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HELENE PARISE Impact de la Prime au travail sur l'offre de travail Une évaluation ex-ante Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en Économique pour l'obtention du grade de Maître es Arts (M.A.) FACULTE DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2007 ©Hélène Parisé, 2007

Impact de la Prime au travail sur l'offre de travail · travail (Meyer et Rosenbaum, 1999; Eissa et Liebman, 1996; Fortin et Lacroix, 2002). De plus, l'analyse des couples est beaucoup

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HELENE PARISE

Impact de la Prime au travail sur l'offre de travailUne évaluation ex-ante

Mémoire présentéà la Faculté des études supérieures de l'Université Lavaldans le cadre du programme de maîtrise en Économique

pour l'obtention du grade de Maître es Arts (M.A.)

FACULTE DES SCIENCES SOCIALESUNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2007

©Hélène Parisé, 2007

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Résumé

En janvier 2005, le gouvernement du Québec a instauré la Prime au travail en rempla-cement du programme APPORT. Cette mesure vise d'une part, à soutenir et valoriserl'effort de travail et d'autre part, à encourager les individus à quitter l'aide sociale etintégrer le marché du travail. Ce travail s'intéresse à l'impact de cette réforme sur laparticipation et les heures travaillées des femmes seules avec et sans enfant. À cet égard,nous avons développé un modèle structurel où l'ensemble de choix en matière d'offre detravail des femmes est constitué de trois alternatives : la non participation au marché dutravail, le travail à temps partiel ou le travail à temps plein. Nous avons fixé le taux departicipation au programme APPORT à 50% en raison des règles complexes d'applica-tion de ce dernier et des coûts fixes que doivent supporter les individus désirant adhérerà ce programme. De plus, certaines études empiriques semblent confirmer un tel niveaude participation. Afin de déterminer dans quelle mesure cette hypothèse domine nosrésultats, nous avons effectué divers scénarios qui considèrent un taux de participationà APPORT différent de 50%. Pour notre cas de base, nos simulations révèlent que laparticipation au marché du travail a haussé de 0,6 unités de pourcentage et que 0,8% desfemmes travaillant à temps plein choisissent maintenant le travail à temps partiel. Ceseffets sont plus importants lorsque notre analyse se limite aux femmes monoparentalesuniquement. Pour ce groupe, l'augmentation de la participation au marché du travailse chiffre à 1,9 unités de pourcentage. Enfin, le coût direct moyen du changement deprogramme passe de 23 $ à 133 $ suite à la réforme, soit une augmentation de près de500%.

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Avant-propos

Je tiens à remercier mon directeur Monsieur Bernard Fortin, mon co-directeur MonsieurGuy Lacroix et le corps professoral du département d'économique pour le soutien qu'ilsm'ont apporté tout au long de mon cheminement académique. De plus, je remerciela Chaire du Canada en économie des politiques sociales et des ressources humainesdont Monsieur Bernard Fortin est titulaire, le Fonds Québécois de la recherche sur lasociété et culture (FQRSC), le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada(CRSH) ainsi que le Centre interuniversitaire sur le risque, les politiques économiqueset l'emploi (CIRPÉE). Tous ces organismes ont fourni une importante aide financièrequi m'a permis d'effectuer un travail de qualité.

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Table des matières

1 Introduction 1

2 Les programmes de Prime à l'emploi 32.1 Structures du programme APPORT et de la nouvelle Prime au travail . 32.2 Recension de la littérature 5

2.2.1 Le programme d'Earned Income Tax Crédit (EITC) 72.2.2 Le programme de Working Families Tax Crédit (WFTC) . . . . 8

3 Effets potentiels de la Prime au travail et spécification d'un modèlestructurel 123.1 Effets potentiels de la Prime au travail 123.2 Spécification d'un modèle structurel 13

4 Les Données 154.1 Le salaire horaire w 164.2 Le revenu disponible 17

5 Estimation de type comptable de l'effet de la Prime au travail 19

6 Résultats 246.1 Estimation des paramètres de la fonction d'utilité 246.2 Élasticités 26

6.3 Simulation 28

7 Conclusion 35

A Élasticités 40

B Matrices de transition 43

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Table des figures

2.1 Montant des prestations des différents programmes pour une famille mo-noparentale ayant 1 enfant 4

2.2 Le FC, WFTC et l'EITC 9

5.1 Répartition selon la variation du TMI 20

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Liste des tableaux

2.1 Paramètres de la Prime au travail - 2005 52.2 Paramètres de l'EITC en $ US - 1996 72.3 Effets des Tax Reform Acts (TRA) sur la participation (en unités de

pourcentage) 8

4.1 Statistiques descriptives 164.2 Résultats - Régression du log du salaire salaire horaire 18

5.1 Répartition de l'échantillon entre les différentes phases de la Prime . . 195.2 Impact de la réforme sur les TMI des femmes monoparentales 205.3 Impact de la réforme sur les TMI des femmes monoparentales selon les

phases de la Prime 215.4 Impact de la réforme sur le revenu disponible des femmes monoparentales 225.5 Impact de la réforme sur le revenu disponible des femmes monoparentales

selon les phases de la Prime 225.6 Impact de la réforme sur le revenu disponible des personnes seules . . 235.7 Impact de la réforme sur le revenu disponible des personnes seules selon

les phases de la Prime 23

6.1 Estimation du modèle 256.2 Fréquences observées et prédites 266.3 Elasticités revenu et salaire 276.4 Élasticité-revenu total 276.5 Impact simulé de la réforme sur les heures moyennes par semaine1 . . . 286.6 Remplacement de APPORT1 par la Prime - Echantillon complet . . . 306.7 Remplacement de APPORT1 par la Prime - Femmes monoparentales . 316.8 Introduction de la Prime - Femmes seules 316.9 Remplacement du programme APPORT par la Prime - Différents taux

de participation 33

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Chapitre 1

Introduction

Dans son budget de l'année 2004-2005, le gouvernement du Québec a annoncé la fin duprogramme d'Aide aux parents pour leurs revenus de travail (APPORT) et la mise enplace de la Prime au travail. Bien que ces deux programmes possèdent des structurestrès similaires, la Prime au travail se distingue entre autres de son prédécesseur dufait qu'elle prend la forme d'un crédit d'impôt remboursable. Entrée en vigueur depuisjanvier 2005, elle vise deux objectifs : soutenir et valoriser l'effort de travail tout enincitant les personnes à quitter l'aide sociale pour intégrer le marché du travail (Québec,2005). Dans le but d'atteindre ces objectifs, le revenu des travailleurs détenant unemploi de faiblement à moyennement rémunérateur est majoré tout en gardant intactle barème d'aide sociale. Ceci constitue un grand avantage puisque les individus dansl'impossibilité de travailler ne sont pas pénalisés (Brouillette, Fortin, et Godbout, 2005).

Le but de ce travail est d'étudier l'impact du remplacement du programme APPORTpar la Prime sur la participation et les heures travaillées. Il existe trois groupes cibles :les personnes seules, les femmes monoparentales et les couples avec enfants. Ce travails'intéresse aux deux premiers groupes. Plusieurs raisons ont motivé ce choix. On noteparmi celles-ci l'élasticité de réaction relativement élevée des femmes monoparentalesdans leurs décisions d'offre de travail face aux incitatifs financiers tels qu'une prime autravail (Meyer et Rosenbaum, 1999; Eissa et Liebman, 1996; Fortin et Lacroix, 2002).De plus, l'analyse des couples est beaucoup plus ardue car il faut considérer l'interactionentre les conjoints dans le processus décisionnel, complication que l'on peut donc ignorerdans notre cas1. Le manque d'études analysant l'impact de la taxation et des transfertsavec données canadiennes et les résultats disparates obtenus justifient la raison d'êtrede ce travail (Fortin et Lacroix, 2002).

:Le travail de Gabrielle Lafond-Bélanger, une étudiante de maîtrise à l'Université Laval, porte surl'analyse de la Prime au travail sur ce groupe.

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Puisque la réforme est entrée en vigueur en janvier 2005, il n'existe à l'heure actuelleaucune donnée qui nous permettrait de quantifier les changements d'offre de travaildes individus suite à la réforme. Nous allons donc effectuer une évaluation ex-ante afind'analyser l'effet de ce changement de programme sur l'offre de travail des individus àla marge intensive et extensive. À cette fin, trois éléments sont requis. Premièrement, ilnous faut un échantillon contenant assez d'individus de chaque groupe à l'étude. À cettefin, nous utilisons les données de l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu(EDTR). En second lieu, nous avons besoin d'informations assez précises et détailléesafin de construire de façon adéquate la contrainte budgétaire des individus et ce, sousles deux programmes. Pour ce faire, nous utilisons le programme fourni par Fournier(2005) qui calcule les taxes, impôts et transferts auxquels les ménages ont droit en tenantcompte de leurs revenus et leurs caractéristiques, ce qui permet ainsi de calculer leurrevenu disponible. Finalement, un modèle structurel est nécessaire afin de prédire le plusexactement possible les choix d'offre de travail suite à un changement dans la contraintede budget des individus. À cet effet, nous avons développé un modèle économétriqueinspiré des travaux de Van Soest (1995) et Blundell et al. (2000a). Les heures de travailsont modélisées comme une variable discrète, ce qui permet de surmonter plusieursobstacles lorsqu'on est en présence de contraintes budgétaires non convexes commec'est le cas au Québec (Blundell et MaCurdy, 1999). Ces trois éléments seront traitésde manière plus détaillée dans les prochaines sections.

Ce présent travail se divise comme suit. Le prochain chapitre aborde la structure de laPrime au travail en mettant bien en évidence les ressemblances et les différences avecle programme APPORT. De plus, il aborde les différentes études portant sur les pro-grammes Earned Income Tax Crédit (EITC) et Working Family Tax Crédit (WFTC)afin de dégager quelques constats quant à l'effet potentiel de la Prime au travail surl'offre de travail des individus puisque cette dernière s'inspire grandement de ces pro-grammes. Dans la même optique, le chapitre 3 présente la théorie statique de l'offre detravail puisqu'elle nous fournit un éclairage quant à la direction des effets engendrés parl'introduction d'une prime au travail sur la participation et les heures travaillées des in-dividus. Nous développons également dans ce chapitre l'approche méthodologique suivid'une présentation des données utilisées pour ce travail. Par la suite, nous présentonsquelques résultats préliminaires nous aidant à déterminer si le passage du programmeAPPORT à la Prime au travail est bénéfique tout en gardant le comportement d'offre detravail constant (effet de court terme). Enfin, le dernier chapitre complètent ce travailavec les résultats de l'estimation de notre modèle structurel ainsi que l'impact simulédu remplacement de programme APPORT par la Prime au travail sur l'offre de travaildes femmes seules avec et sans enfant.

