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Edité par le CHUV www.invivomagazine.com IN EXTENSO LA NAISSANCE D’UN HUMAIN Penser la santé N° 3 – JUILLET 2014 PAULA JOHNSON Hommes et femmes inégaux face aux médicaments FAT TAX Un impôt contre l’obésité TABOU Le sexe en hôpital psychiatrique CINQ SENS / ILLUSIONS / CERVEAU MÉFIEZ-VOUS DE VOS PERCEPTIONS

IN VIVO #3 FRA

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Méfiez-vous de vos perceptions

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Page 1: IN VIVO #3 FRA

Edité par le CHUVwww.invivomagazine.com

IN EXTENSO La NaISSaNcE d’uN humaIN

Penser la santéN° 3 – JUILLET 2014

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IN EXTENSO La naissance

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PauLa JOhNSON hommes et femmes inégaux face aux médicaments

FaT TaX un impôt contre l’obésité

TaBOu Le sexe en hôpital psychiatrique

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méfIEz-VoUs dE Vos PErCEPTIoNs

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Page 3: IN VIVO #3 FRA

FOCUS

19 / CerveaU

Méfiez-vous de vos perceptionsTour d’horizon de la recherche sur nos sensPar serge maillard, melinda marchese eT benjamin keller

MeNS SaNa

30 / INtervIew

Paula Johnson préconise une médecine plus personnaliséePar julie zaugg

34 / tabOU

La mort, une réflexion à vivrePar béaTrice schaad

36 / teNdaNCe

Haut potentiel? Les parents veulent savoirPar marie-adèle coPin

39 / prOSpeCtION

Tests de médicaments: «la loi n’est pas en faveur des patients»Par benjamin keller

42 / déCryptage

L’impôt sur les caloriesPar julie zaugg

Nirw

aN M

alla

IN VIVO / N° 3 / juIllet 2014

SOMMaIre

Page 4: IN VIVO #3 FRA

CONTENTS

36

COrpOre SaNO

47 / INNOvatION

Les promesses de l’électricitéPar jean-chrisToPhe PioT

50 / tabOU

Sexe et psychiatrie, un mélange explosif?Par julie zaugg

54 / prOSpeCtION

La quête de l’immortalitéPar clémenT bürge

58 / teNdaNCe

Tout ce que vos larmes peuvent dire sur vousPar jean-chrisToPhe PioT

61 / eN IMageS

La sangsue, une petite bête qui vous veut du bienPar melinda marchese eT erik freudenreich

IN SItU

09 / health valley

ObeSense, le t-shirt «intelligent»

14 / aUtOUr dU glObe

Des vaisseaux sanguins imprimés en 3D

CUrSUS

70 / ChrONIqUe

«L’innovation, notre plus grande valeur»

72 / pOrtraIt

Daniela Dunker Scheuner enseigne la méditation contre la dépendance

74 / taNdeM

L’ornithologue Alexandre Roulin et le biochimiste Stefan Kunz

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Suivez-NouS Sur twitter: iNvivo_chuv

Page 5: IN VIVO #3 FRA

3

«ceci n’est pas une pipe.» en l’écrivant, Magritte s’est amusé d’un doute universellement partageable: voit-on bien la réalité? ou celle-ci est-elle le fruit d’une construction mentale que chacun perçoit à sa façon? autre-ment dit, le monde n’est pas le monde, mais le regard que l’on porte sur lui et qui le transforme. la perception, fabuleuse de complexité comme en attestent les travaux qui ont conduit des aveugles à littéralement voir avec les oreilles (voir p. 19), est tout à la fois le fruit de sa propre sensibi-lité, de son histoire de vie, de sa culture, de ses sens et de l’instant. une expérience infiniment personnelle mais aussi – et c’est sans doute le plus miraculeux – étonnamment partageable. aristote l’avait bien compris, lui qui avait ajouté un sixième sens aux cinq premiers, très différent de l’ouïe, de l’odorat ou du goût et capable de les fédérer: un sens commun. une sorte de garantie de tomber d’accord avec son voisin sur ce qui est beau ou ce qui fait mal, un consensus, un rempart contre la solitude.

reste à savoir si ce consensus est amené à perdurer. car au cours de la dernière décennie, l’essor fabuleux des neurosciences n’en finit plus de chahuter l’idée même de ce sens commun. en étudiant de façon toujours plus fine les mécanismes de la perception, l’imagerie médicale amène à établir à quel point ils sont personnels et extrême-ment variables d’un individu à l’autre.

il est frappant de constater que faisant écho à une société qui ac-corde toujours plus de place à l’individualité, qui encourage chacun à se singulariser, à se mettre en scène, une société d’un moi avide, la tech-nologie médicale conduit elle aussi à se concentrer toujours davantage sur l’individu. ainsi les premières découvertes de crick et watson sur la structure de l’adN voilà 60 ans ont conduit à l’essor de la médecine personnalisée. et aux questions éthiques qu’elle soulève: la médecine génomique et les potentialités de développer telle ou telle pathologie modifient l’approche du traitement. confrontés au risque, le patient comme le médecin pourraient être toujours plus souvent tentés de pré-venir que de guérir. cette médecine qui promet des soins taillés à la mesure de ses gènes est-elle abordable financièrement? et peut-on la refuser à des patients qui paient des primes toujours plus onéreuses?

cette tension entre l’intérêt porté à la spécificité de l’individu et la nécessité de pouvoir généraliser les découvertes au plus grand nombre est propre à l’histoire des sciences. a la différence près qu’aujourd’hui la pression est sans doute plus forte. tout l’art pour la recherche va donc consister à maintenir simultanément ses efforts sur l’étude de l’individu mais aussi sur celle du groupe et sur le développement de réponses thérapeutiques applicables également au plus grand nombre. ⁄

editorial

Voir aVec les oreilles

Patr

ick

du

toit

béatrICe SChaadresponsable éditoriale

Page 6: IN VIVO #3 FRA

4

e-cigarette

aussi nocive que le tabacune étude américaine vient de démontrer que les cigarettes

électroniques pourraient être tout aussi cancérigènes que le tabac. afin d’analyser la toxicité de la nicotine liquide, des chercheurs

des universités de boston, de dallas et de los angeles ont exposé des cellules de poumon saines à de la vapeur de nicotine durant

quatre heures. en comparant les effets de cette vapeur à ceux de la fumée de tabac classique, ils ont constaté que, dans les

deux cas, les cellules présentaient des mutations associées avec le développement d’un cancer. /

PoSt-ScriPtuM

il eSt PoSSible de S’aboNNerou d’acquérir leS aNcieNS

NuMéroS Sur le Site www.iNvivoMagaziNe.coM

la Suite deS articleS de «iN vivo»

alzheimer

Succès sur un poissonune nouvelle avancée dans la recherche sur la maladie

d’alzheimer a été effectuée par une équipe de biologistes de l’inserm. l’équipe française a réussi à rectifier une anomalie

comportementale chez un poisson atteint d’alzheimer en lui injectant une protéine naturelle-

ment présente chez l’homme sain. il s’agit de la protéine

fkb52, dont la recherche avait déjà démontré les vertus

protectrices pour l’homme en 2010. ce succès est le premier

pas vers un traitement applicable à l’espèce humaine. /

imPressioN 3D

tumeurs cancéreuses en 3dl’impression 3d vient en

aide à la recherche contre le cancer. deux équipes chinoise et américaine sont parvenues à créer des représentations de tumeurs cancéreuses grâce à l’impression 3d. jusqu’alors

limitée à la culture de cellules en 2d, ces tumeurs conçues

in vitro sont destinées à l’étude de la croissance et de la propa-

gation du cancer, ainsi qu’au développement de nouveaux

traitements. /

Iv n° 1 p. 9

Iv n° 1 p. 62

Iv n° 1 p. 14

Mar

io a

Nzu

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eute

rS

Page 7: IN VIVO #3 FRA

5

pOst-scrIptum

saNg artificiel

bientôt dans nos veines?la culture de cellules du sang à

partir de cellules souches progresse. le professeur marc

Turner de l’université de edinburgh a utilisé ce procédé

afin de fabriquer du sang artificiel de groupe o qu’il est

possible de transfuser vers différents patients. un essai

clinique est prévu pour 2016. en 2011, le professeur luc douay

avait mené un essai clinique du même type à l’université Pierre et marie curie à Paris, mais qui se limitait à l’autotransfusion. /

NeuroProthèses

Un implant cérébral pour booster la mémoire

les implants cérébraux, permettant aux patients

paralysés ou amputés d’actionner des neuroprothèses par la pensée, pourraient un jour

stimuler notre mémoire. une expérience menée pour le

compte du Pentagone par le neurologue de l’université de

Wake forest robert hampson a ainsi permis d’implémenter

une image dans le cerveau d’un singe, que l’animal n’avait

jamais vue auparavant. /

cœur artificiel

Carmat veut poursuivre ses essais

la société française carmat, qui a mis au point le premier cœur artificiel, a affirmé en

avril dernier vouloir continuer ses essais d’implantation.

le 2 mars, claude dany, pre-mier patient des essais cliniques,

était décédé 75 jours après l’implantation de l’organe artificiel à l’âge de 76 ans.

Pour l’entreprise, cette première tentative s’est

malgré tout avérée probante puisque l’objectif était

d’atteindre 30 jours de survie avec des patients dont le pronostic vital est engagé

à brève échéance. /

traNsPareNce

essais cliniques disséquésune étude réalisée par l’orga-

nisme à but non lucratif cochrane collaboration vient

de mettre en évidence l’ineffica-cité du médicament Tamiflu pour lutter contre certaines

complications liées à la grippe. un constat basé sur l’analyse

de données fournies par le fabricant roche, obtenues

de haute lutte. cette timide avancée illustre à merveille le besoin accru de transparence

autour des essais cliniques, pour les chercheurs et médecins, comme pour les patients. /

téléméDeciNe

répondre à un avC à distancedans la région nord-Pas-de-calais, des hôpitaux viennent

de mettre en place une solution basée sur la télémédecine pour intervenir au plus vite en cas

d’accident vasculaire cérébral. le patient victime d’un aVc

pourra désormais être examiné à distance par un neurologue si

l’hôpital où il se trouve n’en a pas. une mesure qui devrait permettre

de sauver des vies, car en cas d’aVc, chaque minute compte pour diminuer les risques de

décès ou de séquelles. /

Iv n° 2 p. 39 Iv n° 2 p. 14

Iv n° 2 p. 50

Iv n° 2 p. 26

Iv n° 2 p. 34

car

Mat

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Tour d’horizon de l’innovation médicale en Suisse romande.

in situ

HealtH Valley

6

Grâce à ses hôpitaux universitaires, ses centres de recherche et ses nombreuses start-up qui se spécialisent dans le domaine de la santé, la suisse romande excelle en matière d’innovation médicale. Ce savoir-faire unique lui vaut aujourd’hui le surnom de «Health Valley».

Dans chaque numéro de «in Vivo», cette rubrique s’ouvre par une représentation de la région. Cette carte a été créée par João lauro Fonte, illustrateur et graphiste brésilien travaillant à londres.

GenèVe p. 11

la Cité de Calvin accueil-lera au mois de novembre un congrès consacré aux essais cliniques.

lausanne p. 12

le Centre de recherche nestlé étudie les liens entre santé et alimentation.

neuCHâtel p. 09

le Centre suisse d’élec-tronique et de micro-technique développe un t-shirt équipé de capteurs physiologiques.

Renens p. 11

Dédié à la biologie et au design, univerCité est le plus grand laboratoire communautaire d’europe.

João

lau

Ro F

ont

e

MontHey p. 08

le test mis au point par la pMe augurix permet de détecter une intolérance au gluten en dix minutes.

Page 9: IN VIVO #3 FRA

in situ HEALtH VALLEY

7

Page 10: IN VIVO #3 FRA

8

in SiTU HEALTH VALLEY

Start-up

DéTECTIONla start-up lausannoise Lunaphore propose une nouvelle technologie

pour la détection de biomar-queurs de cancer: des puces microfluides permettant une

analyse d’une tumeur en moins de cinq minutes. lancée par des chercheurs de l’epFl, la nouvelle entreprise a gagné le prix peRl (prix entreprendre lausanne)

en mai 2014.

AUTO-IMMUNESla start-up de l’epFl anokion

a développé une méthode permettant de rééduquer les

globules blancs, qui serait prometteuse contre les maladies auto-immunes comme la sclérose

en plaques. Des investisseurs privés ont injecté plus de

33 millions de francs suisses dans la jeune entreprise.

GLUTENSimtomax, le test d’intolérance au gluten développé par la pMe montheysanne augurix, pourra être commercialisé en australie.

le produit d’augurix vient en effet d’obtenir l’aval de l’australian

therapeutics Goods administra-tion (tGa). simtomax permet de

détecter en dix minutes la maladie de Celiac (intolérance au gluten).

environ 250’000 personnes en souffrent en australie.

PLANTES ALPINESpharmalp vient de signer un partenariat avec planetsolar:

les produits à base de plantes alpines créés par la start-up de

Conthey revitaliseront l’équipage du bateau solaire lors de ses

prochains voyages. il s’agit d’un gel apaisant pour les brûlures et irritations de la peau et un probiotique pour la réduction

des problèmes digestifs.

en kilos, le poids d’une tumeur maligne du foie extraite d’une femme de 30 ans aux Hôpitaux universitaires de Genève au mois d’avril. la patiente se porte bien depuis l’intervention.

en heures, le temps qu’il a fallu à une équipe de l’université de lausanne en collaboration avec des chercheurs australiens pour calculer la date d’apparition du chromosome y, soit il y a 180 millions d’années.

30’000

«Nous voulons que le secteur

privé investisse dans la Health

Valley.»patRiCk aebisCHeR

Dans une inteRView publiée en Mai 2014 Dans la «neue ZüRCHeR ZeitunG», patRiCk

aebisCHeR, pRésiDent De l’epFl, enCouRaGe les CollaboRations entRe les entRepRises

et les uniVeRsités.

L’objet

L’endoscope du futursaman tree technologies développe un microscope

numérique pour la détection et la mesure de tissus cancéreux en chirurgie endoscopique. la start-up lausannoise vient de

remporter le deuxième prix du concours «Venture» 2014 (organisé Mckinsey & Company, l’epF de Zurich et de

l’agence pour la promotion de l’innovation Cti) pour sa technologie extrêmement prometteuse.

Page 11: IN VIVO #3 FRA

9

in situ HEALtH VALLEY

ObeSense: un t-shirt «intelligent» pour combattre l’obésité Des ingénieurs suisses élaborent un vêtement permettant de contrôler les conséquences du surpoids. Le t-shirt est muni de plusieurs capteurs, dont un électrocardiogramme.

texteJaDe albasini

textiLeS inteLLigentS Le «syndrome métabolique», terme médical désignant les effets néfastes du surpoids, est un mal qui touche près de 40% des Suisses. Les per-sonnes concernées font face à des risques accrus d’accidents cardiovasculaires ou d’ap-née du sommeil. Une situation qui inquiète de plus en plus le corps médical. Parmi les pistes imaginées pour y remédier, l’une des plus originales est sans conteste le projet ObeSense, mené sous l’impulsion du Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM) de Neuchâtel. Il vise à créer un vêtement «intelligent» qui anticiperait ce type de complications.

«Nous avons déjà développé des sys-tèmes basés sur des t-shirts à capteurs, pour évaluer par exemple les performances de sportifs ou l’état de santé de patients. Mais pour cette nouvelle application médi-cale, nous devons intégrer davantage de données afin d’établir un diagnostic», ex-plique Mattia Bertschi, directeur de section au CSEM.

Pour y parvenir, le centre de recherche collabore avec d’autres laboratoires à travers le pays, dont le CHUV et l’EPFL, mais aussi l’Hôpital universitaire de Zurich (UZH) ou le Centre romand de rééducation (CRR). Chaque pôle se spécialise dans le dévelop-pement d’une application spécifique sur ce vêtement high-tech. Par exemple, le CSEM s’occupe de l’indice de l’activité physique, évalué au moyen d’un accéléromètre, ainsi que de la santé du cœur, via un électrocar-diogramme intégré au t-shirt. L’UZH cal-cule, quant à elle, le débit cardiaque grâce au niveau de saturation en oxygène des ca-pillaires de la peau, tandis que le CRR me-sure la consommation énergétique via la ventilation pulmonaire. «En rassemblant tous ces paramètres, nous pourrons affiner nos observations et prescrire plus efficace-ment un traitement adéquat aux personnes obèses», précise Etienne Pruvot, médecin au Service de cardiologie du CHUV.

Premier testCe «smart textile» permettrait non seu-

lement de prévenir les risques liés à l’obésité, mais constituerait également un dispositif peu encombrant pour le suivi des patients. «Les méthodes classiques de mesure calo-rique sont généralement réalisées au moyen d’un masque ou dans des chambres spéciales. Le t-shirt rendrait obsolètes certaines ana-lyses coûteuses en laboratoire», indique Olivier Dériaz, médecin et directeur de re-cherche au CRR. Cet outil novateur enregis-trerait également une batterie de signaux en même temps – un gain de temps considérable pour le corps médical.

Un prototype simplifié a déjà été testé sur 15 volontaires en Valais. «Nous l’avons expéri-menté d’abord sur des personnes en bonne santé, de différents gabarits, dont certaines en léger surpoids», souligne le responsable. Les résultats sont en cours d’analyse à l’EPFL. Ils seront connus d’ici à quelques mois.

Aussi pour les seniors Si le t-shirt fait ses preuves et se popula-

rise, il pourrait bien révolutionner le quoti-dien des médecins généralistes. «Notre mission est de transférer nos innovations à l’industrie suisse, explique Mattia Bertschi. Mais avant qu’un produit soit commercialisé, il faut encore valider les premières conclu-sions et passer par des tests cliniques après avoir reçu l’aval des organes compétents.»

Si ces étapes sont franchies, le vêtement intelligent pourrait aussi être utilisé dans d’autres contextes. «Il constituerait un par-fait outil de suivi des personnes âgées. Connecté à un smartphone, il pourrait par exemple envoyer un signal d’alerte en cas d’inactivité», précise Etienne Pruvot. Le cardiologue imagine déjà un centre de com-pétences chargé de traiter les données «alar-mantes», capable de déterminer s’il faut alors intervenir en urgence ou simplement transmettre les informations au médecin traitant. ⁄

Ci-Dessus: le t-sHiRt intelliGent

DéVeloppé paR le CseM De neuCHâtel intèGRe

un aCCéléRoMètRe et un éleCtRo-

CaRDioGRaMMe. il MesuRe notaMMent

le Débit CaRDiaque et la ConsoMMation

éneRGétique.

A.

C.

B.

Page 12: IN VIVO #3 FRA

10

QueLS Sont LeS enjeux de voS rechercheS?

Nos études portent sur des produits utilisés sur les lieux de travail et qui pourraient être dangereux pour la santé des employés. Elles permettent d’orienter la prévention et de faciliter la mise en place de régle-mentations. Les connaissances sur le passage des substances chimiques à travers la peau sont encore très lacunaires, notamment du fait de leur grande diversité.

pourQuoi eSt-iL eSSentieL de faire deS teStS Sur de La peau humaine viabLe?

La peau du porc présente des similitudes avec celle de l’homme, mais sa surface et sa pilosité sont dif-férentes. Les résultats sont moins représentatifs. De même, avec de la peau humaine congelée, nous rate-rions certains effets. La collaboration d’un service de chirurgie plastique et reconstructive et d’un service de dermatologie, qui nous fournissent les échantil-lons, nous permet de réaliser des essais avec de la peau viable. Ainsi, les résultats de notre étude sur les phtalates, des plastifiants qui se trouvent notam-ment dans les gants en vinyle, montrent que le pas-sage de la barrière cutanée existe, contrairement à ce qu’avancent les modèles théoriques.

QueLS Sont LeS métierS LeS pLuS concernéS?

Le risque d’absorption à travers la peau concerne les mé-tiers dans lesquels les substances chimiques sont utilisées en grandes quantités: industrie chimique, construction ou agriculture. S’agissant des effets locaux, par exemple, les irritations concernent les nettoyeurs professionnels ou les coiffeurs en contact avec divers produits. /

1

2

3

david vernezson laboRatoiRe est le seul en suisse à testeR Des pRoDuits DanGeReux suR Des éCHantillons

De peau HuMaine Viable.

