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JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 140 – 2005/4 Inédits de droit judiciaire - Référés (5) 1 I. Le provisoire 1. Notion 2. Risque de discordance avec la décision au fond 3. Autonomie de l'instance en référé par rapport à l'instance au fond 4. Autonomie du référé par rapport à l'instance pénale 5. Mesures «provisoires» dans le temps 6. Nature des mesures provisoires ordonnées en référé 6.1. Mesures conservatoires et droits apparents 6.2. Mesures d'anticipation et droits évidents a. Remarque préalable b. Demande d'une provision en référé c. Demande d'exécution d'un contrat en référé d. Rejet d'une injonction de ne pas faire II. L'urgence 1. Conditions de compétence et fondement 2. Notion et balance des intérêts 3. Persistance de l'urgence jusqu'à l'issue de la procédure 4. Conséquence de la disparition de l'urgence sur la procé- dure d'appel 5. Urgence et inertie du demandeur 6. Urgence et inertie du défendeur 7. Urgence et existence d'une autre voie procédurale aussi efficace III. Le référé unilatéral 1. Conditions autorisant le recours à la requête unilatérale ___________ 1. Toutes les décisions qui nous parviennent sont enregistrées sous une référence J.L.M.B. ../... . Nous vous rappelons que celles qui sont citées dans les inédits et les sommaires peuvent être commandées in exten- so au secrétariat de la rédaction (2,50 de droit fixe par décision et 0,50 la page, majorés de 21% de T.V.A. et des frais de port). Merci de préciser la référence de la J.L.M.B. reproduite sous chaque déci- sion et le numéro de la revue qui la cite.

Inédits de droit judiciaire - Référés (5) · Référé unilatéral et conflit collectif du travail 5. Référé d'hôtel IV. Intervention du juge des référés en droit administra-tif

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JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES140 – 2005/4

Inédits de droit judiciaire - Référés (5) 1

I. Le provisoire

1. Notion

2. Risque de discordance avec la décision au fond

3. Autonomie de l ' instance en référé par rapport à l ' instanceau fond

4. Autonomie du référé par rapport à l ' instance pénale

5. Mesures «provisoires» dans le temps

6. Nature des mesures provisoires ordonnées en référé

6.1. Mesures conservatoires et droits apparents

6.2. Mesures d'anticipation et droits évidentsa. Remarque préalableb. Demande d'une provision en référéc. Demande d'exécution d'un contrat en référéd. Rejet d'une injonction de ne pas faire

II. L'urgence

1. Conditions de compétence et fondement

2. Notion et balance des intérêts

3. Persistance de l 'urgence jusqu'à l ' issue de la procédure

4. Conséquence de la dispari t ion de l 'urgence sur la procé-dure d'appel

5. Urgence et inert ie du demandeur

6. Urgence et inert ie du défendeur

7. Urgence et exis tence d 'une autre voie procédurale aussiefficace

III. Le référé unilatéral

1. Conditions autorisant le recours à la requête unilatérale

___________1. Toutes les décisions qui nous parviennent sont enregistrées sous une référence J.L.M.B. ../... . Nous vous

rappelons que celles qui sont citées dans les inédits et les sommaires peuvent être commandées in exten-so au secrétariat de la rédaction (2,50 de droit fixe par décision et 0,50 la page, majorés de 21% deT.V.A. et des frais de port). Merci de préciser la référence de la J.L.M.B. reproduite sous chaque déci-sion et le numéro de la revue qui la cite.

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 141

2. Défaut d'extrême urgence et effet dévolutif de la tierceopposition

3. Recours contre une ordonnance rendue sur requête uni-latérale – t ierce opposition

4. Référé unilatéral et confli t collectif du travail

5. Référé d'hôtel

IV. Intervention du juge des référés en droit administra-tif

1. Rappel du principe de la séparation des pouvoirs

2. Analyse de l 'objet réel du recours

3. Absence de jur idict ion du juge des référés e t détermina-tion de la compétence du juge judiciaire en fonction del'objet de la demande tel que libellé dans l 'acte intro-ductif d ' instance

4. Effe ts d 'un arrê t du Consei l d 'Eta t rendu au content ieuxde la suspension sur le juge des référés

V. Mesures diverses

1. Référé et expertise

2. Référé et garantie à première demande

VI. Questions de compétence

1. Pléni tude de jur idic t ion du président du t r ibunal de pre-mière instance siégeant en référé

2. Compétence résiduaire du juge des référés

3. Référé et arbitrage

4. Référé et exécution

VII. Questions de procédure

1. Abréviation du délai de citer

2. Mise en état

3. Condamnation aux dépens en référé

4. Astreintes

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES142 – 2005/4

En novembre 1989, avril 1992, octobre 1993 et mars 2000, la J.L.M.B. 2 vouslivrait une synthèse des enseignements contenus dans plusieurs dizaines dedécisions rendues en référé. Depuis lors, un grand nombre de décisions prési-dentielles nous est à nouveau parvenu. L'actualité et le manque de place dispo-nible ne nous ont pas permis de vous les livrer toutes dans leur intégralité. Lelecteur trouvera ci-dessous la synthèse de celles qui n'ont pu être publiées.

Je dédie ces inédits à la mémoire de madame la vice-présidente PRISCILLADONNY, devant qui j’ai eu si souvent un réel plaisir à plaider, en référé.

I.- Le provisoire

1.- NotionJ’ai eu récemment l’occasion de défendre une conception large du provisoire,conforme à l’enseignement de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 septembre19823, selon laquelle la seule limite imposée par le provisoire au juge des référésest que sa décision ne peut contenir des mesures qui porteraient à une des partiesun préjudice définitif et irréparable , car, dans ce cas, son ordonnance porteraitpréjudice au fond. Seul le respect de cette limite est susceptible de préserverl’effectivité de la règle selon laquelle le juge du fond n’est pas lié par ce qu’adécidé le juge des référés et pourra toujours prendre une décision contraire4.J’ajoutais encore que le juge du fond, s’il ne suit pas l’appréciation des droits faitepar le juge des référés, doit mettre fin aux mesures provisoires ordonnées par cedernier et, le cas échéant, ordonner la réparation du dommage subi entre-tempssoit en nature, soit si le préjudice est définitif, par équivalent, en accordant unejuste indemnisation.

En d’autres termes, rien n’interdit au juge des référés d’ordonner une mesureirréversible, pour autant qu’elle ne cause pas un préjudice définitif et irréparable.

• C’est exactement ce que décidait déjà, en octobre 2000, le juge des référés deTournai, saisi par l’Etat belge d’une action visant la condamnation sous astreinted’un éleveur de bovins à se conformer à l’ordre de mise à mort et de destructiond’une de ses vaches, surprise par l’inspection vétérinaire sans ses deux marquesauriculaires. Le défendeur soulevait le caractère non provisoire de la mesure dèslors que celle-ci était manifestement irréversible. Très justement le juge desréférés répond qu’il «statue au provisoire c’est-à-dire par une décision dont ledispositif ne peut être déclaratif ou constitutif de droit; qu’en l’espèce, la mesuresollicitée ne préjudicie en rien aux droits du défendeur de soumettre éventuelle-ment au juge du fond la question de la légitimité de l’administration à édicter enl’espèce un tel ordre de destruction de son animal […] ni même, par voie deconséquence, la possibilité qu’il aurait de réclamer des dommages et intérêts encas de faute du demandeur ou d’un tiers». Et pour bien se faire comprendre, lejuge ajoute encore que «le juge des référés peut être amené à prendre des mesuresirréversibles s’il l’estime opportun; que le défendeur semble à cet égard confondrele caractère provisoire de la mesure, qui signifie en réalité que le juge du fond nepeut être lié par l’appréciation du juge des référés, avec le caractère réversible ounon de la mesure prononcée» (Civ. Tournai (réf.), 25 octobre 2000, J.L.M.B.01/515).

La lecture des décisions fait apparaître qu’il subsiste encore, sur ce point, desappréciations très divergentes.___________2. Les précédents inédits ont été publiés dans cette revue, 1989, p. 1330 à 1353; 1992, p. 508 à 530; 1993,

p. 1118 à 1143, 2000, p. 356 à 376.

3. Pas., 1983, I, 48 et suivantes.

4. J. ENGLEBERT, "Le référé judiciaire : principes et questions de procédure", Le référé judiciaire , éditionsde la Conférence du Jeune barreau de Bruxelles, 2003, p. 25 à 51.

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• Ainsi, la cour d’appel de Liège décide qu’«il n’est pas interdit au juged’examiner le droit des parties et de préjuger du fond, sauf à garder à l’esprit queson ordonnance peut avoir, en fait, des suites durables et être à l’origine d’unpréjudice qu’une décision différente du juge du fond peut rendre injustifié5»(Liège (1ère ch.), 28 juin 2000, J.L.M.B. 00/1042).

• Par contre, dans un arrêt du 12 octobre 1999, une autre chambre de la même couravait estimé que «le référé est pratiquement devenu un procédé de règlement defond6; qu’au provisoire, le président des référés peut autoriser des mesures ayantd’un point de vue pratique des effets définitifs» (Liège (7e ch.), 12 octobre 1999,J.L.M.B., 99/1221).

• Selon le président du tribunal de première instance de Namur au contraire, «lejuge des référés ne peut s’immiscer dans l’appréciation au fond, c’est-à-diredonner, quant au fond, raison à l’une des parties et tort à l’autre et se prononcersur le conflit qui les divise» (Civ. Namur (8e ch. réf.), 20 décembre 2002, J.L.M.B.02/1253).

• La cour d’appel de Liège, saisie d’une demande d’exécution forcée d’une clausecontractuelle de non-concurrence7, réussit une rapide synthèse des différentesnotions qu’implique le référé, en décidant par un arrêt du 14 janvier 2000 «qu’il ya urgence dès que la crainte d’un préjudice d’une certaine gravité, voired’inconvénients sérieux, rend une décision immédiatement souhaitable, ce quiimplique souvent que le juge procède à la mise en balance des intérêts en pré-sence, à la confrontation de deux préjudice éventuels, et donc à une appréciationsommaire du fond, l’essentiel étant que sa décision ne soit ni déclarative ni cons-titutive de droit et qu’il puisse statuer sans crainte raisonnable d’être contredit parle juge du fond» (Liège (7e ch.), 14 janvier 2000, J.L.M.B. 00/123).

2.- Risque de discordances avec la décision au fond

Ainsi, le risque de discordance entre l’ordonnance du juge des référés et le juge-ment au fond apparaît comme une préoccupation essentielle.

• Pour la cour d’appel de Liège, le référé «n’exclut pas une approche au fond del’affaire ni le choix de mesures à caractère irréversible dont il est raisonnable decroire qu’elles ne seront pas contredites par la juridiction ordinaire». En d’autrestermes, selon cet enseignement, le droit doit être évident, ce qui sera de nature àéviter tout risque de contradiction avec la décision que sera amené à prendre lejuge du fond (Liège (7e ch.), 8 mars 2001, J.L.M.B. 01/596) 8.

• On retrouve la même idée dans un autre arrêt de la cour d’appel de Liège : «quela mesure qu’un juge du provisoire décide doit s’inscrire dans le prolongementcohérent des droits qu’il tient comme susceptibles d’être admis par le juge dufond» (Liège (7e ch.) 2 mars 2000, J.L.M.B. 00/354).

• Le président du tribunal de commerce de Charleroi va jusqu’à considérer qu’ilfaut «qu’il n’existe aucun risque de voir le juge du fond ultérieurement désavouerla décision du juge des référés» (Comm. Charleroi (réf.), 11 décembre 2002,J.L.M.B. 02/1234).___________5. L’arrêt cite P. MARCHAL, Les référés, Larcier, 1992, n° 31b, p. 65.

6. L’arrêt cite TULKENS, "L’introduction d’un référé administratif en droit belge, une délicate révolution",J.T., 1992, p. 32.

7. Voy. infra, p.. 151 (I.1).

8. En ce sens, Liège (ch. vac.), 28 juillet 2003, J.L.M.B. 03/1219.

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Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, on peut se demander quelle est l’utilitéd’enseigner que la décision du juge des référés ne lie pas le juge du fond, si parailleurs il n’est pas envisageable que le juge des référés puisse prendre une déci-sion qui ne sera pas la même que celle que le juge du fond sera amené à prendre9.

• Sans trop se préoccuper des subtiles distinctions entre apparence et évidence, lacour d’appel de Liège a, par contre, estimé, dans un arrêt du 30 mai 2000 que lejuge des référés est «autorisé à examiner – prima facie – les droits apparents desparties et à prendre, sur la base de son analyse, en fait et en droit, toute mesureconservatoire ou anticipatoire justifiée par les circonstances de la cause» (Liège(7e ch.), 30 mai 2000, J.L.M.B. 00/1051).

• Le juge des référés de Mons estime pour sa part que la demande visant à fairecondamner l’administration communale à rapporter sa décision d’inscrire d’officele fils majeur (qui émarge au C.P.A.S.) de la demanderesse au domicile de celle-ci, ne répond pas à la condition du provisoire10 : «les faits de la cause démontrentque la mesure sollicitée par la demanderesse tend, non à l’organisation d’unesituation d’attente ou d’une mesure conservatoire, mais au prononcé d’une mesureau fond, définitive» (Civ. Mons (réf.), 8 octobre 1999, J.L.M.B. 00/587).

3.- Autonomie de l’instance en référé par rapport à l’instanceau fond

Le caractère provisoire de l’intervention du juge des référés justifie égalementl’autonomie dont jouit cette procédure par rapport à l’instance au fond.

• Le juge des référés de Namur a eu l’occasion de rappeler les principes régissantcette autonomie : «par application du principe de l’autonomie de l’instance enréféré par rapport au principal et dans la mesure où la procédure de référé a, paressence, un objet distinct de l’instance au fond et est dépourvue de l’autorité dechose jugée vis-à-vis du juge du fond, la présente action ne risque pas d’êtreinconciliable avec la décision au principal; […]; qu’il s’ensuit que la demande enréféré peut être introduite alors qu’une instance principale est déjà engagée àpropos de la même affaire»11. Le juge précise encore qu’en application de cesmêmes principes, rien n’oblige le demandeur en référé de mettre à la cause, enréféré, toutes les parties avec lesquelles il est en lien d’instance devant le juge dufond (Civ. Namur (réf.), 20 décembre 2002, J.L.M.B. 02/1254).

Si ces principes sont correctement rappelés, les circonstances de la cause leurdonnent un éclairage particulier. En effet, cette décision intervient dans le cadred’un litige opposant les exploitants d’un dancing installé en zone urbaine12 et unecentaine de riverains de celle-ci. Or, un juge de paix, saisi du fond du litige, avaitdéjà décidé, par jugement du 3 octobre 2000, «statuant provisionnellement,contradictoirement et avant dire droit», d’interdire à l’exploitant du dancing touteémission de sons «jusqu’à ce que l’expertise soit arrivée à bonne fin, que lesparties aient conclu et plaidé à son propos et que justice ait tranché le fond». Deuxans plus tard, la cause n’ayant toujours pas été plaidée, l’exploitant du dancingavait saisi le juge des référés de Namur afin d’être autorisé à reprendrel’exploitation du dancing (et en conséquence à émettre des sons), sous certainesconditions.___________

9. J. ENGLEBERT, "Le référé judiciaire : principes et questions de procédure", op. cit., n° 56, p.48.

10. L’action était justifiée par la crainte de la demanderesse (la mère) de devoir répondre sur son proprepatrimoine, à son domicile, de l’exécution forcée d’une créance exigible contre son fils, totalementinsolvable.

11. La décision cite P. MARCHAL, op. cit., n° 37, p. 70.

12. Pour les connaisseurs, il s’agit de «La ferme de l’abbaye de Géronsart».

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C’est pour répondre aux arguments d’irrecevabilité soulevés par les défendeurs,tirés de l’incompatibilité de cette demande avec le jugement antérieur du juge depaix, que le juge des référés de Namur en vient à se prononcer comme préciséci-dessus sur l’autonomie de sa juridiction. Il relève encore que «par son objet, lademande ne concerne pas les modalités d’exécution d’une décision rendue par lejuge du fond pas plus qu’elle ne porte atteinte à ce qui a été décidé, sur le fond, parle magistrat cantonal; qu’à ce propos, la mention reprise au dispositif du jugementdu 3 octobre 2000 ne constitue pas une décision au fond mais une mesure conser-vatoire prise à titre provisionnel et avant dire droit, ce que le juge de paix ad’ailleurs expressément invoqué; que cette mesure provisionnelle, prise dans laperspective d’un délai normal de mise en état de la cause (le juge de paix accordaità l’expert une prolongation d’un mois et demi pour mener à bonne fin sa missionet l’exhortait expressément à faire toute diligence. Depuis lors, plus de deuxannées se sont écoulées …) n’a pas autorité de chose jugée dans la mesure où il nes’agit pas d’une décision définitive, c’est-à-dire tranchant sur le fond ou surincident à propos d’une question contentieuse».

L’autonomie du juge des référés est généralement déduite que n’étant saisi qu’auprovisoire, sa décision ne peut avoir autorité de chose jugée à l’égard du juge dufond, dont il est en conséquence autonome. Mais qu’en est-il lorsque, comme enl’espèce, une demande en référé s’inscrit en contradiction avec une décisionantérieure, certes prise par un juge du fond, mais néanmoins au provisoire (aumême titre que la nouvelle mesure sollicitée en référé) ? Il est incontestable qu’enautorisant la reprise de l'exploitation du dancing jusqu’à ce qu’une décisionintervienne au fond, le juge des référés a porté atteinte à la décision rendue, auprovisoire, par le juge de paix.

Raisonnant comme pour les hypothèses où il est amené à revoir sa propre décisionprovisoire en cas de changement des circonstances, le juge des référés souligneque la décision provisoire du juge de paix avait été prise «dans la perspective d'undélai normal de mise en état», délai qui n’avait manifestement pas été respectéselon le juge des référés. On comprend de la lecture de l’ordonnance que lesriverains, demandeurs au fond, ne diligentaient pas la procédure d’expertise, ayantobtenu à titre provisoire du juge de paix l’interdiction d’exploitation. Cette cir-constance était-elle suffisante pour autoriser le juge des référés à modifier (quoi-qu’il s’en défende) la mesure provisoire antérieure ? Au vu des très larges pou-voirs reconnus au juge des référés, je pense que l’existence d’une décisionantérieure d’un autre juge, réglant la situation des parties à titre provisoire, nedevrait pas empêcher le juge des référés d’intervenir et d’ordonner, au vu del’évolution des circonstances de fait, d’autres mesures provisoires. Il me sembletoutefois que, dans ce cas, il appartient au juge des référés d’ordonner, concomi-tamment aux nouvelles mesures qu’il ordonne, la suspension des effets du juge-ment antérieur, au risque de voir subsister deux décisions, certes rendues auprovisoire, mais néanmoins antinomiques.

