8
Article original Immunothérapie sublinguale : pour quel profil de patients en pratique ? Analyse intermédiaire d’Odissee (observatoire de l’indication, du choix de prise en charge par immunothérapie spécifique sublinguale ainsi que de l’adhésion et de l’observance au traitement chez les patients souffrant d’allergie respiratoire [rhinite et/ou conjonctivite et/ou asthme allergique]) Specific sublingual immunotherapy: For which profiles of patients in practice? Midterm analysis of ODISSEE (observatory of the indication and management of respiratory allergies [rhinitis and / or conjunctivitis and / or allergic asthma] by specific sublingual immunotherapy) A. Didier a, * , A. Chartier b , G. Démonet c a Service de pneumologie et allergologie, hôpital Larrey, CHU de Toulouse, Toulouse, France b ALK-Abello, 92400 Courbevoie, France c Cabinet médical, 31270 Cugnaux, France Reçu le 1 er juillet 2010 ; accepté le 2 juillet 2010 Disponible sur Internet le 26 aou ˆt 2010 Résumé But de l’enque ˆte. Analyse d’un registre permettant de documenter, en pratique, le profil clinique et de sensibilisation des patients allergiques respiratoires et d’identifier les motifs d’instauration ou non d’une immunothérapie spécifique sublinguale (ITSL). Patients et me ´thodes. Registre initial des patients participant à une enquête longitudinale nationale multicentrique réalisée chez des patients âgés de cinq ans et plus, dont l’allergie a été confirmée par test cutané ou dosage biologique. Les données sociodémographiques, l’histoire de l’allergie ainsi que l’attitude thérapeutique envisagée ont été recueillies de septembre 2009 à mars 2010 et analysées. Re ´sultats. Sur les 4227 patients inclus par 264 médecins compétents en allergologie, 62 % étaient polysensibilisés et 80,4 % présentaient plusieurs symptômes d’allergie respiratoire : rhinite (98,2 %), majoritairement persistante et d’intensité modéré à sévère, conjonctivite (65,5 %) et asthme (48,1 %) intermittent dans 69 % des cas. Parmi ces patients, 94,3 % avaient un traitement symptomatique, jugé modérément efficace ou insuffisant pour 68,5 % d’entre eux. Une ITSL a été initiée pour 65 % des patients. La présence de conjonctivite et de sensibilisation aux pollens de bétulacées ou de cupressacées augmentait la probabilité d’instauration d’une ITSL, alors que la polysensibilisation n’a pas été un facteur déterminant. La plainte symptomatique insuffisante, le refus du patient ou une mauvaise observance prévisible ont été les principales raisons de non instauration d’une ITSL. Conclusion. Les résultats du registre de l’enquête Odissee témoignent dans la pratique du respect des recommandations Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma (ARIA) dans la décision d’instauration d’une ITSL : traitement proposé à des patients jeunes, souffrant de rhinite modérée à sévère avec une gêne importante, insuffisamment soulagée par les traitements symptomatiques. # 2010 Publié par Elsevier Masson SAS. Mots clés : Monosensibilisation ; Polysensibilisation ; Immunothérapie sublinguale ; Allergie Abstract Analysis purpose. This analysis has allowed to document, in a practical manner, the patients’ clinical and sensitization profiles, and to identify the grounds in establishing or not a specific sublingual immunotherapy (SLIT). Patients and methods. National, longitudinal multicenter survey, performed in patients from 5 years old, whose allergy was confirmed by skin test or specific IgE testing. Sociodemographic data, history of allergy and the considered therapeutic approach were gathered in a registry from September 2009 to March 2010, and then analyzed. Revue française d’allergologie 50 (2010) 426433 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Didier). 1877-0320/$ see front matter # 2010 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.reval.2010.07.001

Immunothérapie sublinguale : pour quel profil de patients en pratique ? Analyse intermédiaire d’Odissee (observatoire de l’indication, du choix de prise en charge par immunothérapie

Embed Size (px)

Citation preview

Article original

Immunothérapie sublinguale : pour quel profil de patients en pratique ?Analyse intermédiaire d’Odissee (observatoire de l’indication, du choix de

prise en charge par immunothérapie spécifique sublinguale ainsi que del’adhésion et de l’observance au traitement chez les patients souffrant

d’allergie respiratoire [rhinite et/ou conjonctivite et/ou asthme allergique])

