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L’extrémisme violent émerge de réalités locales Les facteurs expliquant l’extrémisme violent sont mul�ples et sont interreliés. En Afrique, une variété de contextes géographiques, environnementaux, historiques, sociaux et poli�ques affecte la décision des jeunes d’adhérer à l’EV. Par exemple, des conflits concernant l’u�lisa�on de ressources naturelles contribue à alimenter l’EV dans le Mop� malien, alors qu’ils sont moins importants dans les zones sahéliennes au Burkina Faso. Comprendre les rela�ons entre les moteurs d’adhésion à l’EV et les facteurs de développement structurel s’avère difficile aussi (Berger, 2016). Une connaissance limitée et fragmentée du sujet et des réalités complexes affaiblissent la mise en place de poli�ques adéquates. C’est pourquoi la recherche récente en sociologie en Afrique explore pourquoi et comment les jeunes adhèrent à des Groupes d’Extrême Violence (GEV) et ce, en analysant les dynamiques locales et ses acteurs. Le rôle du genre et les trajectoires d’adhésion des femmes dans l’EV sont devenus centraux. Ce�e recherche vise à apporter des preuves qui pourraient aider à donner forme aux approches « douces », à savoir, les approches qui se 1 AFRIQUESURE | AFRICASAFE Comprendre et surmonter l’exposition des jeunes à la violence, l’exclusion et l’injustice en Afrique. SERIE : L’EXTRÉMISME VIOLENT SYNTHESIS BRIEF N.02 « Les facteurs et les raisons d’adhésion à l’extrémisme violent sont mul�ples, complexes et spécifiques à chaque contexte et ont des dimensions mul�ples : religieuses, idéologiques, poli�ques, économiques et historiques. Ils défient les analyses faciles. La compréhension de ce phénomène demeure incomplète » (PNUD, 2017). « L’informa�on au sujet des processus menant l’EV en provenance de l’extérieur de l’Europe et de l’Amérique du Nord est assez rare » (CIPC, 2017). « De nombreuses idées pour contrer l'extrémisme violent (CEV) ou prévenir l'extrémisme violent (PEV) ont été avancées, mais elles sont souvent sans fondement dans les recherches existantes sur le désengagement des mouvements armés, avec de nombreuses approches basées sur des hypothèses qui ont été largement discréditées, telles que les alléga�ons que les mauvaises condi�ons économiques ou le manque d’éduca�on contribuent à l’extrémisme violent. » (Berger, 2016) « L’extrémisme violent au Sahel central semble répondre bien davantage à des probléma�ques locales spécifiques qu’à des logiques globales, et le lien avec le djihadisme interna�onal est plus rhétorique que pra�que. Au sein d’États fragiles, il est évident que beaucoup de facteurs peuvent influencer le comportement d’une jeunesse démunie et marginalisée face au choix de l’extrémisme violent. Cependant, ce�e étude confirme que le facteur le plus décisif est l’expérience (ou la percep�on) d’abus et d’exac�ons commis par les autorités gouvernementales. Ceci cons�tue dès lors le seul véritable clivage entre vulnérabilité et résilience au Sahel central. À l’inverse, elle démontre que l’apaisement des communautés, la reconnaissance sociale du rôle des jeunes hommes et des jeunes femmes et l’a�énua�on des tensions liées aux rapports sociaux et de genre contribuent à renforcer la résilience des popula�ons. » (Interna�onal Alert, 2018) Image adaptée. ©Crédit photo : Ins�tute for Security Studies (ISS). L’ini�a�ve du CRDI « Comprendre et surmonter l’exposion des jeunes à la violence, l’exclusion et l’injusce en Afrique » sou�ent 14 projets de recherche dans 12 pays africains*. Elle vise à « trouver des soluons sous forme de stratégies, de technologies et d’ouls, rigoureusement produites pour l’élaboraon de poliques plus efficaces de lue contre la violence, l’exclusion et l’injusce auxquelles les jeunes, hommes et femmes, sont exposés en Afrique. » IDENTIFIER LES FACTEURS MENANT À L’ADHÉSION DES JEUNES À LA VIOLENCE EXTRÊME EN AFRIQUE Identé, exclusion et injusce

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Page 1: IDENTIFIER LES FACTEURS MENANT À L’ADHÉSION DES …

L’extrémisme violent émerge de réalités locales Les facteurs expliquant l’extrémisme violent sont mul�ples et sont interreliés. En Afrique, une variété de contextes géographiques, environnementaux, historiques, sociaux et poli�ques affecte la décision des jeunes d’adhérer à l’EV. Par exemple, des conflits concernant l’u�lisa�on de ressources naturelles contribue à alimenter l’EV dans le Mop� malien, alors qu’ils sont moins importants dans les zones sahéliennes au Burkina Faso. Comprendre les rela�ons entre les moteurs d’adhésion à l’EV et les facteurs de développement structurel s’avère difficile aussi (Berger, 2016). Une connaissance limitée et fragmentée du sujet et des réalités complexes affaiblissent la mise en place de poli�ques adéquates. C’est pourquoi la recherche récente en sociologie en Afrique explore pourquoi et comment les jeunes adhèrent à des Groupes d’Extrême Violence (GEV) et ce, en analysant les dynamiques locales et ses acteurs. Le rôle du genre et les trajectoires d’adhésion des femmes dans l’EV sont devenus centraux. Ce�e recherche vise à apporter des preuves qui pourraient aider à donner forme aux approches « douces », à savoir, les approches qui se

concentrent principalement sur le renforcement de la résilience de l’individu et du groupe vis-à-vis de l’EV. Les trois ins�tuts de recherche présentant leurs résultats préliminaires dans ce�e étude travaillent dans ce�e même direc�on. L’Ins�tut pour les études de sécurité (ISS), l’Organisa�on pour la recherche en sciences sociales dans l’Est et le Sud de l’Afrique (OSSREA) et le Forum Économique du Maghreb (MEF) ont des recherches développées au sujet de l’adhésion des jeunes à l’EV, au Niger et au Mali, au Kenya et en Ouganda, ainsi qu’en Tunisie. Ce�e synthèse détecte les principaux facteurs expliquant l’adhésion des jeunes dans les GEV et les présente en trois grandes catégories-macro : iden�té, exclusion et injus�ce. Approche des documents de synthèse

La série Extrémisme Violent est composée de trois documents de synthèse. Elle a été préparée via l’analyse de plus de de 70 documents en provenance de ces trois projets ainsi que la li�érature de référence des années 2000-2020. Loin de présenter les résultats finaux, ce�e série représente une étape de la recherche en cours. Le défi de réalisa�on de ce�e synthèse provenait de la diversité des contextes des projets et de leurs résultats. Chaque projet offrait beaucoup d’informa�on concernant les ac�vités sur le terrain ainsi que leur impact éduca�f et poli�que. Ce�e synthèse est organisée par pays (Kenya et Ouganda, Mali et Niger, et Tunisie) de façon à respecter l’esprit de chaque projet et éviter des généralisa�ons et corréla�ons. Facteurs expliquant l’adhésion des jeunes à l’EV dans la li�érature (Individuelle et sociale / facteurs d’a�rac�on et de répulsion) L’EV au Sahel résulte surtout de problèmes locaux plutôt que de logiques globales (Interna�onal Alert, 2018). Les facteurs de risque sont d’ordre économique, social, poli�que et individuel et interfèrent avec d’autres paramètres. Une solide recherche de terrain en Afrique (PNUD, 2017) a étudié la vulnérabilité à l’EV dans des communautés marginales via l’étude de trajectoires menant à l’EV depuis la pe�te enfance. Elle se base sur le « point de basculement », soit le moment où les jeunes décident d’adhérer à un GEV. Deux types de raisons mènent à ce�e décision : les raisons d’ordre individuel (reliées à la famille) et celles d’ordre social (communauté, société et poli�que). Les facteurs d’ordre individuel comprennent la psychologie et les capacités cogni�ves de l’individu et sont reliés à la percep�on du bonheur pendant l’enfance. L’absence parentale, le manque d’exposi�on à des gens d’ethnies différentes et des croyances combinées avec une carence d’éduca�on et un faible engagement civique peuvent nourrir l’intérêt d’un jeune à adhérer à un GEV. L’isolement, empiré par un contexte de marginalité et rempli de difficultés, peut affecter l’iden�té d’un enfant, son sens d’exclusion de la société et son sens d’appartenance à des groupes extrémistes.

Facteurs expliquant l’adhésion des jeunes dans l’EV issus de l’ini�a�ve du CRDI Kenya et Ouganda : facteurs d’a�rac�on et de répulsion de l’EV Au Kenya et en Ouganda, les facteurs d’a�rac�on et de répulsion de l’EV au niveau individuel et du ménage ainsi que les facteurs de résilience ont été étudiés. Lors de l’analyse des problèmes structuraux du Kenya, l’OSSREA a mis l’emphase sur les points suivants : un groupe grandissant de jeunes n’a pas accès à des opportunités économiques et subit les lourdes inégalités structurelles; la marginalisa�on et la discrimina�on; une gouvernance faible; des viola�ons de droits humains et l’absence d’un État de droit; le tout combiné à des conflits prolongés. Les différentes combinaisons de ces facteurs contribuent certainement à inciter les jeunes à adhérer des ac�vités extrémistes. Typiquement, les disparités sociales et poli�ques alimentent la frustra�on et les divisions intercommunales qui peuvent mener les jeunes vers la violence et les conflits. Ces facteurs augmentent souvent la percep�on néga�ve des jeunes vis-à-vis de la société et leur désir de se joindre à des groupes offrant une certaine protec�on et une alterna�ve. Au Kenya, les facteurs menant les jeunes à se joindre à des GEV changent d’une province à l’autre. Dans la province cô�ère, la pauvreté, le chômage, l’idéologie religieuse et les migra�ons dominent alors qu’à la capitale (Nairobi) les facteurs prédominants sont la corrup�on et l’idéologie poli�que. Nous concluons que l’exclusion, la vision du monde et l’iden�té déterminent l’a�tude des jeunes vis-à-vis de l’EV. Les logiques de radicalisa�on fonc�onnent à plusieurs niveaux : individuel, de groupe et de communauté, na�onal, régional et global. Les problèmes structuraux en Ouganda peuvent se résumer à une faible gouvernance, des poli�ques gouvernementales inefficaces, un chômage généralisé, une marginalisa�on structurelle et l’exclusion du Nord. Tel qu’au Kenya, les moteurs d’EV dépendent des domaines d’intérêt. De manière générale, les mo�va�ons pour adhérer à l’EV sont : le chômage, la pauvreté et la corrup�on suivies de vagues de migra�on, les idéologies poli�ques et religieuses. Les régions de l’Autorité Intergouvernementale pour le développement (IGAD en Anglais) subissent aussi beaucoup de conflits inter-claniques et transfrontaliers qui peuvent faciliter le trafic d’armes légères et la libre circula�on de personnes ce qui pourrait éventuellement alimenter les dynamiques reliées à l’EV. Dans les approches dominantes, les mo�fs d’adhésion à l’EV résultent d’une combinaison de facteurs d’a�rac�on et de répulsion. Les facteurs de répulsion sont basés sur les condi�ons structurelles du pays. Ceux-ci incluent une fragmenta�on communautaire, un manque de confiance de la communauté, le rôle sous-valorisé de la jeunesse ainsi que leur exclusion de la sphère poli�que et des poli�ques. Les facteurs d’a�rac�on qui rendent les idées et les groupes d’EV par�culièrement a�rants incluent des leaders charisma�ques, des idées et des causes a�rayantes ainsi que des incita�fs financiers, sociaux ou matériaux.