3 questions à

David Vernez est directeur ad interim de l’Institut universitaire romand de santé au travail

en millions, la somme décrochée par l’entreprise advanced accelerator applications (aaa), spin-off du CeRn, pour son développement aux etats-unis. la société est spécialisée dans l’imagerie moléculaire.

in situ HEALtH VALLEY

Donner une visibilité mondiale aux différents centres et sites de recherche scientifiques en suisse. tel est l’objectif du projet de parc national d’innovation (pni) commandité par la Confédération. Microcity à neuchâtel, energypolis à sion, le bluefactory à Fribourg et le campus biotech à Genève ainsi que l’epFl et l’epFZ ont déposé un projet commun en mars dernier. le réseau de collaboration sera ratifié par le parlement en 2015.

innovation

un parc suisse

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Page 13: IN VIVO #3 FRA

nano ingénierie Du 22 au 26 septembre 2014, LausanneLa 40e conférence internationale de micro et nano ingénierie se tiendra cette année dans le nouveau centre de congrès de l’EPFL (SwissTech Convention Center). Les ingénieurs et experts présents dessineront les nouvelles tendances dans le domaine devant un parterre de 500 à 800 participants attendus.www.Mne2014.oRG

Soigner LeS maLadieS orpheLineS 7 octobre 2014, Yverdon

L’association Swiss Biotech réunit les directeurs des industries suisses actives dans la biotechnologie à l’Y-Parc d’Yverdon pour la deuxième édition du «Swiss Biotech Fall Day». Les conférences de cette journée se concentreront sur le développement de médicaments pour les maladies orphelines.www.swissbioteCH.oRG

autour deS eSSaiS cLiniQueS Les 11 et 12 novembre 2014, GenèveEntrepreneurs de petites et moyennes entreprises, directeurs, investisseurs et producteurs de l’indus-trie pharmaceutique se rencontreront au Starling Hotel et Convention Center de Genève pour deux jours de réseautage et de discussion sur les derniers essais cliniques et les futurs développements dans la branche.www.teRRapinn.CoM www.swissbioteCH.oRG

un SaLon conSacré à La Santé Du 13 au 16 novembre 2014, Lausanne

Le SwissTech Conven-tion Center accueillera en novembre le Salon Planète Santé. Petits et grands pourront se plonger dans des jeux et des tests sur la santé, ainsi qu’assister à de nombreuses conférences et débats lors de cette manifestation réunissant les leaders de la médecine suisse. www.planetesante.CH

agenda

univercité  renenS le plus grand laboratoire communautaire d’europe vient d’ouvrir à Renens. baptisé univerCité, cet espace de 1’000 m2 dédié à la biologie et au design accueille gratuitement toute personne qui souhaite faire de la recherche dans ces domaines. le but: faire émerger des innovations hors du cadre académique et entrepreneurial.

SwiSStech conference center  écubLenS  après le Rolex learning Center, le Campus de l’epFl abrite depuis avril dernier un nouveau bâtiment à l’architecture futuriste: le swisstech Conference Center. situé dans le quartier nord de l’epFl, le centre de congrès est totalement modulable: la salle de conférence se transforme en salle d’exposition ou de banquet en quelques minutes. plus de 500 logements ont été créés à proximité, ainsi que des magasins et un parking souterrain.

11

in situ HEALtH VALLEY

microcity  neuchâteL inauguré début mai, le nouveau bâtiment Microcity – pôle d’innovation a été érigé à neuchâtel, proche des institutions académiques. Dix chaires de l’epFl, soit plus de 180 collaborateurs, s’y sont déjà installées avec neode, le parc scientifique et technologique neuchâtelois. a terme, le nouveau bâtiment pourrait accueillir 12 chaires de l’ecole polytechnique fédérale. propriété de l’etat de neuchâtel, le campus microtechnique de sept étages a été budgété à 71,4 millions de francs.

hackuarium  LauSanne post-doc en biochimie à l’epFl, luc Henry vient d’inaugurer le premier centre de biohacking de suisse. inspirée par la culture du logiciel libre, cette mouvance se veut une troisième voie entre la recherche universitaire et le monde de l’entreprise. les biohackeurs souhaitent mettre les avancées des biotechs à la portée de tous.

foyerSd’innovation

Page 14: IN VIVO #3 FRA

in situ HEALtH VALLEY

Vers-chez-les-Blanc, dans les hauts de Lausanne. C’est dans cette petite commune de quelque 1’100 habitants que se trouve depuis 1987 le siège du Centre de recherche Nestlé (CRN). Trois antennes de cet institut qui mène des recherches sur notre alimenta-tion ont depuis ouvert à Shanghai (Chine), Saint Louis (USA) et Tokyo (Japon). Sa direction tient à ce que la maison mère reste dans la Health Valley. «La densité d’ingé-nieurs qualifiés et de scientifiques accomplis est unique dans la région lémanique, note Thomas Beck, directeur du CRN depuis 2012. Notre position géographique nous permet de collaborer étroitement avec de nombreux établissements à la pointe des dernières technologies, comme l’ETH Zurich ou l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). La proximité avec les secteurs pharmaceutiques est également une plus-value pour nous.»

La mission des 600 collaborateurs du CRN, répartis sur les quatre sites à travers le monde, consiste à améliorer la qualité des produits en réduisant le taux de sucre ou de

sel qu’ils contiennent, sans en altérer les saveurs. Ils tentent aussi de saisir les relations complexes qui associent le bien-être et l’alimentation. «Notre santé est directement liée aux ingrédients que nous ingérons, explique Thomas Beck. C’est pourquoi nous menons plusieurs études pour mieux comprendre l’impact des denrées sur l’organisme.» Par année, plus de 200 travaux scientifiques du CRN sont publiés dans des revues médicales.

A titre d’exemple, en 2014, les chercheurs de Nestlé ont découvert que le café réduit considérablement la résistance à l’insuline chez les hommes sains. Ils ont également mis en lumière le fait que les enfants qui cuisinent, développent des meilleurs reflexes alimen-taires. 76% d’entre eux mangent davantage de légumes verts. Et que la bactérie probiotique Lactobacillus rhamnosus favoriserait la perte de poids chez des sujets féminins.

Autre mission du CRN: anticiper les besoins futurs de l’être humain en matière d’alimentation dans le but de prolonger son espérance de vie. /

Pour une

alimentation saine Le Centre de recherche Nestlé

mène des études pour améliorer la qualité des produits que nous ingérons.

étape n° 3Lausanne

nestlé

sur La routeDans chaque

numéro, «in Vivo» part à la rencontre

des acteurs de la Health Valley.

Rendez-vous dans les hauts de lausanne.

texte: JaDe albasini

12

Page 15: IN VIVO #3 FRA

Intégration et diffusion de savoir Au XVIe siècle, de grands chercheurs

en médecine, tels que Paracelse, ou Erasme de Rotterdam, viennent à Bâle

et y font imprimer leurs thèses ou traités. La ville participe ainsi au

courant humaniste de la Renaissance et à ses progrès scientifiques. Plus près de nous, une clé du succès de la Suisse est

sa capacité à innover. Pour cela, nos hautes écoles attirent les meilleurs

talents, suisses et étrangers dans un environnement globalisé. Cette ouverture est un atout précieux qu’on peut mesurer,

entre autres, par son degré de compétitivité internationale dans le domaine du savoir.

Intégration et valorisation de savoir-faireNotre essor industriel s’est construit autour

de générations d’entrepreneurs qui ont franchi nos frontières. Parmi les contributions les plus déterminantes, citons les huguenots qui nous ont apporté la chimie et l’horlogerie. Fuyant leur pays après la révocation de l’Edit

de Nantes, des négociants en soie firent de Bâle la capitale du ruban. Le besoin de

teintures favorisa l’implantation de l’industrie chimique, qui se diversifia dans la chimie fine

puis le domaine pharmaceutique. L’histoire de l’horlogerie suivit un destin parallèle s’appuyant sur d’habiles artisans qui importèrent en Suisse

le savoir-faire horloger ainsi que des capitaux nécessaires à son essor.

Intégration d’entrepreneurs et de valeursDerrière toute grande innovation, il y a des Hommes. Ici également,

les exemples d’intégration sont légion.

Nestlé a été fondée par le pharmacien d’origine allemande Henri Nestlé; Xavier Givaudan est Français; c’est un binational anglais, Charles E.L. Brown, qui fonda aux côtés de Walter Boveri, natif de Bamberg en Allemagne, la société Brown, Boveri & Cie; et plus récemment, de nombreux industriels à l’image des familles Bertarelli et Mauvernay ont rejoint notre pays pour y créer et développer leurs sociétés.

Intégration de connaissances Diderot, dans sa célèbre encyclopédie, disait: «Il y a deux moyens de cultiver les Sciences: l’un d’augmenter la masse des connaissances par des découvertes…; l’autre de rapprocher les découvertes…» Vérité au XVIIIe siècle, nécessité au XXIe. Peu visible pour le grand public et pourtant véritable moteur du changement, l’approche interdisciplinaire constitue notre meilleur atout.

Intégration des nouvelles trajectoires de l’innovation Les processus d’innovation ne sauraient survivre en s’appuyant uniquement sur des ressources internes. Ils doivent répondre au fait que les frontières entre une organisation et son écosystème tendent à se dématérialiser. La tendance est à l’ouverture, une démarche qui consiste à aller chercher en dehors de l’organisation des connaissances et ressources.

En résumé, nous ne saurions survivre sans notre écosystème. Les collaborations, les échanges l’enrichissent à chaque instant. La Suisse l’a compris avant tous en prônant intégration et ouverture. Sachons préserver et développer cet acquis. ⁄

en Savoir pLuSwww.bioalps.org la plateforme des sciences de la vie de suisse occidentale

à Lirenumber one: tome 3 - next, les Clefs du savoir, 2014

in situ HEALtH VALLEY

DR

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benoît dubuisIngénieur, entrepreneur, président de BioAlps et directeur du site Campus Biotech

L’histoire de la Suisse est une histoire d’intégrations réussies. Il nous faut perpétuer cette tradition.

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in situ gLobE

in situ

autouR Du GlobeParce que la recherche ne s’arrête pas aux frontières, In Vivo présente les dernières innovations médicales

à travers le monde.

 étude 

L’hormone qui rend inteLLigent

l’hormone klotho améliore la longévité des êtres vivants lorsqu’elle est présente à un niveau élevé dans le corps. Récemment, des chercheurs de l’université de Californie

à san Francisco ont décidé de tester un panel de 700 patients âgés de 52 à 85 ans pour voir si klotho permettait

également de prévenir le vieillissement du cerveau. la réponse est non, mais les performances cognitives des

patients présentant un fort taux de l’hormone étaient plus élevées. en d’autres termes, klotho rendrait intelligent.

C’est le pourcentage de réduction des cas de dengue obtenu grâce à l’utilisation d’un nouveau vaccin, d’après une étude publiée par le laboratoire sanofi pasteur. Fruit de plus de vingt ans de travail, le vaccin développé par la compagnie française représente un nouvel espoir dans la lutte contre cette maladie virale qui infecte plus de 100 millions de personnes dans le monde chaque année.

deS vaiSSeaux SanguinS impriméS en 3d  teCHnoloGie 

Les personnes nécessitant une transplantation pourraient bientôt profiter d’une nouvelle avancée en matière d’organes artificiels. des chercheurs du khademhosseini Lab à boston viennent en effet d’annoncer la mise au point des premiers vaisseaux sanguins conçus à l’aide d’une imprimante 3d. «dans un avenir proche, nous serons capables de développer des tissus créés sur mesure pour les patients ou les tests de nouveaux médicaments» remarque ali khademhosseini, directeur du laboratoire en charge du projet.

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Face au risque épidémique

DiDieR Houssin, oDile JaCob, 2014

Dans son dernier livre, Didier Houssin, professeur de chirurgie à l’Université Paris-Descartes et conseil-ler de l’OMS, aborde la ges-tion des grandes épidémies de ces dernières années: le sida dans les années 1980, la vache folle en 1990, le SRAS et les attaques bioterroristes du début des années 2000, puis le chikungunya et la pan-démie grippale de 2009. L’auteur retrace les temps forts de ces événements et les réponses qui y ont été apportées, afin d’en tirer les leçons pour la sécurité future des populations.

Jamais trop vieux pour être étudiéCHRonique De Donna

ZulMan et keitH HuMpHReys, «new yoRk tiMes»

Une étude américaine a montré que 40% des recherches cliniques excluaient les personnes de plus de 65 ans. Bien des scientifiques invoquent la crainte de complications et de problèmes de santé liés à l’âge qui fausseraient les résultats. Une situation inacceptable selon les chroniqueurs, pour qui les patients participant aux études cliniques de-vraient être sélectionnés sur d’autres critères que l’âge. Ils estiment que les médecins se trouvent souvent dans le flou par rapport aux effets de certains médicaments sur leurs patients seniors.

Le douloureux problème des prothèses artificielles

ConFéRenCe teD paR DaViD senGeH

Chercheur au MIT Media Lab à Boston, David Sengeh a grandi au Sierra Leone, dont la guerre civile a fait plus de 8’000 victimes d’ampu-tations. Pour aider les personnes possédant des prothèses inconfortables ou mal adaptées, il a mis au point une prothèse sur mesure imprimable en 3D, grâce à une technologie basée sur l’imagerie par résonance magnétique. Les premiers essais effec-tués il y a quelques mois sur des vétérans de l’armée américaine se sont montrés concluants.

médicament Truvada est le nom d’une pilule qui, prise quotidiennement, permet de prévenir une infection du virus du sida dans plus de 90% des cas. Disponible depuis 2012 aux Etats-Unis, le médicament devrait être prochainement mis sur le marché au Canada et dans certains pays européens. Pour l’instant, très peu de médecins américains ont prescrit Truvada à leurs patients, notamment en raison d’un manque d’informations sur le produit. Mais aussi en raison des discus-sions controversées à son sujet, notamment sur les réseaux sociaux. La pilule y est critiquée pour être un médicament favorisant les relations sexuelles non protégées.

Pour l’égalité des sexes chez les rats

de laboratoireCHRonique De Janine a. Clayton

et FRanCis Collins, «natuRe»

Les chroniqueurs demandent un rééqui-librage des sexes chez les rats de laboratoire, majoritairement mascu-lins. Une disparité justifiée par l’idée que les mâles seraient moins soumis aux fluctuations d’hormones. Non seulement il n’en serait rien, mais cette situation a des conséquences négatives pour les femmes. Souffrant davantage des effets secon-daires de certains médica-ments, elles nécessiteraient des dosages mieux adaptés à leur morphologie.

La SéLe

ction

in vivo

MaRGaRet CHan,Dans son alloCution Du 19 Mai DeRnieR, la DiReCtRiCe GénéRale De l’oRGanisation MonDiale pouR la santé

a souliGné qu’au xxie sièCle, les MalaDies non- tRansMissibles étaient DeVenues l’une Des pRinCipales

Causes De MoRtalité Dans le MonDe. une situation qui exiGe un CHanGeMent De paRaDiGMe.

«Il faut favoriser la prévention des maladies

non-transmissibles.»

les liens VeRs les CHRoniques et les ViDéos suR

www.inViVoMaGaZine.CoM

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Une pilule qui protège du sidaUne pilule qui protège du sida

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Le poiSSon-zèbre au Service de La médecinecapturée à l’aide d’un microscope électronique, cette image montre l’embryon d’un poisson-zèbre au quatrième jour de son développement. pour réaliser ce portrait, le poisson-zèbre a été attaché à un porte-échantillon par la queue et incliné à 65 degrés. comme les embryons de poisson-zèbre mesurent environ 1 cm de long, une taille trop importante pour être capturée en une seule fois, trois images prises séparément ont été combinées numériquement. L’image en noir et blanc a ensuite été coloriée, de manière à représenter la réflectivité des écailles du poisson.

Le poisson-zèbre, danio rerio, est un poisson d’eau douce tropicale originaire d’asie de l’est qui est fréquemment utilisé comme organisme modèle pour étudier la biologie du développement et la neurodégénérescence chez les vertébrés.

annie CaVanaGH et DaViD MCCaRtHy / wellCoMe iMaGes

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L’INFORMATION EN CONTINU

Tout savoir sur les Sciences de la vie et l’innovation. Des rubriques pour vous: Agenda, Innovation, People, Science, etc. L’actualité de nos entreprises, de nos hautes-écoles, de nos organismes de soutien à l’innovation sur un seul site.

D republic-of-innovation.ch

REPUBLIC OFINNOVATION

“The joys of discovery are made all the richer when shared. Learn about innovation and experience that goes beyond everyday lives.”BENOIT DUBUIs Founder BioAlps, Eclosion, Inartis

“Republic of Innovation, un site instructif, intelligent, ouvert et très facile à lire. C’est un vrai plaisir, en plus d’être une véritable aide.”ThIERRy MAUvERNAy Delegate of the Board Debiopharm Group

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Par SERGE MAILLARD,

MELInDA MARchESE Et bEnjAMIn kELLER

cerveau MéfIEz-vouS

DE voS pERcEptIonS/

/

Les recherches récentes mettent à rude épreuve les idées reçues sur nos cinq sens. Des aveugles

peuvent «voir» avec les oreilles et des adolescents améliorent leur acuité visuelle grâce aux

jeux vidéo. Exploration d’un continent encore largement méconnu, celui de la perception.

PERCEPTIONfOCus

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focus PERcEPTIoN

P endant longtemps, le mécanisme de la percep-tion est resté un pur mystère. De quelle ma-nière percevons-nous une information

sensorielle? Comment cette information «extérieure» est-elle transmise au cerveau? Puis, comment le cer-veau transforme-t-il ces données? Peut-on assimiler sensation et perception? Des questions, complexes, qui sont demeurées durant des millénaires la chasse gardée des philosophes.

Dans son traité De l’âme, Aristote a développé la pre-mière véritable théorie de la perception, un concept qui se distingue pour lui de la simple sensation. Le penseur grec «étudie chacun des cinq sens ex-ternes – vue, ouïe, odorat, goût, toucher – avant d’introduire une notion originale et inédite, celle d’un sens commun, irréductible aux sens externes et pourtant in-hérent à leur exercice», rappelle Michel Nodé-Langlois, professeur de philosophie au lycée Fermat de Toulouse, dans la revue Philopsis. Pour Aristote, ce sens commun recouvre une perception dépas-sant les fonctions sensorielles ex-ternes. Il englobe la conscience de cette perception, mais aussi celle des différents sens.

Mais aujourd’hui, tout comme les autres philosophes, Aristote a per-du son monopole sur la notion de perception. Les chercheurs ont investi ce champ de réflexion, et surtout d’expérience. Des outils neuroscientifiques comme l’ima-gerie par résonance magnétique

(IRM), l’électro-encéphalographie (EEG) ou encore la stimulation magnétique transcrânienne (TMS) lèvent une partie du voile sur les mécanismes de la perception. Et aussi sur les troubles associés, comme la schizophrénie, l’autisme, l’anorexie mentale, la dys-lexie ou encore la dyschromatopsie (trouble de la per-ception des couleurs).

Les découvertes sont surprenantes. «Nous constatons par exemple que le cerveau traite les informations de manière beaucoup plus rapide qu’on ne l’imaginait, explique le Prof. Micah Murray, neuroscientifique spécialiste de la perception au CHUV et à l’Université de Lausanne (UNIL). On peut suivre des stimuli sen-

soriels au millième de seconde.» Contrairement à l’IRM, qui donne une image statique, l’EEG est un outil qui fournit des données dy-namiques. «Ainsi, nous sommes capables de retracer en temps réel les informations qui parviennent au cerveau, d’établir par exemple quelle zone du cerveau perçoit quelle information en premier.» De son côté, la stimulation magné-tique transcrânienne permet d’«activer» ou de «désactiver» des fonctions du cerveau et des capa-cités sensorielles.

Ils ne sont pas les seuls outils high-tech qui permettent de répa-rer ou d’améliorer nos capacités de perception. Aujourd’hui, des web-cams innovantes et des jeux vidéo jouent aussi ce rôle. Et c’est tout un champ inexploré qui s’ouvre pour les chercheurs.

voir avec les oreilles

En mars 2014, des chercheurs de l’Université hébraïque de Jérusa-lem ont annoncé une innovation surprenante: la mise au point d’un logiciel permettant aux per-sonnes aveugles de se représenter dans l’espace et de distinguer des

formes. Cela grâce à un algorithme qui convertit en musique une image scannée au moyen d’une caméra,

La perception: de quoi

parLe-t-on?Tout ce que nous ressentons,

via les yeux, les oreilles, la bouche, la peau ou encore le nez est

perception. Mais elle ne saurait se confondre avec une réalité

«objective». Car la perception va au-delà des sens et est étroitement conditionnée par notre cognition: les informations extérieures qui

parviennent à nos sens sont «traitées» par des mécanismes qui leur attribuent une signification.

Plus précisément, le processus se base sur la traduction des informations sensorielles en

réponses neuronales. Par exemple, la lumière est traduite par les

photorécepteurs dans l’œil et les sons par les cellules «ciliées» dans l’oreille. Ces réponses neuronales

constituent les bases de la perception. Parfois, des troubles surviennent, qui creusent l’écart

entre «réalité» et perception, comme des hallucinations.

de droite à gauche. Ce nouvel outil offre ainsi aux aveugles la possibilité de «voir», du moins de mieux percevoir leur environnement.

Comment est-ce possible? Les aveugles adaptent leur perception. A défaut de la vision, l’ouïe, en particulier, est fortement stimulée. Le logiciel traduit donc l’image en son: les pixels sont représentés par le volume sonore, la géolocalisation par les durées des sons. Des études par IRM ont permis de constater que des aires du cerveau spécialisées dans la vision sont dès lors activées par des

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PERCEPTIONfOCus

«Je vois la musique»Le français vincent Mignerot est un synesthète: son cerveau associe spontanément plusieurs perceptions sensorielles. L’étude de ce mystérieux mécanisme neurologique vise à mieux comprendre la gestion de l’information par le cerveau.

