction générale des finances publiques est autorisée à créer le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « EVAFISC » mis en œuvre au sein de la direction nationale des enquêtes fiscales et des directions compétentes en matière de contrôle. Article 2 - Le fichier de comptes bancaires détenus hors de France par des personnes physiques ou morales « EVAFISC » a pour finalité de permettre de recenser des informations laissant présumer de la détention de comptes bancaires hors de France par des personnes physiques ou morales et sur cette base : - de mener des actions de prévention, de recherche, de constatation ou de poursuite

d’infractions pénales ; - d’analyser et de vérifier la situation des personnes concernées en vue d’opérer, le

cas échéant, des régularisations de situations fiscales ; - de programmer et mener des opérations de recherche, de constatation ou de

poursuite de manquements fiscaux ; - d’inciter les usagers à déclarer spontanément la détention de comptes bancaires

hors de France. Article 3 - Les données à caractère personnel traitées sont les suivantes : - l’identité de la personne : - nom, prénoms, date et lieu de naissance, numéro fiscal (SPI) pour une personne

physique ;

(1) CE 30 décembre 2009 n°299131, Lisiak, RJF 10 n°248 (2) Arrêté du 25 novembre 2009, JORF 05/12/09 texte n°21

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- raison sociale, catégorie juridique, SIREN/SIRET, activité pour une personne morale ;

- adresse ; - établissement de crédit ; - numéro du (des) compte(s) ; - date d’ouverture du (des) compte(s) ; - montant des soldes et virements ; - zone « commentaires » : ne reçoit que les informations directement liées à

l’instruction des dossiers, à l’exclusion de toute appréciation subjective. Les informations relatives aux comptes détenus (établissement de crédit, numéro du [des] compte[s], date d’ouverture du [des] compte[s] et montant des soldes et virements) ne constituent, avant validation, que des présomptions. La validation consiste à vérifier l’exactitude des informations relatives à la détention de comptes bancaires listées ci-dessus notamment par les moyens suivants : - consultation des autres traitements de la direction générale des finances publiques ; - interrogation des établissements bancaires dans le cadre du droit de communication

prévu par l’article L.96-A du livre des procédures fiscales ; - transmission d’informations dans le cadre de l’assistance administrative

internationale. Article 4 - Les données visées à l’article 3 susvisé sont conservées pendant un délai de dix ans, éventuellement prolongé des délais de recours consécutifs aux procédures contentieuses fiscales et pénales. Les données relatives aux comptes bancaires détenus qui, à l’issue des travaux de validation, seraient inexactes sont effacées. Article 5 - Les agents habilités de la direction nationale des enquêtes fiscales et des directions compétentes en matière de contrôle (DNVSF, DVNI, DRESG, DIRCOFI, directions territoriales concernées) sont destinataires des informations visées à l’article 3. Les données visées à l’article 3 pourront être transférées ponctuellement dans le cadre de l’assistance administrative internationale. Article 6 - Les droits d’accès et de rectification, prévus par la loi du 6 janvier 1978 modifiée, s’exercent auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés dans les conditions prévues par l’article 42 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée. En outre, le droit d’information prévu au I de l’article 32 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée et le droit d’opposition prévu à l’article 38 de la même loi ne s’appliquent pas au présent traitement. »

S’agissant des sanctions de cette obligation de déclaration elle sont largement dissuasives : Les inexactitudes ou omissions relevées dans les renseignements que doit comporter la déclaration de compte remise à l'administration sont sanctionnées par l'amende prévue à l'article 1726 du CGI. Le défaut de production de la déclaration tombe sous le coup de sanctions variables selon que le compte est ouvert dans un Etat coopératif ou non : � un allongement du délai de reprise de l’administration jusqu’à la fin de la dixième année

qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due, lorsque les obligations déclaratives

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prévues aux articles 123-bis, 209-B, 1649-A et 1649-AA du même Code n’ont pas été respectées et concernent un Etat ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires. Ce droit de reprise concerne les seuls revenus ou bénéfices afférents aux obligations déclaratives qui n’ont pas été respectées. (1);

� une amende fixe, à la charge du déclarant défaillant, instituée par l’article 1768-bis-2 du CGI d’un montant de 5.000 F puis 750 € par compte non déclaré relevée à 1.500 € et même 10.000 € lorsque le compte est ouvert dans un Etat non coopératif (2).

� une présomption non irréfragable de revenu imposable instituée par le troisième alinéa de l’article 1649-A du CGI qui prévoit que les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables.

� une pénalité de 40% instituée par l’article 1759 du CGI qui ne s’applique pas si, en application de l’article L.152-4 du Code monétaire et financier, le corps du délit a été confisqué, ou une amende d’égal montant a été mise à la charge du contrevenant.

Une liste des conventions signées par la France est régulièrement publiée (3). L’administration précise (4) les modalités de mise en œuvre de la présomption de revenus dans une instruction qui fait suite à un avis rendu, sur demande de la direction générale des impôts, par la section des finances du Conseil d'État (séance du 6 février 1996).

« Modalités d’imposition Instituée par les articles 1649-A et 1649-quater-A du CGI, la présomption légale spécifique d’existence de revenus suffit à fonder le rattachement au revenu global des revenus considérés comme d’origine indéterminée à hauteur du montant du flux financier. L’administration est ainsi autorisée à procéder directement à la notification de ces revenus dès lors qu’elle indique au contribuable les éléments lui permettant d’appliquer la présomption, sans recourir au préalable à l’envoi des demandes de justifications prévues à l’article L.16 du LPF. Les éléments en possession du service qui sont à l’origine du redressement sont précisés dès la notification : procès-verbal des douanes, constat du défaut de déclaration des comptes étrangers figurant au dossier… Afin de répondre aux exigences de motivation prévues à l’article L.57 du LPF, le service des impôts doit indiquer très précisément toutes les références dont il dispose. C’est notamment le cas des informations dont il aurait connaissance permettant l’identification des éventuels comptes bancaires étrangers ouverts au nom du contribuable concerné. En cas de désaccord, le litige n’entre pas dans la compétence consultative de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires telle qu’elle est définie par l’article L.59-A du LPF. Cas particulier

(1) Loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008 art.52, JORF 31/12/08 p.20518, DF 5/09 n°141 (2) Loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008 art.52, JORF 31/12/08 p.20518, DF 5/09 n°141 (3) BOI 14 A-1-10 du 27 avril 2010, DF 19/10-II-14292 (4) BOI *13 L-3-97 du 15 mai 1997

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Le contribuable défaillant à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, qui n’aurait pas déposé sa déclaration annuelle de revenu global ou sa déclaration de résultats, encourt l’application d’une procédure d’imposition d’office, selon les dispositions des articles L.66 et suivants du LPF. Toutefois, même dans cette hypothèse, le contribuable doit rester en mesure de pouvoir écarter la présomption prévue aux troisièmes alinéas des articles 1649-A et 1649-quater-A du CGI. Cette possibilité lui est offerte, avant l’engagement de toute procédure de redressement, selon les modalités du dispositif définies ci-après : - le service adresse au contribuable, par lettre recommandée avec avis de réception, une demande d’information sur l’origine et la nature des fonds transférés en lui indiquant les éléments en sa possession (procès-verbal des douanes ou constat du défaut de déclaration de comptes étrangers figurant au dossier…) ; - le contribuable dispose d’un délai de trente jours pour répondre à cette demande qui précise par ailleurs la sanction applicable à sa situation, à savoir la taxation des sommes transférées en infraction à la loi, en application de la présomption prévue aux articles 1649-A ou 1649-quater-A du CGI ; - pour le contribuable qui fournit dans les trente jours de la demande de justifications des informations précises de nature à établir que les sommes transférées n’entrent pas dans le champ d’application de l’impôt ou sont déjà comprises dans le revenu global ou le résultat déclaré au titre d’années antérieures, la présomption légale de revenus, devenue caduque, n’est pas mise en œuvre ; - dans le cas contraire, et en raison de la situation de défaillance du contribuable au regard de ses obligations déclaratives annuelles, la présomption de revenus est appliquée dans le cadre d’une notification de redressements réalisée en procédure d’office. »

Les transferts de fonds vers l’étranger L’article 98-3 de loi de finances pour 1990 (1) codifié à l’article L.96-A du LPF a institué un droit de communication de l’administration sur les établissements de crédit, en matière d’opérations de transfert de capitaux. Ce texte est ainsi rédigé :

« Tout organisme soumis à la loi n°84-46 du 24 janvier 1984 (loi relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit) ou cité à l’article 8 de ladite loi doit communiquer à l’administration, sur sa demande, la date et le montant des sommes transférées à l’étranger par une personne visée au deuxième alinéa de l’article 1649-A du CGI, l’identification de l’auteur du transfert et du bénéficiaire ainsi que les références des comptes concernés en France et à l’étranger. Ces dispositions s’appliquent également aux opérations effectuées pour le compte de ces personnes sur des comptes de non-résidents. Les dispositions de l’article L.102-B du LPF sont applicables. »

Le champ d’application de ce texte est ainsi précisé par deux critères tirés de l’article 1649-A du CGI : « ... Les personnes physiques, les associations, les sociétés

n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenu ou de résultat, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger ... ».

(1) Loi n°89-935 du 29 décembre 1989, art.98-3, DF 2-3/90 n°54

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Le premier tient à la nature juridique non commerciale des personnes visées par ce droit de communication. Commentant ce texte (1) l’administration mentionnera parmi les sociétés n’ayant pas la forme commerciale les indivisions, les sociétés en participation, les établissements de sociétés étrangères n’ayant pas la forme commerciale, les GIE, ... Le second est tiré de leur résidence fiscale: il vise des personnes considérées comme fiscalement domiciliées en France, la France s’entendant pour l’administration (2) de la France continentale, des îles côtières et de la Corse, des DOM y compris Saint-Barthélemy et Saint-Martin et de Monaco. La mise en œuvre de ce droit de communication appartient à un Directeur qui signera la demande. L’étendue du droit de communication est précisée par l’article L.96-A. S’agissant des chèques, l’administration précise (3) qu’elle demande « le nom du bénéficiaire porté

sur le chèque par le tireur ainsi que les références de l’établissement de crédit étranger qui a présenté le chèque à la compensation. »

L’article L.562-1 du code monétaire et financier précise que :

« Sans préjudice des mesures restrictives spécifiques prises en application de règlements du Conseil de l’Union européenne et des mesures prononcées par l’autorité judiciaire, le ministre chargé de l’économie peut décider le gel, pour une durée de six mois, renouvelable, de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des organismes et personnes mentionnés à l’article L.562-3 qui appartiennent à des personnes physiques ou morales qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, définis comme il est dit au 4 de l’article 1er du règlement (CE) n°2580 / 2001 du Conseil, du 27 décembre 2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les facilitent ou y participent et à des personnes morales détenues par ces personnes physiques ou contrôlées, directement ou indirectement, par elles au sens des 5 et 6 de l’article 1er du règlement (CE) n°’2580 / 2001 du Conseil, du 27 décembre 2001, précité. Les fruits produits par les fonds, instruments et ressources précités sont également gelés. »

Un arrêté (4) portant application des articles L.562-1 et suivants du code monétaire et financier étendra ces dispositions aux territoires d’outre-mer : Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, îles Wallis et Futuna et Terres australes et antarctiques françaises, pour ou au bénéfice des personnes physiques, des groupes et des entités listés aux annexes I et II Un autre arrêté (5) organisera le gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme.

(1) BOI 13 K-3-95 du 29 novembre 1995, DF 52/95-II-11.500 (2) BOI 13 K-3-95 du 29 novembre 1995, DF 52/95-II-11.500 (3) BOI 13 K-3-95 du 29 novembre 1995, DF 52/95-II-11.500 (4) Arrêté du 15 avril 2010, JORF 24/04/10 p.7509 (n°37) (5) Arrêté du 18 juin 2010, JORF 30/06/10 p.

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25/ La lutte contre le blanchiment La doctrine (1) relève que : « Au début des années quatre-vingt, le communauté

internationale a commencé à se mobiliser pour mettre en place une politique d’action commune pour lutter contre le blanchiment de l’argent sale, c'est-à-dire à l’époque pour lutter contre le développement de la criminalité organisée. Les pays européens ont été les premiers à réagir, avec l’adoption de la recommandation du Conseil de l’Europe du 27 juin 1980, bientôt suivie par le reste de la communauté internationale, sous l’égide du groupe d’action financière (GAFI). La déclaration de Bâle du 12 décembre 1988 ou « déclaration de principes du comité des règles et pratiques du contrôle des opérations bancaires » est la première manifestation internationale contre le blanchiment d’argent des organisations criminelles. […] le Conseil de l’Europe a adopté à Strasbourg le 8 novembre 1990 une convention visant le dépistage du blanchiment, la saisie et la confiscation du produit du crime, ratifiée par la France le 8 octobre 1996.

Cette préoccupation de lutte contre le blanchiment a fait l’objet d’une convention des Nations Unies adoptée à New York le 31 octobre 2003 et entrée en vigueur le 14 décembre 2005 qui a été ratifiée par décret (2). Dans le cadre de l’Union européenne plusieurs directives sont relatives à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (3) et un ensemble complexe de mécanismes fondés sur l’entraide judiciaire en matière pénale ont conduit à la mise en place de liaisons rapides dont l’efficacité dépend cependant de la qualité des sources utilisables. Une convention établie sur la base de l’article K. 3 du traité sur l’Union européenne, relative à l’assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières, intégrée au droit national (4) prévoit une coopération entre les administrations douanières pour le blanchiment de l’argent provenant des infractions qu’elle vise. Comme le relève la doctrine (5) : « En France ou en Italie, le juge peut à cette fin

interroger l’administration fiscale, qui tient un fichier national des comptes bancaires. La réponse, sous forme d’une liste de comptes, est pratiquement instantanée. Au Danemark et en Suède, où de tels fichiers n’existent pas, le procureur – qui dans ces pays conduit les investigations – peut s’adresser aux principales organisations bancaires du pays. Celles-ci par le biais de demandes par capillarité, interrogent l’ensemble des banques du pays. En quelques jours elles peuvent obtenir

(1) Michaud « Tracfin, blanchiment et fraude fiscale : les déclarations de soupçon » JCP-E

42/09 n°1967 (2) Décret n°2006-1113 du 4 septembre 2006, JORF 06/09/06 (3) Directive n°2001/ /CE du 4 décembre 2001, JOUE FR du

Directive n°2005/60/CE du 26 octobre 2005, JOUE FR du 25/11/05 (L 309/17) (4) Décret n°2010-87 du 22 janvier 2010, JORF 24/01/10 p.1575 (5) Barbé “Le protocole (anti blanchiment) à la convention du 29 mai 2000 d’entraide

judiciaire en matière pénale de l’Union européenne” D. 24/02-chronique-p.1922

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une liste analogue. Dans les Etats membres qui ne disposent ni d’un système ni de l’autre, deux cas de figure peuvent se présenter : - l’information est accessible aux juges, mais les délais pour l’obtenir sont extrêmement longs, puisqu’il faut interroger toutes les banques du pays ; - l’information n’est pas accessible aux juges, Les raisons en sont parfois constitutionnelles, parfois organisationnelles, et parfois les deux pour plus de sécurité. Elles traduisent en tous cas une idée élevée des libertés individuelles. »

L’efficacité des liaisons intra-communautaires dépend donc largement des armes dont les administrations nationales disposent déjà et de leur capacité à les mettre au service des autorités judiciaires. On signalera encore qu’à la suite des attentats du 11 septembre 2001, l’Allemagne a annoncé la mise en place d’un fichier national des comptes bancaires, notamment pour faciliter les enquêtes en matière de financement du terrorisme. L’objectif est ici de lutter contre le blanchiment mais « le blanchiment n’est jamais qu’une

technique d’enquête, la véritable difficulté est toujours d’avoir à prouver le délit initial. » (1).

La directive anti blanchiment de 2005 (2) dans son article 1er définit le blanchiment : « 2. Aux fins de la présente directive, sont considérés comme blanchiment de capitaux les agissements ci-après énumérés, commis intentionnellement: a) la conversion ou le transfert de biens, dont celui qui s’y livre sait qu’ils proviennent d’une activité criminelle ou d’une participation à une telle activité, dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens ou d’aider toute personne qui est impliquée dans cette activité à échapper aux conséquences juridiques de ses actes; b) la dissimulation ou le déguisement de la nature, de l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété réels de biens ou des droits y relatifs dont l’auteur sait qu’ils proviennent d’une activité criminelle ou d’une participation à une telle activité; c) l’acquisition, la détention ou l’utilisation de biens en sachant, au moment de la réception de ces biens, qu’ils proviennent d’une activité criminelle ou d’une participation à une telle activité; d) la participation à l’un des actes visés aux points précédents, l’association pour commettre ledit acte, les tentatives de le perpétrer, le fait d’aider, d’inciter ou de conseiller quelqu’un en vue de le commettre ou le fait d’en faciliter l’exécution. 3. Il y a blanchiment de capitaux même si les activités qui sont à l’origine des biens à blanchir sont exercées sur le territoire d’un autre État membre ou sur celui d’un pays tiers. 4. Aux fins de la présente directive, on entend par «financement du terrorisme» le fait, par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, de fournir ou de réunir des fonds dans l’intention de les voir utilisés ou en sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou en partie, en vue de commettre l’une quelconque des infractions visées aux articles 1er à 4 de la décision cadre 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme (3).

(1) Laurence Vichnievsky in “Lutte contre le blanchiment d’argent”, D.20/00-II-Interview-

p.III (2) Directive n°2005/60/CE du 26 octobre 2005, JOUE FR du 25/11/05 (L 309/17) (3) JOUE L 126 du 26/05/2000, p. 1. Directive modifiée en dernier lieu par la directive

2005/1/CE (JOUE L 79 du 24.3.2005, p. 9)

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5. La connaissance, l’intention ou la motivation requises pour qualifier les actes visés aux paragraphes 2 et 4 peuvent être établies sur la base de circonstances de fait objectives. »

La France a introduit ces dernières règles (1) par des textes qui imposent à « un grand

nombre de prestataires de services notamment de l’immobilier, de la finance, de la comptabilité, du marché de l’art et des jeux, du droit, à déclarer à un service de renseignement financier national intitulé Tracfin de nombreuses informations et notamment des soupçons d’infraction punissables d’une peine d’emprisonnement supérieure à un an et ce conformément à l’article L.561-15 du CMF, y compris, ce qui est nouveau pour la France, les soupçons de fraude fiscale. » (2).

L’administration a commenté cette disposition (3) et elle publie régulièrement la liste des Etats qui ont conclu avec la France une convention fiscale permettant l’accès aux informations bancaires. Le Conseil d’Etat a refusé d’annuler cette instruction pour excès de pouvoir (4). La répression du blanchiment, d’abord limitée aux seules opérations portant sur le produit du trafic de stupéfiants, a été étendue aux opérations du blanchiment du produit de tout crime ou délit. Les articles 324-1 à 324-6 du code pénal définissent et répriment le blanchiment, dans sa forme simple et aggravée (les articles 324-7 à 324-9 prévoient les peines complémentaires encourues par les personnes physiques et les règles applicables aux personnes morales (5). Deux séries d’actes sont incriminés : � Le fait de « faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens

ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect » (6)

� le fait « d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit » (7).

Leur auteur encourt une peine principale de 5 ans d’emprisonnement et 37.500 € d’amende Ces peines sont portées à 10 ans d’emprisonnement et 750.000 € d’amende lorsque le blanchiment est commis de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle ou en bande organisée (art. 324-2), le montant de l’amende pouvant dans tous les cas, être élevé à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations (art. 324-3). Comme le recel, le blanchiment est un délit de conséquence : ses éléments constitutifs comprennent l’exigence d’un délit ou d’un crime antérieurement commis ou tenté. En principe, la règle non bis in idem entraîne l’incompatibilité du délit de conséquence avec l’infraction dont il résulte mais ce principe s’efface « quand l’auteur de

(1) Ord. n°2009-104 du 30 janvier 2009, JORF 31/01/09 p.1818

Décret n°2009-874 du 16 juillet 2009, JORF 18/07/09 p.11978 Décret n°2009-1087 du 2 septembre 2009, JORF 04/09/09 p.14660

(2) Michaud « Tracfin, blanchiment et fraude fiscale : les déclarations de soupçon » JCP-E 42/09 n°1967

(3) BOI 13 L-7-10 du 5 août 2010, DF 35/10-II-14327 (4) CE 14 octobre 2011 n°343662, Ordre des avocats au barreau de Paris, (5) Ducouloux-Favard « Droit pénal des affaires Les délits de blanchiment de l’argent

illicite » Lamy (6) Alinéa 1er de l’article 324-1 du code pénal (7) Alinéa 2 de l’article 324-1 du code pénal

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l’infraction transforme juridiquement le produit du crime par d’autres actes répréhensibles » (1) il y a alors cumul du délit de blanchiment et du délit primaire. La Cour de cassation a consacré cette analyse permettant une double poursuite dans la mesure où les éléments constitutifs de l’infraction préalable diffèrent de ceux du blanchiment (2) plus tard elle déduira de l’autonomie de l’infraction de blanchiment l’autonomie de sa prescription par rapport à celle de l’infraction d’origine (3). En France TRACFIN est la « cellule de renseignement financier », la CRF nationale au sens du GAFI et de l’Union européenne. Placée sous l’autorité du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, ses attributions ont été définies par la loi du 12 juillet 1990 modifiée. TRACFIN est organisé en trois secteurs sont chargés respectivement

- des enquêtes ; - des affaires juridiques ; - des affaires institutionnelles et générales.

TRACFIN est à la fois un centre de collecte de renseignements sur les circuits financiers clandestins, un service d’expertise financière et un service opérationnel de lutte contre le blanchiment. A ce dernier titre, essentiel, il reçoit et enrichit les déclarations de soupçon émises par les établissements financiers et diverses professions non financières. Depuis 2011, le DARI (Département de l’Analyse, du Renseignement et de l’Information) recueille les déclarations de soupçon, les analyse et les enrichit. L’article L.562-4 CMF précise le fonctionnement de la cellule Tracfin :

« Un service placé sous l’autorité du ministre chargé de l’économie, reçoit la déclaration prévue à l’article L.562-2. Ce service est composé d’agents publics de l’Etat spécialement habilités par le ministre, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat (4). Ce service recueille et rassemble tous renseignements propres à établir l’origine des sommes ou la nature des opérations faisant l’objet d’une déclaration mentionnée à l’article L.562-2, de l’examen particulier prévu à l’article L.563-3 ou d’une information mentionnée à l’article L 563.5. Dès que les informations recueillies mettent en évidence des faits susceptibles de relever du trafic de stupéfiants ou d’activités criminelles organisées ou qui pourraient participer au financement du terrorisme, il en réfère au procureur de la République en lui précisant, le cas échéant, que l’administration des douanes a été saisie en vue de procéder à investigations pour la recherche et la constatation de l’infraction prévue à l’article 415 du Code des douanes (5).

(1) Ducouloux-Favard « Droit pénal des affaires Les délits de blanchiment de l’argent

illicite » n°1080, Lamy (2) Cass. crim. 25 juin 2003, Bull. crim. n°142

Cass. crim. 14 janvier 2004, Bull. crim. n°12, JCP 2004.II.10081 noter Matsopoulou Cass. crim. 20 février 2008 D 2008.1585 note Cutajar

(3) Cass. crim. 31 mai 2012 n°12-80715 (n°3621 F-P+B), D. 2012.1678 (4) Décret n°2090-382 du 9 mai 1990, JORF 10/05/90 p.5554 (5) Code des douanes, article 415 : « Seront punis d’un emprisonnement de deux à dis ans,

ans, de la confiscation des sommes en infraction ou d’une somme en tenant lieu lorsque la saisie n’a pas pu être prononcée et d’une amende comprise entre une et cinq fois la somme sur laquelle a porté l’infraction ou la tentative d’infraction, ceux qui auront, par exportation, importation, transfert ou compensation, procédé ou tenté de procéder à une opération financière entre la France et l’étranger portant sur des

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Le procureur de la République transmet au service mentionné ci-dessus toutes les décisions définitives prononcées dans les affaires ayant fait l’objet d’une déclaration de soupçon en application du présent titre. »

Pour mener à bien sa mission, TRACFIN dispose de pouvoirs spécifiques : � il peut faire opposition à l’exécution de l’opération déclarée pendant une durée

maximale de 12 heures. Ce délai peut être prorogé par le Président du tribunal de grande instance de Paris ;

� il peut demander communication à tout membre des professions assujetties des pièces et documents relatifs à une opération, soit pour reconstituer, suite à la réception d’une déclaration de soupçon, l’ensemble des transactions effectuées par une personne physique ou morale, soit pour renseigner les services étrangers exerçant des compétences analogues. L’exercice de ce droit est utilement facilité, depuis 2003, par un accès au fichier national des comptes bancaires (FICOBA) qui permet d’avoir une connaissance globale de la bancarisation sur le territoire national de toute personne physique ou morale (Arrêté du 29 décembre 2003 modifiant l’arrêté du 14 juin 1982 fixant les modalités d’extension d’un système automatisé de gestion du fichier des comptes bancaires).

En contrepartie de ces pouvoirs, TRACFIN est astreint au respect de règles déontologiques strictes, définies par la loi : les informations qu’il reçoit ne peuvent être utilisées à d’autres fins que la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme… mais l’article 40 du code de procédure pénale auquel il est soumis vide cette contrainte déontologique de tout contenu. L’interdiction de divulgation, hors les cas évoqués ci-dessus, sous peine de sanctions pénales, n’est qu’un décor en trompe l’œil. Les professionnels, financiers et non financiers, bénéficient quant à eux, dans la limite des dispositions de l’article L.562-8 du CMF, d’une exonération de responsabilité pénale, civile et professionnelle, lorsqu’ils ont, de bonne foi, déclaré leurs soupçons à TRACFIN. Car le blanchiment est aussi un délit prévu par l’article 324-1 du Code pénal qui se commet soit en facilitant la justification mensongère des biens et revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect soit en apportant son concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit. Le délit de blanchiment se présente donc comme un délit de conséquence qui n’est constitué que si son auteur connaît le délit d’origine de recel ou le délit principal. C’est cette connaissance qui constitue le dol spécial. Si le régime juridique du délit de blanchiment est par bien des aspects similaire à celui du délit de recel, il en diverge en ce que l’auteur du délit conséquent peut parfois être l’auteur du délit principal. En effet (1) « si le délit d’origine ou principal conditionne le recel ou le blanchiment, la

connaissance de cette existence a encore une autre fonction : elle étaye l’élément moral, la mauvaise foi du receleur ou du blanchisseur. Pour être punissables, ces derniers, l’un comme l’autre, doivent savoir que la chose recelée provient d’un crime ou d’un délit, que les biens ou revenus recyclés sont le produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit. Et cette preuve de la connaissance, non pas de l’infraction elle-même, mais de l’origine illicite des biens, produits ou revenus, peut être rapportée par le parquet par tous moyens, y compris en s’appuyant sur les circonstances de fait

fonds qu’ils savaient provenir, directement ou indirectement, d’une délit prévu au présent code ou d’une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants. »

(1) Ducouloux-Favard “Recel et blanchiment : deux délits de conséquence” Gaz. Pal. 1er au 4 janvier 2003 p.11

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desquelles il peut être déduit que “la personne poursuivie ne pouvait pas ne pas savoir” (1). »

Il apparaît ainsi que le cumul du délit principal et du blanchiment sur la tête du même auteur pourrait être retenu si les actes délictueux ne sont pas par nature, exclusifs les uns des autres. 25-1/ Le cadre juridique Le cadre juridique de la lutte contre le blanchiment a connu deux périodes, l’ordonnance du 30 janvier 2009 marquant la séparation de deux systèmes. De 1990 à 2009 La législation nationale, fondée sur la loi du 12 juillet 1990, a fait l’objet de plusieurs aménagements successifs qui procèdent d’une volonté affirmée de mieux identifier et appréhender les circuits financiers illégaux par l’association de professionnels des secteurs d’activités qui peuvent être amenés à connaître d’une opération suspecte à ses différents stades de développement. Les textes organisant cette lutte ont été régulièrement renforcés (2) et sont codifiés aux articles L.562 et suivants du Code monétaire et financier. La lutte contre le blanchiment a même été pénalisée par la modification des articles 450 du Code pénal. Il est à noter enfin qu’en application de l’article L.574-1 du CMF, l’intermédiaire financier ne doit pas révéler à son client le dépôt de la déclaration de soupçon auprès de la cellule Tracfin sous peine d’une amende, voire même de l’interdiction d’exercer sa profession. � La loi n°90-614 du 12 juillet 1990, relative à la participation des organismes financiers à

la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants, au produit de l’activité d’organisations criminelles (3) pose notamment le principe de la déclaration de soupçon auprès de TRACFIN pour les professions financières.

� La loi n°93-122 du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, élargit le champ de la déclaration de soupçon aux activités criminelles organisées (4).

� La loi n°96-392 du 13 mai 1996, relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic des stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime (5): - insère dans le code pénal (article 324-1) le délit général de blanchiment du produit de

tous crimes et délits ; - organise un renforcement du contrôle exercé sur les changeurs manuels et soumet à la

déclaration de soupçon les courtiers d’assurance et de réassurance ; - conforte la coopération internationale anti-blanchiment, en permettant à TRACFIN de

faire usage de son droit de communication auprès des institutions financières pour renseigner, dans les conditions prévues par la loi du 12 juillet 1990 précitée, ses homologues étrangères.

(1) Cass. ass. Plén. 2 octobre 2002 n°93-81533, Les annonces de la Seine n°71 du 28/11/02

p.9 note S. Petit (2) Loi n°2001-420 du 15 mai 2001, art. 33 à 47, D.01/21-lég. p.1678 et ss (3) Loi n°90-614 du 12 juillet 1990, JORF 14/07/90 p.8329 et ss, D.28/90-Lég.-p.334 (4) Loi n°93-122 du 29 janvier 1993, JORF 30/01/93 p.1588, D.7/93-Lég. p.209 (5) Loi n°96-392 du 13 mai 1996, JORF 14/05/96 p.7208, D.22/96-Lég. p.227

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Ce texte introduit une difficulté d’articulation des dispositions du code pénal sur celles du CMF. En effet, le délit de blanchiment de capitaux de l’article 324-1 du Code pénal repose sur une origine délictueuse ou criminelle des fonds de sorte que le champ d’application de la loi pénale est plus large que celui de la loi de 1990 qui ne concerne que les trafics de stupéfiants et les activités d’organisations criminelles. D’où une difficulté pour la déclaration de soupçon : que doit faire l’intermédiaire s’il a des soupçons relatifs à un blanchiment de capitaux provenant d’un crime ou d’un délit sans avoir pour origine le trafic de stupéfiants ou les activités d’organisations criminelles ? Lorsque l’intermédiaire à de simples doutes sur l’origine des fonds sans pour autant soupçonner un trafic de stupéfiants ou une activité d’organisations criminelles, il n’est pas soumis à l’obligation de déclaration et n’est pas exonéré du secret professionnel… doit-il s’abstenir de réaliser l’opération ?

� La loi n° 98-546 du 2 juillet 1998, portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, assujettit pour la première fois, des professions non financières à la déclaration de soupçon. Sont ainsi visées les « personnes qui réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations portant sur l’acquisition, la vente, la cession ou la location de biens immobiliers ».

� La loi n°2001-420 du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques (NRE). Le volet anti-blanchiment de ce texte a conduit à renforcer le dispositif national, au travers de trois dispositions principales : - l’extension de la liste des professions assujetties au mécanisme de la déclaration de

soupçon : participation des « représentants légaux et directeurs responsables de casinos » et des « personnes se livrant habituellement au commerce ou organisant la vente de pierres précieuses, de matériaux précieux, d’antiquités et d’oeuvres d’art ».

- l’instauration d’un système de déclaration systématique pour certaines opérations financières sensibles : celles dont l’identité du donneur d’ordre ou du bénéficiaire reste douteuse, celles impliquant un fonds fiduciaire, celles enfin réalisées avec certains Etats ou territoires considérés comme non coopératifs par le « Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux » (GAFI) et désignés par décret. Ce nouveau mode déclaratif ne remet pas en cause celui fondé sur la déclaration de soupçon mais le complète.

- l’institution d’un « comité de liaison de la lutte contre le blanchiment des produits des crimes et des délits ».

� La loi n° 2003-706 du 1er août 2003 relative à la sécurité financière

Outre la modernisation et le renforcement des moyens de contrôle et de sanction des autorités de contrôle du secteur financier (Commission Bancaire, Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et institutions de prévoyance, Autorité des marchés financiers), interlocuteurs de TRACFIN, ce texte soumet au régime de la déclaration de soupçon : les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), leurs sociétés de gestion, les intermédiaires en biens divers, les personnes habilitées à procéder au démarchage et les conseillers en investissements financiers.

� La loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques dont l’article 70 assure principalement la transposition, en droit interne, de la directive européenne 2001/97/CE du 4 décembre 2001 (1) relative à la prévention de l’utilisation du système financier à des fins de blanchiment des capitaux. Il prévoit :

(1) Directive n°2001/97/CE du 4 décembre 2001 JOCE n°L344 du 28/12/01 p.76 à 82

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- l’intégration des professions du chiffre et du droit dans le dispositif, anticipant ainsi l’orientation des recommandations révisées du GAFI adoptées à Berlin en juin 2003 (comptables, commissaires aux comptes, notaires, huissiers de justice, administrateurs et mandataires judiciaires, avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation, avocats et avoués près les cours d’appel, commissaires priseurs judiciaires, sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques) ;

- l’extension du champ de la déclaration de soupçon à la fraude aux intérêts financiers des Communautés européennes et à la corruption ;

- la généralisation du droit de communication de TRACFIN à l’ensemble des professions assujetties au dispositif (auparavant limité aux seules professions financières).

� Loi 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité consacre l’action menée par TRACFIN en matière de lutte contre le financement du terrorisme en intégrant explicitement ce domaine comme fait générateur des déclarations de soupçon. Ce texte, dont les dispositions anti-blanchiment sont entrées en vigueur le 1er octobre 2004 prévoit également : - l’assujettissement au mécanisme de la déclaration de soupçon « des groupements,

cercles et sociétés organisant des jeux de hasard, des loteries, des paris, des pronostics sportifs ou hippiques » (Française des jeux, Pari Mutuel Urbain…) ;

- l’information systématique du déclarant par TRACFIN lorsque celui-ci saisit l’autorité judiciaire sur la base de sa déclaration de soupçon ;

- la possibilité pour TRACFIN de recevoir des informations des établissements publics et des organismes de sécurité sociale (visés à l’article L.134-1 du code des juridictions financières).

� L’ordonnance n°2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières et la loi n°2004-804 du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l’investissement étendent respectivement le champ de la déclaration de soupçon aux intermédiaires habilités à gérer des valeurs mobilières et aux institutions, unions de prévoyance et de gestion de retraite complémentaires.

� Loi n°2004-804 du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l’investissement.

� Loi n°06-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers (1).

Cet arsenal législatif est complété par d’importantes dispositions règlementaires � Décret 91-160 du 13 février 1991 (en cours de modification) fixant les conditions

d’application de la loi du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic de stupéfiants. Ce texte prévoit, en particulier, le principe de la désignation nominative auprès de TRACFIN des dirigeants ou préposés qui doivent assumer respectivement les fonctions de « déclarant » et de « correspondant » (ces fonctions peuvent, le cas échéant, être exercées par la même personne). Le déclarant est chargé de la transmission des déclarations auprès de TRACFIN tandis que le correspondant assure l’interface avec le service. Ce dernier est ainsi destinataire des accusés de réception des déclarations de soupçon émises et constitue le point de contact pour l’obtention de toute information complémentaire nécessaire à leur traitement. En outre, il assure, en interne, le suivi de la

(1) Loi n°2006-64 du 23 janvier 2006, JORF 24/01/06 p.1129

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formation, la diffusion et la mise à jour des instructions portant sur la lutte contre le blanchiment.

� Décret n°92-362 du 1er avril 1992 modifié (décret 2004-1265 du 24 novembre 2004) pris pour application de l’article L.564-1 du CMF qui fixe à une somme supérieure à 1.000 euros par séance, le seuil à partir duquel les casinos ont l’obligation d’enregistrer les noms et adresses des joueurs qui remettent ou reçoivent des moyens de paiement en échange de jetons ou de plaques.

� Décret n°2002-770 du 3 mai 2002, pris pour application de l’article L 562-10 du CMF, définissant la composition et les modalités de fonctionnement du Comité de liaison de la lutte contre le produit du blanchiment des crimes et délits.

� Décrets n°2002-145 du 7 février 2002 et n° 2003-1195 du 15 décembre 2003 pris pour application de l’article L 562-2 du CMF (Dispositions abrogées par le décret n°2005-642 du 31 mai 2005) : ces derniers introduisent respectivement le mécanisme de la déclaration systématique à TRACFIN des opérations financières avec Nauru et Myanmar (pays repris sur la liste des pays et territoires non coopératifs du GAFI). A ce titre, les organismes financiers ont l’obligation de déclarer à TRACFIN toutes les transactions d’un montant supérieur à 8.000 euros avec des personnes physiques ou morales domiciliées, enregistrées ou établies dans l’un ou l’autre de ces pays.