Specific sublingual immunotherapy: For which profiles of patients in practice? Midterm analysisof ODISSEE (observatory of the indication and management of respiratory allergies

[rhinitis and / or conjunctivitis and / or allergic asthma] by specific sublingual immunotherapy)

A. Didier a,*, A. Chartier b, G. Démonet c

a Service de pneumologie et allergologie, hôpital Larrey, CHU de Toulouse, Toulouse, Franceb ALK-Abello, 92400 Courbevoie, France

c Cabinet médical, 31270 Cugnaux, France

Reçu le 1er juillet 2010 ; accepté le 2 juillet 2010

Disponible sur Internet le 26 aout 2010

Résumé

But de l’enquete. – Analyse d’un registre permettant de documenter, en pratique, le profil clinique et de sensibilisation des patients allergiquesrespiratoires et d’identifier les motifs d’instauration ou non d’une immunothérapie spécifique sublinguale (ITSL).Patients et methodes. – Registre initial des patients participant à une enquête longitudinale nationale multicentrique réalisée chez des patientsâgés de cinq ans et plus, dont l’allergie a été confirmée par test cutané ou dosage biologique. Les données sociodémographiques, l’histoire del’allergie ainsi que l’attitude thérapeutique envisagée ont été recueillies de septembre 2009 à mars 2010 et analysées.Resultats. – Sur les 4227 patients inclus par 264 médecins compétents en allergologie, 62 % étaient polysensibilisés et 80,4 % présentaient plusieurssymptômes d’allergie respiratoire : rhinite (98,2 %), majoritairement persistante et d’intensité modéré à sévère, conjonctivite (65,5 %) et asthme(48,1 %) intermittent dans 69 % des cas. Parmi ces patients, 94,3 % avaient un traitement symptomatique, jugé modérément efficace ou insuffisant pour68,5 % d’entre eux. Une ITSL a été initiée pour 65 % des patients. La présence de conjonctivite et de sensibilisation aux pollens de bétulacées ou decupressacées augmentait la probabilité d’instauration d’une ITSL, alors que la polysensibilisation n’a pas été un facteur déterminant. La plaintesymptomatique insuffisante, le refus du patient ou une mauvaise observance prévisible ont été les principales raisons de non instauration d’une ITSL.Conclusion. – Les résultats du registre de l’enquête Odissee témoignent dans la pratique du respect des recommandations Allergic Rhinitis and itsImpact on Asthma (ARIA) dans la décision d’instauration d’une ITSL : traitement proposé à des patients jeunes, souffrant de rhinite modérée àsévère avec une gêne importante, insuffisamment soulagée par les traitements symptomatiques.# 2010 Publié par Elsevier Masson SAS.

Mots clés : Monosensibilisation ; Polysensibilisation ; Immunothérapie sublinguale ; Allergie

Abstract

Analysis purpose. – This analysis has allowed to document, in a practical manner, the patients’ clinical and sensitization profiles, and to identifythe grounds in establishing or not a specific sublingual immunotherapy (SLIT).Patients and methods. – National, longitudinal multicenter survey, performed in patients from 5 years old, whose allergy was confirmed by skintest or specific IgE testing. Sociodemographic data, history of allergy and the considered therapeutic approach were gathered in a registry fromSeptember 2009 to March 2010, and then analyzed.

Revue française d’allergologie 50 (2010) 426–433

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (A. Didier).

1877-0320/$ – see front matter # 2010 Publié par Elsevier Masson SAS.doi:10.1016/j.reval.2010.07.001

Results. – Amongst 4227 patients registered by 264 physicians, 62% were polysensitized, 80.4% had several symptoms of respiratory allergy,including rhinitis (98.2%) mostly persistent and with moderate to severe intensity; conjunctivitis (65,5%) and asthma (48.1%) intermittent in 69%of cases. About 94.3% of patients had symptomatic treatments, moderate or insufficient effectiveness for 68.5% of them. A SLIT has been initiatedin 65% of cases. The presence of conjunctivitis and sensitization to Betulaceae or cypress pollen increased the probability of initiating a SLIT,whereas polysensitization was not a determinant factor. Insufficient symptomatic complain, patient’s treatment refusal or predictable poorcompliance were the main reasons for not initiating a SLIT.Conclusion. – The results of this registry have testified, in practice, the compliance with the ARIA recommendations in the decision establishing aSLIT: treatment was proposed to young patients suffering from moderate to severe rhinitis, with an important discomfort and inadequately relievedby symptomatic treatments.# 2010 Published by Elsevier Masson SAS.