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Chapitre 2

Les programmes de Prime àl'emploi

2.1 Structures du programme APPORT et de la

nouvelle Prime au travail

Géré par le Ministère de l'Emploi et de la solidarité sociale (MESS), le programme AP-PORT est une aide financière du gouvernement du Québec destinée aux travailleurs àfaible revenu avec au moins un enfant à charge (Godbout et Arseneau, 2005). Un revenuminimal est exigé pour devenir admissible aux prestations, ce qui présente des avantagescomparativement à l'imposition d'un nombre d'heures minimal spécialement pour lesfemmes monoparentales qui sont plus enclines à travailler à temps partiel (Brouillette,Fortin, et Godbout, 2005). Ces prestations prennent la forme d'une majoration du re-venu de travail. Un montant maximal est fixé à partir duquel celles-ci décroissent àun certain taux jusqu'au seuil où elles deviennent nulles. Afin de recevoir les presta-tions, il fallait, outre respecter les exigences en termes de revenus de travail, connaîtrel'existence du programme et en faire la demande. Bien que celui-ci existait depuis 1988,moins de 50% des individus admissibles participaient au programme.1 Ce faible taux estégalement attribuable à la présence de certains tests d'actifs et des règles d'applicationscomplexes qui rendaient son explication par les agents de l'aide sociale très ardue.2

La Prime au travail, pour sa part, est gérée par Revenu Québec. Contrairement au

^eci m'a été confirmé par une entrevue téléphonique avec le Ministère des Finances du Québecqui a conduit plusieurs analyses empiriques à ce sujet.

2Ibid.

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programme APPORT, il n'y a aucun test d'actif. De plus, il n'est pas nécessaire deconnaître l'existence du programme et d'en faire la demande. Ainsi, le simple fait deremplir une déclaration de revenus donne droit au montant correspondant à la situa-tion du contribuable.3 La Prime est définie comme un crédit d'impôt remboursable.Le contribuable a ainsi droit à un allégement fiscal si le montant d'impôt à payer estsupérieur au montant de la prime. Au contraire, si le montant d'impôt à payer estinférieur au montant de la prime, le contribuable a droit à la différence. La Prime autravail est beaucoup plus coûteuse que le programme APPORT. En effet, un budgetde 269 millions de dollars est prévu pour l'année 2005 comparativement à 26 millionsde dollars avec l'ancien programme (Québec, 2005). Cette augmentation des ressourcesallouées au programme est due à trois éléments : la possibilité pour les personnes seulesde recevoir des prestations, la baisse du taux de réduction pour les femmes monopa-rentales de 43% à 10% dans la phase de sortie de la Prime et la hausse attendue dutaux de participation. En effet, puisque toute personne ayant satisfait les exigences dela Prime au travail recevra le montant correspondant à sa situation lors de sa produc-tion de déclaration de revenus, le taux de participation devrait avoisiner 100%, ce quiest beaucoup plus élevé que le taux observé sous APPORT, et augmentant ainsi laprobabilité d'entrer sur le marché du travail (Bingley et Walker, 1997; Brewer et ai,2005).

La structure de la Prime est semblable à celle d'APPORT. La différence se situe auniveau des paramètres comme l'illustre le graphique suivant.

GRAPHIQUE 2.1 - Montant des prestations des différents programmes pour une famillemonoparentale ayant 1 enfant

3 000 $ -,2 000 $ -1 000 $ -

2 727 $" 190 $

$ 10 000 $ 20 000 $ 30 000 $ 40 000 $

Revenu de travail

•APPORT •Prime au travail

Source : Godbout et Arseneau (2005), p.45.

Ce graphique montre que le taux de subvention ainsi que le montant maximal étaient3Les familles avec enfants ont la possibilité de recevoir la moitié de leur prime par anticipation sous

certaines conditions (Québec, 2005).

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plus élevés sous le programme APPORT mais qu'en contrepartie, les prestations di-minuaient rapidement pour devenir nulles à un revenu de travail relativement faible.Ainsi, une famille monoparentale recevant un revenu de travail de 15 325 $ n'avait plusdroit à APPORT alors qu'il faut atteindre 31 600 $ dans le cas de la Prime au tra-vail (Brouillette, Fortin, et Godbout, 2005). Le tableau suivant décrit de manière plusdétaillée les paramètres de la Prime.

TABLEAU 2.1 - Paramètres de la Prime au travail - 2005

Revenus de travail exlusTaux de Prime au travailPrime maximaleSeuil de réductionTaux de réductionSeuil de sortie

Personne seule

2 400 $7%

511$9 700 $

10%14 810 $

Famille monoparentale

2 400 $30%

2 190 $9 700 $

10%31 600 $

Source : Québec (2005), p.49.

Le nouveau programme est donc très transparent à l'exception du fait que la réductions'applique sur le revenu net.4 Ceci implique donc qu'un individu ayant d'autres revenusqui n'entrent pas dans la définition du revenu de travail mais dans celle du revenu netpeut être assujeti à la réduction avant d'avoir atteint la prime maximale.

2.2 Recension de la littérature

Les programmes de prime à l'emploi tel que celui mis en place par le gouvernementdu Québec ont pour but de contrecarrer les effets désincitatifs au travail auxquels fontface les individus percevant de l'aide sociale en raison des taux marginaux implicitesde taxation très élevés auxquels ils font face (Blundell, 2000). Ce type de programme agagné en popularité aux États-Unis et en Angleterre pour devenir la voie principale parlaquelle les gouvernements interviennent afin d'encourager les familles à bas revenus àhausser leur effort de travail et leur revenu (Blundell et MaCurdy, 1999). En effet, lesgouvernements américain et britannique ont développé les programmes Earned IncomeTax Crédit (EITC) et Working Family Tax Crédit5 (WFTC) respectivement il y a déjàplusieurs années. Ces programmes ont subi beaucoup de mutations depuis leur création.Nous allons nous intéresser à ces deux programmes dans cette recension de la littérature

4Le revenu net est représenté par la ligne 275 de la déclaration de revenus.5Ce programme s'appelle désormais le Working Tax Crédit (WTC).

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puisque ces derniers présentent de nombreuses des similarités avec la Prime au travail enplus d'avoir été étudiés de façon très approfondie par plusieurs chercheurs. L'intérêt amajoritairement porté sur l'impact de tels programmes sur la participation et les heurestravaillées. Fortin et Lacroix (2002) énoncent deux raisons expliquant ce phénomène.D'une part, les réformes récentes dans le système de taxation et de transferts ont étéimposées afin de promouvoir l'emploi et les heures travaillées chez des groupes cibles.D'autre part, ces deux variables sont des concepts bien compris et facilement mesurablesen plus d'être des inputs fort importants dans la production de biens et services dansl'économie.

Les nombreux travaux empiriques concernant l'évaluation de l'EITC et le WFTC peuventse diviser en deux groupes selon l'approche retenue. La première consiste à comparer lechangement dans la variable d'intérêt d'un groupe spécifiquement ciblé par la mesure àl'étude (groupe traitement) au changement de la même variable dans le cas d'un groupesimilaire mais qui n'est pas affecté par celle-ci (groupe témoin). La différence entre ceschangements donne l'effet net de la mesure d'où son nom : l'approche différence-de-différence. L'hypothèse clé de cette méthodologie6 est que la seule différence entre cesdeux groupes est due au traitement, ce qui implique que l'on exclut la possibilité qu'unchoc exogène ait affecté différemment ces deux groupes (Brouillette, Fortin, et God-bout, 2005). La difficulté de cette approche réside dans le choix du groupe témoin.L'un de ses avantages est qu'elle permet d'estimer, sous certaines hypothèses, certainsparamètres structuraux de la fonction d'offre de travail sans avoir à tenir compte ex-plicitement des nombreuses complexités dans les contraintes budgétaires des individusni des fonctions d'utilité représentant les préférences des agents. Bien que considérécomme un avantage, ceci constitue également sa principale limite : l'incapacité d'inférerles effets potentiels d'une réforme autre que celle à l'étude (Fortin et Lacroix, 2002).L'approche structurelle quant à elle n'impose pas une telle limite. Elle consiste à utiliserun modèle de micro-simulation du système de taxation et de transferts afin d'obtenirle revenu disponible et ce pour plusieurs choix en termes d'heures travaillées de façonà construire une contrainte budgétaire précise pour chaque individu. En spécifiant uneforme fonctionnelle pour leur fonction d'utilité tout en posant des hypothèses quant auterme d'erreur inclus dans le modèle, cette approche permet d'estimer les paramètresdes préférences individuelles en supposant qu'ils ont choisi le nombre d'heures travailléesleur apportant l'utilité maximale. À l'aide des paramètres de préférence estimés, il estpossible de prédire la réaction des individus en matière d'offre de travail non seulementface à la réforme à l'étude mais à toute autre mesure7 (Brewer et Shephard, 2005).L'approche structurelle est adoptée dans le cadre de ce travail.

6D'autres hypothèses sont également postulées, et notamment, l'absence d'effet d'équilibre généralainsi que l'impossibilité pour un individu de changer de groupe.

7Cette approche nécessite par contre l'imposition de restrictions parfois sévères sur la structure despréférences.

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Nous allons maintenant présenter les résultats des différentes études des programmesaméricain et britannique en matière de prime à l'emploi chez les familles monoparentalesselon ces deux approches.

2.2.1 Le programme d'Earned Income Tax Crédit (EITC)

Instauré en 1975 comme un programme modeste pour aider les familles à faible revenu,l'EITC a connu plusieurs bonifications depuis sa création et notamment en 1986, 1990 et1993. L'admissibilité à ce programme se base sur le revenu de travail et le nombre d'en-fants respectant certaines conditions. Sous forme de crédit remboursable, il comportetrois régions dont les paramètres sont présentés au tableau 2.2 : (1) La phase d'entréedans laquelle le crédit croît à un taux constant avec le revenu de travail pour atteindreun montant maximal qui persiste au même niveau suivant une certaine augmentationdu revenu ; (2) la phase plateau ; (3) la phase de sortie où le crédit est réduit à un tauxconstant avec le revenu et devient éventuellement nul lorsque le revenu atteint le seuilde sortie.

TABLEAU 2.2 - Paramètres de l'EITC en $ US - 1996

Nombred'enfants

01

2 et +

Taux ducrédit(%)

7,653440

Début phaseplateau($)

4 2446 3658 938

Fin phaseplateau($)

5 30511 67011 670

Créditmax($)

3252 1643 575

Taux deréduction(%)

7,6515,9821,06

Seuil desortie($)

9 55325 21228 645

Source : Brouillette, Fortin, et Godbout (2005), p. 11.