• La cour d’appel de Liège, statuant en appel de référé, se retrouve dans la mêmesituation dans une affaire ayant donné lieu à un arrêt du 28 juin 2000. Alors qu’illui est demandé par l’appelante de prendre une mesure visant à l’autoriser àpoursuivre l'exploitation d’une scierie, les intimés opposent à l’appelante unjugement antérieur, rendu par un juge de première instance saisi du fond del’affaire, qui a, avant dire droit, sur la base de l’article 19, alinéa 2, du codejudiciaire, d’une part, provisoirement interdit la poursuite de l’exploitation de lascierie et, d’autre part, nommé un expert en vue d’évaluer le dommage que cetteexploitation est de nature à causer aux riverains (Liège (1ère ch.), 28 juin 2000,J.L.M.B. 00/1042, déjà citée).

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La cour, pour rejeter cet argument, va développer quelques considérations quiméritent d’être citées in extenso : «que si la cour n’a pas à connaître de cettedécision actuellement13, elle ne peut s’empêcher de constater que la mesureordonnée par le premier juge dans le cadre de ce litige ne "règle pas provisoire-ment la situation des parties" ainsi que le texte de l’article 19, alinéa 2, du codejudiciaire le lui prescrit – les pouvoirs conférés par ledit article devant être exercésde manière plus stricte que ceux qui échoient au juge des référés14 – mais que cemagistrat prend déjà une mesure particulièrement orientée qui préjuge du fondalors que le magistrat investi de ce pouvoir doit veiller à l’exercer avec uneparticulière circonspection afin de ne pas compromettre l’impartialité objectivequ’il doit présenter jusqu’à l’épuisement de sa juridiction». Quant on sait que lacour va autoriser la reprise de l’exploitation15, il s’en déduit manifestement que,selon elle, seul le juge des référés peut, dans le cadre des mesures provisoires,préjuger du fond. Cet arrêt, critiquable, a été cassé, sur un autre motif, par la Courde cassation (Cass. (1ère ch.), 12 décembre 2003, J.L.M.B. 04/844).

L’autonomie du référé par rapport au fond intervient également dansl’appréciation, par le juge des référés, de l’intérêt du demandeur à agir.

• Ainsi, selon la cour d’appel de Liège, «l’intérêt à agir doit essentiellements’apprécier par rapport au fondement de l’action en référé et non par rapport àl’action au fond elle-même, même si celle-ci constitue la justification finale del’action en référé; qu’autrement dit, le juge des référés ne peut, pour écarter laprésente action en référé, sur la base d’un défaut d’intérêt né et actuel dans le chefde l’appelante, statuer sur l’éventuel défaut d’intérêt que présente l’action au fondpour cette même partie, demanderesse originaire dans cette action au fond, cettedécision n’appartenant qu’au juge du fond lui-même; que le juge des référés, quine peut statuer que sur des apparences de droit, doit apprécier l’intérêt à agir dansce cadre» (Liège (1ère ch.), 6 mars 2000, J.L.M.B. 04/986).

4.- Autonomie du référé par rapport à l’ instance pénaleC’est également le caractère provisoire des décisions rendues par le juge desréférés qui explique que la règle «le criminel tient le civil en état» ne s’appliquepas en référé.

• «C’est à tort que [l’intimé] invoque l’article 4 de la loi du 17 avril 1878. En effet,la règle "le criminel tient le civil en état" ne trouve à s’appliquer que lorsque lejuge civil statue au fond et qu’un point du litige qui lui est soumis peut constituerun élément de la décision sur l’action publique en créant ainsi un risque de contra-diction entre la décision sur l’action civile et celle qui sera rendue sur l’actionpublique. Le principe ne s’applique pas dans le cas d’une procédure en référé»16

(Bruxelles (9e ch.), 20 novembre 2003, J.L.M.B. 04/295).

5.- Mesures «provisoires» dans le tempsLa question se pose souvent de savoir si une mesure demandée en référé, dontles effets ne seraient pas limités dans le temps, répond encore à la condition duprovisoire.

• Par ordonnance du 27 octobre 2003, le président du tribunal de commerce deCharleroi relève que la demande qui lui est faite (en l’espèce, l’interdiction___________13. En effet, l’appel n’était nullement dirigé contre cette décision, mais contre une ordonnance du juge des

référés, mettant par ailleurs en cause une autre partie.

14. L’arrêt cite Civ. Namur, 24 août 1994, R.R.D., 1994, p. 570.

15. Voy. infra, p. 168 (note 77).

16. L’arrêt cite Bruxelles, 26 septembre 2000, cette revue, 2001, p. 820.

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d’utilisation, sous peine d’astreinte, de la dénomination commerciale «Centau-rus» pour des produits destinés aux chevaux), telle que formulée, «n’est paslimitée dans le temps par exemple jusqu’au moment où une décision seraintervenue sur le fond du litige à la suite d’une citation signifiée dans un délaipréfixe. Dès lors, si le tribunal venait à faire droit à la demande, la [partiedemanderesse] pourrait se dispenser d’introduire une action au fond tendant à lamesure sollicitée ayant par hypothèse obtenu en référé tout ce à quoi elle auraitpu prétendre devant la juridiction du fond. En d’autres termes, la demandeformulée par [la partie demanderesse] ne tend pas à préserver le droit dont ellese prévaut, dans l’attente de la décision du juge du fond, mais à substituer àcelle-ci la décision du juge des référés». Le président du tribunal de commercede Charleroi considère qu’une telle mesure serait dès lors de nature à «modifierla situation juridique des parties de manière définitive et irréversible rendantinutile et sans intérêt une décision du juge du fond»17, estimant encore que«c’est bien de quoi il retourne en l’espèce où, obtenant satisfaction en référé, lasociété demanderesse ne trouverait plus le moindre intérêt à citer devant le jugedu fond, ayant été remplie de l’ensemble des droits qu’elle entendait voir recon-naître : interdiction d’utiliser la marque "Centaurus" sans limitation de temps[…]. En conséquence notre tribunal doit constater que la mesure demandée nerelève pas du provisoire parce qu’elle substitue l’autorité du juge des référés àcelle du juge du fond» (Comm. Charleroi (réf.), 27 octobre 2003, J.L.M.B.03/1108).

A mon sens, lier le provisoire au caractère limité dans le temps de la mesuresollicitée relève d’une appréciation inexacte de cette notion. Le président dutribunal de commerce de Charleroi semble notamment oublier que le juge dufond pourrait parfaitement être saisi de la contestation opposant les deux partiesquant au droit à se prévaloir de la dénomination «Centaurus», à l’initiative de lapartie défenderesse en référé, de sorte qu’un débat au fond pourrait bien avoirlieu sur cette question de droit, nonobstant le caractère non limité dans le tempsde la mesure qu’aurait pu ordonner à ce sujet le juge des référés. Ainsi, quoiquenon limitée dans le temps, cette mesure était toujours bien provisoire puisqu’ellene se serait pas imposée au juge du fond dès lors qu’elle ne bénéficiait d’aucuneautorité de la chose jugée.

Cela étant dit, je ne vois pas d’inconvénient à ce que, dans certaines circonstan-ces, le juge des référés, à la demande d’une des parties, limite dans le temps leseffets de son ordonnance, notamment si aucune procédure n’est introduite aufond dans un certain délai. Mais il ne convient pas de lier cette question aucaractère provisoire de la demande. Au contraire, on pourrait admettre qu’au-delà d’un certain délai, l’urgence (qui peut résulter de l’impossibilité d’obtenirune décision efficace dans un délai raisonnable devant le juge du fond) qu’il yavait à ordonner telle mesure en référé ne se justifie plus dès lors que le juge dufond aurait pu entre-temps statuer, ou ne se justifie plus qu’en raison del’attitude du demandeur qui n’a pas pris soin de saisir le juge du fond du litige.Cette préoccupation me paraît plus pertinente pour justifier la limitation dans letemps des effets d’une ordonnance de référé.

• Dans cet esprit, le juge des référés de Namur, dans l’affaire du «dancing deGéronsart», après avoir autorisé à titre provisoire la reprise de l’exploitation, souscertaines conditions, précise dans son dispositif : «Disons que l’opportunité dumaintien des mesures ici ordonnées sera réexaminée d’office à l’échéance dechaque période de trois mois et, pour la première fois le […]»(Civ. Namur (réf.),20 décembre 2002, J.L.M.B. 02/1254, déjà citée).___________17. P. MARCHAL, "Introduction générale", Le référé judiciaire, p. 2.

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES148 – 2005/4

6.- Nature des mesures provisoires ordonnées en référé

Les études consacrées au référé font traditionnellement la distinction, après avoirétudié les questions de l’urgence et du provisoire, entre les différents types demesures que peut prendre le juge des référés, classées selon l’intensité des droitsinvoqués et l’étendue de la mesure sollicitée : d’une part, les mesures simplementconservatoires justifiées par des droits apparents, d’autre part, les mesuresd’anticipation justifiées par des droits certains et évidents.

Comme rappelé ci-dessus, j’ai récemment tenté de démontrer que cette classifica-tion était obsolète à partir du moment où l’on admettait que la seule portée duprovisoire était que la décision du juge des référés n’avait aucune autorité dechose jugée à l’égard du juge du fond, ce qui autorise le juge des référés à appré-cier les droits des parties et à prendre toutes mesures, même irréversibles, pourautant qu’elles ne portent pas atteinte de façon définitive et irréparable aux droitsd’une des parties18.

Cette classification classique reste toutefois très généralement appliquée enjurisprudence, non sans que règne, comme je le montrerai ci-après, une grandeconfusion dans l’application des différentes notions invoquées.

6.1.- Mesures conservatoires et droits apparents• S’inscrivant dans la jurisprudence classique, la cour du travail de Liège rappelleque «le juge des référés peut prendre notamment des mesures d’attente ou conser-vatoires pour autant que des droits apparents justifient cette décision et sans qu’ilne règle définitivement la situation juridique des parties» (C. trav. Liège (10e ch.),1er avril 2003, J.L.M.B. 03/673).

• De même, la cour d’appel de Liège précise, dans un arrêt du 3 octobre 2002 «ques’agissant d’une mesure d’expertise qui présente un caractère conservatoire, iln’est pas exigé que la partie demanderesse justifie d’un droit évident, incontesta-ble et non sérieusement contesté». La cour prend, en outre, soin de préciser que«le juge des référés ordonne une mesure d’instruction dont l’opportunité et lerésultat seront appréciés librement par le juge du fond à l’égard duquel la décisionn’a aucune autorité de chose jugée»19 (Liège (7e ch.), 3 octobre 2002, J.L.M.B.02/1181).

• C’est ce que confirme encore le président du tribunal de première instance deNamur, saisi d’une demande d’interdiction de passer l’acte authentique de vented’un immeuble, introduite par un autre acquéreur se prétendant bénéficiaire d’uncompromis de vente antérieur : «il appartient au juge des référés de n’ordonner lesmesures provisoires sollicitées […] que pour autant que [la demanderesse] dé-montre à suffisance une apparence de droit, ce qui implique l’absence d’unecontestation sérieuse». Toutefois, précise ce magistrat, «l’existence d’une contes-tation sérieuse du droit invoqué ne peut, à elle seule, empêcher une mesure deréféré, le juge devant, en pareille hypothèse, s’appuyer sur l’évaluation et lacomparaison des préjudices éventuels, à savoir celui que subirait le demandeur sila mesure sollicitée n’était pas ordonnée et celle du défendeur si elle l’était». C’estl’application classique de la balance des intérêts, généralement envisagée lors del’appréciation de l’urgence20. Dans cette balance, estime le juge, «il apparaîtjustifié d’opter pour une approche […] préventive des conséquences dommagea-bles d’une situation; qu’en d’autres termes, plutôt que de spéculer sur une éven-tuelle réparation par équivalent et a posteriori en fonction de ce que le juge du___________18. Voy. supra, p. 142 (I.1).

19. L’arrêt cite G. DE LEVAL, "L’examen du fond des affaires par le juge des référés", J.T., 1982, p. 422,n° 11.

20. Voy. infra, p. 153 (II.2).

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fond décidera, il s’impose – pour autant qu’il n’existe prima facie aucune contre-indication manifeste ou évidente en rapport avec la contestation du droit dont laprotection est sollicitée – de faire droit à une demande qui, se fondant sur uneapparence de droit suffisante, quoique contestée, tend à prévenir l’apparition ou, lecas échéant, l’accroissement d’un dommage» (Civ. Namur (réf.), 20 décembre2002, J.L.M.B. 02/1253, déjà citée).

En résumé, l’apparence de droit doit être démontrée avec suffisance. Ce qui n’estpas le cas si le droit apparent est sérieusement contesté. Mais malgré cette contes-tation sérieuse, l’apparence sera quand même suffisante pour justifier la mesuresollicitée si la balance des intérêts en présence fait apparaître prima facie qu’iln’existe pas de contre-indication manifeste et évidente de faire droit à la de-mande… Voilà les contorsions stériles auxquelles le juge doit se livrer lorsqu’ilreste enfermé dans la distinction obsolète entre les droits prétendument «appa-rents» et ceux qui seraient «évidents», ce qui l’oblige par ailleurs à analyser lecaractère apparent ou évident des contestations soulevées par l’autre partie.

Et pour sauver les apparences, il ne lui reste qu’à affirmer péremptoirement quetoutes ces analyses ne sont évidemment faites que prima facie !

6.2.- Mesures d’anticipation et droits évidents- a.- Remarque préalable

Traditionnellement, c’est sous l’intitulé générique de «référé-provision» que ladoctrine traite généralement de toutes les mesures d’anticipation, tout en faisantune place particulière au référé-provision stricto sensu21. Il convient, toutefois, degarder à l’esprit que le référé-provision n’est en réalité qu’un type particulier,parmi bien d’autres, de mesures d’anticipation que peut ordonner le juge desréférés. Rien ne justifie, à mon sens, que l’on fasse une place à part au référé-provision par rapport aux autres mesures d’anticipation, même si c’est sansconteste celui-ci qui a mis en lumière le premier l’importance et l’intérêt pratiqueque peuvent représenter de telles mesures d’anticipation.

• Ainsi, lorsque le juge des référés de Bruxelles (Civ. Bruxelles (réf.), 6 juin 2002,J.L.M.B. 03/696) souligne que «l’intervention directe du juge des référés dans larelation contractuelle se confond en réalité avec un référé-provision», il fautcomprendre que ces deux types de mesures se confondent dans le cadre plusgénéral des mesures d’anticipation.

• C’est ce que résume parfaitement, dans une récente ordonnance, le président dutribunal de première instance de Liège (Civ. Liège (réf.), 6 novembre 2003,J.L.M.B. 04/846) : «le rôle du juge des référés ne se cantonne pas […] au domainedes mesures d’instruction ou des mesures conservatoires. Le juge des référés n’est,en effet, pas limité quant aux mesures provisoires […] qu’il peut prendre, si cen’est qu’il ne peut octroyer plus que ce que le juge du fond pourrait allouer. Ainsi,il peut prendre des mesures dites d’anticipation. Parmi celles-ci, on distinguel’injonction de faire, l’injonction de ne pas faire [et] l’injonction de payer unesomme d’argent ou le référé provision».

• On relèvera, toutefois, que certains juges refusent encore l’idée même du référé-anticipation. Dans un arrêt du 28 juillet 2003, la cour d’appel de Liège (Liège, (ch.vac.), 28 juillet 2003, J.L.M.B. 03/1219, déjà citée en note 8) constate que lepremier juge «tout en admettant l’urgence, rejette la demande au motif que celle-cisort manifestement du cadre du provisoire, "le but poursuivi par la demanderesse[…] (étant de) voir consacrée ici une prétention exactement identique à cellequ’elle a soumise, parallèlement, à la juridiction de fond"».___________21. C’est ainsi que j’ai moi-même toujours présenté les choses dans mes précédents inédits (1992, p. 516;

1993, p. 1131 et suivantes, et surtout 2000, p. 363 à 367).

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- b.- Demande d’une provision en référé

• «Pour que le juge des référés puisse, en quelque sorte, "préjuger" de l’existencedu droit revendiqué dans le chef de la partie demanderesse en référé-provision, ils’impose que celle-ci administre, dans le cadre d’un débat forcément simplifié etaccéléré, la preuve de l’évidence manifeste (ou encore : flagrante, éclatante,indiscutable) du bien-fondé de sa prétention, tant en fait qu’en droit» (Civ. Namur(réf.), 31 juillet 2001, J.L.M.B. 01/745).

• «Une telle mesure d’anticipation ne peut […] être prise que face à un droitévident et à une atteinte manifestement illicite de ce droit» (Civ. Liège (réf.), 6novembre 2003, J.L.M.B. 04/846, déjà citée).

• Le demandeur avait obtenu en référé l’allocation d’une provision, dans le cadred’un litige portant sur la détermination des responsabilités. Le juge des référésn’avait toutefois pas mentionné dans son ordonnance que la faculté de cantonne-ment était écartée. Le défendeur refusait en conséquence de s’exécuter et propo-sait de cantonner le montant alloué à titre de provision. Le demandeur a introduitune nouvelle action en exclusion du cantonnement. Saisi de cette demande, le jugedes référés de Namur décide que «à l’inverse d’une demande d’astreinte ou determes et délais, la demande fondée sur l’article 1406 du code judiciaire ne doitpas satisfaire à la condition de simultanéité avec l’examen et le jugement de lademande originaire». Après avoir relevé que la condamnation, pour laquellel’exclusion du cantonnement était sollicitée, avait été prononcée par le mêmetribunal, le président ajoute «qu’il est de l’essence même de la provision allouéeen référé dans le cadre d’un litige […], d’être indispensable à la satisfactionimmédiate d’un besoin actuel ou urgent; qu’en décider autrement reviendrait àvider de toute son efficacité l’ordonnance dite de référé-provision […]». (Civ.Namur (réf.), 31 juillet 2001, J.L.M.B. 01/726).

- c.- Demande d’exécution d’un contrat en référé

• Le juge des référés de Bruxelles a eu à connaître d’un conflit opposant unpédiatre à un centre hospitalier, en raison de la modification unilatérale, par cedernier, des conditions dans lesquelles le médecin travaillait. Le juge va analyserdans le détail la nature des activités du pédiatre avant et après la modificationunilatérale de son statut, les conséquences financières qui en découlent, le proces-sus décisionnel qui a conduit à cette modification pour en déduire qu’une «tellemodification unilatérale des conditions du contrat de prestation de services sansque ne soient respectées les modalités contractuelles prévues pour la résiliation,constitue une violation flagrante de celui-ci, s’apparentant à la voie de fait». Ceconstat permet au juge de justifier son intervention dans le cadre de relationscontractuelles liant les parties : la voie de fait présupposant l’existence d’un actemanifestement illégitime et donc un droit évident et certain à en obtenir la sup-pression22 (Civ. Bruxelles (réf.), 6 juin 2002, J.L.M.B. 03/696, déjà citée).

Il est également intéressant de noter qu’après de longs développements sur lecaractère certain des droits invoqués et sur l’existence d’une véritable voie de fait,autorisant le juge à intervenir en matière contractuelle, celui-ci va se «contenter»,après avoir ordonné la réintégration du médecin dans le service de pédiatrie del’hôpital, de dire «qu’il appartient aux parties de se concilier à l’initiative duconseil médical, pour préciser les attributions et prestations qu’il y a lieu deconfier [au demandeur] au sein du service de pédiatrie» dès lors que, nonobstant lavoie de fait, il «n’apparaît pas d’emblée que [le demandeur] puisse […] revendi-___________22. Sur l’origine et le rôle de la «voie du fait» dans le pouvoir d’intervention du juge des référés, voy. J.