Keywords: SLIT; Monosensitization; Polysensitization; Sublingual immunotherapy; Allergy

A. Didier et al. / Revue française d’allergologie 50 (2010) 426–433 427

1. Introduction

La fréquence des allergies respiratoires augmente en Francecomme partout en Europe. Celle de la rhinite allergique estestimée, selon les dernières grandes enquêtes nationales, à31 % [1], et celle de l’asthme à 6,7 % [2]. Selon les dernièresrecommandations, la prise en charge des maladies allergiquesse fait selon une stratégie thérapeutique graduée : évictionallergénique (dans la mesure du possible), traitementsymptomatique (antihistaminiques et corticoïdes locaux) etimmunothérapie spécifique (ITS). Celle-ci est le seul traite-ment étiologique pouvant modifier l’évolution de la maladie[3].

Plusieurs méta-analyses et revues générales confirment quel’ITS est efficace dans la rhinoconjonctivite liée à une allergieaux acariens, pollens et phanères animales [4–7]. L’ITS estaussi efficace chez les patients ayant présenté des réactionsallergiques systémiques aux piqûres d’hyménoptères [8].

Au-delà de l’efficacité symptomatique, il a été montré quel’ITS pouvait prévenir l’apparition de l’asthme chez lespatients atteints de rhinite allergique et qu’elle pouvaitdiminuer le risque de survenue de nouvelles sensibilisationset d’aggravation des symptômes [9]. La désensibilisation nepeut être proposée que lorsque le mécanisme allergique dessymptômes a été mis en évidence (histoire clinique probante ettests allergologiques positifs). Elle s’intègre dans la prise encharge de l’allergie en association avec les autres mesuresthérapeutiques : l’éviction de l’allergène lorsqu’elle estpossible et les médicaments symptomatiques. Deux voiesd’administration sont disponibles : la voie injectable et la voiesublinguale (immunothérapie spécifique sublinguale [ITSL]).Cette dernière est reconnue depuis 1998 par l’OMS comme unealternative sûre et efficace. La durée optimale préconisée dutraitement est de trois à cinq ans. La dose d’entretien est la dosemaximale tolérée. Le schéma d’administration du traitementreste à l’appréciation du praticien et doit être adapté au patient.La voie sublinguale est de plus en plus utilisée et représenteaujourd’hui plus de 70 % des prescriptions d’immunothérapiepour allergie respiratoire en France. Cette voie d’administra-tion permet, en effet, d’améliorer nettement le rapportbénéfice–risque de l’ITS [10]. Néanmoins, compte tenu dela chronicité de la maladie et de la durée de traitement,l’observance du patient et son adhésion au traitement sont des

facteurs essentiels à l’obtention d’une pleine efficacité del’immunothérapie.

L’enquête Odissee a été réalisée afin d’identifier, encondition pragmatique, les facteurs qui déterminent l’obser-vance et l’adhésion au traitement par ITSL des patientssouffrant de rhinite et/ou conjonctivite et/ou asthme allergi-ques, en fonction des différentes modalités thérapeutiques.

Grace à son registre initial, Odissee a permis d’identifier leprofil clinique et de sensibilisation ainsi que les principauxfacteurs qui ont influencé l’instauration de l’ITSL chez cespatients.

Dans sa phase longitudinale, Odissee doit permettrel’identification des critères influençant le choix du protocolethérapeutique et le rôle des facteurs associés (profil allergique,profil sociodémographique, doses, fréquence d’administrationet durée du traitement, ancienneté de la maladie et nature dessymptômes. . .) dans l’observance et l’adhésion à l’immuno-thérapie sublinguale.