Les deux principales composantes de la résilience personnelle et communautaire vis-à-vis de l’EV sont la cohésion de la communauté, la confiance et la cohésion sociale.

La Tunisie : l’exclusion comme mo�va�on principale pour l’adhésion à l’EV Le terrorisme en Tunisie a connu une montée drama�que dans la période suivant la révolu�on de 2011, au moment où beaucoup de jeunes ont rejoint des groupes radicaux comme façon de s’opposer au gouvernement tunisien. Le MEF note que la démocra�e émergente alimentait des grandes a�entes concernant le progrès social, a�entes qui n’ont pas eu de réponse. Ceci a généré de la frustra�on, de la désillusion et de la méfiance vis-à-vis du gouvernement. En Tunisie, l’explora�on des liens entre l’exclusion et la radicalisa�on ainsi que ceux entre poli�ques inclusives déradicalisa�on ont révélé que les mo�va�ons pour soutenir et/ou rejoindre des groupes extrémistes djihadistes sont divisées entre facteurs psychologies que sociétaux. Beaucoup de jeunes ont perdu la foi dans les ins�tu�ons poli�ques et s’intéressent peu aux ac�vités poli�ques conven�onnelles. D’autres, souhaitent se racheter. La plupart des personnes qui ont adhéré aux GEV en Lybie et en Syrie avaient des dossiers criminels : le fait de rejoindre le Djihad représentait ainsi une certaine rédemp�on. Plusieurs d’entre eux avaient un emploi et une stabilité financière mais manquaient d’affilia�on, de jus�ce et de reconnaissance sociale. Les facteurs sociaux incluent la montée de l’Islam poli�que, les disparités économiques à l’échelle régionale, la corrup�on et la pauvre qualité du système éduca�f. Dans certains cas, le recrutement des jeunes était relié au manque d’une éduca�on Islamique adéquate. La violence policière, l’indifférence de l’État vis-à-vis des besoins des jeunes et l’absence de jus�ce sociale jouent un rôle crucial dans la créa�on d’un terrain fer�le pour la radicalisa�on et l’EV. La radicalisa�on est un processus individuel qui résulte d’un mélange parfait entre mo�va�ons pour que les jeunes adhèrent aux GEV et facteurs qui les repoussent des normes sociales. L’inclusion est faite d’accepta�on sociale, d’engagement civique et d’emploi. L’accepta�on sociale concerne l’accepta�on de la part de la famille, des amis et de la communauté locale. L’engagement civique favorise le sen�ment d’appartenance dans une communauté de jeunes et le main�en de compétences personnelles et professionnelles et ce, à condi�on que l’employabilité implique l’existence d’un marché de l’emploi rémunérateur et des opportunités pour l’inves�ssement privé. Historiquement, la religion avait une forte influence sur les normes sociales et les tradi�ons tunisiennes. Elle est basée sur l’influence de la communauté, des tradi�ons et des normes sociales. Pour que les jeunes soient socialement acceptés, ils doivent se conformer aux normes et tradi�ons dominantes.

Mali et Niger Le Mali et le Niger ont récemment connu une montée rapide d’EV impliquant beaucoup de jeunes. Les régions frontalières poreuses sont par�culièrement vulnérables au trafic et à la violence, aux structures corrompues et oppressantes et aux problèmes endémiques de crime organisé. Les groupes terroristes sont tenaces et a�rayants, ils offrent des services et de l’emploi et profitent de l’idée d’un gouvernement corrompu. Boko Haram exploite l’idée de la société occidentale comme étant corrompue pour alimenter le refus de la part des jeunes et faciliter le processus de recrutement. Ce�e organisa�on est par�culièrement efficace en ce qui a trait au recrutement de femmes. Ceci encourage certains chercheurs à se concentrer sur le rôle des femmes au sein des GEV. Et pourtant, même si quelques jeunes adhérent à des GEV, beaucoup d’autres qui vivent dans le même contexte décident de ne pas le faire alors que d’autres s’en re�rent. Ainsi, la préven�on de la forma�on de nouveaux GEV dans ce�e région bénéficie aussi de l’analyse du retrait, de la réintégra�on d’ex-comba�ants au Niger et du rôle joué par les jeunes hommes et femmes au sein de ces organisa�on. La décision d’adhérer aux GEV dépend de facteurs incita�fs et dissuasifs (ou de résilience). Le premier agit au niveau familial, social et global et inclut la vulnérabilité individuelle. Les services sociaux fournis par le groupe extrémiste AQMI a�rent les jeunes. Au contraire, les structures fortes d’ordre familial, financier et la cohésion sociale sont plutôt des facteurs de résilience. L’engagement des jeunes dans l’EV dépend de facteurs poli�ques, économiques, sociaux et psychologiques. Les facteurs poli�ques qui génèrent de la méfiance vis-à-vis du gouvernement concernent généralement l’oppression par l’État, la viola�on des droits de l’homme, l’incapacité de l’État à faire face aux problèmes structuraux et à la corrup�on. Les jeunes cherchent l’iden�té et la cohésion sociale au sein de la société même. Lorsqu’ils ne les trouvent pas, ils les cherchent ailleurs. L’exclusion économique dépend souvent de la discrimina�on sociale et raciale. La rébellion des gens est davantage générée par l’exclusion que la pauvreté. Beaucoup de jeunes engagés dans des GEV ne sont pas pauvres ou non-éduqués, mais sont exclus. Les facteurs sociaux émergent au sein des familles et des communautés : le syndrome de l’absence du père, la pression des pairs, la percep�on d’exclusion sociale et de marginalisa�on sont les facteurs des plus courants. Les facteurs psychologiques entraînent les jeunes à voir la violence comme le seul moyen d’a�eindre leurs objec�fs personnels. Les facteurs iden�taires suscitent surtout l’idée d’unité (typique du monde Musulman) et d’iden�té na�onale alors que l’iden�té religieuse et ethnique génère souvent de l’exclusion sociale et poli�que. Conclusions En ce qui concerne les trois projets considérés, les principales macro-catégories de facteurs expliquant l’adhésion des jeunes à l’EV sont : 1) les facteurs d’a�rac�on et de répulsion qui convergent sur le support ou l’adhésion aux GEV; 2) les facteurs individuels (incluant le volet psychologique) et sociaux guidant les jeunes vers la

radicalisa�on et l’EV; 3) les facteurs de résilience, ou dissuasifs, retenant les jeunes d’adhérer aux GEV. Ces catégories corroborent les études existantes. Le tableau 01 représente ces catégories.

Les principaux facteurs d’adhésion des jeunes à l’EV qui ont émergé dans ces trois projets sont : la percep�on d’injus�ce et la frustra�on, le chômage perçu comme un type d’exclusion socio-économique et poli�que, le rôle des idéologies (religieuses et poli�ques) contribuant à former l’iden�té et la sensa�on d’appartenance, et la méfiance vis-à-vis de l’efficacité de l’État et de son équité. L’injus�ce, en termes d’interven�ons inefficaces ou injustes de la part de l’État telles que l’u�lisa�on de la force et les exécu�ons extrajudiciaires, la violence policière et l’impunité, les poli�ques an�-Islamiques, le rôle de la Loi, la corrup�on et le favori�sme, entre autres, augmentent le mécontentement social et renforcent la radicalisa�on. Les facteurs de résilience sont : les structures familiales fortes; la confiance au sein des réseaux; la cohésion sociale et communautaire; les facteurs iden�taires liés à l’inclusion sociale; la structure financière; l’inclusion (l’accepta�on sociale de la part de la famille, des amis et de la communauté locale, l’engagement civique et l’emploi) et la résolu�on de conflits basée sur une approche se basant sur les droits humains. Comprendre les facteurs menant au « point de basculement » implique une analyse portant sur les facteurs de résilience, à savoir s’ils étaient faibles ou n’ont pas fonc�onné, si les jeunes se sont sen�s désengagés avec les rela�ons sociales tradi�onnelles ou officielles, et comment cela s’est produit.

1AFRIQUESURE | AFRICASAFE Comprendre et surmonter l’exposition des jeunes à la violence, l’exclusion et l’injustice en Afrique.

SERIE : L’EXTRÉMISME VIOLENT SYNTHESIS BRIEF N.02

« Les facteurs et les raisons d’adhésion à l’extrémisme violent sont mul�ples, complexes et spécifiques à chaque contexte et ont des dimensions mul�ples : religieuses, idéologiques, poli�ques, économiques et historiques. Ils défient les analyses faciles. La compréhension de ce phénomène demeure incomplète » (PNUD, 2017).

« L’informa�on au sujet des processus menant l’EV en provenance de l’extérieur de l’Europe et de l’Amérique du Nord est assez rare » (CIPC, 2017).

« De nombreuses idées pour contrer l'extrémisme violent (CEV) ou prévenir l'extrémisme violent (PEV) ont été avancées, mais elles sont souvent sans fondement dans les recherches existantes sur le désengagement des mouvements armés, avec de nombreuses approches basées sur des hypothèses qui ont été largement discréditées, telles que les alléga�ons que les mauvaises condi�ons économiques ou le manque d’éduca�on contribuent à l’extrémisme violent. » (Berger, 2016)

« L’extrémisme violent au Sahel central semble répondre bien davantage à des probléma�ques locales spécifiques qu’à des logiques globales, et le lien avec le djihadisme interna�onal est plus rhétorique que pra�que. Au sein d’États fragiles, il est évident que beaucoup de facteurs peuvent influencer le comportement d’une jeunesse démunie et marginalisée face au choix de l’extrémisme violent. Cependant, ce�e étude confirme que le facteur le plus décisif est l’expérience (ou la percep�on) d’abus et d’exac�ons commis par les autorités gouvernementales. Ceci cons�tue dès lors le seul véritable clivage entre vulnérabilité et résilience au Sahel central. À l’inverse, elle démontre que l’apaisement des communautés, la reconnaissance sociale du rôle des jeunes hommes et des jeunes femmes et l’a�énua�on des tensions liées aux rapports sociaux et de genre contribuent à renforcer la résilience des popula�ons. » (Interna�onal Alert, 2018)

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L’ini�a�ve du CRDI « Comprendre et surmonter l’exposition des jeunes à la violence, l’exclusion et l’injustice en Afrique » sou�ent 14 projets de recherche dans 12 pays africains*. Elle vise à « trouver des solutions sous forme de stratégies, de technologies et d’outils, rigoureusement produites pour l’élaboration de politiques plus efficaces de lutte contre la violence, l’exclusion et l’injustice auxquelles les jeunes, hommes et femmes, sont exposés en Afrique. »

IDENTIFIER LES FACTEURS MENANT À L’ADHÉSION DES JEUNES À LA VIOLENCE EXTRÊME EN AFRIQUEIdentité, exclusion et injustice