� Décret n°2006-736 du 26 juin 2006 relatif à la participation des avocats à la prévention du blanchiment et du financement du terrorisme (1) mais certaines dispositions de ce texte a été annulé par le Conseil d’Etat (2) qui a fait prévaloir le respect du secret professionnel que l’avocat doit à son client sur les obligations imposées aux avocats par le dispositif européen de lutte contre le blanchiment de capitaux.

« En ce qui concerne l’article R.562-2 du code monétaire et financier : Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article R.562-2 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue du décret attaqué : « Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article R.562-2-2, les commissaires aux comptes, les notaires, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires, les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, les avocats et les avoués près les cours d’appel et les commissaires-priseurs judiciaires sont chargés, à titre individuel, de répondre aux demandes de la cellule TRACFIN et de recevoir les accusés de réception, quelles que soient les modalités de leur exercice professionnel » ; que, toutefois, il résulte des dispositions de l’article L.562-1 telles qu’interprétées ci-dessus que les personnes mentionnées au 12 de cet article ne sont soumises aux obligations de déclaration de soupçon et aux autres obligations de vigilance que dans les conditions posées aux huitième et neuvième alinéas de l’article L.562-2-1, qui prévoient, pour la communication entre les intéressés et la cellule TRACFIN, un dispositif de filtre, selon les cas, du président de l’ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, du bâtonnier de l’ordre auprès duquel l’avocat est inscrit ou du président de la compagnie dont relève l’avoué ; qu’il en résulte que les requérants sont fondés à soutenir qu’en imposant une relation directe entre les intéressés et la cellule TRACFIN dans les cas où ils répondent aux demandes de cette dernière, le décret attaqué a méconnu les dispositions de la loi et doit, dans cette mesure, être annulé ;

(1) Cutajar, « la participation des avocats à la prévention du blanchiment et du financement

du terrorisme après le décret n°2006-736 du 26 juin 2006 » D.30/06-Chron.-p.2104 (2) CE 10 avril 2008 n°296845, Conseil National des Barreaux ea, D.33/08 études et

comm. p.2322 et ss note Cutajar CE 10 avril 2008 n°296907, Conseil des Barreaux Européens,

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En ce qui concerne l’article R. 563-4 du code monétaire et financier : […] Considérant que les requérants soutiennent qu’en s’abstenant de prévoir une dérogation aux obligations fixées par le chapitre III, pour les personnes mentionnées au 12 de l’article L.562-1, en ce qui concerne les informations qu’elles détiennent ou reçoivent dans le cadre d’une consultation juridique, et sous réserve des seuls cas où la personne concernée prend part à des activités de blanchiment de capitaux, où la consultation juridique est fournie aux fins de blanchiment de capitaux et où la personne qui y procède sait que son client souhaite obtenir des conseils à cette fin, l’article R.563-4, introduit par le III de l’article 2 du décret attaqué, est entaché d’illégalité ; Considérant qu’ainsi qu’il a été dit précédemment, la loi n’a soumis aux obligations de vigilance définies par le chapitre III les personnes visées au 12 de l’article L.562-1 que dans les limites posées par l’article L.562-2-1 citées ci-dessus ; qu’en se bornant à rappeler les dérogations propres aux procédures juridictionnelles, sans mentionner celles correspondant aux consultations juridiques, l’article R. 563-4 a méconnu le champ d’application de la loi ; que les requérants sont fondés à en demander, dans cette mesure, l’annulation ; »

Enfin, la jurisprudence donne son plein effet à ce corpus Le Conseil d’Etat est régulièrement appelé à se prononcer sur l’application du dispositif de lutte contre le blanchiment dans le cadre de recours contentieux formulés par des établissements financiers qui se sont vus imposés des sanctions de la part de la Commission Bancaire suite au constat de carences en ce domaine. Plusieurs arrêts intervenus en 2004 sont particulièrement marquants car ils donnent une interprétation qui précise, dans le sens d’une réaffirmation de la responsabilisation des professionnels, la portée de leurs obligations. La Haute juridiction a notamment précisé : - que si, pour les opérations importantes visées à l’article L.563-3 du CMF, l’organisme

financier n’obtient pas de son client d’explication convaincante quant à l’origine licite des fonds, il ne peut alors exclure qu’ils puissent provenir de l’une des infractions visées par l’article L.562.2 et doit établir une déclaration de soupçon ;

- que tout « retard significatif » dans la transmission d’une déclaration de soupçon fait perdre au professionnel le bénéfice de la bonne foi.

La Cour de Cassation a, quant à elle, rappelé que l’émission d’une déclaration de soupçon auprès de TRACFIN n’exonère pas de sa responsabilité pénale le professionnel qui a sciemment apporté son concours à une opération de blanchiment et que la clause exonératoire de l’article L 562-8 du CMF est d’interprétation stricte. Les textes évoqués ci-dessus s’inscrivent dans une logique de sécurisation des opérations réalisées au moyen de chèques bancaires et le juge judiciaire a souvent statué sur des problèmes de responsabilité des organismes financiers à l’occasion de malversations ayant le chèque pour support. Le banquier commet une faute non seulement lorsqu’il encaisse un chèque qui présente une anomalie matérielle apparente mais encore lorsque le contexte de l’opération fait présumer son caractère illicite. La jurisprudence parle alors d’anomalie intellectuelle et les voit dans la fréquence des retraits en espèces (1), dans l’encaissement d’un chèque avec l’endossement de l’URSSAF alors que cet organisme n’endosse jamais

(1) CA Paris 13 juillet 1990, D. 90 IR p.223

CA Amiens 24 février 1969, JCP 69 éd. CI-II-n°16124 note Gavalda

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au profit de particuliers (1), dans le grand nombre de chèques présentés au banquier par une personne dont la situation obérée lui était connue (2), dans la remise d’un chèque d’un montant sans commune mesure avec ceux habituellement déposés puis à effectuer des décaissements en un seul jour pour des montants supérieurs à ceux pratiqués habituellement, à l’aide d’un mode de paiement jamais utilisé auparavant (3). Tandis que les institutions internationales influencent largement des structures qui font appel à la coopération internationale. C’est ainsi que sur la base des orientations définies par le GAFI en octobre 2001 et notamment sa recommandation spéciale IV, les dispositifs de lutte anti-blanchiment ont été étendus ipso facto à la détection des sources de financement de telles activités. Les deux problématiques (blanchiment d’argent sale et financement du terrorisme) peuvent se superposer même si, dans le cadre de la seconde, il s’agit bien souvent de « noircir » des capitaux qui peuvent être d’origine parfaitement licite. La démarche utilisée pour mettre au jour des circuits de blanchiment est, dès lors, utilement mise au service de la détection des moyens financiers des groupes terroristes. L’intégration explicite du financement du terrorisme dans le champ de la déclaration de soupçon, par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité organisée, a conforté l’action menée par TRACFIN en ce domaine, formellement réaffirmée par la troisième directive européenne en préparation. Tracfin participe au Groupe Egmont, organe fédérateur des CRF à l’échelon mondial, créé en juin 1995, il concentre ses travaux sur les moyens concrets d’améliorer la coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, et notamment l’échange de renseignements opérationnels entre services anti-blanchiment (via le réseau crypté de l’Egmont Secure Web). Tracfin participe aussi au GRECO (« Groupe d’Etats contre la Corruption ») créé en 1998 au sein du Conseil de l’Europe, qui a pour objet d’améliorer la capacité de ses Etats membres à lutter contre la corruption en veillant à la mise en oeuvre des engagements que les Etats ont pris dans ce domaine. Il contribue à identifier les lacunes et les insuffisances graves dans les dispositifs nationaux de lutte contre la corruption et à provoquer les réformes législatives, institutionnelles et pratiques qui s’avèrent nécessaires pour mieux prévenir et combattre la corruption. Il est à noter encore que TRACFIN a conclu de nombreux accords de coopération multilatérale dont un avec l’Andorre en mai 2002. La mise en œuvre des dispositions législatives et règlementaires présentées ci-dessus repose sur la « déclaration de soupçon » qui constitue la clé de voûte du dispositif français anti-blanchiment. Elle est établie lorsque « les sommes inscrites dans les livres des professionnels assujettis, ou les opérations qui s’y rapportent, pourraient provenir du trafic de stupéfiants, de la fraude aux intérêts financiers des Communautés européennes, de la corruption ou d’activités criminelles organisées ou encore participer au financement du terrorisme ».

(1) CA Paris 1er février 1966, RTDCom. 1966 p.972, obs. Becqué et Cabrillac (2) Cass. 1ère civ. 8 février 1983 n°81-14573, RTDCom 1983 p.596, obs. Cabrillac et

Teyssié (3) CA Paris 5 mars 2002, D.23/02-II-jp-aj, p.1897, obs. Avena-Robardet

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Après l’ordonnance de 2009 Deux directives communautaires ont remplacé l’empilage antérieur (1). Elles devaient être transposées dans les législations internes au plus tard le 15 décembre 2007. La Commission européenne adressait un avis motivé à la France la mettant en demeure de s’expliquer sur ce défaut de transposition. Pour échapper à une procédure de manquement le gouvernement introduisait par voie d’amendement, dans la loi de modernisation de l’économie (2) une habilitation à procéder à cette transposition par voie d’ordonnance. Ce processus aboutit à l’ordonnance du 30 janvier 2009 (3) qui refond le Titre VI du Livre V du Code monétaire et financier sous le titre « Obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement des activités terroristes et les loteries jeux et paris prohibés ». Plus tard l’organisation et les modalités de fonctionnement de TRACFIN seront précisées (4). Cette nouvelle réglementation reprend l’obligation faite à tout professionnel assujetti, quelle que soit l’ampleur de sa structure, de mettre en place un dispositif de procédure interne et met à la charge de ce professionnel la responsabilité d’évaluer et de gérer ce risque. Cette obligation est codifiée à l’article L.561-32 du CMF (5) et sa mise en œuvre est précisée par l’article R.561-38 du CMF (6). Les premiers commentaires de ce texte insisteront sur ses imperfections ainsi : l’obligation de déclarer les soupçons maintenue par l’article L.561-15-III à la suite de l’examen renforcé de l’article L.562-10-2-II devrait conduire la commission bancaire à maintenir sa jurisprudence et avec elle l’obligation de déclarer les soupçons et de communiquer à TRACFIN des informations dans le cadre d’une obligation de vigilance

« Et c’est bien là que réside l’erreur des rédacteurs de l’ordonnance. En réalité cet examen dit « renforcé » ne constitue pas une obligation de vigilance mais bien la première étape de l’obligation de déclaration. C’est bien ce que dit l’article 20 de la directive qui figure au chapitre III consacré aux obligations de déclaration, lorsqu’il prescrit aux Etat membres d’exiger des établissements et personnes soumis à la directive qu’ils accordent une attention particulière notamment aux « transactions complexes et d’un montant inhabituellement élevé, ainsi qu’à tous les types inhabituels de transaction n’ayant pas d’objet économique apparent ou d’objet licite visible. » La mise en conformité du dispositif français avec la directive nécessite la suppression du nouvel article L.561-10-2-II et le transfert de l’obligation qu’elle vise dans la section 4 du chapitre I » (7).

(1) Directive n°2005/60/CE du 26 octobre 2005, JOUE du 25/11/05 (L 309/17)

Directive n°2006/70/CE du 1er août 2006, JOUE du 04/08/06 (L.214/29 (2) Loi n°2008-776 du 4 août 2008 art.152-4, JORF 05/08/08 p.12471 (3) Décret n°2011-28 du 7 janvier 2011, JORF 08/01/11 @ n°33

Arrêté du 7 janvier 2011, JORF 08/01/11 @ n°35 (4) Ord. n°2009-104 du 30 janvier 2009, JORF 31/01/09 p.1819 (5) Ord. n°2009-104 du 30 janvier 2009 art.2, JORF 31/01/09 p.1819 (6) Décret n°2009-1087 du 2 septembre 2009, JORF 04/09/09 p.14660 (7) Cutajar « Droit du blanchiment : une ordonnance nécessaire mais à parfaire » D. 12/09

études et comm. p.821 et ss

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Le décret (1) précise les personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment, la procédure d’identification des clients des personnes assujetties à l’obligation de vigilance. Ces dispositions sont codifiées au chapitre 1er du titre VI du livre V de la partie règlementaire du CMF (2). Des dispositions spéciales, propres à certaines professions s’ajoutent, visant les experts comptables (3). En application des articles L.228 et R*228-1 à R*228-6 du LPF, depuis le 1er janvier 2010 (4), le législateur impose à l’administration de solliciter l’avis conforme de la la Commission des infractions fiscales (la CIF) en cas de soupçon de fraude fiscale déclarée à TRACFIN ou lorsqu’elle envisage d’habiliter l’un de ses agents à mener une enquête judiciaire Quant à l’articulation entre les poursuites pour blanchiment et celles pour fraude fiscale elle est analysée dans les développements relatifs à la fraude fiscale étant ici précisé que le II de l’article L.561-15 du CMF est rédigé comme suit :

« Par dérogation au I, les personnes mentionnées à l'article L.561-2 déclarent au service mentionné à l’article L.561-23 les sommes ou opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une fraude fiscale lorsqu’il y a présence d’au moins un critère défini par décret. »

La notion de fraude fiscale introduite ici ne recouvre pas celle du droit français mais résulte de seize critères définis de façon large et imprécise (5). 25-2/ Les agents de la lutte contre le blanchiment L’article 3 de la directive anti-blanchiment (6) précise le champ d’application ratione personae de la surveillance anti-blanchiment :

« Aux fins de la présente directive, on entend par: 1) «établissement de crédit»: un établissement de crédit tel que défini à l’article 1er, point 1), premier alinéa, de la directive concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice (7), y compris les succursales, au sens de l'article 1er, point 3), de cette directive, d'un établissement de crédit ayant son siège social dans la Communauté ou en dehors, dès lors que ces succursales sont établies dans la Communauté; 2) «établissement financier»: a) une entreprise, autre qu'un établissement de crédit, qui exerce au moins l'une des activités visées à l'annexe I, points 2 à 12, et point 14, de la directive 2000/12/CE, y compris les activités de bureau de change et de société de transfert de fonds;

(1) Décret n°2009-1087 du 2 septembre 2009, JORF 04/09/09 p.14660 (2) Lavric « Blanchiment : les obligations de vigilance et de déclaration précisées », D.

30/09-actu-p.2030 (3) Décret n°2010-52 du 15 janvier 2010, JORF 16/01/10 p.894 (4) Loi n°2009-122 du 4 février 2009 art.23-I, JORF 05/02/09 p.2032

Décret n°2010-1324 du 5 novembre 2010, JORF 07/11/10 p.19937, DF 45/10 act.425 (5) Décret n°2009-874 du 16 juillet 2009, JORF 18/07/09 p.11978 (6) Directive n°2005/60/CE du 26 octobre 2005, art. 3, JOUE du 25/11/05 (L 309/17) (7) Directive 2000/12/CE du 20 mars 2000, JOUE L126 du 26/05/00 p.1, modifiée par

Directive 2005/1/CE, JOUE L79 du 24/03/05 p.9

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b) une entreprise d'assurances dûment agréée conformément à la directive concernant l'assurance directe sur la vie (1), dans la mesure où elle exerce des activités couvertes par cette directive; c) une entreprise d'investissement au sens de l'article 4, paragraphe 1, point 1), de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers (2); d) un organisme de placement collectif qui commercialise ses parts ou ses actions; e) un intermédiaire d'assurance au sens de l'article 2, point 5), de la directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 décembre 2002 sur l'intermédiation en assurance (3), à l'exception des intermédiaires visés à l'article 2, point 7), de ladite directive, lorsqu'ils s'occupent d'assurance vie et d'autres services liés à des placements; f) les succursales, établies dans la Communauté, des établissements financiers visés aux points a) à e) ayant leur siège social dans la Communauté ou en dehors; 3) «biens»: tous les types d'avoirs, corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, tangibles ou intangibles, ainsi que les documents ou instruments juridiques, sous quelque forme que ce soit, y compris électronique ou numérique, attestant la propriété de ces avoirs ou de droits y afférents; 4) «activité criminelle»: tout type de participation criminelle à une infraction grave; 5) «infraction grave», au moins: a) les actes définis aux articles 1er à 4 de la décision-cadre 2002/475/JAI; b) toutes les infractions définies à l’article 3, paragraphe 1, point a), de la convention des Nations unies de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes; c) les activités des organisations criminelles, telles que définies à l'article 1er de l’action commune 98/733/JAI du Conseil du 21 décembre 1998 relative à l’incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les États membres de l’Union européenne (4); d) la fraude, au moins la fraude grave, telle que définie à l’article 1er, paragraphe 1, et à l’article 2 de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (5); e) la corruption; f) toutes les infractions punies d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté d’une durée maximale supérieure à un an, ou, dans les États dont le système juridique prévoit un seuil minimal pour les infractions, toutes les infractions punies d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté d’une durée minimale supérieure à six mois; 6) «bénéficiaire effectif», la ou les personnes physiques qui, en dernier lieu, possède(nt) ou contrôle(nt) le client et/ou la personne physique pour laquelle une transaction est exécutée ou une activité réalisée. Le bénéficiaire effectif comprend au moins: a) pour les sociétés:

(1) Directive n°2002/83/CE du 5 novembre 2002, JOUE L345 du 19/12/02 p.1, modifiée

Directive n°2005/1/CE, JOUE L79 du 24/03/05 p.9 (2) JOUE L 145 du 30/04/04 p.1 (3) JOUE L 9 du 15/01/03 p.3 (4) JOUE L 351 du 29/12/98 p.1 (5) JOUE C 316 du 27/11/95 p.49

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i) la ou les personnes physiques qui, en dernier lieu, possède(nt) ou contrôle(nt) une entité juridique du fait qu’elle(s) possède(nt) ou contrôle(nt) directement ou indirectement un pourcentage suffisant d’actions ou de droits de vote dans cette entité juridique, y compris par le biais d’actions au porteur, autre qu’une société cotée sur un marché réglementé qui est soumise à des obligations de publicité conformes à la législation communautaire ou à des normes internationales équivalentes; un pourcentage de 25% des actions plus une est considéré comme suffisant pour satisfaire à ce critère; ii) la ou les personnes physiques qui exercent autrement le pouvoir de contrôle sur la direction d’une entité juridique; b) dans le cas de personnes morales, telles que les fondations, et de constructions juridiques, comme les fiducies, qui gèrent ou distribuent les fonds: i) lorsque les futurs bénéficiaires ont déjà été désignés, la ou les personnes physiques qui sont bénéficiaires d’au moins 25% des biens d’une construction juridique ou d’une entité; ii) dans la mesure où les individus qui sont les bénéficiaires de la personne morale ou de la construction juridique ou de l’entité n’ont pas encore été désignés, le groupe de personnes dans l’intérêt principal duquel la personne morale ou la construction juridique ou l’entité ont été constitués ou produisent leurs effets; iii) la ou les personnes physiques qui exercent un contrôle sur au moins 25% des biens d’une construction juridique ou d’une entité; 7) «prestataire de services aux sociétés et fiducies»: toute personne physique ou morale qui fournit, à titre professionnel, l’un des services suivants à des tiers: a) constituer des sociétés ou d’autres personnes morales; b) occuper la fonction de dirigeant ou de secrétaire d’une société, d’associé d’une société en commandite ou une fonction similaire à l’égard d’autres personnes morales, ou faire en sorte qu’une autre personne occupe une telle fonction; c) fournir un siège statutaire, une adresse commerciale, administrative ou postale et tout autre service lié à une société, à une société en commandite, à toute autre personne morale ou à toute autre construction juridique similaire; d) occuper la fonction de fiduciaire dans une fiducie explicite ou une construction juridique similaire, ou faire en sorte qu’une autre personne occupe une telle fonction; e) faire office d’actionnaire pour le compte d’une autre personne autre qu’une société cotée sur un marché réglementé qui est soumise à des obligations de publicité conformes à la législation communautaire ou à des normes internationales équivalentes, ou faire en sorte qu'une autre personne occupe une telle fonction; 8) «personnes politiquement exposées»: les personnes physiques qui occupent ou se sont vu confier une fonction publique importante ainsi que les membres directs de leur famille ou des personnes connues pour leur être étroitement associées; 9) «relation d’affaires»: une relation d’affaires, professionnelle ou commerciale liée aux activités professionnelles des établissements et des personnes soumis à la présente directive et censée, au moment où le contact est établi, s’inscrire dans une certaine durée; 10) «société bancaire écran»: un établissement de crédit ou un établissement exerçant des activités équivalentes constitué dans un pays où il n’a aucune présence physique par laquelle s’exerceraient une direction et une gestion véritables et qui n’est pas rattaché à un groupe financier réglementé.

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Les points 19 et 20 des considérants préliminaires de cette directive (1) apportent encore quelques précisions :

« (19) La directive 91/308/CEE a fait entrer les notaires et les autres membres des professions juridiques indépendantes dans le champ d’application du régime communautaire de lutte anti-blanchiment. Ce champ d’application devrait demeurer inchangé dans la présente directive. Ces membres, tels que définis par les États membres, sont donc soumis aux dispositions de la présente directive lorsqu’ils participent à des transactions de nature financière ou pour le compte de sociétés, y compris lorsqu’ils font du conseil fiscal, car c’est là que le risque de détournement de leurs services à des fins de blanchiment des produits du crime ou de financement du terrorisme est le plus élevé. (20) Lorsque des membres indépendants de professions fournissant des conseils juridiques, qui sont légalement reconnues et contrôlées, par exemple des avocats, évaluent la situation juridique d’un client ou le représentent dans une procédure judiciaire, il ne semble pas opportun de leur imposer, en vertu de la présente directive, l’obligation de déclarer, dans le cadre de ces activités, d’éventuels soupçons de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. Il faut ainsi soustraire à l’obligation de déclaration les informations obtenues avant, pendant ou après une procédure judiciaire ou lors de l’évaluation de la situation juridique d’un client. Par conséquent, le conseil juridique reste soumis à l’obligation de secret professionnel, sauf si le conseiller juridique prend part à des activités de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, fournit un conseil juridique à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ou sait que son client le sollicite à de telles fins. »

L’article 36 (2) organise la surveillance de certaines activités :

« 1. Les États membres prévoient que les bureaux de change et les prestataires de services aux sociétés et fiducies sont agréés ou immatriculés et que les casinos doivent obtenir une licence pour pouvoir exercer légalement leur activité. Sans préjudice de la future législation communautaire, les États membres prévoient que les sociétés de transfert de fonds sont agréées ou immatriculées pour pouvoir exercer légalement leur activité. 2. Les États membres exigent des autorités compétentes qu'elles refusent l’agrément ou l’immatriculation des entreprises mentionnées au paragraphe 1 lorsqu’elles ne sont pas convaincues de l’aptitude et de l’honorabilité des personnes qui dirigent ou dirigeront effectivement ces entreprises ou de leurs bénéficiaires effectifs. »

L’article L.562-1 CMF précise les personnes qui sont concernées par l’obligation de déclarer les sommes ou opérations soupçonnées d’être d’origine illicite. L’article L.562-2 CMF est ainsi rédigé :

« Les personnes mentionnées au 12 de l’article L.562-1 sont tenues de procéder à la déclaration prévue à l’article L.562-2 lorsque dans le cadre de leur activité professionnelle, elles réalisent au nom et pour le compte de leur client toute transaction financière ou immobilière ou lorsqu’elles participent en assistant leur client à la préparation ou à la réalisation des transactions concernant : 1° l’achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce ; 2° la gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant au client ;

(1) Directive 2005/60/CE du 26 octobre 2005, JOUE du 25/11/05 (L 309/17) (2) Directive 2005/60/CE du 26 octobre 2005, JOUE du 25/11/05 (L 309/17)

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3° l’ouverture de comptes bancaires, d’épargne ou de titres ; 4° l’organisation des apports nécessaires à la création de sociétés ; 5° la constitution, la gestion ou la direction des sociétés ; 6° la constitution, la gestion ou la direction de fiducies de droit étranger ou de toute autre structure similaire ; Les personnes mentionnées au 12 de l’article L.562.1 dans l’exercice des activités des transactions visées ci-dessus et les experts comptables lorsqu’ils effectuent des consultations juridiques conformément aux dispositions de l’article 22 de l’ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée ne sont pas tenus de procéder à la déclaration prévue à l’article L.562-2 lorsque les informations ont été reçues d’un de leurs clients ou obtenues sur l’un d’eux, - soit dans le cadre d’une consultation juridique sauf si celle-ci est fournie aux fins de

blanchiment de capitaux ou si ces personnes y procèdent en sachant que leur client souhaite obtenir des conseils juridiques aux fins de blanchiment des capitaux,

- soit dans l’exercice de leur activité dans l’intérêt de ce client lorsque cette activité se rattache à une procédure juridictionnelle, que ces informations soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d’engager ou d’éviter une telle procédure.

Par dérogation à l’article L.562-2, l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, l’avocat ou l’avoué près la cour d’appel communique la déclaration, selon le cas, au président de l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, au bâtonnier de l’ordre auprès duquel l’avocat est inscrit ou au président de la compagnie dont relève l’avoué. Ces autorités transmettent, dans les délais et selon les modalités procédurales définies par décret en Conseil d’Etat, la déclaration qui leur a été remise par l’avocat ou l’avoué au service institué à l’article L.562-4, sauf si elles considèrent qu’il n’existe pas de soupçon de blanchiment des capitaux. Dans ce cas, le Président de l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, le bâtonnier de l’ordre auprès duquel l’avocat est inscrit ou le président de la compagnie dont relève l’avoué informe l’avocat ou l’avoué des raisons pour lesquelles il a estimé ne pas devoir transmettre les informations qui lui avaient été communiquées par celui-ci. Le bâtonnier de l’ordre ou le président de la compagnie destinataire d’une déclaration qu’il n’a pas transmise au service institué à l’article L-562-4 transmet les informations contenues dans cette déclaration au président du Conseil national des barreaux ou au président de la Chambre nationale des avoués. Cette transmission ne contient pas d’élément relatif à l’identification des personnes. Dans les mêmes conditions, le président de l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, le président du Conseil national des barreaux et le président de la Chambre nationale des avoués font rapport au garde des Sceaux, ministre de la Justice, selon une périodicité définie par décret en Conseil d’Etat, sur les situations n’ayant pas donné lieu à communication des déclarations. Le service institué à l’article L.562-4 est rendu destinataire des ces informations par le garde des Sceaux, ministre de la Justice. Les dispositions du présent article sont applicables à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. »

La déclaration de soupçon et la procédure d’alerte ont d’abord concerné les banques, ces obligations seront étendues à d’autres professions (opérateurs de casinos, marchands de biens, notaires) mais les banques conservent un rôle déterminant.

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La loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers (1) introduit au titre VI du livre V du CMF un chapitre IV intitulé « Obligations relatives à la lutte contre le financement des activités terroristes » instituant des mesures de gel ou d’interdiction. Ce texte définit le gel en ces termes :

« Le gel des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des organismes et personnes mentionnés à l’article L.564-1 s’entend comme toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert ou utilisation de fonds, instruments financiers et ressources économiques qui auraient pour conséquence un changement de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur nature ou toute autre modification qui pourrait en permettre l’utilisation par les personnes faisant l’objet de la mesure de gel.

L’article suivant de la même loi (2) crée un article 321-6 du Code pénal instituant un nouveau délit constitué par « le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie ou de ne pas pouvoir justifier de l’origine d’un bien détenu, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes qui soit se livrent à la commission de crimes ou de délits » Enfin, en application de l’article 415 du Code des douanes « procède à une opération

financière entre l’étranger et la France celui qui importe des fonds qu'il savait provenir d’un délit douanier ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt infirmatif attaqué et des procès-verbaux dressés par des agents des douanes que ces derniers ont saisi, dans les bagages et sur la personne de M. X..., contrôlé à l’aéroport de Roissy, à l’arrivée d’un vol en provenance d’Espagne, une somme de 195.500 €, en billets de 500 €, neufs et portant des suites de numéros de série ; que M. X..., qui dirige en Chine une usine de fabrication de chaussures, revendues par des commerçants chinois établis dans des pays de l’Union européenne, notamment en Espagne et en Allemagne, a expliqué que les fonds saisis lui avaient été remis par des clients et qu’ils correspondaient à la sous-évaluation du prix de vente des marchandises, importées sous le couvert d’une double facturation pour dissimuler la minoration des droits de douane ; Attendu que, pour relaxer M. X... du chef de blanchiment de fonds provenant d’un délit douanier, l’arrêt, après avoir relevé que les sommes importées en fraude sont le produit de l’infraction prévue par l’article 426-3 du code des douanes, dont le prévenu avait connaissance, et retenu que leur importation est établie par les constatations des agents des douanes, énonce, notamment, que cette importation ne peut être assimilée à une opération financière entre la France et l’étranger et qu’aucun autre élément de la procédure ne caractérise une telle opération ; Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé ; D’où il suit que la cassation est encourue ; Par ces motifs : CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, en date du 2 mars 2010, en ses seules dispositions ayant prononcé sur l’action exercée par l’administration des douanes du chef de blanchiment de fonds, toutes autres dispositions étant expressément maintenues » (3).

(1) Loi n°2006-64 du 23 janvier 2006, art.23, JORF 24/01/06 p.1129 (2) Loi n°2006-64 du 23 janvier 2006 art.24, JORF 24/01/06 p.1129 (3) Cass. crim. 15 décembre 2010 n°10-81734 (n°7336 F-P+B), Bull. crim., D. 3/11.167

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25-3/ Les outils de la lutte contre le blanchiment La lutte contre le blanchiment utilise trois outils : l’obligation de vigilance et la déclaration de soupçon et le droit pénal. 25-31/ L’obligation de vigilance L’article L.561-2 du CMF précise les personnes assujetties aux obligations de lutte anti blanchiment (LAB) : banquiers, changeurs manuels, assureurs, professionnels de l’immobilier, opérateurs de jeux et paris, vendeurs de pierres et métaux précieux, experts comptables, avocats avoués notaires huissiers administrateurs judiciaires commissaires priseurs. La directive anti-blanchiment de 2005 (1) précise :

« Les établissements et personnes soumis à la présente directive appliquent des mesures de vigilance à l'égard de leur clientèle dans les cas suivants: a) lorsqu’ils nouent une relation d'affaires; b) lorsqu’ils concluent, à titre occasionnel, une transaction d’un montant de 15.000 € au moins, que la transaction soit effectuée en une seule ou plusieurs opérations entre lesquelles un lien semble exister; c) lorsqu’il y a suspicion de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, indépendamment de tous seuils, exemptions ou dérogations applicables; d) lorsqu’il existe des doutes concernant la véracité ou la pertinence des données précédemment obtenues aux fins de l’identification d’un client. »

L’article suivant (2) précisant le contenu de ces mesures de vigilance :

« 1. Les mesures de vigilance à l’égard de la clientèle comprennent: a)l’identification du client et la vérification de son identité, sur la base de documents, de données ou d'informations de source fiable et indépendante; b) le cas échéant, l'identification du bénéficiaire effectif et la prise de mesures adéquates et adaptées au risque pour vérifier son identité, de telle manière que l'établissement ou la personne soumis à la présente directive ait l'assurance de connaître ledit bénéficiaire effectif, ainsi que, pour les personnes morales, les fiducies et les constructions juridiques similaires, la prise de mesures adéquates et adaptées au risque pour comprendre la structure de propriété et de contrôle du client; c) l’obtention d’informations sur l’objet et la nature envisagée de la relation d’affaires; d) l’exercice d'une vigilance constante de la relation d'affaires, notamment en examinant les transactions conclues pendant toute la durée de cette relation d’affaires et, si nécessaire, sur l'origine des fonds, de manière à vérifier que ces transactions sont cohérentes par rapport à la connaissance qu’a l’établissement ou la personne concerné(e) de son client, de ses activités commerciales et de son profil de risque, et en tenant à jour les documents, données ou informations détenus. 2. Les établissements et personnes soumis à la présente directive appliquent chacune des obligations de vigilance à l’égard de la clientèle énoncées au paragraphe 1, mais

(1) Directive n°2005/60/CE du 26 octobre 2005, art.7, JOUE FR du 25/11/05 (L 309/17) (2) Directive 2005/60/CE du 26 octobre 2005, art.8, JOUE FR du 25/11/05 (L 309/17)

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peuvent en ajuster la portée en fonction du risque associé au type de client, de relation d’affaires, de produit ou de transaction concerné. Les établissements et personnes soumis à la présente directive doivent être en mesure de prouver aux autorités compétentes visées à l’article 37, y compris aux organismes d’autorégulation, que l’étendue des mesures est appropriée au vu des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. »

L’article 11 (1) énumère diverses exceptions aux modalités de vigilance prévues à l’article 7 :

« 1. Par dérogation à l’article 7, points a), b) et d), à l’article 8 et à l’article 9, paragraphe 1, les exigences qui y sont énoncées ne s’appliquent pas aux établissements et personnes soumis à la présente directive lorsque le client est un établissement financier ou de crédit soumis à la présente directive ou un établissement financier ou de crédit établi dans un pays tiers imposant des obligations équivalentes à celles prévues par la présente directive, et dont le respect fait l’objet d’une surveillance. 2. Par dérogation à l’article 7, points a), b) et d), à l’article 8 et à l’article 9, paragraphe 1, les États membres peuvent autoriser les établissements et personnes soumis à la présente directive à ne pas appliquer les obligations de vigilance à l’égard de la clientèle dans les cas suivants: a) les sociétés cotées dont les valeurs sont admises à la négociation sur un marché réglementé au sens de la directive 2004/39/CE dans un État membre au moins et les sociétés cotées de pays tiers qui sont soumises à des exigences de publicité compatibles avec la législation communautaire; b) les bénéficiaires effectifs de comptes groupés tenus par des notaires ou des membres d’une autre profession juridique indépendante établis dans un État membre ou un pays tiers, sous réserve qu’ils soient soumis à des exigences de lutte contre le blanchiment ou le financement du terrorisme satisfaisant aux normes internationales et que le respect de ces obligations soit contrôlé, et sous réserve que les informations relatives à l’identité du bénéficiaire effectif soient mises à la disposition des établissements agissant en qualité de dépositaires pour les comptes groupés, lorsqu’ils en font la demande; c) les autorités publiques nationales, ou à l’égard de tout autre client présentant un faible risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme qui satisfait aux critères techniques établis conformément à l’article 40, paragraphe 1, point b). 3. Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, les établissements et les personnes soumis à la présente directive recueillent en toutes circonstances des informations suffisantes pour établir si le client remplit les conditions requises pour bénéficier d’une dérogation visée dans ces paragraphes. 4. Les États membres s’informent mutuellement et informent la Commission des cas dans lesquels ils estiment qu’un pays tiers remplit les conditions fixées aux paragraphes 1 ou 2 ou dans d’autres situations qui satisfont aux critères techniques établis conformément à l’article 40, paragraphe 1, point b). 5. Par dérogation à l’article 7, points a), b) et d), à l’article 8 et à l’article 9, paragraphe 1, les États membres peuvent autoriser les établissements et personnes soumis à la présente directive à ne pas appliquer les obligations de vigilance en ce qui concerne:

(1) Directive 2005/60/CE du 26 octobre 2005, art.8, JOUE FR du 25/11/05 (L 309/17)

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a) les polices d’assurance vie dont la prime annuelle ne dépasse pas 1.000 € ou dont la prime unique ne dépasse pas 2.500 €; b) les contrats d’assurance retraite qui ne comportent pas de clause de rachat et qui ne peuvent être utilisés en garantie; c) les régimes de retraite ou dispositifs similaires versant des prestations de retraite aux employés, pour lesquels les cotisations se font par déduction du salaire et dont les règles ne permettent pas aux bénéficiaires de transférer leurs droits; d) la monnaie électronique au sens de l’article 1er, paragraphe 3, point b), de la directive 2000/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements lorsque, si le support ne peut pas être rechargé, la capacité maximale de chargement du support n’est pas supérieure à 150 €; ou lorsque, si le support peut être rechargé, une limite de 2.500 € est fixée pour le montant total des transactions dans une année civile, sauf lorsqu’un montant d’au moins 1.000 € est remboursé dans la même année civile par le porteur comme indiqué à l’article 3 de la directive 2000/46/CE, ou à l’égard de tout autre produit ou transaction présentant un faible risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme qui satisfait aux critères techniques établis conformément à l’article 40, paragraphe 1, point b). »

Les articles 24 et 25 (1) précisent une des con séquences de l’obligation de vigilance : Aux termes de l’article 24

« 1. Les États membres exigent des établissements et des personnes soumis à la présente directive qu'ils s'abstiennent d'effectuer toute transaction dont ils savent ou soupçonnent qu'elle est liée au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme jusqu'à ce qu'ils aient mené à bien les actions nécessaires visées à l'article 22, paragraphe 1, point a). Conformément à la législation des États membres, des instructions de ne pas effectuer la transaction peuvent être données. 2. Lorsqu'ils soupçonnent qu'une transaction peut donner lieu à une opération de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme et que le refus de la réaliser n'est pas possible ou est susceptible d'empêcher la poursuite des bénéficiaires d'une opération suspectée de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, les établissements et les personnes concernés informent la CRF dès que la transaction a été effectuée. »

Tandis que pour l’article 25

« 1. Les États membres veillent à ce que les autorités compétentes visées à l’article 37 informent promptement la CRF si, au cours des inspections qu’elles effectuent auprès des établissements et des personnes soumis à la présente directive, ou de toute autre manière, elles découvrent des faits susceptibles d’être liés au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme. 2. Les États membres veillent à ce que les organes de surveillance chargés par les dispositions législatives ou réglementaires de surveiller les marchés boursiers, les marchés de devises et de produits financiers dérivés informent la CRF lorsqu’ils découvrent des faits susceptibles d’être liés au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme. »

(1) Directive n°2005/60/CE du 26 octobre 2005, art.8, JOUE du 25/11/05 (L 309/17)

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Les organes de vigilance doivent conserver les traces de leurs actions dans le domaine de la lutte contre le blanchiment :

« Les États membres exigent des établissements et des personnes soumis à la présente directive qu’ils conservent les documents et informations ci-après aux fins de leur utilisation dans une enquête sur le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme ou dans une analyse d’un éventuel blanchiment de capitaux ou d’un éventuel financement du terrorisme menée par la CRF ou par les autres autorités compétentes conformément à la législation nationale: a) en ce qui concerne les mesures de vigilance à l’égard du client, une copie ou les références des documents exigés, pendant au moins cinq ans après la fin de la relation d’affaires avec le client; b) en ce qui concerne les relations d’affaires et les transactions, les pièces justificatives et enregistrements consistant en des documents originaux ou des copies recevables, au regard du droit national, dans le cadre de procédures judiciaires, pendant au moins cinq ans à partir de l’exécution des transactions ou de la fin de la relation d’affaires. »

25-32/ La mise en œuvre de l’obligation de vigilance Comme le rappelle la doctrine (1), le CMF instaure 5 niveaux de vigilance : Les cas d’exemption de mesures de vigilance sont précisés aux articles L.561-91 et R.561-

15 à R.5616-17 CMF ; Les mesures de vigilance allégées : II de l’article L.561-9 CMF ; Les mesures de vigilance standard : L.561-5, L.561-6 et R.561-5 et ss CMF ; Les mesures de vigilance complémentaires : L.561-10, L.561-11 et R.561-20 CMF ; Les mesures de vigilance renforcées : L.561-10-1 CMF. Ces textes et les organismes de tutelle ou les ordres sont très fermes sur la nécessité absolue, pour chaque professionnel assujetti, de créer sa cartographie personnelle exhaustive, adaptée à ses activités, lui permettant de dégager ses risques spécifiques et de prévoir les mesures internes. Et là l’empilage des textes a repris : Pour les professionnels de la finance et les entreprises d’investissement il convient de distinguer ceux qui relèvent de l’AMF et ceux qui n’en relèvent pas. � Pour les professionnels de la finance et les entreprises d’investissement ne relevant pas

de l’AMF, le règlement n°97-02 du 21 février 1997 sur le contrôle interne a été modifié (2).