2. Patients et méthodes

Cette étude prospective longitudinale a débuté en France àpartir de septembre 2009 auprès de médecins compétents enallergologie. Durant la première phase de recrutement, deseptembre à décembre 2009, les médecins ont consigné dansun registre les données sociodémographiques, l’histoire del’allergie (symptomatologie, sensibilisation, prise en chargethérapeutique en cours) et l’attitude thérapeutique envisagéepour leurs 22 premiers patients présentant une rhinite et/ou unasthme et/ou une conjonctivite allergiques aux acariens ou auxpollens, et consultant durant cette période. Les praticiensdevaient documenter les motifs d’instauration ou non d’uneITSL pour ces patients et inclure dans l’observatoire lespatients susceptibles de recevoir une ITSL. La phaselongitudinale de l’étude devrait permettre de recueillir, chezles patients pour lesquels une ITSL a été instaurée, des donnéessur l’évolution de la symptomatologie ainsi que l’observanceet l’adhésion des patients un an après selon les schémas dedésensibilisation.

Cet article présente les résultats du registre initial de cetteenquête, constitué afin de documenter le profil clinique et desensibilisation des patients ainsi que les modalités de prise encharge ou non par ITSL.

A. Didier et al. / Revue française d’allergologie 50 (2010) 426–433428

2.1. Statistiques

Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logicielSAS 9.1, SAS institue NC carty, États-Unis.

Les analyses inférentielles ont été précédées d’analysesdescriptives. Les variables quantitatives ont été décrites par lenombre de valeurs renseignées, le nombre de donnéesmanquantes, la moyenne, l’écart-type, le premier et le troisièmequartile, la médiane, le minimum et le maximum. Les variablesqualitatives ont été décrites par le nombre de valeursrenseignées, le nombre de valeurs manquantes, la fréquenceet le pourcentage par modalité.

En termes de degré de signification, une différence étaitconsidérée comme statistiquement significative lorsque le degréde signification du test bilatéral était inférieur ou égal à 0,05.

L’instauration ou la raison de non instauration d’une ITSL aété analysée en fonction des profils cliniques et de sensibilisa-tion des patients par des tests du Chi2. Un modèle logistique pasà pas a été ensuite réalisé afin d’identifier les facteursdéterminant l’instauration ou non d’une ITSL.

2.1.1. La populationL’effectif était de 4227 patients décrits dans les registres par

264 médecins répartis sur toute la France. La population étaitconstituée de 51,1 % de femmes et 48,9 % d’hommes, âgés enmoyenne de 24,1 ans (�15,2 ans) avec 24 % d’enfants de cinq à11 ans, 19 % de 11 à 18 ans et 57 % d’adultes de plus de 18 ans.

La majorité des patients (50,6 %) vivait en milieu urbain, lesautres en milieu rural (26,8 %) ou semi-rural (22,6 %) et dansun habitat ancien (53,2 %). Les effectifs comptaient 11,1 % defumeurs et 11,7 % des patients exposés au tabagisme passif. Parailleurs, 63,7 % présentaient des antécédents familiauxd’allergie, taux plus élevé chez les enfants et adolescents(75 %, p < 0,001).

2.1.2. Le profil de sensibilisationParmi les 4227 patients consultant pour allergie respiratoire,

il a été observé une proportion élevée de patients polysensi-

[(Fig._1)TD$FIG]

Fig. 1. Répartition des sensibilisations et profil de sensib

bilisés (61,7 %), la fréquence de la polysensibilisationaugmentant avec l’âge (54 % chez les enfants de moins de11 ans, 61,7 % chez l’adolescent et 64,8 % d’adultespolysensibilisés, p < 0,001).

Au niveau national, les quatre sensibilisations aux pneu-mallergènes les plus fréquemment identifiées ont été celles auxacariens, pollens de graminées, phanères et pollens debétulacées (Fig. 1).

Il a été noté des variations importantes selon l’âge despatients. En ce qui concerne les enfants, si les taux desensibilisation aux phanères et moisissures étaient comparablesà ceux observés chez les adolescents et les adultes, il étaitobservé, en revanche, un taux plus élevé de sensibilisation auxacariens ( p = 0,0027) et un taux moindre de sensibilisation auxpollens ( p < 0,0001 pour les graminées, les bétulacées, lescupressacées, les autres arbres et les herbacées) (Fig. 2).

Les sensibilisations, notamment aux pollens, variaient enfonction des régions françaises et l’on retrouve dans lapopulation d’étude une cohérence entre les taux de sensibilisa-tions et les risques pollens mesurés par le Réseau national desurveillance aérobiologique (RNSA 2009).