Page 2: IDENTIFIER LES FACTEURS MENANT À L’ADHÉSION DES …

L’extrémisme violent émerge de réalités locales Les facteurs expliquant l’extrémisme violent sont mul�ples et sont interreliés. En Afrique, une variété de contextes géographiques, environnementaux, historiques, sociaux et poli�ques affecte la décision des jeunes d’adhérer à l’EV. Par exemple, des conflits concernant l’u�lisa�on de ressources naturelles contribue à alimenter l’EV dans le Mop� malien, alors qu’ils sont moins importants dans les zones sahéliennes au Burkina Faso. Comprendre les rela�ons entre les moteurs d’adhésion à l’EV et les facteurs de développement structurel s’avère difficile aussi (Berger, 2016). Une connaissance limitée et fragmentée du sujet et des réalités complexes affaiblissent la mise en place de poli�ques adéquates. C’est pourquoi la recherche récente en sociologie en Afrique explore pourquoi et comment les jeunes adhèrent à des Groupes d’Extrême Violence (GEV) et ce, en analysant les dynamiques locales et ses acteurs. Le rôle du genre et les trajectoires d’adhésion des femmes dans l’EV sont devenus centraux. Ce�e recherche vise à apporter des preuves qui pourraient aider à donner forme aux approches « douces », à savoir, les approches qui se

concentrent principalement sur le renforcement de la résilience de l’individu et du groupe vis-à-vis de l’EV. Les trois ins�tuts de recherche présentant leurs résultats préliminaires dans ce�e étude travaillent dans ce�e même direc�on. L’Ins�tut pour les études de sécurité (ISS), l’Organisa�on pour la recherche en sciences sociales dans l’Est et le Sud de l’Afrique (OSSREA) et le Forum Économique du Maghreb (MEF) ont des recherches développées au sujet de l’adhésion des jeunes à l’EV, au Niger et au Mali, au Kenya et en Ouganda, ainsi qu’en Tunisie. Ce�e synthèse détecte les principaux facteurs expliquant l’adhésion des jeunes dans les GEV et les présente en trois grandes catégories-macro : iden�té, exclusion et injus�ce. Approche des documents de synthèse

La série Extrémisme Violent est composée de trois documents de synthèse. Elle a été préparée via l’analyse de plus de de 70 documents en provenance de ces trois projets ainsi que la li�érature de référence des années 2000-2020. Loin de présenter les résultats finaux, ce�e série représente une étape de la recherche en cours. Le défi de réalisa�on de ce�e synthèse provenait de la diversité des contextes des projets et de leurs résultats. Chaque projet offrait beaucoup d’informa�on concernant les ac�vités sur le terrain ainsi que leur impact éduca�f et poli�que. Ce�e synthèse est organisée par pays (Kenya et Ouganda, Mali et Niger, et Tunisie) de façon à respecter l’esprit de chaque projet et éviter des généralisa�ons et corréla�ons. Facteurs expliquant l’adhésion des jeunes à l’EV dans la li�érature (Individuelle et sociale / facteurs d’a�rac�on et de répulsion) L’EV au Sahel résulte surtout de problèmes locaux plutôt que de logiques globales (Interna�onal Alert, 2018). Les facteurs de risque sont d’ordre économique, social, poli�que et individuel et interfèrent avec d’autres paramètres. Une solide recherche de terrain en Afrique (PNUD, 2017) a étudié la vulnérabilité à l’EV dans des communautés marginales via l’étude de trajectoires menant à l’EV depuis la pe�te enfance. Elle se base sur le « point de basculement », soit le moment où les jeunes décident d’adhérer à un GEV. Deux types de raisons mènent à ce�e décision : les raisons d’ordre individuel (reliées à la famille) et celles d’ordre social (communauté, société et poli�que). Les facteurs d’ordre individuel comprennent la psychologie et les capacités cogni�ves de l’individu et sont reliés à la percep�on du bonheur pendant l’enfance. L’absence parentale, le manque d’exposi�on à des gens d’ethnies différentes et des croyances combinées avec une carence d’éduca�on et un faible engagement civique peuvent nourrir l’intérêt d’un jeune à adhérer à un GEV. L’isolement, empiré par un contexte de marginalité et rempli de difficultés, peut affecter l’iden�té d’un enfant, son sens d’exclusion de la société et son sens d’appartenance à des groupes extrémistes.

L’a�en�on des poli�ciens est souvent portée sur la religion comme facteur d’a�rac�on. Or, la recherche montre que c’est l’u�lisa�on et la percep�on, plutôt que la vraie connaissance, de principes religieux qui mène les jeunes à soutenir les GEV. De plus, même si les facteurs d’incita�on reliés à l’économie (frustra�on générée par la pauvreté, le chômage et l’exclusion des marchés et des sources d’emploi) favorisent l’adhésion à l’EV, c’est surtout le mécontentement issu de la désaffec�on/négligence de la part du gouvernement et la faible confiance sur les ins�tu�ons démocra�ques qui poussent facilement les jeunes à adhérer aux GEV. Le comportement des jeunes en ce qui a trait aux GEV est souvent issu des abus commis par les autorités gouvernementales (Interna�onal Alert, 2018) ou de l’absence de l’État. Dans certaines régions, le mariage est une construc�on socio-iden�taire importante et un facteur d'a�rac�on que des groupes comme BoKo Haram u�lisent pour recruter des jeunes (Interna�onal Crisis Group, 2017). Des éléments individuels et sociaux contribuent à la subjec�vité qui, à son tour, peut contribuer à l’impact de la propagande des GEV et de l’endoctrinement des jeunes (figure 01).

Typiquement, la radicalisa�on et l’adhésion à l’EV comptent sur des facteurs de répulsion (Push) et d’a�rac�on (Pull). Il est vital de les comprendre et de savoir comment ils mènent vers le point de basculement. Les facteurs de résilience dépendent principalement de la bonne gouvernance et du contrôle de ressources, la cohésion sociale et interethnique, la stabilité financière et une structure familiale solide.

Facteurs expliquant l’adhésion des jeunes dans l’EV issus de l’ini�a�ve du CRDI Kenya et Ouganda : facteurs d’a�rac�on et de répulsion de l’EV Au Kenya et en Ouganda, les facteurs d’a�rac�on et de répulsion de l’EV au niveau individuel et du ménage ainsi que les facteurs de résilience ont été étudiés. Lors de l’analyse des problèmes structuraux du Kenya, l’OSSREA a mis l’emphase sur les points suivants : un groupe grandissant de jeunes n’a pas accès à des opportunités économiques et subit les lourdes inégalités structurelles; la marginalisa�on et la discrimina�on; une gouvernance faible; des viola�ons de droits humains et l’absence d’un État de droit; le tout combiné à des conflits prolongés. Les différentes combinaisons de ces facteurs contribuent certainement à inciter les jeunes à adhérer des ac�vités extrémistes. Typiquement, les disparités sociales et poli�ques alimentent la frustra�on et les divisions intercommunales qui peuvent mener les jeunes vers la violence et les conflits. Ces facteurs augmentent souvent la percep�on néga�ve des jeunes vis-à-vis de la société et leur désir de se joindre à des groupes offrant une certaine protec�on et une alterna�ve. Au Kenya, les facteurs menant les jeunes à se joindre à des GEV changent d’une province à l’autre. Dans la province cô�ère, la pauvreté, le chômage, l’idéologie religieuse et les migra�ons dominent alors qu’à la capitale (Nairobi) les facteurs prédominants sont la corrup�on et l’idéologie poli�que. Nous concluons que l’exclusion, la vision du monde et l’iden�té déterminent l’a�tude des jeunes vis-à-vis de l’EV. Les logiques de radicalisa�on fonc�onnent à plusieurs niveaux : individuel, de groupe et de communauté, na�onal, régional et global. Les problèmes structuraux en Ouganda peuvent se résumer à une faible gouvernance, des poli�ques gouvernementales inefficaces, un chômage généralisé, une marginalisa�on structurelle et l’exclusion du Nord. Tel qu’au Kenya, les moteurs d’EV dépendent des domaines d’intérêt. De manière générale, les mo�va�ons pour adhérer à l’EV sont : le chômage, la pauvreté et la corrup�on suivies de vagues de migra�on, les idéologies poli�ques et religieuses. Les régions de l’Autorité Intergouvernementale pour le développement (IGAD en Anglais) subissent aussi beaucoup de conflits inter-claniques et transfrontaliers qui peuvent faciliter le trafic d’armes légères et la libre circula�on de personnes ce qui pourrait éventuellement alimenter les dynamiques reliées à l’EV. Dans les approches dominantes, les mo�fs d’adhésion à l’EV résultent d’une combinaison de facteurs d’a�rac�on et de répulsion. Les facteurs de répulsion sont basés sur les condi�ons structurelles du pays. Ceux-ci incluent une fragmenta�on communautaire, un manque de confiance de la communauté, le rôle sous-valorisé de la jeunesse ainsi que leur exclusion de la sphère poli�que et des poli�ques. Les facteurs d’a�rac�on qui rendent les idées et les groupes d’EV par�culièrement a�rants incluent des leaders charisma�ques, des idées et des causes a�rayantes ainsi que des incita�fs financiers, sociaux ou matériaux.

Les deux principales composantes de la résilience personnelle et communautaire vis-à-vis de l’EV sont la cohésion de la communauté, la confiance et la cohésion sociale.

La Tunisie : l’exclusion comme mo�va�on principale pour l’adhésion à l’EV Le terrorisme en Tunisie a connu une montée drama�que dans la période suivant la révolu�on de 2011, au moment où beaucoup de jeunes ont rejoint des groupes radicaux comme façon de s’opposer au gouvernement tunisien. Le MEF note que la démocra�e émergente alimentait des grandes a�entes concernant le progrès social, a�entes qui n’ont pas eu de réponse. Ceci a généré de la frustra�on, de la désillusion et de la méfiance vis-à-vis du gouvernement. En Tunisie, l’explora�on des liens entre l’exclusion et la radicalisa�on ainsi que ceux entre poli�ques inclusives déradicalisa�on ont révélé que les mo�va�ons pour soutenir et/ou rejoindre des groupes extrémistes djihadistes sont divisées entre facteurs psychologies que sociétaux. Beaucoup de jeunes ont perdu la foi dans les ins�tu�ons poli�ques et s’intéressent peu aux ac�vités poli�ques conven�onnelles. D’autres, souhaitent se racheter. La plupart des personnes qui ont adhéré aux GEV en Lybie et en Syrie avaient des dossiers criminels : le fait de rejoindre le Djihad représentait ainsi une certaine rédemp�on. Plusieurs d’entre eux avaient un emploi et une stabilité financière mais manquaient d’affilia�on, de jus�ce et de reconnaissance sociale. Les facteurs sociaux incluent la montée de l’Islam poli�que, les disparités économiques à l’échelle régionale, la corrup�on et la pauvre qualité du système éduca�f. Dans certains cas, le recrutement des jeunes était relié au manque d’une éduca�on Islamique adéquate. La violence policière, l’indifférence de l’État vis-à-vis des besoins des jeunes et l’absence de jus�ce sociale jouent un rôle crucial dans la créa�on d’un terrain fer�le pour la radicalisa�on et l’EV. La radicalisa�on est un processus individuel qui résulte d’un mélange parfait entre mo�va�ons pour que les jeunes adhèrent aux GEV et facteurs qui les repoussent des normes sociales. L’inclusion est faite d’accepta�on sociale, d’engagement civique et d’emploi. L’accepta�on sociale concerne l’accepta�on de la part de la famille, des amis et de la communauté locale. L’engagement civique favorise le sen�ment d’appartenance dans une communauté de jeunes et le main�en de compétences personnelles et professionnelles et ce, à condi�on que l’employabilité implique l’existence d’un marché de l’emploi rémunérateur et des opportunités pour l’inves�ssement privé. Historiquement, la religion avait une forte influence sur les normes sociales et les tradi�ons tunisiennes. Elle est basée sur l’influence de la communauté, des tradi�ons et des normes sociales. Pour que les jeunes soient socialement acceptés, ils doivent se conformer aux normes et tradi�ons dominantes.