� Pour les professionnels relevant de l’AMF, un arrêté homologue le nouveau Règlement Général AMF (3) dont les articles 315-49 à 315-58 ont été modifiés. L’AMF a par ailleurs mis sur internet (4) ses « lignes directrices précisant certaines dispositions du

(1) Kerebel et Dedieu, « Procédure interne de lutte anti-blanchiment et cartographie des

risques : méthodes d’élaboration », JCP-E 43/10 n°1929 (2) Arrêté du 29 octobre 2009, JORF 31/10/09 p.18720 (3) Arrêté du 12 novembre 2009, JORF 18/11/09 p.19903 (4) www.amf-france.org

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règlement général en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme » ainsi que les « lignes directrices conjointes de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de TRACFIN sur l’obligation de déclaration en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ». Pour les conseillers en investissements financiers, l’AMF proposait déjà un « guide pédagogique » très clair et intéressant sur leurs obligations LAB.

Pour les professionnels du chiffre, le Haut conseil du commissariat aux comptes a élaboré une norme homologuée par arrêté (1). Pour les comptables après un décret (2) les règles professionnelles ont été homologuées par arrêté (3). Pour les professionnels du droit, les obligations de conservation et de transmission des documents ont été précisées par décret (4) complété par une circulaire du ministère de la justice (5). Pour les professionnels de l’immobilier, du jeu et de la domiciliation un décret (6) a créé pour la circonstance une Commission nationale des sanctions. 25-33/ La « déclaration de soupçon » Le 1 de l’article 28 de la directive anti-blanchiment (7) précise que :

« 1. Les établissements et les personnes soumis à la présente directive, ainsi que leurs dirigeants et employés, ne révèlent ni au client concerné ni à des tiers que des informations ont été transmises à la CRF en application des articles 22 et 23 ou qu'une enquête sur le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme est en cours ou pourrait être ouverte. »

La « déclaration de soupçon » repose sur une démarche volontaire de la part du professionnel, fondée sur son expérience, l’analyse et l’évaluation qu’il fait d’une opération donnée et plus généralement sur la bonne connaissance de son client. Elle explique et justifie l’absence de définition légale du « soupçon » et de critères objectifs contraignants pré-établis (à l’exception, pour les organismes financiers, des déclarations systématiques instituées par la loi n°2001-420 du 15 mai 2001). Si la loi impose aux professionnels de porter à la connaissance de TRACFIN les opérations susceptibles d’être liées au recyclage de fonds d’origine illicite ou au financement du terrorisme, la décision de procéder à une déclaration de soupçon relève de leur propre et unique initiative (sans leur imposer la qualification de l’infraction sous-jacente qui relève de la seule compétence de l’autorité judiciaire).

(1) Arrêté du 20 avril 2010, JORF 30/04/10

http://www.h3c.org/textesfondamentaux.htm (2) Décret n°2010-52 du 15 janvier 2010, JORF 16/01/10 p.894 (3) Arrêté du 7 septembre 2010, JORF 12/09/10 p.16560 (4) Décret n°2010-9 du 6 janvier 2010, JORF 08/01/10 p.424 (5) Circulaire CIV/02/10/09/03 du 14 janvier 2010 (6) Décret n°2009-1535 du 12 décembre 2009, JORF 12/12/09 p.21499 (7) Directive n°2005/60/CE du 26 octobre 2005, art.8, JOUE du 25/11/05 (L 309/17)

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- En application de l’article L.562.5 du CMF, TRACFIN accuse réception des déclarations de soupçon auprès de la personne qui lui a été désignée comme son « correspondant ». Ces accusés de réception sont actuellement transmis dans un délai moyen de 48 heures (jours ouvrables) et seront délivrés quasi-immédiatement dans le cadre de la téléprocédure en cours de développement.

- L’article 563-3 CMF prévoit que « toute opération importante portant sur des sommes dont le montant unitaire ou total est supérieur à une somme fixée par décret en Conseil d’Etat et qui, sans entrer dans le champ d’application de l’article L.562-2, se présente dans des conditions inhabituelles de complexité et ne paraît pas avoir de justification économique ou d’objet licite, doit faire l’objet de la part de l’organisme financier ou de la personne mentionnés à l’article L.562-1 d’un examen particulier. En ce cas, l’organisme financier ou la personne mentionnés à l’article L.562-1 se renseigne auprès du client sur l’origine et la destination de ces sommes ainsi que sur l’objet de la transaction et l’identité de la personne qui en bénéficie. Les caractéristiques de l’opération sont consignées par écrit et conservées par l’organisme financier ou la personne mentionnés à l’article L.562-1 dans les conditions prévues à l’article L.563-4. Le service institué à l’article L.562-4 et l’autorité de contrôle peuvent seuls obtenir communication de ce document et des pièces qui s’y rattachent. L’organisme financier ou la personne mentionnés à l’article L562-1 doit s’assurer que les obligations définies par l’alinéa précédent sont appliquées par ses succursales ou sociétés filiales dont le siège est à l’étranger, à moins que la législation locale y fasse obstacle, auquel cas ils en informent le service institué à l’article L. 562-4. »

- Dès l’origine, le législateur a posé le principe de la préservation de l’anonymat de la source déclarante pour assurer sa protection face à d’éventuelles pressions ou représailles de la part des personnes ayant fait l’objet d’une déclaration de soupçon. TRACFIN en est le garant (y compris dans le cadre de transmissions judiciaires) ce qui se traduit concrètement, pour sa part, par l’absence de toute communication extérieure de l’identité du déclarant ainsi que de sa déclaration. Le droit de communication de TRACFIN est ici strictement limité à un compte ou à un individu, afin d’éviter qu’il ne soit effectué des demandes générales auprès d’un intermédiaire.

- Parallèlement et conformément aux recommandations du GAFI, l’article L.574-1 du CMF interdit aux professionnels assujettis, sous peine de sanctions pécuniaires (22.500 €) et sans préjudice de l’engagement de poursuites pénales pour complicité de blanchiment, de porter à la connaissance du propriétaire des sommes ou de l’auteur de l’opération l’existence d’une déclaration auprès de TRACFIN ou de donner des informations sur les suites qui lui ont été réservées.

- Le respect de ce principe revêt une importance toute particulière dans le cadre d’application de la loi n°2004-130 du 11 février 2004 qui prévoit une information systématique du déclarant (jusqu’alors subordonnée à une demande en ce sens de sa part) dès lors que TRACFIN saisit l’autorité judiciaire sur le fondement de sa déclaration (La mise en place effective de cette disposition est subordonnée à l’adoption de la révision du décret de 1991 qui en définit les modalités pratiques d’application).

TRACFIN analyse les déclarations et procède à une enquête, au cours de laquelle il effectue des recoupements financiers et recourt, le cas échéant, à des échanges d’informations, y compris au plan international. Si à l’issue de cette phase, il parvient à transformer le soupçon initial en présomption de blanchiment ou de financement du terrorisme, il porte alors les faits à la connaissance du

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procureur de la République territorialement compétent à qui il reviendra d’apporter la preuve de la commission de l’infraction avec le concours des services de police judiciaire. Cette transmission est assurée en préservant l’anonymat de la source déclarante : celle-ci n’est pas citée et sa déclaration initiale n’est pas jointe à la transmission (article L 562-6 du CMF). Outre ses relations avec l’autorité judiciaire, TRACFIN peut échanger des informations avec les officiers de police judiciaire de l’OCRGDF, les services douaniers, et les autorités de contrôle des professions assujetties au mécanisme déclaratif (Commission Bancaire, Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et institutions de prévoyance, Autorité des marchés financiers). En outre, il peut recevoir des administrations de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des organismes de sécurité sociale toutes les informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Enfin, TRACFIN entretient des contacts opérationnels réguliers avec ses homologues étrangers avec lesquelles il échange des renseignements, de manière spontanée ou sur demande, permettant de compléter utilement l’expertise financière nationale sur des dossiers qui revêtent fréquemment une dimension internationale Un « comité de liaison de la lutte contre le blanchiment des produits des crimes et des délits », placé sous la co-présidence de TRACFIN et du ministère de la justice a été institué par la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (article L.562-10 du code monétaire et financier). Ses conditions de fonctionnement ont été fixées par un décret du 3 mai 2002. Cette instance réunit, à ce jour, trente membres représentatifs des professions déclarantes, des autorités de contrôle et des différents services de l’Etat (ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, ministères de la justice et de l’intérieur). Elle a pour objet d’assurer une meilleure information réciproque de ses membres et d’émettre des propositions sur les améliorations à apporter au dispositif national anti-blanchiment. La première réunion plénière qui s’est tenue le 30 avril 2003 a décidé de la création de deux groupes de travail, consacrés respectivement au cadre juridique (clarification et simplification des textes) et à la déclaration de soupçon (formalisation et modernisation du mode de transmission). L’intérêt d’un tel forum d’échanges et de réflexion, qui réunit régulièrement l’ensemble des acteurs publics et privés impliqués dans le dispositif, ressort des travaux qui y sont menés. Ainsi : Le groupe de travail sur la déclaration de soupçon a permis de préciser un certain nombre

de points sur le dispositif français de la déclaration de soupçon mais surtout de mener, à un rythme soutenu, les travaux sur l’établissement d’un modèle-type de déclaration dans la perspective de la mise en place d’un mécanisme de télétransmission via un site internet sécurisé auquel pourront seuls accéder les professionnels.

Le formulaire-type, expérimenté au cours de l’année 2004 avec le concours de 26 correspondants volontaires relevant du secteur bancaire, des assurances et des entreprises d’investissements, a été finalisé à son terme ce qui ouvre la voie à la mise en place effective de la télé procédure.

Le groupe juridique a réaffirmé le principe de l’anonymat de la source déclarante qui s’est traduit par la diffusion par le ministère de la justice, le 10 février 2004, d’une circulaire en ce sens destinée aux parquets. La problématique de la différence entre le champ du délit pénal de blanchiment et celui de la déclaration de soupçon y a également été

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abordée avec, en ce domaine, de nouvelles perspectives ouvertes par le projet de 3ème directive européenne anti-blanchiment.

Le Comité est utilisé pour consulter les professionnels sur le nouveau texte communautaire en préparation ainsi que sur le projet de révision du décret n° 91-160 du 13 février 1991.

Enfin, dans le contexte d’une nécessaire révision du décret qui a institué le comité de liaison pour assurer la représentation des professions récemment affiliées, la session plénière annuelle du 14 septembre 2004 a entériné le principe de la constitution de trois groupes de travail sectoriels destinés à répondre au mieux aux spécificités et préoccupations convergentes des principales catégories de professions concernées.

Article L.561-15 du Code monétaire et financier (1) précise :

« I.- Les personnes mentionnées à l’article L.561-2 sont tenues, dans les conditions fixées par le présent chapitre, de déclarer au service mentionné à l’article L.561-23 les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme. II.- Par dérogation au I, les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 déclarent au service mentionné au I les sommes ou opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une fraude fiscale lorsqu’il y a présence d’au moins un critère défini par décret. III.- A l’issue de l’examen renforcé prescrit au IV de l’article L.561-10, les personnes mentionnées à l’article L.561-2 effectuent, le cas échéant, la déclaration prévue au I du présent article. IV.- Les personnes mentionnées à l’article L.561-2 sont également tenues de déclarer au service mentionné à l’article L.561-23 toute opération pour laquelle l’identité du donneur d’ordre ou du bénéficiaire effectif ou du constituant d’un fonds fiduciaire ou de tout autre instrument de gestion d’un patrimoine d’affectation reste douteuse malgré les diligences effectuées conformément à l’article L.561-5. V.- Toute information de nature à infirmer, conforter ou modifier les éléments contenus dans la déclaration est portée, sans délai, à la connaissance du service mentionné à l’article L. 561-23. VI.- Un décret peut étendre l'obligation de déclaration mentionnée au I aux opérations pour compte propre ou pour compte de tiers effectuées par les personnes mentionnées aux 1° à 7° de l’article L. 561-2 avec des personnes physiques ou morales, y compris leurs filiales ou établissements, domiciliées, enregistrées ou établies dans l’ensemble des Etats ou territoires dont les insuffisances de la législation ou les pratiques font obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Ce décret fixe le montant minimum des opérations soumises à déclaration. VII.- Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités de cette déclaration. »

Le décret (2) pris pour application de l’article L.561-15-II du code monétaire et financier a été publié quelques mois plus tard :

« Article 1 La déclaration prévue à l'article L.561-15-II susvisé du code monétaire et financier est effectuée par les personnes mentionnées à l'article L.561-2 du même code en

(1) Ord. n°2009-104 du 30 janvier 2009 art. 2, JORF 31/01/09 p.1819 (2) Décret n°2009-874 du 16 juillet 2009, JORF 18/07/09 p.11978

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fonction de la spécificité de leur profession, conformément aux obligations de vigilance exercées sur leur clientèle et au regard des pièces et documents qu'elles réunissent à cet effet. Article 2 Les critères mentionnés à l'article L.561-15-II sont les suivants : 1° L’utilisation de sociétés écran, dont l’activité n’est pas cohérente avec l’objet social ou ayant leur siège social dans un Etat ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention fiscale permettant l’accès aux informations bancaires, identifié à partir d’une liste publiée par l’administration fiscale, ou à l’adresse privée d’un des bénéficiaires de l’opération suspecte ou chez un domiciliataire au sens de l’article L.123-11 du code de code de commerce ; 2° La réalisation d’opérations financières par des sociétés dans lesquelles sont intervenus des changements statutaires fréquents non justifiés par la situation économique de l’entreprise ; 3° Le recours à l’interposition de personnes physiques n’intervenant qu’en apparence pour le compte de sociétés ou de particuliers impliqués dans des opérations financières ; 4° La réalisation d’opérations financières incohérentes au regard des activités habituelles de l’entreprise ou d’opérations suspectes dans des secteurs sensibles aux fraudes à la TVA de type carrousel, tels que les secteurs de l’informatique, de la téléphonie, du matériel électronique, du matériel électroménager, de la hi-fi et de la vidéo ; 5° La progression forte et inexpliquée, sur une courte période, des sommes créditées sur les comptes nouvellement ouverts ou jusque-là peu actifs ou inactifs, liée le cas échéant à une augmentation importante du nombre et du volume des opérations ou au recours à des sociétés en sommeil ou peu actives dans lesquelles ont pu intervenir des changements statutaires récents ; 6° La constatation d’anomalies dans les factures ou les bons de commande lorsqu’ils sont présentés comme justification des opérations financières, telles que l’absence du numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, du numéro SIREN, du numéro de TVA, de numéro de facture, d’adresse ou de dates ; 7° Le recours inexpliqué à des comptes utilisés comme des comptes de passage ou par lesquels transitent de multiples opérations tant au débit qu’au crédit, alors que les soldes des comptes sont souvent proches de zéro ; 8° Le retrait fréquent d’espèces d’un compte professionnel ou leur dépôt sur un tel compte non justifié par le niveau ou la nature de l’activité économique ; 9° La difficulté d’identifier les bénéficiaires effectifs et les liens entre l’origine et la destination des fonds en raison de l’utilisation de comptes intermédiaires ou de comptes de professionnels non financiers comme comptes de passage, ou du recours à des structures sociétaires complexes et à des montages juridiques et financiers rendant peu transparents les mécanismes de gestion et d’administration ; 10° Les opérations financières internationales sans cause juridique ou économique apparente se limitant le plus souvent à de simples transits de fonds en provenance ou à destination de l’étranger notamment lorsqu'elles sont réalisées avec des Etats ou des territoires visés au 1° ; 11° Le refus du client de produire des pièces justificatives quant à la provenance des fonds reçus ou quant aux motifs avancés des paiements, ou l’impossibilité de produire ces pièces ;

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12° Le transfert de fonds vers un pays étranger suivi de leur rapatriement sous la forme de prêts ; 13° L’organisation de l’insolvabilité par la vente rapide d’actifs à des personnes physiques ou morales liées ou à des conditions qui traduisent un déséquilibre manifeste et injustifié des termes de la vente ; 14° L’utilisation régulière par des personnes physiques domiciliées et ayant une activité en France de comptes détenus par des sociétés étrangères ; 15° Le dépôt par un particulier de fonds sans rapport avec son activité ou sa situation patrimoniale connues ; 16° la réalisation d’une transaction immobilière à un prix manifestement sous-évalué. »

25-4/ Les moyens de la lutte contre le blanchiment Les outils répressifs de la lutte contre le blanchiment ont été renforcés. Certains de ces outils sont procéduraux et la Cour de cassation (1) précise que � la poursuite du délit de blanchiment n’est pas soumise aux dispositions de l’article L.228

du LPF, � les faits poursuivis sous la qualification de blanchiment de fraude fiscale sont distincts

de ceux de complicité et recel de blanchiment, � le complice de l’auteur principal d’un délit peut, lorsque l’infraction est consommée, en

être le receleur, � l’article 324-1 du Code pénal est applicable à l’auteur du blanchiment du produit d’une

infraction qu’il a lui-même commise. La Convention de Strasbourg relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (2) prévoit dans son article 2 des mesures de confiscation :

« Chaque Partie adopte les mesures législatives et autres qui se révèlent nécessaires pour lui permettre de confisquer des instruments et des produits ou des biens dont la valeur correspond à ces produits. Chaque Partie peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, par une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, déclarer que le paragraphe 1 du présent article ne s'applique qu'aux infractions ou catégories d'infractions précisées dans la déclaration. »

Les cas de refus ou d’ajournement de la coopération sont prévus aux 8 points de l’article 18 dont le 1. est reproduit ci-après :

« 1. La coopération en vertu du présent chapitre peut être refusée dans le cas où: a. la mesure sollicitée serait contraire aux principes fondamentaux de l’ordre

juridique de la Partie requise; ou b. l’exécution de la demande risque de porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité,

à l’ordre public ou à d’autres intérêts essentiels de la Partie requise; ou c. la Partie requise estime que l’importance de l’affaire sur laquelle porte la demande

ne justifie pas que soit prise la mesure sollicitée; ou

(1) Cass. crim. 20 février 2008 n°07-82977 (n°1177 FS-P+F), D.14/08-a-j p.924 (2) Conseil de l’Europe, convention du 8 novembre 1990

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d. l’infraction sur laquelle porte la demande est une infraction politique ou fiscale; ou e. la Partie requise considère que la mesure sollicitée irait à l’encontre du principe

«ne bis in idem»; ou f. l’infraction à laquelle se rapporte la demande ne serait pas une infraction au regard

du droit de la Partie requise si elle était commise sur le territoire relevant de sa juridiction. Toutefois, ce motif de refus ne s’applique à la coopération prévue par la section 2 que dans la mesure où l’entraide sollicitée implique des mesures coercitives. »

Ces dispositions seront introduites dans le droit national par la loi relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic des stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime (1) dont l’article 9 prévoit que :

« Les dispositions des articles 10 à 16 de la présente loi s’appliquent à toute demande présentée en application du chapitre III de la convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, faite à Strasbourg le 8 novembre 1990, par un Etat partie à cette convention, tendant à une ou plusieurs des mesures suivantes : 1° La recherche et l’identification du produit d’une infraction, de la chose qui a servi

ou était destinée à commettre cette infraction ou de tout bien dont la valeur correspond au produit de cette infraction ;

2° La confiscation de ces choses, produits ou biens ; 3° La prise de mesures conservatoires sur ces choses, produits ou biens. »

La mise en œuvre de ces dispositions est assurée par les dispositions de la loi réformant les procédures civiles d’exécution (2) qui s’appliquent ici. Ce texte sera repris et renforcé en 2012 (3) par l’organisation de la saisie à titre conservatoire des biens de la personne mise en examen :

« II. ― La première phrase de l'article 706-148 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : « Si l'enquête porte sur une infraction punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée la saisie, aux frais avancés du Trésor, des biens dont la confiscation est prévue en application des cinquième et sixième alinéas de l'article 131-21 du code pénal lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit ou lorsque l'origine de ces biens ne peut être établie. »

Pour lutter contre les effets de montages juridiques complexes (4), les alinéas 5 et 6 de l’article 131-21 du code pénal permettent la saisie des biens dont le prévenu a la libre disposition (5). Enfin la 3ème directive communautaire (6) intègre la fraude fiscale dans le champ de détection des infractions sous-jacentes de blanchiment, cette directive a été transposée en droit interne (7).

(1) Loi n°96-392 du 13 mai 1993, JORF du 14/05/96 p.7208 (2) Loi n°91-650 du 9 juillet 1991, JORF 14/07/91 p.9228 (3) Loi n°2012-409 du 27 mars 2012 art.17-II, JORF 28/03/12 p.5592 (4) Loi n°2010-768 du 9 juillet 2010, JORF 10/07/10 p.12753, D.10.2305 Cutajar (5) Cass. crim. 9 mai 2012 n°11-85522 (n°2527 F-P+B), D.25-12.1652 note Cutajar (6) Directive n°2005/60/CE du 26 octobre 2005, JOCE 2005 L309 p.15

Luppi « Le soupçon de fraude en matière fiscale » BF 6/12 p.499 et ss (7) Ord. n°2009-104 du 30 janvier 2009, JORF 31/01/09 p.1819

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La jurisprudence prononce la confiscation sur le territoire français du produit de l’infraction sans s’arrêter à l’interposition de personnes morales comme le montre l’attendu de l’arrêt reproduit ci-après :

« Et attendu que l’arrêt énonce exactement que selon l’article 15 de la loi n°96-392 du 13 mai 1996, l’exécution sur le territoire français d’une mesure conservatoire demandée par une autorité étrangère est ordonnée dès lors que le propriétaire des biens ne pouvait en ignorer l’origine ou l’utilisation frauduleuse; qu’il relève que la SCI est détenue à 99% par une société fiduciaire dont l’ayant droit économique est M. X..., poursuivi pour blanchiment et appartenance à une mafia, que la SCI avait été créée pour acquérir la Villa Kismet et que des montages complexes tendent à occulter tout lien visible entre la SCI et M. X... ; que la cour d’appel en a déduit souverainement que la SCI ne pouvait ignorer l’origine frauduleuse de cet immeuble, faisant ainsi ressortir que le requérant justifiait à son égard d’une créance paraissant fondée en son principe, correspondant au prix d’acquisition de l’immeuble, et de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement ; Attendu, enfin, qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni des productions que la SCI ait soutenu devant la cour d’appel que l’immeuble litigieux n’était pas susceptible d’être confisqué dans des circonstances analogues selon la loi française ; D’où il suit que le moyen, qui est nouveau, mélangé de fait et de droit et, comme tel irrecevable dans sa dernière branche, n’est pas fondé pour le surplus » (1).

Cette affaire « société Zanoro » a suscité les interrogations de la doctrine (2) sur l’articulation des dispositions pénales et des procédures d’exécution s’agissant surtout des mesures confiscatoires préventives. Le législateur national interviendra donc à nouveau et la loi visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale (3) sera adoptée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale en deuxième lecture. La doctrine (4) relève que ce texte « élargit le champ des biens susceptibles d’être saisis à

l’ensemble des biens dont la confiscation est prévue à l’article 131-21 du code pénal. Tous les biens confiscables sont saisissables à tous les stades de la procédure. Elle crée une procédure de saisie pénale aux fins de confiscation, laquelle a vocation à s’appliquer à l’ensemble des procédures y compris celles mises en œuvre dans le cadre de coopération judiciaire européenne et internationale. Elle institue un nouvel établissement public administratif chargé de gérer, sur mandat de la justice, les biens saisis, l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. Enfin elle renforce l’entraide judiciaire internationale en matière de saisies et de confiscations notamment en transposant les dispositions de la décision cadre du 6 octobre 2006 relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelles aux

(1) Cass. 2ème civ. 4 juin 2009 n°08-16142 (n°910 FS-P+B), Sté Zanoro, D.25/09-actu

jptielle p.1698 (2) Cutajar, note sous Cass. 2ème civ. 04/06/09 n°08-16142 (n°910 FS-P+B), Sté Zanoro,

D.33/09-études et comm. p.2250 (3) Loi n°2010-768 du 9 juillet 2010, JORF 10/07/10 p.12753 (4) Cutajar, « Commentaire des dispositions de droit interne de la loi du 9 juillet 2010

visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale », D.35/10 études et comm. p.2305 et ss

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décisions de confiscation et en codifiant les dispositions de la loi du 4 novembre 1990 (1) et de celle du 13 mai 1996 (2). »

Le juge d’instruction peut, sur requête du procureur de la République ou d’office après avis du ministère public, ordonner cette saisie dans les mêmes conditions. Au cours de l’information suivie contre des époux des chefs d’escroquerie, faux et usage de faux, travail dissimulé et blanchiment de fraude fiscale le juge d’instruction a rendu au visa des articles 131-21 alinéa 6 et 324-7 12° du Code pénal, une ordonnance maintenant la saisie pénale opérée par des officiers de police judiciaire, de sommes inscrites au crédit de comptes bancaires dont les intéressés étaient titulaires. Pour confirmer l’ordonnance et rejeter l’argumentation des époux qui faisaient valoir notamment que l’avis du ministère public n’avait pas été recueilli préalablement à la mesure, la chambre de l’instruction avait énoncé que le juge d’instruction n’était pas tenu au regard des dispositions de l’article 706-153 du code de procédure pénale, de solliciter l’avis de procureur de la république avant de prendre son ordonnance. La Cour de cassation (3) considèrera que ce faisant la chambre de l’instruction avait méconnu le texte et le principe, l’article 706-153 organisant une saisie du patrimoine, l’avis préalable du ministère public était nécessaire. La mise en œuvre de ces mesures renvoie à des procédures de coopération entre Etats qui sont traitées plus bas. Le régime des relations avec les « Etats et territoires non coopératifs » (ETNC) L’OCDE a été le lieu d’une campagne intensive de lutte contre le secret bancaire (4) et dans le sillage de cette action le législateur (5) a introduit dans le CGI un article 238-0-A qui lie la déductibilité des sommes versées par une « entité juridique » nationale à une « entité juridique » située dans un « Etat non coopératif » défini comme un Etat qui : - n’est pas membre de la Communauté européenne, et - a fait l’objet d’une évaluation par le Forum mondial de l’OCDE sur la transparence et

l’échange d’informations en matière fiscale, - n’a pas conclu avec au moins douze Etats ou territoires une convention d’assistance

administrative permettant l’échange de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale des parties, et,

- n’est pas lié à la France par une telle convention. La liste des Etats ou territoires non coopératifs est établie annuellement par arrêté des ministres chargés de l’économie et du budget sera mise à jour en fonction de la signature de nouvelles conventions d’assistance administrative avec la France, de l’évaluation par la France de l’effectivité de l’échange de renseignements avec les Etats ou territoires avec lesquels elle est liée par une convention d’assistance administrative et enfin, pour les autres Etats ou territoires, de l’évaluation par le Forum mondial de l’OCDE sur la transparence et

(1) Loi n°90-1010 du 14 novembre 1990, JORF 16/11/90 p.14055 (2) Loi n°96-392 du 13 mai 1996, JORF 14/05/96 p.7208 (3) Cass. crim. 11 juillet 2012 n°12-82050 (n°4161 FS-P+B), D.30-12.1964 (4) Saint-Amans « La transparence et l’échange d’informations en matière fiscale : la

longue marche de l’OCDE » DF 14/10 n°257 (5) Loi n°2009-1674 du 30 décembre 2009 art.22, JORF 31/12/09 p.22940, DF 5/10 n°118

Projet de loi n°2070, enregistré à la Présidence de l’AN le 16 novembre 2009

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l’échange d’informations en matière fiscale de la qualité de l’échange de renseignements auquel ils procèdent. La première liste a été arrêtée sans délai (1) elle mentionne les Etats suivants :

Anguilla Guatemala Niue

Belize Iles Cook Panama

Brunei Iles Marshall Philippines

Costa Rica Liberia Saint-Kitts-et-Nevis

Dominique Montserrat Sainte-Lucie

Grenade Nauru Saint-Vincent et les Grenadines

L’année suivante (2), Saint-Kitts-et-Nevis et Sainte-Lucie seront retirés de cette liste, Oman et les îles Turques et Caïques y seront ajoutées. En 2012 (3) cette liste s’établit comme suit :

Brunei Guatemala Niue

Brunei Iles Marshall Philippines

Nauru Botswana Montserrat

On peut penser que ce mécanisme sera appliqué dans des conditions plus politiques que juridiques. Si c’est une petite île des Caraïbes qui est en cause le procédé s’épanouira dans toute sa rigueur mais que se passera-t-il si la Chine se montre peu empressée à satisfaire les demandes de l’administration française ? La loi (4) ajoute à l’article L.13-B du LPF qui pose déjà des exigences documentaires en matière de prix de transfert dans un groupe, deux dispositions qui prennent place dans ce courant de préoccupation des administrations fiscales des pays développés en y incluant de nombreuses opérations réalisées par des particuliers. S’agissant des entreprises et des particuliers : � Les taux de la retenue à la source sur les revenus passifs à destination de ces Etats ou

territoires sont portés de 25%, 0% ou 12% ou 18% et 33%, à 50% lorsque les flux bénéficient à des résidents d’Etats ou de territoires non coopératifs. Pour les sommes versées en contrepartie de prestations de service réalisées à l’étranger, le taux de 50% ne sera appliqué que si, en cours de contrôle, le débiteur n’apporte pas la preuve de la réalité des opérations en cause. � S’agissant des dividendes, par opposition au principe applicable à l’égard des Etats

ou territoires coopératifs, la retenue à la source sera prélevée au taux de 50% dès lors que les sommes seront versées dans un Etat ou territoire non coopératif, quelle que soit la localisation du domicile du bénéficiaire, y compris si celui-ci est établi en France.

(1) Arrêté de 12 février 2010, JORF 17/02/10 p.2923 (n°32), DF 8/10 act.48 (2) Arrêté de 14 avril 2011, JORF 29/04/11 p.7477 (n°14), DF 18-19-11 act.136

BOI 14 A-7-11 du 26 juillet 2011, DF 35/11-II-14490 (3) Arrêté de 4 avril 2012, JORF 12/04/12 p.6731 (@ 19) (4) Loi n°2009-1674 du 30 décembre 2009 art.14, JORF 31/12/09 p.22940, DF 5/10 n°118

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� S’agissant des intérêts, ils sont actuellement très largement exonérés du prélèvement obligatoire prévu à l’article 125-A du CGI en application de l’article 131-quater du CGI. Afin de clarifier le champ d’application de ce prélèvement obligatoire sur les intérêts et produits assimilés de source française perçus par des non-résidents, les dispositions prévues à l’article 131-quater sont abrogées et celles de l’article 125-A-III redéfinies en conséquence. Ce champ d’application est circonscrit aux seuls produits de placement à revenu fixe qui sont payés dans un Etat ou territoire non coopératif soit directement au bénéficiaire, soit à un établissement financier intermédiaire, quelle que soit la résidence fiscale du bénéficiaire des revenus, y compris si celle-ci est établie en France. Les résidents français qui percevront leurs intérêts via des Etats ou territoires non coopératifs seront donc désormais imposés au taux de 50%.

� S’agissant des produits des contrats de capitalisation et d’assurance-vie souscrits par des non-résidents, leur imposition au prélèvement obligatoire est maintenue mais dans une disposition spécifique prévue à l’article 125-0A du CGI. Ce prélèvement sera mis en oeuvre avec un taux majoré lorsque les versements seront effectués dans un Etat ou territoire non coopératif.

� La déduction de certaines sommes payées à un résident d’un Etat ou territoire non coopératif est presque toujours interdite. Les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances, dépôts et cautionnements, les redevances de cession ou concession de licences d’exploitation, de brevets d’invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat ou territoire non coopératif et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne seront pas admis comme charges déductibles pour l’établissement de l’impôt, sauf si le débiteur apporte la preuve mentionnée au premier alinéa et démontre que les opérations auxquelles correspondent les dépenses ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de ces dépenses dans un Etat ou territoire non coopératif.