Ainsi, une forte implication des pollens de graminées dans lamoitié sud de la France a été observée ; à l’exception dupourtour méditerranéen où les cupressacées étaient plusfréquemment retrouvés. Les sensibilisations aux bétulacéesétaient plus marquées dans le quart nord-est de la France etparticulièrement en Alsace (Fig. 3).

2.1.3. La symptomatologie de l’allergie respiratoireHuit patients sur dix (80,4 %) présentaient au moins deux

symptômes d’allergie respiratoire et ce, quel que soit l’âge despatients. Le principal symptôme allergique rapporté par lesmédecins était la rhinite allergique présente chez 98,2 % despatients.

L’analyse en fonction des critères ARIA a montré que lespatients avaient une RA, principalement persistante (67,2 % despatients) et que les formes modérées à sévères étaient plusfréquentes (76 %) que les formes légères. Le taux de rhinite

ilisation par familles de pneumallergènes, n = 4227.

[(Fig._2)TD$FIG]

Fig. 2. Répartition des sensibilisations selon la nature du pneumallergène et la classe d’âge. n = 4204, 23 DM (données manquantes).

[(Fig._3)TD$FIG]

Fig. 3. Les allergènes polliniques les plus représentés par région.

Tableau 1Fréquence de l’asthme chez les patients monosensibilisés et polysensibilisés,n = 4140, 87 DM.

Total Monosensibilisés Polysensibilisés

Effectif n 4140 (100 %) 1572 (38 %) 2568 (62,0 %)Asthme 1992 (48,1 %) 653 (41,5 %) 1339 (52,1 %)

A. Didier et al. / Revue française d’allergologie 50 (2010) 426–433 429

allergique modérée à sévère était légèrement plus importantchez les patients polysensibilisés (78,4 % versus 74,1 % chezles patients monosensibilisés, p < 0,001). En revanche, lanature intermittente ou persistante de la rhinite allergique étaitpeu influencée par la présence ou non d’une polysensibilisation(67,9 % vs 65,9 %).

Un patient sur deux présentait un asthme (48,1 %), le plussouvent associé à une RA ; seuls 1,3 % des patients étaientatteints d’asthme sans rhinite associée. Chez les patientsasthmatiques, l’asthme était intermittent dans 69,1 % des cas etpersistant dans 30,9 % – avec 52,8 % d’asthme léger, 43,8 %d’asthme modéré et 3,4 % – d’asthme sévère (GINA). Lafréquence de l’asthme était plus importante chez les patientspolysensibilisés (Tableau 1).

Par ailleurs, 65,5 % des patients présentaient uneconjonctivite, ce taux étant significativement plus élevé chezles patients polysensibilisés (70,7 % vs 56,9 % chez les sujetsmonosensibilisés, p < 0,0001).

Il a été noté une relation entre l’âge des patients, la sévéritéet la nature des symptômes de l’allergie respiratoire. Ainsi, les

[(Fig._4)TD$FIG]

Fig. 4. Symptomatologie de l’allergie respiratoire selon l’âge réparti en classes. n = 4203, 24 DM.

A. Didier et al. / Revue française d’allergologie 50 (2010) 426–433430

adultes et les adolescents avaient une proportion plus élevée derhinite persistante que les enfants (respectivement 57,9 et57,7 % vs 51,9 % chez les enfants, p = 0,002), plusfréquemment modérée à sévère (62,8 % chez les plus de18 ans, 53,2 % chez les adolescents vs 45 % chez les enfants demoins de 11 ans, p < 0,001). Par ailleurs, l’association d’unasthme à la rhinite était plus fréquente chez les enfants que chezles adultes qui présentaient plus fréquemment une conjonctiviteassociée (Fig. 4).

L’allergie évoluait respectivement depuis 2,9 ans (ET : 1,6)chez les enfants de moins de 11 ans, 5,2 ans (ET : 3,4) chez lesadolescents âgés de 11 à 17 ans et depuis 11 ans (ET : 9,3) chez

[(Fig._5)TD$FIG]

Fig. 5. Symptomatologie de l’allergie res

les adultes. Les sensibilisations aux acariens étaient apparuesplus précocement que les autres (âge moyen des patientssensibilisés aux acariens : 19,9 (ET : 14), âge moyen despatients sensibilisés aux pollens 27,6 ans (ET : 15,5).