Mali et Niger Le Mali et le Niger ont récemment connu une montée rapide d’EV impliquant beaucoup de jeunes. Les régions frontalières poreuses sont par�culièrement vulnérables au trafic et à la violence, aux structures corrompues et oppressantes et aux problèmes endémiques de crime organisé. Les groupes terroristes sont tenaces et a�rayants, ils offrent des services et de l’emploi et profitent de l’idée d’un gouvernement corrompu. Boko Haram exploite l’idée de la société occidentale comme étant corrompue pour alimenter le refus de la part des jeunes et faciliter le processus de recrutement. Ce�e organisa�on est par�culièrement efficace en ce qui a trait au recrutement de femmes. Ceci encourage certains chercheurs à se concentrer sur le rôle des femmes au sein des GEV. Et pourtant, même si quelques jeunes adhérent à des GEV, beaucoup d’autres qui vivent dans le même contexte décident de ne pas le faire alors que d’autres s’en re�rent. Ainsi, la préven�on de la forma�on de nouveaux GEV dans ce�e région bénéficie aussi de l’analyse du retrait, de la réintégra�on d’ex-comba�ants au Niger et du rôle joué par les jeunes hommes et femmes au sein de ces organisa�on. La décision d’adhérer aux GEV dépend de facteurs incita�fs et dissuasifs (ou de résilience). Le premier agit au niveau familial, social et global et inclut la vulnérabilité individuelle. Les services sociaux fournis par le groupe extrémiste AQMI a�rent les jeunes. Au contraire, les structures fortes d’ordre familial, financier et la cohésion sociale sont plutôt des facteurs de résilience. L’engagement des jeunes dans l’EV dépend de facteurs poli�ques, économiques, sociaux et psychologiques. Les facteurs poli�ques qui génèrent de la méfiance vis-à-vis du gouvernement concernent généralement l’oppression par l’État, la viola�on des droits de l’homme, l’incapacité de l’État à faire face aux problèmes structuraux et à la corrup�on. Les jeunes cherchent l’iden�té et la cohésion sociale au sein de la société même. Lorsqu’ils ne les trouvent pas, ils les cherchent ailleurs. L’exclusion économique dépend souvent de la discrimina�on sociale et raciale. La rébellion des gens est davantage générée par l’exclusion que la pauvreté. Beaucoup de jeunes engagés dans des GEV ne sont pas pauvres ou non-éduqués, mais sont exclus. Les facteurs sociaux émergent au sein des familles et des communautés : le syndrome de l’absence du père, la pression des pairs, la percep�on d’exclusion sociale et de marginalisa�on sont les facteurs des plus courants. Les facteurs psychologiques entraînent les jeunes à voir la violence comme le seul moyen d’a�eindre leurs objec�fs personnels. Les facteurs iden�taires suscitent surtout l’idée d’unité (typique du monde Musulman) et d’iden�té na�onale alors que l’iden�té religieuse et ethnique génère souvent de l’exclusion sociale et poli�que. Conclusions En ce qui concerne les trois projets considérés, les principales macro-catégories de facteurs expliquant l’adhésion des jeunes à l’EV sont : 1) les facteurs d’a�rac�on et de répulsion qui convergent sur le support ou l’adhésion aux GEV; 2) les facteurs individuels (incluant le volet psychologique) et sociaux guidant les jeunes vers la

radicalisa�on et l’EV; 3) les facteurs de résilience, ou dissuasifs, retenant les jeunes d’adhérer aux GEV. Ces catégories corroborent les études existantes. Le tableau 01 représente ces catégories.

Les principaux facteurs d’adhésion des jeunes à l’EV qui ont émergé dans ces trois projets sont : la percep�on d’injus�ce et la frustra�on, le chômage perçu comme un type d’exclusion socio-économique et poli�que, le rôle des idéologies (religieuses et poli�ques) contribuant à former l’iden�té et la sensa�on d’appartenance, et la méfiance vis-à-vis de l’efficacité de l’État et de son équité. L’injus�ce, en termes d’interven�ons inefficaces ou injustes de la part de l’État telles que l’u�lisa�on de la force et les exécu�ons extrajudiciaires, la violence policière et l’impunité, les poli�ques an�-Islamiques, le rôle de la Loi, la corrup�on et le favori�sme, entre autres, augmentent le mécontentement social et renforcent la radicalisa�on. Les facteurs de résilience sont : les structures familiales fortes; la confiance au sein des réseaux; la cohésion sociale et communautaire; les facteurs iden�taires liés à l’inclusion sociale; la structure financière; l’inclusion (l’accepta�on sociale de la part de la famille, des amis et de la communauté locale, l’engagement civique et l’emploi) et la résolu�on de conflits basée sur une approche se basant sur les droits humains. Comprendre les facteurs menant au « point de basculement » implique une analyse portant sur les facteurs de résilience, à savoir s’ils étaient faibles ou n’ont pas fonc�onné, si les jeunes se sont sen�s désengagés avec les rela�ons sociales tradi�onnelles ou officielles, et comment cela s’est produit.

2AFRIQUESURE | AFRICASAFE Comprendre et surmonter l’exposition des jeunes à la violence, l’exclusion et l’injustice en Afrique.

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Facteurs individuels

Facteurs sociaux

Expérience d’enfancePercep�onFrustra�on

Contexte économique,

poli�que et religieux

Subjec�vité

Décision d’adhérer aux GEV

Figure 01: Facteurs d’adhésion des jeunes au sein des GEV selon le PNUD 2017. Afriquesure|Africasafe.

Page 3: IDENTIFIER LES FACTEURS MENANT À L’ADHÉSION DES …

L’extrémisme violent émerge de réalités locales Les facteurs expliquant l’extrémisme violent sont mul�ples et sont interreliés. En Afrique, une variété de contextes géographiques, environnementaux, historiques, sociaux et poli�ques affecte la décision des jeunes d’adhérer à l’EV. Par exemple, des conflits concernant l’u�lisa�on de ressources naturelles contribue à alimenter l’EV dans le Mop� malien, alors qu’ils sont moins importants dans les zones sahéliennes au Burkina Faso. Comprendre les rela�ons entre les moteurs d’adhésion à l’EV et les facteurs de développement structurel s’avère difficile aussi (Berger, 2016). Une connaissance limitée et fragmentée du sujet et des réalités complexes affaiblissent la mise en place de poli�ques adéquates. C’est pourquoi la recherche récente en sociologie en Afrique explore pourquoi et comment les jeunes adhèrent à des Groupes d’Extrême Violence (GEV) et ce, en analysant les dynamiques locales et ses acteurs. Le rôle du genre et les trajectoires d’adhésion des femmes dans l’EV sont devenus centraux. Ce�e recherche vise à apporter des preuves qui pourraient aider à donner forme aux approches « douces », à savoir, les approches qui se

concentrent principalement sur le renforcement de la résilience de l’individu et du groupe vis-à-vis de l’EV. Les trois ins�tuts de recherche présentant leurs résultats préliminaires dans ce�e étude travaillent dans ce�e même direc�on. L’Ins�tut pour les études de sécurité (ISS), l’Organisa�on pour la recherche en sciences sociales dans l’Est et le Sud de l’Afrique (OSSREA) et le Forum Économique du Maghreb (MEF) ont des recherches développées au sujet de l’adhésion des jeunes à l’EV, au Niger et au Mali, au Kenya et en Ouganda, ainsi qu’en Tunisie. Ce�e synthèse détecte les principaux facteurs expliquant l’adhésion des jeunes dans les GEV et les présente en trois grandes catégories-macro : iden�té, exclusion et injus�ce. Approche des documents de synthèse

La série Extrémisme Violent est composée de trois documents de synthèse. Elle a été préparée via l’analyse de plus de de 70 documents en provenance de ces trois projets ainsi que la li�érature de référence des années 2000-2020. Loin de présenter les résultats finaux, ce�e série représente une étape de la recherche en cours. Le défi de réalisa�on de ce�e synthèse provenait de la diversité des contextes des projets et de leurs résultats. Chaque projet offrait beaucoup d’informa�on concernant les ac�vités sur le terrain ainsi que leur impact éduca�f et poli�que. Ce�e synthèse est organisée par pays (Kenya et Ouganda, Mali et Niger, et Tunisie) de façon à respecter l’esprit de chaque projet et éviter des généralisa�ons et corréla�ons. Facteurs expliquant l’adhésion des jeunes à l’EV dans la li�érature (Individuelle et sociale / facteurs d’a�rac�on et de répulsion) L’EV au Sahel résulte surtout de problèmes locaux plutôt que de logiques globales (Interna�onal Alert, 2018). Les facteurs de risque sont d’ordre économique, social, poli�que et individuel et interfèrent avec d’autres paramètres. Une solide recherche de terrain en Afrique (PNUD, 2017) a étudié la vulnérabilité à l’EV dans des communautés marginales via l’étude de trajectoires menant à l’EV depuis la pe�te enfance. Elle se base sur le « point de basculement », soit le moment où les jeunes décident d’adhérer à un GEV. Deux types de raisons mènent à ce�e décision : les raisons d’ordre individuel (reliées à la famille) et celles d’ordre social (communauté, société et poli�que). Les facteurs d’ordre individuel comprennent la psychologie et les capacités cogni�ves de l’individu et sont reliés à la percep�on du bonheur pendant l’enfance. L’absence parentale, le manque d’exposi�on à des gens d’ethnies différentes et des croyances combinées avec une carence d’éduca�on et un faible engagement civique peuvent nourrir l’intérêt d’un jeune à adhérer à un GEV. L’isolement, empiré par un contexte de marginalité et rempli de difficultés, peut affecter l’iden�té d’un enfant, son sens d’exclusion de la société et son sens d’appartenance à des groupes extrémistes.