Enfant, vincent Mignerot ressentait un délicieux

goût de prune à chaque fois qu’il prononçait ou entendait le mot «immeuble». Lorsqu’il était malade, il visualisait ses symptômes: la fièvre s’apparentait par exemple à une boule blanche et chaude. Autrement dit, il associait spontanément et inconsciemment plusieurs perceptions sensorielles – le goût à un son ou une douleur à une forme et une couleur. ce n’est qu’à 20 ans que ce Lyonnais, aujourd’hui âgé de 36 ans, comprend par hasard que ces associations mentales ne sont pas présentes chez chaque être humain. «Au cours de mes études de psychologie, j’ai lu un article qui décrivait un phénomène dont j’ignorais l’existence, que je vivais pourtant moi-même depuis toujours: la synesthésie.» Reconnue scientifiquement depuis le début du XvIIIe siècle, cette faculté neurologique touche 4 à 5% de la population mondiale. Elle se manifeste sous de

nombreuses formes: certains synesthètes voient la musique, d’autres associent des chiffres à des couleurs ou encore perçoivent des sons lorsqu’ils sentent une odeur. vincent Mignerot vit six d’entre elles: «Aujourd’hui, j’ai perdu la «lexicale-gustative» (association du mot à un goût), mais j’ai gardé la nociception (association d’une couleur à une douleur). je vis aussi intensément la synesthésie cognitive: toutes mes pensées se génèrent sous forme de couleurs

et de formes, qui se meuvent dans l’espace, en 3D.» Désormais passionné par ce phénomène, vincent Mignerot lui consacre un site depuis trois ans (http://synestheorie.fr), qui réunit les dernières études scientifiques sur le sujet. Avec l’aide d’un graphiste, il crée des animations permettant à chaque internaute de «tester» ce que lui-même perçoit au quotidien. «Il ne s’agit absolu-ment pas d’un super pouvoir, ni même d’un handicap, précise le synesthète. je peux tout à fait ne pas y prêter attention, cela n’a jamais été

gênant.» Au-delà du caractère philosophique et artistique de son projet, vincent Mignerot espère aussi que les recherches sur la synesthésie aboutiront à des avancées scientifiques: «L’imagerie par résonance magnétique (IRM) a déjà pu démontrer que des connexions neuronales spécifiques se produisent chez les synesthètes et que le cerveau humain est capable de multimodalité sensorielle. tout cela contribue à la compréhension générale et du fonctionnement du cerveau humain.»

par MELInDA MARchESE

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focus PERcEPTIoN

ARt SynESthètE L’image ci-dessus représente les jours de la semaine tels que les perçoit l’artiste et synesthète Gabriel Numbers. Son dessin n’est pas organisé chronologiquement car il visualise les jours de la semaine comme étant un espace-temps non-linéaire.

REpRéSEntAtIonS MEntALES DE noMbRES Les «cartes de nombres» ci-dessus ont été compilées dans les années 1880 par l’Anglais Francis Galton à partir de dessins réalisés par ses patients. Ce cousin de Charles Darwin fut le premier scientifique à remarquer que certaines personnes associaient les nombres à des représentations visuelles. Le concept de synesthésie était né.

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sons. «Même ceux qui sont aveugles depuis la nais-sance peuvent ainsi percevoir leur environnement, souligne Micah Murray. Selon les critères établis par l’OMS, légalement, ils ne sont plus aveugles!»

Coauteure de l’étude, le Dr Ella Striem-Amit en déduit, selon des propos rapportés par Le Figaro, que «la divi-sion du cerveau en zones définies par le type d’infor-mation sensorielle qu’elles traitent – cortex visuel, cortex auditif – est imprécise. Il semble en fait que cet organe soit organisé en fonction des tâches qu’il ac-complit, et non des sens auxquels il est relié.»

Des conclusions qui peuvent s’appliquer également aux personnes en bonne santé, suggère Micah Murray. Et d’ajouter: «Tous nos sens interagissent, et les informations provenant des différents sens ne sont pas traitées indépendamment. Ces processus «multi-sensoriels» sont en train de remodeler notre compréhension de la perception, et donc des troubles qui peuvent apparaître.»

Pour parvenir à une perception des formes environ-nantes, les aveugles doivent d’abord apprendre les codes du logiciel. Lors des expériences menées par les scientifiques israéliens, les participants ont pu pro-gressivement améliorer leur perception des formes qui les entourent, au fil des écoutes. La maîtrise de ce nouveau langage requiert des dizaines d’heures d’entraînement.

Toujours en mars de cette année, un artiste britan-nique souffrant d’«achromatopsie» (il ne voit qu’en noir en blanc) a déclaré s’être fait implanter dans le cerveau une sorte de «prothèse auditive» reliée à une caméra. Celle-ci analyse les fréquences des couleurs et les traduit en vibrations sonores. Neil Harbisson

fOCus PERCEPTION

affirme ainsi être en mesure de percevoir à nouveau les couleurs. Et se revendique même comme le premier «eyeborg» au monde!

les Pouvoirs des Jeux vidéo

Et si les jeux vidéo, honnis par de nombreux parents, n’étaient pas si néfastes pour leur progéniture? Des études récentes montrent que, dans certaines conditions, ils peuvent s’avérer bénéfiques

pour les capacités de perception de leurs adeptes. «Lors de nos études, nous avons constaté des effets positifs sur l’acuité visuelle et la sensibilité au contraste chez les participants qui jouent régulièrement aux jeux vidéo, c’est-à-dire plus de cinq heures par semaine», indique Daphné Bavelier, à l’Université de Genève.

Mais les opus disponibles sur le marché ne provoquent pas tous de tels effets: «Nous les avons observés dans des jeux de tir, les «first-person ou third-person shoo-ter» en anglais, durant lesquels le joueur doit à la fois viser et détruire ses ennemis, et en même temps garder un œil sur tout ce qui se passe autour de lui. Dans ces conditions, il doit prendre des décisions très rapide-ment, en continuant à évaluer les différentes actions à venir. Le contrôle attentionnel est accru.»

La chercheuse explique qu’il est aussi bénéfique pour la perception de devoir distribuer son attention sur l’écran («attention divisée») et de constamment réé-valuer ce qui est important, pour mieux anticiper les situations. «Jouer vingt à quarante minutes par jour

LexiqueAchromAtopsieCette maladie rare empêche la distinction des couleurs, la vision de la personne atteinte se faisant alors en nuances de gris. D’origine congénitale ou acquise suite à une lésion cérébrale, la pathologie s’accompagne par ailleurs d’une acuité visuelle réduite, de nystagmus (mouvement d’oscillation involontaire du globe oculaire) et de photophobie (aversion à la lumière).

AutismeLes troubles du spectre autistique se caractérisent par une interaction sociale et une communication anormale. Les symptômes sont généralement remarqués par les parents durant les deux premières années de vie de l’enfant. L’origine des troubles autistiques peut être génétique ou environne-mentale, mais son étiologie exacte demeure sujette à controverse.

schizophrénie La schizophrénie est une maladie psychique qui se distingue par un repli sur soi et une perte de contact avec la réalité. Dans sa phase aiguë, cette psychose provoque des hallucinations auditives qui peuvent être très troublantes. Les facteurs liés à l’apparition de la schizophrénie sont multiples: sociaux, psychologiques ou génétiques. Mais les causes de la maladie restent encore largement incomprises.

Anorexie mentAleCe trouble psychique, à ne pas confondre avec la perte d’appétit liée à une autre pathologie, se manifeste par une préoccupation exagérée de l’apparence physique, ce qui entraîne des restrictions alimentaires pouvant s’avérer mortelles. L’anorexie mentale, touche principale-ment les jeunes femmes, qui peuvent se percevoir comme étant en surpoids sans que ce soit vraiment le cas.

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focus PERcEPTIoN

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modifier sa PercePtion de la douleurpar MARIE-ADèLE copIn

l’hypnose permet d’apaiser les douleurs aiguës. les explications de maryse Davadant, infirmière spécialisée en soins intensifs.

Un homme de 71 ans est opéré à cœur ouvert sans anesthésie générale. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il n’a subi qu’une anesthésie locale et a supporté l’opération, éveillé. Il était sous hypnose. Cela s’est passé en 2007, à la clinique du Sacré-Cœur de Roulers, en Belgique.

Malgré les croyances populaires, les scientifiques sont formels: l’hypnose n’a rien d’ésotérique. C’est un outil thérapeutique efficace pour aider les patients à affronter

des phobies, à se libérer d’une dépendance ou à traiter une allergie par exemple.

Le CHUV utilise l’hypnose pour apaiser les patients qui souffrent de douleurs aiguës, comme les grands brûlés ou les personnes greffées. «Je voyais à une époque un jeune patient brûlé aux deux jambes, raconte Maryse Davadant, infirmière du CHUV spécialisée en soins intensifs et en hypnose. Je lui ai demandé de décortiquer cette douleur. Il m’a dit avoir l’impression que des flammes de chalumeaux le brûlaient. Je lui ai donc proposé de baisser mentale-ment l’intensité de ces flammes. Cela n’a pas fonctionné, mais il a spontanément imaginé des plaques de glace sur les chalumeaux, ce qui lui a permis de se sentir mieux.» Cette première étape de «décortica-tion» est indispensable, selon l’infirmière. «Lorsque la personne éprouve des douleurs aiguës, on ne peut pas lui proposer tout de suite de s’évader mentalement car la souffrance est trop forte.» En réalité, le patient se trouve déjà sous hypnose, envahi par ce qu’il ressent physiquement. C’est en jouant sur les métaphores que Maryse Davadant parvient à le soulager.

L’utilisation de métaphores se poursuit durant les soins. «Le changement de pansements, c’est-à-dire le nettoyage des plaies, est très pénible pour un grand brûlé. Le corps est à vif.» La

personne est emmenée mentale-ment dans un lieu où elle se sent en sécurité, de façon à focaliser son attention. L’infirmière fait des suggestions qui permettent au patient de vivre autre chose que sa situation présente. «Je sais quelle étape du soin va être difficile. Je vais donc intégrer la douleur dans les images. S’il choisit d’être dans une rivière, je vais lui dire, par exemple, qu’il s’érafle légèrement contre des pierres.» Contrairement aux a priori, les personnes sous hypnose se trouvent en total contrôle de leur corps. Elles sont même extrêmement concentrées. «Il s’agit d’un état de conscience modifiée.»

Les neurosciences ont prouvé que certaines parties du cerveau s’activent avec l’hypnose. «Lorsque le patient s’imagine dans une forêt et qu’il sent des champignons, l’imagerie médicale montre que la zone olfactive du cerveau est stimulée. Ce qui signifie que le patient vit l’expérience d’être dans les bois.» Cet état de conscience modifie le ressenti du patient, sa perception de la douleur, et lui permet de l’éprouver de façon acceptable. L’hypnose rend aussi le malade plus autonome. «L’idée consiste à apprendre l’auto- hypnose, souligne Maryse Davadant. Le patient comprend qu’il agit pour lui. Il ne subit plus son traitement et devient acteur de sa prise en charge.»

jeux vidéo mettent ainsi à mal une théorie dominante depuis les années 1970, selon laquelle une période «sensible» de développement de la vision survient durant la jeunesse, avant de s’interrompre. «En réalité, nous pouvons rattraper ces capacités plus tard, si nous stimulons de manière appropriée le cortex visuel.»

Mais les jeux vidéo thérapeutiques ne s’adressent pas qu’aux personnes souffrant de troubles de la percep-tion, loin de là. «On trouve également tout un pan éducatif à notre projet. Grâce aux jeux vidéo, chacun de nous est capable d’augmenter la précision de son système visuel, mais aussi sa capacité à discerner des

sur plusieurs semaines est suffisant pour ressentir les premiers effets positifs sur les capacités de perception.»

La thérapie par les jeux vidéo permet de lutter contre les troubles de la vision, mais pourrait aussi aider des patients atteints de pathologies comme la schizophré-nie, la dépression ou encore le déficit de l’attention. Pour l’heure, les effets les plus concrets restent limités à la vision: «Certains patients ont déjà guéri de l’am-blyopie grâce aux jeux vidéo. Cette pathologie, qui se déclare à l’enfance, rend un des deux yeux «pares-seux», ce qui annule la vision de la profondeur.» Les

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focus PERcEPTIoN

objets dans son champ de vision. On intègre plus rapidement toutes ces informations.»

Daphné Bavelier collabore avec des sociétés d’édition de jeux vidéo pour mener ses études. Mais créer un jeu vidéo adapté aux patients coûte cher et se révèle être un long processus: «Une grande partie de notre travail consiste à créer des niveaux faciles. Certains de nos patients ont 85 ans!»

meilleurs diagnostics de la schizoPhrénie

Dans la série télévisuelle américaine Perception, le protagoniste est un neuros-cientifique de talent, atteint de schizophrénie paranoïde. Une pathologie dont il fait

paradoxalement un atout: il est engagé par le FBI comme consultant, car ses hallucinations l’aident à résoudre des enquêtes. Si les ressorts de la série n’ont pas une grande valeur scientifique, elles ont le mérite de mettre en lumière cette maladie complexe.

«Les gens pensent que la schizophrénie est un trouble purement cognitif, explique Micah Murray. En réa-lité, nous avons découvert, grâce au soutien du Fonds national suisse et du Pôle de recherche national SYNAPSY, que cette pathologie recouvre aussi des troubles auditifs et visuels. Mais il reste difficile de distinguer la cause de l’effet. Les hallucinations sur-viennent-elles en raison des troubles de la vision, ou mènent-elles à l’inverse à des troubles de la vision? Autrement dit, le problème se situe-t-il d’abord dans l’œil ou dans le cerveau?»

En étendant les investigations sur l’état de la vision ou l’ouïe des patients, la découverte permet un meil-leur diagnostic de la schizophrénie. La maladie, qui touche environ une personne sur 100, se manifeste généralement au début de l’âge adulte. «Jusqu’à pré-sent, le diagnostic de la schizophrénie était basé sur des critères largement subjectifs: les psychiatres sont obligés de compter sur l’honnêteté des té-moignages des patients et de leurs proches, précise Micah Murray. Après tout, on ne peut pas encore faire des tests sanguins pour diagnostiquer cette pathologie!»

Selon le spécialiste, l’IRM et l’EEG permettent désor-mais d’établir un «facteur de risque» supplémentaire liant troubles sensoriels et schizophrénie. Et d’aboutir ainsi à un diagnostic plus solide. Cette évolution n’est toutefois pas encore enracinée dans la pratique clinique: «L’emploi de l’EEG et l’IRM dans le dia-gnostic de la schizophrénie va se propager dans les cinq prochaines années dans les hôpitaux, prédit Micah Murray. Ces outils pourraient également en-traîner un impact bénéfique sur le traitement de la pathologie, en aboutissant à un meilleur pronostic du fonctionnement d’une thérapie, par l’évaluation de ses effets sur les capacités sensorielles.»

D’autres pathologies devraient également être mieux diagnostiquées et traitées via des tests accrus par EEG. A titre d’exemple, Micah Murray donne celui de la dysphasie, un trouble du langage: «Des tests sur la rapidité du traitement de l’information par le cerveau peuvent servir à établir s’il y a pathologie ou non et si, par exemple, un enfant va gagner en per-ception via une rééducation ou une autre. Dans le cas de la dysphasie, on évalue la capacité à discerner les sons /ba/ et /ga/ pour prédire la pathologie chez un enfant.» /

DyslexieIl s’agit d’une affection liée à la lecture qui peut être acquise suite à une lésion cérébrale, ou apparaître comme un trouble développemental au moment de l’apprentissage chez l’enfant. La dyslexie s’exprime différemment suivant l’environnement linguistique, selon qu’il s’agisse d’une langue transparente (italien, espagnol) ou opaque (français, anglais).

Amblyopie Venant du grec ancien amblús («obtus») et ópsis («vue»), l’amblyopie désigne une acuité visuelle affaiblie qui annule la vision de la profondeur. Pouvant toucher l’un ou l’autre œil, voire les deux, cette affection peut être fonctionnelle (liée à un problème d’apprentissage de la fonction visuelle) ou organique (liée à une lésion organique curable ou non).

DAltonismeCe terme signale une affection congénitale de la vue qui empêche de discerner certaines couleurs, notamment le rouge et le vert. C’est le chimiste anglais John Dalton, lui-même affecté, qui décrivit pour la première fois cette pathologie en 1798. Le daltonisme touche entre 2 et 8% de la population, avec une prévalence bien plus importante chez les hommes que chez les femmes.

DysphAsieLa dysphasie – «mauvais langage» – indique un trouble lié à l’apprentissage et au développement du langage oral. La dysphasie peut toucher l’expression, la compréhension ou les deux à la fois. La pathologie se caractérise par une production verbale mal structurée et un champ lexical appauvri, entraînant troubles scolaires et handicaps dans la vie courante.

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focus PERCEPTION

quand nos sens nous Jouent des tourscertains phénomènes bouleversent complètement notre perception de ce que l’on voit, entend ou ressent. Exemples d’illusions optiques, visuelles et gustatives à tester.

EffEt McGuRk

Cet effet se produit lorsque nos yeux disent à nos oreilles ce qu’elles doivent entendre: si vous regardez une personne chuchotant consécutivement une syllabe de type «VA», mais qu’une bande-son prononce «BA» vous entendrez probablement «VA». Il s’agit de l’un des premiers exemples d’interaction sensorielle décrit par le psychologue britannique Harry McGurk en 1976.

EffEt phI

A chaque fois que vous visionnez un film, l’effet phi se produit: les images sont projetées les unes après les autres, mais vous ne percevez pas qu’il s’agit d’images fixes et séparées. Cela s’explique par un mécanisme neuronal: lorsque la rétine voit une image, le cerveau persiste à la retenir en mémoire pendant une mini-fraction de seconde. Il suffit alors que l’œil voie pendant ce temps une deuxième image légèrement différente pour que le cerveau la rattache automatiquement à la première qui reste en mémoire. C’est ainsi que la perception de mouvement se produit.

GRILLE D’hERMAnn

Découverte il y a plus d’un siècle, l’illusion de la grille d’Hermann provoque l’apparition de taches grises entre les carrés noirs. L’effet est obtenu à cause d’une fonction de l’œil appelée inhibition latérale rétinienne, qui augmente le contraste entre les zones éclairées et les zones sombres.

ILLuSIon Du MuR DE cAfé

Cette illusion d’optique fait apparaître des droites parallèles comme des courbes. Les colonnes de carreaux sombres et clairs sont légèrement décalées à chaque rang, formant une ondulation. Pour que l’illusion fonctionne, il est nécessaire que chaque brique soit entourée d’un mortier d’une teinte intermédiaire à celle des carreaux. Elle fut décrite pour la première fois par le docteur Richard Gregory, après qu’il eut observé ce curieux effet sur le mur extérieur d’un café de Bristol.

couLEuRS Et ALIMEntAtIon

Selon des chercheurs de l’Université d’Oxford, utiliser des couverts de couleur rouge découragerait la consommation d’un aliment. «Le rouge pourrait être utilisé pour présenter de la nourriture aux gens qui doivent rationner leur alimentation, mais certainement pas pour ceux dont le poids est trop faible», rapporte l’étude publiée dans la revue Flavour en juin 2013.

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fOCus PERCEPTION

EffEt tRoXLER

Fixez le point central de l’image. Au bout de quelques secondes, le cercle alentour semble s’évanouir. C’est l’effet Troxler, du nom du physicien suisse Ignaz Paul Vital Troxler, né au XVIIIe siècle. L’explication à cette illusion est à chercher du côté de la rétine. Ce tissu nerveux situé au fond de l’œil capte les signaux lumineux par ses cellules photoréceptrices (cônes, bâtonnets) et les communique au nerf optique, qui les transmet ensuite au cortex visuel. Le cerveau interprète alors l’influx nerveux pour «construire» la vision.

Les photorécepteurs signalent toujours un changement. Pour les stimuler, l’œil bouge donc en permanence, de manière imperceptible, avec des oscillations parfois extrêmement rapides. «Si les récepteurs cessent d’être stimulés et que l’image est stabilisée sur la rétine, elle disparaît complètement», indique Daniel Kiper, chercheur à l’Institut de neuroinformatique de l’Université et de l’ETH Zurich. Or, la périphérie de la rétine a besoin de fluctuations plus importantes que le centre pour être activée, d’où l’effet Troxler: «Lors de la fixation du point, l’amplitude des mouve-

ments oculaires diminue et n’est plus suffisante pour stimuler les récepteurs périphériques et faire passer l’image du cercle jusqu’au cerveau.» Daniel Kiper souligne que le cortex agit, lui, au moment où le cercle est remplacé par la couleur du fond: «Comme le cerveau ne reçoit plus d’information en provenance de la rétine, il comble les vides avec ce qui se trouve sur le reste de l’image.» Comment? «On ne sait pas, c’est très mystérieux.» A noter que plus le cercle alentour est fin, faiblement contrasté, flou et distant du point de fixation, plus l’effet Troxler est renforcé.

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intervieW «nous devons mieux Prêter attention à la manière dont les Patients Perçoivent le monde»Daniel javitt s’intéresse de longue date au fonctionnement du cerveau. L’unité qu’il dirige à l’université columbia étudie notamment les effets de la glycine pour contrer certains troubles de la perception.

in vivo est-il exact que l’un de vos axes de recherche principaux porte sur la perception?daniel javitt je m’intéresse à la perception avant tout du point de vue de la schizophrénie. Mon travail est basé sur ce que l’on appelle les récep-teurs n-méthyl-D-aspartate (nMDA), qui se trouvent entre autres au niveau des cortex visuels et auditifs. nos études mettent en évidence un disfonctionne-ment de ces récepteurs en lien avec certains troubles de la perception comme la schizophrénie. Les personnes affectées expliquent souvent que le monde leur apparaît comme brisé en mille morceaux, que les choses vont trop vite. pendant longtemps, les chercheurs et les psychiatres ont ignoré ces remarques, car ils pensaient que la psychose schizophrénique impliquait uniquement le cortex frontal et les récepteurs de la dopamine. Mais une fois que l’on fait le lien entre la patholo-gie et les récepteurs nMDA, les remarques des malades deviennent logiques. De manière générale, nous ne prêtons pas assez d’attention à la manière dont un patient souffrant de troubles mentaux perçoit son environnement.

un spécialiste de la schizophrénie Diplômé en neurosciences et en psychiatrie, l’Américain Daniel c. javitt est à la pointe de la recherche mondiale concernant de nouveaux traitements contre les troubles mentaux graves. Il dirige la division de thérapie expérimentale au sein du département de psychiatrie de l’université columbia à new york. Il est par ailleurs le directeur de recherche en matière de schizophré-nie de l’institut nathan kline, également basé à new york.