Ces dispositions sont très faciles à contourner puisqu’elles font référence au lieu du paiement : il suffit de payer ailleurs que dans un ETNC même si le destinataire final du paiement est dans un ETNC. L’administration précisera sans délai (1) l’application qu’elle entend faire de ces dispositions puis elle publiera une liste des conventions signées par la France (2). Comme le rappelle la doctrine (3) : « L’article 238 A du CGI a été substantiellement

remanié. Dans sa rédaction antérieure au changement de loi, il soumet la déduction de certains paiements, notamment d'intérêts et de produits similaires, à un régime de preuve renforcée (rapporter la preuve de la réalité de la transaction correspondante et de son caractère équilibré) lorsque leur récipiendaire est une personne établie ou domiciliée hors de France bénéficiant d'un régime fiscal privilégié. Sans revenir sur ces règles, le législateur les a complétées en refusant, au troisième alinéa de l'article, la déduction des intérêts et autres paiements payés ou dus à une personne domiciliée

(1) Rescrit n°2010/11 (FP et FE) du 22 février 2010, DF 8-9/10 actu. n°48 (2) BOI 14 A-1-10 du 27 avril 2010, DF 19/10-II-14292 (3) Chapellier et Perrot « Paiements d'intérêts et de dividendes vers les Etats et territoires

non coopératifs : la nouvelle donne pour les émetteurs et les emprunteurs français » BF 5/10 étude p.423 et ss

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ou établie dans un ETNC, ou versés sur un compte tenu dans un organisme financier établi dans un ETNC (Article 238-A, quatrième alinéa). Le champ de cette règle est plus large que celle de la retenue à la source de l'article 125 A, III, puisqu'il repose sur un critère alternatif : un premier critère, tiré du lieu de domiciliation ou d’établissement, et un second critère, tiré du lieu de versement des sommes en cause. »

La loi (1) ajoute aussi au dispositif anti-abus prévu à l’article 209-B, qui permet d’imposer en France les revenus réalisés à l’étranger par des entités juridiques contrôlés par des entreprises françaises, est durci lorsque lesdites entreprises étrangères sont implantées dans des Etats ou territoires non coopératifs. Désormais, les entreprises françaises contrôlant des entités juridiques situées dans un Etat ou territoire non coopératif, qui voudront bénéficier des dispositions prévues à l’article 209-B permettant aux entités dont les revenus financiers et intra-groupe restent en deçà d’un certain seuil, d’échapper à l’imposition, devront démontrer qu’elles respectent ces seuils. La charge de la preuve se trouve donc désormais renversée. S’agissant des personnes physiques, le dispositif anti-abus prévu à l’article 123-bis, permettant de taxer les revenus financiers réalisés au travers d’entreprises off-shore, est sécurisé au regard de la jurisprudence communautaire récente et renforcé afin d’introduire une présomption de détention minimale de 10% déclenchant l’application du dispositif lorsque la personne physique détient des intérêts dans une entité juridique située à l’étranger. Le même texte (2) prévoit aussi de refuser le bénéfice du régime mères-filles à raison de distributions faites par des entités situées dans des Etats ou territoires non coopératifs. Le régime actuel des sociétés mères et filiales s’applique sans distinction à toutes les filiales, quel que soit leur lieu d’implantation. L’application de ce régime serait désormais écartée en présence de dividendes provenant d’une filiale établie dans un Etat ou territoire non coopératif. S’agissant des prix de transfert des entreprises, l’article 14 du projet de loi de finances rectificative pour 2009 précise le régime des prix de transfert très restrictif avec les « Etats non coopératifs », l’article 14 du projet de loi de finances rectificative en précise un régime très restrictif avec les « Etats non coopératifs ». La recherche d’une plus grande transparence des transactions impliquant des groupes internationaux conduit à une obligation documentaire générale, introduite dans la loi couvrant les transactions réalisées par des personnes morales françaises avec des entreprises situées à l’étranger. La documentation à produire, définie par décret en Conseil d’Etat, sera exigée de toute personne morale établie en France dès lors qu’elle-même ou une entité juridique la détenant ou détenue par elle, établie en France ou à l’étranger, dépasse un seuil de 400.000.000 € de chiffre d’affaires ou de total du bilan. L’absence de production de cette documentation devrait sanctionnée comme en matière de prix de transfert par une rectification du prix des produits imposables déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement. Une obligation spécifique est en outre introduite concernant les transactions de toute nature réalisées avec des entités situées dans un Etat ou territoire non coopératif : les entités

(1) Loi n°2009-1674 du 30 décembre 2009 art.14, JORF 31/12/09 p.22940, DF 5/10 n°118 (2) Loi n°2009-1674 du 30 décembre 2009 art.14, JORF 31/12/09 p.22940, DF 5/10 n°118

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françaises devront être en mesure, sous peine de sanction, de produire l’ensemble des documents exigés des sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés. Elargissant le champ des dispositions de l’article L.511-45 du CMF (1), ces entreprises devront publier en annexe à leurs comptes annuels des informations sur leurs implantations et leurs activités dans les Etats ou territoires qui n’ont pas conclu avec la France de convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires. Si le droit de communication est un bon moyen pour un Etat de se procurer les références des comptes bancaires ouverts à l’étranger au nom de ses résidents, il en est un autre qui a beaucoup fait parler : le vol. Les Etats en général et la France en particulier n’hésitent pas à soudoyer des employés de banques étrangères pour obtenir des listes de contribuables qui ont ouvert des comptes au-delà des frontières. L’histoire montre que ces pratiques, relevant du terrorisme d’Etat, n’aboutissent pas toujours à des résultats exploitables (2). Cette impressionnante panoplie conduit à s’interroger sur la notion d’ETNC. La doctrine (3) rappelle ainsi :

« Original, le concept d'ETNC n'est pourtant pas sans écho dans le Code général des impôts (CGI). La législation fiscale française connaît déjà la notion « d'Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu » (article 158-3-2° du CGI), celle « d'Etat ou territoire ayant conclu une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale » (articles 150-0-B, 158-3-2° du CGI), ou celle d'Etat étranger ou territoire situé hors de France dans le cadre duquel une entité est soumise « à un régime fiscal privilégié » (article 123-bis, 209-B, 228-A du CGI). Dans les faits, les ETNC seront sans doute fréquemment des Etats et territoires sans convention fiscale avec la France (Bien qu'il existe actuellement un contre-exemple, avec les Philippines, liées à la France par une convention fiscale en date du 9 janvier 1976), pratiquant une fiscalité répondant aux conditions posées par la législation française pour être qualifiée de « privilégiée », sans d'ailleurs que la réciproque soit vraie (Jersey ou Guernesey, par exemple, qui n'ont pas conclu de convention fiscale avec la France et dont le régime fiscal est fréquemment susceptible d'être « privilégié » au sens de l'article 238-A, ne figurent pas sur la liste des Etats et territoires non coopératifs au 1er janvier 2010). Ces différents concepts se recoupent donc sans se recouvrir et ne servent pas le même objectif ; ils ont donc vocation à être appliqués alternativement, suivant les situations et les enjeux. »

(1) Loi n°2009-715 du 18 juin 2009, art. 7, JORF 19/06/09 p.9971 (2) Pannier « La chasse aux comptes bancaires étrangers » D. 2/10 entretien p.136 (3) Chapellier et Perrot « Paiements d'intérêts et de dividendes vers les Etats et territoires

non coopératifs : la nouvelle donne pour les émetteurs et les emprunteurs français » BF 5/10 étude p.423 et ss

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26/ La lutte contre le terrorisme

Il est difficile de clore ces développements sans dire quelques mots de la « Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication » (SWIFT), société coopérative de droit belge, basée à La Hulpe près de Bruxelles, détenue et contrôlée par ses adhérents parmi lesquels les plus grosses banques mondiales. Fondée en 1973, elle a ouvert un réseau opérationnel de même nom en 1977 pour gérer l’enregistrement du code d’identification des banques (BIC), le terme « Code SWIFT » est parfois utilisé pour désigner le BIC. La société SWIFT a été crée afin de remplacer les flux papier par Télex, jugé trop lent et pas assez fiable, par des flux informatiques. Créée à l’origine avec un protocole BSC, elle gérait 239 banques réparties dans 15 pays. En 1991 elle migre vers le réseau Swift II en X.25. Depuis 2004, elle utilise un réseau sur IP, SWIFTNet. Elle fournit maintenant des services de messagerie standardisée de transfert interbancaire et des interfaces à plus de 7.800 institutions dans plus de 205 pays, pour un montant de transactions journalières total se chiffrant en trillions de dollars US. En 2006, son réseau d’adhérents comptait plus de 2.200 personnes morales. Ses principaux clients sont des banques, des sociétés de courtage, des organisations de compensation et des bourses d’échanges partout dans le monde. SWIFT transmet plus de 11 millions de transactions chaque jour. Le réseau interbancaire SWIFT offre des services diversifiés : transferts de compte à compte, opérations sur devises ou sur titres, recouvrements, etc. La transmission des informations est chiffrée et les procédures d’authentification sont très strictes. La sécurité est assurée par des moyens cryptologiques. L'intérêt du réseau SWIFT est de faire obstacle à la répudiation des échanges : aucun tiers ne peut nier avoir effectué une transaction. SWIFT protège ses participants en réalisant l’équivalent d’un acte notarial sur l’ensemble des transactions effectuées et ce, quel que soit son montant. Si une banque a payé une autre banque (par exemple lors des mécanismes de compensation), la banque payeuse exige la garantie du reçu de ce paiement. SWIFT garantit l’intégrité et l’archivage de tous les reçus, qui sont décryptés au sein des serveurs d’archivage de SWIFT. Les ordres SWIFT sont normalisés afin d’automatiser au maximum leur traitement, et ainsi les exécuter dans les meilleurs délais. Les données classiques d’un virement bancaire : coordonnées bancaires de l’émetteur et du récepteur, un libellé de motif et des zones de service (commission, type de message, etc.), sont rigoureusement codifiées. Par exemple, les banques y sont identifiées par leur code BIC. La Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication gère l’enregistrement de ces codes. Pour cette raison, le code d’identification des banques (BIC) est aussi souvent appelé code SWIFT. En juin 2006, les États-Unis confirment qu’ils ont recours à SWIFT pour surveiller les transactions financières internationales des personnes soupçonnées de terrorisme. Pendant des années, la SWIFT communique à la CIA et au Département du Trésor des États-Unis des millions de transactions bancaires. Ces transactions sont déjà contrôlées par les banques elles-mêmes, astreintes par les lois européennes à des vérifications strictes de chaque opération internationale dans le cadre de la lutte contre le blanchiment. Le 28 septembre 2006, la commission belge de protection de la vie privée estime que SWIFT s’était mise en défaut par rapport à la loi belge en coopérant à l’insu de ses clients

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avec les autorités américaines dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, mais n’exige cependant pas l’arrêt de cette collaboration. Le 30 octobre 2006, en France, la CNIL condamne à son tour cette infraction aux règlements européens et annonce que « les institutions européennes concluent à la probable irrégularité de la surveillance du réseau par les autorités américaines au regard des règles européennes de protection des données personnelles. La CNIL participe à ces travaux au sein du G29, qui rendra son avis en novembre 2006 ». En août 2007, l’administration américaine confirme qu’elle prévoit de faire appel au secret d’État pour mettre fin à la procédure judiciaire, car elle exposerait différents secrets du programme américain de lutte contre le terrorisme. Après deux ans d’enquête, en décembre 2008, la Commission belge de la protection de la vie privée déclare que SWIFT a respecté la loi sur la vie privée et décide de clore les procédures ouvertes à l’encontre de la société. En 2009 un accord intérimaire est négocié, signé par le Conseil, publié au JOUE le 13 janvier 2010 et entré en vigueur le 1er février 2010. Saisi du dossier pour consentement le 25 janvier 2010, le Parlement européen, sur avis de la Commission des libertés civiles, a rejeté le texte le 11 février. La principale critique de cet accord portait sur sa nécessite puisque, depuis 2010, un nouveau dispositif sur l’entraide judiciaire entre l’Europe et les Etats-Unis est entré en vigueur. Une autre critique concernait l’absence de contrôle judiciaire et de limite de temps aux demandes de transfert de données. Enfin, les droits d’accès, de rectification,, de compensation et de recours juridiques n’étaient pas suffisamment définis.

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Parag.3/ Le droit de communication auprès des sociétés d’assurance

L’administration fiscale dispose d’un large droit de communication auprès des compagnies d’assurance. L’article 1649-ter-G du CGI précise en effet, pour la période postérieure au 1er janvier 2002 (1), que :

« Les sociétés, compagnies d'assurances et tous autres assureurs français ou étrangers ou leurs représentants en France sont tenus d'établir annuellement et de fournir à la direction des services fiscaux du lieu de leur principal établissement un relevé comportant les nom, prénoms et adresses des personnes ayant assuré des bijoux, pierreries, objets d'art, de collection ou d'antiquité pour un montant supérieur à 15.000 € ».

L’article 26-IX de la loi n°88-1149 du 23 décembre 1988 ajoutant même que ces organismes devaient fournir, en outre, avant le 15 juin 1989, un relevé des contrats souscrits en 1986, 1987 et 1988. Ce droit permet entre autre à l’administration d’obtenir communication, sur le fondement de l’article 306-0-F du CGI, des sommes rentes ou valeurs quelconques dues sur des bons anonymes, l’assiette du prélèvement, le montant de l’abattement pratiqué et le montant du prélèvement acquitté au titre des sommes rentes ou valeur dues à chaque bénéficiaire. En application de l’article L.89 du LPF l’administration fiscale a aussi accès à toutes les polices d’assurances. Les assureurs doivent lui déclarer les contrats d’assurance vie dans les 48 jours du décès de l’assuré. Les compagnies d’assurances, les courtiers et les agents généraux ont l’obligation de présenter les livres qu’ils tiennent en application de la législation relative au contrôle et à la surveillance des assurances, les polices ou copies de police ainsi que le répertoire relatif aux opérations d’assurance avec des assureurs étrangers. Les dispositions du Code monétaire et financier relatives à la « déclaration de sommes ou d’opérations soupçonnées d’être d’origine illicite » codifiées aux articles L.562-1 à L.563-6 sont applicables aux compagnies d’assurance en application du 3 de l’article L.562-1 du CMF. Un arrêté du 1er octobre 2002 modifie l’article A-310-5 du Code des assurances en supprimant, à l’alinéa 2, le seuil de montant de prime de 8.000 € par an en deçà duquel la vérification n’était pas exigée et en étendant cette obligation de contrôle des sociétés d’assurance aux courtiers et aux contrats d’assurance-vie et de capitalisation dès le premier euro. L'article 17-E de l'annexe IV au Code général des impôts, issu de l'arrêté pris en application du 3ème de l’article 199-septies du CGI, prévoit que les assureurs auprès desquels ont été souscrits des contrats dont les primes peuvent ouvrir droit à la réduction d'impôt sont tenus de délivrer chaque année aux souscripteurs de ces contrats un certificat

(1) Ord. n°2000-916 du 19 septembre 2000, art.6 et 19, JORF 22/09/00 p.14877

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comportant les indications qu'il précise, et que les intéressés pourront joindre, à titre de justificatif, à la déclaration de leurs revenus. Pour la jurisprudence (1) « l'institution de ce procédé ne saurait avoir pour effet de priver

ces contribuables du droit à la réduction d'impôt du seul fait que leur assureur s'est abstenu de leur délivrer ce certificat ».

L’article 1766 prévoit que les personnes physiques qui ne respectent pas l’obligation de déclarer les contrats d'assurance-vie souscrits à l’étranger sont passibles d'une amende égale à 25% des versements effectués au titre des contrats non déclarés. Lorsque le contribuable apporte la preuve que le Trésor n’a subi aucun préjudice, le taux de l'amende est ramené à 5% et son montant plafonné à 750 € puis à 1.500 € (2).

(1) CE 2 juillet 2003 n°244960, Médard, RJF 03 n°1076 (2) Loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008 art.52, JORF 31/12/08 p.20518, DF 5/09 n°141

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Parag.4/ Le droit de communication auprès des organismes sociaux

En contrepartie de l’article L.161 du LPF qui lève le secret professionnel de l’administration fiscale au profit des organismes sociaux, le droit de communication dont dispose l’administration auprès des organismes sociaux est de nature à porter gravement atteinte au respect d’un minimum de confidentialité sur des problèmes où l’intrusion de l’administration est particulièrement sensible. Depuis longtemps, la vérification d’un médecin comporte un rapprochement des recettes déclarées avec le relevé de la sécurité sociale (SNIR). Le droit de communication accordé à l’administration fiscale se situe à des niveaux différents de l’action des organismes sociaux en cause, l’administration fiscale peut en effet être informée des irrégularités ou des fraudes dont les organismes sociaux pouvaient être victimes, son droit de communication peut aussi lui permettre d’utiliser les mêmes identifiant informatiques que les organismes sociaux pour accéder en toute liberté aux fichiers de ces organismes. Entre les deux extrêmes du droit de communication reconnu à l’administration fiscale le législateur a hésité à choisir.

41/ Les fichiers informatiques des organismes sociaux La meilleure garantie du secret médical réside dans l’absence de fichier regroupant toutes les données médicales d’un malade qu’il soit ou non contribuable. Par la loi relative à l’assurance maladie () le législateur a choisi de créer un dossier médical contenant des données à caractère personnel. Le Conseil Constitutionnel () a validé les articles L.161-36-1 à L.161-36-4 du Code de la sécurité sociale en relevant

« […] en premier lieu qu’aux termes du nouvel article L.161-36-1 du Code de la sécurité sociale, le dossier médical personnel est institué “afin de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins, gages d’un bon niveau de santé” et qu’il comportera notamment “des informations qui permettent le suivi des actes et prestations de soins” ainsi qu’un “volet spécialement destiné à la prévention” ; que pour atteindre cet objectif, le nouvel article L.161-36-2 du prévoit que chaque professionnel de santé inscrira au dossier “les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge” Considérant en second lieu que le dossier médical personnel sera élaboré “dans le respect du secret médical” ; qu’il résulte du renvoi à l’article 1118-8 du Code de la santé publique que l’hébergement des données et la possibilité d’y accéder seront subordonnés au consentement de la personne concernée ; que le traitement des données sera soumis au respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 susvisé ; que l’hébergement devra faire l’objet d’un agrément ; que l’accès au dossier par un professionnel de santé sera soumis à l’observation des règles déontologiques ainsi que des dispositions des articles L.1110-4 et L.1111-2 du Code de la santé publique qui imposent notamment le respect de la vie privée et du secret des informations concernant le patient ; que l’accès au dossier médical en dehors des cas prévus par la loi sera puni des peines prévues à l’article 226-13 du Code pénal ; que ces sanctions s’appliqueront sans préjudice des dispositions du Code pénal

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relatives aux “atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers et des traitements informatiques” ; Considérant qu’eu égard aux finalités des dispositions contestées qui sont, d’une part d’améliorer la qualité des soins, d’autre part, de réduire le déséquilibre financier de l’assurance maladie et compte tenu de l’ensemble des garanties qui viennent d’être rappelées, le législateur a opéré, entre les exigences constitutionnelles en cause, une conciliation qui n’apparaît pas manifestement déséquilibrée ; que, dès lors, les griefs invoqués doivent être rejetés. »

L’expérience montre que les précautions prises par le législateur et rappelées par le Conseil constitutionnel ne sont que d’une efficacité relative. Ainsi par exemple n’est il pas rare que le vérificateur fiscal dispose des copies de toutes les ordonnances servies par un pharmacien dès lors que la CRAM le soupçonne par exemple d’ajouter des prescriptions sur les dites ordonnances. On ne voit pas ce qui, dans le dispositif actuel, ferait obstacle à de telles pratiques dès lors que l’administration fiscale, donc l’Etat, n’est pas pénalement responsable.

42/ La communication des fraudes Jusqu’à la loi de finances pour 1999 (1) l’article L.99 du LPF disposait que " les

organismes ou caisses de Sécurité sociale ainsi que les caisses de mutualité sociale agricole doivent communiquer à l’administration des impôts les infractions qu’ils relèvent en ce qui concerne l’application des lois et règlements relatifs aux impôts et taxes en vigueur".

La connaissance de ces infractions permettant à l’administration fiscale d’engager un contrôle fiscal et de lutter contre la fraude. L’article 106 de la loi de finances pour 1999 (2), modifiera l’article L.99 du LPF pour organiser entre les administrations fiscales et les organismes sociaux un dispositif de communication mutuelle des faits susceptibles de constituer des infractions fiscales et sociales qu’ils relèvent:

Art.106. – L’article L.99 du Livre des procédures fiscales est ainsi rédigé: « Art. L.99. - Les organismes ou caisses de Sécurité sociale ainsi que les caisses de mutualité sociale agricole communiquent à l’administration des impôts les faits susceptibles de constituer des infractions qu’ils relèvent en ce qui concerne l’application des lois et règlements relatifs, d’une part, aux impôts et taxes en vigueur et d’autre part, aux cotisations et contributions sociales. « L’administration des impôts communique aux organismes et caisses de Sécurité sociale ainsi qu’aux caisses de mutualité sociale agricole les faits susceptibles de constituer des infractions qu’elle relève en ce qui concerne l’application des lois et règlements relatifs aux cotisations et contributions sociales.»

Il résulte donc de l’article L.99 modifié que:

(1) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.105, JORF 31/12/98 p.20050, DF 1/99 n°1

p.102 et 122 (2) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.105, JORF 31/12/98 p.20050, DF 1/99 n°1

p.102 et 122

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- les organismes ou caisses de Sécurité sociale ainsi que les caisses de mutualité sociale agricole communiquent à l’administration des impôts les faits susceptibles de constituer des infractions qu’ils relèvent en ce qui concerne l’application des lois et règlements relatifs, d’une part, aux impôts et taxes en vigueur et, d’autre part, aux cotisations et contributions sociales;

- l’administration des impôts communique aux organismes et caisses de Sécurité sociale ainsi qu’aux caisses de mutualité sociale agricole les faits susceptibles de constituer des infractions qu’elle relève en ce qui concerne l’application des lois et règlements relatifs aux cotisations et contributions sociales.

Quelques années plus tard (1) le législateur ajoutera au Code de la construction et de l’habitation un article L.451-3 prévoyant que :

« L'administration chargée du contrôle prévu à l'article L. 451-1 peut communiquer à l'administration fiscale, spontanément ou sur sa demande, sans que puisse être opposée l'obligation au secret professionnel, tous les renseignements et documents recueillis dans le cadre de sa mission. »

En application de l'article L.451-1 du CCH, les organismes d'HLM et tous les organismes, quel qu'en soit le statut, exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux sont soumis au contrôle de l'administration, dès lors que ces logements ont fait l'objet d'une subvention, d'un prêt aidé, réglementé ou conventionné ou encore d'un avantage fiscal lié à leur caractère de logement social. Ce contrôle est exercé par la Mission interministérielle d'inspection du logement social (Miilos). En tant qu'administration, la Miilos est soumise au droit de communication prévu par l'article L.83 du LPF. Ce droit de communication s'exerce sur demande des services fiscaux. Le II de l’article 98 de la loi de finances rectificative pour 2005 complète ce dispositif en instituant une possibilité de transmission spontanée d'informations. L’article L 451-3 qu’il insère, dans le CCH, permet à la Miilos de communiquer à l'administration fiscale, spontanément ou sur sa demande, sans que puisse être opposée l'obligation au secret professionnel, tous les renseignements et documents recueillis dans le cadre de sa mission.

43/ L’utilisation d’identifiants communs L’INSEE a créé et gère un numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques utilisé par les organismes de sécurité sociale. Ce numéro est connu sous le nom de numéro de Sécurité sociale. L’administration des impôts et les autres administrations financières n’avaient pu utiliser de numéro, elles avaient donc créé leur propre système d’identifiants. Cette multiplication d’identifiant constituait un obstacle à l’interconnexion des fichiers et à l’échange de renseignements. Sans aller jusqu’à autoriser formellement l’interconnexion des fichiers, la loi de finances pour 1999 (2) étend le droit de

(1) Loi n°2005-1720 du 30 décembre 2005 art. 98-II, DF 7/06 n°179 (2) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.105, JORF 31/12/98 p.20050, DF 1/99 n°1

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communication de l’administration fiscale au numéro de Sécurité sociale et crée la possibilité de telles interconnexions. En effet, afin de permettre l’échange d’information entre les fichiers sociaux et fiscaux, l’article 107 de la loi de finances pour 1999 (1) autorise les administrations fiscales à utiliser les numéros d’inscription au Répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR), c’est-à-dire les numéros dits “de Sécurité sociale". Ce dispositif crée les articles L.287, L.288 et L.81-A du LPF, crée l’article 1753-bis-B du CGI et modifie l’article L.152 du LPF. Le Conseil constitutionnel, a déclaré l’article 107 de la loi de finances, conforme à la Constitution au prix de certaines réserves d’interprétation. La portée de l’article 107 devra rester restreinte. Aucun nouveau transfert de données nominatives ne devra être effectué entre Administrations. Le but poursuivi devra se limiter à éviter des erreurs d’identité. Le Conseil a par ailleurs pris acte des précautions dont le législateur s’est entouré (V. infra) pour que l’application des nouvelles dispositions ne soit préjudiciable ni aux libertés, ni au respect de la vie privée (2). Un décret et un décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés fixera les modalités d’application du dispositif. Un premier décret (3), donnera naissance à trois articles du LPF, les articles R*81-A, R*152 et R*287. Un second décret en Conseil d’Etat (4) pris après avis de Commission nationale de l’informatique et des libertés précise les conditions d’intervention de la CNIL pour l’application de l’article L.288 du LPF et donne naissance aux article R*288-1, R*288-2 et R*288-3 du LPF. Le dispositif 1999-2000 se présente donc comme suit : Le III de l’article 107 de la loi de finances pour 1999 (5) introduit au LPF un article L.81-A rédigé comme suit :

«Lorsqu’elles concernent des personnes physiques, les informations nominatives communiquées, sur tout type de support, à la direction générale des impôts, à la direction générale de la comptabilité publique ou à la direction générale des douanes et droits indirects par les personnes ou organismes visés au présent chapitre qui sont autorisés à utiliser le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques mentionnent ce numéro."

Lorsqu’elles concernent des personnes physiques, les informations nominatives communiquées doivent donc mentionner le NIR. Dès lors on doit s’interroger sur les moyens que les administrations concernées pourront mettre en œuvre pour se procurer ce numéro. L’article 1er du décret du 14 décembre 1999 (1) complétera ce texte par un article R*81-A du LPF :

(1) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.111, JORF 31/12/98 p.20050, DF 1/99 n°1

p.102 et 122 (2) CC 29 décembre 1998 n°98-405: JORF 31/12/98 p.20138 (3) Décret n°99-1047 du 14 décembre 1999, D. 1/00-leg.-p.9, DF 1-2/00 n°7 (4) Décret n°2000-8 du 4 janvier 2000, JORF 07/01/00 p.294 (5) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.105, DF 1/99 n°1 p.102 et 122

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« I.- N’entrent dans le champ d’application de l’obligation édictée par l’article L.81-A que : a) les employeurs ; b) les organismes et services chargés de la gestion d’un régime obligatoire de Sécurité sociale ; c) les institutions mentionnées au chapitre 1er du titre II du livre IX du Code de la Sécurité sociale ; d) les institutions gestionnaires du régime d’assurance prévu à l’article L.251-1 du Code du travail. « II.- Une personne ou organisme mentionné au I ne peut porter à la connaissance de la Direction générale des impôts, de la Direction générale de la comptabilité publique ou de la Direction générale des douanes et des droits indirects un numéro d’inscription au Répertoire national d’identification des personnes physiques, sur le fondement de l’article L.81-A, qu’en complément des éléments d’identification d’une personne physique au sujet de laquelle une disposition législative expresse du présent livre ou du Code général des impôts l’oblige à fournir sur support papier ou électronique des informations nominatives. »

Le IV de l’article 107 de la loi de finances pour 1999 (2) modifie l’article L.152 du LPF en remplaçant le premier alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés:

«Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes et services chargés de la gestion d'un régime obligatoire de Sécurité sociale et aux institutions mentionnées au chapitre 1er du titre II du livre IX du Code de la Sécurité sociale les informations nominatives nécessaires: « 1° À l’appréciation des conditions d'ouverture et de maintien des droits aux prestations; « 2° Au calcul des prestations; « 3° À l’appréciation des conditions d’assujettissement aux cotisations et contributions; « 4° À la détermination de l’assiette et du montant des cotisations et contributions ainsi qu’à leur recouvrement. »; 2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé: « Le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques est utilisé pour les demandes, échanges et traitements nécessaires à la communication des informations mentionnées au premier alinéa, lorsqu’elles concernent des personnes physiques. »; 3° Au deuxième alinéa, le mot: « Ils » est remplacé par les mots: « Les agents des administrations fiscales ».

Ce texte doit être rapproché du VII de l’article 107 de la loi de finances pour 1999 (3) supprime quelques articles du LPF :

« Les articles L.154 à L.157, L.159, L.160 et L.162 du Livre des procédures fiscales sont abrogés.»

(1) Décret n°99-1047 du 14 décembre 1999, D. 1/00-leg.-p.9, DF 1-2/00 n°7 (2) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.105, JORF 31/12/98 p.20050, DF 1/99 n°1

p.102 et 122 (3) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.105, JORF 31/12/98 p.20050, DF 1/99 n°1

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Ces textes faisaient obligation à l’administration fiscale de communiquer au service gérant l’allocation vieillesse (L.154), l’assurance maladie (L.157), le RMI (L.159), l’allocation logement et l’aide personnalisée au logement (L.160), l’allocation veuvage (L.162), les renseignements nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Les cinq premiers alinéas de l’article L.152 du LPF précisent donc les obligations de l’administration fiscale à l’égard des organismes et services chargés de la gestion d’un régime obligatoire de Sécurité sociale et de diverses institutions mentionnées au Code de la Sécurité sociale. Le NIR est utilisé pour les demandes, échanges et traitements nécessaires à la communication des informations mentionnées ci-dessus, lorsqu’elles concernent des personnes physiques. L’article 2 du décret du 14 décembre 1999 (1) complétera ce texte par un article R*152 du LPF :

« I. - Les informations nominatives dont, en vertu de l'article L. 152, un organisme ou service chargé de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale ou une institution mentionnée au chapitre Ier du titre II du livre IX du code de la sécurité sociale peut, sur sa demande, obtenir communication de la direction générale des impôts, de la direction générale de la comptabilité publique ou de la direction générale des douanes et droits indirects sont limitées à ceux des éléments de la situation fiscale des personnes concernées qui sont strictement nécessaires à l'accomplissement par l'organisme demandeur de sa mission légale. Ces informations sont couvertes par le secret professionnel auquel les agents de cet organisme sont légalement astreints. Elles ne doivent être conservées par cet organisme que tant qu'il n'a pas été statué définitivement sur les droits ou obligations en vue de la détermination desquels elles ont été demandées. II. - La demande d'informations nominatives, qui peut concerner une personne ou une liste de personnes, doit remplir les conditions ci-après : 1. Elle est formulée sur support papier ou électronique et comporte des garanties suffisantes d'identification d'un auteur habilité par l'organisme pour le compte duquel elle est présentée. 2. Pour une personne physique, la demande comporte tout ou partie des indications suivantes : a) Le nom patronymique et les prénoms ; b) Le sexe ; c) La date et le lieu de naissance ; d) L'adresse. Elle comporte en outre le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques lorsque l'organisme demandeur en a connaissance. 3. Pour une personne morale, la demande comporte les indications suivantes : a) Le numéro d'identification au répertoire national des entreprises b) Le département d'exercice de l'activité.

(1) Décret n°99-1047 du 14 décembre 1999, D. 1/00-leg.-p.9, DF 1-2/00 n°7

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III. - Il n'est donné suite à une demande qu'en cas de concordance suffisante des éléments d'identification de la personne concernée contenus dans la demande avec ceux détenus par l'administration à laquelle elle est adressée. »

Le législateur (1) introduit au LPF un article L.287 rédigé comme suit :

«La direction générale des impôts, la direction générale de la comptabilité publique et la direction générale des douanes et droits indirects collectent, conservent et échangent entre elles les numéros d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques pour les utiliser exclusivement dans les traitements des données relatives à l’assiette, au contrôle et au recouvrement de tous impôts, droits, taxes, redevances ou amendes. « L’obligation du secret professionnel prévue à l’article L.103 s’étend à toutes les informations recueillies à l’occasion des opérations de collecte, de conservation et d’échange mentionnées au premier alinéa. Ces opérations doivent être réalisées aux seules fins de l’accomplissement des missions mentionnées au premier alinéa.»

La Direction générale des impôts, la Direction générale de la comptabilité publique et la Direction générale des douanes et droits indirects collectent, conservent et échangent entre elles les numéros d’inscription au Répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR) pour les utiliser exclusivement dans les traitements des données relatives à l’assiette, au contrôle et au recouvrement de tous impôts, droits, taxes, redevances ou amendes (article L.287 nouveau, al. 1 du LPF). L’utilisation du NIR par ces trois directions est interdite pour les missions de nature autre que fiscale dont elles ont également la charge, mais les utilisations autorisées recouvrent toutes les missions fiscales. Cette limitation est sanctionnée par un texte (2) codifié à l’article 1753-bis-B du CGI rédigé comme suit :

« Tout contrevenant à l’obligation prévue au deuxième alinéa de l’article L.287 du Livre des procédures fiscales est puni des peines mentionnées à l’article 226-21 du Code pénal.» soit cinq ans d’emprisonnement et 2.000.000 F d’amende au plus.

Par décret (3) ce texte sera complété par un article R*287 du LPF :

« I. - Les numéros d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques portés à la connaissance de la direction générale des impôts, de la direction générale de la comptabilité publique et de la direction générale des douanes et droits indirects par application des articles R.* 81-A et R.* 152, ainsi que ceux collectés par ces dernières en application du II ci-après sont utilisés exclusivement : 1. Pour vérifier la fiabilité des éléments d'identification des personnes physiques figurant dans les traitements de données relatives à l'assiette, au contrôle et au recouvrement de tous impôts, droits, taxes, redevances ou amendes ; 2. Pour l’exercice du droit de communication auprès des personnes énumérées à l’article R*81-A. II. - La direction générale des impôts, la direction générale de la comptabilité publique et la direction générale des douanes et droits indirects collectent les

(1) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.107, JORF 31/12/98 p.20050, DF 1/99 n°1

p.102 et 122 (2) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.107-V, JORF 31/12/98 p.20050, DF 1/99 n°1

p.102 et 122 (3) Décret n°99-1047 du 14 décembre 1999 art.3, D. 1/00-leg.-p.9, DF 1-2/00 n°7

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numéros d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques auprès de l'Institut national de la statistique et des études économiques, gestionnaire de ce répertoire. Toutefois, elles peuvent demander son numéro d'inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques à un contribuable ou redevable dans les trois cas suivants : 1. A l’occasion du paiement de la taxe d'habitation et des taxes foncières établies au titre des années 2000 et 2001 ; 2. A l’occasion de la première souscription d'une déclaration d'impôt sur le revenu ; 3. Par une demande spécifique motivée par l'insuffisance ou la contradiction des éléments d’identification de l'intéressé dont elles disposent. »

La loi (1) introduit au LPF un article L.288 rédigé comme suit :

« Lorsque la mise en œuvre du droit de communication prévu aux articles L.81-A et L.152 s’avère susceptible de porter une atteinte grave et immédiate aux droits et libertés visés à l’article 1er de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, la Commission nationale de l’informatique et des libertés instituée par l’article 6 de la même loi enjoint l’autorité administrative de prendre sans délai les mesures de sécurité pouvant aller jusqu’à la destruction des supports d’information qui ont été constitués à partir d’un numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques. « Sans préjudice des dispositions de l’article 40 du Code de procédure pénale, si cette injonction n’est pas suivie d’effet, la Commission nationale de l’informatique et des libertés saisit le président du Tribunal de grande instance de Paris, qui peut ordonner le cas échéant sous astreintes les mesures proposées par la commission. »

Et la CNIL rappellera (2) les conditions restrictives de la mise en œuvre de l’article 107 de la loi de finances pour 1999 (3) qui se borne “à permettre aux administrations financières concernées d’utiliser le NIR en vue d’éviter les erreurs d’identité et de vérifier les adresses des personnes” dans un cadre rigoureux exigeant : le respect du secret professionnel, la pleine application des dispositions protectrices de la liberté individuelle et de la vie

privée établies par la législation relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, l’interdiction d’utiliser le NIR pour la constitution de fichiers nominatifs sans rapport

direct avec les opérations incombant aux administrations financières et sociales ou pour la mise en œuvre de tout nouveau transfert d’informations nominatives entre administrations,

la faculté conférée à la CNIL d’intervenir “lorsque la mise en œuvre du droit de communication s’avère susceptible de porter une atteinte grave et immédiate aux droits et libertés visés à l’article 1er de la loi du 6 janvier 1978.

(1) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.107-II, JORF 31/12/98 p.20050, DF 1/99 n°1

p.102 et 122 (2) CNIL, Délibération n°99033 du 24 juin 1999, Communication et commerce

électronique 1/99 comm.20 (3) Loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 art.107, JORF 31/12/98 p.20050, DF 1/99 n°1

p.102 et 122

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Par décret (1) ce texte sera complété par trois articles R*288-1, R*288-2 et R*288-3 du LPF :

« Art. R*288-1. - Dans l’éventualité mentionnée au premier alinéa de l’article L.288, indépendamment de la mesure de destruction prévue audit article, la Commission nationale de l'informatique et des libertés peut enjoindre au directeur général concerné de prendre, sans délai, notamment l'une des mesures suivantes : a) Renforcement des mesures de sécurité physique et logique pour le traitement et la conservation des informations par les centres informatiques de la direction générale des impôts, de la direction générale de la comptabilité publique ou de la direction générale des douanes et droits indirects concernés ; b) Renforcement des conditions d'accès aux informations et de leur transmission dans le cadre de l'application des articles L. 81 A et L.152 ; c) Retrait provisoire ou définitif de tout ou partie des autorisations d'accès délivrées aux agents en charge de la gestion des traitements automatisés comportant le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques ; d) Retrait provisoire ou définitif de tout ou partie des habilitations délivrées aux agents autorisés à obtenir des centres informatiques où ils sont conservés les numéros d’inscription au même répertoire ; e) Suspension provisoire de l'utilisation du numéro d'inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques par la direction générale des impôts, la direction générale de la comptabilité publique ou la direction générale des douanes et droits indirects dans l'exercice des missions prévues aux articles L.81-A et L.152 ; f) Effacement complet d’un ou plusieurs numéros d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques contenus dans le ou les fichiers les comportant, dans leurs sauvegardes ou dans leurs copies ; g) Destruction dans un ou plusieurs des centres informatiques où ils sont conservés d’un ou plusieurs supports d’information constitués à partir des numéros d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques. »

« Art. R*288-2. - La Commission nationale de l’informatique et des libertés fait parvenir son injonction par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. L'injonction est adressée au directeur général de l'administration financière concernée, qui la transmet sans délai aux services visés par elle. Une copie de cette injonction est adressée au ministre chargé du budget. La Commission peut désigner un ou plusieurs de ses membres, accompagnés d'un ou plusieurs de ses agents ou d'experts, afin de vérifier sur place la mise en œuvre de son injonction. »

« Art. R*288-3. - Lorsque la Commission nationale de l'informatique et des libertés saisit le président du tribunal de grande instance de Paris en application du deuxième alinéa de l'article L. 288, elle présente sa demande dans les formes prévues pour les référés. Il peut être procédé selon les modalités prévues au second alinéa de l'article 485 du nouveau code de procédure civile. Le président du tribunal dispose pour statuer d'un délai de vingt-quatre heures.