Impact sur la participation et les heures travaillées

L'approche différence-de-différence s'est avérée la méthode la plus utilisée dans l'évaluationde l'EITC. Le tableau 2.3 présente les résultats de l'impact de différentes réformes duprogramme sur la participation au marché du travail pour les familles monoparentales.

Les différentes études donnent des résultats très semblables. De fait, la participationdes femmes monoparentales s'est accrue d'environ 6 unités de pourcentage par rapportau groupe de référence. Tel que mentionné dans notre discussion sur ce type d'ap-proche, il n'existe pas de règle précise dans la sélection d'un groupe de référence. Eissaet Liebman (1996) ont donc choisi plusieurs groupes témoin. Lorsqu'ils utilisaient lesfemmes monoparentales sans enfant et les femmes monoparentales avec enfants comme

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TABLEAU 2.3 - Effets des Tax Reform Acts (TRA) sur la participation (en unités depourcentage)

Études

Eissa et Liebman (1996)Meyer et Rosenbaum (1999)Scholz (1996)

Réforme

19861984-19961993-1996

DD-Probit

6,16,86,6

groupe traitement, l'impact est d'environ 2,2 unités de pourcentage. Par contre, l'ef-fet atteint 6,1 unités de pourcentage lorsque le groupe de référence est constitué defemmes monoparentales ayant moins de 12 années de scolarité et leurs homologues avecenfants comme groupe traitement. Ceci suggère donc l'importance de choisir de façonappropriée le groupe témoin.

Pour ce qui est des heures travaillées, ces trois études trouvent que l'offre de travail aaugmenté suite aux réformes considérées. Eissa et Liebman (1996) ne trouvent aucuneévidence quant à un déclin des heures travaillées pour les femmes se situant dans laphase de sortie de l'EITC comparativement aux femmes non admissibles au programme.Certaines voies d'explication ont été avancées dans leur article. Plus spécifiquement, ilsrappellent que plusieurs études trouvent que la participation est plus élastique que lesheures travaillées suite à une variation du salaire net. De plus, les auteurs soulignentla possibilité que les individus ne perçoivent pas l'impact marginal du crédit puisquecelui-ci est perçu comme un montant forfaitaire reçu à la fin de l'année fiscale.

2.2.2 Le programme de Working Families Tax Crédit (WFTC)

Introduit en 1999 en remplacement du programme Family Crédit (FC), ce programmepossède plusieurs similitudes avec le programme américain. Mais à l'opposé de ce der-nier, l'admissibilité se fonde sur un nombre minimal d'heures de travail8 et non surle revenu de travail et il n'y a pas de phase d'entrée. En effet, le crédit est à son ni-veau maximal dès que les critères d'admission sont satisfaits. Bien qu'il soit beaucoupplus généreux, le montant du crédit est réduit assez rapidement dans la phase de sortiecomme l'illustre le graphique 2.2. Le passage du FC au WFTC9 s'est accompagné d'unelégère augmentation du montant maximal du crédit, d'un crédit supplémentaire pourceux atteignant 30 heures de travail par semaine et d'une baisse du taux de réductionde 70% à 55%.

initialement fixé à 24 heures par semaine, il a été réduit à 16 heures en 1992.9Le WFTC a été remplacé par le WTC et le Child Tax Crédit (CTC) en 2003.

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GRAPHIQUE 2.2 - Le FC, WFTC et l'EITC

— I-'aniilv Oxxiit— WFTC

- - E1TC

Heures par3emalni

Source : Duncan et Giles (1995), p.6.

Impact sur la participation et les heures travaillées

Les études discutées précédemment concernant l'évaluation de l'EITC n'ont pas faitappel à une approche fondée sur la maximisation de l'utilité sous contrainte budgétaire.Ceci tient au fait que ces méthodes posent des difficultés lorsque la contrainte budgétaireprésente des non-convexités, ce qui est effectivement le cas lorsque l'on considère lesystème de taxation ainsi que les programmes de transferts car les taux marginaux detaxation sont souvent plus élevés pour les familles à bas revenus (Fortin et Lacroix,2002).

Dans la littérature, trois approches ont été adoptées pour modéliser les non-linéarités dela contrainte budgétaire découlant des différents taux marginaux de taxation associésà diverses tranches de revenu et revenu hors travail. La première approche consiste àconstruire une contrainte budgétaire par palier qui représente une contrainte composéede segments séparés par des points de coude représentant les changements dans les tauxmarginaux de taxation. La seconde consiste à approximer la contrainte budgétaire parune fonction différentiable où le passage d'un segment à un autre aux points appropriésse fait via une fonction de poids. En modifiant les paramètres de cette dernière, ilest possible de reproduire de très près la contrainte budgétaire linéaire par palier touten maintenant la différentiabilité aux points de retournement (Blundell et MaCurdy,1999).

Certaines critiques ont été adressées à ces deux méthodes. En effet, l'approche linéairepar morceaux suppose une connaissance parfaite de la totalité de la contrainte budgétaireet ce tant pour l'individu en question que pour l'économètre. Ceci est irréaliste comptetenu de la complexité du système fiscal. La deuxième approche n'échappe pas à cettecritique. De plus, la première approche prédit des masses aux points de coude ce quiest incompatible avec les données observées à moins d'introduire un terme reflétantdes erreurs de mesure continûment distribué (Blundell et MaCurdy, 1999). Par contre,cette critique ne s'adresse pas à la seconde approche. La méthodologie associée aux

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contraintes linéaires par palier impose aussi de sévères hypothèses d'exogénéité. Defait, toutes les variables autres que les heures de travail sont traitées comme étant desdéterminants exogènes dans le comportement d'offre de travail et cette critique demeuredans le cas de la deuxième approche. Une autre critique s'adressant à la première ap-proche est qu'elle impose implicitement des restrictions paramétriques qui restreignentle signe des effets de substitution et de revenu. Elle requiert la satisfaction globale dela restriction de Slutsky, ce qui implique la positivité de l'effet de substitution non-compensé du salaire et la négativité de l'effet revenu sur les heures travaillées (Blundellet MaCurdy, 1999). L'introduction de coût fixe soulève d'autres difficultés car elle rendla contrainte budgétaire non-convexe ce qui invalide les procédures habituelles de maxi-misation puisque plusieurs optima locaux sont possibles. Ainsi, on doit comparer leniveau d'utilité associé à chacun de ces optima afin de déterminer l'optimum global(Fortin et Lacroix, 2002).

La troisième méthode consiste à considérer les heures de travail comme une variablediscrète (Van Soest, 1995). L'espace des heures de travail est alors divisé en intervalleset la probabilité qu'un individu se localise dans l'un de ces intervalles est estimé parmaximum de vraisemblance. Cette approche possède plusieurs avantages (Van Soest,1995). Plusieurs hypothèses, notamment en ce qui a trait à la quasi-concavité et la satis-faction globale de Slustsky, n'ont pas à être imposées à priori mais peuvent être testéesex-post ce qui n'est pas le cas lorsque la variable est traitée de façon continue. Parcontre, cette approche requiert que l'utilité marginale de la consommation soit positivepar faute de quoi le modèle n'est pas valide10. Les coûts fixes peuvent facilement êtreincorporés et il semble qu'il soit plus réaliste de traiter les heures de travail comme unevariable pouvant prendre un nombre fini de valeurs (Duncan et Giles, 1995; Bingley etWalker, 1997). Ceci a également pour conséquence de rendre l'hypothèse de la connais-sance de la contrainte budgétaire par l'agent moins contraignante. Il est aussi possibled'introduire des erreurs de mesure et de l'hétérogénéité non observée. Enfin, puisquela condition d'optimalité ne requiert plus la condition de tangence, les problèmes liés àl'utilisation de contraintes budgétaires non convexes sont éliminés. Il existe par contreun inconvénient à grouper les heures de travail sous forme d'intervalle. En effet, deserreurs d'arrondissement peuvent survenir en regroupant les heures et par ailleurs onn'utilise pas toute l'information disponible. Cependant, ce problème peut être réduit enaugmentant le nombre de catégories d'heures.

Blundell et al. (2000b) ont appliqué cette méthode pour évaluer l'impact du WFTC surle marché du travail en spécifiant une forme quadratique pour la fonction d'utilité touten incluant des coûts fixes et de l'hétérogénéité dans les paramètres et les salaires. Ilsobtiennent que la participation des femmes monoparentales a augmenté de 2,2 unités

10Cette hypothèse peut également être testée ex-post.

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de pourcentage. Bingley et Walker (1997) ont utilisé une méthodologie semblable pourétudier l'effet du FC sur les mères seules en incluant de l'opprobre social à leur modèle.Leurs résultats indiquent un effet positif sur la probabilité d'accepter un emploi à tempspartiel sans réduire les heures de celles déjà actives sur le marché du travail. Duncanet Giles (1995) estime selon la même méthodologie l'impact du WFTC en introduisantdes coûts fixes, de l'hétérogénéité non observée dans les paramètres des heures et durevenu. Ils concluent également en un mouvement positif vers l'emploi à temps partiel.Ils trouvent également que la condition de positivité de l'utilité marginale du revenuest davantage respectée lorsque le nombre de choix d'heures de travail augmentent.

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Chapitre 3

Effets potentiels de la Prime autravail et spécification d'un modèlestructurel

3.1 Effets potentiels de la Prime au travail

L'objectif du gouvernement du Québec en instaurant la Prime au travail est de rendrele travail plus attrayant financièrement et ainsi stimuler la participation au marché dutravail tout en augmentant les heures de travail de ceux qui y sont déjà actifs. Ces deuxobjectifs sont toutefois difficilement conciliables. D'une part, un tel programme ne peutavoir qu'un effet positif sur la participation. De fait, selon la théorie économique, unindividu ne travaille pas si le salaire du marché est inférieur à son salaire de réserve.Pour cet individu, dans la mesure où le salaire de réserve sous la Prime est inférieurà celui sous APPORT, il ne peut être qu'encouragé à entrer sur le marché du travail(Hanoch et Honig, 1978). Le revenu d'un individu inactif n'étant pas modifié suite àl'introduction de la Prime, tout individu préférant travailler avant l'introduction de laPrime va également préférer travailler après son introduction. D'autre part, l'effet dela mise en place de la Prime au travail sur l'offre de travail d'un individu va dépendrede la région dans laquelle il se trouve initialement. En se rapportant au graphique 2.1à la page 4, on constate qu'un travailleur se situant dans la phase d'entrée du crédit,l'effet est ambigu : la prime hausse le salaire de l'individu ce qui induit une incitation autravail (effet de substitution), alors que l'effet revenu a l'effet opposé1. Si le revenu netd'un individu est tel que celui-ci se retrouve dans la phase de sortie lors de l'introduction

1En supposant que le loisir est un bien normal.