Facteurs expliquant l’adhésion des jeunes dans l’EV issus de l’ini�a�ve du CRDI Kenya et Ouganda : facteurs d’a�rac�on et de répulsion de l’EV Au Kenya et en Ouganda, les facteurs d’a�rac�on et de répulsion de l’EV au niveau individuel et du ménage ainsi que les facteurs de résilience ont été étudiés. Lors de l’analyse des problèmes structuraux du Kenya, l’OSSREA a mis l’emphase sur les points suivants : un groupe grandissant de jeunes n’a pas accès à des opportunités économiques et subit les lourdes inégalités structurelles; la marginalisa�on et la discrimina�on; une gouvernance faible; des viola�ons de droits humains et l’absence d’un État de droit; le tout combiné à des conflits prolongés. Les différentes combinaisons de ces facteurs contribuent certainement à inciter les jeunes à adhérer des ac�vités extrémistes. Typiquement, les disparités sociales et poli�ques alimentent la frustra�on et les divisions intercommunales qui peuvent mener les jeunes vers la violence et les conflits. Ces facteurs augmentent souvent la percep�on néga�ve des jeunes vis-à-vis de la société et leur désir de se joindre à des groupes offrant une certaine protec�on et une alterna�ve. Au Kenya, les facteurs menant les jeunes à se joindre à des GEV changent d’une province à l’autre. Dans la province cô�ère, la pauvreté, le chômage, l’idéologie religieuse et les migra�ons dominent alors qu’à la capitale (Nairobi) les facteurs prédominants sont la corrup�on et l’idéologie poli�que. Nous concluons que l’exclusion, la vision du monde et l’iden�té déterminent l’a�tude des jeunes vis-à-vis de l’EV. Les logiques de radicalisa�on fonc�onnent à plusieurs niveaux : individuel, de groupe et de communauté, na�onal, régional et global. Les problèmes structuraux en Ouganda peuvent se résumer à une faible gouvernance, des poli�ques gouvernementales inefficaces, un chômage généralisé, une marginalisa�on structurelle et l’exclusion du Nord. Tel qu’au Kenya, les moteurs d’EV dépendent des domaines d’intérêt. De manière générale, les mo�va�ons pour adhérer à l’EV sont : le chômage, la pauvreté et la corrup�on suivies de vagues de migra�on, les idéologies poli�ques et religieuses. Les régions de l’Autorité Intergouvernementale pour le développement (IGAD en Anglais) subissent aussi beaucoup de conflits inter-claniques et transfrontaliers qui peuvent faciliter le trafic d’armes légères et la libre circula�on de personnes ce qui pourrait éventuellement alimenter les dynamiques reliées à l’EV. Dans les approches dominantes, les mo�fs d’adhésion à l’EV résultent d’une combinaison de facteurs d’a�rac�on et de répulsion. Les facteurs de répulsion sont basés sur les condi�ons structurelles du pays. Ceux-ci incluent une fragmenta�on communautaire, un manque de confiance de la communauté, le rôle sous-valorisé de la jeunesse ainsi que leur exclusion de la sphère poli�que et des poli�ques. Les facteurs d’a�rac�on qui rendent les idées et les groupes d’EV par�culièrement a�rants incluent des leaders charisma�ques, des idées et des causes a�rayantes ainsi que des incita�fs financiers, sociaux ou matériaux.

Les deux principales composantes de la résilience personnelle et communautaire vis-à-vis de l’EV sont la cohésion de la communauté, la confiance et la cohésion sociale.

La Tunisie : l’exclusion comme mo�va�on principale pour l’adhésion à l’EV Le terrorisme en Tunisie a connu une montée drama�que dans la période suivant la révolu�on de 2011, au moment où beaucoup de jeunes ont rejoint des groupes radicaux comme façon de s’opposer au gouvernement tunisien. Le MEF note que la démocra�e émergente alimentait des grandes a�entes concernant le progrès social, a�entes qui n’ont pas eu de réponse. Ceci a généré de la frustra�on, de la désillusion et de la méfiance vis-à-vis du gouvernement. En Tunisie, l’explora�on des liens entre l’exclusion et la radicalisa�on ainsi que ceux entre poli�ques inclusives déradicalisa�on ont révélé que les mo�va�ons pour soutenir et/ou rejoindre des groupes extrémistes djihadistes sont divisées entre facteurs psychologies que sociétaux. Beaucoup de jeunes ont perdu la foi dans les ins�tu�ons poli�ques et s’intéressent peu aux ac�vités poli�ques conven�onnelles. D’autres, souhaitent se racheter. La plupart des personnes qui ont adhéré aux GEV en Lybie et en Syrie avaient des dossiers criminels : le fait de rejoindre le Djihad représentait ainsi une certaine rédemp�on. Plusieurs d’entre eux avaient un emploi et une stabilité financière mais manquaient d’affilia�on, de jus�ce et de reconnaissance sociale. Les facteurs sociaux incluent la montée de l’Islam poli�que, les disparités économiques à l’échelle régionale, la corrup�on et la pauvre qualité du système éduca�f. Dans certains cas, le recrutement des jeunes était relié au manque d’une éduca�on Islamique adéquate. La violence policière, l’indifférence de l’État vis-à-vis des besoins des jeunes et l’absence de jus�ce sociale jouent un rôle crucial dans la créa�on d’un terrain fer�le pour la radicalisa�on et l’EV. La radicalisa�on est un processus individuel qui résulte d’un mélange parfait entre mo�va�ons pour que les jeunes adhèrent aux GEV et facteurs qui les repoussent des normes sociales. L’inclusion est faite d’accepta�on sociale, d’engagement civique et d’emploi. L’accepta�on sociale concerne l’accepta�on de la part de la famille, des amis et de la communauté locale. L’engagement civique favorise le sen�ment d’appartenance dans une communauté de jeunes et le main�en de compétences personnelles et professionnelles et ce, à condi�on que l’employabilité implique l’existence d’un marché de l’emploi rémunérateur et des opportunités pour l’inves�ssement privé. Historiquement, la religion avait une forte influence sur les normes sociales et les tradi�ons tunisiennes. Elle est basée sur l’influence de la communauté, des tradi�ons et des normes sociales. Pour que les jeunes soient socialement acceptés, ils doivent se conformer aux normes et tradi�ons dominantes.

Mali et Niger Le Mali et le Niger ont récemment connu une montée rapide d’EV impliquant beaucoup de jeunes. Les régions frontalières poreuses sont par�culièrement vulnérables au trafic et à la violence, aux structures corrompues et oppressantes et aux problèmes endémiques de crime organisé. Les groupes terroristes sont tenaces et a�rayants, ils offrent des services et de l’emploi et profitent de l’idée d’un gouvernement corrompu. Boko Haram exploite l’idée de la société occidentale comme étant corrompue pour alimenter le refus de la part des jeunes et faciliter le processus de recrutement. Ce�e organisa�on est par�culièrement efficace en ce qui a trait au recrutement de femmes. Ceci encourage certains chercheurs à se concentrer sur le rôle des femmes au sein des GEV. Et pourtant, même si quelques jeunes adhérent à des GEV, beaucoup d’autres qui vivent dans le même contexte décident de ne pas le faire alors que d’autres s’en re�rent. Ainsi, la préven�on de la forma�on de nouveaux GEV dans ce�e région bénéficie aussi de l’analyse du retrait, de la réintégra�on d’ex-comba�ants au Niger et du rôle joué par les jeunes hommes et femmes au sein de ces organisa�on. La décision d’adhérer aux GEV dépend de facteurs incita�fs et dissuasifs (ou de résilience). Le premier agit au niveau familial, social et global et inclut la vulnérabilité individuelle. Les services sociaux fournis par le groupe extrémiste AQMI a�rent les jeunes. Au contraire, les structures fortes d’ordre familial, financier et la cohésion sociale sont plutôt des facteurs de résilience. L’engagement des jeunes dans l’EV dépend de facteurs poli�ques, économiques, sociaux et psychologiques. Les facteurs poli�ques qui génèrent de la méfiance vis-à-vis du gouvernement concernent généralement l’oppression par l’État, la viola�on des droits de l’homme, l’incapacité de l’État à faire face aux problèmes structuraux et à la corrup�on. Les jeunes cherchent l’iden�té et la cohésion sociale au sein de la société même. Lorsqu’ils ne les trouvent pas, ils les cherchent ailleurs. L’exclusion économique dépend souvent de la discrimina�on sociale et raciale. La rébellion des gens est davantage générée par l’exclusion que la pauvreté. Beaucoup de jeunes engagés dans des GEV ne sont pas pauvres ou non-éduqués, mais sont exclus. Les facteurs sociaux émergent au sein des familles et des communautés : le syndrome de l’absence du père, la pression des pairs, la percep�on d’exclusion sociale et de marginalisa�on sont les facteurs des plus courants. Les facteurs psychologiques entraînent les jeunes à voir la violence comme le seul moyen d’a�eindre leurs objec�fs personnels. Les facteurs iden�taires suscitent surtout l’idée d’unité (typique du monde Musulman) et d’iden�té na�onale alors que l’iden�té religieuse et ethnique génère souvent de l’exclusion sociale et poli�que. Conclusions En ce qui concerne les trois projets considérés, les principales macro-catégories de facteurs expliquant l’adhésion des jeunes à l’EV sont : 1) les facteurs d’a�rac�on et de répulsion qui convergent sur le support ou l’adhésion aux GEV; 2) les facteurs individuels (incluant le volet psychologique) et sociaux guidant les jeunes vers la

radicalisa�on et l’EV; 3) les facteurs de résilience, ou dissuasifs, retenant les jeunes d’adhérer aux GEV. Ces catégories corroborent les études existantes. Le tableau 01 représente ces catégories.

Les principaux facteurs d’adhésion des jeunes à l’EV qui ont émergé dans ces trois projets sont : la percep�on d’injus�ce et la frustra�on, le chômage perçu comme un type d’exclusion socio-économique et poli�que, le rôle des idéologies (religieuses et poli�ques) contribuant à former l’iden�té et la sensa�on d’appartenance, et la méfiance vis-à-vis de l’efficacité de l’État et de son équité. L’injus�ce, en termes d’interven�ons inefficaces ou injustes de la part de l’État telles que l’u�lisa�on de la force et les exécu�ons extrajudiciaires, la violence policière et l’impunité, les poli�ques an�-Islamiques, le rôle de la Loi, la corrup�on et le favori�sme, entre autres, augmentent le mécontentement social et renforcent la radicalisa�on. Les facteurs de résilience sont : les structures familiales fortes; la confiance au sein des réseaux; la cohésion sociale et communautaire; les facteurs iden�taires liés à l’inclusion sociale; la structure financière; l’inclusion (l’accepta�on sociale de la part de la famille, des amis et de la communauté locale, l’engagement civique et l’emploi) et la résolu�on de conflits basée sur une approche se basant sur les droits humains. Comprendre les facteurs menant au « point de basculement » implique une analyse portant sur les facteurs de résilience, à savoir s’ils étaient faibles ou n’ont pas fonc�onné, si les jeunes se sont sen�s désengagés avec les rela�ons sociales tradi�onnelles ou officielles, et comment cela s’est produit.