ProPos recueillis Par

ERIk fREuDEnREIch

fOCus PERCEPTION

iv Pourquoi vous êtes-vous penché sur la pathologie schizophrénique?dj A l’époque où je terminais mes études de médecine, les Etats-unis connaissaient de graves problèmes avec le pcp, une drogue synthétique qui est devenue le sujet de ma thèse de doctorat. curieusement, les personnes sous l’effet de ce produit affichent les mêmes symptômes que les patients atteints de schizophrénie. Le fait de pouvoir reproduire les effets de la schizophrénie en prenant une substance chimique signifiait qu’il y avait un problème très basique derrière la pathologie. nous avons par la suite pu identifier un disfonctionnement en lien avec les récepteurs nMDA, qui sont essentiels à le mémoire et aux connections neuronales. D’où l’idée qu’en stimulant ces récepteurs, notamment à l’aide de glycine, nous pourrions traiter les troubles schizophréniques.

iv les personnes souffrant de schizophrénie peuvent être victimes d’hallucinations auditives. Pour quelle raison? dj Il faut retourner la question. pourquoi les personnes saines n’ont-elles pas d’hallucinations en temps normal? car si vous prenez un sujet qui n’est pas schizophrène et que vous le placez dans un containeur étanche qui élimine tous les sons, il va aussi commencer à entendre des hallucinations. En fait, c’est le flux constant d’informations venant de l’extérieur qui nous permet de ne pas sombrer dans nos pensées et d’entendre ces voix. ce qui est intéressant, c’est qu’en analysant l’imagerie cérébrale d’une personne schizophrène lors d’une hallucination auditive, vous allez voir s’activer les régions du cerveau qui ont trait au langage. Il ne s’agit pas seulement d’un problème cognitif, mais également sensoriel. Le cerveau d’un schizophrène réagit comme s’il percevait véritablement des voix.

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iv qu’en est-il des illusions d’optique?dj c’est une question que nous étudions depuis longtemps. En effet, ces illusions pro-voquent différentes réactions au sein du cerveau. une partie de nos patients réagit normalement, mais d’autres se montrent très sensibles à certains effets d’optique. L’illusion dite de la grille d’hermann est celle qui leur pose le plus de problèmes (voir p. 26, ndlr). normalement, vous êtes sensé voir apparaître des points gris entre les lignes de la grille, car votre cerveau essaye de coller ensemble les pièces du puzzle. ce n’est pas le cas chez certains schizoph-rènes. car les interconnexions neuronales qui permettent de voir ces points ne sont pas opérationnelles. Leur percep-tion de la grille correspond pour ainsi dire à la réalité.

iv combien d’années nous séparent d’une bonne compréhension de notre cerveau?dj nous ne pourrons jamais totalement comprendre son fonctionnement. Mais nous possédons aujourd’hui déjà de nombreux d’outils qui nous permettent d’analyser et de mesurer bien des fonctionnali-tés importantes. prenez mon travail ou celui de mon collègue lausannois Micah Murray sur ce que l’on appelle la négativité de discordance. Il s’agit-là d’une onde qui traduit un changement de stimulus dans le cerveau. par exemple, si vous habitez à la campagne, vous allez automa-tiquement faire attention au fait que les oiseaux s’arrêtent soudainement de chanter. c’est une fonction codée dans notre cerveau très impor-tante pour la survie dans un environnement hostile. nous avons pu démontrer que cette fonctionnalité est produite par les récepteurs nMDA au niveau du cortex auditif.

notre défi consiste à permettre aux patients d’activer les automatismes dont ils ne disposent pas actuellement. un aspect important lié aux récepteurs nMDA qui fait souvent défaut aux schizophrènes, concerne par exemple la maîtrise de la lecture. Si nous arrivons à réparer cette carence, notamment grâce aux traitements à base de glycine que nous étudions en ce moment, nous aurons fait un grand pas pour redonner une vie sociale et professionnelle aux patients. ⁄

fOCus PERCEPTION

Daniel javitt est à la pointe de la recherche mondiale en matière de nouveaux traitements contre les troubles mentaux graves.

DR

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«Nous vivons dans un monde fondé sur un

modèle masculin. Une plus grande diversité de profils, et surtout davan-tage de femmes, au sein

de la profession médicale et parmi les chercheurs

aurait sûrement pour effet de changer la donne.»

PAULA JOHNSON

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MENS SANA INTERVIEW

iNterview: JULie ZAUgg

Les hommes et les femmes ne sont pas affectés de la même manière par les maladies. Certaines sont même réservées aux femmes. Professeure de médecine à la Harvard Medical School (USA) et directrice du Centre Connors, qui étudie la biologie des genres, Paula Johnson explique pourquoi la médecine ne peut pas ignorer ces différences.

IN VIVO En quoi les hommes et les femmes sont-ils dif-férents face à la maladie? PAULA JOHNSON Le sexe est une construction génétique: il existe des différences fondamentales entre les hommes et les femmes au niveau de leurs gènes. Lorsque ces divergences sont cumulées à l’influence de nos hormones, de notre envi-ronnement et de notre genre – soit les rôles, compor-tements et attitudes que la société attribue à chaque sexe –, cela débouche sur une expression différenciée de la maladie chez les hommes et les femmes.

IV Pouvez-vous nous donner un exemple d’une maladie qui affecte différemment les deux sexes? PJ Les femmes diabétiques ont beaucoup plus de risques de développer de l’hypertension que les hommes souffrant de cette affection. De même, les maladies

cardio-vasculaires provoquent comme symptôme une oppression de la poitrine chez les deux sexes, mais les femmes ont

bien plus de risques d’éprouver également de l’essoufflement ou de la gêne dans l’abdomen supérieur. Comme on a moins étudié ces mala-

dies chez les femmes, ce dernier symptôme est souvent confondu avec un trouble de la vésicule biliaire, ce qui peut mener à un diagnostic erroné.

IV Au-delà de ces différences génétiques, les hommes et les femmes réagissent-ils aussi autre-

ment à leur environnement? PJ Bien sûr. Le stress touche, par exemple, beaucoup plus les femmes que

les hommes. il existe un syndrome, appelé «cœur brisé», qui survient lorsqu’on vit un événement trau-matique, comme la perte subite d’un être cher ou un

changement majeur dans son environnement physique suite à un tremblement de terre, et qui provoque un disfonctionnement du muscle cardiaque. Or, la vaste

majorité des patients qui contractent ce syndrome sont des femmes d’âge moyen. il n’y a presque pas d’hommes.

Les deux sexes ne sont pas non plus égaux face à l’obésité. Les zones du cerveau liées au désir de nourriture ne sont pas

«Il faut améliorer la compréhension des différences

entre les deux sexes»

PAulA Johnson les femmes ne sont pas suffisamment incluses dans les essais cliniques. Paula Johnson, spécialiste de la santé féminine reconnue internationalement, estime que cela les défavorise lors de leur prise en charge.

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MENS SANA INTERVIEW

les mêmes chez les hommes et les femmes. Une étude vient de démontrer que lorsque les femmes se retrouvent dans un contexte violent, leur risque d’obésité augmente, ce qui n’est pas le cas chez les hommes.

IV Existe-t-il carrément des maladies réservées aux femmes? PJ Oui, la lymphangioléiomyomatose (LAM), une maladie rare qui provoque un dérèglement des cellules pulmonaires et finit par détruire cet organe, n’affecte que les femmes. elle n’est souvent diagnostiquée que très tardivement, lorsqu’il est déjà trop tard, car les médecins ne pensent pas à tester leurs patientes pour voir si elles ont cette affection. De même, la plupart des maladies auto-immunes, comme la sclérose en plaques, le lupus ou l’arthrite rhumatoïde, sont beau-coup plus fréquentes chez les femmes. Lorsqu’un homme contracte l’une de ces affections, les conséquences sont en revanche bien plus mortelles pour lui.

IV Face à ces divergences, faut-il prévoir des mé-thodes de diagnostic différenciées entre hommes et femmes? PJ Pour certaines maladies, oui. Lorsqu’on applique un cathétérisme cardiaque, le test standard utilisé pour détecter une maladie cardio-vasculaire, à une femme, le résultat est souvent négatif. Cet exa-men, qui consiste à observer la circulation sanguine et la pression dans le cœur et les vaisseaux au moyen d’une sonde et d’un produit contrastant, permet de repérer la formation d’un blocage des artères lorsqu’il est très visible, ce qui est en général le cas chez l’homme. Chez les femmes, en revanche, il ne parvient pas à détecter la plaque qui est répar-tie de façon plus uniforme et diffuse le long des vaisseaux sanguins. il arrive donc fréquemment qu’on renvoie une femme chez elle en lui disant qu’elle est en bonne santé, alors qu’elle souffre d’une maladie cardio-vasculaire.

IV Que faire alors? PJ Nous disposons d’outils de diagnostic mieux adaptés aux particula-rismes des maladies cardio-vasculaires chez les femmes: une échographie intravasculaire ou une FFr (fractional flow reserve), qui permet de mesurer le flux dans les artères, seraient plus à même de repérer une présence dis-crète de plaque dans les vaisseaux sanguins. Mais, encore une fois, les médecins doivent

songer à utiliser ces méthodes. ils doivent se sou-venir qu’il existe des différences entre les sexes.

IV Et lorsqu’un médecin soigne un patient, doit-il penser à lui prescrire un traitement différent

en fonction de son sexe? PJ Cela vaut la peine d’y songer. Souvenez-vous de cette étude parue au début des années 1990 qui préconisait la prise d’une aspirine par jour pour prévenir les crises cardiaques. eh bien, elle était fondée sur une cohorte de patients exclusive-ment mâles. Lorsqu’on a finalement testé cette hypo-thèse chez les femmes, il y a un peu plus de huit ans, on s’est rendu compte que l’aspirine ne faisait de l’effet qu’aux patientes de plus de 55 ans et permettait de pré-venir les attaques cérébrales, pas les crises cardiaques.

Autre exemple: il y a quelques années, on s’est mis à tester une thérapie contre le cancer du poumon qui s’en prenait aux mutations génétiques présentes à la surface des cellules cancéreuses. initialement, les résultats ne semblaient pas très prometteurs. Mais en y regardant de plus près, on s’est rendu compte que ce traitement fonctionnait très bien auprès d’une majorité de femmes (82%). en fait, on a constaté que les mutations génétiques qu’il ciblait n’existent pratiquement que chez les femmes. il s’agit d’une découverte cruciale, qui favorise l’élaboration de traitements personnalisés en fonction du sexe.

IV Comment faire pour que ce genre de succès ne reste pas un cas isolé? PJ On doit améliorer la compréhension des différences entre hommes et femmes. vous savez, il a fallu at-tendre l’adoption d’une loi en 1993 pour que les femmes soient

«Les médecins doivent se souvenir qu’iL existe des différences entre Les sexes.»

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MENS SANA INTERVIEW

même incluses dans les études cliniques aux etats-Unis. Les premières informations dont nous disposons sur leurs réactions face à la maladie ne datent que d’une vingtaine d’an-nées. Souvent, on sait que les femmes vivent la maladie différemment, comme dans le cas des affections cardio-vasculaires, mais on ne sait pas pourquoi. il faut s’assurer que les femmes soient systématiquement incluses dans les es-sais cliniques – tout comme les animaux de sexe féminin dans la phase pré-clinique – et que les résultats soient rapportés en tenant compte du sexe, ce qui n’est pas toujours le cas. Aujourd’hui encore, seuls 33% des participants aux études sur les maladies cardio-vasculaires sont des femmes. De même, en neuroscience, 66% des études précli-niques sont réalisées uniquement sur des animaux mâles ou dont le sexe n’a pas été rapporté.

IV Comment expliquer ces déficiences? PJ Suite à certains scandales atroces, comme celui de la thalidomide (un médicament utilisé dans les années 1950 et 1960 comme anti-nau-séeux chez les femmes enceintes qui provo-quait de graves malformations congénitales, ndlr), on a longtemps voulu éviter à tout prix d’inclure dans des essais cliniques des per-sonnes qui pourraient être enceintes. Mais ce n’est pas l’unique raison: nous vivons dans un monde fondé sur un modèle masculin. Une plus grande diversité de profils, et surtout davantage de femmes, au sein de la profes-sion médicale et parmi les chercheurs aurait sûrement pour effet de changer la donne.

IV Ces inégalités se retrouvent-elles sur le plan financier? PJ Oui. La recherche sur les maladies féminines ou qui touchent davan-tage les femmes est souvent sous-finan-cée. Le cancer du poumon reçoit très peu d’argent. Or, il tue davantage de femmes aux etats-Unis que les cancers des ovaires, de l’utérus ou du sein cumulés. Les femmes non fumeuses ont aussi trois fois plus de risques de le contracter que les hommes non-fumeurs.

IV Concrètement, comment faire pour changer les choses? PJ Les journaux scientifiques pourraient adopter comme pré-requis l’obligation pour les chercheurs de systématiquement rapporter leurs résultats par sexe. On pourrait aussi imaginer la création d’un label qui permette de voir en un coup d’œil si un médicament ou un appareil médical a pris en compte la dimension du sexe lors de son élaboration et a été testé à la fois sur les hommes et les femmes. enfin, on doit absolu-ment inclure ce qu’on sait déjà dans la formation des méde-cins. Cela permettra de briser le cycle.

IV les patientes peuvent-elles faire quelque chose? PJ elles doivent systématiquement poser des questions autour du sexe à leur médecin. Lorsqu’il leur prescrit un traitement, elles doivent lui demander: «va-t-il m’affecter différem-ment parce que je suis une femme?»; «A-t-il été testé sur les femmes?» Cela obligera les praticiens à se pencher sur la question et à partir en quête de réponses. Cela peut faire bouger les choses dans la bonne direction.

IV Ce manque de prise en considération est-il limité aux femmes? PJ Non, on observe à peu près le même phénomène avec les minorités raciales, qui sont également affectées de façon diffé-renciée par la maladie et souvent exclues des essais cliniques. On sait, par exemple, que les fumeurs afro-américains développent un cancer du poumon plus rapidement que les blancs, mais on ne sait pas pourquoi. il y a aussi un effet cumulatif: les femmes afro-américaines sont le groupe de la population qui a le plus de risques de développer une ma-ladie cardio-vasculaire et d’en mourir jeunes.

IV Au final, cela ne nous mène-t-il pas vers une médecine toujours plus personnali-sée? PJ tout à fait. Plus on intègre ces divers paramètres – le sexe, l’ethnicité – dans la recherche médicale, et plus on peut dévelop-per des solutions de diagnostic, des théra-pies et des méthodes de prévention adaptées aux spécificités de chacun. Cela ne profite d’ailleurs pas qu’aux femmes ou aux minori-tés. Les hommes aussi bénéficieraient d’une prise en charge médicale davantage fondée sur leurs particularismes biologiques. /

BIOGRAPHIEPionnière de la médecine centrée sur les femmes, notamment dans le domaine des maladies cardio-vasculaires, Paula Johnson a plusieurs cordes à son arc. elle enseigne la méde-cine à Harvard, dirige le Centre Connors, consacré à la biologie de genre, et se trouve à la tête de la divi-sion chargée de la santé féminine au Brigham and women’s Hospital, à Boston. Cette chercheuse de 54 ans a aupa-ravant travaillé durant près de vingt-cinq ans dans divers départements de cet établissement, comme le service des transplanta-tions cardiaques ou du contrôle de la qualité.

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MENS SANA tAbou

ment sur la mort de cellules individuelles, celle de parties de tissus ou éventuellement celles d’organes.»

L’auteur construit son ouvrage sur des ques-tions qui n’ont de simple que l’apparence: pourquoi mourrons-nous? demande-t-il ain-si en passant en revue les différentes étapes caractéristiques de la mort pulmonaire ou de celle liée au cerveau; où mourrons-nous? En EMS, à l’hôpital, à la maison? Mais sur-tout de quoi avons-nous besoin au moment de mourir? Il évoque premièrement ce «lubrifiant» qu’est la communication entre le médecin et son patient «indispensable à tout

accompagnement réussi» d’une fin de vie. Sur un mode enlevé, Gian Domenico Borasio n’hésite pas à préciser que «les médecins prouvent malheureusement assez souvent» qu’il est plus facile de mal communiquer que de dépasser les peurs et les difficultés d’aborder le sujet. Il milite pour un enseignement différent de la médecine, moins strictement orienté sur ses dévelop-pements technologiques mais aussi sur des

La mort, une réfLexion à vivreGian Domenico Borasio, publie «mourir», un livre clair et étonnamment anxiolytique. avec cette proposition tentante: bien penser à sa mort, c’est peut-être mieux songer à sa vie.

n matière de fin de vie, il y aurait donc trois règles: parler, parler et parler. Evoquer la mort avec ses proches et avant tout avec soi-même, c’est l’invi-tation iconoclaste que formule Gian Domenico Borasio, pro-

fesseur titulaire de la chaire de médecine palliative de l’UNIL et chef du service de soins palliatifs du CHUV, avec son livre Mourir qui sort en français après avoir occupé la tête des ventes en librairie en Allemagne où près de 150’000 personnes auront cédé à cette tentation apparem-ment paradoxale de penser à la mort de leur vivant. Une activité qui, il faut bien le reconnaître, peut faire l’objet d’une certaine procrastination et de multiples tentatives d’esquive. Ainsi, comme l’écrit Gian Domenico Borasio, «si nos connais-sances sur le commencement de la vie sont multiples et précises, la mort, elle, reste un domaine encore largement inexploré (…). Si l’on sélectionne la rubrique «mort» dans l’index d’un manuel de physiologie, on trouve des informations, mais seule-

tExtE:

béAtricE SchAAdE

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dimensions plus sensibles, comme les émotions suscitées par l’accompagnement de patients en fin de vie. Il étudie la commu-nication au sens large, en famille ou entre spécialistes, n’épargnant pas sa propre pro-fession toujours sur un mode élégant mais direct, assaisonné d’une pointe d’humour: un lubrifiant, un de plus. «Vous avez travaillé en équipe? Montrez-moi vos cicatrices», cite-t-il en évoquant les collaborations parfois hou-leuses entre les différents professionnels qui se retrouvent au chevet d’un mourant. Gian Domenico Borasio décrit nombre d’autres besoins du patient et de ses proches face à la finitude. Dans son style qui traduit une intelligence et une force de conviction hors du commun, il amène ainsi des éléments percutants voire provo-cants dans le débat, notamment dans les chapitres consacrés aux «pièges à éviter».

Le premier d’entre eux étant de croire que l’on soigne en prodiguant force traitements jusqu’au dernier souffle: «Pourtant les faits sont têtus. Les bénéfices et les effets indésirables d’une alimentation et d’une hydratation artificielles pour les patients en fin de vie sont documentés par des études scientifiques.» Construit sur une alternance d’analyses et de témoignages de patients et de proches, il étaye ses démonstrations

par des récits souvent sensibles. Interro-ger sa pratique, la frontière subtile entre conviction de soigner et risque de s’acharner, autant d’axes qui dessinent au fil des pages le domaine dans lequel Gian Domenico Borasio se distingue depuis des années sur le plan international. Or, regrette-t-il: «De nom-breuses personnes ne savent tout simplement pas ce que recouvre la médecine palliative». Citant une enquête de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), il écrit qu’à peine un tiers des Alémaniques peuvent en donner la définition. Les Romands sont les mieux informés (78%). Gian Domenico Borasio n’étant sans doute pas étranger à ce score élevé, lui qui occupe depuis 2011 la première chaire de soins palliatifs de Suisse romande et la promeut dans différentes instances fédé-rales. Son credo? «Dans l’idéal, elle (la méde-cine palliative, ndlr) pourrait durablement rendre la médecine moderne plus proche du patient, pluridisciplinaire et davantage portée au dialogue ainsi qu’à la réflexion sur ses limites. Cela n’ira pas sans difficultés. Il existe des résistances considérables au sein du système médical.»

Ces résistances, Gian Domenico Borasio en a déjà surmontées de nombreuses. A commencer par la séduction qu’il opère sur le lecteur, même le plus rétif à réfléchir à sa propre mort. Son livre s’intitule Mourir, il pourrait tout aussi bien être titré «Vivre». Car à se pencher de façon très pragmatique sur les différentes étapes qui précèdent la mort, il invite à une forme d’introspection profonde sur le sens de sa propre vie. Si ses lignes nous apprennent à mourir, elles nous apprennent donc tout autant à vivre, ici et maintenant, faisant écho aux écrits de Sénèque, comme un utile avertissement: «On remet la vie à plus tard. Pendant ce temps, elle s’enfuit.» /

MENS SANA tAbou

à lire«mourir, Ce que l’on sait, ce que l’on peut faire, comment s’y préparer.» Presses polytech-niques et universi-taires romandes, Le Savoir Suisse.

