5

Click here to load reader

Identité comptable Krugman-Obstfeld

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Identité comptable Krugman-Obstfeld

354 Ch. 13 La comptabilité nationale et la balance des paiements

ou de services. Dès lors, les paiements de transfert, tout comme les allocations de sécuritésociale, de chômage ou de subsistance, ne font pas partie des dépenses publiques dans lacomptabilité nationale.

Ces dépenses de l'Etat représentent aujourd'hui 20% du PNB américain, et cepourcentage n'a pas beaucoup augmenté depuis la fin des années 50. (La valeur de ceposte en 1959 par exemple était aussi d'environ 20%). En 1929, par contre, les achats del'Etat ne représentaient que 8,5% du PNB aux Etats-Unis.

13.3 L'identité du revenu national dans une économie fermée

Dans une économie fermée, la subdivision du PNB en consommation, investissementet achats de l'Etat est exhaustive. N'importe quel bien ou service final qui n'est pas acquispar un ménage ou par l'Etat doit être utilisé par une entreprise pour produire de nouveauxéquipements, de nouvelles installations ou pour constituer des stocks. Qu'arrive-t-il auxbiens de consommation qui ne peuvent être vendus immédiatement aux consommateursou au gouvernement? Les firmes (peut-être contre leur volonté) vont augmenter d'autantleurs stocks existants, et donc les investissements.

Notre raisonnement mène à une identité fondamentale dans le cadre d'une économiefermée. Soit Y correspondant au PNB, C à la consommation, l à l'investissement et Gaux achats de l'Etat. Puisque toute la production dans une économie fermée doit êtreconsommée, investie ou achetée par l'Etat, nous pourrons écrire:

Y=C+I+G.

Cette relation est bien une identité car C, l, G sont définis de façon à ce que l'égalité desdeux membres soit toujours assurée2. Il est important de ne pas confondre des identités, quisont assurées par définition, avec les conditions d'équilibre qui traduisent l'égalité entrel'offre et la demande de marché. Les conditions d'équilibre ne sont remplies que lorsqueprix et quantité sont à leur niveau d'équilibre.

Tableau 13.1 Le revenu national de Agraria, une économie fermée(boisseaux de blé)

PNB(production totale)

= consommation + investissement + dépensespubliques

100 65 + 25 + 10

13.3.1 Le cas d'une économie fermée imaginaire

Le tableau 13.1 montre la comptabilité nationale d'une économie imaginaire ferméeau reste du monde, Agraria. Agraria ne produit qu'un seul bien, du blé. Chaque citoyen

2 Si Y représente le PNN au lieu du PNB, l'identité est conservée si l'investissement est défini en tant qu'investissementnet, c'est-à-dire l'investissement moins la dépréciation.

Page 2: Identité comptable Krugman-Obstfeld

73.3 L'identité du revenu national dans une économie fermée 355

d'Agraria est un consommateur de blé mais il est aussi fermier et peut donc être considérécomme une firme. Les fermiers investissent en mettant de côté une partie des récoltesannuelles pour les semailles de l'année suivante. L'Etat s'approprie aussi une partie desrécoltes afin de nourrir ses armées. D'une récolte totale annuelle de 100 boisseaux de blé,65 sont consommés l'année en cours par les civils, 25 sont stockés pour être utilisés àl'avenir comme semence, et 10 servent à nourrir l'armée pendant l'année.

13.3.2 Implications pour l'épargne nationale

Même à ce simple niveau, l'identité du PNB draine beaucoup d'implicationsimportantes. Afin de pouvoir expliquer une des principales, définissons le conceptd'épargne nationale: l'épargne nationale est la part de la production Y qui n'est utiliséeni pour la consommation des ménages, C, ni pour la consommation de l'Etat, G.3 Dansune économie fermée, l'épargne nationale est toujours égale à l'investissement. Ceci nousmontre que l'économie globale ne peut accroître sa richesse qu'en accumulant du nouveaucapital.

Soit 8, l' épargne na~ionale (8 pour l'anglais Saving). Notre définition de 8 nousenseigne que:

8=Y - C-G.