ENGLEBERT, "Référé judiciaire : principes et questions de procédure", op. cit., n° 30 à 34, p. 27 et 28.

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quer, sur la base du contrat de prestation de services signé […], sa réintégration,comme [il] le demande, dans toutes23 les prestations [qu’il] effectuait jusqu’au»moment de la modification unilatérale de ses conditions de travail, «l’organisationd’un service [pouvant] nécessiter certaines évolutions dans la répartition destâches».

En d’autres termes, le juge des référés s’autorise à intervenir dans les relationscontractuelles des parties, mais pas trop. Conscient qu’un ordre strict nes’accommoderait pas de la nécessaire souplesse qui devrait régir lesdites relationscontractuelles, le juge renvoie en définitive les parties à la case départ de laconciliation, après, il est vrai, avoir mis au préalable fin «à la voie de fait», enordonnant la réintégration du médecin mis à l’écart. Une telle décision, surpre-nante à première vue, mérite d’être soulignée tant il est vrai, à mon sens, que lesjuges n’apparaissent pas toujours conscients (ou soucieux) de l’effet (ou del’absence d’effet) pratique que peuvent revêtir certaines de leurs décisions troptranchées.

• Le demandeur en référé avait acquis en janvier 1996 un fonds de commerce debijouterie auprès du défendeur. L’acte de cession comportait une clause de non-concurrence, non limitée dans le temps, interdisant au cédant d’exercer à l’avenirle commerce de bijoutier dans l’agglomération namuroise. Après avoir exercé cemême commerce pendant près de quatre ans à Dinant, le cédant était revenus’installer à Namur, en septembre 1999. Le cessionnaire l’avait assigné en référéafin qu’il lui soit fait interdiction d’exploiter un tel commerce. Une action au fond,ayant le même objet était introduite simultanément. Débouté de sa demande enréféré, le cessionnaire a interjeté appel. Selon la cour d’appel de Liège (Liège (7e

ch.), 14 janvier 2000, J.L.M.B. 00/123, déjà citée), il n’était pas certain que le jugedu fond fasse une application stricte de la clause de non-concurrence dès lors quecelle-ci n’était pas limitée dans le temps. Or, selon la cour, le juge des référés «nepourra déclarer fondée la demande tendant au respect d’une clause de non-concurrence s’il n’est pas démontré que la partie à laquelle incombait cette obli-gation de non-concurrence ne pourra en aucun cas être déchargée de cette obliga-tion par le juge du fond»24. En d’autres termes, il appartient à la partie qui sollicitel’exécution d’une obligation contractuelle, par anticipation sur la décision quepourra prendre le juge du fond, qu’elle établisse le caractère évident et certain deson droit. Mais, en définitive, ce sera la balance des intérêts en présence quidécidera la cour à rejeter la demande : «le juge des référés, mettant en balance lesintérêts respectifs et le préjudice susceptible d’être subi par chacune des parties,doit choisir entre, d’une part, le maintien d’une interdiction contractuelle maissusceptible d’être éventuellement réduite et dont la violation peut être sanctionnéepar des dommages et intérêts déjà partiellement fixés de manière forfaitaire [dansle contrat] et, d’autre part, l’autorisation provisoire de poursuivre une activitécertes en principe interdite mais précédée d’investissements qu’une fermetureprovisoire risque de réduire à néant». Faisant cette balance, la cour considère«qu’une interdiction même provisoire causerait [à l’intimé] un dommage plusimportant et plus difficile à apprécier en période de démarrage que celui dontl’appelante peut faire état et pour lequel elle dispose d’une estimation forfaitaire,le préjudice complémentaire éventuel pouvant se mesurer grâce à un examen deses résultats financiers dans lesquels l’apparition subite [de l’intimé], si elle a uneinfluence, aura laissé des traces».

• La cour d’appel de Liège a été saisie par plus de cent trente ouvriers de l’usineContinental, à Herstal, au moment de la mise en œuvre de son plan de fermeture,___________23. Souligné dans le texte.

24. L’arrêt cite L. DU CASTILLON, "Aspect actuels du référé en matière contractuelle", Formation perma-nente C.U.P. – U.Lg., septembre 1998, p. 49.

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en vue d’obtenir «une mesure d’expertise jumelée à la production de documents»ainsi qu’une «interdiction de procéder au licenciement des [demandeurs] avant ledépôt du rapport d’expertise». Sur cette seconde demande la cour constate que «ladécision paraît bien acquise que les quelque sept cent vingt travailleurs menacésseront incessamment licenciés; que la vente annoncée des bâtiments confirme ladétermination de l’intimée d’en finir avec sa division «poids lourd» à Herstal;qu’il n’est en pareille circonstance pas du pouvoir du juge d’ordonner une pour-suite des contrats de travail et d’intimer l’ordre de ne pas licencier; quel’entrepreneur reste libre, sous la réserve de l’abus de droit et des préalablesd’information et de loyauté, de donner préavis et de faire ou non prester ceux-ci;qu’une décision judiciaire, surtout en référé, et dans les circonstances de l’espèce,notamment eu égard à l’importance numérique du personnel, ne pourrait contrain-dre l’intimé à maintenir l’usine en vie et à poursuivre une relation contractuelle»(Liège (7e ch.), 22 mai 2001, J.L.M.B. 01/685).

Sur la demande d’expertise, par contre, la cour estime la demande fondée dès lors«que ne peut être exclue une sanction judiciaire de la décision de mettre fin auxcontrats dès lors que la rupture est fautive parce que décidée brutalement, sansnécessité financière et sans égard pour les propositions formulées par le personneldont la contribution passée à un précédent plan de redressement a permis àl’employeur des économies substantielles dont les travailleurs ont fait quelquetemps les frais». La cour précise néanmoins que «les mesures provisoires etconservatoires que le juge des référés peut décréter doivent rester mesurées;qu’elles doivent principalement aider les appelants à préparer, en pleine connais-sance des éléments de la cause, la procédure au fond que logiquement ils introdui-ront à défaut d’obtenir d’être entendus et récompensés pour des efforts méritoiresqu’ils avaient fournis et qui ont fait […] le succès de l’intimée». La cour nommeen conséquence un expert qui pourra se faire remettre une série de documents etprécise, comme à contrecœur, «qu’aller au-delà n’est pas possible dans le cadre duréféré».

• La cour d’appel de Liège a encore considéré, dans un arrêt du 12 octobre 1999«que dans la recherche d’une solution mettant les intérêts respectifs en balance, iln’est pas hérétique – au stade du référé – d’admettre certains aménagements à laforce obligatoire des contrats lorsque des événements imprévisibles lors de saconclusion ou la nature des choses, conçue comme un agencement de faits et decirconstances qui s’imposent au juriste dans l’ordre rationnel auquel il souscrit,modifient profondément l’économie de celui-ci»25 (Liège (7e ch.), 12 octobre1999, J.L.M.B. 99/1221, déjà citée).

- d. Rejet d’une injonction de ne pas faire• Le litige qui oppose depuis longtemps les héritiers de GEORGES SIMENON à unhôtelier Liégeois qui avait dénommé son établissement «Simenon» donne unexemple très intéressant de justification du refus, par le juge des référés,d’ordonner au provisoire, une injonction de ne pas faire.

Une procédure de plusieurs années avait conduit à l’interdiction de l’usage dunom «Simenon» comme enseigne commerciale pour cet hôtel. Persévérant, etnon dépourvu d’imagination, l’hôtelier avait décidé à la suite de cette procédurede dénommer son hôtel «Si Mais Non». Les héritiers de GEORGES SIMENONassignèrent à nouveau l’hôtelier en référé en vue d’obtenir sa condamnation àcesser tout usage de ce nouveau nom ou de tout autre nom similaire au nompatronymique «Simenon».___________25. L’arrêt cite X. DIEUX, "Réflexions sur la force obligatoire des contrats et sur la théorie de

l’imprévision", R.C.J.B., 1983, p. 393 et 403.

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Après avoir constaté que pour obtenir une telle mesure d’anticipation les de-mandeurs devaient justifier d’un droit évident et d’une atteinte manifestementillicite à ce droit, ce qui selon le juge était loin d’être acquis en l’espèce, celui-ciprécise par ailleurs que «la balance des intérêts n’est pas plus susceptible dejustifier la voie choisie par les demandeurs. A cet égard, il faut soulever – carc’est révélateur – que déjà lorsqu’il s’est agit pour le juge du fond de rencontrerla demande d’exécution provisoire dans son jugement du 8 novembre 200026,celui-ci l’a rejetée au motif que «d’une part, les délais écoulés depuis le premiermanquement de la défenderesse sont tels que quelques mois de plus ou de moinsne sont pas de nature à nuire aux intérêts des demandeurs et, d’autre part, parceque le préjudice que subirait la défenderesse en cas de réformation de la déci-sion, si elle avait dû s’exécuter avant l’issue définitive du procès, serait sansaucune mesure avec des avantages retirés par les demandeurs d’une exécutionimmédiate». Cette appréciation du juge du fond27 dans le contexte d’une utilisa-tion directe et franche du nom Simenon justifie, a fortiori, la prudence que doits’imposer le juge des référés28 face à l’utilisation du nom «Si Mais Non» (Civ.Liège (réf.), 6 novembre 2003, J.L.M.B. 04/846, déjà citée).

II.- L’urgence

1. Conditions de compétence et de fondement• «L’urgence en matière de référé est un élément constitutif de la compétencematérielle du juge» (Liège (1ère ch.), 28 juin 2000, J.L.M.B. 00/1042, déjà citée).Comme on le sait, la compétence doit s’apprécier en fonction non pas de l’objetréel de la demande, mais bien de l’objet tel que formulé dans l’acte introductifd’instance29. «Dès lors, vu la référence à l’urgence [dans la citation], c’est à justetitre que le tribunal s’est déclaré compétent» (C.trav. Liège (10e ch.), 1er avril2003, J.L.M.B. 03/673, déjà citée).

• «C’est à bon droit que le premier juge s’est déclaré compétent dès lors quel’urgence était invoquée en citation» (Bruxelles (9e ch.), 20 septembre 2002,J.L.M.B. 02/1039).

• C’est ce que confirme encore la Cour de cassation dans un arrêt du 10 avril2003 : «que lorsqu’il est saisi d’une demande présentée comme urgente dansl’acte introductif d’instance, le juge des référés est compétent pour en connaître;que s’il ne reconnaît pas l’urgence de la demande, il la déclare non fondée» (Cass.(1ère ch.), 10 avril 2003, J.L.M.B. 03/581).

2. Notion et balance des intérêts• «Il est généralement admis qu’il y a urgence dès que la crainte d’un préjudiced’une certaine gravité, voire d’inconvénients sérieux, rend une décision immédiatesouhaitable» (Liège (7e ch.), 28 juin 2000, J.L.M.B. 00/1042,, déjà citée30; Liège (7e

ch.), 22 mai 2001, J.L.M.B. 01/685, déjà citée).

• L’urgence est une question de fait, «ce qui laisse au juge des référés un largepouvoir d’appréciation en fait et, dans une juste mesure, la plus grande liberté»(Liège (7e ch.), 22 mai 2001, J.L.M.B. 01/685, déjà citée) 31.___________26. Il s’agit du jugement par lequel le juge du fond enjoignait au défendeur de cesser tout emploi du

patronyme Simenon comme enseigne.

27. Souligné dans le texte.

28. Souligné dans le texte.

29. Voy., «Inédits… », cette revue, 1992, p. 509, 1993, p. 1121 et 2000, p. 359.

30. L’arrêt cite J. VAN COMPERNOLLE, "Actualité du référé", Ann. dr. Louvain., 1989, p. 143 à 147.

31. L’arrêt cite Cass., 21 mai 1987, Pas., 1987, I, 1160.

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• Ainsi, le président du tribunal de première instance de Bruxelles, saisi d’unedemande visant à obtenir la restitution d’un véhicule enlevé par une société dedépannage sur réquisition de la police, estime qu’il y a urgence dès lors que «lefait pour la demanderesse d’être privée de son véhicule dont elle a besoinnotamment dans l’exercice de sa profession, constitue dans son chef uninconvénient sérieux justifiant le recours à la procédure en référé» (Civ.Bruxelles (réf.), 4 juin 2004, J.L.M.B. 04/562).

• Pour la cour d’appel de Liège, «la circonstance qu’en raison d’un changement deconseil, l’appelante ait demandé remise à l’audience d’introduction afin de pou-voir établir des conclusions additionnelles n’entraîne pas une disparition del’urgence» (Liège (ch. vac.), 28 juillet 2003, J.L.M.B. 03/1219, déjà citée).

• Il y a urgence «lorsque la procédure ordinaire serait impuissante à résoudre ledifférend en temps voulu». La cour d’appel de Liège estime, dans son arrêt déjàcité du 22 mai 2001, qu’il «faut toutefois ne pas négliger les possibilités offertespar la combinaison des articles 19, alinéa 2, 735 et 708 du code judiciaire32 lorsquel’action au fond est déjà introduite ou en voie de l’être, l’urgence ne pouvantrésulter de l’inertie du demandeur» (sous entendu que l’inertie en l’espèce consis-terait à ne pas s’être prévalu de ces dispositions, au fond, à l’audienced’introduction). La cour constate toutefois qu’en l’espèce «les possibilités d’undébat succinct organisé rapidement devant le juge du fond ne sont pas réalistes etque le choix de la juridiction présidentielle ne doit pas être condamné» (Liège (7e

ch.), 22 mai 2001, J.L.M.B. 01/685, déjà citée).

• Le président du tribunal de commerce de Charleroi va plus loin en estimantque le tribunal des référés «doit […] rejeter la demande en référé-provision àdéfaut d’urgence, si le résultat recherché peut être obtenu devant le juge du fonddans des délais comparables en recourant à l’article 19 du code judiciaire; […]en l’occurrence, le tribunal de commerce est en mesure de connaître au fonddans des délais très rapprochés, de toute affaire dont la fixation lui serait de-mandée par les parties; la réclamation de la [demanderesse] doit ainsi êtrerejetée, la mesure sollicitée pouvant être accordée en temps utile devant le jugedu fond33»34 (Comm. Charleroi (réf.), 11 décembre 2002, J.L.M.B. 02/1234, déjàcitée).

Si le juge apprécie souverainement la réalisation de la condition de l’urgence, ilappartient néanmoins au demandeur d’apporter la preuve de l’existence descraintes d’un préjudice d’une certaine gravité, voire d’inconvénients sérieux.

• Dans l’affaire déjà citée d’une mère qui s’opposait à l’inscription d’office par lacommune de son fils insolvable à son domicile, le juge des référés de Mons relèvel’absence d’urgence au motif que la demanderesse «ne produit […] aux débatsaucun document, pas même une mise en demeure, qui nous permettraitd’apprécier la justesse de ces craintes» (qui résultaient du risque de mesuresd’exécution forcées sur le patrimoine de la demanderesse pour des dettes de sonfils, insolvable) (Civ. Mons (réf.), 8 octobre 1999, J.L.M.B. 00/587, déjà citée) .

Ce sera souvent par une balance des intérêts en présence que le juge détermineras’il y a urgence ou non à ordonner la mesure sollicitée (Liège (7e ch.), 14 janvier2000, J.L.M.B. 00/123, déjà citée).___________32. L’arrêt cite J.-F. VAN DROOGHENBROECK, "Aspect actuel du référé-provision", in Les procédures en

référé, Formation permanente C.U.P.- U.Lg., septembre 1998, vol. 25, p. 27.

33. La décision cite J.-F. VAN DROOGENBROECK, "Aspect actuel du référé provision", op. cit. p. 29.

34. Sur les réserves qui doivent être émises à l’égard de cette jurisprudence, voy. J. ENGLEBERT, "Référéjudiciaire : principes et questions de procédure", op. cit., p. 16 à 18.

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• Dans l’appréciation de l’urgence «le juge recherche si l’absence de suite donnéeà la demande aurait pour effet d’entraîner une perturbation plus grande que lepréjudice éventuel créé par l’accueil de l’action, ce qui suppose la confrontationde deux préjudices éventuels et la prise en considération de la situation des partieset de leur comportement» (Liège (7e ch.), 22 mai 2001, J.L.M.B. 01/685, déjàcitée).

• Ainsi dans l’affaire déjà évoquée de l’abattage d’une vache ayant perdu sesmarques auriculaires, le juge des référés de Tournai décide que «l’absenced’identification certaine du bovin litigieux […] entraîne donc la nécessité urgentede sa destruction dans un but prophylactique rendu d’autant plus indispensable dufait des actualités récentes en matière de risques pour la santé humaine liés à laconsommation de viande (mafia des hormones, scandale de la dioxine, maladie dela vache folle…)», précisant que dans le cadre de l’appréciation de l’urgence «lejuge peut tenir compte de l’importance des intérêts en balance; qu’en l’espècel’intérêt public doit l’emporter sans la moindre hésitation sur l’intérêt particulierque pourrait avoir le défendeur à conserver son animal» (Civ. Tournai (réf.), 25octobre 2000, J.L.M.B. 01/515, déjà citée).

• Il en va de même dans l’affaire déjà citée de l’hôtel «Si Mais Non» : le jugeconstate pour contester l’urgence de la demande que «en l’espèce, il ressort desexplications apportées par les demandeurs que le dommage dont il se prévalentest essentiellement financier; en effet même si l’aspect moral est évoqué suc-cinctement (p. 8 in fine des conclusions de synthèse), il est surtout question dedévalorisation, de retombée économique, d’investissement considérable, deprivation d’un droit de monnayer les autorisations… ; or, un tel dommage estessentiellement réparable et, au vu de la situation pécuniaire des demandeurs,son examen ne nécessite aucune précipitation» (Civ. Liège (réf.), 6 novembre2003, J.L.M.B. 04/846, déjà citée).

3. Persistance de l’urgence jusqu’à l’ issue de la procédure

• L’urgence, condition du fondement de la demande, «doit exister non seulementlors de l’introduction du procès mais jusqu’à la clôture des débats, cette règles’appliquant en degré d’appel» (Liège (1ère ch.), 28 juin 2000, J.L.M.B. 00/1042,déjà citée).

• Dans un arrêt du 8 novembre 1999, la cour d’appel de Mons s’emmêle quelquepeu les pinceaux entre l’urgence, condition de compétence et l’urgence, conditionde fond. La cour rappelle d’abord que l’urgence est «la condition nécessaire etsuffisante de la compétence du juge des référés». Elle confirme ensuitel’enseignement bien établi selon lequel en tant que condition de compétence,l’urgence s’apprécie de façon purement formelle : «que, conformément auxarticles 9 et 584 du code judiciaire, l’urgence est une condition non point derecevabilité mais de compétence du juge des référés […]; qu’elle s’apprécie enfonction de l’objet de la demande tel qu’il est formulé par le demandeur dans lacitation et non en fonction de l’objet réel de la demande; qu’il s’ensuit que,lorsque le président du tribunal siégeant en référé est saisi par la citation d’undemandeur invoquant l’urgence, il est compétent pour connaître de cette de-mande35», et ajoute «que si le juge des référés reconnaît effectivement l’urgencede la cause, il décide alors de faire droit à la demande et la déclare dans ce casfondée». Il ressort implicitement de la décision que le demandeur avait bieninvoqué, en l’espèce, l’urgence en citation. Par contre, la cour s’interroge «siactuellement [en appel] l’on peut encore estimer qu’il y aurait toujours urgence à___________35. L’arrêt cite Cass. 11 mai 1990 (deux arrêts), Pas., I, 1990, n° 535, 1045 et n° 537, 1050; Cass., 6 mai

1991, Pas. 1991, I, 788; Mons, 4 juin 1992, cette revue, 1992, p. 1165; Liège, 19 octobre 1995, J.T.,1996, p. 285.