(1) Décret n°2000-8 du 4 janvier 2000 art.4, JORF 07/01/00 p.294, DF 18-19/00 n°386

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La décision rendue en la forme des référés est exécutoire à titre provisoire, sauf si le président du tribunal en décide autrement. Le délai d'appel est de trois jours. Le président de la chambre saisie fixe à bref délai l'audience à laquelle l'affaire sera appelée. Au jour indiqué, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 à 762 du nouveau code de procédure civile. Dans le cas où un pourvoi en cassation a été formé, les articles 1009 à 1009-3 du nouveau code de procédure civile sont applicables. »

Les articles précédents du décret du 4 janvier 2000 (1) ne sont pas codifiés dans le LPF mais précisent quelques mesures de sécurité qu’il incombe à l’administration de mettre en œuvre.

« Article 1er.- Lorsqu’elles portent sur des traitements automatisés de la Direction générale des impôts, de la Direction générale de la Comptabilité publique ou de la Direction générale des douanes et des droits indirects qui utilisent les numéros d’identification au répertoire national d’identification des personnes physiques, les demandes d’avis adressées à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, en application des articles 15 et 19 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, indiquent notamment les mesures de sécurité prévues concernant : a) les centres informatiques où sont conservées les données ou mis en œuvre les traitements informatisés ; b) Les traitements eux-mêmes ; c) les agents en charge de la gestion de ces traitements, qui reçoivent une autorisation d’accès délivrée par le directeur général compétent. Les demandes mentionnées à l’alinéa précédent précisent les dispositifs permettant, notamment dans le cas prévu à l’article L.288 du Livres des procédures fiscales, un effacement des numéros d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques ainsi que la destruction des supports d’information constitués à partir d’un tel numéro. Ces dispositifs doivent pouvoir être mis en œuvre de manière immédiate, complète et contrôlable par la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Les agents chargés de mettre en œuvre ces dispositifs sont désignés par le directeur général compétent. Leurs noms et leurs fonctions sont communiqués à la Commission nationale de l’informatique et des libertés. « Art. 2.- Pour l’exercice du droit de communication prévu aux articles L.81 et suivants du Livre des procédures fiscales, seuls les agents ayant reçu du directeur compétent une habilitation les y autorisant, peuvent obtenir des centres d’informatiques mentionnés à l’article 1er le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques, aux fins de confirmation de l’identification de la personne physique concernée par l’exercice de ce droit. Cette confirmation obtenue, le service qui a exercé le droit de communication ne peut conserver trace de ce numéro sur quelque support que ce soit. Les demande d’avis adressées à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, en application des articles 15 et 19 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, précisent le nombre maximum d’agents susceptibles de recevoir l’habilitation prévue au premier alinéa dans chaque catégorie de services où se trouve mis en œuvre le

(1) Décret n°2000-8 du 4 janvier 2000 art.1 à 3, JORF 07/01/00 p294, DF 18-19/00 n°386

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droit de communication ainsi que les dispositifs permettant de limiter à ces agents l’accès à l’information mentionnée au même alinéa. » « Art. 3.- Le haut fonctionnaire de défense mentionné au décret du 3 avril 1980 susvisé et relevant du ministre chargé de l’économie, des finances et de l’industrie surveille l’exécution des mesures de sécurité prévues au présent décret, sans préjudice des pouvoirs conférés à la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »

L’article 5 du décret précise les conditions dans lesquelles la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut valablement délibérer sur les problèmes posés par l’article L.288 du LPF. Enfin, un arrêté modifie l’arrêté du 7 août 1985 relatif à la création d’un traitement informatisé pour la simplification des procédures d’imposition (1) tandis qu’un autre arrêté modifie celui du 28 avril 1987 autorisant la création du traitement “Simplification de la gestion des informations de recoupement (SIR)” (2).

44/ Le chèque emploi service L’article 6 de l’ordonnance relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l’harmonisation et l’aménagement du régime des pénalités (3) introduit un article L.98-B dans le LPF ainsi rédigé :

« A la section 2 du chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 98 B ainsi rédigé : « Art. L. 98 B. – L’organisme du régime général de sécurité sociale chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales dues par les particuliers employeurs qui utilisent les dispositifs prévus à l’article L. 129-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n°2005-841 du 26 juillet 2005, au 1° de l’article L. 129-5, à l’article L.812-1 du même code ainsi qu’à l’article L.531-5 du code de la sécurité sociale, communique à l’administration des impôts, avant le 1er mars de chaque année, les informations relatives aux personnes déclarées par ces employeurs au cours de l’année précédente. « La communication prévue au premier alinéa peut être faite par voie électronique. « Un décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés fixe le contenu et les modalités de cette communication, et notamment les conditions d’utilisation du numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques pour les échanges et traitements nécessaires à la communication des informations ainsi transmises à l’administration des impôts. »

(1) Arrêté du 4 janvier 2000, JORF 07/01/00, DF 18-19/00 n°386 (2) Arrêté du 4 janvier 2000, JORF 07/01/00, DF 18-19/00 n°386 (3) Ord. n°2005-1512 du 7 décembre 2005, JORF 08/12/05 p.18912, DF 52/05 n°857

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Parag.5/ Le droit de communication auprès des autorités judiciaires

Les relations entre l’administration des impôts et les autorités judiciaires sont caractérisées par un mouvement dans les deux sens : droit de communication au profit de l’administration des impôts, contribution des agents des impôts à la recherche de certaines infractions.

51/ Le droit de communication L’exercice de son droit de communication par l’administration des impôts pose au moins deux questions qui seront abordées ci-après : la détermination de l’étendue de ce droit de communication et les modalités de communication au contribuable des renseignements obtenus par l’administration dans le cadre de ce contrôle.

51-1/ L’étendue du droit de communication L’article 31 de la loi de 1920 a fait obligation à l’autorité judiciaire de faire connaître à l’administration fiscale toute indication révélée par une information ouverte et laissant présumer l’existence d’une fraude à l’impôt. Ce texte a reçu sa forme à peu près définitive par une modification issue de l’article 6 de la loi du 4 avril 1926 qui a eu un double objet : d’une part donner au ministère public la possibilité de communiquer les dossiers à l’administration fiscale à l’occasion de toute instance ; d’autre part, supprimer la référence faite dans le texte de 1920 aux seules informations ouvertes, afin d’étendre l’obligation instituée par l’article 31 à d’autres hypothèses telles que les instances civiles ou commerciales. A cette fin, le nouveau texte dispose que les pièces d’une procédure restent déposées au greffe, à la disposition de l’administration fiscale dans un délai qui varie de 10 à 15 jours selon la matière. Ces textes ont été codifiés successivement aux articles 1989 et 1990 du CGI puis L.82-C, L.101 et R* 101-1 du LPF qui instituent une triple obligation pour les autorités judiciaires: - L’autorité judiciaire doit porter spontanément à la connaissance de l’administration toute indication qu’elle peut recueillir, de nature à faire présumer soit une fraude fiscale, soit même une simple manœuvre ayant pour objet le résultat de la fraude. Ces indications doivent être fournies, qu’il s’agisse d’une instance civile ou commerciale, d’une information criminelle ou correctionnelle - même terminée par un non lieu -, c’est à dire le cas échéant, sans qu’une décision de justice ait été rendue. L’article 101 du LPF est ainsi rédigé:

"L’autorité judiciaire doit communiquer à l’administration des impôts toute indication qu’elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu’il s’agisse d’une instance civile ou commerciale ou d’une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non lieu."

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Pour la Cour de cassation (1) "La mise en œuvre de cette disposition relève de la seule appréciation de l’autorité judiciaire et l’administration peut prendre connaissance de tous les documents qui lui sont communiqués sans en aviser préalablement le contribuable" (2).

Le Conseil d’Etat précisera que « le ministère public qui fait partie de l'autorité judiciaire, ne commet pas d'erreur de droit en se fondant sur les dispositions de l'article L 101 du LPF pour communiquer à l'administration fiscale tout dossier, document ou renseignement établi ou recueilli à l'occasion d'une instance judiciaire, civile ou pénale, et de nature à servir le contrôle fiscal » (3).

Conséquence de ce texte, les victimes d’escroqueries préfèrent ne pas porter plainte lorsque les fonds engagés dans des opérations mirifiques proviennent d’opérations dissimulées au fisc. Il est alors préférable de ne pas attirer la curiosité de l’administration fiscale pour d’hypothétiques dommages et intérêts. La jurisprudence considère que ce texte permet la communication à l’administration fiscale, en cours d’instance, des conclusions du rapport d’une expertise ordonnée par le tribunal correctionnel (4) et "tous documents qu’elle détient et qui sont au nombre des “indications" (5). - La deuxième obligation faite à l’autorité judiciaire est posée par l’article R* 101-1 du LPF :

« Pendant les quinze jours qui suivent la date à laquelle est rendue une décision, de quelque nature qu’elle soit, par une juridiction civile, administrative, consulaire, prud’homale ou militaire, les pièces restent déposées au greffe où elles sont à la disposition de l’administration des impôts. Ce délai est réduit à dix jours en matière correctionnelle. »

le Conseil d’Etat a souvent confirmé l’obligation, pour l’autorité judiciaire chargée de donner suite à un procès-verbal dressé par les agents de la police judiciaire agissant dans le cadre des ordonnances du 30 juin 1945 relatives aux prix et à la répression des infractions économiques, d’informer l’administration fiscale des renseignements en sa possession concernant les faits relevés. - L’article L.82-C du LPF précise une troisième situation dans laquelle l’autorité judiciaire peut, et non plus doit, ouvrir ses dossiers à l’administration fiscale :

« A l’occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l’administration des impôts. »

Il ressort du texte même de cet article que la communication à l’administration fiscale peut intervenir sans attendre l’achèvement de la procédure (6). La Cour de cassation précisera que l’article 11 du Code de procédure pénale concernant le secret de l’instruction ne fait pas obstacle au droit de communication instauré par l’article L.82-C du LPF (1).

(1) Cass. crim. 12 décembre 1994 n°94-80328, RJF 95 n°516 (2) Rapport de la Cour de cassation 1994 p.422 (3) CE 10 décembre 1999 n°181977, Lescot, RJF 00 n°237 (4) CE 22 novembre 1978 n°6557, RJF 79 n°35 (5) CE 6 juillet 1994 n°120120, Thiry, RJF 94 n°1113 (6) CE 9 décembre 1981 n°25199, RJF 82 n°143

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Tandis que pour le juge administratif de l’impôt : « la faculté de communication dont dispose le ministère public en vertu de ces dispositions n'est soumise à aucune formalité particulière et peut intervenir spontanément et à tout moment » (2).

Face à cet arsenal, la première question a porté sur l’articulation de des trois textes. Les problèmes relatifs à l’articulation entre les articles L.101 et L.82-C ont été vite règles : « […] le ministère public qui fait partie de l’autorité judiciaire, ne commet pas d’erreur de droit en se fondant sur les dispositions de l’article 101 du LPF pour communiquer à l’administration fiscale tout dossier, document ou renseignement établi ou recueilli à l’occasion d’une instance judiciaire civile ou pénale et de nature à servir le contrôle fiscal » (3). Analysant le droit de communication dont l’administration dispose auprès des autorités judiciaires, le Conseil d’Etat rappellera qu’il peut s’exercer sur demande de l’administration ou à l’initiative de l’autorité judiciaire (4). Pour le commissaire du Gouvernement :

« […] loin d’être enfermé dans un formalisme étroit au nom d’une interprétation restrictive des textes, le droit de communication auprès de l’autorité judiciaire doit en réalité avoir une portée plus large que celui qui s’exerce auprès des administrations : les magistrats doivent fournir des indications, c’est à dire à la fois des documents et, le cas échéant, de simples renseignements ; et ils sont tenus de le faire, qu’ils en aient, ou non, été sollicités. Nous pensons qu’en pratique deux garanties suffisent en la matière : l’une découle simplement de ce qu’en vertu de la loi elle-même, la décision de fournir des éléments ne peut émaner que de magistrats; l’autre résulte de votre jurisprudence sur les droits de la défense qui fait obligation à l’administration de jouer, si l’on peut dire, cartes sur table en faisant part au contribuable de la teneur des éléments ainsi recueillis et en lui communiquant, s’il en fait la demande, les documents sur lesquels elle entend s’appuyer pour fonder le redressement. »

Reste cependant une interrogation. Un magistrat peut-il communiquer à l’administration fiscale et celle-ci peut-elle utiliser des éléments d’instruction qui ont été irrégulièrement rassemblés ? Le cas des écoutes téléphoniques qui « pour répondre aux exigences de l’article 8 alinéa 2 de la

Convention Européenne des droits de l’Homme en l’état actuel du droit positif, ne saurait être mis en œuvre que sur l’ordre et sous le contrôle du Juge d’instruction, pour une durée limitée, en vue d’établir la preuve d’un crime ou de toute infraction portant gravement atteinte à l’ordre public et d’en identifier les auteurs, étant en outre précisé que l’écoute doit être obtenue sans artifice ni stratagème et que sa transcription doit pouvoir être discutée par les parties concernées, le tout dans le respect des droits de la défense." (5)

(1) Cass. com. 29 novembre 1994 n°93-19567 et 93-19579 (n°2223-P), SA Sellf ea, RJF

95 n°356 (2) CAA Paris 8 décembre 2010 n°08PA01239, Sté Gérard Poulalion, RJF 11 n°618 (3) CE 10 décembre 1999 n°181977, Lescot, DF 16/00 n°333 (4) CE 3 décembre 1990 n°103101, SA Antipolia, RJF 91 n°200, DF 7/91 n°259 concl.

Arrighi de Casanova (5) Ch. accus. Limoges 11 juin 1991, G.P. 4-5.10/91 p.24

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Les chambres commerciales et criminelles de la Cour de cassation veillent à ce que les éléments de preuve « n’aient pas été obtenus par des procédés frauduleux » (1) tandis que le magistrat qui autorise une perquisition « ne peut se référer qu’aux documents produits

Par l’administration demanderesse détenus par celle-ci de manière apparemment licite » (2).

Dans la pratique la surveillance des modalités d’exécution de ce droit de communication sera considérablement compliquée par la jurisprudence qui considère « que l'exercice de ce

droit n'étant soumis à aucune forme particulière, l'administration fiscale n'est pas tenue de préciser au contribuable dans quelle condition le ministère public lui a communiqué les pièces d'un dossier judiciaire » (3).

51-2/ La communication au contribuable Les textes réglementant la communication des pièces du dossier pénal au contribuable lui-même ne sont pas d’un maniement aisé et ont sensiblement évolué au début des années 2000. L’ancienne procédure Le dernier alinéa de l’article 114 de la loi du 30 décembre 1996 a été complété par huit alinéas issus de l’article 1er du décret n°97-180 du 28 février 1997 (4) aux termes desquels il sera désormais possible et ce à compter du 31 mars 1997, de communiquer à son client les pièces et actes d’une procédure pénale en cours d’instruction. Ces textes modifiant la deuxième partie du Code de procédure pénale sont codifiés aux articles R.15-42 à R.15-45. En raison du secret de l’instruction auquel l’avocat reste soumis, ce dernier devra faire preuve de prudence notamment en s’abstenant de communiquer à son client ou à des tiers toutes pièces ou actes de la procédure pénale en cours pour lesquels il n’aurait pas reçu l’autorisation préalable exigée par les nouvelles dispositions de l’article 114. Demande d’autorisation préalable (5)

(1) Cass. crim. 28 octobre 1991 n°90-83692, RJF 92 n°156 (2) Cass. com. 27 novembre 1991 n°90-10607, 90-10608 et 90-11980 (n°1496-P),

Michaut, RJF 92 n°81 (3) Cass. com. 16 janvier 2001 n°98-12279 (n°105 FS-P), Hirsch-Labouesse, RJF 01 n°717 (4) Décret n°97-180 du 28 février 1997, JORF 02/03/97 p.3375 (5) Modèle de Lettre type

Objet : Demande d'autorisation de transmission de pièces Attestation préalable (Article 114 du Code de procédure pénale)

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L’avocat devra : adresser au juge la liste des pièces et actes objets de la demande d'autorisation aux fins de

transmission, soit par déclaration auprès du greffier, soit par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception. La demande ne doit pas avoir d’autre objet que celui de l’autorisation aux fins de transmission.

justifier dans le même temps, c’est à dire au moment de la demande d’autorisation, d’une déclaration écrite du client aux termes de laquelle il reconnaît avoir eu connaissance des dispositions des alinéas 5 et 6 de l’article 114-1 prévoyant une peine d’amende de 25.000 F en cas de diffusion à un tiers des pièces délivrées après autorisation.

L’autorisation aux fins de transmission Cette autorisation peut revêtir deux formes . l’autorisation expresse c’est à dire par voies d’ordonnance du juge prise dans les cinq

jours de la demande d’autorisation . l’autorisation "tacite" c’est à dire dans l’hypothèse où le juge à l’issue du délai de 5 jours,

n’a pas pris d’ordonnance de refus. Dans ce cas, l’avocat est de droit autorisé à transmettre à son client les pièces visées dans la demande d’autorisation.

Recours contre les décisions de refus

Je soussigné ..................... Demeurant ......................... (1) partie civile (1) mis en examen atteste avoir pris connaissance des dispositions et alinéas 5 et 6 de l’article 114 et de l’article 114-1 du Code de Procédure pénale libellés comme suit : - article 114 alinéa 5 : "les avocats peuvent transmettre une reproduction des copies ainsi obtenues à leur client. Celui-ci atteste au préalable, par écrit, avoir pris connaissance des dispositions de l'alinéa suivant et de l'article 114-1". - article 114 alinéa 6 : "seules les copies des rapports d'expertise peuvent être communiquées par les parties à leurs avocats à des tiers pour les besoins de la défense". - article 114-1 : "sous réserve des dispositions du sixième alinéa de l'article 114, le fait par une partie à qui une reproduction des pièces ou des actes d'une procédure d'instruction a été remise en application de cet article, de la diffuser auprès d’un tiers est puni de 25.000 F d'amende". Fait à .............. Le ................. (1) rayer les mentions inutiles

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L’avocat peut introduire un recours contre une décision de refus totale ou partielle. Dans les 2 jours de la notification de l’ordonnance spécialement motivée de refus (au regard des risques de pression sur les victimes, personnes mises en examen, avocats, témoins, enquêteurs, experts ou toutes autres personnes concourant à la procédure), l’avocat saisit le Président de la Chambre d’accusation qui, à son tour, doit statuer dans un délai de 5 jours par décision écrite et motivée non susceptible de recours. A défaut de réponse du Président de la Chambre d’accusation dans les 5 jours, l’avocat est de droit autorisé à communiquer à son client les pièces ou actes visés expressément dans la demande initiale. Cas particulier Aussi longtemps que le contentieux de la question de la recevabilité de la constitution de partie civile n’est pas évacuée, l’avocat de la partie plaignante ne peut communiquer à son client les pièces commandées que s’il est bénéficiaire de l’autorisation préalable du juge, ou en cas de recours de l’autorisation préalable du Président de la Chambre d’accusation. Il n’existe donc pas dans ce cadre spécifique, d’autorisation tacite. La transmission au client de l’avocat S’agissant de la transmission au client il y a lieu de distinguer selon que le client est libre ou détenu. a) Le client libre. Aucune modalité particulière n’est exigée de l’avocat pour remettre à son client la copie des pièces pour lesquelles l’autorisation a été obtenue. Néanmoins, l’avocat devra agir avec prudence et s’assurer que la remise est effectuée entre les mains du véritable destinataire c’est à dire celui pour le compte duquel l’autorisation a été obtenue. C’est pourquoi il est recommandé, dans la mesure du possible, de procéder à la remise suivant le bordereau contre récépissé.

b) Le client détenu: Il est impossible de lui transmettre directement les pièces (1). L’avocat est tenu de transmettre les pièces par l’intermédiaire du Greffe de l’établissement pénitentiaire procédant: - soit par une remise directe au greffe contre récépissé - soit par un envoi en lettre AR. Dans les 3 jours ouvrables de la réception des documents, le greffe a l’obligation de les transmettre au détenu après qu’il ait attesté avoir pris connaissance des dispositions des articles 114 et 114-1. Selon le décret, la remise au détenu est de droit sauf l’hypothèse où le juge d’instruction subordonne l’autorisation de transmission par conservation des pièces au greffe. Dans ce cas, le prévenu n’est pas personnellement détenteur des pièces et il ne lui est

(1) Décret n°97-180 du 28 février 1997, JORF 02/03/97 p.3375

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accordé qu’un droit de consultation dans un local permettant de garantir la confidentialité. Dans le souci de limiter toute source de conflit au sein des établissements pénitentiaires, il est vivement recommandé aux avocats de bien expliquer à leurs clients détenus le contenu et la portée du décret du 28 février 1997. c) Communication des rapports d’expertise (article 114 alinéa 6) La communication d’un rapport à un tiers est désormais possible mais seulement "pour les besoins de la défense". Les parties ou leur avocat pourront consulter un tiers mais seulement pour les besoins de la défense. Il s’ensuit que si la preuve venait à être rapportée que la diffusion d’un rapport d’expertise a été faite à un tiers dans un autre but, il pourrait y avoir lieu à l’application de la sanction de l’article 114-1. Enfin, depuis un arrêt du 12 juin 1996 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, le prévenu est en droit d’obtenir personnellement de la juridiction de jugement, la copie des pièces et actes du dossier. La nouvelle procédure Les textes nouveaux ont été codifiés aux articles R.155 à R.165 du Code de procédure pénale modifiés en dernier lieu par le décret n°2001-689 du 31 juillet 2001 selon lequel : « Article 1er - L’article R.155 du code de procédure pénale est modifié ainsi qu’il suit :

I- Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes : “En matière criminelle, correctionnelle et de police, hors le cas prévu par l’article 114, il peut être délivré aux parties :” II- Le 2° est complété par la phrase suivante : “Toutefois cette autorisation n’est pas requise lorsque des poursuites ont été engagées ou qu’il est fait application des articles 41-1 à 41-3 et que la copie est demandée pour l’exercice des droits de la défense ou des droits des parties civiles.”

Article 2 – Le deuxième alinéa de l’article R.165 du même code est remplacé par les dispositions suivantes : “Toutefois, la délivrance de la première reproduction de chaque acte est gratuite lorsqu’elle est demandée soit par l’avocat de la partie, soit par la partie elle-même si celle-ci n’est pas représentée par un avocat.” »

52/ Contribution des impôts à la recherche de certaines infractions L’article L.10-A du LPF issu de la loi du 11 mars 1997 (1) précise d’une part que : « Dans

le cadre des procédures prévues au présent livre, les agents de la direction générale des impôts peuvent rechercher et constater les infractions aux interdictions mentionnées à l'article L 324-9 du code du travail, dans les conditions prévues par l’article L.324-12 de ce code. »

(1) Loi n°97-210 du 11 mars 1997, art.11, JORF 12/03/97 p.3824

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D’autre part, l’article L.10-B du LPF issu de la loi relative à la sécurité quotidienne (1) prévoit :

« En outre, les agents de la Direction générale des impôts concourent à la recherche des infractions réprimées par les articles 222-38, 222-39-1, 225-5, 225-6, 321-1 deuxième alinéa et 321-6 du Code pénal dans le cadre des enquêtes menées sur instruction du procureur de la République. A cette fin ils procèdent à des recherches de nature fiscale permettant de contribuer à la preuve desdites infractions. Ils en portent le résultat à la connaissance du procureur de la République. »

Les infractions visées ici sont les suivantes : - L’article 222-38 du Code pénal vise le fait de faciliter la justification mensongère de

l’origine des biens ou des revenus de l’une des infractions mentionnées aux articles 222-34 à 222-37 du Code pénal (trafic de stupéfiants) ou d’apporter son concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit de l’une de ces infractions.

- L’article 222-39-1 du Code pénal vise le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en étant en relations habituelles avec des personnes se livrant à l’une des activités réprimées par les articles 222-34 à 222-43 du Code pénal (trafic de stupéfiants), ou avec plusieurs personnes se livrant à l’usage de stupéfiants.

- L’article 225-5 du Code pénal réprime le proxénétisme. - L’article 225-6 du Code pénal réprime les délits assimilés au proxénétisme. - L’article 321-1-2ème alinéa du Code pénal vise le fait, en connaissance de cause, de

bénéficier du produit d’un crime ou d’un délit, faits constitutifs d’un recel. - L’article 321-6 du Code pénal vise le fait, par une personne ayant autorité sur un mineur

qui vit avec elle et se livre habituellement à des crimes ou à des délits contre les biens d’autrui, de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, infraction assimilée au recel.

Dans le cadre des enquêtes menées sur instruction du procureur de la République, les agents de la DGI procèdent à des recherches de nature fiscale permettant de contribuer à l’établissement de la preuve des infractions visées ci-dessus. Ils doivent porter le résultat de leurs recherches à la connaissance du procureur de la République. Ce développement des missions de la DGI est très différent de celui qu’a connu la douane lorsque, la loi du 23 juin 1999 a créé, par un texte codifié à l’article 28-1 du Code de procédure pénale, un service national de douanes judiciaire composée d’officiers (ODJ) ayant les pouvoirs des OPJ, n’agissant que conformément aux dispositions du code de procédure pénale, dépendant du procureur général près la Cour d’appel de Paris, regroupés dans un SNDJ (Service National des Douanes Judiciaires) à compétence nationale (2).

(1) Loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001, art.59, DF 49/01 n°1141 (2) Dobkine “La douane judiciaire, premier bilan d’une police thématique” D. 44/02-chron.

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Parag.6/ Le droit de communication sur les moyens de communication

Depuis longtemps déjà l’administration obtient de France Télécom la liste de tous les appels téléphoniques reçus ou envoyés à partir d’un téléphone choisi. Ces renseignements lui servent à établir la résidence en France de contribuables qui ont des activités transfrontalières ou internationales. L’article 62-II de la loi de finances rectificative pour 2001 (1) précise :

« II. L’article L.83 du livre des procédures fiscales est complété par les mots : “y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications dans le cadre de l’article L.32-3-1 du Code des postes et télécommunications et les prestataires mentionnés aux articles 43-7 et 43-8 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté des communications”. »

Ce texte permet à l’administration de se faire communiquer par des fournisseurs d’accès à des réseaux les données qu’ils ne doivent pas effacer ou rendre anonymes en application de l’article L.34-1 du Code des postes et des communications électroniques qui, dans sa rédaction issue de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (2) qui prévoit :

« I.- Les opérateurs de communications électroniques, et notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, effacent ou rendent anonyme toute donnée relative au trafic, sous réserve des dispositions des II, III, IV et V. Les personnes qui, au titre d'une activité professionnelle principale ou accessoire, offrent au public une connexion permettant une communication en ligne par l'intermédiaire d'un accès au réseau, y compris à titre gratuit, sont soumises au respect des dispositions applicables aux opérateurs de communications électroniques en vertu du présent article. II.- Pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales ou d'un manquement à l'obligation définie à l'article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle, et dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de l'autorité judiciaire ou de la haute autorité mentionnée à l'article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle d'informations, il peut être différé pour une durée maximale d'un an aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine, dans les limites fixées par le V, ces catégories de données et la durée de leur conservation, selon l'activité des opérateurs et la nature des communications ainsi que les modalités de compensation, le cas échéant, des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées à ce titre, à la demande de l'Etat, par les opérateurs. III.- Pour les besoins de la facturation et du paiement des prestations de communications électroniques, les opérateurs peuvent, jusqu'à la fin de la période au cours de laquelle la facture peut être légalement contestée ou des poursuites engagées pour en obtenir le paiement, utiliser, conserver et, le cas échéant, transmettre à des tiers concernés directement par la facturation ou le recouvrement les catégories de

(1) Loi n°2001-1276 du 28 décembre 2001, art.62, DF 4/02 n°43 p.214 et 225 (2) Loi n°2009-669 du 12 juin 2009 art.14, JORF 13/06/09 p.9666

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données techniques qui sont déterminées, dans les limites fixées par le V, selon l'activité des opérateurs et la nature de la communication, par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Les opérateurs peuvent en outre réaliser un traitement des données relatives au trafic en vue de commercialiser leurs propres services de communications électroniques ou de fournir des services à valeur ajoutée, si les abonnés y consentent expressément et pour une durée déterminée. Cette durée ne peut, en aucun cas, être supérieure à la période nécessaire pour la fourniture ou la commercialisation de ces services. Ils peuvent également conserver certaines données en vue d'assurer la sécurité de leurs réseaux. IV.- Sans préjudice des dispositions du II et du III et sous réserve des nécessités des enquêtes judiciaires, les données permettant de localiser l'équipement terminal de l'utilisateur ne peuvent ni être utilisées pendant la communication à des fins autres que son acheminement, ni être conservées et traitées après l'achèvement de la communication que moyennant le consentement de l'abonné, dûment informé des catégories de données en cause, de la durée du traitement, de ses fins et du fait que ces données seront ou non transmises à des fournisseurs de services tiers. L'abonné peut retirer à tout moment et gratuitement, hormis les coûts liés à la transmission du retrait, son consentement. L'utilisateur peut suspendre le consentement donné, par un moyen simple et gratuit, hormis les coûts liés à la transmission de cette suspension. Tout appel destiné à un service d'urgence vaut consentement de l'utilisateur jusqu'à l'aboutissement de l'opération de secours qu'il déclenche et seulement pour en permettre la réalisation. V.- Les données conservées et traitées dans les conditions définies aux II, III et IV portent exclusivement sur l'identification des personnes utilisatrices des services fournis par les opérateurs, sur les caractéristiques techniques des communications assurées par ces derniers et sur la localisation des équipements terminaux. Elles ne peuvent en aucun cas porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées, sous quelque forme que ce soit, dans le cadre de ces communications. La conservation et le traitement de ces données s’effectuent dans le respect des dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Les opérateurs prennent toutes mesures pour empêcher une utilisation de ces données à des fins autres que celles prévues au présent article. »

Le droit de communication de l’administration fiscale s’exerce donc sur les données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunication dans le cadre des textes qui fournissent l’accès à des services autres que de correspondance privée, accessibles en ligne sur des réseaux de télécommunications et sur les contenus recherchés par les usagers parmi ceux qui sont mis à leur disposition. La jurisprudence montre que l’administration obtient souvent communication de données qui vont au-delà de ce que prévoit cet article comme l’identification des personnes utilisatrices des services fournis par les opérateurs… ce qui caractérise une utilisation irrégulière de droit de communication susceptible de vicier une procédure de perquisition (1).

(1) Cass. com. 7 décembre 2010 n°10-12036 (n°1253 F-D) , Baronne, RJF 11 n°601

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L’administration et les fournisseurs d’accès ignorent superbement l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (1) dont l’article 7 précise sous le titre « respect de la vie privée et familiale » :

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications. »

Il est à noter cependant que l’article 32-3-1 du Code des postes et télécommunications est issu de la loi relative à la sécurité quotidienne (2) et précise les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à la garantie de l’anonymat :

« I. - Les opérateurs de télécommunications, et notamment ceux mentionnés à l’article 43-7 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, sont tenus d’effacer ou de rendre anonyme toute donnée relative à une communication dès que celle-ci est achevée sous réserve des dispositions des II, III et IV. II. - Pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, et dans le seul but de permettre en tant que de besoin, la mise à disposition de l’autorité judiciaire d’informations, il peut être différé pour une durée maximale d’un an aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques. Un décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine, dans les limites fixées par le IV, ces catégories de données et la durée de leur conservation, selon l’activité des opérateurs et la nature des communications ainsi que les modalités de compensation, le cas échéant, des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées à ce titre, à la demande de l’Etat par les opérateurs. III. – Pour les besoins de la facturation et du paiement des prestations de télécommunications, les opérateurs peuvent, jusqu’à la fin de la période au cours de laquelle la facture peut être également contestée ou des poursuites engagées pour en obtenir le paiement, utiliser, conserver et, le cas échéant transmettre à des tiers concernés directement par la facturation ou le recouvrement, les catégories de données techniques qui sont déterminées, dans les limites fixées par le IV, selon l’activité des opérateurs et la nature de la communication, par décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Les opérateurs peuvent en outre réaliser un traitement de ces données en vue de commercialiser leurs propres services de télécommunications, si les usagers y consentent expressément et pour une durée déterminée. Cette durée ne peut en aucun cas être supérieure à la période correspondant aux relations contractuelles entre l’usager et l’opérateur. IV. – Les données conservées et traitées dans les conditions définies aux II et au III portent exclusivement sur l’identification des personnes utilisatrices des services fournis par les opérateurs et sur les caractéristiques techniques des communications assurées par ces derniers. Elles ne peuvent en aucun porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées, sous quelque forme que ce soit, dans le cadre de ces communications. La conservation et le traitement de ces données s’effectuent dans le respect des dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

(1) Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, JOCE 18/12/2000, C 364/1 (2) Loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001, art.29, D. 42/01-lég.-p.3400

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Les opérateurs prennent toutes mesures pour empêcher une utilisation de ces données à des fins autres que celles prévues au présent article. »

On précisera sur ce point que la même loi relative à la sécurité quotidienne (1) insère dans le Code de procédure pénale des articles 230-1, 230-2, 230-3, 230-4 et 230-5 relative au craquage des cryptages. Le IV de l’article 98 de la loi de finances rectificative pour 2005 (2) adapte la rédaction de l'article L 83 du LPF en remplaçant la référence aux articles 43-7 et 43-8 de la loi relative à la liberté de communication (3) abrogés par l’article 5 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (4) par une référence aux 1 et 2 du I de l'article 6 de ladite loi. L'article L.83 du LPF fait obligation aux administrations concernées de communiquer à l'administration fiscale les documents de service qu'elles détiennent, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques et les prestataires mentionnés par la loi relative à la liberté de communication. Le droit de communication est donc susceptible de s'appliquer aux données conservées et traitées par deux catégories de prestataires dans les conditions précisées par la loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers (5): - les fournisseurs d'accès, visés au 1 du I de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 («

personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne ») ;

- les hébergeurs, visés au 2 du I de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 (« personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services »).

Ce texte s’avèrera vite insuffisant et le législateur insèrera un article L.96-G dans le LPF dont la rédaction est la suivante (6) :

« Les agents des impôts peuvent se faire communiquer les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques dans le cadre de l'article L 34-1 du Code des postes et des communications électroniques et par les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique dans les conditions prévues par cet article. Ils peuvent également se faire communiquer les données traitées et conservées relatives à l’identification du vendeur ou du prestataire, à la nature des biens ou des services vendus, à la date et au montant des ventes ou prestations effectuées par les opérateurs des services prévus au d du 2 de l’article 11 du règlement (CE) 1777/2005 du Conseil, du 17 octobre 2005 portant mesures d’exécution de la directive

(1) Loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001, art. 29, D. 42/01-lég.-p.3400 (2) Loi n°2005-1720 du 30 décembre 2005 art. 98-IV, DF 7/06 n°179 (3) Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986, art. 43-7 et 43-8, JCP-86-textes-n°59250 (4) Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 art.6, JORF 22/06/04 p.11168 (5) Loi n°2006-64 du 23 janvier 2006 art.6, JORF 24/01/06 p.1129 (6) Loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008 art.55, JORF 31/12/08 p.20518, DF 5/09 n°136

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77/388/CEE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, et, sous les réserves prévues au V de l’article L 34-1 du Code des postes et des communications électroniques, les données traitées et conservées par les opérateurs des services prévus au e du 2 de l’article 11 du règlement (CE) 1777/2005 du Conseil, du 17 octobre 2005, précité. »

Ce texte a pour objet de renforcer les moyens de l’administration fiscale en étendant le champ d’application du droit de communication aux acteurs de l’Internet suivants : - les opérateurs de communications électroniques ; - les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi 2004-575 du 21 juin

2004 pour la confiance dans l’économie numérique ; - les opérateurs des services prévus au d du 2 de l’article 11 du règlement (CE) 1777/2005

du Conseil, du 17 octobre 2005 portant mesures d’exécution de la directive 77/388/CEE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- les opérateurs des services prévus au e du 2 de l’article 11 susvisé. Dans une conférence publique, un haut fonctionnaire de la DGI (1) présentait ce dispositif comme suit :

« C’est essentiel en matière de contrôle fiscal d’avoir des moyens pour aller chercher l’information. Désormais, nous pouvons obtenir des renseignements auprès de tous les opérateurs de la téléphonie et de l’Internet, et des sites de ventes de biens et services en ligne. Cette procédure permet d’identifier les titulaires de lignes ou d’abonnement, ce qui est utile en matière de domiciliation des personnes, et ce qui est également utile pour établir des liens entre des personnes dans le cadre d’enquêtes. Tout cela bien entendu ne met aucunement en cause le secret des correspondances puisque notre droit de communication ne va pas jusque là. En ce qui concerne les sites de vente en ligne, l’administration fiscale peut se faire communiquer l’identité (c’est l’objectif) à partir de demandes ciblées concernant des ventes de biens et de services réalisées sur tel ou tel site, ainsi que le montant des ventes. A partir de l’identité des contribuables qui auraient omis de déclarer les opérations réalisées sur ces vecteurs. Là aussi l’acheteur ne bous intéresse pas, c’est uniquement le vendeur et le montant des ventes. Evidemment en période de développement exponentiel du commerce électronique, vous voyez tout l’intérêt de ce genre de droit de communication. »

(1) Gautier, « Nouvelles investigations, nouveaux délais, nouveaux recours », La lettre de

l’IACF n°90 février 2010 p.47

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Parag.7/ Le droit de communication auprès des entreprises

L’article L.85 du LPF vise les personnes ayant la qualité de commerçant. L’article L.94-A vise les sociétés civiles. La jurisprudence précise que le droit de communication porte ici sur des documents à caractère professionnel et non privé (1) et exclut que l’administration exige des documents non comptables (2).