Comme l'identité du PNB, Y =C + l + G, peut aussi s'écrire l =Y - C - G, alors:

8=1

et l'épargne nationale doit donc être égale à l'investissement en économie fermée.

Si vous retournez au tableau 13.1, vous verrez que l'épargne et l'investissement sontbien égaux dans l'économie imaginaire d'Agraria. La consommation courante de blé parle secteur privé et l'Etat est de 65 + 10 =75 boisseaux. Les 25 boisseaux investis par lesfermiers représentent en fait l'épargne de cette économie.

Le fait qu'épargne et investissement soient égaux peut sembler surprenant du fait queles ménages peuvent épargner, mais que selon les règles de la comptabilité nationale, ilsne peuvent investir (exception faite des propriétés immobilières habitées par leur proprepropriétaire). L'explication fondamentale à l'égalité entre épargne et investissement résidedans le terme S; en effet, S est la somme de toutes les décisions d'épargne, qu'elles viennentdes ménages, des firmes ou de l'Etat.

Supposez qu'un ménage diminue sa consommation de 100$ afin d'acheter uneobligation d'Etat. L'Etat utilise alors ces 100$ pour acheter de la peinture afin de rafraîchirles colonnes de la Maison Blanche. Dans ce cas, ni l'investissement, ni l'épargne nationalene changent: l'accroissement de 100$ de l'épargne des ménages est exactement compensépar une augmentation des dépenses d'Etat de 100$ (c'est-à-dire une diminution de 100$dans l'épargne publique). Supposons maintenant que le même ménage utilise cette épargnepour acheter une obligation nouvellement émise par l'entreprise IBM, et ce pour la valeur

3 La comptabilité nationale américaine suppose que les achats de l'Etat ne sont pas utilisés pour élargir le stockde capital du pays. Nous suivons cette convention dans notre calcul de l'épargne nationale en retirant tous lesachats publics de la production pour calculer l'épargne nationale. La comptabilité nationale de la plupart des autrespays distingue la consommation publique de l'investissement public (par exemple, les investissements faits par desentreprises nationalisées) et incluent ce dernier comme partie l'épargne nationale. Les chiffres de l'investissementpublic incluent souvent toutefois les achats d'équipements militaires.

Page 3: Identité comptable Krugman-Obstfeld

356 Ch. 13 La comptabilité nationale et la balance des paiements

de 100$. IBM, de son côté, utilise cet argent pour acheter les briques nécessaires à laconstruction d'un nouvel immeuble. Dans ce cas, l'épargne nationale et l'investissements'accroissent tous deux de 100$. Le ménage accroît les disponibilités d'IBM de 100$, etces 100$ sont utilisés par la firme pour augmenter le stock d'installations et d'équipements,qui peuvent servir à la production future.

Qu'est-ce qui arrive à l'épargne nationale S lorsqu'un ménage épargne en achetantune parcelle de terrain dans le pays? L'épargne nationale n'auglnente-t-elle pas sansaccroissement correspondant des investissements? La réponse à cette question est enréalité: «pas forcément». Quand un ménage augmente son épargne pour acheter une terre,le ménage qui vend cette terre peut diminuer d'autant sa propre épargne; en vendant unepartie de ses avoirs, il peut consommer plus. L'épargne globale, S, ne changerait alors pas.Dans une économie fermée, l'épargne, en tant qu'agrégat, ne peut se manifester qu'enélargissant le stock de capital.

13.4 La comptabilité nationale dans une économie ouverte

Dans cette section, nous étendons le système de comptabilité nationale aux économiesouvertes. Dans une économie ouverte, l'identité du revenu national doit être modifiéecar certains biens domestiques sont exportés à l'étranger tandis que certains revenusdomestiques sont dépensés pour importer des produits étrangers.

La principale leçon de cette section concerne la relation existant entre l'épargnenationale, l'investissement, et les déséquilibres des échanges. Nous allons voir que, dansdes économies ouvertes, l'épargne et l'investissement ne sont pas nécessairement égaux,comme ils le sont en économie fermée. Ceci est dû au fait suivant: les pays peuventépargner en exportant plus qu'ils n'importent, et ils peuvent désépargner - c'est-à-direréduire leur richesse - en exportant moins qu'ils n'importent.