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES156 – 2005/4

statuer compte tenu de ce que l’appelante n’est plus propriétaire de son commercedepuis le 17 novembre 199836». La cour estime, à juste titre, que l’urgence (condi-tion de fond) «est à apprécier au jour de la clôture des débats devant la cour».Jusque là tout va bien. C’est dans la conclusion de son raisonnement que la cours’égare en estimant que la question de savoir si l’urgence subsiste, constitue «uneexception soulevée d’office par la cour tenant à sa compétence et qui concernel’ordre public, il y a lieu d’ordonner d’office la réouverture des débats». Il nes’agissait évidemment plus d’un problème de compétence – définitivement régléen fonction du libellé de la demande – mais bien d’une question de fondement del’action à la suite de la disparition de l’urgence en cours de procédure – enl’espèce par la vente, par la concluante, de son commerce (Mons (13e ch.), 8novembre 1999, J.L.M.B. 99/1470).

• La cour d’appel de Liège commet la même erreur dans un arrêt du 6 mars 2000.Après avoir relevé que le demandeur originaire avait bien invoqué l’urgencedevant le premier juge, mais estimant que celle-ci ne subsistait plus en appel, lacour «reçoit l’appel», mais «se déclare incompétente à défaut d’urgence».Conformément à l’enseignement de la Cour de cassation37, il appartenait à la courd’appel de Liège de constater, vu la disparition de l’urgence en cours de procé-dure, que la demande n’avait plus d’objet et de la déclarer en conséquence nonfondée (Liège (1ère ch.), 6 mars 2000, J.L.M.B. 04/986, déjà citée).

4. Conséquence de la dispari t ion de l ’urgence sur la procé-dure d’appel 38

La disparition de l’urgence en appel ne rend toutefois pas nécessairement laprocédure d’appel sans objet.

• La cour du travail de Liège a très justement confirmé cet enseignement par unarrêt du 1er avril 2003 : «La circonstance que la société B. a actuellement reçul’autorisation de laisser ses véhicules stationner sur le territoire de la ville de Liègeet ainsi permettre l’exploitation commerciale des taxis ne permet plus de constaterl’urgence39. Il n’y a donc plus lieu à référé et la cour est donc à cet égard incom-pétente40 : les conséquences du défaut de l’urgence au niveau de l’instance d’appelinterdisent que la cour soit encore compétente pour prendre des mesures provisoi-res, qui ne sont d’ailleurs pas demandées par les parties. Toutefois, l’absenceactuelle d’urgence n’a pas d’autre effet que celui qui vient d’être précisé, en sorteque la cour demeure compétente pour juger le différend qui oppose les parties surla réalité de l’urgence au jour où le premier juge a statué, et si ce dernier a correc-tement apprécié les faits de la cause. Tout autre raisonnement ferait perdre àl’appelant le degré de juridiction légalement organisé par le code judiciaire41» (C.trav. Liège (10e ch.) 1er avril 2003, J.L.M.B. 03/673, déjà citée).___________36. Il faut savoir que l’appel date du 19 novembre 1998 et que l’action originaire, introduite par

l’appelante, avait pour objet d’obtenir la condamnation du défendeur à s’approvisionner auprès d’ellepour tout produit de boulangerie.

37. Cass., 6 mai 1991, Pas., 1991, I, 788; voy. aussi J. ENGLEBERT, "Inédits… ", cette revue, 1992, p. 510.

38. Sur l’ensemble des questions liées à l’incidence du maintien ou de la disparition de l’urgence en appel,voy. H. BOULARBAH, "Variations autour de l’appel des ordonnances sur référé", Imperat Lex – Liberamicorum Pierre Marchal, Larcier, 2003, p. 225 à 245.

39. En l’espèce, l’action originaire de la société B., auquel le juge des référés a fait droit, avait pour objetd’obtenir du juge des référés qu’il se substitue à l’O.N.S.S. pour modifier, par son ordonnance, uneattestation de celle-ci considérée par le demandeur comme inexacte, attestation indispensable à lapoursuite de ses activités de taxi sur le territoire de la ville de Liège. L’appel est interjeté par le procu-reur général près les cours d’appel et du travail.

40. L’arrêt cite Liège, 3 décembre 2002, cette revue, 2003, p. 37.

41. L’arrêt cite Liège, 15 novembre 2000, cette revue, 2001, p. 338.

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 157

• De même, la cour d’appel de Bruxelles précise à juste titre dans son arrêt, déjàcité, du 20 septembre 2002, que « même si l’urgence, qui doit s’apprécier aumoment où le juge statue, n’existe plus à ce jour, puisque la mesure ordonnée parle premier juge a été exécutée, la question continue de se poser de savoir si au jouroù le premier juge a statué, soit le 19 juin 2000, il y avait urgence à ordonner lesmesures précisées au dispositif de son ordonnance» (Bruxelles (9e ch.), 20 sep-tembre 2002, J.L.M.B. 02/1039, déjà citée).

5. Urgence et inert ie du demandeurLe retard mis par le demandeur originaire à introduire un appel contre une ordon-nance de référé le déboutant de son action, n’est pas nécessairement la preuve dela disparition de l’urgence, spécialement lorsque les parties ont préalablementtenté de trouver une issue amiable au litige.

• C’est ce que rappelle la cour d’appel de Liège dans son arrêt du 28 juin 2000 :«le délai de deux mois et dix jours qui sépare la décision entreprise de la requêted’appel résulte des pourparlers qui ont eu lieu entre les parties à l’initiative duministre chargé de l’environnement aux fins de trouver un terrain de compromisqui n’ont pas aboutis; que le délai écoulé entre le jugement et la requête d’appelest justifié» (Liège (1ère ch.), 28 juin 2000, J.L.M.B. 00/1042, déjà citée).

• La cour d’appel de Liège a encore eu l’occasion de statuer sur cette questiondans la cadre d’un litige opposant un exploitant agricole français ayant acheté untracteur d’occasion à une société belge. Le tracteur, un Case Magnum 7250 Promis en circulation en 2000, avait été vendu pour 40.000 euros42 plus 5.500 eurospour quelques «travaux de mise en ordre». L’exploitant agricole qui en avait prislivraison le 10 juillet 2002 devait déplorer, dès le 23 août, une panne immobilisantl’engin après seulement nonante-cinq heures d’utilisation. Il adresse une réclama-tion par recommandé au vendeur le 12 septembre qui y oppose une fin de non-recevoir, le 25 septembre, en vertu d’une clause figurant sur la facture selonlaquelle le tracteur était vendu sans garantie et précisant que «l’acquéreur renonceà tous recours généralement quelconques du chef de tous vices apparents oucachés». Le 30 septembre, un expert désigné par l’assureur protection juridique del’acheteur convoque le vendeur à une réunion destinée à dresser un constatcontradictoire de l’état du tracteur. A nouveau le vendeur décline la proposition.Un rapport unilatéral est établi le 22 octobre. Citation en référé en vue d’obtenir ladésignation d’un expert afin que puisse être dressé un constat contradictoiredevant permettre ensuite à l’acheteur de procéder, sous réserve, aux réparationsqui s’imposaient, a été signifiée au vendeur le 20 décembre 2002 pour la premièredate d’introduction utile, soit le 8 janvier 2003. Par ordonnance du 22 janvier, lejuge des référés de Namur rejette la demande à défaut d’urgence. Le 10 janvierl’agriculteur assigne le vendeur au fond. Le 1er avril, il interjette appel del’ordonnance de référé.

A première vue, cette relation des faits permet de conclure à une inertie certainedu demandeur qui n’assigne en référé qu’en décembre pour une panne intervenueen août et qui, de surcroît, n’interjette appel qu’en avril d’une ordonnance renduefin janvier. C’est évidemment ce qu’a soulevé le vendeur du tracteur en appel,invoquant en outre le fait qu’en toute hypothèse l’action au fond pour vice cachéétait elle-même manifestement tardive en sorte que toute mesure conservatoirefondée sur ce même motif doit être rejetée.

La cour d’appel de Liège, dans un arrêt du 27 mai 2003 ne se laissera nullementconvaincre par cette argumentation, faisant une analyse pertinente des faits de lacause. Sur la prétendue tardiveté de l’action au fond, la cour relève «que l’on ne___________42. Soit largement au dessus de la cote SIMO !

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES158 – 2005/4

peut a priori retenir que l’appelante sera certainement déclarée forclose par lajuridiction de fond alors qu’avant d’assigner elle a voulu obtenir d’un expert uneconfirmation précise et documentée des causes possibles de l’avarie; qu’ellepouvait redouter de voir sa demande rejetée parce qu’insuffisamment étayée etqu’en dépit d’une fin de non-recevoir signifiée le 25 septembre 2002, il n’était pasdéraisonnable à première vue d’encore essayer de convaincre le vendeur del’utilité d’une solution amiable ni d’attendre qu’un spécialiste de la mécaniqueatteste de défectuosités justifiant la réclamation». Par ailleurs, la cour estime quel’acheteur n’a pas fait preuve d’inertie fautive avant d’assigner en référé : «que[l’appelant] n’a pas été négligeant; [qu’il] affirme avoir d’abord pris un contacttéléphonique avant d’envoyer un courrier recommandé; [qu’il] a dû s’ouvrir de sesdifficultés à un assureur qui a voulu à juste titre objectiver les réclamations par lerapport d’un conseiller technique et dû donner les instructions en vue de la signifi-cation […], la recherche d’un avocat en Belgique étant susceptible d’expliquer lesquelques semaines séparant le rapport de l’expert […] de la citation [en référé]».La cour considère donc que c’est à tort que le premier juge a dénié l’urgence et ce,d’autant plus que «le préjudice de l’appelant, s’il est reconnu que l’intimée doitrépondre de l’immobilisation du tracteur, ne cesse d’augmenter avec le temps quipasse; que l’urgence, ni au moment de la citation, ni lors du prononcé del’ordonnance entreprise, n’avait disparu» (Liège (7e ch.), 27 mai 2003, J.L.M.B.03/690).

Je ne peux qu’approuver ces considérations qui font clairement la part des chosesentre la prompte diligence à agir et la précipitation. L’urgence commande d’agirsans tarder mais non pas avec précipitation. Il est normal de se constituer undossier avant d’agir.

L’analyse que fait la cour de la suite de la procédure est tout autant pertinente etmérite d’être particulièrement soulignée : «Attendu que l’appelant n’a pas immé-diatement décidé l’introduction d’un recours; qu’il apporte une explication lors-qu’il affirme qu’il lui était assuré de pouvoir plaider rapidement au fond, perspec-tive qui s’est fermée lorsqu’il a appris la fixation au 16 juin 2003 et l’impossibilitéd’anticiper le débat; que l’espoir d’une application de l’article 19, alinéa 2, ducode judiciaire s’en trouve donc singulièrement amoindri alors quel’immobilisation du tracteur continue et ne saurait cesser avant un constat contra-dictoire»43.

• De même, il a été jugé que «le retard d’une partie qui se plaint d’un dommage àporter le différend en justice n’exclut pas nécessairement l’urgence, si la situationexistante est aggravée par des faits nouveaux ou par l’effet de sa simple durée»44.En l’espèce, le juge constate que «si la présence d’infiltrations d’eau n’est pasnouvelle, l’absence de remède durable est de nature à permettre une aggravationsérieuse des dommages que ces infiltrations entraînent», ce qui justifie l’urgence àordonner une mesure d’expertise.

L’inertie du demandeur peut, par contre, justifier que le juge refuse de faire droit àune demande introduite sur requête unilatérale, estimant que le requérant avait eulargement le temps d’introduire utilement un référé contradictoire (Liège (7e ch.),3 octobre 2002, J.L.M.B. 02/1181, déjà citée).

• Ainsi, saisie en appel d’une tierce opposition contre une ordonnance ayant faitdroit à une requête unilatérale (tierce opposition rejetée par le juge des référés), lacour d’appel de liège va mettre à néant l’ordonnance dont appel, «et par voie de___________43. Pour un avis critique sur le renvoi à l’article 19, alinéa 2, du code judiciaire, voy. J. ENGLEBERT, "Le

référé judiciaire : principes et questions de procédure", op. cit., n° 16 et 17.

44. L’arrêt cite G. DE LEVAL, "Le référé en droit judiciaire privé", Act. dr., 1992, p. 867, et Bruxelles (9e

ch.), 4 février 1999, inédit, RG n° 98KR298.

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 159

conséquence» l’ordonnance rendue antérieurement sur requête unilatérale à défautd’extrême urgence «qui ne doit pas résulter de la passivité du demandeur quiattend la dernière minute avant d’entreprendre la recherche d’une solution audifférend ou au problème auquel il est confronté.

En l’espèce le demandeur qui disposait d’un matériel informatique (trieuse etcalibreuse de fruits par gestion informatisée), avec un code d’accès temporaire,avait introduit la veille de l’expiration du code, une requête unilatérale en vued’obtenir la condamnation des sociétés ayant livré le matériel, à lui délivrer lecode définitif, arguant notamment du risque de dépérissement de près de deux centcinquante tonnes de fruits. La cour considère que le demandeur originaire quin’ignorait pas ne disposer que d’un code temporaire et qui, par ailleurs, avait étéinformé dix jours avant le blocage de l’arrivée de la date fatidique, avait eu «toutesoccasions d’entreprendre plus tôt et par la voie normale les démarches utiles pourque la jouissance de la trieuse lui soit acquise» (Liège (7e ch.), 18 février 2003,J.L.M.B. 03/755).

• L’inertie du demandeur peut encore résulter du fait qu’il ait laissé s’écouler sansagir le délai pour introduire un recours administratif contre l’acte incriminé enréféré : «que si [la demanderesse] est aujourd’hui forclose de ces recours, c’est àraison de sa seule inaction, et non, comme elle le prétend dans le cadre de laprésente instance parce qu’elle n’apprit l’existence de l’acte incriminé qu’après laforclusion des voies de recours administratives; […] qu’il n’y a pas lieu à référélorsque le demandeur […] a provoqué lui-même la situation d’urgence dont il seprévaut» (Civ. Mons (réf.), 8 octobre 1999, J.L.M.B. 00/587, déjà citée).

• Par contre, il a été jugé que «l’urgence n’est pas contredite par la durée d’uneprocédure qui, au vu de l’argumentation âprement développée de part et d’autre,justifiait le temps qui lui fut consacrée» (Liège (7e ch.), 2 mars 2000, J.L.M.B.00/354, déjà citée).

6. Urgence et inert ie du… défendeur !

Il est des cas où l’attitude du défendeur peut être prise en compte par le juge pourapprécier de l’urgence.

• Dans l’affaire, par ailleurs déjà longuement commentée45, du litige opposantcertains riverains aux exploitant du dancing «La ferme de l’abbaye de Géronsart»,le juge des référés de Namur estime que les exploitants du dancing «justifientlargement l’urgence [qu’ils] invoquent en considération des charges financièresqui se font de plus en plus pressantes; […]; que les risques de faillite se précisent».Mais, au-delà de cette considération, le juge en profite pour stigmatiser l’attitudedes défendeurs (certains riverains dont, ceci expliquant peut-être cela, un avocatbien en vue au barreau de Namur) qui avaient soulevé l’absence d’urgence enraison de «l’incurie» des demandeurs : «que cette dernière affirmation est auda-cieuse dans la mesure où les pièces produites révèlent que les riverains […],quoique pourtant demandeurs dans la procédure pendante devant le juge de paix,n’ont jamais mis un empressement particulier à diligenter cette procédure, ce quesoulignait d’ailleurs le premier juge en rappelant la nécessité d’une collaborationloyale des parties à l’instruction de la cause». Il apparaît ainsi manifestement quele juge des référés n’accepte pas que les riverains, qui ont obtenu devant le juge depaix une mesure provisoire (jusqu’au prononcé du jugement au fond)d’interdiction d’exploiter le dancing, ne fassent plus rien pour diligenter cetteprocédure (Civ. Namur (8e ch.réf.), 20 décembre 2002, J.L.M.B. 02/1254, déjàcitée).___________45. Voy. supra, p. 144 (I.3).

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES160 – 2005/4

7. Urgence e t exis tence d’une autre voie procédurale auss iefficace

L’existence d’une autre voie procédurale permettant d’obtenir un résultat aussirapidement qu’en référé (action comme en référé, demande en débats succincts aufond, etc.) est parfois considérée comme exclusive de l’urgence à saisir le juge enréféré.

• La S.C.R.L. Brutele avait introduit une action en référé contre la commune deSchaerbeek en vue d’obtenir la condamnation de cette dernière à lever les scellésapposés sur un dépôt en plein air de matériel servant à l’entretien de son réseau detélédistribution, pour lequel Brutele ne disposait pas de permis d’urbanisme. Lacommune soulève le défaut d’urgence au motif que Brutele «n’a pas fait usage dela possibilité d’introduire un recours au fond devant le président du tribunal depremière instance siégeant comme en référé (article 587, 2°, du code judi-ciaire) 46». Faisant droit à cet argument, le juge des référés de Bruxelles relève que«l’urgence est habituellement déniée si une autre juridiction, normalement com-pétente, peut intervenir avec la même efficacité, ce qui est le cas en l’espèce47».Or, «la demanderesse a en l’espèce négligé d’introduire la procédure au fond dèsla mise des scellés mais a uniquement saisi le juge des référés». Dans ces condi-tions, le défaut d’urgence sera admis et l’action déclarée non fondée (Civ.Bruxelles (réf.), 13 mars 2003, J.L.M.B. 03/708).

Les juges des référés veilleront à être très prudents dans l’application de cettejurisprudence en vérifiant notamment si, dans les faits, les autres procéduresoffertes aux demandeurs permettent réellement d’obtenir une solution aussirapidement qu’en référé.

III. Le référé unilatéral 48

1. Conditions autorisant le recours à la requête unilatérale

La procédure sur requête unilatérale présente de réels dangers dès lors qu’elle nerespecte pas le principe du contradictoire. Sa mise en œuvre exige le respect deconditions qui doivent être appréciées avec la plus grande rigueur.

• On ne peut recourir «à ce mode d’introduction qu’à titre exceptionnel, lorsquel’introduction par voie de citation, même à délai abrégé, serait inefficace ouimpossible. […] ceci constitue la manifestation du principe général selon lequeltoute dérogation au principe du contradictoire doit s’entendre de manière restric-tive»49 (Civ. Namur (8e ch. réf.), 20 décembre 2002, J.L.M.B. 02/1253, déjà citée).