71/ Les personnes morales commerçantes S’agissant des entreprises en général et donc des personnes morales ayant la qualité de commerçantes, le champ du droit de communication de l’administration fiscale est particulièrement étendu et il est possible de distinguer les renseignements que les entreprises doivent mettre à la disposition de l’administration sur sa demande de ceux qu’elles doivent lui communiquer spontanément.

71-1/ Les communications sur demande On peut ici distinguer deux textes qui ouvrent à l’administration un droit de communication sur les pièces justificatives de la comptabilité d’une entreprise : le premier ne vise que les commerçants, le second vise tous les contribuables. 71-11/ Le droit de communication auprès des commerçants L’article L.85 du LPF précise que "les contribuables doivent communiquer à

l’administration, sur sa demande, les livres dont la tenue est rendue obligatoire par le titre II du livre 1er du Code de commerce ainsi que tous les livres et documents annexes, pièces de recettes et de dépenses. A l’égard des sociétés, le droit de communication porte également sur les registres de transfert d’actions et d’obligations et sur les feuilles de présence aux assemblées générales."

L’article R*85-1 du LPF précise le lieu où s’exerce le droit de communication : « Les

sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés doivent tenir l’ensemble des documents prévus à l’article L.85 à la disposition des agents de l’administration à leur lieu d’imposition. »

L’administration considère que l’article L.85 du LPF peut être mis en œuvre pour permettre l’assiette et le contrôle des impôts de toute nature, y compris ceux pour lesquels aucune déclaration n’est exigée du contribuable.

(1) CE 26 octobre 1942 n°66077, Lebon p. 294, RO 42 p.188 (2) CE 18 décembre 1968 n°70330 et 70331, DF 5/69 n°189

CE 29 janvier 1982 n°18537, RJF 82 n°407, DF 45/82 n°2161 concl. C. Schricke

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La jurisprudence lui fait écho dans une parfaite harmonie à condition que l’administration ait une attitude passive :

« […] il résulte de l'instruction que lors de son intervention au siège de la SARL Juventhera le 10 avril 1987, l'inspecteur s'est borné à examiner le compte courant d'associé du dirigeant ainsi que le compte rémunération du personnel, documents qui sont au nombre de ceux dont l'administration peut, en vertu de l'article L.85 précité, demander la communication sans formalités particulières » (1).

Compte tenu de la référence de l’article L.85 aux obligations posées par le code de commerce, il apparaît que ce droit de communication peut être exercé auprès de toute personne physique ou morale passible de l’un quelconque des impôts ou taxes visés au CGI ayant la qualité de commerçant. A cet égard, le code de commerce définit comme ayant la qualité de commerçant "ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle". Sont commerciales en raison de leur forme les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions. Les associés d’une société en nom collectif, les associés commandités d’une société en commandite simple, les membres des sociétés en participation qui sont indéfiniment responsables et dont les nom et adresse ont été communiqués à l’administration, les membres des SARL qui ont opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, demeurent soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus non commerciaux, lorsque la société dont ils sont membres réalise des bénéfices ou des revenus non commerciaux et n’a pas opté pour son assujettissement à l’impôt sur les sociétés. Cependant, en dépit de leur transparence, ces sociétés sont commerciales en raison de leur forme. Dans la mesure où elles sont soumises à l’un quelconque des impôts ou taxes visés au CGI, rien ne s’oppose à ce que l’administration exerce son droit de communication à leur encontre sur l’ensemble des documents comptables visés à l’article du LPF. En revanche, cet article ne peut être invoqué à l’encontre des personnes qui n’exercent aucune activité commerciale : membres de professions libérales, salariés, agriculteurs ou artisans lorsqu’ils n’ont pas la qualité de commerçant et échappent aux obligations du code de commerce ainsi qu’à celle de s’inscrire au registre du commerce. Dans les situations où elle ne peut utiliser l’article L.85 du LPF, l’administration n’est pas pour autant démunie. Elle peut avoir recours au pouvoir général d’investigation que la jurisprudence lui reconnaît pour demander de simples renseignements à un fournisseur qui alors, n’est pas tenu de répondre (2). Elle peut aussi exercer le droit qu’elle tient des articles 1649-bis-A-alinea-1 du CGI et 344-H et I de l’annexe III qui lui permet d’obtenir des fournisseurs le relevé détaillé, opération par opération, des ventes faites à des clients dénommés, sans que, pour chacune des demandes et pour chaque client, la période d’interrogation puisse excéder 12 mois. Le refus de communication est alors sanctionné par l’article 1740 du CGI (3). L’administration choisit l’un ou l’autre de ces régimes par l’imprimé qu’elle adresse au contribuable et qui fait référence à l’un ou l’autre texte.

(1) CE 10 décembre 1999 n°201067, SARL Juventhera, RJF 00 n°226 (2) CE 14 juin 1982 n°23661, RJF 82 n°840 (3) Fouquet, concl sous CE 12/12/90, DF27/91 n°1389

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La jurisprudence a précisé que le droit de communication est exercé sans aucune formalité particulière (1), l’administration recommande cependant à ses agents, lorsqu’ils ont recours à l’article L.85 du LPF, d’utiliser un imprimé dit “Avis de passage” envoyé à l’entreprise quelques jours avant le passage de l’agent de l’administration, précisant que l’opération envisagée n’est pas une vérification. L’administration peut faire état à l’encontre d’un contribuable, de renseignements qu’elle a recueillis chez d’autres contribuables dans le cadre de l’exercice de son droit de communication (2) mais des renseignements tirés de la comptabilité occulte d’un fournisseur ne peuvent être opposés à un contribuable que s’ils sont corroborés par des circonstances propres à son entreprise (3). Dans le même sens, le Conseil d’Etat a jugé que l’administration n’apporte pas la preuve de la réalité et du montant des ventes sans facture en se fondant uniquement sur des éléments extérieurs à l’entreprise (4). 71-12/ Le droit de communication auprès des contribuables Il faut évoquer ici l’article L.10 du LPF qui constitue le moyen privilégié du contrôle sur pièces des déclarations «

« L’administration des impôts peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés »

La jurisprudence admet ainsi qu’un inspecteur demande « la production de l'état indiquant

la proportion des biens amortissables selon le mode dégressif, ainsi que la copie du tableau des amortissements et des factures d'immobilisations, qui étaient des documents de nature à justifier les écritures d'amortissements de la société et son option pour le régime d'exonération des bénéfices prévu à l'article 44 quater du CGI ; qu'il a fait ainsi usage du droit, que lui confèrent les dispositions précitées de l'article L 10 du LPF de contrôler sur pièces les déclarations de la contribuable, sans procéder à une vérification de comptabilité, et par suite sans être astreint à des formalités particulières, … » (5).

71-2/ Communication spontanée Le domaine de la documentation spontanée est ici particulièrement étendu. Il se rattache aux obligations déclaratives des entreprises mais par son étendue et ses fins, il constitue aussi un élément du droit de communication. Les entreprises doivent ainsi déclarer annuellement les salaires, pensions, rentes, commissions, courtages et honoraires, droits d’auteur ou d’inventeur versés. En fait la liste des déclarations annexes qui doivent être produites par les entreprises ressemble à un

(1) CE 28 novembre 1980 n°18869, RJF 81 n°105 (2) CE 29 janvier 1982 n°18537, RJF 82 n°407, DF 82 n°2161 (3) CE 3 juin 1985 n°43398, RJF 85 n°1093 (4) CE 14 mai 1980 n°17906, RJF 80 n°579 (5) CE 10 décembre 1999 n°201067, SARL Juventhera, RJF 00 n°226

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inventaire à la Prévert et les développements qui suivent permettront d’en présenter certaines en exposant les problèmes spécifiques qu’elles posent. En cas d’infraction à l’obligation de déclarer les honoraires, commissions, salaires, … versés à des tiers, l’administration admet que ces charges ne soient pas réintégrées en cas de première infraction, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément soit à la première demande de l’administration, avant la fin de l’année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite (1) par ailleurs elle assimile la première infraction à l’ensemble de la période vérifiée (2) dès lors que les honoraires qui n’ont pas été déclarés par celui qui les versait l’ont été par les bénéficiaires dans les délais légaux. La jurisprudence interprète strictement la doctrine (3) mais elle oppose celle-ci à l’administration dès lors que le contribuable « produit des attestations des bénéficiaires des

commissions versées par lui, dans lesquelles ceux-ci certifiaient les avoir déclarées, en précisant l’exercice de rattachement ; que cette justification dont l’administration était en mesure de vérifier l’exactitude satisfait aux conditions posées par les réponses ministérielles précitées » (4).

72/ Les sociétés civiles Aux termes de l'article L.85 du LPF, les personnes ayant la qualité de commerçant et les contribuables doivent communiquer à l'administration les documents comptables dont la tenue est rendue obligatoire par le Code de commerce, ainsi que les documents annexes. Par ailleurs, l'article R*85-1 du LPF prévoit que les sociétés redevables de l'impôt sur les sociétés doivent tenir l'ensemble des documents prévus à l'article L.85 à la disposition des agents de l'administration fiscale. L'administration considère que ces dispositions peuvent s'appliquer aux sociétés civiles passibles de l'IS, ainsi qu'aux associés de sociétés civiles non passibles de l'IS lorsqu'ils sont eux-mêmes tenus à des obligations comptables (5). Mais aucun texte relatif au droit de de communication ne vise spécifiquement les sociétés civiles. La loi de finances rectificative pour 2005 (6) soumet expressément les sociétés civiles au droit de communication de l'administration fiscale en ces termes.

« V. - A. - Dans la section I du chapitre II de la première partie du même livre, il est inséré un article L. 94 A ainsi rédigé : « Art. L. 94 A. - Les sociétés civiles définies à l'article 1845 du code civil sont tenues de présenter à l'administration, sur sa demande, les documents sociaux et, le cas échéant, les documents comptables et autres pièces de recettes et de dépenses qu'elles détiennent et relatives à l'activité qu’elles exercent. » B. - Les dispositions du A sont applicables à compter du 1er janvier 2006. »

(1) RM Bécam 28 mai 1968 (2) RM Naveau 7 avril 1976, (3) CE 30 mars 1992 n°114926, Société Générale, RJF 92 n°706 chron. J. Turot p.371, DF

40/92 n°1809 concl. J. Arrighi de Casanova CE 10 novembre 2004 n°260343, SA Omnium de gestion financière, RJF 05 n°154, DF

18-19/05 n°400 concl. Verclytte (4) CAA Marseille 10 janvier 2006 n°03MA00225 et 03MA00226, Lefebvre, DF 19/06

n°372 (5) RM. Estève, JO Déb. Sénat 13 mars 1962 p.60 n°2367 (6) Loi n°2005-1720 du 30 décembre 2005 art.98-V, DF 7/06 n°179

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Ce texte vise l’ensemble des sociétés civiles définies à l’article 1845 du Code civil, c’est-à-dire toutes les sociétés auxquelles la loi n’attribue pas un autre caractère à raison de leur forme, de leur nature, ou de leur objet, qu’elles soient ou non soumises à l’impôt sur les sociétés. Le droit de communication ainsi institué porte sur les documents sociaux et, le cas échéant, les documents comptables et autres pièces de recettes et de dépenses détenues par les sociétés civiles et relatives à l'activité qu'elles exercent. Conformément aux règles générales, le droit de communication s'exerce à l'initiative du service des impôts, sans formalité particulière.

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Parag.8/ Le droit de communication auprès des professions non commerciales

C’est l’article L.86 du LPF (1) qui pose le principe d’un droit de communication de l’administration fiscale sur les titulaires de bénéfices non commerciaux en distinguant deux groupes de professions :

« Les agents de l'administration ont un droit de communication à l'égard des membres des professions non commerciales définies ci-après : a. Les professions dont l'exercice autorise l’intervention dans des transactions, la prestation de services à caractère juridique, financier ou comptable ou la détention de biens ou de fonds pour le compte de tiers ; b. Les professions consistant à titre principal en la prestation de services à caractère décoratif ou architectural ou en la création et la vente de biens ayant le même caractère. Le droit prévu au premier alinéa ne porte que sur l'identité du client, le montant, la date et la forme du versement ainsi que les pièces annexes de ce versement. Il ne peut entraîner pour les personnes auprès desquelles il est exercé l'établissement d'impositions supplémentaires si ce n'est après la mise en œuvre d'une procédure de vérification prévue aux articles L.47 et suivants. »

Le paysage législatif dans ce domaine a été précisé par l’article 91 de la loi de finances pour 2000 (2). Alors que le I de ce texte renforce les obligations comptables des titulaires de BNC, le II et le III de ce texte, précisent les modalités d’exercice du droit de communication après des contribuables tenus au secret professionnel.

« II. – Il est inséré dans le Livre des procédures fiscales, un article L.13-OA ainsi rédigé : “Art. L.13-OA. - Les agents de l’Administration des impôts peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l’article 226-13 du Code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes.” III. – Dans l’article L.86-A du Livre des procédures fiscales, les mots “par l’adhérent d’une association agréée” sont remplacés par les mots :“le contribuable”. IV. – S’agissant du droit de contrôle, les dispositions du présent article s’appliquent aux opérations enregistrées à compter du 1er janvier 2000. »

L’article 91 de la loi de finances pour 2000 (3) modifie l’article L.86-A du LPF et introduit un article L.13-OA du LPF. Ces deux modifications ont pour objet de réaffirmer que la portée du secret professionnel est limitée à la nature des prestations fournies par le professionnel libéral tenu au secret professionnel. Le secret professionnel ne concerne donc pas le montant, la date et la forme des honoraires. S’agissant de l’identité du client le secret professionnel est sérieusement mis à

(1) Loi n°80-30 du 10 janvier 1980 art.77, JORF 19/01/80 p.147

BOI 13 K-2-80 du 31 décembre 1980, DF (2) Loi n°99-1172 du 30 décembre 1999 art.91, DF 1-2/2000 n°1 p.78 et 99 (3) Loi n°99-1172 du 30 décembre 1999 art.91, DF 1-2/2000 n°1 p.78 et 99

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mal mais les ardeurs de l’administration sont quelques peu bridées. Le secret professionnel ne demeure que pour ce qui concerne la nature des prestations. Les développements qui suivent distingueront ces deux problèmes.

81/ La nature des prestations Si le secret professionnel du professionnel libéral est une garantie donnée à son client, ce secret ne saurait permettre au professionnel libéral de créer des zones d’ombres dans sa comptabilité pour entraver le contrôle de l’administration… mais la comptabilité peut devenir bavarde et faire apparaître des indications qui dévoilent des informations que le client pouvait à bon droit croire couvertes par le secret. Jusqu’où peut aller la précision de la comptabilité ? L’article L.86-A précise les limites du droit de communication lorsqu’il s’exerce auprès d’un professionnel tenu au secret professionnel. Ce texte légèrement modifié par le III de l’article 91 de la loi de finances pour 2000 (1) est ainsi rédigé :

« La nature des prestations fournies par le contribuable ne peut faire l'objet de demandes de renseignements de la part de l'administration des impôts lorsque cet adhérent est membre d'une profession non commerciale soumis au secret professionnel en application des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »

Commentant l’article 91 de la loi de finances pour 2000, l’administration reprendra plusieurs tolérances administratives (2) :

« 21. Jusqu’à présent l’article L.86-A du LPF interdisait aux agents de l’administration de recueillir des informations, dans le cadre du droit de communication, sur la nature des prestations fournies par l’adhérent d’une association agréée soumis au secret professionnel. 22. Dans un souci de cohérence, le III de l’article 91 de la loi de finances pour 2000 étend cette interdiction à tous les contribuables dépositaires du secret professionnel titulaires de revenus non commerciaux et soumis, par ailleurs, au droit de communication. 23. Aucune demande de renseignement ne pourra donc porter sur la nature des prestations rendues par un contribuables dépositaires du secret professionnel, que celui-ci soit ou non adhérent d’une association agréée. »

Ou encore (3) : « En aucun cas l’administration des impôts ne peut formuler de demande

sur la nature des prestations fournies par les membres des professions non commerciales astreints au secret professionnel en application de l’article 226-13 du Code pénal, qu’ils soient ou non adhérents d’une association de gestion agréée (LPG art. L.86-A). »

(1) Loi n°99-1172 du 30 décembre 1999 art.91, DF 1-2/2000 n°1 p.78 et 99 (2) BOI 13 L-3-00 du 23 mars 2000, DF 15/00-II-12446 (3) BOI 5 G-2-00 du 11 avril 2000, DF 18-19/00-II 12.453

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82/ Le montant la date et la forme des honoraires Enfin l’article L.13-OA du LPF issu du II de l’article 91 de la loi de finances pour 2000 (1) précise que :

« Les agents de l’Administration des impôts peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l’article 226-13 du Code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes. »

Ce dernier texte est le fruit de plusieurs amendements qui ont eu pour objet de ne pas inclure d’informations relatives à l’identité du client dans les informations que les agents peuvent demander aux professionnels tenus au secret.

83/ L’identité du client L’article 91 de la loi de finances pour 2000 (2) exige la mention de l’identité du client dans le livre journal des recettes et des dépenses prévu à l’article 99 du CGI pour les

contribuables soumis au régime de la déclaration contrôlée ou, dans le document donnant le détail journalier des recettes professionnelles mentionné à

l’article 102-ter-4 du CGI pour contribuables bénéficiant du régime spécial Le Conseil constitutionnel (3) précisera sur cet article 91 de la loi de finances pour 2000 :

« Considérant qu’il résulte des dispositions précitées, éclairées par les débats parlementaires à l’issue desquels elles ont été adoptées, que le législateur a entendu délimiter strictement le champ des informations demandées, qui ne peuvent porter ni sur l’identité du client, ni sur la nature des prestations fournies ; que les dispositions de l’article 226-13 du Code pénal, auquel renvoie expressément l’article L.13-OA du LPF s’appliqueraient en cas de révélation, par une personne qui en est dépositaire, des informations couvertes par cet article ; Considérant dès lors, que manque en fait le grief tiré d’une atteinte au respect de la vie privée ».

Commentant l’article 91 de la loi de finances pour 2000, l’administration reprendra plusieurs tolérances administratives (4) :

« B – LES TOLERANCES ADMINISTRATIVES : I – Concernant l’ensemble des titulaires de bénéfices non commerciaux 7. Les contribuables peuvent comptabiliser globalement en fin de journée leurs recettes d’un montant unitaire inférieur à 500 F, à condition qu’elles aient fait l’objet d’un paiement en espèces et au comptant. Dans ce cas, il n’y a pas lieu de porter au regard de l’écriture globale l’identité des différents clients. Celle-ci ne doit figurer que sur les pièces justificatives.

(1) Loi n°99-1172 du 30 décembre 1999 art.91, DF 1-2/2000 n°1 p.78 et 99 (2) Loi n°99-1172 du 30 décembre 1999 art.91, DF 1-2/2000 n°1 p.78 et 99 (3) CC 29 décembre 1999 n°99-424 DC, RJF 00 n°248 (4) BOI 13 L-3-00 du 23 mars 2000, DF 15/00-II-12446

BOI 5 G-2-00 du 11 avril 2000, DF 18-19/00-II 12.453

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8. En ce qui concerne les honoraires payés par chèques, les seuls totaux des bordereaux de remise en banque peuvent être comptabilisés. 9. Comme par le passé, ces mesures de simplification demeurent applicables à l’ensemble des titulaires de bénéfices non commerciaux, quelle que soit la profession exercée (cf. Doc adm. 5 G-3122 n°1 et 5 J-212 n°8). II – Concernant les titulaires de bénéfices non commerciaux soumis au secret professionnel a) Dispense de la mention de l’identité des clients sur les documents comptables 10. Il est actuellement admis, pour les contribuables adhérents à une association agréée et soumis au secret professionnel en vertu des dispositions de l’article 226-13 du Code pénal (membres corps médical, experts comptables, avocats, etc.) que le livre journal ou le document prévu au 4 de l’article 102-ter du CGI comporte au lieu et place de l’identité des clients : soit une référence à un document annexe permettant de retrouver l’identité du client à la condition que l’administration ait accès à ce document ; soit le nom du client, dans la mesure où son identité complète (nom, prénom usuel et adresse) figure dans un fichier couvert par le secret professionnel. 11. Dans ce cas, comme le précise déjà la documentation administrative 5 J-212 n°7, le caractère régulier et sincère des documents comptables n’est pas remis en cause du seul fait que le document comportant l’identité complète du client n’est pas présenté au vérificateur, à la condition expresse que le contribuable lui fournisse ces informations sur simple demande. 12. Jusqu’alors spécifiques aux adhérents d’associations agréées soumis au secret professionnel en vertu des dispositions de l’article 226-13 déjà cité (cf. Doc adm. 5 J-212 n°7) ces tolérances sont étendues à leurs confrères non adhérents d’une association agréée. b) Médecins conventionné pratiquant les honoraires du secteur I de la convention nationale médicale 13. L’administration admet pour ces praticiens que le livre journal soit constitué, pour la partie de l’activité couverte par la convention, par les relevés individuels des praticiens (SNIR) établis par les organismes de Sécurité sociale en application des dispositions des articles L.97 et R*97-1 du LPF. Ces relevés ne mentionnent pas le nom des assurés. 14. Cette mesure ne s’applique qu’aux médecins conventionnés qui n’ont pas adhéré à une association agréée (Doc. adm. 5 G-3122 n°11). Elle est reconduite nonobstant les nouvelles dispositions introduites par l’article 91 de la loi de finances pour 2000. »

Il est donc clair que, sous réserve des tolérances ci-dessus, les livres de recettes de tous les professionnels libéraux même tenus au secret professionnel doivent mentionner les noms des clients. Les pouvoirs de l’administration sont cependant quelque peu limités par l’interdiction qui est faite aux vérificateurs d’interroger le contribuable sur l’identité déclarée par le client

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84/ Les pièces annexes de ce versement Le Conseil d’Etat (1) a dû préciser ce que l’administration pouvait entendre par « les pièces annexes de ce versement ». Les travaux préparatoires à la loi montraient que ceux-ci devaient s’entendre « d’une part, dans le sens des documents comptables établis à l’occasion du versement des honoraires et d’autre part dans le sens de documents de toute nature pouvant justifier le montant des travaux effectués ou des dépenses totales exposées par le contribuable tels que devis, mémoires ». Selon le commissaire du gouvernement le législateur n’a entendu viser par pièces annexes au versement que des documents ayant un lien direct avec le flux monétaire, c'est-à-dire, des pièces comptables retraçant le versement : des factures, des copies de chèques, des relevés de compte… et le Conseil d’Etat a considéré que l’administration pouvait obtenir un devis descriptif des travaux mais pas les plans d’un immeuble (2).

85/ La situation actuelle La mise en œuvre du droit de communication dont dispose l’administration pose donc le problème de la conciliation entre la transparence nécessaire à l’exercice du contrôle fiscal et le secret professionnel protégé par l’article 378 du Code pénal chez les médecins, les pharmaciens, les vétérinaires (3), les avocats … La situation actuelle est le fruit d’une évolution caractérisée par un grignotage continu, de la part de l’administration, de la place laissée au secret professionnel et la jurisprudence n’est pas toujours insensible au chant des sirènes administratives se plaignant des entraves que le secret professionnel peut mettre à son action répressive. Ainsi une juridiction considérera que « la violation du secret médical par le vérificateur

constitue une irrégularité substantielle de la procédure d’imposition de nature à entraîner la décharge des compléments d’impôt sur le revenu » (4).

Alors que dans un autre cas où l’administration avait reconstitué la comptabilité d’un contribuable radié de l’ordre des médecins pour exercice illégal de la médecine à partir de fiches transmises par l’autorité judiciaire dans le cadre de l’article L.101 du LPF, le juge considérait, contrairement aux conclusions du Commissaire du gouvernement, "dés lors et

même si le vérificateur n’a pas divulgué à des tiers le nom des patients et même si ces fiches portaient des indications de nature comptable, il a, en les utilisant méconnu le principe du secret médical" (5).

Avant 2000 la jurisprudence selon laquelle le secret médical couvre le nom du malade même s’il n’est pas accompagné d’indication d’ordre médical a été plusieurs fois réaffirmée depuis 1982 (6). Ainsi: l’utilisation du livre d’admission d’une clinique qui

(1) CE 5 mai 2008 n°291229, Babonneau, RJF 08 n°988 (2) Glaser, « Droit de communication : quelles garanties pour le contribuable ? » chron.

RJF 08 p.789 et se (3) CAA Marseille 1er février 1999 n°96MA02474 et 96MA02475, Vouret, RJF 99 n°743 (4) CAA Nancy 28 janvier 1993 n°91NC00059, RJF 93 n°866 (5) CAA Paris 30 décembre 1993 n°92PA00376 et 92PA00377, DF 29/94 n°1425 (6) CE 14 avril 1982 n°27228, RJF 82 n°572

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comporte nécessairement le nom des malades entraînait l’irrégularité de la procédure de redressement et la décharge de l’imposition (1) il en allait de même en cas de consultation du registre de police tenu en application du décret du 21 mai 1940 par une clinique (2) ou de documents comptables comportant le nom du client d’un professionnel libéral astreint au secret professionnel (3). La communication par l’administration de l’identité des patients d’un dentiste aux membres de la commissions départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires constitue un vice substantiel de la procédure d’imposition (4). Sur ce point l’administration précise (5) : « selon l’article R.5177 du Code de la santé

publique, les pharmaciens doivent transcrire les ordonnances prescrivant des substances toxiques, dangereuses ou des stupéfiants sur un livre-registre d’ordonnances, côté et paraphé par le maire ou le commissaire de police, sans blanc rature ni surcharge. Ces transcriptions doivent comporter un numéro d’ordre, le nom du prescripteur, les nom et adresse du client, la date à laquelle le médicament a été délivré et sa composition. En raison de la nature des indications qu’il comporte, le livre-registre d’ordonnances ne peut être considéré comme un document ayant une corrélation certaine avec la comptabilité commerciale des pharmaciens et, par voie de conséquence, n’entre pas dans le champ d’application de l’article L.85 du LPF. »

Avant comme après la loi de finances pour 2000, le rapprochement de données nominatives et de données relatives aux prestations fournies couvertes par le secret professionnel est censuré. A l’inverse les autres éléments d’information sont accessibles. Tel est le cas du relevé de la sécurité sociale (SNIR) qui sera rapproché des recettes déclarées par un médecin. Mais le maniement de cet élément d’information peut être délicat. En effet ce sont les remboursements qui figurent sur cet état au titre de l’année où ils interviennent or

« les recettes professionnelles entrant en ligne de compte pour la détermination des bénéfices non commerciaux ... correspondent à l’année de l’encaissement; ..., compte tenu du délai, pouvant atteindre en fait deux ans, qui présente les actes médicaux et l’encaissement en principe simultanée de la rémunération de ces actes, du règlement par la sécurité sociale » l’administration ne peut opposer les chiffres du relevé du

(1) CE 24 novembre 1986 n°18803, 18804, 49333, 49334, RJF 87 n°66, DF 12/87 n°620,

concl. O. Fouquet (2) CE 15 juin 1984 n°46392, RJF 84 n°1070, DF 40/84 n°1688 concl. O. Fouquet (3) CAA Nancy 28 janvier 1993 n°91NC00059, DF 46/93 n°2221, concl Felmy

CAA Lyon 14 juin 1994 n°92LY00379, Mme Vandenbul, DF 43/94 n°1875 concl. Richer

CAA Paris 30 décembre 1993 n°92PA00376, Chung, RJF 94 n°295, DF 29/94 n°1425 concl. de Segonzac

(4) CAA Nancy 28 novembre 2002 n°98NC02151, M. et Mme Wiedemann, DF 42/03 n°756

(5) Doc. ad. 13 K-1231 à jour au 1er février 1994

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SNIR ex-abrupto à un médecin tenant une comptabilité régulière (1) c’est à dire lorsqu’elle a la charge de la preuve. L’administration a recours au relevé SNIR "lors d’un contrôle global des revenus des praticiens en vue de recouper les indications figurant dans leur comptabilité (2). Mais "les sommes qui sont indiquées sur les relevés individuels de praticiens comme ayant été remboursées aux assurés sociaux ne constituent pas une base d’imposition directement utilisable" (3) de sorte que lorsque l’administration se borne à se prévaloir des énonciations figurant sur les SNIR "sans apporter aucune précision sur les inexactitudes de la

comptabilité du requérant qu’elles contribueraient à établir" elle n’apporte pas la preuve qui lui incombe (4). Parallèlement, le fait qu’une reconstitution d’honoraires soit supérieure aux relevés SNIR, n’en démontre pas l’exagération (5). Par contre dans une situation procédurale où la preuve incombe au contribuable l’administration peut lui opposer les données de ces relevés (6). De même qu’elle peut utiliser le relevé SNIR sur lequel ne figure ni les noms des clients des médecins ni la nature des actes accomplis, l’administration considère (7) qu’elle qu’elle peut obtenir communication des cartes de curiste qui comportent de nombreuses mentions codées (identité du médecin traitant, prix et nature du traitement envisagé, part restant à la charge du malade, régime de sécurité sociale et montant des honoraires réclamés).

"Le service peut obtenir communication des cartes dés lors qu’en raison de la codification utilisée il n’a pas connaissance du nom des malades et qu’ainsi le secret médical est préservé."

L’administration combattra la jurisprudence administrative en matière de secret professionnel en invoquant la jurisprudence judiciaire qui admettrait que fasse l’objet du droit de communication le livre de police d’une clinique qui retraçait les dates d’entrée et de sortie des malades avec leur identité à l’exception de tout renseignement concernant le siège des affections dont ils étaient atteints et le traitement qui leur était appliqué (8) et plus généralement que ne constitue pas une violation du secret professionnel: la simple divulgation du nom des clients d’une clinique (9) ou d’un centre dentaire (10).

(1) CE 4 novembre 1992 n°81877-83.019, RJF 93 n°48

CE 6 novembre 1995 n°123295, Blanchon, RJF 96 n°39 (2) RM Palméro JO déb. Sénat 3 avril 1980 p.984, n°31.859 (3) RM Delorme JO Déb. AN 28 août 1971 p.4010 n°15.637, Doc. Lefebvre CF-III-2980 (4) CAA Paris 25 juillet 1989 n°89PA00236, Quinet, RJF 89 n°1099 (5) CE 2 février 1990 n°56144, Corde, RJF 90 n°284 (6) CE 26 janvier 1994 n°118900, RJF 94 n°259 (7) Doc. ad. 13 K-1231 à jour au 1er février 1994 (8) Cass. crim. 21 mai 1979 n°78-92205, Bull. crim. n°178 (9) Cass. crim. 11 février 1960, JCP ed. G 60-II-11604, D.60.258

Cass. crim. 1er février 1977 n°75-93432, German, Bull. crim. n°40 p.97 (10) Cass. crim. 8 juin 1966 n°66-90067, D.66 p.542

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Certaines juridictions de l’ordre administratif ne resteront pas insensibles à cette argumentation (1). Cette tentative d’infléchissement de la jurisprudence résultait pourtant d’une analyse erronée du secret professionnel et de la jurisprudence de la Cour de cassation. Pour cette dernière, le secret professionnel est conçu pour protéger le malade mais cette protection vise en premier lieu les administrations dont l’administration fiscale ; quant aux aménagements admis par la jurisprudence judiciaire, ils concernent les empiétements réalisés par un juge d’instruction pour les besoins de l’enquête qu’il mène dès lors qu’il n’y a aucune raison de le priver de tels documents dans la mesure où aucun texte « ne peut empêcher les recherches utiles à la manifestation de la vérité » (2). Il est bien évident qu’une telle analyse ne saurait légitimer les empiétements qui sont le fait d’une administration. Mis à part ce cas d’intervention d’un juge judiciaire pour la recherche de la vérité dans une instance pénale, la Cour de cassation n’a pas hésité à sanctionner la violation du secret professionnel dans des cas où un médecin traitant communiquait au médecin d’une compagnie d’assurance des informations confidentielles concernant son client (3). Postérieurement à l’arrêt de la Cour de Paris (4) qui ne sera pas frappé d’un recours recours en cassation, le Conseil d’Etat réaffirmera sa conception du secret professionnel (5), malgré les conclusions contraires de son commissaire du gouvernement (6), dans une une espèce qui mettait en cause un médecin radié pour la période postérieure à sa radiation dans la vérification duquel l’administration n’avait utilisé que des documents qui lui avaient été transmis par le juge judiciaire. Pour le Conseil d’Etat (7), les dispositions de l’article 378 du Code pénal: “font obstacle à

ce que les membres des professions auxquelles elles s’appliquent fassent connaître à des tiers les noms des personnes qui ont recours à leurs services ou à leurs soins; que, bien que les agents des services fiscaux soient eux-mêmes tenus au secret professionnel, il ne saurait être dérogé en leur faveur, sauf disposition législative expresse, à la règle édictée par l’article 378 précité, y compris dans le cas où ils entendent faire usage, pour les besoins des contrôles qu’ils doivent effectuer, des renseignements contenus dans des documents obtenus auprès de l’autorité judiciaire à laquelle l’article L.101 du LPF fait obligation de « communiquer à l’administration des impôts toutes indications de nature à faire présumer une fraude en matière fiscale » qu’elle a pu recueillir à l’occasion notamment « d’une information criminelle ou correctionnelle, même terminée par un non-lieu »;

(1) CAA Paris 5 décembre 1995 n°93PA01174, Virol, RJF 96 n°75, DF 13/96 n°431 concl.

Martel (2) Cass. crim. 30 juin 1999 n°97-86318, D.32/99-jp-p.458 (3) Cass. 1ère civ. 12 janvier 1999 n°96-20580, Le Dalloz 43/99-I-Somm. comm. p.381,

cassation de CA Toulouse 25 juillet 1996 (4) CAA Paris 5 décembre 1995 n°93PA01174, Virol, RJF 96 n°75, DF 13/96 n°431 concl.

Martel (5) CE 17 juin 1998 n°156532, Chung, RJF 98 n°827, DF 44/98 n°976, concl.

CE 20 janvier 1999 n°181011, Méas, RJF 99 n°336 rejetant le pourvoi c/ CAA Nantes 2 mai 1996 n°94NT00250, Méas, RJF 96 n°1035, DF 39/96 n°1151 concl.

Isaïa (6) Goulard, concl. sous CE 17/06/98 n°156532, DF 44/98 n°976 (7) CE 17 juin 1998 n°156532, Chung, RJF 98 n°827, DF 44/98 n°976 concl.

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Considérant que, s’il n’appartient qu’au juge répressif de sanctionner les infractions aux dispositions de l’article 378 du Code pénal, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’un contribuable astreint au secret professionnel par l’article 378 conteste, devant lui, la régularité de la procédure d’imposition suivie à son égard, au motif que celle-ci aurait porté atteinte à ce secret, d’examiner le bien-fondé d’un tel moyen; Considérant qu’en jugeant que le respect du secret médical, institué dans le seul intérêt des patients, n’avait pas cessé de s’imposer à M. Chung pendant toute la période durant laquelle il a illégalement poursuivi l’exercice de son activité de médecin, et en se reconnaissant compétente pour déterminer si la procédure d’imposition qui lui a été appliquée avait, comme il le soutenait, été entachée de nullité pour avoir comporté l’utilisation des renseignements contenus dans des documents couverts par ce secret, la Cour administrative d’appel de Paris n’a commis aucune erreur de droit; Considérant qu’en statuant ainsi, la cour n’a pas entendu restreindre le pouvoir de contrôle dont dispose l’administration à l’égard des contribuables qui sont astreints au secret professionnel, à l’examen des seuls documents qui sont spontanément présentés par ces derniers; Considérant qu’en estimant qu’il ressortait du rapport établi par l’administration à l’intention de la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, que les documents communiqués par l’autorité judiciaire au service des impôts ne contenaient pas seulement des informations sur le paiement des actes effectués pat M. Chung, mais comportaient aussi les noms de patients ayant recouru à ses soins et qu’ainsi le vérificateur avait utilisé, pour reconstituer le chiffre d’affaires de M. Chung, des pièces qui en plus des renseignements d’ordre comptable, étaient assorties d’indications nominatives couvertes par le secret médical, de sorte que la procédure d’imposition suivie à l’encontre de M. Chung avait été irrégulière et que, par suite, il y avait lieu de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées par l’intéressé, la cour administrative d’appel n’a entaché son arrêt d’aucune dénaturation des pièces du dossier qui lui était soumis.”