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Page 4: IDENTIFIER LES FACTEURS MENANT À L’ADHÉSION DES …

L’extrémisme violent émerge de réalités locales Les facteurs expliquant l’extrémisme violent sont mul�ples et sont interreliés. En Afrique, une variété de contextes géographiques, environnementaux, historiques, sociaux et poli�ques affecte la décision des jeunes d’adhérer à l’EV. Par exemple, des conflits concernant l’u�lisa�on de ressources naturelles contribue à alimenter l’EV dans le Mop� malien, alors qu’ils sont moins importants dans les zones sahéliennes au Burkina Faso. Comprendre les rela�ons entre les moteurs d’adhésion à l’EV et les facteurs de développement structurel s’avère difficile aussi (Berger, 2016). Une connaissance limitée et fragmentée du sujet et des réalités complexes affaiblissent la mise en place de poli�ques adéquates. C’est pourquoi la recherche récente en sociologie en Afrique explore pourquoi et comment les jeunes adhèrent à des Groupes d’Extrême Violence (GEV) et ce, en analysant les dynamiques locales et ses acteurs. Le rôle du genre et les trajectoires d’adhésion des femmes dans l’EV sont devenus centraux. Ce�e recherche vise à apporter des preuves qui pourraient aider à donner forme aux approches « douces », à savoir, les approches qui se

concentrent principalement sur le renforcement de la résilience de l’individu et du groupe vis-à-vis de l’EV. Les trois ins�tuts de recherche présentant leurs résultats préliminaires dans ce�e étude travaillent dans ce�e même direc�on. L’Ins�tut pour les études de sécurité (ISS), l’Organisa�on pour la recherche en sciences sociales dans l’Est et le Sud de l’Afrique (OSSREA) et le Forum Économique du Maghreb (MEF) ont des recherches développées au sujet de l’adhésion des jeunes à l’EV, au Niger et au Mali, au Kenya et en Ouganda, ainsi qu’en Tunisie. Ce�e synthèse détecte les principaux facteurs expliquant l’adhésion des jeunes dans les GEV et les présente en trois grandes catégories-macro : iden�té, exclusion et injus�ce. Approche des documents de synthèse

La série Extrémisme Violent est composée de trois documents de synthèse. Elle a été préparée via l’analyse de plus de de 70 documents en provenance de ces trois projets ainsi que la li�érature de référence des années 2000-2020. Loin de présenter les résultats finaux, ce�e série représente une étape de la recherche en cours. Le défi de réalisa�on de ce�e synthèse provenait de la diversité des contextes des projets et de leurs résultats. Chaque projet offrait beaucoup d’informa�on concernant les ac�vités sur le terrain ainsi que leur impact éduca�f et poli�que. Ce�e synthèse est organisée par pays (Kenya et Ouganda, Mali et Niger, et Tunisie) de façon à respecter l’esprit de chaque projet et éviter des généralisa�ons et corréla�ons. Facteurs expliquant l’adhésion des jeunes à l’EV dans la li�érature (Individuelle et sociale / facteurs d’a�rac�on et de répulsion) L’EV au Sahel résulte surtout de problèmes locaux plutôt que de logiques globales (Interna�onal Alert, 2018). Les facteurs de risque sont d’ordre économique, social, poli�que et individuel et interfèrent avec d’autres paramètres. Une solide recherche de terrain en Afrique (PNUD, 2017) a étudié la vulnérabilité à l’EV dans des communautés marginales via l’étude de trajectoires menant à l’EV depuis la pe�te enfance. Elle se base sur le « point de basculement », soit le moment où les jeunes décident d’adhérer à un GEV. Deux types de raisons mènent à ce�e décision : les raisons d’ordre individuel (reliées à la famille) et celles d’ordre social (communauté, société et poli�que). Les facteurs d’ordre individuel comprennent la psychologie et les capacités cogni�ves de l’individu et sont reliés à la percep�on du bonheur pendant l’enfance. L’absence parentale, le manque d’exposi�on à des gens d’ethnies différentes et des croyances combinées avec une carence d’éduca�on et un faible engagement civique peuvent nourrir l’intérêt d’un jeune à adhérer à un GEV. L’isolement, empiré par un contexte de marginalité et rempli de difficultés, peut affecter l’iden�té d’un enfant, son sens d’exclusion de la société et son sens d’appartenance à des groupes extrémistes.

Facteurs expliquant l’adhésion des jeunes dans l’EV issus de l’ini�a�ve du CRDI Kenya et Ouganda : facteurs d’a�rac�on et de répulsion de l’EV Au Kenya et en Ouganda, les facteurs d’a�rac�on et de répulsion de l’EV au niveau individuel et du ménage ainsi que les facteurs de résilience ont été étudiés. Lors de l’analyse des problèmes structuraux du Kenya, l’OSSREA a mis l’emphase sur les points suivants : un groupe grandissant de jeunes n’a pas accès à des opportunités économiques et subit les lourdes inégalités structurelles; la marginalisa�on et la discrimina�on; une gouvernance faible; des viola�ons de droits humains et l’absence d’un État de droit; le tout combiné à des conflits prolongés. Les différentes combinaisons de ces facteurs contribuent certainement à inciter les jeunes à adhérer des ac�vités extrémistes. Typiquement, les disparités sociales et poli�ques alimentent la frustra�on et les divisions intercommunales qui peuvent mener les jeunes vers la violence et les conflits. Ces facteurs augmentent souvent la percep�on néga�ve des jeunes vis-à-vis de la société et leur désir de se joindre à des groupes offrant une certaine protec�on et une alterna�ve. Au Kenya, les facteurs menant les jeunes à se joindre à des GEV changent d’une province à l’autre. Dans la province cô�ère, la pauvreté, le chômage, l’idéologie religieuse et les migra�ons dominent alors qu’à la capitale (Nairobi) les facteurs prédominants sont la corrup�on et l’idéologie poli�que. Nous concluons que l’exclusion, la vision du monde et l’iden�té déterminent l’a�tude des jeunes vis-à-vis de l’EV. Les logiques de radicalisa�on fonc�onnent à plusieurs niveaux : individuel, de groupe et de communauté, na�onal, régional et global. Les problèmes structuraux en Ouganda peuvent se résumer à une faible gouvernance, des poli�ques gouvernementales inefficaces, un chômage généralisé, une marginalisa�on structurelle et l’exclusion du Nord. Tel qu’au Kenya, les moteurs d’EV dépendent des domaines d’intérêt. De manière générale, les mo�va�ons pour adhérer à l’EV sont : le chômage, la pauvreté et la corrup�on suivies de vagues de migra�on, les idéologies poli�ques et religieuses. Les régions de l’Autorité Intergouvernementale pour le développement (IGAD en Anglais) subissent aussi beaucoup de conflits inter-claniques et transfrontaliers qui peuvent faciliter le trafic d’armes légères et la libre circula�on de personnes ce qui pourrait éventuellement alimenter les dynamiques reliées à l’EV. Dans les approches dominantes, les mo�fs d’adhésion à l’EV résultent d’une combinaison de facteurs d’a�rac�on et de répulsion. Les facteurs de répulsion sont basés sur les condi�ons structurelles du pays. Ceux-ci incluent une fragmenta�on communautaire, un manque de confiance de la communauté, le rôle sous-valorisé de la jeunesse ainsi que leur exclusion de la sphère poli�que et des poli�ques. Les facteurs d’a�rac�on qui rendent les idées et les groupes d’EV par�culièrement a�rants incluent des leaders charisma�ques, des idées et des causes a�rayantes ainsi que des incita�fs financiers, sociaux ou matériaux.

Les deux principales composantes de la résilience personnelle et communautaire vis-à-vis de l’EV sont la cohésion de la communauté, la confiance et la cohésion sociale.

La Tunisie : l’exclusion comme mo�va�on principale pour l’adhésion à l’EV Le terrorisme en Tunisie a connu une montée drama�que dans la période suivant la révolu�on de 2011, au moment où beaucoup de jeunes ont rejoint des groupes radicaux comme façon de s’opposer au gouvernement tunisien. Le MEF note que la démocra�e émergente alimentait des grandes a�entes concernant le progrès social, a�entes qui n’ont pas eu de réponse. Ceci a généré de la frustra�on, de la désillusion et de la méfiance vis-à-vis du gouvernement. En Tunisie, l’explora�on des liens entre l’exclusion et la radicalisa�on ainsi que ceux entre poli�ques inclusives déradicalisa�on ont révélé que les mo�va�ons pour soutenir et/ou rejoindre des groupes extrémistes djihadistes sont divisées entre facteurs psychologies que sociétaux. Beaucoup de jeunes ont perdu la foi dans les ins�tu�ons poli�ques et s’intéressent peu aux ac�vités poli�ques conven�onnelles. D’autres, souhaitent se racheter. La plupart des personnes qui ont adhéré aux GEV en Lybie et en Syrie avaient des dossiers criminels : le fait de rejoindre le Djihad représentait ainsi une certaine rédemp�on. Plusieurs d’entre eux avaient un emploi et une stabilité financière mais manquaient d’affilia�on, de jus�ce et de reconnaissance sociale. Les facteurs sociaux incluent la montée de l’Islam poli�que, les disparités économiques à l’échelle régionale, la corrup�on et la pauvre qualité du système éduca�f. Dans certains cas, le recrutement des jeunes était relié au manque d’une éduca�on Islamique adéquate. La violence policière, l’indifférence de l’État vis-à-vis des besoins des jeunes et l’absence de jus�ce sociale jouent un rôle crucial dans la créa�on d’un terrain fer�le pour la radicalisa�on et l’EV. La radicalisa�on est un processus individuel qui résulte d’un mélange parfait entre mo�va�ons pour que les jeunes adhèrent aux GEV et facteurs qui les repoussent des normes sociales. L’inclusion est faite d’accepta�on sociale, d’engagement civique et d’emploi. L’accepta�on sociale concerne l’accepta�on de la part de la famille, des amis et de la communauté locale. L’engagement civique favorise le sen�ment d’appartenance dans une communauté de jeunes et le main�en de compétences personnelles et professionnelles et ce, à condi�on que l’employabilité implique l’existence d’un marché de l’emploi rémunérateur et des opportunités pour l’inves�ssement privé. Historiquement, la religion avait une forte influence sur les normes sociales et les tradi�ons tunisiennes. Elle est basée sur l’influence de la communauté, des tradi�ons et des normes sociales. Pour que les jeunes soient socialement acceptés, ils doivent se conformer aux normes et tradi�ons dominantes.

Mali et Niger Le Mali et le Niger ont récemment connu une montée rapide d’EV impliquant beaucoup de jeunes. Les régions frontalières poreuses sont par�culièrement vulnérables au trafic et à la violence, aux structures corrompues et oppressantes et aux problèmes endémiques de crime organisé. Les groupes terroristes sont tenaces et a�rayants, ils offrent des services et de l’emploi et profitent de l’idée d’un gouvernement corrompu. Boko Haram exploite l’idée de la société occidentale comme étant corrompue pour alimenter le refus de la part des jeunes et faciliter le processus de recrutement. Ce�e organisa�on est par�culièrement efficace en ce qui a trait au recrutement de femmes. Ceci encourage certains chercheurs à se concentrer sur le rôle des femmes au sein des GEV. Et pourtant, même si quelques jeunes adhérent à des GEV, beaucoup d’autres qui vivent dans le même contexte décident de ne pas le faire alors que d’autres s’en re�rent. Ainsi, la préven�on de la forma�on de nouveaux GEV dans ce�e région bénéficie aussi de l’analyse du retrait, de la réintégra�on d’ex-comba�ants au Niger et du rôle joué par les jeunes hommes et femmes au sein de ces organisa�on. La décision d’adhérer aux GEV dépend de facteurs incita�fs et dissuasifs (ou de résilience). Le premier agit au niveau familial, social et global et inclut la vulnérabilité individuelle. Les services sociaux fournis par le groupe extrémiste AQMI a�rent les jeunes. Au contraire, les structures fortes d’ordre familial, financier et la cohésion sociale sont plutôt des facteurs de résilience. L’engagement des jeunes dans l’EV dépend de facteurs poli�ques, économiques, sociaux et psychologiques. Les facteurs poli�ques qui génèrent de la méfiance vis-à-vis du gouvernement concernent généralement l’oppression par l’État, la viola�on des droits de l’homme, l’incapacité de l’État à faire face aux problèmes structuraux et à la corrup�on. Les jeunes cherchent l’iden�té et la cohésion sociale au sein de la société même. Lorsqu’ils ne les trouvent pas, ils les cherchent ailleurs. L’exclusion économique dépend souvent de la discrimina�on sociale et raciale. La rébellion des gens est davantage générée par l’exclusion que la pauvreté. Beaucoup de jeunes engagés dans des GEV ne sont pas pauvres ou non-éduqués, mais sont exclus. Les facteurs sociaux émergent au sein des familles et des communautés : le syndrome de l’absence du père, la pression des pairs, la percep�on d’exclusion sociale et de marginalisa�on sont les facteurs des plus courants. Les facteurs psychologiques entraînent les jeunes à voir la violence comme le seul moyen d’a�eindre leurs objec�fs personnels. Les facteurs iden�taires suscitent surtout l’idée d’unité (typique du monde Musulman) et d’iden�té na�onale alors que l’iden�té religieuse et ethnique génère souvent de l’exclusion sociale et poli�que. Conclusions En ce qui concerne les trois projets considérés, les principales macro-catégories de facteurs expliquant l’adhésion des jeunes à l’EV sont : 1) les facteurs d’a�rac�on et de répulsion qui convergent sur le support ou l’adhésion aux GEV; 2) les facteurs individuels (incluant le volet psychologique) et sociaux guidant les jeunes vers la

radicalisa�on et l’EV; 3) les facteurs de résilience, ou dissuasifs, retenant les jeunes d’adhérer aux GEV. Ces catégories corroborent les études existantes. Le tableau 01 représente ces catégories.