• «Ce n’est qu’en cas d’absolue nécessité lorsqu’il faut craindre un préjudiced’une certaine gravité ou des inconvénients sérieux et qu’une citation introduisantun débat contradictoire rendrait [l’] intervention [du juge des référés] inutile soitparce que la décision interviendrait trop tard, soit parce qu’il est nécessaire dedéjouer par surprise les manœuvres d’échappatoires d’un adversaire retors qu’ilest permis de saisir [le juge des référés] par requête» (Liège (7e ch.), 18 février2003, J.L.M.B. 03/755, déjà citée).___________46. Selon cet article, «Le président du tribunal de première instance statue : […]; 2° sur les demandes

prévues par l'article 68 de la loi du 29 mars 1962 organique de l'aménagement du territoire et de l'urba-nisme; […]; Sauf si la loi en dispose autrement, les demandes prévues au premier alinéa sont introdui-tes et instruites selon les formes du référé».

47. L’ordonnance cite J. VAN COMPERNOLLE et G. CLOSSET-MARCHAL, "Droit judiciaire privé – Examende jurisprudence 1985-1998", R.C.J.B., 1999, p. 153, n° 356.

48. Voy. spéc. H. BOULARBAH, "L’intervention du juge des référés par voie de requête unilatérale :conditions, procédure et voies de recours", in Le référé judiciaire, op. cit., p. 65 à 121.

49. L’ordonnance cite P. MARCHAL, Les référés, Larcier, 1992, n° 53, p. 81.

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 161

C’est de façon très étonnante que la cour d’appel de Liège se réfère à la définitionclassique de l’urgence (condition du référé contradictoire), telle qu’arrêtée par laCour de cassation depuis son arrêt du 21 mars 198550, pour définir «l’absoluenécessité» exigée par l’article 584, alinéa 3, du code judiciaire, autorisant lerecours à la procédure sur requête unilatérale. La cour précise toutefois immédia-tement «que la notion d’absolue nécessité ne peut être interprétée de manièreextensive parce que dérogeant gravement au principe du contradictoire, cetteprocédure doit demeurer exceptionnelle et ne peut être utilisée que dans la mesureoù l’introduction par citation, même à délai abrégé (article 1036), serait de touteévidence inefficace, voire impossible, ou encore en cas d’extrême urgence décou-lant du péril qui résulterait de l’emploi d’une autre voie»51.

Comme l’a écrit récemment H. BOULARBAH avec beaucoup de pertinence52, lerecours à la procédure sur requête unilatérale exige, d’une part, la preuve del’urgence, condition de compétence et de fondement de la demande pour toutréféré et, d’autre part, la preuve de l’absolue nécessité qui ne peut donc pas seconfondre avec l’urgence. L’«absolue nécessité» ne peut se déduire que del’extrême urgence53, de l’efficacité de la mesure sollicitée54 ou encore de l’absencede partie adverse ou de l’impossibilité de l’identifier55.

• Sur ce dernier point, relevons l’ordonnance du président du tribunal de premièreinstance de Bruxelles du 9 novembre 2000 (J.L.M.B. 04/1004), qui rappelle que«une abondante jurisprudence admet le recours à la requête unilatérale lorsqu’iln’est pas possible d’identifier, de façon précise, certaine et exhaustive, les person-nes à charge desquelles les mesures obtenues doivent être exécutées». Le magis-trat en déduit que la requête unilatérale se justifie en cas de piquet de grève56 : «lespersonnes constituant le piquet […] pouvaient à tout moment être remplacées pard’autres et il était impossible de prévoir l’identité des acteurs du mouvement enévolution constante, d’ailleurs dispersé sur plusieurs lieux. Les voies de fait quipeuvent être commises à l’occasion de protestations sociales sont généralementdes mouvements de foule et non pas des actes d’individus isolés».

• «La vérification des conditions d’urgence et d’absolue nécessité exigées par laprocédure initialement mue par l’actuelle intimée, implique de se replacer au jourde l’introduction de la requête unilatérale». La demande sur requête unilatéraleavait pour objet d’enjoindre Electrabel à rétablir dans les douze heures les fourni-tures de gaz, électricité et télédistribution à l’immeuble de la demanderesse. Lacour constate «que l’absolue nécessité était vérifiée en l’espèce dès lors qu’enprocédant à la coupure des fournitures litigieuses sans avertissement préalablerécent et pour des dettes dont certaines étaient contestées, [Electrabel] ne pouvaitignorer qu’elle plaçait l’intimée dans une situation particulièrement précaire». Lacour ajoute «que la célébration prévue au domicile de l’intimé, deux jours après lacoupure, de la communion de son fils conférait à l’action intentée sur requêteunilatéral le caractère d’efficacité que seule pareille procédure pouvait apporter»(Mons (12e ch.), 13 novembre 2000, J.L.M.B. 04/1005).

On relèvera encore, dans cette affaire, que la cour d’appel de Mons estime que«c’est à juste titre que [Electrabel] soulève l’absence d’urgence et d’absoluenécessité pour ce qui concerne le rétablissement des signaux de télédistribution».___________50. Pas., 1985, I, 908.51. L’arrêt cite J. VAN COMPERNOLLE, "Actualité du référé", Ann. dr. Louvain, 1989, p. 146, et J. VAN

COMPERNOLLE et G. CLOSSET-MARCHAL, R.C.J.B., 1999, p. 155 à 157, n° 358.52. H. BOULARBAH, op. cit., p. 100, n° 32 et 33.53. H. BOULARBAH, op. cit., p. 86 et suivantes.54. H. BOULARBAH, op. cit., p. 89 et suivantes.55. H. BOULARBAH, op. cit., p. 95 et suivantes.56. Sur l’intervention du juge des référés dans les conflits sociaux, voy. infra, p. … (III.4).

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES162 – 2005/4

Il est heureux de constater que nonobstant la dictature du tout TV, il se trouveencore des hommes qui considèrent que la suspension de la télédistribution n’est«pas de nature à engendrer un préjudice grave et difficilement réparable ni à créerdans le chef de l’intimée un état de précarité comparable à celui résultant de laprivation des fournitures de gaz et d’électricité».

• Saisi d’une tierce opposition introduite à l’encontre d’une ordonnance renduesur requête unilatérale, le juge des référés du tribunal du travail de Verviersrappelle que pour apprécier s’il y avait ou non absolue nécessité à rendre uneordonnance sur requête unilatérale «il faut se replacer dans les circonstances defait et de droit telles qu’elles existaient le 9 janvier 2004, jour du dépôt de larequête unilatérale».

En l’espèce, le juge considère que «les conditions de l’absolue nécessité étaientréunies parce qu’à raison de la nature même de la mesure sollicitée, seule sonapplication immédiate et soudaine était propre à en garantir la pleine efficacité;que la seule affirmation de la demanderesse suivant laquelle il n’était pas dansson intention de procéder au démantèlement des machines, produits ou stocks del’usinage / tôlerie est insuffisante pour décider, a posteriori, de l’absenced’absolue nécessité» (Trib. trav. Verviers (réf.), 28 mai 2004, J.L.M.B.04/1006).

2.- Défaut d’extrême urgence et effet dévolut i f de la t ierceoppositionLe juge des référés, saisi d’une tierce opposition contre une ordonnance rendue surrequête unilatérale doit-il se contenter de confirmer ou rétracter sa premièreordonnance ou peut-il considérer que par l’effet dévolutif du recours ainsi exercé,il se trouve en toute hypothèse ressaisi de l’ensemble du litige ? 57 Dans ce derniercas, même s’il constate que les conditions de la procédure sur requête unilatéralen’étaient pas réunies lors du prononcé de la première ordonnance, il peut néan-moins connaître du litige mais cette fois-ci sous le bénéfice d’une procédurecontradictoire.• Une ordonnance du 17 février 2004 de la présidente du tribunal de commerce deBruxelles, admet de façon implicite mais certaine l’effet dévolutif de la tierceopposition (Comm. Bruxelles (réf.), 17 février 2004, J.L.M.B. 04/1007).Sur requête unilatérale de l’épouse de l’administrateur de fait (et par ailleursactionnaire) de cinq sociétés liées à l’exploitation de maisons de repos, et alorsqu’une procédure en divorce est en cours entre les parties, la présidente du tribunalde commerce de Bruxelles a, par ordonnance du 19 novembre 2003, nommé unadministrateur provisoire chargé entre autres de gérer toutes ces sociétés et d’enfaire l’analyse financière et comptable. La demanderesse se fondait notamment surl’existence de plaintes pénales à l’encontre de son mari pour malversation, détour-nement de pensions, «falsifications d’héritage au préjudice des pensionnaires»,etc.Les sociétés mises sous administration provisoire ont introduit une tierce opposi-tion en vue d’obtenir la rétractation des mesures ordonnées sur requête unilatérale,notamment en raison de l’absence d’extrême urgence. L’époux de la demande-resse originaire est intervenu volontairement à la procédure pour soutenir la tierceopposition des sociétés.Le juge, dans son ordonnance du 17 février 2004 rappelle d’abord «qu’il estgénéralement admis que l’introduction d’une procédure en référé par requêteunilatérale n’est autorisée, qu’à titre exceptionnel, en cas d’absolue nécessité, dans___________57. En faveur de l’effet dévolutif de la tierce opposition, H. BOULARBAH, "L’intervention du juge des

référés par voie de requête unilatérale : conditions, procédure et voies de recours", op. cit., p.118.

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des situations d’extrême urgence, lorsque même l’abrègement du délai de citationpermis par l’article 1036 du code judiciaire, ne saurait suffire ou lorsque la mesuresollicitée impose l’utilisation d’une procédure unilatérale, la substitution de larequête à la citation, qui présente une garantie essentielle du débat contradictoire,étant prohibée chaque fois que la procédure bilatérale peut être utilisée efficace-ment»58. Il constate ensuite qu’il n’y avait pas extrême urgence en l’espèce dèslors qu’il ressort des pièces déposées par les tiers opposants à l’appui de leurrecours qu’une première version de la requête unilatérale avait été rédigée le 22octobre 2003, soit vingt-sept jours avant le dépôt de la requête. Le magistrat endéduit que la requérante aurait manifestement eu le temps de recourir, pendantcette période, à la procédure contradictoire, sur citation.

La présidente du tribunal de commerce de Bruxelles ne se contente toutefois pasde ce constat pour déclarer la tierce opposition fondée et rétracter son ordonnance.Au contraire, relevant «qu’il s’agit en l’occurrence de la gestion de maisons derepos, il y a lieu pour le tribunal d’être très vigilant». Ainsi, après avoir constatéque le mari de la requérante originaire avait été acquitté de toutes les plaintesévoquées par son épouse dans la requête unilatérale, le magistrat relève toutefoisqu’il «n’a pas ses apaisements quant aux capacités de gestion du jeune [adminis-trateur délégué]» de toutes les sociétés (officiellement le fils des parties en ins-tance de divorce avait été nommé administrateur délégué). «Dans ces circonstan-ces – estime la présidente – il incombe d’urgence au juge des référés, dansl’intérêt de la sécurité des différentes sociétés, de désigner un mandataire ad hocavec la mission […] - de mettre en place dans les différentes sociétés un organe degestion régulier et donnant toutes les garanties nécessaires; - de contrôler lessituations comptables des différentes sociétés; - de déterminer quels sont lesactionnaires réels des différentes sociétés […]; - de prendre toutes les mesuresnécessaires pour assurer qu’aucune action ni aucun bien appartenant aux diffé-rentes sociétés ne seront donnés, aliénés ou mis en gage». A cette fin, la présidenterenomme le même administrateur provisoire que celui initialement désigné parl’ordonnance rendue sur requête unilatérale et fixe d’autorité la cause à un moisplus tard pour que l’administrateur provisoire fasse rapport, non sans avoir aupréalable mis à néant l’ordonnance rendue sur requête unilatérale en raison del’irrecevabilité de celle-ci à défaut d’extrême urgence.

L’analyse de cette ordonnance n’est pas aisée car sa lecture ne permet pas dedéterminer avec certitude si la défenderesse sur tierce opposition s’était contentéede solliciter la confirmation pure et simple de l’ordonnance attaquée ou si, à titresubsidiaire, elle avait demandé au juge saisi de la tierce opposition de constater,par l’effet dévolutif qu’aurait la tierce opposition, à tout le moins l’existence del’urgence à prononcer à nouveau la même mesure, au moment où il était amené àstatuer sur la tierce opposition.

Il reste évidemment à régler, ce que la présidente ne fait pas (en aurait-elle eu lacompétence, cela ne lui était en toute hypothèse pas demandé), le sort des acteséventuellement posés par l’administrateur ad hoc dans le cadre de sa premièremission, invalidée par la seconde ordonnance par l’effet même de la mise à néantde la décision ordonnant sur requête unilatérale cette mesure provisoire. En effet,la deuxième nomination du même administrateur provisoire n’a évidemmentaucun effet rétroactif antérieur à la date du prononcé de la seconde ordonnance59.

• Après avoir constaté l’absence d’extrême urgence, le président du tribunal depremière instance de Namur, saisi d’une tierce opposition relève qu’«il y a lieu des’interroger sur le point de savoir si, dans le cadre de la présente procédure au-jourd’hui contradictoire, le bien-fondé de la décision auquel a conduit la procédure___________58. La décision cite Comm. Bruxelles (réf.), 14 septembre 1995, J.T., 1995, p. 830.59. H. BOULARBAH, ibidem, p. 118.

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initiale se trouve aujourd’hui infirmé» (Civ. Namur (réf.), 20 décembre 2002,J.L.M.B. 02/1253, déjà citée).

3.- Recours contre une ordonnance rendue sur requête uni-latérale – t ierce oppositionUne controverse subsiste sur le point de savoir si le délai de citation pour la tierceopposition est le délai de droit commun de huit jours ou s’il convient d’appliquerl’article 1035, alinéa 2, qui prévoit un délai de deux jours en référé. On sait que lacontroverse vient de ce que l’article 1035 ne parle que de la demande en référé. Orla tierce opposition est une voie de recours et non une demande sensu stricto60.• Suivant les conseils de la doctrine61, un plaideur prudent dépose une requête enabréviation du délai de citer devant le président du tribunal de première instancede Tournai, en vue d’obtenir l’abréviation du délai de citer de huit jours à deuxjours pour introduire une tierce opposition contre une ordonnance rendue, surrequête unilatérale, par le même président. Le magistrat déclare la demande nonfondée au simple motif «qu’en matière de référé, le délai normal de citation est dedeux jours». Il est vrai que le demandeur s’était contenté dans sa requête depréciser que sa «citation [en tierce opposition] ne peut être introduite selon lesformes ordinaires et, notamment en respectant le délai de citation de dix jours(sic)» sans autre commentaire sur la controverse précitée. Ce qui conduit le juge àconclure que par cette argumentation le demandeur «ne justifie pas la nécessitéd’augmenter (re-sic) ce délai62» (Civ. Tournai (prés.), 11 juin 2004, J.L.M.B.04/1008).

4.- Référé unilatéral et confli t collectif de travailLe recours à la requête unilatérale trouve de longue date un champ d’actionprivilégié en matière de conflit collectif du travail, essentiellement comme armeentre les mains des employeurs pour combattre les piquets de grève. Ce délicatcontentieux donne lieu à une jurisprudence contrastée.• Le fabriquant de pralines Léonidas, engagé dans un conflit collectif avec unepartie de son personnel, avait saisi le président du tribunal de première instance deBruxelles, sur requête unilatérale, en vue d’obtenir la levée des piquets de grèvequi, constat d’huissier à l’appui, entravaient de façon violente le libre accès desclients, des fournisseurs et des employés non grévistes à l’entreprise. L’actionvisait plus précisément à faire interdiction à quiconque d’entraver le libre accès àl’ensemble des locaux de l’entreprise. La liste complète des différents sièges(vingt-six répartis dans toute la Belgique) était reprise dans le dispositif de larequête.Suivant une jurisprudence aujourd’hui généralement admise (même si elle conti-nue à faire l’objet de pertinentes critiques63), le président a fait droit à la demandeau motif que «ces entraves constituent non seulement une atteinte au droit depropriété de l’employeur, au droit du travail des non-grévistes et au droit d’accèsdes tiers, clients de l’entreprise mais risquent aussi d’entraîner la dégradation desdenrées périssables produites par la requérante»64 (Civ. Bruxelles (prés.), 13janvier 2000, J.L.M.B. 00/82).___________60. Voy., sur cette controverse, H. BOULARBAH, op. cit. , p. 115 à 117; J. ENGLEBERT, "Inédits… ", cette

revue, 2000, p. 357.61. H. BOULARBAH, ibidem.62. L’ordonnance renvoie à l’article 1035, in fine , qui prévoit l’augmentation du délai de deux jours en

application de l’article 55 du code judiciaire., lorsque la partie adverse réside à l’étranger, ce qui n’étaitnullement le cas en l’espèce.

63. Voy. notamment les références citées par H. BOULARBAH, op. cit., p. 97, n° 29, spéc. notes 168 et 169.64. On peut évidemment s’interroger sur l’intérêt que pourrait encore avoir une grève dans le cadre d’un

conflit collectif, si cette action n’occasionne aucun des effets ici dénoncés par le juge…

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Ce qui surprend, par contre, c’est que le président déclare la demande «recevableuniquement en ce qui concerne les locaux de l’entreprise situés dans les commu-nes bilingues de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles». Le magistrat nes’explique nullement sur les raisons de cette restriction territoriale de la mesurequ’il ordonne. Elle laisse penser que le juge ne s’estime pas compétent pourprendre une mesure qui sortirait ses effets au-delà des limites de l’arrondissementjudiciaire qui détermine la compétence territoriale du tribunal. Rien ne justifielégalement une telle restriction. Dès lors que le juge est territorialement compétent(et ce, quel que soit le fondement de cette compétence), les mesures qu’il estamené à prendre ne sont évidemment nullement limitées au territoire de sonarrondissement.

On notera que, sur tierce opposition, cette ordonnance a été réformée par ordon-nance du 8 mars 200065.

• La même juridiction a encore eu l’occasion de se prononcer de façon circonstan-ciée dans cette matière, lors d’un conflit opposant l’Agence régionale pour lapropreté publique à une partie de son personnel. Le 5 octobre 2000, un piquet degrève entrave, entre environ huit heures et dix heures trente, la voie d’accès àl’incinérateur où les camions collecteurs doivent déverser leur contenu. Surrequête unilatérale de l’agence, le président du tribunal de première instance deBruxelles rend le même jour une ordonnance faisant notamment interdiction àquiconque «d’entraver l’accès paisible des locaux exploités par [l’agence] ainsiqu’à l’incinérateur». L’ordonnance est signifiée le lendemain à plusieurs grévistesformant un piquet de grève devant un dépôt de l’agence. Une tierce opposition estintroduite par une dizaine d’ouvriers de l’agence, par ailleurs tous représentantsdes travailleurs au sein des organes de concertations existant au sein de l’agenceainsi que par le secrétaire régional de la C.G.S.P. et par le secrétaire national duSyndicat libre de la fonction publique (S.L.F.P.).