Si le taux de patients souffrant de rhinite allergique était del’ordre de 98 à 99 % quel que soit l’allergène, les autressymptômes de l’allergie respiratoire (conjonctivite et asthme)variaient selon l’allergène et sa saisonnalité. En effet, laconjonctivite était plus marquée chez les patients sensibilisésaux allergènes saisonniers tandis que l’asthme était plusprésent chez les patients sensibilisés aux allergènes perannuels(Fig. 5).

piratoire selon l’allergène, n = 4227.

[(Fig._6)TD$FIG]

Fig. 6. Symptomatologie selon la sensibilisation ou non aux acariens, n = 4227.

A. Didier et al. / Revue française d’allergologie 50 (2010) 426–433 431

Il a été constaté un pourcentage plus élevé de patientsatteints d’asthme lorsqu’il existait une sensibilisation auxacariens, surtout chez les patients atteints de rhinite sansconjonctivite (Fig. 6). Au total, 53,3 % de patients sensibilisésaux acariens avaient un asthme dont 24,4 % avec un asthme seulou associé à la rhinite versus 6,4 % chez les patients nonsensibilisés aux acariens.

Un patient sur trois (33,4 %) présentait au moins unepathologie associée à l’allergie respiratoire. À l’exception desallergies alimentaires affectant 12 % des patients, la nature et la

[(Fig._7)TD$FIG]

Fig. 7. Fréquence des pathologies associées à l’allergie resp

fréquence des comorbidités étaient fonction de l’âge despatients. Ainsi, 32,5 % des enfants de cinq à 11 ans et 20 % desadolescents étaient atteints d’eczéma atopique tandis que lesadultes présentaient plus fréquemment des sinusites (12,3 %)ou des polyposes (3,3 %) (Fig. 7).

Le retentissement sur la qualité de vie était évalué sur uneéchelle visuelle analogique graduée de 0 (aucun retentissement)à 10 (retentissement maximal). La moyenne observée était de6,6 (ET : 2,1) avec un patient sur deux ayant un retentissementfort des symptômes sur sa qualité de vie.

iratoire selon l’âge réparti en classe, n = 4215, 12 DM.

Tableau 2Modélisation de la probabilité d’instaurer une ITSL.

Odds ratio IC (95 %) p

Rhinite modérée à sévère 2,2 1,2–3,9 0,010Conjonctivite associée à la RA 2,4 1,7–2,6 < 0,001Sensibilisation aux bétulacées 1,6 1,4–2,2 0,0015Sensibilisation aux cupressacées 2,1 1,3–3,2 0,001

[(Fig._8)TD$FIG]

Fig. 8. Instauration d’ITSL selon l’âge et le profil de sensibilisation.

A. Didier et al. / Revue française d’allergologie 50 (2010) 426–433432

2.1.4. La prise en charge thérapeutiqueAu moment de leur inclusion, 94,3 % des patients prenaient

un traitement symptomatique. Son efficacité dans le soulage-ment de la symptomatologie était jugée modéré ou insuffisantepour 68,5 % des patients.

Les praticiens ont prescrit une immunothérapie sublingualele jour de la consultation chez 65 % des patients avec un tauxd’instauration légèrement plus élevé chez les enfants de moinsde 11 ans que chez les adolescents et les adultes (65,7 % dessujets vs 63 %). À noter que pour 11 % des patients uneinstauration prochaine était envisagée. L’ITSL était initiée chezles patients présentant une rhinite plus fréquemment persistanteet modérée à sévère (OR = 2,2) (Tableau 2). En effet, 72,5 %des patients pour lesquels une ITSL a été prescrite étaientatteints d’une RA persistante dont l’intensité était modérée àsévère dans 88 % des cas (Tableau 3). La présence deconjonctivite associée augmentait la probabilité d’initiationd’ITSL (OR = 2,4) ainsi que les sensibilisations aux pollens debétulacées et de cupressacées (Tableau 2).

Chez les patients pour lesquels une ITSL a été instaurée, leretentissement des symptômes d’allergie sur leur qualité de vieétait élevé (7,1 vs 5,4 chez les patients qui ne sont pas sousITSL, p < 0,001). Un recours systématique à un traitementsymptomatique était observé chez plus d’un patient sur deux.L’impact des symptômes allergiques sur la qualité de vieconstituait un facteur déterminant de l’instauration d’uneITSL.

Une prévalence moindre d’instauration d’ITSL a étéobservée chez les patients asthmatiques non stabilisés.