Les principaux facteurs d’adhésion des jeunes à l’EV qui ont émergé dans ces trois projets sont : la percep�on d’injus�ce et la frustra�on, le chômage perçu comme un type d’exclusion socio-économique et poli�que, le rôle des idéologies (religieuses et poli�ques) contribuant à former l’iden�té et la sensa�on d’appartenance, et la méfiance vis-à-vis de l’efficacité de l’État et de son équité. L’injus�ce, en termes d’interven�ons inefficaces ou injustes de la part de l’État telles que l’u�lisa�on de la force et les exécu�ons extrajudiciaires, la violence policière et l’impunité, les poli�ques an�-Islamiques, le rôle de la Loi, la corrup�on et le favori�sme, entre autres, augmentent le mécontentement social et renforcent la radicalisa�on. Les facteurs de résilience sont : les structures familiales fortes; la confiance au sein des réseaux; la cohésion sociale et communautaire; les facteurs iden�taires liés à l’inclusion sociale; la structure financière; l’inclusion (l’accepta�on sociale de la part de la famille, des amis et de la communauté locale, l’engagement civique et l’emploi) et la résolu�on de conflits basée sur une approche se basant sur les droits humains. Comprendre les facteurs menant au « point de basculement » implique une analyse portant sur les facteurs de résilience, à savoir s’ils étaient faibles ou n’ont pas fonc�onné, si les jeunes se sont sen�s désengagés avec les rela�ons sociales tradi�onnelles ou officielles, et comment cela s’est produit.

4AFRIQUESURE | AFRICASAFE Comprendre et surmonter l’exposition des jeunes à la violence, l’exclusion et l’injustice en Afrique.

Radicalisa�on

Facteurs répulsifs(Problèmes structurels)

Conserva�sme social

Chômage

Faible engagement civique

Méfiance vis-à-vis des ins�tu�ons

Crise iden�taire

Facteurs a�rac�fs

Poli�cal Islam

Social Recogni�on

Ideology

Figure 04: Facteurs répulsifs et a�rac�fs de radicalisa�on en Tunisie. Africasure|Africasafe.

Associa�on avec les GEV

Facteurs répulsifs(Problèmes structurels)

Méfiance vis-à-vis du gouvernement

Exclusion économique

Discrimina�on religieuse/ethnique

Exclusion sociale (au niveau communautaire)

Facteurs a�rac�fs

Iden�té na�onale

Provision d’emplois

Provision de services

Figure 05: Facteurs répulsifs et a�rac�fs de radicalisa�on au Mali et au Niger. Africasure|Africasafe

Figure 03: Facteurs d’adhésion des jeunes au sein de GEV dans la région de l’IGAD. Africasure|Africasafe.

Décision d’adhérer aux

GEV

Facteurs répulsifs(Problèmes structurels)

Chômage

Pauvreté

Corrup�on

Idéologies

Facteurs a�rac�fs

Idées a�rac�ves

Leaders charisma�ques

Incita�fs

Idéologie

Page 5: IDENTIFIER LES FACTEURS MENANT À L’ADHÉSION DES …

L’extrémisme violent émerge de réalités locales Les facteurs expliquant l’extrémisme violent sont mul�ples et sont interreliés. En Afrique, une variété de contextes géographiques, environnementaux, historiques, sociaux et poli�ques affecte la décision des jeunes d’adhérer à l’EV. Par exemple, des conflits concernant l’u�lisa�on de ressources naturelles contribue à alimenter l’EV dans le Mop� malien, alors qu’ils sont moins importants dans les zones sahéliennes au Burkina Faso. Comprendre les rela�ons entre les moteurs d’adhésion à l’EV et les facteurs de développement structurel s’avère difficile aussi (Berger, 2016). Une connaissance limitée et fragmentée du sujet et des réalités complexes affaiblissent la mise en place de poli�ques adéquates. C’est pourquoi la recherche récente en sociologie en Afrique explore pourquoi et comment les jeunes adhèrent à des Groupes d’Extrême Violence (GEV) et ce, en analysant les dynamiques locales et ses acteurs. Le rôle du genre et les trajectoires d’adhésion des femmes dans l’EV sont devenus centraux. Ce�e recherche vise à apporter des preuves qui pourraient aider à donner forme aux approches « douces », à savoir, les approches qui se

concentrent principalement sur le renforcement de la résilience de l’individu et du groupe vis-à-vis de l’EV. Les trois ins�tuts de recherche présentant leurs résultats préliminaires dans ce�e étude travaillent dans ce�e même direc�on. L’Ins�tut pour les études de sécurité (ISS), l’Organisa�on pour la recherche en sciences sociales dans l’Est et le Sud de l’Afrique (OSSREA) et le Forum Économique du Maghreb (MEF) ont des recherches développées au sujet de l’adhésion des jeunes à l’EV, au Niger et au Mali, au Kenya et en Ouganda, ainsi qu’en Tunisie. Ce�e synthèse détecte les principaux facteurs expliquant l’adhésion des jeunes dans les GEV et les présente en trois grandes catégories-macro : iden�té, exclusion et injus�ce. Approche des documents de synthèse

La série Extrémisme Violent est composée de trois documents de synthèse. Elle a été préparée via l’analyse de plus de de 70 documents en provenance de ces trois projets ainsi que la li�érature de référence des années 2000-2020. Loin de présenter les résultats finaux, ce�e série représente une étape de la recherche en cours. Le défi de réalisa�on de ce�e synthèse provenait de la diversité des contextes des projets et de leurs résultats. Chaque projet offrait beaucoup d’informa�on concernant les ac�vités sur le terrain ainsi que leur impact éduca�f et poli�que. Ce�e synthèse est organisée par pays (Kenya et Ouganda, Mali et Niger, et Tunisie) de façon à respecter l’esprit de chaque projet et éviter des généralisa�ons et corréla�ons. Facteurs expliquant l’adhésion des jeunes à l’EV dans la li�érature (Individuelle et sociale / facteurs d’a�rac�on et de répulsion) L’EV au Sahel résulte surtout de problèmes locaux plutôt que de logiques globales (Interna�onal Alert, 2018). Les facteurs de risque sont d’ordre économique, social, poli�que et individuel et interfèrent avec d’autres paramètres. Une solide recherche de terrain en Afrique (PNUD, 2017) a étudié la vulnérabilité à l’EV dans des communautés marginales via l’étude de trajectoires menant à l’EV depuis la pe�te enfance. Elle se base sur le « point de basculement », soit le moment où les jeunes décident d’adhérer à un GEV. Deux types de raisons mènent à ce�e décision : les raisons d’ordre individuel (reliées à la famille) et celles d’ordre social (communauté, société et poli�que). Les facteurs d’ordre individuel comprennent la psychologie et les capacités cogni�ves de l’individu et sont reliés à la percep�on du bonheur pendant l’enfance. L’absence parentale, le manque d’exposi�on à des gens d’ethnies différentes et des croyances combinées avec une carence d’éduca�on et un faible engagement civique peuvent nourrir l’intérêt d’un jeune à adhérer à un GEV. L’isolement, empiré par un contexte de marginalité et rempli de difficultés, peut affecter l’iden�té d’un enfant, son sens d’exclusion de la société et son sens d’appartenance à des groupes extrémistes.

Facteurs expliquant l’adhésion des jeunes dans l’EV issus de l’ini�a�ve du CRDI Kenya et Ouganda : facteurs d’a�rac�on et de répulsion de l’EV Au Kenya et en Ouganda, les facteurs d’a�rac�on et de répulsion de l’EV au niveau individuel et du ménage ainsi que les facteurs de résilience ont été étudiés. Lors de l’analyse des problèmes structuraux du Kenya, l’OSSREA a mis l’emphase sur les points suivants : un groupe grandissant de jeunes n’a pas accès à des opportunités économiques et subit les lourdes inégalités structurelles; la marginalisa�on et la discrimina�on; une gouvernance faible; des viola�ons de droits humains et l’absence d’un État de droit; le tout combiné à des conflits prolongés. Les différentes combinaisons de ces facteurs contribuent certainement à inciter les jeunes à adhérer des ac�vités extrémistes. Typiquement, les disparités sociales et poli�ques alimentent la frustra�on et les divisions intercommunales qui peuvent mener les jeunes vers la violence et les conflits. Ces facteurs augmentent souvent la percep�on néga�ve des jeunes vis-à-vis de la société et leur désir de se joindre à des groupes offrant une certaine protec�on et une alterna�ve. Au Kenya, les facteurs menant les jeunes à se joindre à des GEV changent d’une province à l’autre. Dans la province cô�ère, la pauvreté, le chômage, l’idéologie religieuse et les migra�ons dominent alors qu’à la capitale (Nairobi) les facteurs prédominants sont la corrup�on et l’idéologie poli�que. Nous concluons que l’exclusion, la vision du monde et l’iden�té déterminent l’a�tude des jeunes vis-à-vis de l’EV. Les logiques de radicalisa�on fonc�onnent à plusieurs niveaux : individuel, de groupe et de communauté, na�onal, régional et global. Les problèmes structuraux en Ouganda peuvent se résumer à une faible gouvernance, des poli�ques gouvernementales inefficaces, un chômage généralisé, une marginalisa�on structurelle et l’exclusion du Nord. Tel qu’au Kenya, les moteurs d’EV dépendent des domaines d’intérêt. De manière générale, les mo�va�ons pour adhérer à l’EV sont : le chômage, la pauvreté et la corrup�on suivies de vagues de migra�on, les idéologies poli�ques et religieuses. Les régions de l’Autorité Intergouvernementale pour le développement (IGAD en Anglais) subissent aussi beaucoup de conflits inter-claniques et transfrontaliers qui peuvent faciliter le trafic d’armes légères et la libre circula�on de personnes ce qui pourrait éventuellement alimenter les dynamiques reliées à l’EV. Dans les approches dominantes, les mo�fs d’adhésion à l’EV résultent d’une combinaison de facteurs d’a�rac�on et de répulsion. Les facteurs de répulsion sont basés sur les condi�ons structurelles du pays. Ceux-ci incluent une fragmenta�on communautaire, un manque de confiance de la communauté, le rôle sous-valorisé de la jeunesse ainsi que leur exclusion de la sphère poli�que et des poli�ques. Les facteurs d’a�rac�on qui rendent les idées et les groupes d’EV par�culièrement a�rants incluent des leaders charisma�ques, des idées et des causes a�rayantes ainsi que des incita�fs financiers, sociaux ou matériaux.