Le livre est dispo-nible en librairie ou chez l’éditeur:www.ppur.org

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MENS SANA tENdANcE

E néa a de bonnes notes. Mais elle perturbe la classe, bavarde et se plaint souvent. Une situation qui étonne sa mère, Stéphanie Laurent. A la maison, cette écolière

lausannoise alors âgée de 7 ans est calme, responsable et pas du genre à embêter les autres. Le problème? A l’école, Enéa s’ennuie. Une amie enseignante conseille alors à Stéphanie Laurent de faire passer un test à sa fille pour déterminer si elle est une enfant à haut potentiel. Le diagnostic est positif.

Les enfants à haut potentiel (HP) sont qualifiés de surdoués ou précoces. On les compare parfois à des enfants prodiges, ce qui contribue à l’augmentation des demandes de bilans psychologiques. «L’intérêt pour ce test est grandissant, confirme Pierre Fumeaux, pédopsychiatre au CHUV, qui réalise actuellement une étude sur le sujet. Il y a quelques années, face à un élève en difficulté, les parents ou les enseignants demandaient au médecin s’il était hyperactif. Aujourd’hui, c’est le

terme «haut potentiel» qui se retrouve sur le devant de la scène médiatique.» Contrairement aux idées reçues, surdoué ne rime pas toujours avec réussite. Les enfants à haut potentiel peuvent aussi surprendre par leurs échecs.

Un cerveaU différentPour être «diagnostiqué HP», il faut obtenir un score égal ou supérieur à 130 aux tests de quotient intellectuel (QI). «Mais ce chiffre ne suffit pas. Il s’agit également de comprendre dans quel contexte familial et social l’enfant s’insère, et saisir sa personnalité», explique Claudia Jankech, psychothérapeute à Lausanne, spécialiste de l’enfant et de l’adolescent.

Paradoxalement, un nombre important d’enfants HP rencontrent des problèmes scolaires. «Quand c’est trop facile pour eux, ils prennent l’habitude d’être en pilote automatique, relève la psychologue. Ils n’ont jamais appris à apprendre.» Ces difficultés s’expliquent en partie par ce que les spécialistes appellent la pensée en arborescence: «Les personnes standards

HaUt potentiel? les parents veUlent savoirLes bilans psychologiques se multiplient pour identifier les enfants précoces. Un effet de mode qui cache une réalité complexe: les jeunes surdoués peuvent aussi surprendre par leurs échecs. Te

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2%Le nombre

d’enfants HP au sein de la

population, selon l’Organisation mondiale de

la santé.

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Le nombre d’enfants HP

présentant des troubles

dépressifs, selon l’Association

suisse pour les enfants précoces.

33%

Le nombre d’enfants HP

qui réussissent à l’école, selon l’Association

française pour les enfants précoces.

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MENS SANA tENdANcE

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construisent un raisonnement logique par une pensée linéaire et séquentielle. La réflexion de l’enfant HP, en revanche, se caractérise par un feu d’artifice d’idées et d’intuitions redoutables. Il arrivera à résoudre des équations complexes mais aura beaucoup de peine à expliquer son raisonnement», détaille Pierre Fumeaux. Des études suggèrent que les enfants HP possèdent un cerveau qui fonctionne différemment. Ils bénéficieraient d’une meilleure transmission de l’information entre leurs deux hémisphères cérébraux. «On peut supposer qu’ils utilisent facilement leur cerveau droit et gauche et peuvent allier de très bonnes capacités en logique et en créativité», précise le pédopsychiatre.

D’autres travaux mettent en lumière que les enfants HP parviennent à jongler plus facilement avec des concepts et à réfléchir à des choses abstraites comme le calcul mental. «En faisant une imagerie cérébrale fonctionnelle, c’est-à-dire en injectant un produit qui va allumer les zones les plus vascularisées, on peut visualiser sur un scanner quelles zones du cerveau sont activées. Un stimulus ou une tâche donnée va activer certaines zones chez les individus standards. Chez l’enfant HP, plusieurs zones parfois plus étendues s’activent en même temps», ajoute-t-il. Ces indices guident les médecins sur la manière dont fonctionne l’esprit HP. «Mais nos connaissances en neurosciences restent limitées, admet le chercheur. Le haut potentiel n’est pas une maladie mais un profil cognitif singulier, ce qui n’en fait pas la priorité des chercheurs.»

Hyper-sensibilitéLes enfants HP se caractérisent également par des particularités émotionnelles avec une grande sensibilité et beaucoup

enéa

10 ansSage comme une image à la maison, Enéa bavarde et perturbe ses camarades en classe.

MatHys

8 ansMathys a connu une période d’angoisses irraisonnées parce qu’il avait connaissance du noyau de feu se trouvant au centre de la Terre.

natHael

6 ansNathael pleure pendant les fêtes de Noël parce que les pauvres souffrent du froid et de la faim.

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d’empathie. Les deux autres enfants de Stéphanie Laurent, des garçons, ont aussi été diagnostiqués à haut potentiel. «Nathael, 6 ans, pleure à Noël parce que les pauvres ont froid et n’ont rien à manger.» Une hyper-sensibilité qui l’affole. «Cela prend des proportions parfois énormes. A une période, Mathys, 8 ans, avait des angoisses irraisonnées parce qu’il savait qu’il y avait un noyau en feu au centre de la Terre.» Pour Myriam Bickle Graz, pédiatre du développement au CHUV, qui a rédigé un mémoire sur le sujet, «les enfants vus en consultation sont souvent débordés par leurs émotions. Certains sont des écorchés vifs, ils n’ont pas de filtre. La peur de la mort, par exemple, est très précoce.» Ils développent alors des symptômes comme l’anxiété, des troubles du sommeil, des relations difficiles avec les autres enfants ou de l’agressivité.

Comme dans la famille Laurent, il y a souvent plusieurs enfants surdoués au sein de la même fratrie. «Cela ne signifie pas forcément que toute la fratrie est HP, mais on observe un certain héritage génétique, sans pour autant le prouver scientifiquement, explique Myriam Bickle Graz. Cela reste une observation clinique.»

Si certains enfants à haut potentiel souffrent, la majorité d’entre eux vit normalement. Comme le résume Pierre Fumeaux, «les enfants HP les plus heureux sont ceux qui ne sont pas identifiés et qui parviennent à s’adapter». ⁄

intervieW«les MétHodes de diagnostic sont discUtables»dans le cadre d’une enquête menée sur les enfants surdoués, le sociologue français Wilfried Lignier a constaté que les tests censés détecter la précocité ne faisaient pas l’unanimité parmi les spécialistes. iV vous observez que les enfants précoces n’ont, pour la plupart, pas de problèmes scolaires ou psychologiques. pourquoi les parents leur font-ils passer des tests? WL il s’agit de parents particulièrement inquiets qui anticipent les difficultés, alors que leurs enfants ont toutes les chances de réussir. a leurs yeux, l’évaluation des enfants par l’école ne suffit pas. La psycho-logie offre un supplément de légitimité.

iV vous abordez la question de la précocité comme une conception «discutée et discutable». pourquoi? WL La non-reconnaissance de la précocité par de nombreux psychologues est avant tout liée au crédit très relatif accordé aux tests de Qi. Ces tests sont censés évaluer autre chose que les compétences scolaires, alors qu’ils ont une forme assez proche de l’exercice d’école. d’ailleurs, les enfants ne s’y trompent pas et disent parfois, à l’issue du test, qu’ils ont réussi les «maths» pour parler des épreuves de logique, ou le «français» pour parler des tests de vocabu-laire. Le fait que ces tests se rapprochent d’exercices scolaires contrevient à l’idée que l’intelligence ce ne serait pas la même chose que le niveau scolaire. or l’essen-tiel des effets sociaux attendus d’un test repose sur cette idée qu’ils donneraient accès à une vérité que ne dit pas l’école.

iV vous montrez que le diagnostic est sexué: comment expliquer que le haut potentiel soit détecté plus souvent chez les garçons?WL Les parents ont tendance à s’inquiéter davantage de leur devenir, sur lequel portent plus volontiers les espérances d’ascension sociale. Le fait que les garçons ont plus de chance de présenter des «symptômes», comme ne pas tenir en place ou manifester explicitement son ennui, joue aussi un rôle.

en savoir plUs«La petite noblesse de l’intelligence: Une sociologie des enfants surdoués», Wilfried Lignier, ed. La découverte, 2012.

Page 41: IN VIVO #3 FRA

médicaments:

MENS SANA proSpEctioN

tests de

39

L’encadrement des essais cLiniques a été renforcé en début d’année par

un changement LégisLatif reLatif à La recherche sur L’être humain.

ces mesures sont jugées insatisfaisantes.texte

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des patients»

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an dernier, 205 essais cliniques de médicaments ont été autori-sés en Suisse, incluant

chacun des centaines, voire des milliers de participants. Des tests non sans risques: 78 cas d’«effets indésirables graves inattendus» (voir lexique) ont été recensés par Swissmedic, l’autorité suisse de contrôle des produits théra-

peutiques. Or les personnes qui prennent part aux études ne sont pas assez protégées lorsqu’elles subissent des effets secondaires graves, juge l’Organisation suisse des patients (OSP).

La nouvelle loi relative à la recherche sur l’être humain (LRH), entrée en vigueur le 1er janvier 2014, a amélioré l’enca-drement des essais cliniques de médicaments, grâce notamment à la mise en place d’un registre national et à une meilleure clas-sification en fonction des risques. Elle n’a cependant pas introduit la revendication phare de l’OSP: l’inversion du fardeau de la preuve en cas de dommages.

«La législation n’est pas en faveur des patients, s’insurge la déléguée romande de l’OSP, Anne-Marie

Bollier. En cas de complications, il revient au lésé de prouver le lien avec le médicament admi-nistré dans le cadre des essais.» Ce qu’indique noir sur blanc le rapport explicatif sur les ordon-nances découlant de la LRH. Une «absurdité», critique la responsable: «Le rapport de force avec l’industrie et les assurances est inégal. Les patients n’ont pas 35 avocats payés à l’année pour les défendre.» L’OSP réclame que ce soit à la recherche et à son assurance d’infirmer le lien de causalité, et non aux participants de le démontrer.

Batailles juridiquesSans pouvoir fournir de chiffres précis, la présidente de l’OSP Margrit Kessler évoque «plusieurs cas» lors desquels des sujets d’essais cliniques victimes de

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«il est absurde qu’en cas de

complications, il revienne à la

personne lésée de prouver le lien

avec le médicament administré dans le

cadre d’essais cliniques», s’indigne anne-marie

Bollier, déléguée romande de l’organisation suisse

des patients.

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MENS SANA proSpEctioN

complications n’ont pas reçu de compensation financière ou ont dû batailler pour être dédomma-gés. Outre l’intransigeance des assurances et des promoteurs des études, l’OSP dénonce le déni des médecins investigateurs.

Sur son site internet, l’organisa-tion donne des exemples concrets. Tel celui de cet homme souffrant d’un mélanome avancé et qui, ne souhaitant pas subir de chimio-thérapie, a participé à un projet de recherche sur la base d’une autre substance. Neuf jours après le début des tests, il est frappé d’une paralysie partielle du visage, effet secondaire jamais mentionné auparavant. Tout lien avec le trai-tement est d’abord nié par le corps médical. C’est l’épouse du patient, infirmière, qui parvient à le prou-ver, après une longue procédure. Désormais, et après intervention de la Commission d’éthique, la parésie faciale figure dans le protocole d’information initial.

Du côté des professionnels de la santé, on considère que les garanties pour les patients sont suffisantes. «Je vois difficilement comment mieux protéger les par-ticipants, étant donné le nombre de règles et de bonnes pratiques à respecter», lance Bernard Waeber, directeur du Centre de recherche clinique du CHUV. «Avant de se prononcer sur une éventuelle modification du fardeau de la preuve, il s’agit d’abord de tirer les enseignements de la première année d’application de la nouvelle LRH», indique pour sa part Maximiliano Wepfer, responsable

suppléant de la communication de la Fédération des médecins suisses (FMH).

encadrer les tests individuelsLe sort des sujets d’études cli-niques de médicaments n’est pas le seul à préoccuper l’OSP. L’asso-ciation faîtière exige également davantage de protection lors d’essais thérapeutiques individuels. Il s’agit d’une pratique légale, à la condition que le patient donne son «consentement éclairé» et qu’il soit informé correctement. Mais la réalité diffère parfois, relève Anne-Marie Bollier, de l’OSP. «Les patients dont la vie est en danger sont prêts à essayer n’importe quoi et l’information n’est pas toujours optimale», constate-t-elle.

L’OSP a demandé en vain que les essais thérapeutiques individuels soient inclus dans la nouvelle LRH. «Nous voulons que la loi oblige à conserver une trace écrite de ce que savait le patient au moment de tester le traitement», précise Anne-Marie Bollier. L’organisation a remporté une demi-victoire: suite à ses doléances, l’Académie suisse des sciences médicales a mis en consultation des directives relatives à la distinction entre thérapie standard et thérapie expérimentale, incluant notam-ment des règles précises quant aux informations à fournir aux patients. La déléguée salue cette avancée tout en restant prudente: «Cela permet au moins de bénéficier d’un texte de référence en cas de contestation devant les tribunaux.» ⁄

termes clés 1. Essai clinique etude réalisée sur l’être humain et visant à vérifier la sécurité, l’efficacité ou d’autres propriétés d’un produit thérapeutique (par exemple d’un médicament) clinique.

2. Promoteur personne ou institution qui prend l’initiative d’un essai clinique.

3. Investigateur personne responsable de la réalisation pratique d’un essai clinique (par exemple un médecin).

4. Effet indésirable grave inattenduréaction novice (qui entraîne la mort, met en danger la vie ou encore nécessite une hospitalisation prolongée) inattendue liée à l’emploi d’un médicament expérimental lors d’un essai clinique.

5. Essai thérapeutique individuelexpérimentation d’une thérapie non standard (par exemple d’un médicament non autorisé) dans le cadre d’une consultation individuelle.

41

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MENS SANA DéCRYPTAGE

42

Faut-il taxer les aliments gras ou sucrés pour décourager les consommateurs? Plusieurs pays s’y sont essayés. Leurs expériences sont révélatrices.

n Suisse, 41% de la population est en surpoids et un dixième est obèse. Ailleurs, la situation est pire. Près de 70% de la population des Etats-Unis a trop de kilos et un tiers est obèse. Face à cette épidémie, qui favorise le diabète et les maladies cardiovas-culaires

ou même la réapparition d’affections oubliées comme la goutte, plusieurs pays ont décidé de taxer les aliments sucrés ou gras.

Mais quelle est l’efficacité de ces mesures? Une taxe

de 10% sur les sodas aboutirait à une diminution de 7% des calories consom-mées par ce biais, a calculé une étude parue dans le journal Archives of Internal Medicine. De même, une taxe de 18% sur les aliments malsains aurait pour effet de faire perdre seulement 2 kilos par an aux

18-30 ans en surpoids.

«Si on veut modifier le comportement des consom-mateurs, il faut que le montant de la taxe soit suffisamment élevé, indique Oliver Mytton, un chercheur au Centre for Diet and Activity Research de l’Université de Cambridge (GB) qui a analysé 30 études internationales portant sur un tel impôt. Sinon, les gens ne la remarquent même pas ou elle est absorbée par les

TexTeJuLie Zaugg

Danemark

Le Danemark a imposé en octobre 2011 une taxe sur

les aliments dont le contenu en graisses trans excédait 2,3%, ce qui a abouti à une hausse de 10% envi-ron de leurs prix. elle a été abandonnée fin 2012, suite à la pres-sion de l’industrie et des syndicats, tout comme un impôt sur le sucre prévu

pour 2013.

L’impot sur Les caLories

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magasins.» Pour qu’elle fasse mal au porte-monnaie, il faut qu’elle atteigne au moins 20%, dit-il. Il préconise de taxer en priorité les boissons sucrées. «Elles ne sont pas nécessaires à notre alimenta-tion, n’amenant que des calories «vides» qui ne procurent aucun sentiment de satiété, détaille-t-il. Il est donc tout à fait légitime de les cibler.»

Les rares exemples de taxes mises en œuvre livrent aussi des enseignements. Le Danemark a introduit un impôt sur les graisses trans en octobre 2011, abrogé

début 2013. «Durant cette période, on a constaté une baisse de 10 à 15% de la consommation de graisses et d’huiles, indique Sinne Smed, une chercheuse du Département de l’alimentation et des ressources économiques de l’Université de Copenhague. Les résultats préliminaires d’une nouvelle étude montrent une diminution de 6% de la consommation des acides gras saturés. Les gens semblent avoir particulièrement renoncé au beurre et à la margarine.» Plus anecdotique mais tout aussi parlant, lorsque la cafétéria du Brigham and Women’s Hospital de Boston (Etats-Unis) a instauré une hausse de 35% sur les sodas, leur consommation a diminué de 26%.

etats-unis:

Près de deux tiers des etats américains

(35 en 2011) ont introduit un impôt sur les boissons sucrées, mais il dépasse rare-ment 4%. New York

a interdit à ses restau-rants de cuisiner avec des graisses trans en 2006. en revanche, une loi limitant la taille des sodas à

16 onces (un demi-litre) a été annulée à la dernière minute.

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Le routier Conrad Tolby et le fermier José angel galaviz Carrillo (p. 44) ont été photographiés par Peter Menzel pour le livre «What i eat: around the World in 80 Diets», qui présente des hommes et femmes de 30 pays autour du globe, accompagnés de leur nourriture journalière.

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Mais taxer la nourriture génère aussi des effets pervers. «Si on cible des aliments comme l’huile ou le beurre, que tout le monde consomme, on risque de pousser les gens à se tourner vers un produit de substitution tout aussi malsain, relève Oliver Mytton. Les consommateurs ont tendance à remplacer le gras par le salé.» On risque aussi de pénaliser les aliments gras mais néanmoins sains, comme les avocats ou les noix. A l’inverse, il n’existe que peu de substituts malsains aux boissons sucrées. «Les gens boiront de l’eau ou du jus de fruits à la place», note-t-il.

«Certains consommateurs pourraient même réduire leur consommation de fruits et légumes pour pouvoir se payer des produits malsains, renonçant aux carottes pour s’offrir un paquet de chips», relève Sinne Smed. En 2012, 48% des Danois ont aussi franchi la frontière pour faire leurs courses en Allemagne ou en Suède.

L’impôt sur le gras et le sucre, qui est dégressif, a en outre pour effet de frapper les pauvres de façon disproportionnée.

«Les familles à bas revenu ont tendance à vivre dans des «déserts nutritionnels», où l’on ne trouve que des aliments gras et pré-cuisinés», souligne Roberta Friedman, directrice des politiques publiques au Centre Rudd pour la politique nutritionnelle et l’obésité de l’Université Yale (USA). Mais Jim O’Hara, de l’ONG Center for the Science in the Public Interest, qui a été l’une des

mexique:

Le parlement mexicain vient de passer une taxe de 8% sur les aliments comportant plus de

275 calories pour 100 grammes et un impôt de 1 peso par litre sur les sodas.

Le pays est le premier consommateur de

boissons gazeuses au monde, avec 163 litres

bus par personne par an.

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premières à prôner la fiscalité nutrition-nelle, rappelle que «les populations défavorisées sont aussi celles qui souffrent le plus d’obésité et de diabète et profite-raient donc en premier lieu des améliora-tions apportées par de telles taxes».

Autre obstacle, les taxes sur les aliments malsains doivent passer le barrage de l’industrie alimentaire. «Elle est parvenue à tuer une taxe sur les boissons sucrées à New York en 2010», rappelle Jim O’Hara. L’American Beverage Association a investi 9,4 millions de dollars dans cette campagne. En face, les organisations favorables à la taxe ont dû se contenter de 2,5 à 5 millions de dollars.

Sinne Smed a observé le même phénomène au Danemark. «Avant l’introduction de la taxe, une majorité de la population y était favorable. Mais l’industrie a passé des mois à argumenter que cela pesait sur les salaires, détruisait des emplois et générait une surcharge administrative pour les paysans et les petits producteurs. Résultat, l’opinion publique a changé de bord.» En avril 2012, 75% des Danois étaient contre la taxe.

Si la fat tax ne représente pas la panacée pour lutter contre l’obésité, il s’agit d’une pièce importante du puzzle. «Cet impôt peut servir à générer du revenu pour financer des mesures de prévention, comme l’introduction de repas sains dans les écoles ou la promotion du sport», souligne Roberta Friedman. «On pourrait utiliser cet argent pour subventionner les fruits et légumes, ce qui ferait baisser leur prix au fur et à mesure que celui des aliments gras augmente», ajoute Sinne Smed. Au Danemark, la taxe sur les graisses trans avait permis de lever 216 millions de dollars. ⁄

iv Comment fait-on pour traiter les patients obèses?fp Le traitement comporte trois volets. Le premier est diététique: il s’agit d’apprendre aux patients à identifier les graisses et les sucres cachés, à mieux évaluer les quantités consommées et à connaître la valeur de différents nutriments. Le deuxième est psycholo-gique: on va travailler sur les troubles du comporte-ment alimentaire à l’origine de la prise de poids. Le troisième a pour but de favoriser l’activité physique.

iv Et si cela ne suffit pas?fp environ la moitié des patients qui consultent chez nous auront recours

à la chirurgie de l’obésité, sous la forme d’un bypass gastrique. Comme il s’agit d’une opération irréversible, il faut prendre garde à ce que la personne soit bien préparée, que son poids soit stabilisé et qu’elle soit suivie à vie.

iv Peut-on aussi agir en amont?fp Nous venons de créer une consultation pour les patients en surpoids. elle a pour but d’attraper les gens avant qu’ils ne développent une obésité morbide, en les aidant à faire le lien entre ce qu’ils mangent ou leur activité physique et la prise de poids. Certains n’en ont pas conscience ou sont dans le déni. ⁄

iNTeRvieW Pour François Pralong, favoriser l’activité physique et développer l’éducation alimentaire constituent des éléments essentiels dans la lutte contre l’obésité.