La doctrine (1) souligne le fait que les éléments constitutifs de la violation du secret professionnel aient été spontanément communiqués à l’administration fiscale par l’autorité judiciaire n’a donc pas pour résultat de « blanchir » la procédure d’imposition. On rappellera enfin les dispositions de l’article A.97-2 du LPF issues d’un arrêté interministériel du 19 juillet 1948 aux termes desquelles: "en vue de la vérification des

relevés individuels, les agents de l’administration des impôts peuvent obtenir communication, au siège de la caisse ou de la société, des feuilles de maladie, de soins et de prothèse, à l’exclusion des ordonnances médicales, ayant servi à l’établissement de ces relevés", en précisant que l’administration ne peut invoquer les

dispositions de ce texte au motif qu’en prévoyant la communication des feuilles de maladie comportant les noms des malades elles excédaient les limites de la délégation de compétence donnée au gouvernement par les articles 24 et 25 de la loi 48-809 du 13 mai 1948 (2). Sur ce point la cour de Nantes considérera "que ces dispositions n’ont pas pour objet et ne

peuvent légalement avoir pour effet de permettre à l’administration des impôts

(1) Verclytte “Opposabilité du secret médical aux services fiscaux: évolutions législatives,

confirmation jurisprudentielle”, RJF 98 p.535 et ss (2) TA Rennes 16 janvier 1985, Gaz. Pal. 85-1-p.361 note Viala

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d’avoir connaissance par l’intermédiaire d’organismes de sécurité sociale des faits couverts par le secret médical, au nombre desquels figure le nom des patients" (1).

Le Conseil d’Etat (2) a refusé d’admettre le pourvoi en cassation dirigé contre un arrêt (3) qui jugeait que, le receveur des impôts avait pu mettre en oeuvre le droit de communication prévu à l'article L 86 du LPF afin d'obtenir auprès du contribuable, qui exerçait la profession d'avocat, les noms et adresses des clients qui étaient en relation d'affaires avec lui dès lors que les dispositions des articles L 86 et L 86 A du LPF organisent un droit de communication de l'administration fiscale auprès des membres des professions non commerciales qui interdit tout rapprochement entre, d'une part, l'identité des clients, le montant, la date et la forme des versements effectués par ceux-ci et, d'autre part, la nature des prestations qui leur sont fournies, dispositif qui ne contrevient pas aux dispositions protectrices du secret professionnel de l'article 226-13 du Code pénal et que le législateur n'a pas entendu exclure la profession d'avocat, dont l'activité entre dans le champ de celles visées par l'article L 86 du LPF, de l'exercice d'un tel droit de communication. La question de savoir si le secret professionnel auquel sont tenus les avocats fait obstacle à l'exercice de son droit de communication par l'administration fiscale dans les limites prévues par l'article L 86 du LPF appelle traditionnellement une réponse négative qu’il s’agisse de la jurisprudence sur le blanchiment (4). Il en va de même pour les médecins (5). Dernière précision, la violation du secret médical ne constitue pas un motif d’ordre public (6). On doit alors s’interroger sur les conditions des modifications législatives introduites par la loi de finances pour 2000 (7). En réaction à la jurisprudence de Conseil d’Etat sanctionnant les procédures caractérisées par la communication des noms des clients du professionnel soumis au secret professionnel, l’administration a fait introduire dans le LPF des dispositions lui permettant d’obtenir la communication des identités de ces clients mais afin de ne pas vider le secret professionnel de tout contenu ces dispositions ont réaffirmé que l’administration ne pouvait connaître la nature des prestations fournies. Or, par expérience, l’administration cherche toujours a obtenir le maximum d’éléments et dans la plupart des cas sanctionnés par le Conseil d’Etat dans les années qui précèdent, l’administration avait eu communication des noms certes mais aussi d’autres éléments couverts par le secret professionnel. Il est probable que la jurisprudence sanctionnant le

(1) CAA Nantes 2 mai 1996 n°94NT00250, Méas, RJF 96 n°1035, DF 39/96 n°1151 (2) CE (na) 10 juillet 2009 n°311161 et 311162, Lautman, RJF 10 n°147 (3) CAA Marseille 4 octobre 2007 n°06MA03486 et n°03MA02272, RJF 08 n°1214 (4) CJCE 26 juin 2007 n°305/05, Ordre des barreaux francophones et germanophones,

Rec. I p. 5305 CE 10 avril 2008 n°296845, 296907 sect., Conseil national des barreaux, Lebon p. 129

concl. M. Guyomar (5) CE 17 juin 1998 n°156531 et 156532, Chung, RJF 98 n°827 chron. S. Verclytte p 535

CE 7 juillet 2004 n°253711, Wiedemann, RJF 04 n°1023 (6) CE 12 mai 1997 n°160785, Vandenbulcke, RJF 97 n°723 (7) Loi 99-1172 du 30 décembre 1999 art.91, DF 1-2/2000 n°1 p.78 et 99

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rapprochement de données nominatives et de données relatives aux prestations fournies couvertes par le secret professionnel a de beaux jours devant elle.

86/ La déclaration des honoraires versés L’article 240 du CGI ne vise pas seuls titulaires de BNC mais il les vise aussi :

« 1. Les personnes physiques qui, à l'occasion de l'exercice de leur profession versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes dans les conditions prévues aux articles 87, 87 A et 89 (1). Ces sommes sont cotisées, au nom du bénéficiaire, d'après la nature d'activité au titre de laquelle ce dernier les a perçues. 1. bis La déclaration prévue au 1 doit faire ressortir distinctement pour chacun des bénéficiaires le montant des indemnités ou des remboursements pour frais qui lui ont été alloués ainsi que, le cas échéant, la valeur réelle des avantages en nature qui lui ont été consentis. 2. Les dispositions des 1 et 1 bis sont applicables à toutes les personnes morales ou organismes, quel que soit leur objet ou leur activité, y compris les administrations de l'Etat, des départements et des communes et tous les organismes placés sous le contrôle de l'autorité administrative.

Quant à la sanction de cette obligation elle est prévue par l’article 1736 du CGI qui est rédigé en ces termes :

« I. - 1. Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l'article 240 et au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B. L'amende n'est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. »

87/ Ordres et chambres L’administration avait informé la chambre des notaires de Seine et Marne qu’elle entendait prendre connaissance du rapport de la vérification opérée par la chambre sur l’étude d’un notaire. La chambre avait communiqué le rapport qui lui était demandé et elle avait saisi les juridictions administratives d’un recours pour excès de pouvoir à l’occasion duquel le Conseil d’Etat (1) précisera le champ d’application de l’article L.83 du LPF sur deux points. La notion « d’organisme de toute nature soumis au contrôle de l’autorité administrative »

(1) CE 7 novembre 2008 n°305609, Chambre départementale des notaires de Seine et

Marne, RJF 09 n°54 et chron. p.3 et ss

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C’est avec une motivation minutieuse, fondée sur les textes encadrant le fonctionnement des chambres départementales des notaires que le Conseil d’Etat précisait la notion « d’organisme de toute nature soumis au contrôle de l’autorité administrative » :

« Considérant en premier lieu, que selon les dispositions de l’article 4 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 les chambres départementales des notaires ont pour attribution conformément aux dispositions du décret du 12 août 1974 relatif aux inspections des études des notaires, d’effectuer des inspections sur ces officiers publics ; qu’elles établissent un règlement fixant les usages de la profession et les rapports des notaires tant entre eux qu’avec la clientèle ; que ce règlement est soumis à l’approbation du garde des sceaux, ministre de la justice ; qu’aux termes du même article dans sa rédaction alors applicable, elles avaient pour mission de prononcer ou de proposer l’application aux notaires de mesures de discipline et qu’aux termes de l’article 42 de l’ordonnance du 28 juin 1945 dans sa rédaction alors applicable, les chambres de discipline constituées à cet effet pouvaient, en cas de manquement grave à leurs devoirs, être suspendues ou dissoutes par arrêté du garde des sceaux ; que par suite, c’est sans erreur de droit que la cour a juge que la chambre départementale des notaires de Seine et Marne était soumise au contrôle de l’autorité administrative pour l’application de l’article L.83 du LPF » (1).

La solution retenue pour les chambres départementales des notaires n’est donc pas aisément transposable à toutes les structures professionnelles et/ou ordinales (2). Il est à noter que pour la période postérieure à la loi réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques (3) a fait disparaître un des deux éléments retenus par le Conseil d’Etat, ne subsiste que l’approbation du règlement par le garde des sceaux. La notion de « document de service » Dans le même arrêt (4), le Conseil d’Etat précisait la notion de « document de service en ces termes :

« Considérant en second lieu, qu’un document de service au sens de l’article L.83 précité, s’entend de tout document élaboré dans les cadre des missions de l’organisme à raison desquelles celui-ci est regardé comme soumis au contrôle de l’autorité administrative ».

(1) CE 7 novembre 2008 n°305609, Chambre départementale des notaires de Seine et

Marne, RJF 09 n°54 et chron. p.3 et ss (2) Anonyme, « Droit de communication et garanties du contribuable rectifié sur le

fondement de renseignements obtenus de tiers : le tableau se précise », RJF 09 chron. p.3 et ss

(3) Loi n°2004-130 du 11 février 2004, art. 42 à 45, JORF 12/02/04 p.2847, D.04 p.542 (4) CE 7 novembre 2008 n°305609, Chambre départementale des notaires de Seine et

Marne, RJF 09 n°54 et chron. p.3 et ss

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Parag.9/ Le droit de communication auprès des agriculteurs et coopératives agricoles L’article 88 de la loi de finances pour 1984 (1), codifié à l’article L.85-A du LPF, étend le droit de communication aux agriculteurs et aux coopératives agricoles :

« Les exploitants agricoles, quelle que soit la forme et les modalités de l’exploitation, et les organismes de quelque nature que ce soit, auxquels ils vendent ou achètent leurs produits, doivent communiquer à l’administration, sur sa demande, les documents comptables, pièces justificatives de recettes et de dépenses et tous les documents relatifs à leur activité. »

Aux termes de ce texte, le droit de communication dont dispose l’administration porte sur les documents comptables détenus par les exploitants agricoles, les coopératives agricoles, etc..., ainsi qu’aux pièces justificatives et tous les documents relatifs à leur activité, qu’ils exploitent à titre individuel, en société de fait, en groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC), en société civile agricole (SCA), en groupement foncier agricole (GFA). Commentant ce texte, l’administration précisera (2) que le droit de communication s’étend aux documents comptables obligatoires, aux documents spécifiques et aux documents facultatifs. -/ Les documents comptables obligatoires varient selon l’impôt et le régime d’imposition en cause. Sont notamment visés: le livre-journal, le livre d’inventaire, les pièces justificatives relatives aux recettes, aux dépenses et aux stocks (bordereaux de livraison, bordereaux d’approvisionnement, relevés de comptes, factures, inventaires détaillés, fiches de paye, correspondances). Les exploitants agricoles imposables à la TVA selon le régime simplifié de l’agriculture doivent tenir une comptabilité leur permettant de fournir les renseignements à faire figurer sur la déclaration annuelle de régularisation et de justifier les opérations, taxables ou non, qu’ils réalisent: livre de ventes, livre des achats, pièces justificatives correspondantes). -/ Les documents spécifiques: les exploitants agricoles relevant de la TVA soit à titre obligatoire, soit sur option, pour l’ensemble de leurs opérations portant sur les animaux vivants de boucherie et charcuterie sont astreints à l’établissement et à la présentation: � d’une comptabilité matière permettant d’identifier les animaux aux entrées et sorties et

indiquant notamment leur origine et leur destination; � des factures de vente correspondantes. Il est précisé qu’en vertu de l’article 2 de l’arrêté du 4 octobre 1978 pris en application du décret du 23 mars 1978 sur l’identification permanente et généralisée du cheptel bovin, tout propriétaire de bovins identifié doit tenir un registre d’étable. -/ Sans que cette énumération soit exhaustive au nombre des documents facultatifs on peut citer: � le cahier de sole qui indique la répartition de la surface utilisée, � les comptes d’exploitation générale et bilans, � le dossier d’analyse de gestion dressé par le Centre de gestion agréé, � divers documents internes: fiches techniques d’exploitation, inventaires permanents,

carnets de résultats, carnets d’exploitation...

(1) Loi 83-1179 du 29 décembre 1983, JORF 30/12/83 p.3799 (2) BODGI 13 K-1-84, du 18 juillet 1984

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Pour tous ces documents, l’article L.82 du LPF crée une obligation de conservation pendant un délai de six ans. S’agissant plus spécifiquement des coopératives agricoles: L’article 207-3° du CGI fait obligation aux sociétés coopératives agricoles et leurs unions

« de produire à toute réquisition de l’administration, leur comptabilité et les justifications nécessaires tendant à prouver qu’elles fonctionnent conformément aux dispositions législatives et réglementaires relatives au statut juridique de la coopération agricole. »

L’administration des impôts utilisera largement ce droit pour rechercher les comptes ouverts des agriculteurs dans les comptes des coopératives et tenter de les requalifier en compte courant. Sur ce point, la jurisprudence s’attache aux modalités de fonctionnement du compte (1) et le Conseil d’Etat précisera (2) que c’est l’accord des parties selon lequel l’inscription d’une somme au compte vaut par elle-même juridiquement paiement qui constitue le critère déterminant pour distinguer un compte courant d’un compte de compensation de créances et dettes.

(1) CE 23 octobre 1991 n°68663, RJF 80 n°210

CE 12 octobre 1992 n°111755, RJF 92 n°1650, DF 11/93 n°541 concl. (2) CE 20 novembre 1995 n°126439, Bérillon, RJF 96 n°40

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Parag.10/ Autres dispositions

-/ L’article L.87 du LPF soumet au droit de communication toutes les institutions et tous les organismes qui, ne possédant pas la qualité de commerçant, ne sont pas soumis aux obligations comptables édictées par le titre 2 du livre 1° du code de commerce, sous réserve que ces institutions ou organismes paient des salaires, des honoraires, des rémunérations quelconques, ou encore encaissent, gèrent ou distribuent des fonds pour le compte de leurs adhérents. -/ L’article L.82-A du LPF selon lequel les personnes tenues de souscrire les déclarations prévues aux articles 240 et 241 du CGI (déclaration des commissions, courtages, ristournes, honoraires, droits d’auteur, etc.) doivent tenir à la disposition des agents des impôts les documents comptables permettant de connaître les honoraires et revenus assimilés qu’elles versent annuellement. Sont soumis aux obligations des articles 240 et 241, les chefs d’entreprises ainsi que les contribuables dont le revenu relève de la catégorie des BNC et les entreprises, sociétés ou associations, qui procèdent à l’encaissement et au versement des droits d’auteurs ou d’inventeurs. Les sanctions de ces obligations sont prévues à l’article 1736 du CGI dans sa rédaction issue de l’ordonnance de 2005 (1) sous l’intitulé « 5. Infractions commises par les tiers déclarants ». -/ Les articles 86 du CGI et L.82-B du LPF prévoient que toute personne physique ou morale qui paie des sommes imposables (traitements ou salaires) est tenue pour chaque bénéficiaire d’un paiement imposable, de mentionner sur son livre, fichier ou autre document destiné à l’enregistrement de la paie, ou, à défaut, sur un livre spécial: la date, la nature et le montant de ce paiement, le nombre de personnes déclarées par le bénéficiaire comme étant à sa charge. Ces documents peuvent être demandés par les agents des impôts et doivent leur être communiqués. -/ Le droit de communication auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. L’article 110 de la loi de finances pour 1993 (2) a doté l’administration fiscale d’un droit de communication lui permettant d’exercer son contrôle sur la validité des reçus présentés par les personnes morales, les entreprises individuelles et les particuliers qui ont consenti des dons pour le financement d’activités politiques (3). En effet, l’article 11-4 de la loi relative à la transparence financière de la vie politique (4), l’article 18 de la loi relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des partis politiques (5), l’article 5 de la loi de finances pour 1990 (6) codifiés aux articles 200-2-bis et 238-bis-I du CGI organisent cette déduction autour de la présentation d’un reçu.

(1) Ord. n°2005-1512 du 7 décembre 2005, art. 13-IV, JORF 08/12/05 p.18912 (2) Loi n°92-1376 du 30 décembre 1992, DF 1-2/93 n°1, FR 62/92 (3) BOI *4 C-1-93 et *5 B-1-93, DF 93-II-10.879 (4) Loi n°88-227 du 11 mars 1988, JORF 12/03/88 p.3290 (5) Loi 90-55 du 15 janvier 1990, DF 6/90 n°195 (6) Loi 89-935, DF 2-3/90 n°54, JORF 30/12/89 p.16337, JCP 90-E-III-63.414, 63.804

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"Afin de permettre à l’administration d’exercer son contrôle sur la validité des reçus présentés et donc sur le bien-fondé de la demande d’avantage fiscal formulée par le contribuable" (1) l’article 110 de la loi de finances pour 1993 (2) permet aux agents

des impôts de demander à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CCFP) d’authentifier les justificatifs des dons produits par les contribuables tandis que cette commission communique à l’administration fiscale les infractions qu’elle a relevées pouvant avoir une incidence fiscale. Dans son commentaire de ce texte, l’administration précise en effet (3) : « lorsque le don

est inférieur ou égal à 20.000 F, le service doit, même lors d’un ESFP, s’abstenir de toute demande relative à l’identité du bénéficiaire, dans la mesure où la confidentialité de celui-ci a été prévue par le législateur. En pratique aucune photocopie de chèque ne pourra être, dans ce cas, demandée au donateur. Dés lors, le service devra, recourir au droit de communication auprès de la CCFP. »

-/ L’article L.135-J du LPF organise un droit de communication au profit de l’administration des impôts auprès des chambres des métiers. Ce texte est issu de l’article 129 de la loi de finances pour 2000 (4) la qualité de sa rédaction a nécessité une nouvelle intervention législative (5) pour son second alinéa.

(1) BOI *4 C-1-93 et *5 B-1-93, DF 93 II 10.879 (2) Loi n°92-1376 du 30 décembre 1992, DF 1-2/93 n°1 (3) BOI *4 C-1-93 et *5 B-1-93, DF 93 II 10.879 (4) Loi n°99-1172 du 30 décembre 1999 art. 129, DF 1-2/00 n°1 (5) Loi n°2000-1352 du 30 décembre 2000 art. 113, DF 1/01 n°1 p.104 et 114

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Parag.11/ Droit de communication auprès de tiers

non soumis à une obligation de communication La jurisprudence du Conseil d’Etat admet que l’administration fiscale puisse demander des renseignements à des personnes non soumises au droit de communication. Elle a posé ce principe dans un arrêt déjà ancien (1) dont le considérant de principe mérite d’être cité :

« Le service pouvait se fonder sur tous documents en sa possession, y compris notamment les renseignements qu’aurait fournis une administration étrangère; que la circonstance que ladite administration n’aurait été tenue par aucune convention diplomatique d’informer, comme elle l’a fait, l’administration française, n’est pas de nature à entacher d’irrégularité la procédure d’imposition. »

Le Conseil d’Etat réaffirmera cette position plusieurs fois, jusqu’à une décision de Plénière (2) et des décisions récentes (3). Cette jurisprudence pose cependant une condition à l’usage débordant du droit de communication : les personnes interrogées, dans la mesure où elles ne sont pas soumises au droit de communication "n’étaient pas tenues de répondre aux questions posées" (4) ce qui rapidement devait conduire, le Conseil d’Etat à préciser que l’administration ne doit pas induire en erreur les tiers auxquels elle s’adresse (5):

« si l’administration est en droit d’utiliser, pour les besoins de l’établissement de l’assiette et du contrôle des impositions de toute nature, tous les renseignements qu’elle a pu recueillir auprès des simples particuliers, elle ne peut pas, pour obtenir ces renseignements, se prévaloir auprès d’eux des dispositions ... du chapitre II du LPF, relatives au droit de communication, qui ne leur sont pas applicables et risquent ainsi de les induire en erreur sur l’étendue de leurs obligations à son égard ».

Le Commissaire du Gouvernement Fouquet, dans ses conclusions (6), apportera sur ce point les précisions suivantes:

« l’erreur que commet l’administration en envoyant à un contribuable, au lieu d’un avis de passage sans caractère contraignant dans le cadre d’une VASFE, un avis de vérification de comptabilité qui implique des sanctions en cas d’opposition à contrôle fiscal, n’est pas sans conséquence. Le contribuable est induit en erreur sur ses droits. Il en va de même dans l’affaire dont vous êtes aujourd’hui saisis. Ceux des clients de M. Marchantetti qui n’étaient pas tenus de répondre à la demande de renseignements de la DNEF, ont pu être induits en erreur sur leur faculté d’abstention, par la lettre que nous avons citée, dans la mesure où elle se référait à l’exercice du droit de communication dont le refus est sanctionné. »

La lettre à laquelle il est fait référence ici était ainsi rédigée: Monsieur,

(1) CE 13 juillet 1963 n°58561 et 58563, DF/63 n°1166, RO p.398 (2) CE 19 décembre 1975 n°88119, RJF 76 n°52 (3) CE 14 juin 1982 n°23661, RJF 82 n°840 (4) CE 14 juin 1982 n°23661, RJF 82 n°840 (5) CE 1er juillet 1987 n°54222, RJF 87 n°1020 (6) Fouquet, concl. RJF 87 p.505 et ss.

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Conformément aux dispositions des articles 1987 et suivants du CGI, je vous serais obligé de bien vouloir m’indiquer le montant des honoraires, commissions ou toutes autres rémunérations versées en 1970, 1971, 1972 et 1973 à M. Marchantetti... Veuillez également préciser la date et le mode de règlement de ces sommes (chèques, mandats, CCP, espèces...) En cas de paiement par chèque, le nom du tiré, la banque et l’agence. Enfin, veuillez préciser à quel titre ces sommes ont été versées à M. Marchantetti. Dans l’attente de votre réponse sous quinzaine à compter de la date de réception de la présente, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués. "Nous n’avons dans ces conditions, aucune hésitation à admettre que l’administration a ainsi entaché d’irrégularité les demandes de renseignements qu’elle a adressées à ceux des clients de M. Marchantetti qui n’étaient pas soumis au droit de communication."

Quelques années plus tard la jurisprudence précisait : « Considérant que si l'administration

peut régulièrement, pour les besoins de l'établissement de l'impôt, demander des renseignements à des personnes non soumises au droit de communication prévu au chapitre II du titre II du livre des procédures fiscales, c'est à la double condition que les intéressés ne soient pas tenus de répondre aux questions posées, et que la demande de renseignements qui leur est adressée par le service ne soit pas susceptible d'induire les destinataires en erreur sur l'étendue de leur obligation à cet égard » (1).

Quelles conséquences tirer de cette irrégularité ?

"Faut-il distinguer au sein de l’enquête effectuée par la DNEF auprès des clients de M. Marchantetti entre les renseignements qui ont été régulièrement obtenus auprès des tiers qui étaient soumis au droit de communication et ceux qui l’ont été irrégulièrement, dans les circonstances de l’espèce, auprès de tiers non soumis au droit de communication ? La distinction nous paraît juridiquement fondée. Mais elle n’est pas pour autant toujours possible à appliquer en fait. Si les demandes de renseignements irrégulières n’ont été adressées qu’à un petit nombre de tiers concernés par l’enquête, nous pensons que la non prise en considération par le juge des informations obtenues de façon irrégulière n’est pas de nature à fausser le sens général des conclusions de l’enquête et que l’administration peut continuer à invoquer ceux des renseignements qu’elle a obtenus régulièrement auprès des tiers concernés par l’enquête et soumis au droit de communication. Si en revanche les demandes de renseignements irrégulières ont été adressées à un nombre important de tiers concernés par l’enquête, c’est le sens général des conclusions de l’enquête qui risque d’être faussé. Il n’est plus possible alors de faire une distinction entre les demandes de renseignements régulières et irrégulières et le juge doit écarter les résultats de l’enquête dans leur ensemble."

C’est ainsi que dans une affaire où les informations irrégulièrement relevées par l’administration ne dépassaient pas 10% de l’ensemble le juge administratif refusera d’annuler la procédure et ce d’autant plus que dans les circonstances de l’espèce

(1) CAA Lyon 17 novembre 2011 n°11LY00868, Menoni, RJF 12 n°396

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l’administration avait eu recours au droit de communication après avoir découvert l’activité occulte du contribuable dans le cadre d’une VASFE (1). Quelques années plus tard une procédure sera invalidée en raison du caractère irrégulier d’une enquête effectuée par l'administration auprès de tiers non soumis au droit de communication, alors même que les demandes d'information ne faisaient mention ni de ce droit, ni d'une éventuelle sanction en cas d'absence de réponse dans le délai imparti, dès lors que l'administration a adressé à deux personnes n'ayant pas répondu une relance comminatoire, induisant ainsi les intéressées en erreur sur l'étendue de leurs obligations (2). En contrepartie la jurisprudence a admis qu’un agent de catégorie C de l’administration fiscale est compétent pour adresser une demande de renseignements non contraignante (3) dès lors que de telles demandes ne constituent pas des actes de procédure tendant à fixer les bases d’imposition au sens de l’article 350-terdecies de l’annexe III au CGI (4).

(1) CAA Nantes 7 juillet 1994 n°92NT00009, RJF 95 n°67 (2) CAA Lyon 24 juillet 2003 n°98LY00342, Poncet, RJF 03 n°1419 (3) CAA Paris 6 janvier 2012 n°09PA06533, Lu, DF 38/12 n°444 (4) TA Cergy-Pontoise 20 juin 2006 n°02-03426, Tsala, cité in note DF 38/12 n°444

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Parag.12/ Droit de communication auprès d’administrations étrangères

L’internationalisation des relations économiques a conduit les états à développer des politiques de coopération internationales qui vont du contrôle fiscal simultané à la procédure d’assistance administrative en matière d’assiette et/ou de recouvrement de l’impôt. Les organisations internationales comme l’OCDE ou la Communauté européenne, constituent le lieu privilégié de cette coopération qui s’exprime par des directives communautaires des 19 décembre 1977 (1) et 6 décembre 1979 (2), par le règlement communautaire du 27 janvier 1992 (3). Des structures comme le "Groupe des quatre" dirigeants des administrations fiscales de France, République Fédérale d’Allemagne, Etats-Unis, Grande-Bretagne illustrent ce souci de dépasser les cadres nationaux. Dans ce cadre les communications entre administrations prennent la forme soit d’opérations simultanées soit d’assistance fiscale internationale.

12-1/ Les opérations simultanées. Les opérations simultanées peuvent être soit des vérifications simultanées soit des enquêtes fiscales simultanées. Comme le rappelle M. Douvier (4): "un contrôle fiscal simultané est un “contrôle entrepris

en vertu d’un accord par lequel deux ou plusieurs contractants conviennent de contrôler simultanément et de manière indépendante, chacun sur son territoire, la situation fiscale d’un ou plusieurs contribuables qui présentent pour elles un intérêt commun complémentaire en vue d’échanger les renseignements ainsi obtenus”. Une telle assistance mutuelle ne remplace pas en principe la procédure amiable. Il en résulte que les échanges de renseignements, dans le cadre d’un tel contrôle simultané, doivent s’effectuer par l’entremise des autorités compétentes, ce qui suppose que toute mesure de sauvegarde prévue à cet effet soit respectée. La vérification simultanée dans plusieurs Etats des diverses sociétés d’un groupe international peut être mise en œuvre dans le cadre des procédures bilatérales d’échange de renseignements prévues dans la plupart des conventions fiscales. Un groupe de quatre pays (Etats-Unis, France, Allemagne, Royaume-Uni) est même convenu, de manière informelles, de procéder à de telles vérifications sans pour autant que des traités internationaux nouveaux soient requis. Ces procédures qui restent, à ce jour rares, sont en France de la compétence de la DVNI (Direction des Vérifications Nationales et Internationales). La convention conjointe du Conseil de l’Europe et de l’OCDE sur l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale vise également ces vérifications fiscales simultanées dans leur article 8. Il faut également être conscient que les fonctionnaires

(1) Directive CEE 77/799 du 19 décembre 1977, JOUE L.336 du 27/12/77 (2) Directive CEE 79/1070 et 79/1071 du 6 décembre 1979, JOUE L.331 du 27/12/79 (3) Règlement CEE 218/92 du Conseil du 27 janvier 1992 (4) Douvier "Une nouvelle bataille économique ..." BF 12/95 p.666

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des services fiscaux se rencontrent habituellement pour planifier et coordonner les vérifications simultanées et suivies. Ces vérifications trouvent également leur fondement dans la directive européenne du 19 décembre 1977 déjà citée, en procédant à l’harmonisation des procédures d’échange d’information entre administrations des Etats membres de la Communauté Européenne."

Les enquêtes fiscales simultanées « notamment avec les Etats-Unis, ont pour but affiché de

lutter contre la fraude fiscale susceptible d’être pénalement réprimée. Chaque Etat fixe ses priorités en la matière, sélectionne ses dossiers et définit ses méthodes d’enquêtes en toute indépendance, dans le cadre de ses lois et procédures internes. Ceci n’interdit pas de coordonner et de planifier les investigations. Les modalités d’échanges de renseignements sont généralement fixées par ces accords particuliers. » (1).

12-2/ L’assistance internationale Les problèmes liés à l’information du contribuable sont traités dans les développements relatifs à la notification de redressement (2111221) de sorte que le présent développement sera consacré exclusivement à la mise en œuvre de l’assistance internationale. En pratique, la mise en œuvre de l’assistance internationale, conduit à s’interroger d’abord sur son cadre législatif réglementaire et doctrinal national avant d’envisager ses modalités pratiques de mise en œuvre et ses limites tenant le plus souvent aux contraintes nationales de l’administration partenaire de l’échange.

./ Le cadre international de l’assistance administrative La doctrine (2) rappelle que l’échange de renseignements entre administrations d’Etats différents, peut revêtir trois formes : l’échange sur demande, l’échange spontané et l’échange d’office. La « norme » OCDE qui s’impose exige seulement que soit pris un engagement de fournir des informations « sur demande », et si ces informations sont « vraisemblablement pertinentes » pour l’application de la législation fiscale de l’Etat requérant.

« L’article 26 §-1 du modèle OCDE de conventions internationales pose le principe de l’échange de renseignements entre les autorités compétentes des Etats. Le champ d’application de cette disposition est très large : - l’échange de renseignements peut concerner non seulement des résidents de l’un ou

l’autre Etat, mais aussi des personnes qui résident dans un Etat tiers, quelle que soit leur nationalité ;

- depuis la révision du modèle intervenue en avril 2000, tous les impôts peuvent être concernés, même s’ils ne sont pas visés par la convention fiscale (par exemple, la

(1) Lambert “Un aspect méconnu du contrôle fiscal : l’assistance fiscale internationale”,

BF 4/00 Etude p.215 et ss. (2) Gouthière, « Portée de la clause d’échange de renseignements », FR 35/09 n°6

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TVA) et même si aucun article particulier de la convention fiscale n’est en cause (Commentaires OCDE, C (26) n° 10.1) ;

- les renseignements peuvent être demandés non seulement pour l’application de la convention mais aussi pour l’administration ou l’application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination (une limite est cependant posée, qui tient à ce que l’imposition ainsi prévue en droit interne ne doit pas être contraire à la convention).

Toutefois, seuls peuvent être demandés, depuis la révision du modèle de convention fiscale de juillet 2005, les renseignements « vraisemblablement pertinents » pour atteindre l’objectif de l’article 26. Les commentaires de l'OCDE précisent, à ce propos, que la norme de « pertinence vraisemblable » a pour but « d’assurer un échange de renseignements en matière fiscale qui soit le plus large possible tout en indiquant clairement qu’il n’est pas loisible aux Etats contractants « d’aller à la pêche aux renseignements » ou de demander des renseignements dont il est peu probable qu’ils soient pertinents pour élucider les affaires fiscales d’un contribuable déterminé » (Commentaires OCDE, C (26) n° 5). En principe, la « norme » OCDE impose que l’Etat requérant ait utilisé tous les moyens dont il dispose pour obtenir l’information requise ; les commentaires de l’OCDE précisent, en ce sens, « qu’il faut utiliser tout d’abord les sources habituelles de renseignements prévues par la procédure fiscale interne avant de présenter la demande de renseignements à l’autre Etat » (Commentaires OCDE, C (26) n° 9). »

Ces échanges connaissent en outre quelques restrictions : � un Etat ne peut aller au-delà de sa législation et de sa pratique administrative normale

pour satisfaire un autre Etat ; � un Etat n’est pas obligé de fournir des renseignements que l’autre Etat ne pourrait

obtenir lui-même, en vertu de sa législation ou de sa pratique administrative (mais cette limite n’est pas invocable pour garantir le secret bancaire ou la clause d’intérêt fiscal national) ;

� un Etat n’a jamais l’obligation de fournir à un autre Etat des informations qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l’ordre public en application de l’article 26 du « modèle OCDE dont les commentaires OCDE (C (26) n° 19) précisent que cette clause ne doit cependant pas être interprétée de manière trop large : « avant d’invoquer ces dispositions, un Etat contractant devra apprécier avec soin si les intérêts du contribuable en justifient réellement l’application » ; une interprétation trop large rendrait inefficaces les stipulations conventionnelles. La clause est rédigée de telle manière que les Etats peuvent apprécier la notion de secret, afin de protéger les intérêts de leurs contribuables ; mais si un Etat fournit délibérément de tels renseignements, le contribuable ne peut normalement pas invoquer une infraction aux règles du secret sur le fondement de la convention fiscale. Il n’en va différemment que s’il existe une disposition expresse en droit interne comme l’article R*114-A-2 du LPF selon lequel :

« 1. L’administration française ne peut fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel ou professionnel, ou dont la divulgation serait de nature à porter atteinte à la sécurité ou à l’ordre public. II. Elle n’est pas tenue de fournir des renseignements qui, sur la base de la législation en vigueur ou de la pratique administrative, ne pourraient pas être utilisés pour l’établissement ou le recouvrement de l’impôt français, ou qui ne pourraient pas être

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obtenus dans l’autre Etat membre, sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative. »

La confidentialité des informations transmises pose des problèmes épineux que la jurisprudence n’a pas clairement précisés. Les renseignements ne peuvent pas être transmis à d’autres administrations que l’administration fiscale même s’ils peuvent leur être utile à d’autres administrations (cas des informations fiscales utilisées à des fins douanières ou de contrôle des changes) sauf lorsque plusieurs conditions sont réunies : � la Convention applicable précise que les renseignements reçus par un Etat peuvent être

utilisés à des fins autres que fiscales, � cette possibilité résulte des lois des deux Etats, � l’autorité compétente de l’Etat qui fournit les renseignements autorise cette utilisation. La France négociera l’introduction, dans les conventions qu’elle a déjà signées, d’avenants prévoyant des échanges de renseignements : L’avenant du 27 août 2009 (1) avec la Suisse précise ainsi que les renseignements reçus par un Etat peuvent être utilisés à d’autres fins lorsque cette possibilité résulte des lois des deux Etats et lorsque l’autorité compétente de l’Etat qui fournit les renseignements autorise cette utilisation. Des avenants ayant le même objet seront conclus avec Singapour (2), la Malaisie (3), la Belgique (4), Bahreïn (5), le Luxembourg (6), Saint-Marin (7), Guernesey (8), le Kenya (9), l’Uruguay (10), Vanuatu (11), Antigua et Barbuda (1), Grenade (2), Sainte-Lucie (3), (3), Saint Vincent et les Grenadines (4), Saint Christophe et Niévès (5).