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de la Prime, l'effet de substitution et l'effet revenu vont dans le même sens pour réduireles heures de travail. Un individu qui a dépassé le seuil de sortie peut décider de réduireson offre de travail afin de devenir admissible au programme. Enfin, puisque la primeest réduite à un taux beaucoup moins élevé que celui du programme APPORT, certainsindividus qui n'avaient plus droit à APPORT reçoivent désormais la Prime. Qualifiés dewindfall bénéficiâmes (Brouillette, Fortin, et Godbout, 2005), ces individus deviennentadmissibles aux prestations sans avoir modifié leur comportement d'offre de travailtout en faisant face au taux de réduction. Pour eux, l'effet est sans équivoque et négatifpuisque l'effet de substitution et l'effet revenu se conjuguent pour réduire les heures detravail. L'effet de la Prime sur l'offre de travail agrégée dépend donc de la répartitionde la population entre les différentes régions.

Prédire à priori l'effet global de l'instauration d'un supplément de revenu tel que celuimis en place par le gouvernement du Québec n'est pas sans ambiguïté, d'où la pertinencede développer un modèle structurel capable d'appréhender la complexité des incitatifsintrinsèques au programme. De plus, ce type de modèle est très flexible puisqu'il permetde simuler l'impact à la marge extensive et intensive d'une modification des paramètresdu programme à l'étude sur l'offre de travail (Brouillette, Fortin, et Godbout, 2005).

3.2 Spécification d'un modèle structurel

Cette section présente la méthodologie utilisée dans ce travail pour évaluer l'impact dela Prime au travail sur l'offre de travail des personnes seules2. Puisqu'il s'agit d'uneévaluation ex-ante, l'approche structurelle discutée précédemment est utilisée. Étantdonné la présence de nombreuses non convexités dans la contrainte budgétaire et lesproblèmes induits par celles-ci, nous traitons les heures de travail H comme une variablediscrète avec H G {H1, H2,..., / / p } . Suivant les travaux de Keane et Moffit (1998) etde Blundell et al. (2000a), la fonction d'utilité de l'individu est modélisée comme

H,Y;X) + eH, (3.1)

où T représente la dotation en temps des individus qui est fixé à 80, eH est un terme d'er-reur spécifique à chaque état H G {H1, H2,..., Hp} et est supposé être indépendammentdistribué entre les individus et de loi Gumbel3. Pour sa part, le revenu disponible d'un

2Le terme «personne seule» est utilisé pour désigner à la fois une femme seule et une femmemonoparentale.

3Van Soest (1995) constate que fixer T à ce niveau n'affecte pas les résultats même s'il s'agit d'unparamètre qui pourrait être traité comme endogène.

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individu travaillant un nombre d'heures H est défini comme étant

YH = a + hw-t(wh,X,a), (3.2)

où w repésente le salaire horaire, a est le revenu hors travail et t(wh,X,a), les taxeset impôts nets des transferts que l'individu paie compte tenu notamment de ses ca-ractéristiques X et du nombre d'heures travaillées h.

Compte tenu des hypothèses posées sur le terme d'erreur, on obtient le modèle logit oùla probabilité de choisir H = W est

Pr[U*HJ > U*HP, Vj ^p,p € {l, 2,..., P}}

exp[U(T-&,YHJ;X)](3.3)

Nous supposons que la fonction d'utilité est de forme quadratique dans les heures et lerevenu en accord avec les travaux de Duncan et Giles (1995), Blundell et al. (2000b) etBrewer et al. (2005)4 :

U(H, Y) = aYYY2 + aHHH2 + pYY + pHH. (3.4)

L'hétérogénéité observée est introduite linéairement dans le paramètre Pu comme suit :

Pu = ho + 0'hX, (3.5)

où X comprend une variable muette concernant l'âge des plus jeunes enfants, le nombred'enfants de l'agent, son âge ainsi que son âge au carré.

La limitation principale du logit, soit l'indépendance des alternatives non pertinentes(IIA), implique que les termes d'erreurs e# ne peuvent être interprétés comme reflétantde l'hétérogénéité non observée (Train, 2003). Ils sont plutôt considérés comme deserreurs dans la perception des alternatives ou en d'autres mots, des erreurs d'optimi-sation. Nous introduisons donc explicitement de l'hétérogénéité non observée dans lesheures. Nous obtenons ainsi le modèle avec paramètres aléatoires suivant :

PH = Pho + 0hX + vh, (3.6)

où Vh est une variable aléatoire de loi normale et de variance a2

4Diverses spécifications ont été testées. Par exemple, nous avions supposé la fonction d'utilité trans-log avec une spécification semblable à Van Soest (1995) mais les résultats n'étaient pas satisfaisants.Nous avions également introduit certains termes d'interaction qui se sont avérés non significatifs et ontdonc été omis.

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Chapitre 4

Les Données

Nous utilisons le mémoire de Fournier (2005) afin de simuler le revenu disponible as-socié à chaque niveau de H G {H1, H2,..., Hp}. La banque de données utilisée dans lecadre de son travail provenait du système de Base de données et Modèle de simulationde politiques sociales (BD/MSPS) de Statistique Canada. Malheureusement, la banquene contenait aucune information concernant le choix en termes d'heures de travail desindividus sondés. Cette variable étant indispensable dans le cadre de notre projet, nousavons plutôt opté pour une autre source de données, soit l'Enquête sur la dynamiquedu travail et du revenu (EDTR) pour l'année 2002, année durant laquelle les individusfaisaient face au programme APPORT. Un inconvénient découlant de ceci est que plu-sieurs hypothèses ont dû être formulées étant donné que certaines variables présentesdans la BD/MSPS étaient absentes de l'EDTR et notamment, les dépenses d'emploisdéductibles d'impôt, les déductions pour perte au titre de placements d'entreprise ainsique les déductions pour frais de déménagement. Bien qu'il s'agisse d'une limitation,celle-ci a été atténuée du fait que la plupart de ces variables prenaient la valeur de0 dans la base de données utilisée par Fournier (2005). Par conséquent, elles ont étéposées égales à 0.

La base de données utilisée dans le présent travail, l'EDTR, nous a fourni de l'infor-mation sur les caractéristiques de 1193 individus formant 337 familles monoparentaleset 856 femmes seules. Cet échantillon a été construit en conservant uniquement les in-dividus résidant au Québec. De plus, nous avons exclu les observations qui avaient desvaleurs manquantes pour certaines variables clés qui étaient majoritairement des indi-vidus âgés de 65 ans et plus. Le tableau 4.1 présente quelques statistiques descriptivespour notre échantillon.

Nous constatons qu'en moyenne les femmes monoparentales sont âgées de 40 ans, ont

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TABLEAU 4,1 - Statistiques descriptivesVariable

AgeNombre d'enfantPrésence d'enfant < 6 ans(%)Heures par semaine1

Taux de participation(%)Nombre d'observations

Echantillon

42,070,447,29

30,7267,90

1193,00

Femmesmonoparentales

40,301,57

25,8230,9473,00

337,00

Femmesseules

42,770,000,00

30,6265,89

856,001 Seulement pour les femmes actives sur le marché du travail

plus d'un enfant et le quart d'entre elles ont au moins un enfant d'âge préscolaire. Lamajorité d'entrés elles sont actives sur le marché du travail. En outre, elles sont plusnombreuses à travailler que les femmes seules bien que leur offre de travail soit trèssimilaire à ces dernières. Enfin, nous remarquons que les femmes seules sont légèrementplus âgées en moyenne que les femmes monoparentales.

4.1 Le salaire horaire w

Dans le cas des individus inactifs sur le marché du travail, le salaire horaire n'est pasobservé. Nous avons donc estimé une régression de salaire en utilisant des données as-sociées à des individus semblables mais ayant travaillé durant l'année. Noté w, le salairehoraire prédit est utilisé pour tous les individus, travaillant ou non. Les résultats decette régression apparaissent au tableau 4.2. Parmi les variables indépendantes inclusesdans la régression, on note entre autres, l'âge, la scolarité, leurs termes quadratiques,une variable indiquant si l'individu habite une région métropolitaine (Urbain) ainsi quele ratio inverse de Mills. Cette dernière variable a été incluse afin de corriger pour lebiais de sélection attribuable au fait que l'échantillon considéré dans la régression n'estpas aléatoire (Heckman, 1978). L'identification est assurée par l'inclusion d'une variableindiquant la présence d'enfants âgés de six ans et moins et le nombre d'enfants de l'in-dividu. Cette spécification est basée sur les travaux empiriques de Brewer et al. (2005),Fortin et Truchon (1993) et Mroz (1987). La significativité du ratio inverse de Mills in-cluse dans la deuxième étape de notre estimation témoigne de l'importance de corrigerpour le biais de sélection. Nous constatons également le manque de significativité desvariables reliées à la scolarité. Bien que surprenant, ceci a également été obtenu parVan Soest (1995) et Fortin et Truchon (1993) dans le cas où l'estimation portait sur un

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échantillon composé de femmes.

4.2 Le revenu disponible

Afin de générer le revenu disponible des individus de notre échantillon, nous avonsutilisé le programme informatique de Fournier (2005). Ce dernier calcule à partir descaractéristiques des individus leurs revenus disponibles en tenant compte de la com-plexité du système fiscal québécois reliée à l'imposition et les programmes de transfertstels que la prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE), l'aide sociale et le pro-gramme APPORT ou la Prime au travail, le cas échéant. Nous estimons le revenu netpour chacune des heures de travail H G {H1, H2,..., Hp}. En faisant varier les heuresde travail P fois, nous générons de façon très précise la contrainte budgétaire des in-dividus et ce pour les deux programmes de façon à simuler l'impact de la réforme dugouvernement québécois1. En effet, la connaissance du choix des heures de travail desindividus sous le programme APPORT en 2002 nous permet d'estimer les paramètresstructurels de la fonction d'utilité. À partir de ces paramètres, nous pouvons par lasuite simuler le choix le plus probable d'heures de travail sous la Prime au travail, cequi représente l'impact simulé de la réforme2.