François Pralong, chef du service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme au CHuv.

«NOuS aiDONS à FaiRe Le LieN eNTRe aLiMeNTaTiON, aCTiviTé PHYSique eT PRiSe De POiDS»

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MENS SANA chroNiquE

Les neurosciences vivent leur âge d’or: les connaissances en la matière ne

cessent de croître et l’outillage à disposi-tion est d’une sophistication qui dépasse

toutes les attentes. Les patients atteints de maladies psychiatriques ne bénéficient

pourtant pas de ces progrès.

Le cerveau est la machine la plus complexe qui soit et ne révèle ses secrets que par

bribes. Mais plus on en sait sur son fonc-tionnement, moins on comprend ses failles. Autrement dit, les découvertes faites dans le

domaine des neurosciences ne nous aident pas à comprendre les troubles mentaux. Car

chaque trouble mental est la manifestation de centaines de processus pathologiques impli-quant l’interaction du cerveau avec son envi-ronnement physique, psychologique et social.

D’ailleurs, malgré des efforts considérables et coûteux, on ne sait toujours rien d’utile sur la pathophysiologie des troubles mentaux. Et il

n’existe aucun examen biologique pour les diagnostiquer. Leur référencement se fera petit

à petit, minutieusement et difficilement sur des dizaines d’années, sans que cela engendre

des découvertes époustouflantes.

En finançant et en soutenant en prio-rité les futures découvertes, on ignore honteusement les besoins criants des patients. Aux Etats-Unis, les ressources considérables du National Institute of Mental Health (NIMH) sont exclusi-vement dédiées aux neurosciences. Son portefeuille de recherche est désespéré-ment limité en matière d’essais cliniques et ne compte que très peu d’études psycho-sociales. Cet institut promet de résoudre les énigmes futures des neurosciences sans se soucier de l’état déplorable des soins aujourd’hui.

Depuis 50 ans, les Etats-Unis ont supprimé près d’un million de lits en psychiatrie pour cause de «désinstitutionnalisation». L’argent devait servir au traitement communautaire et à la construction de logements décents; cela n’a pas été le cas. Les budgets de santé mentale, jamais suffisants, ont été progressivement, mais drastiquement réduits. Les patients recevant des soins insuffisants et souvent sans domicile sont fréquemment incarcérés pour atteinte à l’ordre public, des situations facilement évitables avec la prise en charge de leurs besoins basiques. La plupart des pays européens ont mieux géré la désinstitutionalisation, le traitement communau-taire et la construction de logements décents.

Les bienfaits espérés, mais incertains, censés découler des progrès technologiques, ont triomphé de la tâche plus ingrate mais bien plus utile consis-tant à fournir soins et logement à ceux qui en ont besoin maintenant. Si la recherche en neuroscience est une bonne chose, notre propension à exagérer ses potentialités a contribué à alimenter le fléau de la criminalisation des maladies mentales. ⁄

PROFILAllen Frances est

professeur de psychiatrie à l’Université Duke.

Il a présidé le groupe de travail chargé de la 4e édition du Manuel

diagnostique et sta-tistique des troubles

mentaux (DSM-IV), bible internationale des troubles psychiatriques. en savOIR PLus

http://psychiatry.duke.edu/

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AllEn FRAncES Professeur de psychiatrie à l’Université Duke

L’intérêt croissant pour les neurosciences dessert vivement les patients

atteints de maladie mentale.

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Asthme, troubles cardiaques, maladie de Parkinson: le courant

électrique suscite l’intérêt des médecins pour le traitement de certaines pathologies.

Les pistes de recherche se multiplient. TExTE: JEAn-chRISTophE pIoT

Image de synthèse illustrant le traitement par stimulation cérébrale profonde.

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Les Promessesde L’éLectricité

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corPorE SANo iNNoVATioN

48

Influx nerveux, pulsations cardiaques, fonctionnement neuronal: le corps humain est une centrale électrique et les diagnostics médicaux pourraient difficilement se passer de cou-rant – il suffit d’avoir passé une électrocardiographie (EcG) pour en prendre conscience. l’utilisa-tion thérapeutique de l’électricité, en revanche, a toujours fait débat. pour beaucoup, son usage se limite à la stimulation électrique transcutanée (TEnS). cette technique, qui consiste à fixer des électrodes à la surface de la peau, est largement répandue dans les hôpitaux allemands et américains. En jouant sur la fré-quence électrique et la durée du traitement, les algologues (spé-cialistes de la douleur) soulagent les patients atteints de rhuma-tismes ou d’arthrose et résistants aux analgésiques. Mais d’autres applications thérapeutiques de l’électricité sont explorées.

l’électrothérapie est déjà une réalité pour le traitement des troubles du rythme cardiaque. Fréquentes après 65 ans – 5% de la population mondiale dans cette classe d’âge souffrent d’arythmie – ces pathologies peuvent toucher des malades plus jeunes. or, «les traitements médicamenteux ne fonctionne-ment pas toujours et la recherche pharmaceutique peine à trouver des molécules efficaces», explique Martin Fromer, médecin-chef de l’Unité des troubles du rythme cardiaque au chUV. lui et son équipe traitent depuis plusieurs années les arythmies grâce à des

cathéters placés dans le cœur des malades: «les progrès de l’imagerie nous permettent de fusionner les informations électriques et anatomiques pour disposer d’une cartogra-phie précise des zones à l’origine des troubles.» le praticien oriente les cathéters pour traiter les anomalies structurelles par des courants électromagnétiques de différentes fréquences. cette technique stabilise la maladie chez les patients les plus âgés et réduit les risques de mort subite. la guérison est définitive chez les moins de 30 ans.

stImuLatIOn céRébRaLe PROFOndel’électricité se prête également au traitement des maladies neurodégénératives comme celle de parkinson. Depuis une vingtaine d’années, la stimulation cérébrale profonde permet aux neurologues de bénéficier d’une approche thérapeutique, réversible et modulable qui s’est affinée au fil du temps. les médecins implantent une électrode dans chaque hémis-phère cérébral et les positionnent à l’aide d’une reconstruction tridi-mensionnelle du cerveau. les électrodes sont ensuite connec-tées à un boîtier de contrôle

sous-claviculaire. la technique a fait ses preuves chez les patients sévèrement atteints en réduisant nettement les manifestations les plus sévères, notamment l’akinésie (impossibilité d’effectuer certains mouvements) et la rigidité du corps. prometteur, le procédé souffre encore d’un suivi post-opératoire important, d’autant que les effets indésirables sont lourds dans 2 à 3% des cas: confusion mentale, hémiparésie (paralysie partielle), hématomes…

la stimulation cérébrale pro-fonde intéresse les spécialistes d’autres pathologies neurolo-giques. A l’Institut des neuros-ciences de Grenoble, l’équipe du physicien olivier David travaille en étroite collaboration avec les neurologues du chU sur certaines formes d’épilep-sie résistantes aux traitements classiques: «lorsque l’électrode implantée dans le cerveau perçoit une anomalie de l’activité électrique neuronale, elle émet

1748c’est L’Année durAnt LAqueLLe

Le Physicien genevois JeAn JALLAbert met Au Point une mAchine

éLectrostAtique PermettAnt de Produire des contrActions dAns Les muscLes

de PAtients PArALysés.—

60-200LA fréquence en hertz des courAnts

utiLisés en neurostimuLAtion éLectrique trAnscutAnée,

une technique utiLe dAns Le trAitement contre LA douLeur.

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49

corPorE SANo iNNoVATioN

une stimulation électrique pour la réguler.» les premières études cliniques sont encourageantes: «chez un patient sur deux, nous parvenons à réduire le nombre de crises de moitié», indique olivier David. pour autant, valider cette nouvelle prise en charge prendra du temps: «Techniquement, l’intervention est maîtrisée, mais cinq à dix ans seront nécessaires pour affiner les protocoles et imaginer un remboursement de ce type de thérapies par les assurances.»

sOuLageR Les asthmatIquesA San Antonio, au Texas, pedro Sepulveda, pneumologue à l’Alamo clinical Research center, en est à un stade de développe-ment similaire. lui et son équipe ont expérimenté l’électrothéra-pie chez des patients atteints d’asthme sévère et non réactifs aux traitements pharmacolo-giques (corticoïdes oraux ou bronchodilatateurs): «la procé-dure consiste à placer, après une anesthésie locale, une électrode en percutané (par absorption à travers la peau, ndlr) à l’aide de guidage par ultrasons à proxi-mité de la gaine carotidienne (au niveau du cou, ndlr)», détaille le spécialiste. la zone a ensuite été stimulée électriquement pendant trois heures. Avec des résultats probants: le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) des patients a augmenté de 10 à 15% dans la demi-heure suivant l’intervention. «A l’avenir, ces traitements non pharmacolo-giques pourraient soulager les patients les plus fragiles.» /

à L’éPoqueromAine

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Sous l’Empire romain, des médecins recouraient déjà à l’électricité pour guérir leurs

patients, à partir d’une source naturelle de courant: les

poissons. Scribonius largus, médecin personnel de l’empe-reur claude, est resté célèbre pour avoir cherché à soulager son patient de ses crises de goutte et de ses migraines

fréquentes. Il plaçait une torpille entre les sourcils de l’empereur et laissait cette «raie électrique» décharger son courant jusqu’à

ce que les sens du malade soient engourdis. les torpilles sont capables de délivrer des chocs électriques dépassant

les 30 ampères.

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laude a passé plus de deux tiers de sa vie en hôpital psychiatrique. Condamné en 1975 pour avoir assassiné l’amant de sa compagne, le Français, aujourd’hui âgé de 69 ans, a d’abord passé huit ans en prison,

avant d’être interné dans une unité

pour malades difficiles.

En 2008, alors qu’il se trouvait dans le Centre hospitalier de Cadillac, à Bordeaux, il a revendiqué le droit d’avoir des relations sexuelles, «contestant le règlement interne de son unité, qui prohibait tout rapport de ce type», indique son avocat Pierre Burucoa. L’affaire est remontée jusqu’à la cour administrative d’appel de Bordeaux, qui lui a donné raison en janvier 2013, estimant que la sexualité était un droit fondamental, au même titre que le droit au respect de la vie privée garanti par la Convention européenne des droits de l’homme.

Ce cas – de par son contexte sécuritaire particulier – est exceptionnel. «On a toutefois affaire à un vrai tabou en France, note Pierre Burucoa. La question des relations sexuelles entre patients se pose dans tous les hôpitaux psychiatriques, mais aucun ne dispose de règles claires à ce sujet.»

La situation est différente dans le canton de Vaud, où les personnes comme Claude ne séjournent pas dans les hôpitaux psychiatriques, dans lesquels

la durée moyenne de séjour est inférieure à un mois. «A l’hôpital

de Cery (VD), les relations sexuelles, qui sont un

droit fondamental, ne sont pas

formellement interdites,

mais

SExE Et PSyChiAtriE, un méLAngE ExPLOSiF? texte: Julie Zaugg

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Les professionnels s’interrogent sur la question des relations sexuelles entre patients en hôpital psychiatrique de soins aigus. Certaines institutions romandes ont commencé à faire appel à des assistants sexuels.

CORPORe SaNO taBOu

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51

le livre d’accueil demande aux patients de s’en abstenir durant leur séjour», confirme Philippe Conus, le chef du service de psychiatrie générale du ChuV. il précise que «les hôpitaux psychiatriques vaudois ne sont plus des lieux de vie: les patients se trouvent pour la plupart en situation de crise aiguë et y résident pour une courte durée (20 jours en moyenne à Cery). Dans un tel contexte d’instabilité psychique, certains patients peuvent être vulnérables, ou leur discernement peut être gravement perturbé, ce qui justifie un certain degré d’attention de la part des soignants.»

Cette prudence renvoie à la crainte de provoquer de la souffrance. «Les personnes qui se font hospitaliser en psychiatrie sont dans une situation de grande détresse et vulnérabilité, souligne la psychiatre giuliana galli Carminati, ancienne médecin-adjointe à l’hôpital de Belle-idée, à genève. ils ne sont pas à même de prendre une décision réfléchie sur leur sexua-lité.» Derrière ce postulat se trouve la question du discernement, particuliè-rement difficile à évaluer chez les personnes soumises à des pulsions ou des hallucinations.

Le désir sexuel peut également conduire à la remise en question du traitement médicamenteux: «Les neuroleptiques peuvent induire l’impuissance, indique Philippe Conus. il arrive ainsi que des patients arrêtent de les prendre pour éviter cet effet désagréable. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous discutons régulière-ment

avec eux de tous les effets secondaires, pour chercher des alternatives et les aider à vivre une vie normale.»

Autre danger, le désir sexuel fait parfois carrément partie des symptômes de la maladie. «Certains états maniaques chez les patients bipolaires sont associés à une tendance à la promiscuité et à la désinhibition», détaille Philippe Conus.

«Derrière l’interDitDe la sexualitéDes patients enpsychiatrie, se cache la peur que le rapport ne Débouche sur une grossesseinassumable.»JEAn-LOuiS KOrPèS

CORPORe SaNO taBOu

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Certains troubles sont associés à des comportements imprévisibles. «Les personnes avec des perversions sexuelles peuvent devenir violentes ou dangereuses, indique Catherine Agthe, sexopédagogue et présidente de l’association Sexualité et handicaps Pluriels. D’autres présentent des tendances pédophiles ou des pulsions fétichistes qu’elles cherchent à imposer à autrui.»

La question de la sexualité des patients en psychiatrie soulève en outre un énorme non-dit. «Derrière cet interdit se cache la peur que le rapport ne débouche sur une grossesse, sur un enfant dont l’éducation ne pourra pas être assumée», relève Jean-Louis Korpès, professeur à la haute école fribourgeoise de travail social.

«il n’est évidemment pas question d’interdire à une patiente de tomber enceinte, mais avant qu’elle ne prenne cette décision, on va discuter avec elle,

voir si c’est le bon moment dans sa vie et quelles sont ses capacités

pour entourer l’enfant, note Philippe Conus. Cela

permettra de mettre sur pied un

encadrement étroit en

cours

de grossesse et après l’accouchement.» il précise que le risque de dépression post-partum est exacerbé chez les femmes souffrant d’un trouble psychique et que certains médicaments n’étant pas compatibles avec une grossesse, il faudra ajuster le traitement.

il semblerait que la prohibition des relations sexuelles soit peu judicieuse. «une partie des patients cherchera de toute manière à transgresser l’interdit», fait remarquer Catherine Agthe. Et lorsque les relations sexuelles se déroulent de façon clandestine, elles peuvent mener à des dérives bien plus graves que l’acte lui-même. «On en arrive à des situations scabreuses, des gens qui ont des relations dans les toilettes ou dans les jardins, détaille Jean-Louis Korpès. En raison du manque d’information fourni et de l’absence de moyens de contraception, cela risque aussi d’aboutir à la transmission de maladies sexuelles.»

Dans certains cas, le recours à des assis-tants sexuels pourrait représenter une nouvelle piste. Ces personnes formées pour apporter une aide sexuelle aux per-sonnes handicapées œuvrent en Suisse romande depuis 2009 et outre-Sarine depuis le début des années 2000. «A genève, les services de psychiatrie col-laborent déjà ponctuellement avec nous, indique Catherine Agthe, dont l’associa-

tion gère la formation des assistants et assistantes sexuels romands.

A Lausanne, ils commencent à s’y intéresser.» Quelque

20% des demandes enregistrées par

l’association Sexualité

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et handicaps Pluriels émanent de per-sonnes avec des troubles psychiques.

«Si l’un de nos patients était agressif ou tendu, et que cela paraissait lié à une frustration sexuelle, il arrivait que nous fassions appel à une assistante sexuelle», confirme giuliana galli Carminati, en évoquant la pratique de l’hôpital genevois de Belle-idée. Chaque cas devait cependant faire l’objet d’une évaluation soignée.

Chez les handiCapés mentaux, le tabou est tombé depuis longtempsSi les relations sexuelles entre patients en psychiatrie sont vues d’un mauvais œil, celles impliquant les handicapés mentaux font désormais partie de la norme. «Le personnel des structures d’accueil est formé aux questions de la vie affective et sexuelle et les résidents bénéficient d’espaces de parole, détaille Catherine Agthe, sexopé-dagogue et directrice de l’association Sexualité et handicaps Pluriels. Depuis une vingtaine d’années, on dispose également de réponses concrètes sous la forme de soirées de rencontres, de «slow dating,» de chambres doubles pour les couples et, depuis les années 2000, d’assistance sexuelle.»

Carmen Wegmann, de l’organisation insieme, pense que la ratifica-tion par la Suisse de la Convention de 2006 relative aux droits des personnes handicapées a donné un coup d’accélérateur à la «norma-lisation» de tous les aspects de leur vie, y compris intime. il subsiste toutefois de grandes différences entre institutions: «Certaines autorisent le partage de chambres et discutent très ouvertement de la sexualité de leurs résidents, alors que d’autres la nient, assurant que «ça» n’existe pas chez elles», indique-t-elle. La sexualité des personnes souffrant d’un handicap mental a aussi créé de nouveaux défis. «Leur soutien par une assistance sexuelle est essentiel, mais il arrive qu’elles s’attachent trop ou tombent amoureuses de la personne qui prodigue ce service», détaille Carmen Wegmann. La question d’une éventuelle grossesse n’est pas non plus réglée. «Avoir un enfant fait partie des droits fondamentaux, mais cela reste très compliqué en pratique, dit-elle. Souvent, ces femmes ont elles-mêmes besoin d’un soutien au quotidien.»

«Cette solution ne peut être envisagée que pour les malades qui possèdent un minimum de maîtrise sur soi et une certaine maturité affective», dit-elle. Et cela doit rester une prestation ambula-toire, effectuée en dehors de l’hôpital. «il n’est pas question de mélanger les genres, insiste-t-elle. La prise en charge médicale et les relations intimes ne doivent pas se dérouler dans le même lieu.» /

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a science de l’immortalité a de tout temps fait rêver les cher-cheurs. En 1914 déjà, le chirurgien français Serge Voronoff espérait

prolonger la vie des humains en leur implantant des testicules de singe. Ces dernières années, la recherche d’une méthode pour stopper – ou du moins ralentir – le vieillissement a bénéficié d’un regain de jeunesse. En 2013, Google a fondé une start-up, Calico, qui a pour objectif de trouver un remède à la vieillesse. Autre exemple, Dmitry Itskov, un multimillionnaire russe, a réuni des chercheurs du monde entier pour travailler sur la thématique. «Le nombre de projets aug-mente pour une simple raison: nous nous approchons du but fi-nal, explique Aubrey de Grey, un spécialiste de la question. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous disposons

d’un bagage de connaissances assez large pour savoir comment augmenter l’espérance de vie. Ce n’est plus qu’une question de temps.» Tour d’horizon des projets les plus intéressants.

1RajeuniR le cœuR

des souRisAmy Wagers et Richard T. Lee, des chercheurs du Harvard Stem Cell Institute (USA), ont connecté chirurgicalement la circulation sanguine d’une souris âgée à celle d’un rongeur plus jeune. Après seulement quatre semaines, les symptômes d’in-suffisance cardiaque liés à l’âge du rongeur plus âgé avaient disparu. «Les muscles du cœur d’une souris, comme celui d’un être humain d’ailleurs, s’épais-sissent avec l’âge, ce qui aug-mente les risques de maladies cardiaques, explique Richard T. Lee. Lors de notre expérience, le cœur de la souris plus âgée avait clairement retrouvé la taille

de celui du rongeur plus jeune. On pouvait le constater à l’œil nu.» Les chercheurs ont aussi remarqué que ce rajeunissement était causé par la présence d’une hormone sanguine, GDF-II. Ils essaient maintenant d’établir quels sont les effets de cette hormone sur d’autres organes. «Nous souhaitons lancer des essais cliniques dans quatre ou cinq ans.»

2le paRadoxe de

la sélection natuRelleLa sélection naturelle favorise les organismes qui ont les meilleures aptitudes de survie et de reproduction. Selon cette logique, elle devrait a priori empêcher la transmission de gènes qui déclenchent le processus de vieillissement. Ce qui n’est pas le cas. Le cher-cheur britannique John Pannell, professeur au Département d’écologie et évolution de l’UNIL, a voulu comprendre pourquoi.

la quête de l’immoRtalité

UN NOmbRE CROISSANT DE PROJETS SCIENTIFIqUES CHERCHENT à PROLONGER L’ESPéRANCE DE VIE.