(1) Loi n°2010-1198 du 12 octobre 2010, JORF 13/10/10 p.18385

BOI 5 I-2-11 du 3 juin 2011, DF 24/11-II-14471 Décret n°2010-1532 du 10 décembre 2010, JORF 12/12/10 p.21764 BOI 14 A-8-11 du 26 juillet 2011, DF 35/11-II-14491

(2) Loi n°2010-1193 du 12 octobre 2010, JORF 13/10/10 p.18384 Décret n°2011-31 du 7 janvier 2011, JORF 09/01/11 p.540 BOI 14 A-2-11 du 31 mars 2011, DF 18-19/11-II-1447

(3) Loi n°2010-1194 du 12 octobre 2010, JORF 13/10/10 p.18384 Décret n°2011-33 du 7 janvier 2011, JORF 11/01/11 p.569 BOI 14 A-3-11 du 31 mars 2011, DF 18-19/11-II-1448

(4) Loi n°2010-1195 du 12 octobre 2010, JORF 13/10/10 p.18384 (5) Loi n°2010-1196 du 12 octobre 2010, JORF 13/10/10 p.18385

Décret n°2010-1632 du 23 décembre 2010, JORF 28/12/10 p.22769 BOI 14 A-5-11 du 18 mai 2011, DF 22/11-II-14468

(6) Loi n°2010-1197 du 12 octobre 2010, JORF 13/10/10 p.18385 Décret n°2011-109 du 27 janvier 2011, JORF 29/01/11 p.1870 BOI 14 A-1-11 du 17 mars 2011, DF 12/11-II-14426

(7) Loi n°2010-1210 du 13 octobre 2010, JORF 13/10/10 p.18519 (8) Loi n°2010-1343 du 9 novembre 2010, JORF 11/11/10 p.20132 (9) Loi n°2010-1371 du 11 novembre 2010, JORF 14/11/10 p.20296 (10) Loi n°2010-1381 du 13 novembre 2010, JORF 16/11/10 p.20347 (11) Loi n°2010-1382 du 13 novembre 2010, JORF 16/11/10 p.20348

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Des accords sous forme d’échange de lettres relatifs à l’échange de renseignement en matière fiscale ont été publiés au JO, ils concernent les Bermudes (6), les Bahamas (7), la Suisse (8), le Liechtenstein (9), les îles Caïman (10), les îles Vierges britanniques (11), Andorre (12), Singapour (13), la Malaisie (14), Gibraltar (15), Antigua et Barbuda (16), Saint Christophe et Niévès (17), l’île de Man (18), les Antilles néerlandaises (19), Bélize (20), l’île de Cook (21), Hong Kong (22), Costa Rica (23), Brunei (24), Liberia (25), Anguila (26), Dominique (27), Des conventions seront signées ou complétées de dispositifs d’échange de renseignements avec Panama (28), Hongkong (29). Quelques conventions sans dispositif d’échange de renseignements ont cependant été signées : une avec Saint-Martin (30),

(1) Loi n°2010-1383 du 13 novembre 2010, JORF 16/11/10 p.20348 (2) Loi n°2010-1384 du 13 novembre 2010, JORF 16/11/10 p.20348 (3) Loi n°2010-1385 du 13 novembre 2010, JORF 16/11/10 p.20348 (4) Loi n°2010-1386 du 13 novembre 2010, JORF 16/11/10 p.20349 (5) Loi n°2010-1387 du 13 novembre 2010, JORF 16/11/10 p.20349 (6) Décret n°2010-1467 du 2 décembre 2010, JORF 04/12/10 p.21337 (7) Décret n°2010-1509 du 8 décembre 2010, JORF 10/12/10 p.21595 (8) Décret n°2010-1532 du 10 décembre 2010, JORF 12/12/10 p.21764 (9) Décret n°2010-1539 du 10 décembre 2010, JORF 14/12/10 p.21821 (10) Décret n°2010-1550 du 14 décembre 2010, JORF 16/12/10 p.22055 (11) Décret n°2011-29 du 7 janvier 2011, JORF 09/01/11 p.535 (12) Décret n°2011-30 du 7 janvier 2011, JORF 09/01/11 p.538 (13) Décret n°2011-31 du 7 janvier 2011, JORF 09/01/11 p.540 (14) Décret n°2011-33 du 7 janvier 2011, JORF 11/01/11 p.569 (15) Décret n°2010-1633 du 23 décembre 2010, JORF 28/12/10 p.22770 (16) Décret n°2011-60 du 14 janvier 2011, JORF 16/01/11 p.1015 (17) Décret n°2011-84 du 20 janvier 2011, JORF 23/01/11 p.1415 (18) Loi n°2011-1279 du 13 octobre 2011, JORF 14/10/11 p.17306 (19) Loi n°2011-1280 du 13 octobre 2011, JORF 14/10/11 p.17306 (20) Loi n°2011-1281 du 13 octobre 2011, JORF 14/10/11 p.17306 (21) Loi n°2011-1282 du 13 octobre 2011, JORF 14/10/11 p.17307

Décret n°2012-152 du 30 janvier 2012, JORF 01/02/12 p.1865 (@ 2) (22) Loi n°2011-1283 du 13 octobre 2011, JORF 14/10/11 p.17307 (23) Loi n°2011-1284 du 13 octobre 2011, JORF 14/10/11 p.17307 (24) Loi n°2011-1285 du 13 octobre 2011, JORF 14/10/11 p.17308 (25) Loi n°2011-1286 du 13 octobre 2011, JORF 14/10/11 p.17308 (26) Loi n°2011-1287 du 13 octobre 2011, JORF 14/10/11 p.17308 (27) Loi n°2011-1288 du 13 octobre 2011, JORF 14/10/11 p.17309 (28) Loi n°2011-2013 du 29 décembre 2011, JORF 30/12/11 p.22683

Décret n°2012-167 du 2 février 2012, JORF 04/02/12 p.2049 (@ 4) BOI 14 A-4-12 du 14 mars 2012, DF 12/12-II-14587

(29) Loi n°2011-1283 du 13 octobre 2011, JORF 14/10/11 p.17307 Décret n°2011-1766 du 5 décembre 2011, JORF 07/12/11 p.20650 BOI 14 A-1-12 du 20 février 2012, DF 9/12-II-14556

(30) Loi organique n°2011-416 du 19 avril 2011, JORF 20/04/11 p.6898

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L’administration a actualisé la liste des Etats ou territoires ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale (1) et elle publie chaque année la liste des conventions fiscales conclues au 1er janvier (2). En mars 2009, la Belgique, le Luxembourg, l’Autriche, et la Suisse ont indiqué à l’OCDE qu’ils retiraient leurs réserves sur l’article 26. L’article 26 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE établit une obligation d’échanger des renseignements qui sont pertinents pour l’application correcte d’une convention fiscale ainsi que pour l’application des législations fiscales nationales des États contractants. Il ressort de la nouvelle clause qu’un Etat cocontractant ne peut pas se retrancher derrière son « secret bancaire » pour refuser de fournir des informations bancaires. Les pays ne sont toutefois pas libres d’entreprendre des « pêches aux renseignements ». La Belgique a signé des accords internationaux comportant des dispositions qui répondent entièrement à la norme de l’OCDE en matière d’échange d’informations bancaires, la Belgique a pu sortir de la « liste grise » publiée par l’OCDE. La convention du 10 mars 1964 entre la France et le Belgique a été modifiée par un avenant du 12 décembre 2008 dont l’approbation a été autorisée (3) qui a été publié (4) et commenté (5). Un grand nombre de conventions fiscales internationales signées par la Belgique ont été modifiées dans le même sens. Ainsi, des protocoles ont été signés avec le Luxembourg et avec Singapour (le 16 juillet 2009), avec Saint-Marin et les Seychelles (le 14 juillet 2009), le Danemark et la France (le 7 juillet 2009), l’Australie (le 24 juin 2009) et les Pays-Bas (le 23 juin 2009). Des protocoles ont encore été signés avec l’Autriche (le 10 septembre 2009), la Finlande (le 15 septembre 2009), l’Islande (le 15 septembre 2009), et la Norvège (le 10 septembre 2009), avec Bahreïn (le 23 novembre 2009), avec l’Espagne (le 2 décembre 2009), et avec Malte (le 19 janvier 2009). Cette année, ont été signés des protocoles avec le Japon (le 26 janvier 2010), l’Allemagne (le 21 janvier 2010) et la Corée du Sud (le 10 mars 2010). Tout récemment, des Protocoles ont encore été signés avec la Grèce (le 16 mars 2010) et la République Tchèque (le 18 mars 2010). Des accords spécifiques en matière d’échange de renseignements fiscaux seulement, ont été signés avec Monaco (le 15 juillet 2009), Andorre (le 23 octobre 2009), le Liechtenstein (le 10 novembre 2009), Antigua et Barbuda, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, et les Bahamas (le 7 décembre 2009), Gibraltar (le 16 décembre 2009), Saint-Kitts-Et-Nevis (le 18 décembre 2009), Belize (le 29 décembre 2009), Montserrat (le 16 février 2010), et la Dominique (le 26 février 2010). Enfin, un accord spécifique a été conclu dernièrement avec Grenade (le 18 mars 2010). Une nouvelle convention générale préventive de la double imposition avec l’Ile de Man prévoyant l’échange de renseignements bancaires a été signée le 16 juillet 2009. Une telle convention a également été signée avec la Chine le 7 octobre 2009, et avec la Malaisie le 18 décembre 2009. De même, la convention du 1er juin 1987 conclue avec le Royaume-Uni a été modifiée pour prévoir l’échange de renseignements bancaires (le 24 juin 2009). La

BOI 14 A-6-11 du 21 juin 2011, DF 27-28/11-II-14478

(1) BOI 7 Q-1-11 du 30 mai 2011, Ind. 19.795 (2) BOI 14 A-2-12 du 2 mars 2012, DF 10/12-II-14573 (3) Loi n°2009-1472 du 2 décembre 2009, JORF 03/12/09 p.20882 (4) Décret n°2010-38 du 11 janvier 2010, JORF 13/01/10 p.672 (5) BOI 14 A-5-10 du 14 septembre 2010, DF 38/10-II-14347

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Convention du 27 novembre 2006 entre la Belgique et les Etats-Unis (en vigueur depuis le 28 décembre 2007) prévoyait déjà l’échange de renseignements bancaires, mais uniquement sur demande. Dix autres nouvelles conventions générales (Barbade, Botswana, Brunei, Colombie, Israël, Macédoine, Mexique, Panama, Russie et Uruguay) et 11 protocoles additionnels (Afrique du Sud, Arménie, Canada, Congo, Macao, Nouvelle-Zélande, Nigéria, Ouganda, Ouzbékistan, Qatar et Slovaquie), également conformes au standard de l’OCDE en matière d’échange de renseignements, ont été paraphés et devraient être signés prochainement. Enfin, de nombreux autres accords (conventions, protocoles additionnels ou accords spécifiques) sont actuellement en cours de négociations. La Suisse levait le secret, depuis toujours, en cas de délit. La soustraction à l’impôt ne constituait pas un délit en droit suisse mais une contravention… qui n’était donc pas de nature à justifier la levée du secret. La plupart des conventions conclues par la Suisse ne se limitaient pas à sauvegarder le secret bancaire, mais comportaient une clause limitant l’échange de renseignements à ce qui était nécessaire pour l’application de la convention. Il n’était ainsi pas possible pour une administration fiscale étrangère d’obtenir des renseignements de l’administration suisse, pour appliquer la loi fiscale étrangère. C’est ainsi que jusqu’à aujourd’hui, une administration fiscale n’obtient pas, de la part de l’administration fiscale suisse, des renseignements portant sur l’identité de ses nationaux propriétaires de biens et d’avoirs en Suisse. Cependant, dans un Protocole d’entente (« Memorandum of understanding ») à l’accord bilatéral sur la fiscalité de l’épargne, la Suisse s’est engagée à convenir de clauses d’assistance administrative dans le cadre des conventions contre la double imposition passées avec des Etats membres de l’Union Européenne. Ces dispositions prévoient l’échange d’informations en cas de fraude fiscale ou d’infractions équivalentes. Des négociations en ce sens ont pu être menées à terme avec plusieurs Etats de l’Union. La distinction, du moins pour les non nationaux de Suisse, entre évasion fiscale et fraude fiscale n’est donc plus qu’un souvenir… Le Conseil fédéral Suisse a décidé de reprendre la norme de l’article 26 du Modèle de convention de l’OCDE et de retirer la réserve relative à cette disposition. Au cas par cas et en réponse à des demandes concrètes et justifiées, la Suisse fournira à d’autres Etats des informations à des fins fiscales, indépendamment de l’existence d’un délit fiscal. Cette décision sera appliquée dans le cadre des conventions bilatérales contre la double imposition. Les nouvelles conventions signées par la Suisse, outre le fait de déroger au secret bancaire, permettent donc désormais un échange de renseignements pour l’application de la loi étrangère. Il semble que la Suisse n’opérera pas de manière rétroactive et n’acceptera pas un mécanisme automatique d’échange d’informations. Ce sera du « cas par cas », en réponse à des demandes concrètes et fondées des administrations fiscales étrangères, dans le respect des règles de procédure et du principe de subsidiarité, et uniquement pour les impôts visés par la convention conclue avec le pays dont l’autorité sollicite l’information. L’Union européenne vise toutefois également à éviter la fuite des capitaux vers des pays tels que la Suisse, Monaco et Jersey. Elle a dès lors conclu des accords avec plusieurs pays, qui appliquent également les règles de la Directive sur l’épargne. La Suisse a opté pour le prélèvement pour l’État de résidence, comme d’autres : l’abandon progressif par plusieurs Etats du régime de transition au profit de l’échange automatique de renseignements pourrait s’étendre à la Suisse.

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Le Luxembourg a signé le 16 juillet 2009 un avenant à la Convention avec la Belgique, qui organise l’échange d’informations bancaires, mais n’entrera en application qu’après ratification, probablement courant 2010 probablement sans effet rétroactif. La Convention préventive belgo-luxembourgeoise prévoit l’échange d’informations sur demande et dans des cas individuels entre les administrations fiscales des deux pays. L’accord n’a cependant pas pour objet un échange automatique d’informations bancaires et n’autorise pas les demandes générales – ou « fishing expeditions ». Il ne faut cependant pas perdre de vue l’existence de la « Directive – Epargne » qui impose à l’autorité compétente de l’État membre de l’agent payeur de communiquer spontanément – au moins une fois par an, dans les six mois qui suivent la fin de l’exercice fiscal de l’État membre de l’agent payeur – à l’autorité compétente de l’État membre de résidence du bénéficiaire effectif, les informations qu’elle vise mais le Luxembourg a choisi de maintenir son régime transitoire. S’agissant du contribuable, la jurisprudence a posé quelques principes : Lorsque la convention ne contient pas de clause de secret, l’administration doit communiquer les informations qu’elle a obtenues de ses homologues étrangères (1). Pour le comité des affaires fiscales de l’OCDE « les renseignements peuvent aussi être communiqués au contribuable, à son représentant ou à des témoins » (2), l’article L.76-B du LPF pose tout de même une limitation à ce principe : le contribuable doit demander cette communication avant la mise en recouvrement (3). Solution à laquelle la jurisprudence donne toute son efficacité dès lors que, pour le Conseil d’Etat, le principe du contradictoire s’oppose à ce que le juge de l’impôt se fonde sur des éléments provenant de l’assistance administrative internationale si le contribuable n’en a pas eu la disposition (4).

./ Le cadre communautaire de l’assistance administrative C’est ainsi que les États membres échangent toutes les informations susceptibles de leur permettre l’établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi que toutes les informations relatives à l’établissement des taxes indirectes: - la TVA; - les droits d’accises grevant l’alcool et les boissons alcooliques; - les droits d’accises grevant les tabacs manufacturés. Sont considérés comme impôts sur le revenu et sur la fortune, quel que soit le système de perception, les impôts perçus sur le revenu total, sur la fortune totale ou sur des éléments du revenu ou de la fortune, y compris les impôts sur les gains provenant de l’aliénation de biens mobiliers ou immobiliers, les impôts sur le montant des salaires payés par les entreprises, ainsi que les impôts sur les plus-values. L’autorité compétente d’un État peut demander à l’autorité compétente d’un autre État membre de lui communiquer les informations visées au point 1.

(1) CE 27 avril 2009 n°289570, Barbero, RJF 09 n°616 (2) Commentaires OCDE, C (26) n°12 (3) Ord. 2005-1512 du 7 décembre 2005, art.27, JORF 08/12/05 p.18912

BOI 16 L-6-06 du 21 septembre 2006, BF 11/06 n°1281 (4) CE 4 juin 2008 n°301776, Sté Sparflex, RJF 08 n°1055

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Toutes les informations dont un État membre a connaissance par application aux présentes directives sont tenues secrètes, dans cet État, de la même manière que les informations recueillies en application de sa législation nationale. Les présentes directives n’imposent pas l’obligation de faire effectuer des recherches ou de transmettre des informations lorsque la législation ou la pratique administrative de l’État membre qui devrait fournir les informations n’autorisent l’autorité compétente ni à effectuer ces recherches, ni à recueillir ou à utiliser ces informations pour les propres besoins de cet État. Quelques modifications d’ordre rédactionnel sont apportées en 1979 (1) à la directive de 1977 (2). En 1992 (3) les dispositions de la directive de 1977 sont étendues aux droits d’accises. En 2003 (4) le champ d’application de l’assistance mutuelle est étendu aux taxes sur les primes d'assurance. En 2004 (5) les Etats adoptent des dispositions visant à accélérer le flux d'informations en matière de fiscalité directe (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés et impôt sur les plus-values), et de fiscalité sur les primes d’assurance. Toujours en 2004 (6), les dispositions relatives à la coopération administrative en matière de droits d'accises ayant été réunies dans le règlement 2073/2004 du Conseil, la directive 77/799/CEE ne se concentre plus que sur l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans les domaines des impôts directs et des taxes sur les primes d'assurance. En 2010 « Le règlement (7) concernant la coopération administrative dans le domaine de la

la taxe sur la valeur ajoutée a été modifié à plusieurs reprises et de façon substantielle. De nouvelles modifications devant être apportées, il convient, dans un souci de clarté, de procéder à la refonte dudit règlement » (8).

Le règlement de 2010 établit un réseau décentralisé sans personnalité juridique, du nom d’Eurofisc, ouvert à tous les États membres et visant à promouvoir et faciliter une coopération multilatérale et décentralisée permettant une action rapide et ciblée pour lutter contre des types de fraude spécifiques.

./ Le cadre national de l’assistance administrative Cette réglementation communautaire a conduit à l’introduction dans le code de procédure pénale d’un chapitre consacré à la coopération internationale aux fins d’exécution des décisions de confiscation : les articles 713 et suivants du CPP (9) mettent en œuvre la décision cadre du Conseil de l’Union européenne du 6 octobre 2006 en ces 1termes :

« Une décision de confiscation est une peine ou une mesure définitive ordonnée par une juridiction d’un Etat membre de l’Union européenne, appelé Etat d’émission, à

(1) Directive CEE 79/1070 et 79/1071 du 6 décembre 1979, JOUE L.331 du 27/12/79 (2) Directive CEE 77/799 du 19 décembre 1977, JOUE L.336 du 27/12/77 (3) Directive CEE 92/12/CEE du 06 mars 1992, JOUE L 76 du 23.03.1992 (4) Directive CEE 2003/93/CE du 15 octobre 2003, JOUE L 264 du 15.10.2003 (5) Directive CEE 2004/56/CE du 29 avril 2004, JOUE L 127 du 29.04.2004 (6) Directive 2004/106/CE du 24 décembre 2004, JOUE L 359 du 04.12.2004 (7) Règlement CE n°1798/2003 du 7 octobre 2003, JOCE L 264 du 15/10/03 p.1 (8) Règlement UE n°904/2010 du 7 octobre 2010, JOUE L 238 du 12/10/10 (9) Loi n°2010-768 du 9 juillet 2010, JORF 10/07/10 p.12753

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la suite d’une procédure portant sur une ou plusieurs infractions pénales, aboutissant à la privation permanente d’un ou plusieurs biens. L’autorité judiciaire est compétente, selon les règles et dans les conditions déterminées par la présente section, pour transmettre aux autorités compétentes des autres Etats membres de l’Union européenne, appelés Etats d’exécution, ou pour exécuter, sur leur demande, une décision de confiscation de biens. »

L’article 713-1 précise les motifs qui peuvent conduire à une telle mesure : « Les décisions

de confiscation qui peuvent donner lieu à la transmission ou à l’exécution dans un autre Etat sont celles qui confisquent des biens, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels, ainsi que tout acte juridique ou document attestant d’un titre ou d’un droit sur ce bien, au motif : 1° Qu’ils constituent l’instrument ou l’objet d’une infraction ; 2° Qu’ils constituent le produit d’une infraction ou correspondent en tout ou en partie à la valeur de ce produit ; 3° Qu’ils sont passibles de confiscation en application de toute autre disposition de la législation de l’Etat d’émission bien qu’ils ne soient pas l’instrument, l’objet ou le produit de l’infraction. »

L’article 713-2 précise la forme du certificat établi par l’autorité compétente de l’Etat d’émission tandis que l’article 713-3 indique les langues dans lesquelles ce certificat doit être traduit. Les articles 713-4, 713-5 et 713-6 du CPP précise les modalités de renvoie à l’Etat d’émission de la décision de confiscation et du certificat. L’article 713-7 traduit une volonté d’efficacité : « Toutefois, si le ministère public a des

raisons de croire que la confiscation d'un bien spécifique implique d'agir dans plusieurs Etats, ou qu'un ou plusieurs biens visés par la décision de confiscation se trouvent dans différents Etats, il transmet la décision de confiscation et le certificat aux autorités compétentes de ces Etats. »

L’article 713-8 développe cette solution dans le cas de saisie de sommes d’argent tandis que l’article 713-9 prévoit le cas des non résidents, l’article 713-10 celui des substitutions de confiscation, l’article 713-11 celui de difficultés d’exécution (perte du caractère exécutoire de la décision, exécution partielle), l’article 713-12 prévoit l’intervention du tribunal correctionnel les articles 713-13 à 19 précisent sa compétence et celle du Parquet, l’article 713-20 indique,les cas de refus d’exécution d’une décision de confiscation et l’article 713-21 en élimine un, traditionnel,

« Nonobstant les dispositions du 5° de l’article 713-20, l’exécution de la décision de confiscation ne peut, en matière de taxes ou d’impôts, de douane et de change, être refusée au motif que la loi française ne prévoit pas le même type de taxes ou d’impôts ou le même type de réglementation en matière de taxes ou d’impôts, de douane et de change que la loi de l’Etat d’émission. »

Etant précisé que l’article 695-9-18 du CPP relatif à l’exécution des décisions de gel comporte la même disposition… ce qui permet à la doctrine d’affirmer « qu’en matière de fraude fiscale la coopération judiciaire se veut automatique. » (1). Les développements relatifs à « l’entraide aux fins de saisie des produits d’une infraction en vue de leur confiscation ultérieure » codifiés aux articles 694-10 à 695-9-30 du code de procédure pénale reprennent à peu près le même schéma.

(1) Gutmann, « La pénalisation du droit fiscal : mythe ou réalité ? » DF 4/11 n°122

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De même la France a publié le protocole d’amendement à la convention du Conseil de l’Europe concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale signée le 27 mai 2010 (1). La doctrine de l’administration française repose ici sur trois éléments. -/ L’article L.114 du LPF qui admet une dérogation au secret professionnel :

« L’administration des impôts peut échanger des renseignements avec les administrations financières des territoires d’outre-mer et autres collectivités territoriales de la République française relevant d’un régime fiscal spécifique ainsi qu’avec les Etats ayant conclu avec la France une convention d’assistance réciproque en matière d’impôts pour les échanges de renseignements avec l’administration française. »

Avec les Etats membres de la communauté européenne, l’article L.114-A qui précise que : « Sous réserve de réciprocité, les administrations financières peuvent communiquer aux administrations des Etats membres de la Communauté économique européenne des renseignements pour l’établissement et le recouvrement des impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée. Un décret en Conseil d’Etat précise les conditions d’application du présent article. »

Ce dernier texte, à la fois plus large en ce qu’il vise "les administrations financières" et non seulement "l’administration des impôts" est aussi plus précis que l’article L.114, il est issu de la loi de finances pour 1982 (2) et n’est applicable qu’aux demandes de renseignements postérieures au 1er janvier 1982. Quant au décret d’application, il a été pris le 28 juillet 1982 (3) et se trouve codifié aux articles R* 114 A-1 à R* 114 A-5 du LPF. -/ Les conventions fiscales internationales qui permettent de matérialiser l’obligation de

réciprocité posée par ces textes. Si toutes ces conventions organisent une assistance mutuelle pour ce qui est de l’assiette de l’impôt, indispensable à l’application des dispositions de la convention, celles qui organisent cette assistance pour le recouvrement sont plus rares.

-/ Les directives communautaires, dont les dispositions, en vigueur depuis le 1er janvier

1982 ont été introduites par l’article L.114-A du LPF. Les directives communautaires (4) modifient la portée de l’échange qui se pratiquait jusqu’alors dans un cadre bilatéral.

Quant aux personnes visées, ces directives ne contiennent aucune restriction. Les limitations existant sur ce point dans les conventions bilatérales avec la Belgique (article 20 de la Convention franco-belge du 10 mars 1964 qui limitait l’échange aux "résidents") ou le Luxembourg (exclusion des sociétés holding luxembourgeoises par un échange de lettres du 8 septembre 1970 modifiant la Convention du 1er avril 1958) ne trouvent plus à s’appliquer. Quant aux impôts: les dispositions communautaires concernent impôts directs, impôts sur la fortune mais aussi taxe sur la valeur ajoutée alors que les conventions

(1) Décret n°2012-930 du 1er août 2012, JORF 03/08/12 p.12739 (2) Loi n°81-1179 du 31 décembre 1981 articles II-1 et II-2, JORF 01/01/82 p.3 (3) Décret n°82-661 du 28 juillet 1982, JORF 31/07/82 p.2467 (4) Directive CEE n°77-799, JOCE du 19 décembre 1977 et

Directive CEE n°79-1070, JOCE du 6 décembre 1979

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internationales limitent souvent la portée de l’échange de renseignements à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés. Quant à la portée géographique de l’échange : des échanges multilatéraux deviennent possibles comme par exemple la transmission par la France à la RFA de renseignements fournis par l’administration fiscale belge. Quant à la nature de l’assistance : indépendamment de l’échange de renseignements, la directive du 19 décembre 1977 prévoit également la possibilité, pour l’administration fiscale d’un Etat, d’autoriser les agents d’une administration fiscale d’un autre pays membre à participer aux enquêtes effectuées dans le premier Etat. La mise en œuvre de cette disposition est subordonnée à la signature d’accords bilatéraux concernant les modalités de son application... Il n’en existe encore aucun. La réciprocité L’article 22-II de la loi de finances rectificative pour 2004 (1) transposant en droit interne certaines des dispositions des directives 2003/93/CE du 7 octobre 2003 et 2004/56/CE du 21 avril 2004 écarte la règle de réciprocité ou plus exactement la présume en ces termes :

« II. - Le LPF est ainsi modifié : 1° L'article L.45 est ainsi modifié : a) Les dispositions actuelles constituent un 1 ; b) Il est complété par un 2 ainsi rédigé : « 2. En matière d'impôts directs et de taxes assises sur les primes d'assurance, lorsque la situation d'un ou plusieurs contribuables présente un intérêt commun ou complémentaire pour plusieurs Etats membres de la Communauté européenne, l'administration peut convenir avec les administrations des autres Etats membres de procéder à des contrôles simultanés, chacune sur le territoire de l'Etat dont elle relève, en vue d'échanger les renseignements ainsi obtenus. » ; 2° Après l'article L.45, il est inséré un article L.45-00-A ainsi rédigé : « Art. L.45-00-A. - En matière de droits d’accises sur l’alcool, les boissons alcooliques et les tabacs manufacturés, lorsque la situation d’un ou plusieurs contribuables présente un intérêt commun ou complémentaire pour plusieurs Etats membres de la Communauté européenne, l’administration peut convenir avec les administrations des autres Etats membres de procéder à des contrôles simultanés, chacune sur le territoire de l’Etat dont elle relève, en vue d’échanger les renseignements ainsi obtenus. » ; 3° Au premier alinéa de l'article L.114-A, les mots : « ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée » sont remplacés par les mots : «, de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des taxes assises sur les primes d'assurance. » ; 4° Après l’article L.114-B, il est inséré un article L.114-C ainsi rédigé : « Art. L.114-C. - Pour l’application de la législation en matière d’impôts directs, de droits d’accises sur l’alcool, les boissons alcooliques et les tabacs manufacturés et de taxes assises sur les primes d’assurance, l’administration, sur demande d’un Etat membre de la Communauté européenne, procède ou fait procéder à la notification de

(1) Loi n°2004-1485 du 30 décembre 2004, art. 22, JORF 30/12/04 p.22522 et ss, FR

60/04 n°63

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tout acte ou décision émanant de cet Etat selon les règles en vigueur en France pour la notification d’actes ou de décisions. Elle peut également demander à un Etat membre de la Communauté européenne de procéder ou de faire procéder à la notification d’actes ou de décisions afférents aux mêmes impôts. » III. - Les dispositions du II s’appliquent à compter du 1er janvier 2005. »

L’article L.45-2 nouveau du LPF permet à l'administration de convenir avec un ou plusieurs Etats membres de procéder à des contrôles simultanés notamment en matière d'impôts directs et de taxes assises sur les primes d'assurance, en vue d'échanger les renseignements ainsi obtenus. Les modalités pratiques d'exercice des contrôles simultanés ne sont pas définies par ce texte. L'article 1er de la directive 2004/56/CE précitée prévoit que l'autorité compétente de chaque Etat membre doit informer les autorités compétentes de chaque autre Etat membre des dossiers qui, selon elle, devraient faire l'objet de contrôles simultanés. Elle doit motiver son choix, dans toute la mesure du possible, en fournissant les renseignements qui ont mené à cette décision tout en indiquant le délai dans lequel ces contrôles devraient être réalisés. Par ailleurs, l’article L.114-C du LPF impose à l'administration française de procéder, à la demande d'un autre Etat membre, à la notification de tout acte ou décision concernant notamment les impôts directs et les taxes assises sur les primes d'assurance. Le même texte prévoit également la possibilité, pour cette même administration, de demander aux autres Etats membres de faire procéder à la notification d'actes ou de décisions concernant ces impôts et taxes. Les mentions qui doivent figurer sur les demandes de notification ainsi que les suites qui doivent être données à ces demandes par les autorités compétentes des Etats membres seront normalement précisées par voie réglementaire. Enfin, l'article L.114-A du LPF qui permet aux administrations financières de communiquer, sous réserve de réciprocité, aux administrations des Etats membres de la Communauté européenne des renseignements pour l'établissement et le recouvrement des impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi que de la TVA, voit son champ d'application élargi aux taxes assises sur les primes d'assurance. Les conventions contiennent souvent des dispositions relatives à "une procédure amiable" pour le règlement des difficultés soulevées par leur application, par exemple (1), pour la détermination des revenus imposables dans l’un ou l’autre pays, de sociétés faisant partie d’un groupe multinational. Les consultations prévues par ces dispositions, souvent combinées avec des échanges de renseignements, constituent un instrument potentiellement important de dialogue entre administrations fiscales. On notera au passage que les conventions ne s’engagent pas à éliminer la double imposition quel que soit le cas. Ainsi, le Modèle de Convention de l’OCDE prévoit que, si l’administration fiscale de l’un des Etats contractants procède à un ajustement des bénéfices (par rectification d’un prix de transfert, par exemple) de la filiale d’une société-mère située sur le territoire de l’autre Etat, l’administration fiscale de celui-ci procède en principe à un "ajustement approprié" des bénéfices de la société-mère. Or, certains Etats ne souhaitent pas souscrire

(1) Jean-Louis LIENARD "Résistance à l'impôt et coopération internationale", Revue

française de finances publiques n°5 p.116

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d’engagement formel à cet égard, afin de ne pas garantir aux entreprises que la double imposition serait éliminée, même si les prix de transfert ont été fixés volontairement à des niveaux très bas, anormaux. L’administration fiscale française précise les conditions dans lesquelles elle ouvre au contribuable la "procédure amiable" (1). L’ouverture d’une procédure amiable dans le cadre d’une convention déterminée peut être demandée par toute personne physique ou morale résidente de l’un ou l’autre Etat partie à la Convention. Cette personne peut se faire représenter par un mandataire de son choix, dûment habilité. La procédure amiable peut normalement être demandée lorsque le contribuable estime que les mesures prises par un Etat entraînent ou entraîneront pour lui, une imposition non conforme à la Convention. S’agissant de la France, il convient d’entendre par "mesure prise par un Etat", la réception par le contribuable: - de la notification de redressements, - d’un avis de mise en recouvrement L’acceptation expresse ou tacite d’un redressement par un contribuable ne le prive pas du droit de demander l’ouverture de la procédure amiable ; cependant, cette acceptation peut être prise en compte par les autorités compétentes dans leur appréciation de la demande. Pour ce qui est du délai, certaines conventions fixent un délai qui varie de trois mois à trois ans pour l’ouverture de la procédure amiable à compter de la date de la "mesure" en cause; lorsque la convention ne fixe aucun délai, l’administration demande aux contribuables d’agir le plus rapidement possible. En tout état de cause, seules peuvent être prises en considération les années au titre desquelles le droit de réclamation peut encore être exercé. L’administration ouvre ainsi au contribuable une procédure sensiblement teintée de "contradictoire". Si la demande du contribuable qui doit être adressée au service de la Législation Fiscale, sous-direction E, n’est soumise à aucun formalisme, le Service de la Législation Fiscale (SLF) accuse réception de la demande. Si la demande lui paraît totalement ou partiellement irrecevable, il en informe l’intervenant dans les meilleurs délais. Au cours de la phase d’instruction de la demande, des contacts sont pris avec le contribuable qui est invité à présenter ses observations ou à apporter des informations ou des éclaircissements. Le contribuable peut même, à l’initiative des Autorités compétentes ou à sa demande, être entendu par la commission mixte. Cette audition se fera en présence d’un représentant du service vérificateur. Ni l’un ni l’autre ne participe au délibéré de la commission. Ce mécanisme sympathique n’en présente pas moins une efficacité douteuse. En effet, le recours à la procédure amiable n’est conçu que comme une éventualité et non comme une obligation juridique. Cette procédure est prévue par la convention-type élaborée par l’OCDE et le Comité des affaires fiscales de cette organisation précise:

« Les autorités compétentes ne sont tenues que de rechercher une solution et n’ont pas l’obligation d’en trouver une. La conclusion d’un accord amiable dépend, dans une large mesure, des pouvoirs de transaction laissés aux autorités compétentes par leur droit interne. Dès lors, si une convention est interprétée ou appliquée différemment dans les deux états contractants et si, dans le cadre de la procédure amiable (2), les autorités compétentes ne peuvent se mettre d’accord sur une solution

(1) BODGI 14 F-1-86 du 4 mars 1986 (2) L’instruction du 4 mars 1986 donne un modèle-type de demande d’ouverture de la

procédure amiable:

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commune, une double imposition, contraire au sens et à l’objectif d’une convention pour éviter la double imposition, reste possible ».

Dans un litige portant sur l’application de l’article 24 paragraphe 3 de la Convention franco-belge, le commissaire du Gouvernement Fouquet notera (1) :

« le refus des autorités compétentes d’engager la procédure amiable fait perdre au contribuable une chance de solution. Il ne le prive pas d’une solution à laquelle les Etats auraient eu l’obligation de parvenir. Il en irait différemment si la Convention franco-belge comportait, comme le suggèrent à titre de souhait les commentaires du comité fiscal de l’OCDE, une disposition impliquant un engagement plus étendu des Etats selon lequel la procédure amiable, et surtout les discussions dans la commission mixte, devaient conduire à une solution du litige. Cette solution pourrait résulter, en cas de besoin, d’un avis arbitral. Il est clair que dans ce cas, le refus irrégulier des autorités compétentes d’engager la procédure amiable, priverait le contribuable du droit d’obtenir une solution destinée à être le fondement légal de son imposition, et entacherait, par conséquent, d’irrégularité la procédure nationale d’imposition. Mais la Convention franco-belge ne prévoit pour l’administration qu’une obligation de moyen et non de résultat. D’ailleurs, à notre connaissance, aucune convention signée par la France ne prévoit d’obligation de résultat. Dès lors, le refus des Autorités françaises, à supposer qu’il fut irrégulier, d’engager la procédure amiable ne pouvait avoir d’influence sur la régularité de la procédure nationale d’imposition ni sur le bien-fondé de l’imposition ».

Dans le même sens, le Conseil d’Etat considérera que les dispositions de la Convention prévoyant le recours à la procédure amiable « n’ont pas pour effet de permettre au

contribuable, dans le cas où l’administration saisie d’une demande de révision n’y donne pas les suites prévues par la convention, d’obtenir du juge de l’impôt la décharge des impositions qui font l’objet de cette demande » (2).

Cette solution n’est pas satisfaisante, mais dans l’état actuel du droit, on ne voit pas comment sortir de cette impasse. Une action en responsabilité contre l’Etat français pour refus de mise en œuvre de la procédure amiable, risque de se heurter à la théorie des actes de gouvernement qui conserve une certaine valeur dans le domaine des relations internationales. Le recours pour excès de pouvoir contre le refus implicite de l’administration française paraissant au commissaire du Gouvernement Fouquet (3) avoir des chances assez faibles. Pour le Conseil des Impôts (1), cette procédure n’est pas entièrement satisfaisante pour les entreprises dans la mesure où aucun délai n’est fixé pour le déroulement de la procédure amiable entre les Etats et où aucune obligation d’accord n’existe.

« Monsieur Le Directeur, L’administration fiscale ....a pris à l’encontre ... (désignation du contribuable concerné) les mesures suivantes ... (mesures incriminées). J’estime que ces mesures entraînent une imposition non conforme aux dispositions de la convention fiscale franco-... ; je vous soumets, en conséquence, ce cas, conformément à l’article ....de la convention précitée. Je vous serais obligé d’accuser réception de la présente demande. »

(1) Fouquet concl. sous CE 02/06/86 n°44571, RJF 86 p.472 et ss. (2) CE 2 juin 1986 n°44571, RJF 86 n°818 p.513 (3) Fouquet, concl sous CE 02/06/86 n°44571, RJF 86 p.472 et ss

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En pratique, les conventions entre les pays de l’OCDE conduisent en règle générale à des accords, mais avec des délais parfois très longs. Le Service de la législation fiscale a reçu, en 1985, 51 demandes d’ouverture de la procédure amiable: 30% d’entre elles concernaient la République Fédérale d’Allemagne. La même année, seulement 29 procédures en cours ont été terminées, dont 14 avaient été ouvertes antérieurement à 1983. La convention communautaire d’élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées de la CEE (2) est entrée en vigueur le 1er janvier 1995 (3). Cette convention devrait apporter, entre pays de l’Union Européenne, un début de solution à ce problème. Pour conclure sur ce point, on précisera que pour M. Fouquet (4) l’Etat de résidence visé par la Convention est

« l’Etat dont l’intéressé était résident durant l’année au titre de laquelle l’imposition en cause a été établie ».

(1) Conseil des Impôts, 9ème rapport (1987) p.240 (2) Convention 90/436/CEE du 23 juillet 1990, JOCE L.225 du 20/08/90, DF 40/90

n°1807 (3) Communication du Conseil de l'UE, JOCE n° C.337 du 01/1294, DF 1-2/95 n°20 (4) Fouquet, concl. in RJF 86 p.472 et ss.