JLa contrainte budgétaire calculée sous APPORT alloue de façon aléatoire que 50% de l'échantillonrespectant les conditions d'admissibilité participe au programme

2L'impact simulé peut se révéler différent en raison des changements au niveau de la fiscalité maiscelle-ci a connu peu de changement entre 2002 et 2004

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L8

TABLEAU 4.2 - Résultats - Régression du log du salaire salaire horaire

Variable Estimé Ecart-type

Equation de salaire1

ConstanteAgeAge2

EducationEducation2

Education* AgeUrbainCouple2

Mills

Nombre d'observationsR2

1,090**0,041***

-0,036**0,0200,0880,0000,103***0,003

-0,315**

0,5230,0130,0160,0400,1050,0000,0280,0280,153

25850.1705

Equation de sélection (probit)

ConstanteAgeAge2

EducationEducation2

Education* AgeUrbainCoupleNombre d'enfantsPrésence d'enfants < 6 ans

-3,894***0,142***

-0,181***0,299***

-0,460***-0,002***0,097**0,123**

-0,082***-0,379***

0,5370,0170,0180,0470,1320,0010,0500,0520,0280,078

Nombre d'observations 3760

1 II s'agit de la régression du log du salaire horaire.2 Les régressions de salaire ont été effectuées pour l'échantillon initial

qui comportait des femmes seules et des femmes en couple. Nous

avons donc introduit cette variable indicatrice pour en tenir compte.

Note : *** significatif au seuil de 1% ;** significatif au seuil de 5%.

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Chapitre 5

Estimation de type comptable del'effet de la Prime au travail

La théorie économique nous fournit un éclairage quant à l'effet potentiel de l'impositiond'un programme de prime au travail sur le comportement des individus. L'effet globalde celle-ci sur l'offre de travail des personnes seules dépend de leur répartition entre lesdifférentes phases composant le programme. Le tableau suivant indique la répartitionde notre échantillon en fonction des diverses phases :

TABLEAU 5.1 - Répartition de l'échantillon entre les différentes phases de la Prime

Revenu inférieur au seuil de début de subventionPhase d'entréePhase de sortieRevenu supérieur au seuil de sortieWindfall BénéficiâmesNombre d'observations

Personnesseules

2923673

4550

856

Famillesmonoparentales

1005

1468675

337

Indépendamment du groupe cible considéré, environ le tiers de notre échantillon a unrevenu inférieur à 2 400 $, soit le seuil de début de subvention. Pour ce groupe, lathéorie économique prédit un effet positif ou nul sur la participation au marché dutravail. Par contre, la plupart des autres individus ont un revenu de travail tels qu'ilsse retrouvent dans la phase de sortie ou même le dépassant. Pour ces individus, uneréduction des heures de travail est attendue. Le dernier groupe est composé des windfallbénéficiâmes pour lesquels l'effet sur l'offre de travail est encore une fois négatif. Il serait

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tentant à priori de juger négativement la capacité de la Prime au travail d'atteindre sesobjectifs. Par contre, il est important de noter que dans la littérature, les impacts à lamarge extensive sont souvent beaucoup plus importants que ceux à la marge intensiveet peuvent ainsi dominer les effets négatifs pour ceux qui sont déjà actifs sur le marchédu travail (Fortin et Lacroix, 2002; Eissa et Liebman, 1996; Bingley et Walker, 1997).

Il est également de mise d'analyser l'évolution des taux marginaux effectifs d'imposition(TMI) puisque ceux-ci constituent une mesure de l'incitation à augmenter l'offre detravail. Le tableau 5.2 indique l'impact du remplacement du programme APPORTpar la Prime au travail sur les TMI des femmes monoparentales. On constate qu'en

TABLEAU 5.2 - Impact de la réforme sur les TMI des femmes monoparentales

MoyenneMédianeProportion pour qui TMI a ffProportion pour qui TMI a Jj.

TMI en %Apport

4650

Prime | Différence5048

+4,0-2,0

44,8 %13,1 %

moyenne, l'incitation au travail a été réduite avec le passage à la Prime au travail.De fait, près de 50% des femmes monoparentales ont connu une augmentation de leurTMI. Ceci masque toutefois une grande hétérogénéité que l'on découvre en examinantla variance dans les taux marginaux effectifs d'imposition présentée au graphique 5.1.De fait, parmi les individus qui ont connu une augmentation de leur TMI, celle-ci a étéde l'ordre d'au plus 15% pour environ 80% des femmes monoparentales. À l'opposé,pour 73% de celles ayant été positivement affectées par la réforme, la diminution desTMI se chiffre à plus de 20%.

GRAPHIQUE 5.1 - Répartition selon la variation du TMI

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Le tableau 5.3 indique que les femmes monoparentales se situant dans la phase d'entréede la Prime ont connu une baisse de leur TMI se chiffrant à plus de 50% en moyenne.L'augmentation des TMI a été la plus forte chez les individus qualifiés de windfallbénéficiâmes. Ceci s'explique par le fait que ces individus ont un revenu tel que laPrime est réduite au taux de 10% alors qu'ils n'étaient pas taxés sous le programmeAPPORT. De plus, la hausse moyenne des TMI des femmes monoparentales ayant unrevenu inférieur à 2 400 $ se motive par l'absence d'une prime au travail alors quecertaines d'entre elles recevaient un montant sous le programme APPORT puisque leseuil de début de subvention était inférieur dans ce programme.

TABLEAU 5.3 - Impact de la réforme sur les TMI des femmes monoparentales selon lesphases de la Prime

Avant seuil de début de subventionPhase d'entréePhase de sortieDépassé seuil de sortieWindfall Bénéficiâmes

Moyenne des TMI en %Apport

4681

4349

47

Prime

53

284950

55

Différence

+7-53+6+ 1+10

Proportion pour quiAugmenté

38

20

752

100

Diminué

]

80

25-

-

TMI aConstant

58--

98

-

Outre les TMI, l'impact du remplacement du programme APPORT par la Prime autravail sur le revenu disponible des individus mérite une attention particulière. Les ta-bleaux 5.4 à 5.7 résument l'impact de cette réforme sur le revenu disponible des femmesmonoparentales et des femmes seules dans un contexte où l'offre de travail est supposéeconstante. Nous remarquons qu'en moyenne le revenu disponible des femmes monopa-rentales et des femmes seules a connu une augmentation. Celle-ci est plus notable dansle cas des femmes monoparentales se situant dans la phase d'entrée ainsi que dans laphase de sortie du crédit. Bien qu'il puisse paraître incohérent que certaines femmesmonoparentales ayant un revenu supérieur au seuil de sortie de la Prime ont subi uneperte de revenu disponible, ceci s'explique par la composition de leurs revenus. Defait, leur revenu de travail est très faible mais elles ont d'autres revenus entrant dansla définition du revenu net1 qui impliquent qu'elles n'ont plus droit à la Prime alorsqu'elles recevaient des prestations sous le programme APPORT.

Pour les femmes seules, il n'est pas surprenant de constater que le revenu disponiblede la totalité de ce groupe a été affecté positivement par la mise en place de la Primepuisque ces individus n'étaient pas admissibles au programme APPORT. Toutefois, lemontant maximal de la Prime n'étant pas très élevé (511 $) et la fixation du seuil àpartir duquel les prestations ne sont plus disponibles (14 810 $) impliquent que l'impact

xLa réduction est calculée à partir du revenu net représenté par la ligne 275 de la déclaration derevenus pour l'année 2002.

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moyen de la Prime au travail sur le revenu disponible de ce groupe est peu important.Ceci constitue l'une des principales critiques de Godbout et Arseneau (2005) à l'égarddu remplacement du programme APPORT par la Prime. En effet, ces auteurs concluent,sur la base de simulations qu'une augmentation du revenu disponible de 5,4% et 1,8%lorsqu'une personne seule quitte l'aide sociale pour travailler respectivement à tempspartiel et temps plein au salaire minimum est trop peu élevée pour encourager le travail.À cela s'ajoute le délai d'attente pour recevoir le montant de la prime. D'autre part,ces auteurs négligent la possibilité pour les individus de réagir en modifiant leur offrede travail de sorte à profiter du nouveau programme. De fait, une analyse comptableoffre un aperçu de la situation des femmes seules et des femmes monoparentales suiteà la réforme introduite par le gouvernement québécois. Elle est néanmoins limitée ence sens que les individus répondent aux incitatifs financiers en modifiant leur offre detravail. Il est donc nécessaire de baser notre analyse quant à l'impact du remplacementdu programme APPORT par la Prime au travail sur un modèle apte à reproduire detels comportements.

TABLEAU 5.4 - Impact de la réforme sur le revenu disponible des femmes monoparen-tales

MoyenneMédianeProportion pour qui revenu disponible a ff-Proportion pour qui revenu disponible a -JJ-

Revenu disponible en $Apport24 14922 729

Prime Différence24 56123 616

+412+887

43%4,5%

TABLEAU 5.5 - Impact de la réforme sur le revenu disponible des femmes monoparen-tales selon les phases de la Prime

Avant seuil de début de subventionPhase d'entréePhase de sortieDépassé seuil de sortieWindfall Bénéficiâmes

MoyenneApport

l(i 87-115 89322 93735 14524 270

du revenu| Prime

16 85616 51323 88235 14225 111

disponible en XDifférence

•18

+620+945

-3841

ProportionAugmenté

-

8097-

100

Dour qui revenu disponible aDiminué

82031

-

Constant

92--

!)9-

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TABLEAU 5.6 - Impact de la réforme sur le revenu disponible des personnes seules

MoyenneMédianeProportion pour qui revenu disponible a f|~Proportion pour qui revenu disponible a JJ.

Revenu disponible en $Apport

18 47114 883

Prime

18 49914 883

Différence

+280

12,7 %

TABLEAU 5.7 • Impact de la réforme sur le revenu disponible des personnes seules selonles phases de la Prime

Avant seuil de début de subventionPhase d'entréePhase de sortieDépassé seuil de sortie

MoyenneApport

10 6869 19111 91225 254

du revenuPrime

10 6869 46012 10325 254

disponible en $Différence

_

+269+ 191

-

ProportionAugmenté

-

100100

-

3our qui revenu disponible aDiminué

-

--

-

Constant

100--

100

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Chapitre 6

Résultats

Ce chapitre présente les résultats de l'estimation de notre modèle structurel développéau chapitre 5 ainsi que l'impact simulé du remplacement du programme APPORT parla Prime sur l'offre de travail des femmes seules.1

6.1 Estimation des paramètres de la fonction d'uti-

lité

Le tableau 6.1 présente les estimés des paramètres de la fonction d'utilité présentéedans le chapitre 3 pour notre échantillon composé de femmes seules et de femmesmonoparentales2. L'estimation considère un régime d'offre de travail composé de troischoix d'heures H = {(), 20, 40}. Les femmes sont affectées à l'un de ces états selon larègle d'affectation suivante :

{ 0 si H < 320 si 3 < H < 3040 si H > 30

Conformément à la théorie économique, nous obtenons que l'utilité marginale du revenuaugmente à un taux décroissant avec le niveau de revenu et que la désutilité marginaledu travail décroît avec le niveau d'heures travaillées. Nous avions initialement introduit

1 Les écarts-types présentés dans cette section devraient être corrigés pour tenir compte du fait quenous avons utilisé le salaire horaire prédit w et non w mais ceci n'a pas été fait.