Les deux principales composantes de la résilience personnelle et communautaire vis-à-vis de l’EV sont la cohésion de la communauté, la confiance et la cohésion sociale.

La Tunisie : l’exclusion comme mo�va�on principale pour l’adhésion à l’EV Le terrorisme en Tunisie a connu une montée drama�que dans la période suivant la révolu�on de 2011, au moment où beaucoup de jeunes ont rejoint des groupes radicaux comme façon de s’opposer au gouvernement tunisien. Le MEF note que la démocra�e émergente alimentait des grandes a�entes concernant le progrès social, a�entes qui n’ont pas eu de réponse. Ceci a généré de la frustra�on, de la désillusion et de la méfiance vis-à-vis du gouvernement. En Tunisie, l’explora�on des liens entre l’exclusion et la radicalisa�on ainsi que ceux entre poli�ques inclusives déradicalisa�on ont révélé que les mo�va�ons pour soutenir et/ou rejoindre des groupes extrémistes djihadistes sont divisées entre facteurs psychologies que sociétaux. Beaucoup de jeunes ont perdu la foi dans les ins�tu�ons poli�ques et s’intéressent peu aux ac�vités poli�ques conven�onnelles. D’autres, souhaitent se racheter. La plupart des personnes qui ont adhéré aux GEV en Lybie et en Syrie avaient des dossiers criminels : le fait de rejoindre le Djihad représentait ainsi une certaine rédemp�on. Plusieurs d’entre eux avaient un emploi et une stabilité financière mais manquaient d’affilia�on, de jus�ce et de reconnaissance sociale. Les facteurs sociaux incluent la montée de l’Islam poli�que, les disparités économiques à l’échelle régionale, la corrup�on et la pauvre qualité du système éduca�f. Dans certains cas, le recrutement des jeunes était relié au manque d’une éduca�on Islamique adéquate. La violence policière, l’indifférence de l’État vis-à-vis des besoins des jeunes et l’absence de jus�ce sociale jouent un rôle crucial dans la créa�on d’un terrain fer�le pour la radicalisa�on et l’EV. La radicalisa�on est un processus individuel qui résulte d’un mélange parfait entre mo�va�ons pour que les jeunes adhèrent aux GEV et facteurs qui les repoussent des normes sociales. L’inclusion est faite d’accepta�on sociale, d’engagement civique et d’emploi. L’accepta�on sociale concerne l’accepta�on de la part de la famille, des amis et de la communauté locale. L’engagement civique favorise le sen�ment d’appartenance dans une communauté de jeunes et le main�en de compétences personnelles et professionnelles et ce, à condi�on que l’employabilité implique l’existence d’un marché de l’emploi rémunérateur et des opportunités pour l’inves�ssement privé. Historiquement, la religion avait une forte influence sur les normes sociales et les tradi�ons tunisiennes. Elle est basée sur l’influence de la communauté, des tradi�ons et des normes sociales. Pour que les jeunes soient socialement acceptés, ils doivent se conformer aux normes et tradi�ons dominantes.

Mali et Niger Le Mali et le Niger ont récemment connu une montée rapide d’EV impliquant beaucoup de jeunes. Les régions frontalières poreuses sont par�culièrement vulnérables au trafic et à la violence, aux structures corrompues et oppressantes et aux problèmes endémiques de crime organisé. Les groupes terroristes sont tenaces et a�rayants, ils offrent des services et de l’emploi et profitent de l’idée d’un gouvernement corrompu. Boko Haram exploite l’idée de la société occidentale comme étant corrompue pour alimenter le refus de la part des jeunes et faciliter le processus de recrutement. Ce�e organisa�on est par�culièrement efficace en ce qui a trait au recrutement de femmes. Ceci encourage certains chercheurs à se concentrer sur le rôle des femmes au sein des GEV. Et pourtant, même si quelques jeunes adhérent à des GEV, beaucoup d’autres qui vivent dans le même contexte décident de ne pas le faire alors que d’autres s’en re�rent. Ainsi, la préven�on de la forma�on de nouveaux GEV dans ce�e région bénéficie aussi de l’analyse du retrait, de la réintégra�on d’ex-comba�ants au Niger et du rôle joué par les jeunes hommes et femmes au sein de ces organisa�on. La décision d’adhérer aux GEV dépend de facteurs incita�fs et dissuasifs (ou de résilience). Le premier agit au niveau familial, social et global et inclut la vulnérabilité individuelle. Les services sociaux fournis par le groupe extrémiste AQMI a�rent les jeunes. Au contraire, les structures fortes d’ordre familial, financier et la cohésion sociale sont plutôt des facteurs de résilience. L’engagement des jeunes dans l’EV dépend de facteurs poli�ques, économiques, sociaux et psychologiques. Les facteurs poli�ques qui génèrent de la méfiance vis-à-vis du gouvernement concernent généralement l’oppression par l’État, la viola�on des droits de l’homme, l’incapacité de l’État à faire face aux problèmes structuraux et à la corrup�on. Les jeunes cherchent l’iden�té et la cohésion sociale au sein de la société même. Lorsqu’ils ne les trouvent pas, ils les cherchent ailleurs. L’exclusion économique dépend souvent de la discrimina�on sociale et raciale. La rébellion des gens est davantage générée par l’exclusion que la pauvreté. Beaucoup de jeunes engagés dans des GEV ne sont pas pauvres ou non-éduqués, mais sont exclus. Les facteurs sociaux émergent au sein des familles et des communautés : le syndrome de l’absence du père, la pression des pairs, la percep�on d’exclusion sociale et de marginalisa�on sont les facteurs des plus courants. Les facteurs psychologiques entraînent les jeunes à voir la violence comme le seul moyen d’a�eindre leurs objec�fs personnels. Les facteurs iden�taires suscitent surtout l’idée d’unité (typique du monde Musulman) et d’iden�té na�onale alors que l’iden�té religieuse et ethnique génère souvent de l’exclusion sociale et poli�que. Conclusions En ce qui concerne les trois projets considérés, les principales macro-catégories de facteurs expliquant l’adhésion des jeunes à l’EV sont : 1) les facteurs d’a�rac�on et de répulsion qui convergent sur le support ou l’adhésion aux GEV; 2) les facteurs individuels (incluant le volet psychologique) et sociaux guidant les jeunes vers la

radicalisa�on et l’EV; 3) les facteurs de résilience, ou dissuasifs, retenant les jeunes d’adhérer aux GEV. Ces catégories corroborent les études existantes. Le tableau 01 représente ces catégories.

Les principaux facteurs d’adhésion des jeunes à l’EV qui ont émergé dans ces trois projets sont : la percep�on d’injus�ce et la frustra�on, le chômage perçu comme un type d’exclusion socio-économique et poli�que, le rôle des idéologies (religieuses et poli�ques) contribuant à former l’iden�té et la sensa�on d’appartenance, et la méfiance vis-à-vis de l’efficacité de l’État et de son équité. L’injus�ce, en termes d’interven�ons inefficaces ou injustes de la part de l’État telles que l’u�lisa�on de la force et les exécu�ons extrajudiciaires, la violence policière et l’impunité, les poli�ques an�-Islamiques, le rôle de la Loi, la corrup�on et le favori�sme, entre autres, augmentent le mécontentement social et renforcent la radicalisa�on. Les facteurs de résilience sont : les structures familiales fortes; la confiance au sein des réseaux; la cohésion sociale et communautaire; les facteurs iden�taires liés à l’inclusion sociale; la structure financière; l’inclusion (l’accepta�on sociale de la part de la famille, des amis et de la communauté locale, l’engagement civique et l’emploi) et la résolu�on de conflits basée sur une approche se basant sur les droits humains. Comprendre les facteurs menant au « point de basculement » implique une analyse portant sur les facteurs de résilience, à savoir s’ils étaient faibles ou n’ont pas fonc�onné, si les jeunes se sont sen�s désengagés avec les rela�ons sociales tradi�onnelles ou officielles, et comment cela s’est produit.

5AFRIQUESURE | AFRICASAFE Comprendre et surmonter l’exposition des jeunes à la violence, l’exclusion et l’injustice en Afrique.

Figure 02: Tableau représentant les facteurs d’adhésion à l’EV à l’échelle locale. Afriquesure|Africasafe.

Facteurs d’adhésion à l’EV Incita�fs DissuasifsRépulsifs A�rac�fs

IndividuelsSociaux

Résilience

6AFRIQUESURE | AFRICASAFE Comprendre et surmonter l’exposition des jeunes à la violence, l’exclusion et l’injustice en Afrique.

(Carrefour d'Études et de Recherche Ac�on pour la Démocra�e et le Développement) - Burkina Faso et Senegal (École Supérieure d’Économie Appliquée) - Senegal (Genocide and Atrocity Preven�on Support) - Uganda (Groupe de Recherche et d’Informa�on sur la Paix et la sécurité) - Burkina Faso et République Démocra�que du Congo(Ins�tut Africain de Ges�on Urbaine) - Senegal (Ins�tute for Security Study) - Mali et Niger(Maghreb Economic Forum) - Tunisia(Organisa�on for Social Science Research in Eastern and Southern Africa) - Kenya et Uganda(Popula�on Council Egypt) - Egypt(Research and Advocacy Unit) - Zimbabwe(Réseau d’Échange Stratégique pour une Afrique Urbaine Durable) - Senegal(Tadwein Gender Research Center) - Egypt(University of Dar es Salaam) - Kenya et Tanzania(University of the Western Cape) - South Africa(Youth Empowerment and Transforma�on Trust) - Zimbabwe

Auteurs : Dr. Michel Max Raynaud, Dr. Georgia Cardosi, Francis Joël Tchenkeu.

Avec le sou�en financier du Centre de recherches pour le développement interna�onal (CRDI).

Pour plus d’informa�on, visitez Afriquesure|Africasafe: h�p://www.afriquesure.org/

Facteurs individuels et communautaires de résilience dans la région de l’IGAD: 1) Cohésion communautaire; 2) Confiance et cohésion sociale; 3) La résolu�on de conflits basée sur une approche se basant sur les droits humains.

Facteurs de résilience reliés à l’inclusion en Tunisie : 1) Accepta�on sociale de part de la famille, des amis et de la communauté locale; 2) Engagement civique, le sen�ment d’appartenance à une communauté et le main�en des compétences professionnelles; 3) Emploi dépendant d’un marché rémunérateur et d’opportunités pour l’inves�ssement privé à l’échelle locale.

Facteurs de résilience au Mali et au Niger : 1) Forte structure familiale; 2) Structure financière; 3) Cohésion sociale; 4) Facteurs iden�taires reliés à l’inclusion sociale.

*Équipes de recherche de l’ini�a�ve du CRDI :

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