LES TESTS SUR LES êTRES HUmAINS COmmENCERONT PROCHAINEmENT.

l

TExTE: CLémENT büRGEILLUSTRATION: LEHA VAN kOmmER

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Pour cela, il a étudié la longévité d’une plante, la «Silene latifolia»: «C’est un paradoxe, le vieillis-sement et la détérioration de l’organisme empêchent la survie et la reproduction», dit-il. Son

équipe a mené une étude expé-rimentale de génétique quantita-tive. «Nous avons découvert que les organismes ne développent pas des mutations génétiques au début de leur vie, car ils ont plus

de chances de se reproduire, explique le scientifique. Par contre, dès qu’ils commencent à prendre de l’âge, ces organismes ont moins de chances de se reproduire. Ils développent alors des signes de sénescence.» Les gènes qui causent le vieillisse-ment sont ensuite transmis de génération en génération pour une raison importante: «On au-rait pu attendre que la sélection naturelle supprime ces gènes, mais ils offrent une série d’avan-tages, notamment reproductifs, dont il est difficile de se passer.» Un constat qui permet de mieux comprendre le fonctionnement du vieillissement, et d’augmen-ter les chances de trouver un traitement.

3les sept causes

du vieillissementLe britannique Aubrey de Grey est un symbole de la lutte contre le vieillissement. Avec sa barbe, son teint pâle et sa longue silhouette, l’ancien infor-maticien formé à l’Université de Cambridge (Gb) et autodidacte en biogérontologie, a un air shakespearien. Il a identifié sept causes au processus du vieillissement, comme le non-remplacement des cellules qui meurent, la rétention des cellules qui devraient mourir, les mutations dans le génome nucléaire et mitochondrial et l’accumulation des déchets à l’intérieur et à l’extérieur des cellules. Il a fondé SENS – Strategies for Engineered Negligible Senescence – une

mettRe des gaRde-fous

Réglementer la productionLe développement de médicaments qui soignent le vieillissement peut être sensible du côté de l’industrie pharmaceutique. «Les traitements qui seront développés seront principa-lement préventifs, explique Hugo Aguilaniu. L’industrie pharmaceutique pourra en théorie vendre un nombre infini de médicaments. Jusqu’où ira-t-elle? Je crains que ces compagnies ne soient pas à même de fixer des limites raisonnables.» Le chiffre d’affaires généré par ces médicaments pourrait potentiellement être quasi infini: «Il faudra une régulation externe», affirme l’expert de la longévité. Autre obstacle, pour prouver que ces médicaments augmentent la longévité, il faudrait réaliser des essais cliniques sur une durée de 50 ans. «Ce qu’aucune compagnie n’aurait les moyens de faire», dit-il.

Prévenir les répercussions socialesTout être humain doit mourir un jour. Certaines personnes estiment que prolonger artificiellement la vie d’un être humain serait contre nature. «Certaines personnes pensent qu’il faut distinguer le vieillissement et les maladies liées à l’âge, ce qui est absurde, estime Aubrey de Grey. Nous cherchons à ralentir l’accumu-lation des dégâts corporels pour finalement soigner les maladies causées par le vieillissement. Il s’agit uniquement de médecine préventive.» Rallonger l’espérance de vie va aussi poser un énorme défi à la société: «Les répercussions sociales vont être drama-tiques, explique Rafael de Cabo. Comment vont s’occuper des gens qui vivent jusqu’à 120 ou 150 ans? Comment payer leur prise en charge? Il faudrait prévoir une profonde refonte de la société.» Le chercheur japonais Shin kubota estime aussi que la croissance démographique risque d’être ingérable.

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fondation basée aux Etats-Unis, qui travaille sur ces sept points. «Nous finançons des projets de médecine régénérative et nous en conduisons un certain nombre, explique Aubrey de Grey. Notre but est de préve-nir les maladies liées à l’âge.» L’homme est convaincu que le premier homme qui va vivre jusqu’à 1’000 ans est déjà en vie: «J’estime qu’il y a 30 à 40% de chances que les gens de mon âge, dans la quarantaine, soient assez jeunes pour profiter de ces thérapies.»

4la RepRoduction,

clé de la longévité?Les recherches de Hugo Aguila-niu, de l’Ecole normale supé-rieure de Lyon (F), sont parties d’un constat: au moment de la reproduction, les organismes animaux rajeunissent radica-lement. «Au moment de la conception d’un enfant, des cellules âgées de plusieurs dizaines années – celles de ses parents – fusionnent pour créer des cellules d’âge zéro, explique Hugo Aguilaniu. Je voulais comprendre comment cela fonctionnait.» Le cher-cheur français a notamment observé un ver nématode nommé «Caenorhabditis elegans», et découvert que le taux d’oxydation de ses ovocytes diminuait fortement au moment de la reproduction. «Une fois le processus mis en évidence, nous serons capables d’identifier les gènes et les protéines correspondantes

qui pourraient ralentir le vieil-lissement chez l’être humain.» Le chercheur emploie aussi une autre approche: «Nous analysons l’impact de certains gènes qui ont le potentiel d’augmenter la longévité de l’organisme.» Il en existerait une cinquantaine, ayant notam-ment un impact sur la résis-tance au stress. «Le problème, c’est que si on les active, on risque de mettre en danger les capacités reproductives de l’humain.» Le chercheur a déjà déposé des brevets sur certains gènes, comme le nhr-80: «Nous continuons notre travail, mais nous sommes en-core à plusieurs années avant de commencer des expérimen-tations sur un être humain.»

5les pRomesses

de la méduse immoRtelleEn 1988, un jeune chercheur allemand, Christian Sommer, découvre la méduse «Turritopsis dohrnii» sur les côtes italiennes, lors d’une recherche sur les hydrozoaires. Il remarque alors que les petits êtres transparents ne meurent pas. En 1996, une équipe de chercheurs constate que cette méduse peut retourner à l’état de polype, la plus jeune étape de sa vie, à n’importe quel moment. L’être gélatineux peut ainsi «échapper à la mort» et devenir immortel. Une transfor-mation comparable à celle d’un poulet qui pourrait redevenir un œuf, puis un poussin. Cette découverte a attiré l’attention d’un chercheur japonais, Shin

kubota, qui est convaincu que cette méduse détient la clé de la longévité chez les humains. L’homme a publié plus d’une cin-quantaine d’articles scientifiques sur le fonctionnement de ces créatures. Il n’a pas encore percé le secret de leur immortalité.

6une molécule

pouR RallongeR la vieRafael de Cabo travaille pour le National Institute on Aging, un institut gouvernemental créé par le Congrès américain en 1974 pour étudier le prolonge-ment de la vie. Il a notamment découvert que l’activation de la protéine sirtuine 1 retardait le déclenchement des maladies causées par la vieillesse. «Nous avons utilisé une petite molé-cule nommée SIRT1720 sur des souris, pour augmenter leur taux de sirtuine 1», explique le chercheur d’origine espagnole. Il a donné une dose de 100 mg de SRT1720 à des souris âgées de 6 mois jusqu’à la fin de leur vie. Résultat: l’espérance de vie des souris a augmenté de 8,8% et leurs fonctions musculaires se sont améliorées. A l’inverse, leur poids et la proportion de graisse dans leur organisme ont diminué. «Notre recherche a montré que nous pouvons développer des molécules pour diminuer les effets des maladies métaboliques et chroniques liées au vieillissement.» Le National Institute of Aging prévoit de lancer des tests cli-niques d’activateurs de sirtuine 1 courant 2014. ⁄

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CORPORE SANO TENDANCE

TexTeJean-ChrisTophe pioT

n va faire une prise de sang.» Face à bien des symptômes, c’est dans un échan-tillon d’hémoglobine ou d’urine qu’un médecin va chercher les éléments qui lui permettent de poser un diagnostic. «Ces deux fluides sont une mine d’infor-mations précieuse sur l’état de santé d’un patient: marqueurs biochimiques, anticorps, protéines…», note natacha Turck, maître-assistante au département de biologie structurale de l’Université de Genève. Les scientifiques s’intéressent pourtant aujourd’hui à d’autres substances

Le sang ou les urines ne sont plus les seuls fluides corporels qui permettent de livrer un diagnostic. De nouveaux terrains

d’analyse médicale font leurs preuves.

corporelles pour effectuer des analyses biologiques. «Les tests de sang et d’urine ont leurs limites: l’urine est très riche en sel et en cristaux, ce qui compromet la recherche de biomarqueurs protéiques. Le sang, lui, regorge de protéines comme l’albumine qui masquent les traces plus faibles laissées par d’autres indicateurs.»

Un soUffle qUi en dit longparmi les champs de recherche les plus encourageants, les composés organiques volatils (CoV) – des substances qui se

TouT ce que vos larmes

peuvenT dire sur vous

«O«O

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CORPORE SANO TENDANCE

Basée à Los angeles, la photographe rose-Lynn Fisher s’intéresse aux liens entre art et science. Les deux photos ci-contre, intitulées «Tears for those who yearn for liberation» («larmes pour ceux qui cherchent à se libérer»), et «Tears of ending and begining» («Larmes de début et fin») sont extraites de son travail sur la «topographie des larmes».

rose

-Lyn

n Fi

sher

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CORPORE SANO TENDANCE

trouvent dans l’air ambiant et que l’être humain ingère en respirant – sont incon-testablement les plus en vogue. Certains protocoles sont déjà courants, en particu-lier en gastroentérologie où ils permettent d’identifier les bactéries présentes dans le système digestif. Le principe: le patient ingère une quantité fixée de différents sucres (lactose, fructose…) que dégrade ensuite son tube digestif. ne reste qu’à comparer les traces de ce processus dans l’hydrogène expiré aux normes de référence pour détecter une éventuelle anomalie. Le «breath test» à l’urée, le plus courant, permet ainsi de détecter la pré-sence de la bactérie «helicobacter pylori», responsable d’une large part des ulcères gastriques ou duodénaux.

et demain? Les chercheurs espèrent pou-voir accélérer le diagnostic de maladies graves que les premiers symptômes, voi-sins d’affections courantes, ne permettent pas toujours d’identifier suffisamment tôt: cancers de l’estomac ou du poumon, maladies hépatiques… L’enjeu n’est pas mince en oncologie où la précocité du diagnostic est essentielle.

Le potentiel est immense et les études se multiplient partout dans le monde. Le but: identifier et recenser les biomar-queurs pertinents et associer telle ou telle pathologie à telle ou telle variation d’une signature chimique, détectée par des «nez» électroniques. Chez Tecnalia, l’un des plus grands groupes privés de recherche d’espagne, on développe des biocapteurs «capables de détecter la pré-sence d’une large gamme de marqueurs du cancer du poumon dans l’air expiré, explique eva ibanez, responsable du département d’innovation médicale. en parallèle, nous avons amélioré la sensibi-lité des appareils.» après avoir recueilli des échantillons d’haleine auprès des

patients d’un hôpital associé, les équipes de Tecnalia les ont comparés avec ceux de personnes saines afin d’identifier les composés les plus pertinents.

de la sUeUr et des larmesau-delà du souffle, le futur de l’analyse pourrait bien se situer dans les yeux ou sous les aisselles des patients: les larmes et la sueur font partie des fluides les plus prometteurs. natacha Turck travaille depuis des années à repérer les biomar-queurs protéiques mais aussi les parasites présents dans les larmes. ils seraient sus-ceptibles de détecter une infection virale, d’orienter le diagnostic médical, d’iden-tifier des risques d’aVC ou de faciliter le suivi de maladies comme la sclérose en plaques. «Ces tests ont l’avantage d’être indolores, peu coûteux, rapides et pra-tiques: il suffit de placer un buvard contre la cornée pour récupérer un échantillon», explique natacha Turk. La sueur? Un peu plus long, mais aussi pratique: un simple patch, porté quelques jours, permet de rassembler les quantités nécessaires à l’analyse de marqueurs métaboliques capables de donner des indications sur l’évolution de l’état de santé des patients cancéreux. et donc d’adapter le suivi thérapeutique.

«Dans le cas de patients jusqu’ici soumis à des ponctions lombaires régulières, le gain est évident. et financièrement parlant, les systèmes de santé pourraient y gagner», anticipe natacha Turk. Comme pour les CoV, le principe est acquis. reste à mener à bien le patient travail d’études cliniques qui permettra d’étendre le champ de ces nouvelles analyses biologiques. «nous n’en sommes qu’aux débuts mais les applications concrètes sont à portée de main.» D’ici 5 à 10 ans, l’analyse des larmes pourrait ainsi être aussi pertinente que celle du sang. ⁄

Les tests d’autodiagnostic créent le débat Les progrès techniques ont permis de commercialiser à bas coût diffé-rents examens biologiques autrefois réservés aux laboratoires: glycémie, choles-térol et certains cancers peuvent désormais être diagnostiqués à domicile grâce à des tests facile-ment utilisables.

De là à envisager une vente libre, il n’y a qu’un pas. si les autorités de santé y voient une piste de réduction du coût et la durée des parcours de soins, certains médecins restent dubitatifs, redou-tant les effets d’une mauvaise utilisation de ces tests: faux posi-tifs, interprétation erronée… Même son de cloche du côté de l’office fédéral de la santé publique (osFp), qui estime que toute analyse biolo-gique ne peut s’interpréter que dans un contexte professionnel.

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La sangsue, une petite bête qui vous veut du bien

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texte: MeLinda MaRCHese et eRik FReudenReiCH

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Hirudothérapie Les propriétés médicinales des sangsues sont connues depuis l’antiquité. au CHuv, elles sont utilisées en cas de greffe d’urgence ou de chirurgie reconstructive.

animal invertébré appartenant à la famille des vers annelés, la sangsue revient au goût du jour

tant dans certains cabinets médicaux privés que dans les services de chirurgie des

hôpitaux universitaires. «il y a deux branches principales d’utilisation de la sangsue à l’heure actuelle, explique le

docteur dominique kähler schweizer, spécialiste du sujet et cofondatrice de Hirumed, unique

élevage de sangsues médicinales en suisse. dans les hôpitaux, la sangsue est surtout employée pour son effet mécanique, qui permet d’évacuer le

sang en cas de congestion après une intervention de chirurgie réparatrice.» il n’existe aujourd’hui pas de meilleur moyen pour sauver un greffon. La salive

de la sangsue est également appréciée pour ses propriétés anti-inflammatoires et anticoagulantes. «sa salive comporte

plus de 100 composants actifs, dont seulement une trentaine sont bien connus aujourd’hui. dans les cabinets privés, on l’apprécie tout particulièrement pour ses

excellents résultats en cas de tendinites, d’arthroses et de furoncles, mais aussi pour certaines douleurs du dos.»

installée à Wil, dans le canton de saint-gall, la société Hirumed possède le seul élevage

de sangsues du pays. «Les œufs de sangsue se développent à l’intérieur de cocons

pendant six semaines (ci-contre). entre la naissance d’une sangsue et son utilisation

médicinale, il s’écoule ensuite en moyenne près de deux ans», précise dominique

kähler schweizer, qui a fondé l’entreprise avec son mari en 2002.

éLevage/1

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2/ CoMMande

Le CHuv commande régulièrement des sangsues médicinales chez Hirumed. Livrées par camion, elles sont placées dès leur arrivée dans un aquarium situé au sein de la pharmacie principale. Lorsqu’un médecin estime qu’un patient nécessite l’intervention de sangsues, une ordonnance est transmise à la pharmacie de l’hôpital. Cinq ou six sangsues sont alors placées dans un bocal, qui est ensuite remis à l’infirmière du service concerné.

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3/ soin

La sangsue est extraite du bocal à l’aide d’une pince stérile. La première difficulté consiste alors à distinguer la tête de la queue de l’animal, afin de poser la bouche de la sangsue sur la zone à traiter. une fois en place, l’effet de succion exercé par la sangsue permet de drainer le surplus de sang dans la zone congestionnée. L’hirudine contenu dans la salive de l’animal favorise aussi la fluidification du liquide sanguin. L’infirmière va régulièrement surveiller l’action de la sangsue, qui stoppe sa succion après environ trente minutes. une fois son repas terminé, elle doit immédiatement être retirée de la plaie du patient. en effet, la sangsue rejette souvent une partie du sang ingéré, avec le risque de provoquer une infection.

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Le soin terminé, l’infirmière place la sangsue dans un bocal contenant

un puissant désinfectant destiné à l’euthanasier. Le récipient étanche est jeté dans un bac pour déchets

spéciaux, dont le contenu est ensuite détruit par l’incinérateur de la ville

de Lausanne.

éLiMination/4

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MorphineC17H19NO

3

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De manière cyclique, son image continue d’osciller entre sanctification et diabo-lisation. Une vie tumultueuse pour cette molécule dont la découverte remonte au début du XIXe, même si le pavot – dont elle est issue – était déjà utilisé par l’homme depuis des millénaires.

«On savait de tout temps que l’ingestion d’opiacés était dangereuse et pouvait provoquer une dépendance, explique Thierry Buclin, chef du Service de pharmacolo-gie clinique du CHUV. On a cru avoir trouvé la solution avec l’introduction de la se-ringue dans les années 1850, remplaçant l’administration orale.» A cette époque, la chirurgie connaît un fabuleux essor grâce à l’invention de l’anesthésie. On n’opère plus seulement les cas désespé-rés, hurlant de douleur: on peut dorénavant réaliser des interventions sur un patient qui recevra dès son réveil une analgésie convenable.

Le produit est puissant, facile à transporter et fait rapidement son apparition sur les champs de bataille.

Mais le problème de la dépendance demeure, aggravé même par le recours aux injections. On ne compte plus les récits de patients dépendants et de personnels soignants qui détournent les stocks pour leur consommation person-nelle. La situation dégénère à tel point que débute une campagne énergique de restriction et de contrôle des stupéfiants durant la Première Guerre mondiale.«Cette crise s’expliquait peut-être aussi par le

moralisme de l’époque, et s’accompagnait d’une négligence tragique envers la souffrance des patients, ajoute Thierry Buclin. Je me souviens que des décennies plus tard, durant mes études, la morphine véhiculait encore une image d’extrême-onction, réservée principalement à ceux qui étaient condamnés.» La tendance s’inversera dans les années 1960 suite à l’activisme de pionniers de l’antalgie tels que Cicely Saunders, révoltée par les souffrances endurées par ses patients. Elle mènera un long combat, créant notam-ment le premier centre de

soins palliatifs du Royaume-Uni. «C’est le début d’une prise de conscience globale de la souffrance à l’hôpital, continue Thierry Buclin. De nombreux ouvrages sont rédigés dans cette voie (notamment «Anthropologie de la douleur» de David Le Breton) et transforment la manière d’enseigner la gestion de la douleur aux professionnels en promou-vant un recours précoce et abondant à la morphine.» Près de 150 ans après son arrivée, la morphine reste donc un produit irrempla-çable: «Mais tout n’est pas dit, conclut Thierry Buclin. Alors que l’antalgie reste très insuffisante dans les pays en développement, la consommation d’opiacés augmente nettement dans les régions industrialisées, mais les surdosages, les abus et même les décès reprennent l’ascenseur.» De nouveaux virages en vue? /

S’il y a un produit dont la perception n’a jamais cessé de se transformer au fil des années, c’est

bien la morphine.

C17H19NO3une molécule,

une histoireTEXTE: BERTRAnD TAPPy

CORPORE SANO

zOOM

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PATR

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DU

TOIT

CORPORE SANO CHRONiquE

Un des précurseurs de la pratique clinique basée sur des preuves est certainement Archibald Cochrane qui, en 1972, publie un important ouvrage intitulé Effectiveness and Efficiency: Random Reflections on

Health Services. Il y explicite que les ressources disponibles pour les soins

de santé seront toujours limitées et qu’en conséquence, elles devraient

être utilisées pour offrir des soins dont l’efficacité clinique a été démontrée par

la recherche. Il invite les professionnels à s’intéresser davantage à la mise en

relation des coûts que les soins engendrent face aux bénéfices qu’ils procurent.

Quarante années plus tard, son propos reste contemporain.

L’adhésion internationale à ce mouvement a donné lieu à la création d’initiatives pour produire des méthodes rigoureuses et outils

standardisés permettant de poser des jugements sur l’efficacité et le rapport

coût-bénéfice d’interventions de soins. Ainsi, on retrouve le Cochrane Collaboration Centre

et le Joanna Briggs Institute qui ont tous deux des ancrages dans plusieurs pays incluant la Suisse, ou encore le National Institute

for Health and Care Excellence de Grande-Bretagne qui a inspiré plusieurs instituts

nationaux dédiés à la valorisation des pratiques cliniques efficaces et efficientes.

Ce mouvement a aussi suscité le rehaussement des exigences en recherche pour tous les professionnels de la santé afin qu’ils prennent mieux en considération le niveau d’efficacité de leurs interventions. De même, l’implication accrue des patients et des familles est devenue un attribut essentiel des prises de décision complexes.

Mais des facteurs faisant obstacle à l’utilisation des preuves dans la pratique clinique ont aussi été identifiés. Le manque d’expérience en recherche y figure parmi les plus contraignants. L’Institut universi-taire de formation et de recherche en soins, à Lausanne, a entre autres été créé par sept partenaires romands pour participer au rehaussement de l’efficacité des soins pour les professions non médicales de la santé. Il le fait notamment par une offre de pro-grammes de master et de doctorat, par le développement de programmes structurés de recherche, ou encore par des collaborations locales, nationales et internationales dédiées à la recherche sur l’innovation, l’efficacité et l’efficience.

D’ailleurs, au-delà de guider la prise de décision coût-efficacité, la pratique clinique fondée sur des preuves favorise le leadership, l’imputabilité, l’innovation et la collaboration entre professionnels de la santé et avec les patients et leurs familles. ⁄

en savoir pluswww.unil.ch/sciences-infirmieres/

69

DIAnE MORInProf. Diane Morin, directrice de l’Institut universitaire

de formation et de recherche en soins

Pour mieux contrôler les coûts de la santé, on attend des soins dispensés qu’ils prouvent

scientifiquement leur efficacité.