2La faible taille de l'échantillon ne permet pas d'estimer de façon distincte ces deux groupes defaçon précise et a ainsi conduit à une estimation conjointe.

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TABLEAU 6.1 - Estimation du modèleVariable

Revenu 2

Heure 2

RevenuHeure

x âge

x âge2

x 1 (présence d'enfants < 6 ans)x nombre d'enfants

Nombre d'observationsLog vraisemblance

Estimé-0,002***0,003***0,294***

-0,327***0,109***

-0,180***-0,0220,0167**

Ecart-type0,0010,0010,0460,0410,0220,0280,0150,007

1193-1101 ,099

Note : *** significatif au seuil de 1% ;** significatif au seuil de 5%.

Les variables du revenu, des heures et de l'âge de l'agent ont été

divisées respectivement par 1000, 100 et 10.

un terme d'interaction entre les heures de travail et le revenu disponible mais celui-cis'est avéré non significatif et a donc été exclut de l'estimation. Cette non-significativitéa également été obtenu par Keane et Moffit (1998). Nous avons également introduitl'âge de l'individu (ainsi que le carré), le nombre d'enfants et une variable indiquant laprésence d'enfants âgés de six ans et moins dans le but de permettre une hétérogénéitéobservable dans le désir de travailler. À cet égard, nos estimés indiquent que l'utilitémarginale du travail décroît avec la présence d'enfants d'âge préscolaire alors qu'elleaugmente avec le nombre d'enfants. Ces résultats sont conformes à ceux présentés dansles travaux de Brewer et al. (2005) et Duncan et Giles (1995).

Bien que le tableau 6.1 indique que les variables incluses dans notre modèle sont perti-nentes et précises, la validité de notre modèle nécessite le respect de deux conditions, soitla monotonicité et la quasi-concavité de la fonction d'utilité3. Ces deux conditions sonta priori imposées mais peuvent néanmoins être testées ex post. En effet, en définissantl'ensemble de choix H = {0, 20,40}, les points appartenant à l'intérieur de la contraintebudgétaire sont a priori exclus. Ceci est qualifiée de condition de monotonocité et sonrespect exige que l'utilité marginale de la consommation soit positive. Dans notre cas,celle-ci est respectée pour 99,97% de notre échantillon. En ce qui a trait à la condition dequasi-concavité de la fonction d'utilité, nous obtenons qu'elle est respectée pour toutesles observations.

3Ce point a été discuté dans la recension de littérature lors de l'introduction des modèles à choixdiscrets.

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Quoique les résultats énoncés jusqu'ici soient satisfaisants, il est important de considérerla capacité du modèle à reproduire le choix observé sous le programme APPORT avantd'effectuer nos simulations. À cet effet, le tableau 6.2 présente les fréquences observéeset prédites pour les trois choix d'heures H = {0, 20, 40}.

TABLEAU 6.2 - Fréquences observées et prédites

Heure Observée Prédite

20

40

399265529

398,97265,03529,00

Nous remarquons que les fréquences prédites sont pratiquement identiques à celles ob-servées avec une différence maximale de 0,3 unités de pourcentage4. L'efficacité de notremodèle à reproduire les fréquences observées pour chaque choix d'heures est confirméepar le test chi-carré de Andrews (1988). Pour juger de la validité du modèle, ce testse fonde sur la somme des distances au carré entre les fréquences prédites et observéespondérée par une matrice de variance covariance composée du vecteur des gradients dela fonction de vraisemblance. La statistique chi-carré associée à notre modèle est %2

= 0,008 qui doit être comparée avec ^095(2) = 5,99. Ainsi, ce test indique que notremodèle n'est pas rejeté au seuil de 5%.

6.2 Elasticités

Un autre aspect qui mérite une attention particulière est l'élasticité de l'offre de tra-vail. À cette fin, nous présentons aux tableaux 6.3 et 6.4 différentes élasticités. Ellesont été obtenues d'abord en calculant les élasticités pour chaque individu puis en fai-sant la moyenne. Ces tableaux inclus les trois élasticités des heures de travail espéréespar rapport au salaire net, au revenu virtuel, l'aide sociale et l'élasticité-revenu total.Cette dernière est calculée à partir d'une variation d'une part, du revenu virtuel etd'autre part, du revenu hors travail. On trouvera en annexe A les différentes élasticitésprésentées dans cette section et la méthodologie qui a été adoptée pour les calculer.Afin de juger de la précision de ces estimés, nous présentons les écarts-types obtenusde deux façons : la méthode delta et la méthode bootstrap5.

4Notons que les fréquences prédites et observées auraient été égales si nous avions introduit desconstantes spécifiques aux alternatives. En effet, ceci est implicitement imposé par le logit.

5Ces deux méthodes sont aussi décrites en annexe A.

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TABLEAU 6.3 - Élasticités revenu et salaire

1%EstiméÉcart-typeEcart-type10%EstiméÉcart-typeEcart-type

(Méthode(Méthode

(Méthode(Méthode

delta)Bootstrap)

delta)Bootstrap)

1" Salaire net

0.575***0.0070.006

0.539***0.0070.006

| Revenu virtuel

-0.174***0.0050.004

-0.171***0.0050.003

t Aide sociale

-0.560***0.0050.002

-0.554***0.0050.002

Note : *** significatif au seuil de 1%.

TABLEAU 6.4 - Élasticité-revenu total

EstiméÉcart-type (Méthode delta)Écart-type (Méthode Bootstrap)

| du Revenu virtuel | du Revenu hors travailde 1000$ de 1000$-0.243*** -0.475***0.008 0.0100.006 0.003

Note : *** significatif au seuil de 1%.

Conformément à nos attentes, nous obtenons qu'une augmentation du salaire net a unimpact positif sur les heures de travail espérées alors que l'effet revenu engendre l'effetcontraire. L'ampleur de ces estimés est comparable à celle obtenue dans la littérature(Blundell et MaCurdy, 1999). De plus, l'augmentation de l'aide sociale a un effetdésincitatif au travail. Cet effet est observé pour les personnes initialement actives surle mâché du travail pour qui l'option de ne pas travailler est devenue plus attrayante.Il est important de noter que l'augmentation de l'aide sociale ne constitue pas un effetrevenu en soi car elle implique un déplacement partiel de la contrainte budgétaire etplus spécifiquement au point où les heures de travail sont nulles alors que l'effet re-venu nécessite un déplacement parallèle de la contrainte budgétaire globale. Pour sapart, l'élasticité-revenu total permet d'obtenir via l'équation de Slutsky l'élasticité sa-laire compensée6. En effet, cette dernière se définit comme étant la différence entre

6L'annexe A présente l'équation de Slutsky. Notons que l'utilisation de l'équation de Slutsky supposeque les heures de travail sont différentiables ce qui n'est pas le cas dans ce travail car les heures detravail sont considérées discrètes.

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l'élasticité salaire compensée qui est présentée au tableau 6.3 et l'élasticité revenu to-tale. Nos résultats sont en accord avec la théorie économique qui suggère que l'élasticitésalaire compensée soit plus importante que l'élasticité salaire non compensée lorsquele loisir est un bien normal (Blundell et MaCurdy, 1999). Les tableaux 6.3 et 6.4 in-diquent également que les estimés présentés ci-haut sont très précis. Enfin, le peu dedifférence qu'exhibent nos estimés obtenus suite à une variation de 1% relativement àceux obtenus suite à une variation de 10% témoigne de la robustesse de ceux-ci.

6.3 Simulation

Tel qu'énoncé précédemment, l'approche structurelle développée dans ce travail permetde prédire la réaction des individus en matière d'offre de travail pour toute réformedu système fiscal. La réforme à laquelle s'intéresse ce travail est le remplacement duprogramme APPORT par la Prime au travail7. Le tableau 6.5 indique l'impact simuléde la réforme introduite par le gouvernement du Québec sur le nombre d'heures moyenpar semaine. Nous remarquons que la Prime au travail a un effet positif sur les heurestravaillées mais cet effet est négligeable. De fait, pour l'ensemble de l'échantillon, l'aug-mentation des heures travaillées se chiffre à 0,05 unités de pourcentage et est mêmenulle pour les femmes seules. Ceci s'explique notamment par le fait qu'en plus de réagirbeaucoup moins fortement que les femmes monoparentales aux incitatifs financiers (For-tin et Lacroix, 2002), la Prime au travail est beaucoup moins généreuse dans le cas desfemmes seules.

TABLEAU 6.5 - Impact simulé de la réforme sur les heures moyennes par semaine1

Avant la réforme(APPORT)Après la réforme(Prime)Changement(en %)

Echantillon Femmes mono Femmes seules

22,18 23,51 21,6622,19 23,55 21,66

+0,05% +0,17% 0,0%1 Le taux de participation au programme APPORT est fixé à 50%.

Puisque ces résultats sont peu informatifs, nous allons porter une attention particulièreaux mouvements entre les différents choix d'heures de travail pour les femmes consti-tuant notre échantillon. Plusieurs approches ont été utilisées dans la littérature pourprédire les transitions entre les différents choix d'heures de travail (Bonin et Schneider,2004). La première approche consiste à sommer les probabilités associées à chaque état

7Notons que pour les femmes seules, il s'agit plutôt de l'introduction de la Prime au travail puis-qu'elles n'étaient pas admissibles au programme APPORT.

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pour l'échantillon et à comparer ces probabilités agrégées suivant la réforme à cellesprécédant la réforme. La principale limitation de cette méthode est qu'elle ne donneaucune information quant aux transitions entre les différents états au niveau indivi-duel. Il devient donc impossible d'évaluer la réaction d'un individu initialement à unétat particulier suite à la réforme. La deuxième méthode répond à cette limitation enaffectant chaque individu à l'état où la probabilité de choix conditionnellement auxcaractéristiques observables est maximale. Les probabilités de transition sont ensuiteobtenues en effectuant une comparaison entre le choix le plus probable après et avantla réforme ce qui conduit à une matrice de transition. Toutefois, cette méthode ignorela distance relative entre les probabilités associées à chaque choix en plus d'ignorer lapartie inobservable de l'utilité.