73.4. 7 L'identité du revenu national en économie ouverte

Nous avons dérivé l'identité du revenu national dans une économie fermée en supposantque toutes les productions étaient consommées ou investies par les citoyens du pays ouacquises par son gouvernement. Lorsque le commerce extérieur est possible, certainsproduits peuvent être acquis par des étrangers et certaines dépenses intérieures peuventporter sur des biens ou services produits à l'étranger. L'identité du PNB dans les économiesouvertes montre comment le revenu national qu'un pays gagne en vendant ses biens et sesservices est réparti entre les ventes à des agent économiques domestiques et des ventes àdes agents économiques étrangers.

Puisque les résidents d'une économie ouverte peuvent consacrer une partie de leursrevenus à acquérir des importations, soit des biens et des services achetés à l'étranger, iln' y a que la partie de leurs dépenses non consacrées à des importations qui fera partie duPNB national. La valeur des importations, notée lM, doit donc être retirée des dépensesnationales totales, C + 1 + G, afin d'obtenir la part de dépenses intérieures qui génère lerevenu national intérieur. Les importations améliorent le PNB des pays étrangers mais pasdirectement le PNB intérieur.

De même, les biens et services vendus à l'étranger constituent les exportations du pays.Les exportations, notées EX, représentent le montant que les achats des résidents étrangersajoutent au revenu national de l'économie considérée.

Page 4: Identité comptable Krugman-Obstfeld

73.4 La comptabilité nationale dans une économie ouverte 357

Le revenu national dans une économie ouverte est dès lors égal à la somme des dépensesintérieures et étrangères consacrées à des biens et des services produits par les facteurs deproduction à l'intérieur du pays. Le revenu national en économie ouverte est alors égal à :

Y=C+l+G+EX-lM. (13.1)

Afin de mieux concrétiser cette égalité, reprenons l'exemple du pays imaginaire qu'estAgraria et supposons qu'il importe du lait du reste du monde en échange d'exportation deblé. Nous ne pouvons pas établir les comptes nationaux d'Agraria sans connaître le prix dulait en terme de blé car tous les membres de l'égalité du PNB (13.1) doivent être exprimésdans la même unité. Supposons que le prix du lait soit égal à 0,5 boisseau de blé par gallonet qu'à ce prix, Agraria consomme 40 gallons de lait; dès lors ses importations sont égalesà 20 boisseaux de blé.

Le tableau 13.2 montre que le total de la production d'Agraria est, comme dans le casprécédent, de 100 boisseaux de blé. La consommation annuelle est à présent subdiviséeen deux biens: le blé et le lait, soit 55 boisseaux de blé et 40 gallons de lait (ce qui revienten valeur à 20 boisseaux de blé). La valeur de la consommation en terme de blé est alorsde 55 + (0, 5 x 40) =55 + 20 =75.

Tableau 13.2 Le revenu national de Agraria, une économie ouverte(boisseaux de blé)

PNB . .. dépenses .. .(production totale) = consommation + investissement + publiques + exportations - Importations

100 + 25 + 10 + 10

a 55 boisseaux de blé + (0,5 boisseau par gallon) x (40 gallons de lait)

b 0,5 boisseau par gallon x 40 gallons de lait

Les 100 boisseaux de blé que Agraria produit sont donc utilisés de la façon suivante:55 sont consommés par les résidents intérieurs, 25 sont investis, 10 sont achetés par l'Etat,et 10 sont exportés à l'étranger. Le revenu national (Y = 100) est égal aux dépensesintérieures (C + l + G = 110) plus les exportations (EX = 10) moins les importations(lM =20).

13.4.2 La balance courante et l'endettement extérieur

En réalité, le commerce extérieur d'un pays est rarement équilibré. La différence entreles exportations et les importations de biens et services est appelée la balance du comptecourant (ou en résumé la balance courante). Si nous notons la balance courante CA (pour«CUITent Account» en anglais), nous pouvons alors exprimer cette définition comme suit:

CA =EX - lM.

Lorsque le niveau des importations d'un pays dépasse ses exportations, nous dironsque le pays a un déficit de sa balance courante. Un pays aura un surplus de sa balancecourante lorsque ses exportations dépassent ses importations4 .