Sur l’intérêt à agir des tiers opposants, l’ordonnance décide que la qualitéd’ouvriers des premiers opposants «leur donne en tout état de cause un intérêtpersonnel à voir réformer l’ordonnance querellée puisqu’ils font valoir qu’elleporte atteinte à leur droit de grève». En ce qui concerne l’intérêt à agir du secré-taire régional de la C.G.S.P., le tribunal relève que celui-ci prétend agir en sonnom personnel et que l’un des véhicules décrits par l’huissier comme bloquantl’accès à l’incinérateur était le sien. Le tribunal en déduit que «si l’agence avaitchoisi d’agir de façon contradictoire, ce qui doit rester la règle, elle aurait néces-sairement assigné» cette partie puisque son véhicule entravait l’accès àl’incinérateur, or, «il paraît inconcevable, en terme de droit de la défense,d’imaginer qu’une personne qui serait directement visée par une mesure judiciaire,serait susceptible d’être assignée dans l’hypothèse d’une mesure contradictoiremais ne serait pas recevable à agir en tierce opposition dans l’hypothèse où lamesure est obtenue par une procédure unilatérale». En ce qui concerne, par contre,le secrétaire national du S.L.F.P., le juge relève que «n’étant pas employé par[l’agence] il ne peut valablement faire valoir un droit de grève personnel». Parailleurs, «n’ayant pas d’intérêt personnel, il ne peut pas non plus agir en justice aunom de son organisation syndicale, dès lors que celle-ci est dépourvue de person-nalité juridique et n’a qualité pour agir en justice que dans les limites expressé-ment définies par la loi et qui ne se rencontrent pas en l’espèce»66.

Sur le bien-fondé de la demande initiale, le juge après avoir admis l’intérêt à agirde l’agence «garante de la mission publique qui lui est confiée et […] responsable___________65. J.T.T., 2000, p. 208.

66. L’ordonnance cite Bruxelles, 4 février 1994, cette revue, 1994, p. 657.

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d’en assurer la continuité», va considérer qu’eu égard aux circonstances de fait, lerecours à la procédure unilatérale ne se justifiait pas. Pour le juge, dès lors que «lasolution des conflits collectifs du travail n’est pas du ressort des tribunaux maisbien des instances de concertation», son intervention n’est envisageable que pourfaire cesser la «violation avérée» d’un droit subjectif (ou son «risque imminent»),à l’occasion de l’exercice du droit de grève : «pour apprécier l’existence d’unemenace pour des droits subjectifs, le juge doit tenir compte du contexte social etdes armes disponibles pour chacune des parties dans ce genre de conflit. Laquestion posée […] est donc d’apprécier si les faits décrits sont à considérercomme l’exercice normal de l’arme de la grève. Il n’y a voie de fait que si lesévénements dépassent de façon manifeste les limites de l’exercice socialementaccepté du droit de grève.

Le juge, se prévalant de l’ordonnance précitée du 8 mars 2003 de sa proprejuridiction67, relève que «l’existence d’un piquet de grève (s’il se limite à être ungroupe de personnes se tenant à l’entrée de l’entreprise pour manifester publique-ment l’existence de la grève) et l’entrave psychologique que celui-ci peut repré-senter pour toute personne désirant se rendre dans les locaux de l’entreprise, nepeut en soi être considéré comme une réelle atteinte aux droits [de l’employeur].Cela n’autorise cependant pas le piquet à se transformer en une entrave physique,voire à se rendre coupable de violence ou d’injures». Revenant aux faits dont il estsaisi, le juge estime que «lorsque l’on remet les faits dans un contexte de conflitsocial, il ne faut pourtant pas oublier que l’intimidation fait partie des armessocialement acceptables. Pour fonder l’ordonnance unilatérale, il ne suffisait doncpas que la menace soit apparente ou possible, mais son existence devait êtreprouvée et réelle». Or le juge constate que l’agence n’apporte pas la preuve que lepiquet qui entravait l’accès à l’incinérateur (par le biais de véhicule privés) «auraitvéritablement empêché le passage d’un camion dont le chauffeur aurait émis lesouhait de passer. Le constat d’huissier ne fait pas état d’éventuelles tentatives dela direction de laisser passer des camions. […] si les grévistes avaient malgré cesdémarches maintenu une entrave physique à ce que le service soit assuré, il yaurait eu matière à recourir au pouvoir judiciaire»68 (Civ. Bruxelles (réf.), 9novembre 2000, J.L.M.B. 04/1004, déjà citée).

L’effort du juge à circonscrire de la façon la plus stricte son intervention possibledans le cadre d’un conflit collectif doit être salué. Toutefois, il pourrait être àdouble tranchant, puisqu’en définitive, pratiquement, ce qui est reproché àl’employeur, c’est de n’avoir pas tenté de passer outre le piquet de grève (de leforcer), au risque d’aller à l’affrontement. Une telle attitude pouvant être comprisepar les travailleurs comme une provocation. Comme pour justifier son audace, lemagistrat conclu en estimant que «le défaut de tentative (autre que judiciaire) de lapart de la direction pour éviter la violation de ses droits, laisse croire que lerecours au juge dans le cadre des conflits collectifs de travail est davantage unearme pour briser un mouvement de protestation qu’un besoin de protection dedroits subjectifs légitimes». Sur ce point, on ne peut pas, je pense, lui donner tout àfait tort69.___________67. Civ. Bruxelles (réf.), 8 mars 2000, J.T.T., 2000, p. 208.

68. Dans l’affaire Léonidas, précitée ( supra, p. 164 (III.4)), le requérant unilatéral avait joint à son dossierdes témoignages de clients faisant état d’actes de menaces précises ou de violences physiques à leurencontre, pour justifier la voie de fait. Sur requête unilatérale, le juge s’en était manifestement satisfait.Sur tierce opposition, le juge avait au contraire estimé que ces attestations devaient «eu égard à leurstyle, leur forme et leur contenu, être considérées avec une extrême prudence et ne [pouvaient] avoirune force probante déterminante pour en déduire en apparence l’existence d’une voie de fait» (J.T.T.,2000, p. 209).

69. Sur l’intervention du juge des référés dans le cadre de conflits sociaux, voy. encore notamment : Cass.,31 janvier 1997, Pas., 1997, I, n° 56 et Civ. Liège (réf.), 10 mars 2003, cette revue, 2003, p. 751.

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5.- Référé d’hôtel• Le président du tribunal de première instance de Namur a été saisi par requêteunilatérale déposée «en son hôtel» le 23 novembre 2002 (un samedi), en vued’obtenir la désignation d’un médecin légiste appelé à faire des prélèvementssur le cadavre du fils de la requérante avant son incinération dans la mesure oùcette mesure était destinée à préserver tout élément de preuve relativement à lapaternité du défunt à l’égard d’un enfant à naître.

Par ordonnance rendue le dimanche 24 novembre 2002, le président du tribunalfit droit à la requête par une ordonnance rédigée manuscritement sur le mêmedocument que la requête à la suite directe de celle-ci.

On relèvera que le dispositif de l’ordonnance précise in fine que «la requête et laprésente seront enrôlées au greffe du tribunal ce lundi 25 novembre 2002 à onzeheures au plus tard à la diligence de la requérante; déclarons, pour autant que debesoin, la présente exécutoire sur cette minute qui devra être déposée au greffeaprès exécution». Par ailleurs, conformément à l’enseignement de la doctrine70,le magistrat qui décide que l’original de sa décision possède la force exécutoiredoit la revêtir de la formule exécutoire. C’est ainsi qu’après avoir apposé sasignature à l’issue du dispositif de son ordonnance, le président du tribunal aajouté de façon manuscrite la formule exécutoire, qu’il a également signée71

(Civ. Namur (prés.), 24 novembre 2002, J.L.M.B. 04/845).

IV.- Intervention du juge des référés en droit adminis-tratifL’intervention du juge des référés dans le cadre de contentieux normalementdévolus à la compétence du Conseil d’Etat et toutes les situations de compéten-ces concomitantes qui en découlent, continue à susciter encore une jurispru-dence abondante72. Il est admis que si l’action vise la protection d’un droitsubjectif, le juge des référés judiciaire reste compétent.

• «Attendu que le juge des référés est compétent pour ordonner des mesuresurgentes et provisoires lorsqu’un acte de l’administration implique une atteinteparaissant portée fautivement à un droit subjectif 73» (Mons (2 e ch.), 27 septem-bre 1999, J.L.M.B. 99/1586).

• «Il y a lieu d’entendre par droit subjectif, l’existence d’une règle légaleaccordant à l’administré le pouvoir d’exiger de l’autorité administrative uncomportement déterminé» (Civ. Namur (réf.), 12 juillet 2004, J.L.M.B.04/1010).

Toutefois, il ne suffit pas d’invoquer un hypothétique droit subjectif pouréchapper à la compétence du Conseil d’Etat. Il est actuellement bien admis quesi l’objet réel du recours vise l’acte administratif, seul le Conseil d’Etat estcompétent pour en connaître.

• «Il convient […] d’examiner si l’objet véritable et direct du litige est deconsacrer l’existence d’un droit civil ou politique et d’en assurer le respect ous’il s’agit d’attaquer l’acte administratif de façon objective sur sa légalité (Civ.Bruxelles (réf.), 2 novembre 2001, J.L.M.B. 01/1052) 74.___________70. Voy., sur cette question, G. DE LEVAL, Traité de saisie, n° 258, p. 530 à 532.

71. Pour la petite histoire, on relèvera juste qu’en l’espèce le président a remplacé le nom du Roi par lesien dans la formule exécutoire !

72. Sur cette question, voy. P. LEVERT, "L’intervention du juge des référés dans le droit administratif", Leréféré judiciaire, p. 363 et suivantes.

73. L’arrêt cite notamment Cass. 14 janvier 1994, Pas., 1994, I, 41.

74. Cette revue, 2002, p. 1543 (Som.).

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1.- Rappel du principe de la séparation des pouvoirs

• Dans un arrêt du 28 juin 2000, la cour d’appel de Liège rappelle que «la loi du19 juillet 1991 ayant institué un référé administratif attribuant compétence auConseil d’Etat pour ordonner la suspension d’un acte ou d’un règlement d’uneautorité administrative, il s’ensuit que la compétence des tribunaux de l’ordrejudiciaire est limitée aux contestations relatives à des droits subjectifs». La courprécise à cet égard «qu’un administré n’est titulaire d’un droit subjectif à l’égardde l’autorité que si deux conditions sont remplies : d’une part, il faut que larègle de droit attribue directement à cet administré le pouvoir d’exiger del’autorité un comportement déterminé, ou, si l’on préfère, que l’autorité setrouve dans une situation de compétence liée, caractérisée par l’absence de toutpouvoir discrétionnaire, et, d’autre part, que celui qui prétend avoir le pouvoird’exiger l’exécution d’une obligation déterminée découlant d’une règle de droitobjectif ait personnellement intérêt à cette exécution»75.

En l’espèce, l’action était introduite par une scierie qui sollicitait que soit levéela mesure de mise sous scellés et de fermeture provisoire de son exploitation.Les intimés (la Région wallonne ainsi que certains riverains de la scierie)déniaient à l’appelante tout droit subjectif. Pour la cour d’appel, les intimés«mettant en cause le droit à l’exercice d’une activité professionnelle, il y a lieude considérer que la contestation porte sur un droit civil et que, par applicationde l’article 1044 de la Constitution coordonnée, l’appelant pouvait saisir lajuridiction ordinaire». La Cour précise que «le droit d’exercer une activitéprofessionnelle, dès lors que les conditions légales et réglementaires sont ré-unies, doit être accordé à celui qui le demande; qu’ainsi, dans le cas d’espèce,l’intimé n’a aucun pouvoir discrétionnaire pour interdire à l’appelante, si elleréunit lesdites conditions pour ce faire, d’exploiter son entreprise; que, dès lors,les tribunaux de l’ordre judiciaire sont compétents pour statuer sur la demandede levée des scellés». La cour d’appel relève enfin «qu’en toute hypothèse toutlitige concernant le rétablissement dans un droit lésé d’une manière illicite qu’ilsoit civil ou politique ressortit uniquement à la compétence des tribunaux del’ordre judiciaire»76.

En conséquence, la cour d’appel de Liège, réformant l’ordonnance rendue par lejuge des référés de Verviers, ordonne la levée des scellés apposés par le directeurde la police de l’environnement et autorise la poursuite de l’exploitation «jusqu’àl’aboutissement des procédures de régularisation», alors même que le Conseild’Etat, par un arrêt du 20 octobre 1999, avait annulé le permis d’exploiter et alorsque le tribunal de première instance de Verviers, saisi au fond d’une demande dedommages et intérêts par les riverains, avait ordonné à titre provisoire la suspen-sion des activités de la scierie, par un jugement avant dire droit du 5 juin 2000,rendu sur la base de l’article 19, alinéa 2, du code judiciaire77 et se référant àl’arrêt précité du Conseil d’Etat. Il était, par ailleurs, admis que la scierie setrouvait en zone agricole (à la suite d’un déménagement), ce qui rendait toutpermis d’exploiter illicite à défaut d’une modification ou d’un aménagementpréalable du plan de secteur en vue de requalifier les parcelles occupées par lascierie en zone forestière. Ces éléments de fait pouvaient donner à penser quel’action de la scierie, en référé, avait peu de chance d’aboutir, à défaut de droitévident et alors même que toutes les apparences démontraient qu’elle était sans___________75. L’arrêt cite les conclusions de l’avocat général VELU, précédant Cass., 10 avril 1987, A.P.T., 1987,

p. 306.

76. L’arrêt cite Cass., 23 mars 1984, Pas., 1984, I, 863.

77. Voy. supra, p. 146 (note 15).

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droit pour exploiter son industrie. La cour d’appel, de façon très pragmatique78,décide néanmoins que l’appelante établit «avoir toutes les apparences d’être dansles conditions légales pour obtenir la régularisation de sa situation et démontre quela procédure administrative pour y parvenir est en cours». La cour autorise doncl’exploitation d’une scierie alors que celle-ci est en l’état des choses manifeste-ment illégale, sur la base d’une apparence de droits futurs, estimant que la balancedes intérêts «penche indubitablement en faveur de l’appelante dont la survieéconomique dépend de la levée des scellés et de la poursuite de l’activité qui […]ne génère aucune nuisance importante pour l’environnement ou le voisinage»(Liège (1ère ch.), 28 juin 2000, J.L.M.B. 00/1042, déjà citée).

Cet arrêt illustre, à mon sens, parfaitement ce que j’écrivais ailleurs il y a quelquesmois : «le juge des référés peut tout décider. Il ne connaît quasi aucune limite, saufcelles qu’il veut bien s’appliquer à lui-même»79.

C’était toutefois sans compter sur la vigilance de la Cour de cassation80 qui arécemment réformé cet arrêt en rappelant les principes fondamentaux applica-bles en cette matière : «Attendu que le pouvoir judiciaire est compétent tantpour prévenir les atteintes paraissant portées fautivement à un droit subjectif parl’administration, lors de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, que pour ymettre fin; qu’il ne peut toutefois priver l’administration de sa libertéd’appréciation et se substituer à elle; que cette même limite s’impose au jugedes référés».

La Cour de cassation décide ensuite : «Attendu qu’après avoir constaté que lepermis d’exploiter délivré à la défenderesse par la députation permanentecompétente avait été annulé par le Conseil d’Etat, que la défenderesse n’étaitdonc titulaire d’aucune autorisation d’exploiter et que la [Région wallonne] afait apposer des scellés sur les établissements de la défenderesse, l’arrêt relèveque le fonctionnaire de la [Région wallonne] avait la possibilité et nonl’obligation de prendre une telle mesure et disposait, à cet égard, d’un pouvoirdiscrétionnaire; Qu’il décide toutefois, eu égard aux particularités de l’espèce,d’ordonner la levée des scellés et d’autoriser la défenderesse à poursuivre sesactivités; Attendu que l’arrêt ne relève par aucun de ses motifs que, dansl’exercice de son pouvoir discrétionnaire, l’autorité administrative a commis ouparu commettre une faute ou un excès de pouvoir, mais substitue son apprécia-tion en opportunité à celle de cette autorité; Qu’ainsi, l’arrêt viole l’article 584,alinéa premier, du code judiciaire et méconnaît le principe général du droitrelatif à la séparation des pouvoirs» (Cass. (1ère ch.), 12 décembre 2003,J.L.M.B. 04/844, déjà citée).

• Dans le cadre d’un marché public, une des sociétés ayant répondu à l’appeld’offre de la Région wallonne introduit une action en référé ayant pour objetd’ordonner à la Région wallonne de ne pas prendre en considération l’offred’une autre société au motif que celle-ci ne serait pas conforme au cahier descharges. Le juge des référés Namur rappelle que la limite fixée au contrôle del’action de l’administration par le pouvoir judiciaire «se trouve dans le pouvoird’appréciation de l’administration : le juge des référés ne peut substituer son___________78. Après avoir estimé, pour diverses raison, que l’interdiction d’exploiter ne résultait que de problèmes

administratifs indépendants de la volonté de l’appelante et que, toujours selon la cour, l’exploitationillicite, qui avait néanmoins perduré de 1994 à 1998, ne causait en réalité aucun dommage àl’environnement et que peu de nuisances au voisinage.

79. "Le référé judiciaire : principes et questions de procédure", op. cit., p. 64.

80. L’efficacité de cette vigilance, pour les parties à la cause, se trouve néanmoins fortement amoindrie parles délais de procédure en cassation. En effet, il faudra attendre plus de trois ans et demi avant que laCour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel de Liège.

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES170 – 2005/4

appréciation à celle de l’autorité administrative; il se cantonnera au contrôlemarginal de l’appréciation émise par l’administration et ne pourra la censurerqu’en cas d’erreur manifeste d’appréciation81». Le juge des référés constateensuite que «dans la mesure où, en l’espèce, la Région wallonne n’a pas encorepris position quant à la validité de l’offre déposée par la société […], iln’appartient pas au juge des référés de se substituer à son appréciation, quel’autorité administrative dispose d’un pouvoir discrétionnaire ou non, au risquede violer nos principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs». Enconséquence, la demande est irrecevable (Civ. Namur (réf.), 12 juillet 2004,J.L.M.B. 04/1010, déjà citée).

• Le même juge, deux jours plus tard décide, par contre, que «le pouvoirjudiciaire peut, sans attenter à la séparation constitutionnelle des pouvoirs, faireinjonction à l’administration, lorsque celle-ci semble porter fautivement atteinteà un droit subjectif, c’est-à-dire lorsqu’elle reste en défaut de mettreconcrètement en œuvre une compétence que lui attribue la loi, sans qu’ellepuisse exercer un quelconque pouvoir d’appréciation en opportunité». C’est surcette base que le juge des référés condamne l’Etat belge à faire admettre ledemandeur au sein de l’établissement de défense sociale désigné par lacommission de dispense sociale alors que le demandeur était laissé parl’administration en détention en milieu carcéral ordinaire (Civ. Namur (8e ch.réf.), 14 juillet 2004, J.L.M.B. 04/719).

• Saisi d’une demande introduite par l’agence locale pour l’emploi de Namur àl’encontre de l’Office national de l’emploi, visant à obtenir à titre principal lacondamnation de l’O.N.Em. à détacher les agents près de la demanderesse afind’obtenir sept équivalents temps plein, le président du tribunal de travail deNamur, après avoir estimé «que l’on ne peut raisonnablement prétendre que lademanderesse se trouve actuellement dans une situation telle que seule unedécision immédiate doive intervenir pour la prémunir d’un préjudice d’unecertaine gravité, voire d’inconvénients sérieux», a décidé «qu’il n’appartient pasau juge des référés de se substituer aux autorités administratives pour juger de lafaçon dont celles-ci organisent un service public, particulièrement lorsque rienn’établit que les mesures qu’elles prennent pour faire face aux difficultésqu’elles rencontrent seraient inefficaces ou inappropriées82» (Trib. trav. Namur(réf.), 6 octobre 2003, J.L.M.B. 03/955).