Ces résultats sont concordants avec les recommandations deprise en charge de la maladie allergique (éviction, traitementsymptomatique et enfin traitement étiologique dans le respectdes contre-indications [notamment l’asthme non contrôlé oumal contrôlé]).

Les patients sensibilisés aux acariens, pour lesquels uneITSL a été instaurée, étaient plus jeunes (âge moyen de

Tableau 3Pourcentage de patients pour lesquels une ITSL est initiée selon la sévérité (ARIA

RA légère

Sévérité ITSL Pas ITSL ITSL prochaine

Intermittente 116 158 434,1 % 5,6 % 1,5 %

Persistante 158 131 395,6 % 4,6 % 1,4 %

19,9 ans) et présentaient plus souvent un asthme (53 % vs 48 %observé en moyenne dans l’ensemble de la populationOdissee).

La présence ou non de polysensibilisation n’a pas été unfacteur déterminant le choix de l’instauration de l’ITSL(Fig. 8). En effet, les taux d’instauration d’ITSL étaientcomparables chez les patients polysensibilisés (64,6 %) etmonosensibilisés (65,3 %).

Les facteurs favorisants l’instauration d’une ITSL étaient laprésence d’une rhinite modérée à sévère, seule ou associée àune conjonctivite et particulièrement les sensibilisations auxpollens de bétulacées et de cupressacées (Tableau 2).

Lorsqu’une ITSL n’était pas instaurée, la décision dupraticien était motivée par une plainte symptomatiqueinsuffisante, le refus du patient ou une mauvaise observanceprévisible. Toutefois, ces critères variaient selon l’âge despatients. En effet, les trois principaux motifs de noninstauration d’une ITSL chez l’adulte étaient : le refus dupatient (25,6 %), une plainte symptomatique insuffisante(22,4 %) et ou une mauvaise observance prévisible (11,8 %).Chez l’adolescent et l’enfant, c’est la plainte symptomatiqueinsuffisante qui constituait le principal motif de non instaura-tion d’une ITSL (respectivement 28,4 et 27,3 %), puisintervenait le refus du patient et une mauvaise observanceprévisible (Tableau 4).

) de la rhinite.

RA modérée à sévère Total

ITSL Pas ITSL ITSL prochaine

398 84 54 85314,1 % 3 % 1,9 % 30,2 %

1197 288 163 197642,3 % 10,2 % 5,8 % 69,8 %

Tableau 4Premiers critères déterminant le choix de non instauration d’ITSL, n = 935, 87 DM.

Adulten = 558 (36 dm) (%)

11–18 ansn = 190 (19 dm) (%)

5–11 ansn = 187 (29 dm) (%)

Totaln = 935 (55 dm) (%)

Plainte symptomatique insuffisante 22,4 28,4 27,3 24,9Refus du patient 25,6 22,1 16,0 23,0Mauvaise observance prévisible 11,8 15,8 11,8 12,6Polysensibilisation 8,4 5,8 11,2 8,5Traitement symptomatique suffisant 8,1 9,5 10,1 8,8Contre-indication définitive 4,8 2,6 3,2 4,1Voie sous cutanée plus adaptée 4,7 6,8 3,7 4,9Âge du patient 1,6 0,5 3,7 1,8Divers 9,5 6,8 11,8 9,4

A. Didier et al. / Revue française d’allergologie 50 (2010) 426–433 433

3. Conclusion

Le registre initial de l’enquête longitudinale Odissee menéeen France chez des patients présentant une allergie respiratoireintermittente ou persistante, a permis de documenter le profilclinique et de sensibilisation des patients consultant unallergologue. Il a identifié, en condition pragmatique, lesprincipaux facteurs qui conditionnent le choix d’instaurer ounon une ITSL.

La population de patients inclus dans l’enquête est jeunepuisque la moitié des patients avaient moins de 18 ans. Lasymptomatologie était dominée par la RA quel que soit l’âge,associée plus fréquemment à un asthme chez l’enfant et à uneconjonctivite chez l’adulte. Les sensibilisations aux différentspneumallergènes étaient variables selon les régions et l’âge despatients comme cela a déjà été montré dans des étudesprécédentes [11–13]. Les sensibilisations aux acariens étaientprépondérantes, suivies par celles aux pollens de graminées,aux phanères puis aux arbres (bétulacées en particulier). Letaux de polysensibilisation était élevé (62 %) et conforme à cequi a déjà été rapporté, par ailleurs [11–13]. L’existence d’unepolysensibilisation n’a pas modifié la décision d’instaurer uneITSL.