4 En plus des exportations nettes de biens et de services, la balance courante inclut les transferts nets unilatéraux,dont nous avons brièvement parlé précédemment. Comme ci-dessus, nous continuons d'omettre ces transferts afin

Page 5: Identité comptable Krugman-Obstfeld

358 Ch. 13 La comptabilité nationale et la balance des paiements

L'identité du PNB, c'est-à-dire l'équation (13.1), montre une des raisons pour lesquellesla balance courante est importante en macroéconomie internationale. Comme le membre dedroite de l'égalité (13.1) correspond aux dépenses totales sur la production intérieure, toutchangement de la balance courante peut être associé à un changement dans la productionet donc dans l'emploi.

Un autre intérêt de la balance courante vient de ce qu'il mesure l'ampleur et la directionde l'emprunt international. Lorsqu'un pays importe plus qu'il n'exporte, il achète plus àl'étranger qu'il n'y vend et doit d'une façon ou d'une autre financer ce déficit. Commentpaie-t-il cet excédent d'importations une fois qu'il a épuisé les ressources issues de sesexportations? Comme le pays, dans son ensemble, ne peut importer plus qu'il n'exporteque s'il peut emprunter la différence à l'étranger, un pays avec un déficit de la balancecourante devra augmenter du montant de ce déficit son endettement extérieur net5 .

De même, un pays qui a un surplus de sa balance courante gagne plus de ses exportationsqu'il ne dépense pour ses importations. Ce pays finance le déficit de la balance courantede ses partenaires commerciaux en leur prêtant. Les avoirs extérieurs d'un pays en surplusaugmentent car les pays étrangers paient pour les importations non couvertes par leursexportations en émettant des reconnaissances de dettes qu'ils devront rembourser unjour. Le raisonnement ci-dessus montre que la balance courante d'un pays est égale auchangement dans ses avoirs extérieurs nets.

Nous avons défini la balance courante comme la différence entre les exportations et lesimportations. L'équation (13.1) nous montre que la balance courante est aussi égale à ladifférence entre le revenu national Y et les dépenses des résidents intérieurs C + l + G :

y - (C + l + G) =CA.

Ce n'est qu'en empruntant à l'étranger qu'un pays peut supporter un déficit de sa balancecourante et consommer plus de production qu'il n'en génère. Et s'il consomme moinsque sa production, il obtient un surplus de sa balance courante et prête ce surplus àl' extérieur6 . Les emprunts et prêts internationaux ont été identifiés au chapitre 7 à ducommerce intertemporel. Un pays qui a un déficit de sa balance courante importe de laconsommation présente et exporte de la consommation future. Un pays qui a un surplus deson compte courant exporte de la consommation présente et importe de la consommationfuture.

Afin d'illustrer ces principes reprenons l'exemple imaginaire d'Agraria, décrit autableau 13.2. La valeur totale de sa consommation, de ses investissements et des achatsde l'Etat, est égale à 110 boisseaux de blé, soit à plus que sa production propre de 100boisseaux. Cette inégalité serait impossible dans une économie fermée: elle est possibledans une économie ouverte. En effet, Agraria importe maintenant 40 gallons de lait, ce quivaut 20 boisseaux de blé, mais n'exporte que 10 boisseaux de blé. Le déficit de la balancecourante est alors de 10 boisseaux, soit la valeur de l'emprunt qu' Agraria doit contracterà l'étranger et qu'il devra rembourser plus tard.

de simplifier la discussion. Nous verrons plus loin comment les transferts entrent dans le compte courant lorsquenous analyserons dans le détailla balance américaine des paiements.

5 D'un autre côté, un pays pourrait financer un déficit de sa balance courante en utilisant pour payer ses importationsdes avoirs extérieurs qu'il aurait accumulés antérieurement. Ce pays diminuerait le montant de sa richesse extérieurenette, ce qui revient à accroître son endettement extérieur net.

6 La somme C + l + G est souvent appelée dans la littérature macroéconomique l'absorption intérieure. Grâce àcette terminologie nous pouvons redéfinir le surplus de la balance courante comme la différence entre le revenu etl'absorption.