L'approche retenue dans le cadre de ce travail a été introduite par Duncan et Weeks(1998) qui utilise la méthode de calibration individuelle afin de contrer les limitationsénoncées ci-dessus. Les tableaux 6.6, 6.7 et 6.8 présentent l'impact du remplacementdu programme APPORT par la Prime sur les heures travaillées sous forme de matricede transition8. Les éléments de la diagonale correspondent à la proportion d'individuspour qui le choix en matière d'offre de travail n'a pas été modifié avec le passage deAPPORT à la Prime. Pour leur part, les éléments supérieurs à la diagonale représententune augmentation des heures de travail suite à la réforme alors que ceux au-dessousindiquent une diminution de l'offre de travail.

Le tableau 6.6 indique l'impact simulé de la réforme pour notre échantillon composé defemmes avec et sans enfant. Nous obtenons que la participation au marché du travail aaugmenté de 0,6 unités de pourcentage. Les individus entrant sur le marché du travailsont trois fois plus nombreux à préférer le travail à temps partiel au travail à tempsplein. Cet effet positif n'est pas surprenant étant donné que la Prime est uniquementdisponible pour les individus travaillant un nombre d'heures positif. De plus, nousassistons à un léger mouvement du temps partiel vers le temps plein. Par contre, 0,8%de l'échantillon réduisent leurs heures de travail de 40 à 20 heures par semaine. Cet effetnégatif sur les heures travaillées des femmes corrobore nos attentes. En effet, nous avonsénoncé au chapitre 5 que la majorité de notre échantillon se retrouvent initialementdans la phase de sortie ou dépassant le seuil de sortie de la Prime. Dans ces deuxcas, la théorie économique prédit une réduction des heures de travail car l'effet desubstitution et l'effet revenu se conjuguent pour réduire l'offre de travail. Ces résultatssont également conformes à ceux obtenus par Lafond-Bélanger (2006) qui s'intéresse àla réforme étudiée dans ce présent travail mais qui porte son attention sur l'effet decelle-ci sur l'offre de travail des femmes en couple avec et sans enfant.

8L'annexe B présente la méthodologie adoptée pour construire cette matrice ainsi que les écarts-types qui est basée sur les travaux de Creedy et al. (2005) et Duncan et Weeks (1998).

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TABLEAU 6.6 - Remplacement de APPORT1 par la Prime - Échantillon complet

Pré-Réforme

Travaille pas

Temps Partiel

Temps Plein

Post-Réforme(%)Changement (%)

Travaille pas32,84(0,056)0,00

(0,000)0,00

(0,000)32,84-0,61***

Post-RéformeTemps Partiel

0,46(0,047)22,18(0,005)0,83

(0,091)23,47

1,26***

Temps Plein0,15

(0,017)0,03

(0,005)43,51(0,091)43,69-0,65***

Pré-Réforme(%)33.45

22.21

44.34

100

1 Le taux de participation au programme APPORT est fixé à 50%.

Note : Ecarts-types entre parenthèses. *** significatif au seuil de 1%

À la lumière de ces résultats, il est de mise de rappeler les objectifs que visait le gou-vernement québécois avec l'instauration de la Prime au travail. Ils consistaient à :soutenir et valoriser l'effort de travail tout en incitant les personnes à quitter l'aidesociale pour intégrer le marché du travail (Québec, 2005). La réduction des heures detravail enregistrée auprès des femmes travaillant à temps plein vient menacer l'atteintedu premier objectif. En ce qui a trait au second objectif, la Prime au travail a bienencouragé les femmes à quitter l'aide sociale pour devenir actives sur le marché dutravail. Cet effet n'est toutefois pas d'une grande magnitude. Ceci s'explique par le faitque les résultats présentés au tableau 6.6 agrègent les réactions des femmes seules etdes femmes monoparentales. Or, en plus de réagir beaucoup moins fortement que lesfemmes monoparentales aux incitatifs financiers (Fortin et Lacroix, 2002), la Prime autravail est beaucoup moins généreuse dans le cas des femmes seules. La faible augmen-tation de la participation peut donc être due à la forte proportion de femmes seulesdans notre échantillon et non à l'incapacité de la Prime à encourager la sortie de l'aidesociale.

Nous présentons donc aux tableaux 6.7 et 6.8 les matrices de transition séparémentpour les femmes seules et les femmes monoparentales. Ceci s'avère pertinent puisquenous constatons une grande différence dans les réactions de ces deux groupes. Plusprécisément, les femmes monoparentales réagissent beaucoup plus fortement que lespersonnes seules avec une augmentation de la participation au marché du travail de 1,9unités de pourcentage ce qui est trois fois plus important que la hausse enregistrée auprèsde la totalité de l'échantillon. L'écart-type simulé pour cette réponse est de 0,202% cequi admet la possibilité que l'effet atteigne 2 unités de pourcentage. Cet impact est

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similaire à celui obtenu par Blundell et al. (2000b). Il est également important de no-ter que cet impact pourrait possiblement être plus grand si nous avions été en mesured'estimer de manière distincte le modèle pour les femmes seules et les femmes monopa-rentales. De fait, les réactions des individus dépendent à la fois de leurs caractéristiqueset de leurs paramètres estimés. L'estimation conjointe des femmes seules et des femmesmonoparentales effectuée dans ce travail contraint les réactions à dépendre uniquementdes différences dans les caractéristiques observables. Finalement, outre l'impact sur laparticipation, la direction des mouvements entre les différents choix d'heures de travailest similaire à celle présentée au tableau 6.6. La différence réside dans la magnitude deseffets.

TABLEAU 6.7 - Remplacement de APPORT1 par la Prime - Femmes monoparentales

Pré-RéformeTravaille pas

Temps Partiel

Temps Plein

Post-Réforme(%)Changement (%)

Travaille pas26,64(0,174)0,00

(0,000)0,00

(0,000)26,3-1,85***

Post-RéformeTemps Partiel

1,32(0,141)23,04(0,017)2,61

(0,291)27,2

3,83***

Temps Plein0,53

(0,061)0,10

(0,018)45,76(0,291)46,5-1,98***

Pré-Réforme(%)28.49

23.14

48.37

100

1 Le taux de participation au programme APPORT est fixé à 50%.

Note : Ecarts-types entre parenthèses. *** significatif au seuil de 1%

TABLEAU 6.8 - Introduction de la Prime - Femmes seules

Pré-Réforme

Travaille pas

Temps Partiel

Temps Plein

Post-Réforme(%)Changement (%)

Travaille pas

35,28(0,011)0,00

(0,000)0,00

(0,000)35,28-0,12***

Post-RéformeTemps Partiel

0,12(0,011)

21.,84(0,000)0,14

(0,014)22,1

0,26***

Temps Plein0,00

(0,000)0,00

(0,000)42,62(0,014)42,62-0,14***

Pré-Réforme(%)

35.40

21.84

42.76

100

Note : Écarts-types entre parenthèses. *** significatif au seuil de 1%

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Les résultats ci-dessus sont obtenus sous l'hypothèse que la moitié des individus respec-tant les critères d'admissibilité au programme APPORT participent à ce dernier. Afinde déterminer dans quelle mesure cette hypothèse domine nos résultats, nous avonseffectué divers scénarios qui considèrent un taux de participation différent de celui fixéprécédemment.

Le tableau 6.9 résume l'impact des simulations sur l'offre de travail des femmes. Toutd'abord, puisque le taux de participation de la Prime au travail est fixé à 100% com-parativement à 50% dans le cas de son prédécesseur pour notre cas de référence, il estpossible que la Prime au travail encourage la participation au marché du travail uni-quement en raison de la différence entre les taux de participation et non en raison dela modification des paramètres induit par la réforme. Dans cette optique, nous avonseffectué une simulation où le taux de participation au programme APPORT est fixéà 100%. Nous obtenons que la participation au marché du travail est haussée de 0,52unité de pourcentage relativement à 0,61 pour notre cas de référence. Cette simulationnous permet d'affirmer que la réforme introduite par le gouvernement québécois estbénéfique en ce qui a trait à la participation au marché du travail non seulement parcequ'elle hausse le taux de participation au programme, mais également parce que lesparamètres qui définissent la nouvelle Prime au travail encouragent plus fortement lesindividus à quitter l'aide sociale. Finalement, le tableau 6.9 indique que l'impact dela Prime au travail est plus important lorsque le taux de participation au programmeAPPORT est faible. En effet, l'impact sur la participation au marché du travail atteint0,79 unités de pourcentage sous l'hypothèse de l'absence du programme APPORT pournotre échantillon de femmes seules avec et sans enfants et, lorsque nous considérons lesfemmes monoparentales uniquement, il atteint 2,48 unités de pourcentage.

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TABLEAU 6.9 Remplacement, du programme APPORT par la Prime; - Différents taux de participation

Taux de participationau programme APPORT (%)Echantillon complet1. 02. 253. 501

4. 755. 100

F( 'imri.es monoparentales

1. 02. 253. 501

4. 755. 100

De travaille pasà travaille

0,790.700,610.580.52

2.482.1G1,851.751,52

RéactionsDe travaille àtravaille pas

0

0

00

0

00

(1

0

0

simulées en %De temps partiel

à temps plein

0

0,010,030,080.10

;:

0,040,100.300,35

De temps pleinà temps partiel

0.950,880,830,810,74

3.032.792,612,532,30

Note : Tout est significatif au seuil de 1%.

1 II s'agit de notre cas de référence.

Les femmes seules sont omises puisqu'elles ne sont pas admissibles au programme APPORT.

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Enfin, évaluer la rentabilité du remplacement du programme APPORT par la Primeau travail nécessiterait une analyse coûts-avantages. Bien que ceci ne constitue pasl'objectif de ce travail, nous considérons un dernier élément : le coût de la réforme.Nous portons notre attention sur les coûts directs de la Prime au travail uniquementqui représentent les montants de subventions que reçoivent les individus. Nous ignoronsles coûts indirects dans notre travail9.

Dans notre cas, les heures de travail sont considérées comme une variable discrète. Ceciimplique donc que suite à la réforme, un individu n'est pas associé à un choix d'heuresde travail en particulier mais à plutôt une probabilité d'y être. Ainsi, le coût direct dela réforme est mesuré par le montant de subvention pour chaque choix d'heure multipliépar la probabilité de choix qui y est associée. Nous obtenons que le coût direct moyense chiffre à 23 $ dans le cadre du programme APPORT alors qu'il atteint 133 $ dansle cas de la Prime au travail, soit une augmentation de près de 500%. Cette hausse deressources affectées au programme est attribuable à trois facteurs : la possibilité pourles personnes seules de recevoir des prestations, la baisse du taux de réduction dans lecas des femmes monoparentales de 43% à 10% et la hausse du taux de participation duprogramme.