L’étude a mis en exergue un retentissement important de lasymptomatologie allergique sur la qualité de vie de plus de50 % des patients.

La prescription d’une ITSL dans cette étude s’inscrit biendans les recommandations de bonnes pratiques ARIA deprise en charge de l’allergie respiratoire, avec une instaura-tion de traitement chez des patients plutôt jeunes, ayantune rhinite allergique modérée à sévère et une gêneimportante insuffisamment soulagée par les traitementssymptomatiques.

Parmi les principaux motifs de non instauration d’uneITSL, après la plainte symptomatique insuffisante, lerefus du patient est apparu comme le second facteurprépondérant. Cela montre l’importance de la prise deconscience de la part des patients d’un traitement précoce etau long cours.

La phase d’extension longitudinale de cette enquête,actuellement en cours, a pour but d’explorer les facteursfavorisant l’adhésion et l’observance de l’ITSL.

Conflit d’intérêt

Geneviève Demonet et Alain Didier ont perçu deshonoraires de la société ALK au titre de conseils scientifiquesde l’étude Odissée. Antoine Chartier est employé d’ALK.

Références

[1] Klossek JM, Annesi-Maesano I, Pribil C, Didier A. Un tiers des adultes ontune rhinite allergique en France (enquête Instant). Presse Med 2009;38(9):1220–9.

[2] Afrite A, Allonier C, Com-Ruelle L, Le Guen N. L’asthme en France en2006 : prévalence et contrôle des symptômes, questions d’économie de lasanté ; no 138–décembre 2008.

[3] Deschildre A, Rancé F. La marche atopique existe-t-elle ? Rev Fr Allergol2009;49(3):244–6.

[4] Calderon MA, Alves B, Jacobson M, Hurwitz B, Sheikh A, Durham S.Allergen injection immunotherapy for seasonal allergic rhinitis. CochraneDatabase Syst Rev 2007;24:CD001936.

[5] Abramson MJ, Puy RM, Weiner JM. Allergen immunotherapy for asthma.Cochrane Database Syst Rev 2003;4:CD001186.

[6] Wilson DR, Lima MT, Durham SR. Sublingual immunotherapy for allergicrhinitis: systematic review and meta-analysis. Allergy 2005;60:4–12.

[7] Penagos M, Compalati E, Tarantini F, Baena-Cagnani R, Huerta J,Passalacqua G, et al. Efficacy of sublingual immunotherapy in thetreatment of allergic rhinitis in pediatric patients 3 to 18 years of age:a meta-analysis of randomized placebo controlled, double blind trials. AnnAllergy Asthma Immunol 2006;97:141–8.

[8] Bonifazi F, Jutel M, Bilo BM, Birnbaum J, Muller U, The EAACI interestgroup on insect venom hypersensitivity. Prevention and treatment ofhymenoptera venom allergy: guidelines for clinical practice. Allergy2005;60:1459–70.

[9] Calamita Z. Review about sublingual immunotherapy in asthma: replyletter. Allergy 2007;62:706–7.

[10] Pajno GB, Barberio G, De Luca F, Morabito L, Parmiani S. Prevention ofnew sensitizations in asthmatic children monosensitized to house dustmite by specific immunotherapy. A six-year follow up study. Clin ExpAllergy 2001;31:p1392–7.

[11] Migueres M, Crestani B, Groselande M, Haddad T, Fontaine J. Prise encharge par immunothérapie sublinguale des patients ambulatoires consul-tant pour allergies respiratoires. Enquête REALIS. Rev Fr Allergol2009;49:323–9.

[12] Migueres M, Dakhil J, Delageneste R, Schwartz C, Pech-Ormières C, PetitLévy I, et al. Profil de sensibilisation cutanée aux pneumallergènes despatients consultant pour allergie respiratoire. Rev Mal Respir 2009;26:514–20.

[13] Marogna M, Massolo A, Berra D, Zanon P, Chiodini E, Canonica GW,et al. Le type de sensibilisation allergénique peut affecter l’évolution del’allergie respiratoire. Allergy 61(10):1209–15.