2.- Analyse de l’objet réel du recours

• Un ressortissant étranger, qui s’était vu refuser sa demande d’autorisation deséjour provisoire en Belgique en qualité d’étudiant, a introduit un recours enrévision contre cette décision devant l’autorité administrative compétente.Souhaitant pouvoir suivre les cours de l’Ecole supérieure de gestion et decommunication débutant en janvier 2004 et restant sans nouvelles de son re-cours en révision, il introduit en novembre 2003 une action en référé visant à cequ’il soit fait injonction à l’Etat belge de réunir la commission consultative desétrangers, de procéder à un nouvel examen de sa demande d’autorisation deséjour et de statuer sur celle-ci pour le 16 janvier 2004 au plus tard.

Devant le juge des référés, l’Etat belge soulève l’inexistence d’un droit subjectifdans le chef du demandeur.___________81. La décision cite PH. LEVERT, "L’intervention du juge des référés dans le droit administratif" , op. cit., p.

307.

82. La décision cite Civ. Liège (réf.), 20 juin 2002, cette revue, 2002, p. 1197.

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 171

Le juge des référés de Bruxelles rappelle que «la répartition des compétencesrespectives du Conseil d’Etat et du juge des référés doit s’opérer à la lueur ducritère de l’objet véritable du recours. Que le juge des référés reste ainsi com-pétent pour connaître la légalité d’un acte administratif quand il apparaît quel’objet réel83 de la demande met en cause un droit subjectif civil dont le deman-deur serait titulaire et non pas la seule légalité de l’acte»84.

Faisant application de ces critères, le juge décide «qu’en l’espèce, l’Etat belgeestime à juste titre que l’éventuel droit subjectif du demandeur ne serait pas ledroit à l’enseignement – en tant que tel non contesté – mais le droit au séjourcomme étudiant, qui constituerait l’objet réel du recours; que le droit àl’enseignement en Belgique ne peut en effet être concrétisé que par le biaisd’une demande d’autorisation de séjour; que cette demande a été instruite sur labase des articles 9 et 13 de la loi du 15 décembre 1980 qui consacre la mise enœuvre du pouvoir discrétionnaire de l’autorité compétente; que le demandeur nedispose pas, en outre, d’un droit subjectif au séjour dès lors qu’aucune règle dedroit ne lui attribue le pouvoir d’exiger de l’autorité un comportement détermi-né» (Civ. Bruxelles (réf.), 23 janvier 2004, J.L.M.B. 04/1018).

• Plusieurs quincailleries de la région namuroise avaient introduit une actiondevant le juge des référés de Namur dans le but qu’il soit fait interdiction à lasociété Leroy-Merlin de poursuivre l’exécution de travaux entrepris en exécu-tion d’un permis d’urbanisme et d’un permis d’implantation commerciale et ce,jusqu’à ce qu’il soit statué par le Conseil d’Etat sur la requête en annulationintroduite contre lesdits permis. La ville de Namur et l’Etat belge contestaientle pouvoir de juridiction du juge des référés, estimant que cette demande relevaitdes juridictions administratives. Dans son ordonnance du 6 décembre 2002, leprésident du tribunal de première instance de Namur précise «qu’en créant leréféré administratif, le législateur a voulu conférer au Conseil d’Etat une com-pétence de suspension sans concurrence dans le cadre du recours pour excès depouvoir dès lors qu’il s’entend que le recours en annulation prévu à l’article 14,alinéa premier, des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat, ne tend pas au réta-blissement d’un particulier dans ses droits mais au rétablissement de la légalité,autrement dit du droit objectif; que pour que le juge judiciaire des référés puisseintervenir en matière administrative et qu’il puisse se déclarer compétent, il fautque la demande porte sur une contestation qui a pour objet véritable et direct undroit civil ou un droit politique qui n’a pas été soustrait par la loi au pouvoirjudiciaire […]; qu’ainsi, le juge des référés, qu’il soit judiciaire ou administratif,doit se poser la question de savoir s'il est saisi d’un contentieux objectif ou d’uncontentieux subjectif et rechercher l’objet réel de l’action portée devant lui pourdéterminer si elle tombe ou non dans les limites de sa compétence».

Après avoir rappelé ces principes, le juge des référés relève que les partiesdemanderesses prétendent «que les travaux réalisés sont de nature à leur causerun préjudice important puisqu’ils sont liés à la réalisation d’une importantesurface commerciale qui entrera en concurrence directe avec leurs activitéspropre». Le juge des référés relève toutefois que «toute l’argumentation desparties demanderesses s’articule en fait mais également en droit autour de [la]prétendue illégalité qui entacherait le permis d’implantation commercialedélivré par le comité interministériel pour la distribution […]; que la citationintroductive d’instance laisse clairement apparaître qu’en réalité les demande-resses critiquent les actes administratifs prétendument entachés d’illégalité; […]que l’objet principal du litige est d’obtenir la suspension de l’exécution du___________83. Souligné dans la décision.

84. La décision cite PH. LEVERT, "L’intervention du juge des référés dans le droit administratif" , op. cit., p.377.

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permis d’urbanisme du 13 novembre 2001 et du permis d’exploitation du 4 juin2002 en critiquant les travaux préalables à l’exercice de l’activité commercialelitigieuse; qu’en conséquence, il est patent qu’il ne s’agit pas pour les partiesdemanderesses de faire cesser la violation d’un quelconque droit subjectifpuisqu’elles se bornent à prétendre sans aucune justification que les travauxréalisés sont de nature à leur causer un préjudice important en ce qu’ils sont liésà la réalisation d’une importante surface commerciale qui ne manquera pasd’entrer en concurrence directe avec les activités qu’elles exercent; attendu queles parties demanderesses doivent, pour que leur demande puisse s’inscrire dansla sphère de juridiction du juge judiciaire des référés, justifier de manièrecrédible de l’existence dans leur chef d’une raisonnable prétention à la protec-tion d’un droit subjectif qui serait lésé par le fait même de l’illégalité de l’acteadministratif qu’elles invoquent». Le juge des référés en conclut que «l’enjeuvéritable de la présente action est la critique d’illégalité de l’acte administratifque constitue la décision du 4 juin 2002 du comité interministériel de distribu-tion accordant le permis d’exploitation à la société Leroy-Merlin; qu’il s’agitd’une demande qui relève essentiellement et même exclusivement du conten-tieux objectif et non de celui des droits subjectifs» (Civ. Namur (8e ch. réf.), 6décembre 2002, J.L.M.B. 03/297).

• Par une ordonnance du 31 juillet 2001, le juge des référés de Namur est appeléà préciser l’objet réel de la demande introduite devant lui. Celle-ci visait à cequ’il soit «interdit à la partie défenderesse [la Région wallonne] de maintenir ladécision de suspension d’agrément de la maison de repos «Le tchaurniaseniories», décidé le 17 avril 2001, en attendant que le gouvernement (de laRégion wallonne) ait statué sur le recours porté devant lui par la demanderesseet que le Conseil d’Etat se soit prononcé sur la demande en suspension qui serapportait devant lui contre la décision du gouvernement, si celui-ci n’accueillaitpas le recours porté devant lui». Face à cette demande, le juge des référésconstate que «au-delà de son libellé complet, la demande qui, à première vue,semble pouvoir être assimilée à une demande relevant d’un contentieux objectifpour lequel seul le Conseil d’Etat aurait juridiction, s’analyse en réalité en unréféré-provision, puisqu'aussi bien ce qui est l’objet véritable de la présenteaction est le paiement d’une somme représentant des subsides dont ladéfenderesse a interrompu le versement du 17 avril au 30 juin 2001, suite à unedécision de suspension de l’agrément accordé à la partie demanderesse, laditedécision étant arguée d’illégalité par la même demanderesse» (Civ. Namur(réf.), 31 juillet 2001, J.L.M.B. 01/745, déjà citée).

• Le juge des référés de Bruxelles a été saisi d’une action introduite par unesociété exploitant un établissement de jeux de hasard. La Commission des jeuxde hasard avait, par décision du 27 juin 2001, refusé de délivrer à lademanderesse la licence de classe B nécessaire à l’exploitation d’unétablissement de jeux de hasard en raison de l’absence de convention conclueavec la commune du lieu d’exploitation de l’établissement. Cette décision avaitété notifiée à la demanderesse en référé le 10 juillet 2001 et celle-ci, par courrierdu 25 juillet 2001, avait sollicité auprès de la Commission le retrait de sadécision. Restant sans réponse de la Commission, la demanderesse avait saisi leConseil d’Etat, le 22 août 2001, d’un recours en suspension et en annulation dela décision de la Commission des jeux de hasard du 27 juin 2001. Lademanderesse était décidée à introduire une action en référé au motif que ladécision de la Commission des jeux de hasard avait pour effet que lademanderesse avait trois mois pour mettre fin à l’exploitation de sonétablissement à dater de la notification de la décision et que le Conseil d’Etatn’avait toujours pas pris de décision sur le recours en suspension malgrél’imminence de l’expiration de ce délai.

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En référé, la demanderesse invoquait «son droit subjectif de poursuivre sonunique activité commerciale, droit qui serait protégé par la liberté du commerceet de l’industrie». Le juge des référés va rejeter la demande au motif que «c’est àtort que la demanderesse croit pouvoir invoquer, pour justifier sa saisie du jugedes référés, l’atteinte portée à des droits subjectifs tels la liberté de commerce etd’industrie et le préjudice grave et difficilement réparable qu’elle subirait en casde fermeture. D’une part, l’existence d’un préjudice n’entraîne pasnécessairement l’existence d’un droit subjectif. D’autre part, la demanderesse nepeut invoquer la liberté de commerce et d’industrie alors que l’activité qu’elleexerce est justement réglementée de façon très stricte et n’est absolument pascaractérisée par le principe de la liberté. Le principe de la loi sur le jeu de hasard[…] est, en effet, l’interdiction d’exploiter sauf licence écrite préalablementoctroyée par la Commission des jeux de hasard. L’octroi d’une telle licencerelève du pouvoir discrétionnaire de la Commission. En attaquant la décision derefus de licence devant le Conseil d’Etat, la demanderesse ne poursuitaucunement le rétablissement ou la reconnaissance d’un droit subjectif, maisuniquement le rétablissement de la légalité, en faisant valoir un intérêt (pas undroit) légitime puisque l’acte attaqué lui porte préjudice. L’objet véritable de laprésente action est exactement le même, la demanderesse n’ayant pas davantagele droit subjectif à faire valoir devant le juge des référés qu’elle n’en a devant leConseil d’Etat. La demande ne relève dès lors pas de la juridiction du juge desréférés».

Outre ces considérations quant à l’objet réel du recours, le juge des référésconstate, par ailleurs, que «la demanderesse a assigné en référé après avoir saisile Conseil d’Etat de son recours en annulation et en suspension contre ladécision de la Commission des jeux de hasard, uniquement devant le constat quela procédure devant le Conseil d’Etat n’allait pas assez vite. Elle souhaite àl’évidence obtenir par un référé judiciaire, une mesure provisoire à la mesureprovisoire de suspension sollicitée devant le Conseil d’Etat. Elle entendd’ailleurs voir limiter les effets de l’ordonnance à intervenir à l’issue de laprocédure de suspension devant le Conseil d’Etat». Face à cette situation, lejuge des référés relève à juste titre que «nonobstant l’existence dans certains casde compétence parallèle, la procédure de référé judiciaire ne peut, en aucun cas,se transformer en une sorte de «super-référé» du Conseil d’Etat. Le législateur ad’ailleurs prévu, en cas d’extrême urgence, un recours spécifique en suspensiond’extrême urgence devant le Conseil d’Etat, que la demanderesse n’a pas crubon d’utiliser, alors que cette procédure aurait parfaitement pu lui apporter leremède poursuivi actuellement» (Civ. Bruxelles (réf.), 2 novembre 2001,J.L.M.B. 01/1052, déjà citée).

• Dans un litige opposant deux adjudicataires à un bail de chasse, l’adjudicataireévincé avait introduit une action en référé en vue d’obtenir notamment qu’il soitfait «défense à l’adjudicataire sortant 85 de pénétrer sur le territoire de […] et d’ypratiquer la chasse». La partie défenderesse contestait la «compétence desjuridictions judiciaires à connaître d’un contentieux dont le juge naturel serait leConseil d’Etat». Le juge des référés de Namur constate «qu’en l’espèce [ledemandeur] invoque la violation de son droit subjectif et être déclaré adjudica-taire du bail de chasse, conformément aux dispositions du cahier des charges dela Région wallonne». Le juge estime toutefois «que l’article 3 du cahier généraldes charges ne confère aucun pouvoir discrétionnaire au pouvoir adjudicatairelorsqu’il s’agit de constater qui a émis l’offre la plus élevée; qu’il n’est discutépar personne que l’offre [du demandeur] était la plus élevée; attendu qu’enconséquence [le demandeur] justifie à suffisance l’existence d’un droit subjectif___________85. Qui avait obtenu le renouvellement de son bail.

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES174 – 2005/4

qui fonde la compétence des juridictions judiciaires […]» (Civ. Namur (8e ch.réf.), 19 septembre 2003, J.L.M.B. 03/956).

3. Absence de juridiction du juge des référés etdétermination de la compétence du juge judiciaire enfonction de l’objet de la demande tel que l ibellé dans l’acteintroductif d’instanceLa théorie de la détermination de l’objet réel de la demande permet de régler lesconflits d’attribution entre les juridictions administratives et judiciaires. Il nes’agit donc pas d’un problème de compétence stricto sensu (détermination dutribunal compétent au sein des juridictions de l’ordre judiciaire) mais bien d’unproblème de juridiction. Les règles propres aux conflits de compétence (articles639 et 640 du code judiciaire) ne sont donc pas d’application en cette matière.

• «Il convient de souligner que si l’objet réel ne vise pas la protection d’un droitdu subjectif, il ne convient pas de soulever une exception d’incompétence dujuge des référés mais bien d’invoquer l’absence de juridiction du juge saisi»(Civ. Bruxelles (réf.), 2 novembre 2001, J.L.M.B. 01/1052, déjà citée).

Ce principe étant rappelé, il me semble néanmoins qu’on ne peut pas exclured’autorité en ce domaine l’application d’une règle propre à la compétence desjuridictions de l’ordre judiciaire selon laquelle la compétence du juge estdéterminée en fonction de l’objet de la demande tel qu’il est libellé dans l’acteintroductif d’instance. Cette règle, unanimement admise lorsqu’il s’agit del’urgence, trouve à s’appliquer en toute matière. Ainsi, à mon sens, si une partieinvoque expressément en citation, devant le juge des référés, la violation d’unde ses droits subjectifs par l’administration, il me semble que le juge des référésest définitivement compétent pour connaître de la demande et ne pourra doncplus se déclarer sans juridiction. Dans ce cas, à mon sens, s’il constate à la suitede l’instruction de la cause que contrairement à ce que le demandeur affirmaiten citation l’objet réel et principal de sa demande est la contestation d’un acte oud’un règlement relevant du contentieux objectif, le juge des référés, quoiquecompétent pour connaître de la demande, ne pourra que déclarer celle-ci nonfondée.

• Le président du tribunal de première instance de Namur défend une positiondifférente dans une ordonnance du 12 juillet 2004. En l’espèce, les partiesdéfenderesses contestaient la compétence des juridictions judiciaires pourconnaître du litige «dans la mesure où les demanderesses n’ont pas indiqué dansleur acte introductif d’instance en quoi consistait le droit subjectif dont ellesentendaient se prévaloir afin de fonder la compétence de la juridiction desréférés». A cette argumentation le juge des référés répond que «la compétenced’une juridiction judiciaire s’apprécie, de manière générale, au moment del’introduction de l’instance, au regard de l’objet de la demande tel que libellédans l’acte introductif, aucune disposition du code judiciaire ne règle l’épineusequestion de la procédure à appliquer en ce qui concerne les conflits d’attributionentre les juridictions administratives et judiciaires. L’article 639, alinéa 5, ducode judiciaire interdit simplement au tribunal d’arrondissement de connaîtred’un conflit relatif au pouvoir de juridiction des cours et tribunaux. Face à cevide législatif, la doctrine et la jurisprudence ont considéré qu’il convenait derésoudre un conflit d’attribution en qualifiant l’objet réel de la demande parrapport aux règles fondamentales de compétence fixées par la Constitution86. Ilest, dès lors, indifférent que l’acte introductif contienne ou non des___________86. L’ordonnance cite les conclusions du procureur général VELU précédant Cass., 10 avril 1987, A.P.T.,

1987, p. 280 et suivantes.

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 175

développements quant au caractère avéré d’une contestation relative à un droitsubjectif à partir du moment où une telle contestation peut se déduire de l’objetréel du litige» (Civ. Namur (réf.), 12 juillet 2004, J.L.M.B. 04/1010, déjà citée).

4. Effets d’un arrêt du Consei l d’Etat rendu au content ieuxde la suspension sur le juge des référés

• Le juge des référés de Namur a eu à connaître d’un litige opposant desparticuliers à la Région wallonne concernant le rachat par cette dernière del’immeuble appartenant au demandeur situé dans «la zone A étendue établie àproximité de l’aéroport de Bierset». Les demandeurs produisaient aux débatsune promesse unilatérale d’achat de leur immeuble intervenue entre eux et laRégion wallonne ainsi que les actes de levées d’options de l’achat promis,signés par les demandeurs le 22 juin 2001.

L’action en référé visait à obtenir la condamnation de la Région wallonne àpayer à titre de provision la somme de 9.900.000 francs, somme représentant leprix auquel la Région wallonne s’était engagée à leur racheter leur immeuble.Les demandeurs avaient introduit leur action en référé-provision dès lors que laRégion wallonne refusait de s’exécuter alors même que les demandeurs étaientde leur côté engagés à racheter à des tiers un autre immeuble à un prixéquivalent. La Région wallonne refusait de passer l’acte de rachat del’immeuble à la suite d’un arrêt rendu par le Conseil d’Etat, le 10 août 2001,suspendant l’exécution de l’arrêté du gouvernement wallon du 19 octobre 2000délimitant la première zone du plan d’exposition au bruit de l’aéroport deBierset (zone A), arrêté qui disposait en son article 3 : «Il est interdit augouvernement de la Région wallonne de poursuivre les procédures de promessesde ventes et d’achats, par lui-même ou par l’entremise d’une toute autrepersonne et ce, sous peine d’une astreinte de 3.000.000 francs par acte translatifde propriété ayant entraîné la perception en tout ou en partie du prixd’acquisition, que ledit acte soit établi sous seing privé ou en formeauthentique».