9Les coûts indirects comprennent notamment la baisse des prestations d'aide sociale associée àl'augmentation de la participation au marché du travail et la modification des montants relatifs auximpôts et transferts suite à la variation de l'offre de travail.

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Chapitre 7

Conclusion

Dans son budget 2004-2005, le gouvernement du Québec a mis en place la Prime au tra-vail en remplacement du programme APPORT afin d'encourager la participation et lesheures travaillées chez les individus à faible et moyen revenu. Bien que très semblable, laPrime au travail introduit des améliorations notamment au niveau de l'administrationet de la simplicité d'application, ce qui ne peut être que bénéfique. Cependant, le mon-tant du crédit est moins élevé dans certaines situations. Les travaux cherchant à estimerl'impact de programmes semblables à la Prime au travail ont été réalisés dans le butde connaître les effets qu'un tel programme peut avoir sur les individus. On constate, àla lumière de ces résultats, qu'un programme de prime à l'emploi est une bonne façond'affecter positivement la participation au marché du travail. Par contre, il véhicule desincitatifs encourageant les individus déjà actifs à réduire leurs heures de travail. Em-piriquement, le premier effet semble dominer le second de sorte que globalement, cesprogrammes ont eu des impacts positifs sur l'offre de travail des individus. Bien que lathéorie économique nous aide à comprendre les différentes incitations induites par uneprime au travail, un modèle structurel est nécessaire pour pouvoir les quantifier. Onsuppose ainsi dans notre approche que l'individu choisit ses heures de travail de façon àmaximiser une fonction d'utilité sujet à sa contrainte budgétaire. Celle-ci est supposéediscrète afin d'éviter les problèmes reliés à l'optimisation sous contrainte budgétaire nonconvexe comme c'est le cas au Québec et elle prend une forme quadratique. Après avoirconfronté notre modèle à la théorie économique et noté que nos résultats sont conformesà cette dernière, nous avons utilisé notre modèle pour simuler l'impact du remplacementdu programme APPORT par la Prime au travail pour les femmes seules avec et sansenfant. En posant l'hypothèse que la moitié de l'échantillon respectant les conditionsd'admissibilité du programme APPORT y participe, nous obtenons que la réforme aug-mente la participation au marché du travail de 0,6 unités de pourcentage. Par contre, ceprogramme n'échappe pas aux effets désincitifs sur l'offre de travail des gens travaillant

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un nombre d'heures positif. En effet, 0,8% de l'échantillon travaillant initialement àtemps plein préfèrent maintenant le travail à temps- partiel. Cette réduction des heuresde travail n'est pas surprenante puisque la majorité de notre échantillon se retrouve dansla phase de sortie de la Prime ou dépassant le seuil de sortie de cette dernière. Pour cesdeux phases, la théorie économique prédit une diminution de l'offre de travail lorsquele loisir est un bien normal. Bien que ces effets ne soient pas d'une grande magnitude,il est important de noter qu'ils agrègent les réactions des femmes seules et des femmesmonoparentales. Or, tel que discuté auparavant, les études empiriques obtiennent quela réaction des femmes seules à un incitatif tel que la prime est faible. Si tel est le cas,cela suggère donc que l'effet simulé de la Prime au travail pourrait être plus importantsi nous portions davantage notre attention sur les femmes monoparentales. À cet égard,nous avons présenté l'impact simulé de la réforme séparément pour les femmes seuleset les femmes monoparentales. Cet exercice s'est révélé très informateur car l'impact àla participation se chiffre à 1,9 unités de pourcentage pour ce dernier groupe ce qui esttrois fois plus élevé que celui enregistré auprès de l'ensemble de notre échantillon.

L'objectif d'encourager les gens à quitter l'aide sociale pour entrer sur le marché dutravail est donc respecté. La réforme a néanmoins un effet désincitatif sur l'offre detravail des individus déjà actifs et vient donc à l'encontre du second objectif visé par legouvernement du Québec ce qui est conforme à la littérature empirique (Blundell et al,2000b; Brewer et ai, 2005).

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Bibliographie

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Annexe A

Élasticités

Cette annexe décrit les différentes élasticités et écarts-types présentés dans ce travail.Une méthodologie particulière a été adoptée pour obtenir nos élasticités salaire et re-venu. Issue d'un souci d'effectuer un déplacement de notre contrainte budgétaire defaçon neutre du système de taxation et transferts, cette méthodologie a nécessité lacréation d'un cadre de référence où les heures de travail espérées suite à une modifica-tion d'une variable (salaire net et revenu virtuel) sont comparées avec celles obtenuesdans le cadre de ce dernier.

Les étapes ci-dessous nous éclairent quant à cette méthodologie et l'obtention desdifférentes élasticités présentées aux tableaux 6.3 et 6.4.

- Etape 1

Calculer le revenu disponible (y) pour chaque individu pour les états H = {0, 20,40}.Ceci est effectué à l'aide du programme informatique fourni par Fournier (2005).

- Étape 2

Augmenter le revenu de travail de 1000$ pour chaque individu au choix observé.

- Étape 3

Calculer le taux marginal implicite de taxation pour chaque individu. Dénoté t', il estdonné par

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- Etape 4

Calculer le revenu virtuel pour chaque individu au choix observé. Dénoté yv, il est donnépar

yv = y - w(l - t')h (A.2)

où w et h représentent respectivement le salaire horaire et les heures de travail. Notonsque w(\ — t') correspond au salaire net.

- Étape 5

L'étape 5 consiste à simuler les heures espérées pour notre cadre de référence. Pourchaque choix d'heure de travail, nous calculons le revenu disponible pour chaque indi-vidu selon la formule suivante :

y = yv + w(l - t')h (A.3)

À l'aide des caractéristiques des individus, du revenu disponible et des paramètresestimés, nous sommes en mesure de calculer les probabilités associées à chaque étatH — {0,20,40} et ainsi les heures espérées pour chaque individu E(h)

E{h) = Pr{H = 0) * 0 + Pr(H = 20) * 20 + Pr(H = 40) * 40 (A.4)

Une fois ces étapes réalisées, les élasticités salaire et revenu s'obtiennent facilement. Eneffet, il s'agit de refaire l'étape 5 avec une variation du salaire net (revenu virtuel) etde comparer les heures espérées avec celles obtenues dans le cadre de référence pourobtenir Pélasticité-salaire (élasticité-revenu). Cette méthodologie n'a pas été appliquéelors de la variation de l'aide sociale. Cet exercice nécessitait uniquement de faire varierle niveau de prestations d'aide sociale et de comparer les heures espérées après et avantcette variation.

En ce qui a trait à l'élasticité-revenu total, celle-ci est dérivée de l'équation de Slutskyqui est :

(A.5)dh_ dh_dw dw

En ajoutant j à chaque terme et a au dernier terme de l'équation A.5, nous obtenons

w dh w dhhdw hdw y oy h (A.6)

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\2

Le dernier terme de l'équation A.7 représente l'élasticité-revenu total qui, après simpli-fication, est

wh dh y dh ,, _,y dyh dy

Cette dernière équation a été utilisée pour présenter l'élasticité-revenu total sous deuxformes. D'une part, nous avons fait varier le revenu virtuel de 1000$ et nous avonsanalysé l'impact sur le changement dans les heures espérées que nous avons multipliépar le salaire net w(l — t'). D'autre part, nous avons étudié la variation des heures suiteà une augmentation du revenu hors travail de 1000$ multipliée par le salaire brut w.

Pour ce qui est de la précision de nos estimés, nous avons présenté les écarts-typesassociés à chacun obtenus de deux manières que voici.

Écarts-types : Méthode delta

Nous savons que nos paramètres 9 ~ N(9,Yt) où 9 =- {/?, î>}. L'élasticité (77) est unefonction de nos paramètres. Plus spécifiquement, r\ = f(9). La méthode delta permetd'obtenir l'écart-type de r\ par la formule suivante :

VarM = d-Mvar0fjg (A.8)

- Ecarts-types : Méthode bootstrap

Cette autre méthode est très simple d'application mais nécessite plusieurs heures d'es-timation. En premier lieu, elle exige de tirer 1000 échantillons avec remplacement àpartir de la base de données initiale et d'estimer, pour chacun de ces échantillons, lesparamètres de la fonction d'utilité. Ensuite, nous devons calculer les élasticités pour ces1000 échantillons avec les estimés des paramètres correspondants. La variabilité ainsiobtenue correspond à la variance de rj.

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concluons que l'individu choisi de travailler //,, ce qui correspond au choix observé pourcet individu. Le vecteur e est donc stocké pour une étape ultérieure, soit la simulation,et est nommé un tirage. Si tel n'est pas le cas, le vecteur e est rejeté et un autre vecteurd'essai est tiré de la loi Gumbel.

- Etape 4

Les étapes 1, 2 et 3 sont effectuées jusqu'à ce que nous avons stocké 1000 tirages e. Pouratteindre cet objectif, un nombre maximal d'essai de 10 000 a été fixé. Pour certainsindividus, il est impossible d'atteindre ce nombre de tirages en 10 000 essais1. Dans cecas, nous considérons les heures de travail fixes au niveau observé pour le nombre detirages manquant.

- Étape 5

L'étape 5 consiste à simuler l'effet de la réforme sur l'offre de travail de l'individu. Ils'agit de refaire l'étape 2, c'est-à-dire de calculer l'utilité de l'individu pour les troisétats H --- {0,20,40} et ce pour chaque tirage j -• l,...,1000. Le revenu disponibleentrant dans le calcul de l'utilité est maintenant celui auquel l'individu fait face sous laPrime au travail

- Étape 6

Vérifier le choix en matière d'offre de travail qui résulte en l'utilité maximale pourl'individu pour chaque tirage j - 1,..., 1000. Ceci détermine le niveau d'heures detravail sous la Prime pour chaque tirage considérant que cet individu travaillait unnombre d'heures Ht sous le programme APPORT. Les 1000 tirages génèrent ainsi lesprobabilités de choisir chaque état parmi H = {0, 20, 40}. De fait, celles-ci s'obtiennenten sommant le nombre de fois qu'un tirage conduit à un choix particulier tout en divisantpar le nombre de tirages total. Cependant, nous considérons que les individus pour quiil a été impossible de trouver 1000 tirages en 10 000 essais ne modifient pas leur offrede travail suite à la réfome pour les tirages manquant.

Les écarts-types pour chaque élément de la matrice de transition sont obtenus en ti-rant à 100 reprises dans la distribution asymptotique des estimés des paramètres et,pour chaque tirage, en construisant la matrice de transition qui y est associée avec laméthodologie ci-haut décrite.

'Pour notre échantillon, 22 personnes sur un total de 1193 se sont retrouvées dans cette situation.