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cursus chronique

ue ce soit dans l’industrie, les nouvelles tech-nologies ou le domaine médical, l’innovation est devenue le prin-cipal moteur de développement.

Sa capacité constitue une valeur absolue autant pour les entreprises privées que pour les institutions tel le CHUV. Or, ce ne sont pas les organisations qui innovent, mais bien les personnes qui y travaillent.

Dans ce contexte, les ressources humaines du CHUV ont un rôle central à jouer: imaginer l’environnement le plus attractif possible pour que ceux qui ont la capacité d’innover viennent le faire dans notre institution. L’aménage-ment du temps de travail et les perspec-tives de développement sont des facteurs clés d’attractivité et d’épanouissement des collaborateurs. Cela présuppose que nous soyons nous-mêmes créatifs dans nos modes de gestion, par exemple en favorisant le télétravail quand celui-ci est possible.

cu

rSu

Su

ne c

arri

ère

au c

huv

Pour soutenir l’innova-tion, il est essentiel que les ressources humaines soient pleinement inté-grées à la stratégie de développement de l’insti-tution ou de l’entreprise. Au CHUV, elles sont représentées au sein

du Comité de direction. Partenaires clés, elles participent au rayonnement de l’hôpital avec des presta-tions à haute valeur ajoutée telles que le développement des compétences, l’accom-pagnement au changement, le coaching et le conseil en optimisation des processus de travail. Cette intégration garantit aussi que la politique de recrutement réponde parfaitement aux besoins stratégiques de l’hôpital.

Les ressources humaines ne doivent donc plus être pensées uniquement comme une fonction de soutien, mais comme un acteur qui participe pleinement à la création de valeurs pour l’organisa-tion. Tous les projets de développement et de modernisation de la gestion des ressources humaines au CHUV tendent ainsi vers cet objectif: faire de la fonction RH un catalyseur d’innovation. ⁄

antonio racciattiDirecteur des ressources humaines

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Q«L’innovation, notre plus grande valeur!»

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cursus actualité

Fièvre chez les enfants

Une étude publiée dans le New England

Journal of Medicine a permis de décrire pour la première fois les causes précises des épisodes fébriles présentés par des enfants vivant en Tanzanie. Cette étude a été menée par un groupe de recherche, dirigé par la Dresse Valérie D’Acremont, spécialiste en médecine tropicale et infec-tiologie à la Policlinique médi-cale universitaire à Lausanne. BT

pédiatrie

Publication dans Nature Neuroscience

Plus de 750 projets étaient présentés

lors du Congrès de l’European Wound Management Associa-tion. Le e-learning de Lucie Charbonneau, infirmière spécialisée, et Raul Prieto du Centre des formations du CHUV, intitulé «An e-learning program to enhance profession-nal’s knowledge», a reçu l’un des trois prix décernés aux meilleurs projets. Il traite de la formation des professionnels en matière d’escarre. BT

Le CHUV primé à Madridformation

Les travaux de recherche

des Drs Alexandre Croquelois et Michel Kielar, du laboratoire de pathologie du développe-ment cérébral du Département de neurosciences cliniques, ont été publiés le 25 mai dans Nature Neuroscience. Cette étude concerne les troubles du développement du cortex cérébral causés par une proliféra-tion neuronale anormale. Dans ce modèle, des amas de neurones normalement différenciés s’organisent en des lieux où ils ne devraient pas être durant la période de gestation du fœtus et de la construction du cerveau, causant par la suite chez l’humain un déficit moteur, un retard mental et de l’épilepsie. Les travaux du Dr Croquelois avaient débuté voilà huit ans, lorsqu’il avait découvert par hasard une souris qui présentait spontané-ment cette affection au sein de la colonie du laboratoire du Prof.Egbert Welker du département de neurosciences fondamentales de l’UNIL, avec qui il a étroite-ment travaillé sur ce projet. En collaboration avec plusieurs

neurosciencesgroupes parisiens, le gène «eml1», responsable de la malforma-tion chez la souris, a ensuite été identifié. Les auteurs de l’étude ont alors examiné des enfants atteints de malformations corticales d’origine inconnue et ont trouvé plusieurs cas humains,

issus de deux familles, présentant une mutation du même gène.

Ces résultats viennent élargir notre connaissance des gènes et des mécanismes impliqués dans les affections du développement cortical. Ils pourraient être utiles à l’avenir pour le diagnostic pré-natal de ces pathologies et éventuellement, dans un futur plus lointain, permettre de cor-riger certaines d’entre elles par thérapie génique. BT

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Tapis de sol, couvertures, bancs ou coussins ronds. la salle épurée de l’un

des pavillons de cery, siège du Département de psychiatrie du chuv, se teinte d’une ambiance sereine quelques heures par semaine. assis dans la position du lotus, une petite dizaine de patients méditent, les yeux fermés, guidés par la douce voix, à l’accent ensoleillé, de Daniela Dunker Scheuner.

Psychologue, responsable de l’unité d’enseignement des thérapies comportementales et cognitives du Département de psychiatrie et associée au Service d’alcoologie du chuv, elle invite à porter son attention tantôt sur les bruits alentour, la respiration, les sensations corporelles, les émotions, les envies ou encore les pensées qui traversent l’esprit tels des nuages, sans les juger.

«Prendre pleinement conscience de ce qui se passe en soi permet d’identifier et de sortir des

réactions automatiques qui gouvernent nos actions, pensées et émotions. cela augmente ainsi notre capacité à tolérer nos états émotionnels, nos envies et y faire face», explique-t-elle. Proposées aux patients présentant une dépendance à l’alcool qui sont dans une démarche d’abstinence, ces séances hebdomadaires sont basées sur une nouvelle approche en pleine expansion en Suisse.

inspirée de deux domaines que tout oppose au premier abord, à savoir la pratique de la méditation orientale et la science occidentale, la «Mindful-ness-based relapse prevention», ou prévention de la rechute basée sur la pleine conscience (MBrP), a pour but d’apprendre aux personnes concernées à accepter leurs tentations avec bienveillance, plutôt que de les combattre. «cela n’a rien d’ésotérique. au contraire, porter son attention sur les sensations physiques qui sont déjà là, c’est très concret»,

assure cette trentenaire brésilienne qui a mené son cursus académique en psycholo-gie à São Paulo, à l’université de Genève, puis à l’université claude Bernard à lyon.

en 2004, dans le cadre de son nouveau poste au Service d’alcoologie du chuv, elle se met en contact avec alan Marlatt, professeur de psychologie et directeur du «addictive Behaviors research center» de l’université de Washington, à l’origine du modèle de prévention de la rechute et de la MBrP. la psychologue s’investit de plus en plus dans ces deux approches, au point de participer à la traduction française de l’ouvrage de son fondateur, «Prévention de la rechute: Stratégies de maintien en thérapie des conduites addictives» publiée en 2008. elle se forme ensuite comme instructeur et formateur officiel MBrP auprès de l’équipe d’alan Marlatt. elle partage désormais son temps entre ses groupes de patients, ses consultations individuelles et la formation d’autres professionnels afin de diffuser cette méthode en Suisse et en France, tout en pratiquant elle-même quotidiennement la méditation pleine conscience. ⁄

Daniela Dunker Scheuner apprend aux personnes souffrant d’une dépendance à l’alcool à méditer pour éviter le risque de rechute.TexTe: éMilie veillon

portrait

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cursus une carrière au chuv

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inspirée à la fois de la pratique de la méditation orientale et de la science occidentale, la «mindfulness-based relapse prevention», ou prévention de la rechute basée sur la pleine conscience (mBrp) est proposée aux personnes souffrant d’une dépendance à l’alcool ou entreprenant une démarche d’abstinence.

cette méthode venue des etats-unis permet aux patients l’acceptation de leurs tentations, de manière à mieux prévenir les rechutes.

cursus une carrière au chuv

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cursus

avec leur regard perçant

et leur hululement qui retentit dans la campagne, au clair de lune, les chouettes intriguent depuis la nuit des temps. espèces protégées pouvant donc être étudiées uniquement à l’état sauvage, elles sont méconnues des milieux scientifiques... a l’exception de l’ornithologue passionné alexandre roulin qui concentre depuis plus d’une vingtaine d’années ses recherches sur ce rapace nocturne, par le biais de 250 nichoirs installés dans les granges et les hangars à tabac des vallées de la Broye et de l’orbe.

Professeur de biologie évolutive à l’université de lausanne (unil), son travail de terrain sur les chouettes effraies cible un constat en particulier: le fait qu’elles n’aient pas la même couleur. leur plumage passe du blanc au roux foncé, plus ou moins tacheté, au sein d’une même population. Plus curieux encore, ces variations du taux de mélanine sont associées à certains comporte-ments, tels que l’appétit, la sexualité et la résis-tance au stress. «ces nuances seraient causées par une hormone qui stimule la synthèse de la mélanine, la mélanocortine. Plus son niveau est élevé chez une chouette foncée, plus elle sera agressive, résistante aux parasites et au stress», détaille alexandre roulin.

Pressentant que cette corrélation entre facteurs moléculaires et comportements physiologiques pourrait aussi s’appliquer à l’organisme humain, notamment dans le contexte des maladies, il

convie les différents chercheurs de la Faculté de biologie et médecine de lausanne (FBM) pour leur exposer les fruits de ses

recherches l’an dernier. Face à lui, Stefan Kunz, biochimiste et professeur associé en virologie fondamentale à l’institut de microbiologie du chuv (iMul), comprend qu’une collaboration scientifique entre leurs deux disciplines s’impose.

Depuis six mois, une équipe composée notam-ment par antonella Pasquato, spécialiste des protéases (des enzymes qui dégradent les protéines) au sein de l’iMul, et la postdoctorante Karin löw au Département d’écologie et évolution, se réunit donc une fois par mois pour échanger sur l’actualité des deux domaines de recherche et créer une méthodologie commune. But de l’opération: cibler ces systèmes de gènes et tenter de les moduler afin d’influer sur certaines maladies métaboliques, comme l’obésité. «il est rare que des chercheurs de laboratoires et des biologistes de terrain travaillent ensemble et tentent de développer un langage commun. or avoir accès à une telle base de données sur des animaux sauvages, qui présentent une grande diversité génétique, est une opportunité extraor-dinaire pour des microbiologistes qui n’ont en général accès qu’à des souris de laboratoire», se réjouit Stefan Kunz. et le biologiste de rappeler qu’une telle collaboration est rendue possible grâce au fait que l’unil, et c’est la seule en Suisse, réunisse la biologie et la médecine au sein d’une même faculté. ⁄

l’ornithologue alexandre roulin et le biochimiste Stefan Kunz étudient les corrélations génétiques entre la chouette et l’homme.TexTe: éMilie veillon, PhoToS: eric Déroze

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cursus une carrière au chuv

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cursus nominations

noM Müller PrénoM Pierre-yveS FoncTion chef du Département de la logistique hospitalière

ingénieur en mécanique de formation, Pierre-yves Müller a assumé différentes responsabilités de direction au sein du groupe Bobst entre 1999 et 2012 où il a notamment travaillé comme directeur de l’approvision-nement, de la production et de la logistique ainsi que comme direc-teur général de Bobst Sa. avant de rejoindre le chuv, Pierre-yves Müller a été le directeur opération-nel du groupe Tornos Sa à Moutier.

noM BonGiovanni PrénoM MaSSiMo FoncTion Service de pathologie clinique

Formé en pathologie et en cytologie aux huG, Massimo Bongiovanni œuvrait comme vice-directeur de l’institut cantonal tessinois de pathologie à locarno. nommé Professeur associé de l’unil, il entrera en fonction au chuv dès juillet 2014. «J’estime que la pathologie doit vivre et évoluer avec les autres spécialités de la médecine, dans un contexte hospitalier. l’échange avec mes pairs, la recherche en milieu universitaire et la participation à la formation de

la relève sont éga-lement primordiaux pour moi.»

noM SiMeoniPrénoM uMBerTo FoncTion chef du Service de pédiatrie

umberto Simeoni a enseigné jusqu’en 2001 à l’université louis Pasteur et au chu de Strasbourg, au sein duquel il a assuré la respon-sabilité des unités de réanimation néonatale et pédiatrique, ainsi que de la Délégation régionale à la recherche clinique. auteur d’environ 130 articles scientifiques référencés, de différents livres dans le domaine de la néonatologie, il a également présenté plus de 250 conférences sollicitées, sur un plan global.

nominations

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ceM

cav

, Dr

Le CHUV et les HUG lancent un

service d’assistance téléphonique dédié aux personnes atteintes d’une pathologie rare, mais aussi à leurs familles, aux professionnels et à toute personne qui souhaite obtenir des informations. Il a pour objectif d’écouter les malades et les orienter vers les ressources spécialisées à disposition. Tél: 0848 314 372 (lun-ve 9-12h); www.info-maladies-rares.ch. BT

À l’écoute des maladies raresorientation

Les TEDxCHUV reviennent

Le CHUV organise la seconde édition

de ses conférences TEDx! L’événement aura lieu le jeudi 13 novembre au nouveau Swiss Tech Convention Center de l’EPFL. Plusieurs spécialistes du centre hospitalier vaudois, dont le prof. George Coukos et la Dresse Jocelyne Bloch (voir In Vivo n° 1) se produiront autour du thème «Sparlking Innovation». Ren-dez-vous dans notre édition de novembre pour plus de détails. BT

événement

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pourquoi avez-vous voulu effectuer votre master en soins infirmiers à montréal?nous avions eu la chance d’avoir une présentation de Danielle D’amour, professeure titulaire de la Faculté de soins infirmiers, durant l’un de nos colloques au chuv. J’avais été impressionné par la qualité de ses recherches. J’ai donc décidé que si je voulais conti-nuer ma formation, il fallait que je me rende là-bas!

comment s’est déroulée l’organisation du séjour?les préparatifs ont duré environ une année. Je ne voyageais pas seul: nous avons fait le voyage à quatre avec ma femme et mes deux enfants. en ce qui concerne le budget, on peut estimer que le chuv a financé un tiers des frais. Pour le toit, nous avons eu de la chance en faisant une rencontre fortuite en Suisse qui nous a permis de trouver une maison en location. et une fois sur place, nous avons été épatés par le soutien du voisi-nage, qui a grandement facilité notre intégration.

et concernant les études?J’ai suivi la Maîtrise en soins infirmiers notamment pour son option en administration, orientée spécifiquement pour les services infirmiers.

Joachim rapin est parti un an et demi au canada pour étudier au sein de la Faculté de soins infirmiers de l’université de Montréal. Quelques semaines après son retour, il nous a reçu pour faire le bilan.

migration

noM rapin

PrénoM Joachim

au chuv DePuiS 2000

TiTre infirmier chef de service au département médico-chirurgical de pédiatrie

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cursus une carrière au chuv

Phil

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J’ai pu effectuer le cursus de manière condensée et resserrer le programme de 24 à 16 mois. la masse de cours – dont certains sont maintenant également enseignés à lausanne – avait de quoi impressionner. il faut dire que la Faculté en sciences infirmières de Montréal date de 1926!

vous venez tout juste de rentrer. Quel bilan tirez-vous de cette expérience?Si c’était à refaire, ce serait oui sans aucune hésitation. on gagne toujours à s’ouvrir à d’autres horizons, d’autres cultures professionnelles, que l’on soit soignant, médecin, etc. Je ne pouvais pas imaginer me former dans un seul endroit. cela laissera une empreinte durable dans ma pratique, dont j’espère pouvoir également faire profiter mon hôpital! ⁄ BT

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BACKSTAGESANGSUES

Les photographes Heidi Diaz (CEMCAV) et Thierry Parel sont partis à la découverte

des sangsues médicinales dans les coulisses du CHUV à Lausanne et au sein de l’élevage

de la société Hirumed à Wil (p. 61).

DR

JEUNESSE éTERNELLE

L’artiste lausannoise Leha Van Kommer a réalisé pour «In Vivo» l’illustration accompagnant l’article consacré à la

quête de la jeunesse éternelle (p. 54).

Page 81: IN VIVO #3 FRA

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contributeurs

julie zauggJournaliste freelance basée à New York, Julie Zaugg est partie pour «In Vivo» à la rencontre de la scientifique Paula Johnson (p. 30). Elle s’est également intéressée au tabou entourant les relations sexuelles entre patients dans les hôpitaux psychiatriques (p. 50), ainsi qu’à l’impact des impôts sur les aliments gras dans la lutte contre l’obésité (p. 42).

THIE

RRY

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L, D

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romain gueriniTitulaire d’un Bachelor en communication visuelle et fort d’expériences variées en matière de design, Romain Guerini a rejoint LargeNetwork en 2013. Le poste de graphiste qu’il y occupe lui offre l’occasion de concevoir l’aspect visuel de différentes publications de l’agence, avec pour objectif d’être toujours à la recherche de la belle page.

Benjamin KellerJournaliste au sein de LargeNetwork, Benjamin Keller détient un Bachelor en relations internationales et un Master en journalisme de l’Université de Genève. Pour ce numéro de «In Vivo», il a enquêté sur les tests de médicaments sur patients en Suisse (p. 39) et a décrypté «l’effet Troxler», une illusion d’optique étonnante (p. 27).

Heidi diazAprès des études au Centre d’enseignement professionnel de Vevey, Heidi Diaz a rejoint en 2008 l’équipe du CEMCAV, le Centre d’enseignement médical et de communication audiovisuelle du CHUV. Pour ce numéro de «In Vivo», elle a réalisé une partie du reportage photo consacré aux sangsues médicinales (p. 61).

Page 82: IN VIVO #3 FRA

édiTionCHUV, rue du Bugnon 46

1011 Lausanne, Suisse T. + 41 21 314 11 11, www.chuv.ch

[email protected]

édiTEurS rESponSABlESBéatrice Schaad et Pierre-François Leyvraz

dirECTion dE projET ET édiTion onlinEBertrand Tappy

rEmErCiEmEnTSAlexandre Armand, Aline Hiroz, Anne-Renée Leyvraz, Anne-Marie Barres, Anne-Marie Vuillaume, Bertrand

Hirschi, Brigitte Morel, Cannelle Keller, Céline Vicario, Christian Sinobas, Christine Geldhof, Deborah

Gonzales, Denis Orsat, Diane de Saab, Dominique Kähler Schweizer, Elise Méan, Emilie Jendly,

Enrico Ferrari, Fernando Mendes, Fiona Amitrano, Gilles Bovay, Jeanne-Pascale Simon, Jocelyne

Bouton, Katarzyna Gornik-Verselle, Laure Espie, Laurent Meier, Lauriane Bridel, Manuela Palma,

Marie-Cécile Monin, Marité Sauser, Massimo Sandri, Muriel Cuendet-Teurbane, Muriel

Faienza, Nathalie Jacquemont, Nicolas Jayet, Odile Pelletier, Pauline Horquin, Philippe Coste, Philippe Dosne, Serge Gallant,

Sonia Ratel, Stephan Studer, Stéphane Coendoz, Stéphanie Dartevelle, Thuy Oettli, Virginie Bovet, Valérie Blanc, Véronique Séchet et le Service de

communication du CHUV.

pArTEnAirE dE diSTriBuTionBioAlps

réAliSATion édiToriAlE ET GrAphiquELargeNetwork, rue Abraham-Gevray 6

1201 Genève, Suisse T. + 41 22 919 19 19, www.LargeNetwork.com

rESponSABlES dE lA puBliCATionGabriel Sigrist et Pierre Grosjean

dirECTion dE projETMelinda Marchese

dirECTion GrAphiquEDiana Bogsch et Sandro Bacco

rédACTionLargeNetwork (Jade Albasini, Benjamin Bollmann, Céline Bilardo, Clément Bürge,

Marie-Adèle Copin, Erik Freudenreich, Benjamin Keller, Serge Maillard, Melinda Marchese, Jean-Christophe Piot, Geneviève Ruiz, Emilie Veillon, Julie Zaugg),

Béatrice Schaad, Bertrand Tappy

rEChErChE iConoGrAphiquESabrine Elias Ducret

imAGESCEMCAV (Willy Blanchard, Eric Déroze, Heidi Diaz, Patrick Dutoit, Philippe Gétaz, Gilles Weber),

Oram Danreuther, Leha van Kommer, João Lauro, Thierry Parel

miSE En pAGEDiana Bogsch et Romain Guerini

TrAduCTionTechnicis

imprESSion PCL Presses Centrales SA

TirAGE17’000 exemplaires en français

3’000 exemplaires en anglais

Les propos tenus par les intervenants dans «In Vivo» et «In Extenso» n’engagent que les intéressés et en aucune manière l’éditeur.

in ViVoUne publication éditée par le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)

et l’agence de presse LargeNetwork

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ESPRIT CHUVDonner le meilleur de soi-mêmeToutes nos offres d'emploi sur www.chuv.ch

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Edité par le CHUVwww.invivomagazine.com

IN EXTENSO La NaISSaNcE d’uN humaIN

Penser la santéN° 3 – JUILLET 2014

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mIN EXTENSO La naissance

d’un être humain

PauLa JOhNSON hommes et femmes inégaux face aux médicaments

FaT TaX un impôt contre l’obésité

TaBOu Le sexe en hôpital psychiatrique

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méfIEz-VoUs dE Vos PErCEPTIoNs