Le juge des référés de Namur relève dans un premier temps «qu’il n’est contestépar aucune des parties aux débats que dès [le 22 juin 2001] les obligations decaractère civil entre, d’une part, la Région wallonne […] et, d’autre part, [lesdemandeurs] se sont consolidées en manière telle que la vente est, dès alors,parfaite et en mesure de sortir tous ses effets, sous réserve des modalitéspratiques qui ont pu être convenues, tant en ce qui concerne la passation del’acte authentique que relativement au transfert effectif de propriété». Ce constatétant fait, le juge des référés estime que «l’arrêt de suspension prononcé enréféré par le Conseil d’Etat le 10 août 2001, à le supposer opposable ergaomnes, ne produit, en tout état de cause, ses effets que «ex nunc», c’est-à-direpostérieurement à sa prononciation et non rétroactivement; qu’il s’ensuit que leseffets de droit civil nés de conventions souscrites le 22 juin 2001 ont commencéà se produire entre parties antérieurement à la prononciation de l’arrêt desuspension du Conseil d’Etat; que l’on voit mal dans quelle mesure cet arrêt, nepouvant par définition se prononcer que dans le contexte et la perspective d’uncontentieux de type objectif, pourrait venir perturber le cours normal des effetsobligationnels d’une convention purement civile, entièrement parfaite et, aureste non contestée ni dans son existence ni dans sa légalité et ce, d’autant que,en l’espèce, les [demandeurs] n’ont été, en aucune façon, impliqués dans laprocédure devant le Conseil d’Etat» (Civ. Namur (8e ch. réf.), 18 septembre2001, J.L.M.B. 01/830).

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V. Mesures diverses

1. Référé et expertise

• Le maître de l’ouvrage assigne en référé l’entrepreneur en vue d’obtenir lanomination d’un expert pour donner son avis sur l’origine de malfaçons.L’entrepreneur cite en intervention l’architecte, qui conteste la recevabilité de samise à la cause au motif qu’il n’a pas de lien contractuel avec l’entrepreneur. Lacour d’appel de Liège, dans un arrêt déjà cité du 3 octobre 2002 estime «qu’il estrecommandé, pour éviter d’aboutir à des résultats incertains, voire choquants, demettre toutes les parties concernées à la cause et de mettre les actions en interven-tion en état d’être jugées en même temps que l’action principale; qu’il n’est pasexclu que, même en l’absence de lien contractuel entre eux, l’entrepreneurcondamné puisse dans certains cas se retourner contre l’architecte si ce dernier acommis une faute à son égard, la qualification à donner à semblable recours étantde la compétence du juge du fond». Et la cour ajoute : «que s’il faut éviter decontraindre une partie à suivre une mesure d’expertise lorsqu’elle est totalementétrangère à la question discutée et ne pourra certainement pas être inquiétée, iln’en va pas de même pour l’architecte dont le rôle est critiqué par un intervenantet à l’égard duquel l’expertise qui révélerait des défaillances pourrait être uninstrument utile pour le maître d’œuvre soucieux d’être complètement indemnisé»(Liège (7e ch.), 3 octobre 2002, J.L.M.B. 02/1181, déjà citée).

2. Référé et garanties à première demande

Le juge des référés est fréquemment saisi de demandes visant à empêcher ledéroulement normal du mécanisme de la garantie à première demande, lorsquele bénéficiaire de cette garantie entend faire valoir ses droits auprès du garant.Le juge des référés doit se montrer extrêmement prudent dans ses interventionssous peine d’enlever au mécanisme de la garantie à première demande touteefficacité.

• Le président du tribunal de première instance de Bruxelles a été amené à sepencher sur cette question par une ordonnance du 3 décembre 2001. En l’espècele litige opposait directement le donneur d’ordre de la garantie (lesétablissements Van Rymenant) et le bénéficiaire de la garantie (le C.H.U. Saint-Pierre), le garant (la B.B.L.) étant appelé à la cause en déclaration de jugementcommun.

L’action introduite par le donneur d’ordre avait pour but d’obtenir qu’il soit faitinterdiction au bénéficiaire de la garantie de faire appel à celle-ci auprès dugarant. Le demandeur estimait que le juge des référés pouvait, en l’espèce, avoirégard à l’exécution du contrat de base, nonobstant l’abstraction de la garantiedès lors que le litige opposait directement le donneur d’ordre au bénéficiaire.Pour le président du tribunal «la présence à la cause du bénéficiaire permet undébat contradictoire relativement au contrat de base (auquel la banque estétrangère et dans lequel elle n’a pas à s’immiscer), ce qui autorise le juge desréférés à examiner les arguments développés par le donneur d’ordre87, sous lacondition que celui-ci démontre que la demande du bénéficiaire excèdemanifestement l’équilibre des intérêts mis en place par la convention88; qu’iln’en demeure pas moins que l’intervention du juge dans l’exécution normaled’une garantie à première demande ne peut être admise que dans les limitesstrictes de la fraude ou de l’abus manifeste, sous peine de mettre en échec___________87. En ce qui concerne le non-respect du contrat de base

88. La décision cite MARTIN et DELIERNEUX, "Les garanties bancaires autonomes", R.P.D.B., compl. VII,1990, p. 597, n° 149 et SIMON et BRUYNEEL, "Chronique de droit bancaire privé : les opérations debanque -Les garanties indépendantes (1979, 1988)", Rev. Banque, 1989, p. 528.

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l’abstraction qui s’attache à cette forme de garantie, laquelle a été acceptée parle donneur d’ordre en connaissance de cause au moment de son émission89».Dans le cas d’espèce, après une analyse minutieuse des rapports contractuelsliant les parties, le tribunal estime que «l’appel à la garantie effectué par leC.H.U. Saint-Pierre apparaît sans aucun fondement au regard des clauses ducontrat et est, par conséquent, manifestement abusif; on ne pourrait, en effet,qualifier autrement un appel à la garantie qui s’appuie sur une créancemanifestement inexistante, au regard des termes mêmes du contrat ainsi qu’ilapparaît d’un examen sommaire puisqu’il n’est pas contesté, en fait, qu’il n’y eujamais de planning d’exécution […]» (Civ. Bruxelles (réf.), 3 décembre 2001,J.L.M.B. 03/954).

• Une société de droit belge avait conclu un contrat avec la société «Ciment duSahel» de droit sénégalais, concernant le montage d’une cimenterie au Sénégal.La société belge avait accordé à la société sénégalaise une garantie à premièredemande par l’intermédiaire de la Belgolaise. La société sénégalaise entendaitfaire appel à cette garantie dans des conditions formellement contestées par lasociété belge. Celle-ci a, en conséquence, introduit une action en référé, surrequête unilatérale, dont le double objet ne manque pas d’originalité.

En effet, par une seule et même requête, la société belge sollicite, d’une part,une abréviation du délai de citer afin de pouvoir introduire une procédure enréféré sans subir la prolongation du délai de citation prévue à l’article 55 ducode judiciaire de quatre-vingt jours pour une partie adverse ayant son siègesocial au Sénégal (le délai abrégé sollicité étant de trente jours). D’autre part, larequête avait pour objet d’obtenir qu’il soit fait interdiction à la banque garantede donner une suite à l’appel à la garantie qui lui serait ou lui aurait déjà étéadressé par la société sénégalaise et ce, aussi longtemps qu’une décision rendueen référé n’aurait pas validé cet appel à la garantie.

Manifestement séduit par cette façon d’agir, cumulant la mesure provisoire surrequête unilatérale avec l’introduction d’une procédure contradictoire sous lebénéfice d’une abréviation du délai de citer, le président du tribunal de com-merce de Liège fait droit à cette double demande. En ce qui concernel’abréviation du délai de citer, le juge considère que «l’urgence particulière de lacause et des facilités de communication actuelles, tant des personnes que desécrits, imposent de réduire le délai global de quatre-vingt-deux jours à trentejours». Le juge a toutefois invité, dans son dispositif, la requérante «à transmet-tre l’acte introductif d’instance par télécopieur à la S.A. Ciment du Sahel et laS.A. Banque Belgolaise, dans les trois jours de la signification de cet acte». Ence qui concerne la demande de mesure provisoire jusqu’à ce qu’il soit statuédans le cadre du référé contradictoire, le président du tribunal de commerce deLiège estime que «les garanties bancaires sont vitales à l’exercice du commerceinternational. Elles ne sont toutefois pas exemptes de risques d’abus dont uneentreprise peut légitimement vouloir se prémunir en recourant à justice. Lesgaranties bancaires sont toujours susceptibles d’être exécutées dans des délaisextrêmement brefs, ce qui, dans le cas d’espèce où le délai de la citation detrente jours restera fort long, autorise le recours à la requête unilatérale et à lamesure qui sera prise ci-après sans préjudice non seulement quant à la décisionau fond – ce qui va de soi – mais aussi quant à la décision que prendra le jugedes référés». En conséquence, le juge fait interdiction à la banque garante de___________89. La décision cite encore C. HOUSSA, "Intervention du juge et des arbitres dans l’exécution des

garanties", L’actualité des garanties à première demande, Bruylant, 1998, p. 220 à 227 qui — précisel’ordonnance —, «souligne à quel point il est délicat de concilier le principe de l’abstraction de lagarantie à première demande avec un examen, aussi sommaire soit-il, du bien-fondé de l’appel à lagarantie au regard de l’équilibre contractuel, tout en indiquant qu’il appartient au juge d’éviter quel’exécution de la garantie soit un instrument de spoliation au détriment du donneur d’ordre».

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donner suite à l’appel à la garantie «et ce, aussi longtemps qu’une ordonnanceprésidentielle n’aura pas admis la validité dudit appel à garantie» (Comm. Liège(prés.), 6 mars 2003, J.L.M.B. 03/654).

VI.- Questions de compétence

1.- Plénitude de juridiction du président du tribunal depremière instance siégeant en référé

• Je dois signaler ici une ordonnance rendue par la chambre des référés néerlando-phone du tribunal de première instance de Bruxelles, le 17 février 2003 (J.L.M.B.04/1019) 90, qui écarte la notion de plénitude de juridiction du président du tribunalde première instance et décide qu’un déclinatoire de compétence matérielle, enfaveur d’une compétence spéciale (mais non exclusive) du président du tribunal decommerce est parfaitement valable et qu’il convient, en conséquence, de renvoyerla cause audit président.

Cette décision, à ma connaissance isolée, doit être catégoriquement rejetée, étantmanifestement contraire au texte de l’article 584 du code judiciaire qui prévoitexpressément en son premier alinéa que «le président du tribunal de premièreinstance statue au provisoire dans les cas dont il reconnaît l'urgence, en toutesmatières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire». Alors que ledeuxième alinéa précise que «le président du tribunal du travail et le présidentdu tribunal de commerce peuvent statuer au provisoire dans les cas dont ilsreconnaissent l'urgence, dans les matières qui sont respectivement de la com-pétence de ces tribunaux» 91.

• Dans un arrêt du 22 mai 2001, la septième chambre cour d’appel de Liège(J.L.M.B. 01/685, déjà citée) estime quant à elle «que bien que les contestationsrelatives aux contrats de louage de travail et à l’application des conventionscollectives de travail soient de la compétence naturelle du tribunal du travail(article 578, 1° et 3°, du code judiciaire), le président des référés civils profite dela plénitude de juridiction reconnue au tribunal de première instance».

L’affirmation est inexacte. Le tribunal de première instance bénéficie, en vertu del’article 568 du code judiciaire, du principe de la prorogation de compétence. Cequi signifie qu’il est compétent en toutes matières92, mais que cette compétence nesubsiste que si la partie défenderesse ne soulève pas un déclinatoire de compé-tence en faveur d’une juridiction d’exception qui serait spécialement compétentepour connaître du litige. Au contraire, la plénitude de juridiction n’est reconnue,en vertu de l’article 584 du code judiciaire, qu’au président du tribunal de pre-mière instance, siégeant en référé, qui statue «en toutes matières, sauf celles quela loi soustrait au pouvoir judiciaire». En d’autres termes, aucun déclinatoire decompétence93 ne peut valablement être soulevé devant le juge des référés dutribunal de première instance.

2.- Compétence résiduaire du juge des référésFaisant l’objet d’un mandat d’arrêt international délivré par un juge d’instructionallemand, C.P., de nationalité grecque, est placé sous mandat d’arrêt provisoire envue de son extradition par un juge d’instruction bruxellois. Par arrêté ministérieldu 14 octobre 1999, son extradition vers l’Allemagne fut accordée. L’extradition___________90. Décision rédigée en néerlandais.

91. J. ENGLEBERT, "Le référé judiciaire : principes et questions de procédure", op. cit., p. 51 à 53.

92. Relevant de la compétence du pouvoir judiciaire et hormis celles qui relèvent directement de lacompétence des cours d’appel ou de la Cour de cassation.

93. Mais bien un déclinatoire de juridiction.

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ne fut pas exécutée au motif que C.P. faisait par ailleurs l’objet d’une instruction,poursuivie à sa charge par un juge belge et pour laquelle sa présence en Belgiqueétait considérée comme nécessaire, mais dans le cadre de laquelle aucun mandatd’arrêt n’avait été décerné. En mai 2000, C.P. assigna l’Etat belge en référé afind’obtenir sa condamnation soit à exécuter l’arrêté ministériel d’extradition, soit àle libérer. Le premier juge fit droit à la demande. En appel, l’Etat belge soulèvel’absence de pouvoir de juridiction des cours et tribunaux de l’ordre judiciairepour ordonner l’exécution de l’extradition ou la libération provisoire de C.P., dèslors qu’il se trouve sous écrou extraditionnel à la disposition du pouvoir exécutif.

La neuvième chambre de la cour d’appel de Bruxelles, par un arrêt du 20 septem-bre 2002 (J.L.M.B. 02/1039, déjà citée), estime que l’article 5.4 de la Conventioneuropéenne des droits de l'homme, selon lequel «toute personne privée de saliberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant lestribunaux, afin qu’il soit statué à bref délai sur la légalité de sa détention etordonne sa libération si la détention est illégale». Elle décide, en conséquence,qu’«à défaut pour le législateur d’avoir organisé un recours spécifique ou d’avoirdésigné une juridiction spécifique pour pareil recours, le juge des référés estcompétent pour en connaître, pour autant que les autres conditions du référé soientégalement réunies»94.

3.- Référé et arbitrageRappelant un enseignement constant, le juge des référés de Bruxelles décide que,conformément à l’article 1679, alinéa 2, du code judiciaire, en cas d’urgence, «desmesures conservatoires ou provisoires peuvent être demandées au tribunal desréférés malgré la clause d’arbitrage».

En l’espèce le conflit opposait un pédiatre à un centre hospitalier qui l’employait.Le contrat de prestation de services, signé par les parties, prévoyait qu’en cas deconflit, elles s’efforceraient de se concilier à l’initiative du conseil médical et àdéfaut, le litige serait tranché par un arbitre. De façon intéressante, le juge desréférés précise que «même si la présente demande tend à une mesured’anticipation sur le fond du litige, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’unedemande de mesure provisoire, laquelle ne portera pas préjudice à la reconnais-sance définitive des droits des parties au fond» (Civ. Bruxelles (réf.), 6 juin 2002,J.L.M.B. 03/696, déjà citée).

4.- Référé et exécution 95

L’intervention du juge des référés dans le cadre de l’exécution d’une décisionjudiciaire soit exécutoire par provision, soit définitive, soulève d’importantescontroverses.

• La société de logements sociaux La cité moderne avait obtenu par jugement dutribunal de première instance de Bruxelles, statuant en appel et en application del’article 751 du code judiciaire, un jugement d’expulsion d’une de ses locataireset de sa famille. La locataire, contestant la validité de la procédure ayantconduit au prononcé du jugement réputé contradictoire à son égard, avait intro-duit une opposition contre ce jugement. Parallèlement, elle a saisi le présidentdu tribunal de première instance de Bruxelles en référé en vue d’obtenir lasuspension de la procédure d’expulsion, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sonopposition au fond. Le juge des référés va rejeter cette demande au motif que«il n’appartient pas au juge des référés de revenir au provisoire sur les termes___________94. En ce sens, Civ. Bruxelles (réf.) (néerl.), 15 février 2002, J.L.M.B. 02/1108.

95. Voy. sur cette question S. BRIJS, "L’intervention du juge des référés dans l’exécution", Le référéjudiciaire, p. 309 et suivantes.

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d’un jugement ayant été rendu au fond. Par ailleurs, c’est au juge devant lequell’affaire est plaidée qu’il incombe de vérifier la régularité de la procédure et nonau juge des référés dans le cadre d’une autre procédure». On peut s’interrogersur la pertinence de ce dernier attendu. Je ne vois pas ce qui empêcherait un jugedes référés d’anticiper sur la décision que prendrait le juge du fond s’il apparaîtdu dossier qu’apparemment la procédure antérieure (au fond) est entachéed’irrégularités.

Poursuivant sa motivation le juge des référés précise encore qu’il «ne peutdavantage interdire l’exécution d’un jugement ou y surseoir». Le caractèreabsolu et sans nuance de cet attendu me paraît également critiquable. Le jugedes référés doit pouvoir intervenir dans les cas, certes extrêmement limités, oùl’exécution fait apparaître un abus de droit manifeste96.

Enfin, le président du tribunal de première instance relève que «l’article 1042 ducode judiciaire stipule à cet égard que les juges d’appel ne peuvent, en aucuncas, sous peine de nullité, interdire l’exécution des jugements ou y faire surseoir.Ce qui est interdit par l’article 1042 au juge d’appel l’est a fortiori au juge desréférés». La justification par référence à l’article 1042 est en l’espèce contesta-ble dès lors que la décision dont la suspension de l’exécution était demandéeavait précisément été rendue en appel (Civ. Bruxelles (réf.), 25 novembre 2003,J.L.M.B. 04/1020).

• Dans cette même affaire, la partie défenderesse contestait la compétence duprésident du tribunal statuant en référé pour connaître de la demande et estimaitque le juge compétent en matière d’exécution était le juge des saisies, il sollici-tait en conséquence que la cause soit renvoyée devant ce dernier. Le tribunalrépond à juste titre que «les seules matières soustraites au président siégeant enréféré sont […] celles où le pouvoir de statuer n’appartient pas au pouvoirjudiciaire» et il relève que «en vertu de l’article 569, 5°, du code judiciaire, letribunal de première instance connaît des contestations élevées sur l’exécutiondes jugements».

Le juge saisit cette occasion pour rappeler, par ailleurs, que «l’article 1395 ducode judiciaire invoqué par la partie défenderesse a une portée plus limitéepuisqu’il précise que toutes les demandes qui ont trait aux saisies conservatoi-res, aux voies d’exécution et au règlement collectif de dettes sont portées devantle juge des saisies. Concernant les contestations portant sur l’exécution desjugements et arrêts autres que celles visées à l’article 1395 du code judiciaire, lejuge des référés est bien le juge compétent pour les mesures provisoires en casd’urgence»97 (Civ. Bruxelles (réf.), 25 novembre 2003, J.L.M.B. 04/1020, déjàcitée).

VII.- Questions de procédure

1.- Abréviation du délai de citerLe cirque Bouglione avait obtenu une abréviation du délai de citer en référé afinde pouvoir introduire une action en référé moyennant un délai de citation d’unjour contre l’association Gaia en vue qu’il soit fait interdiction à cette dernièrede poursuivre sa campagne de dénigrement qu’elle menait contre le cirqueBouglione. L’intérêt de l’abréviation du délai de citer était qu’elle permettait àBouglione de citer Gaia pour l’audience des référés du vendredi (à défautd’abréviation la cause n’aurait pu être introduite qu’après le week-end). Tant en___________96. Voy. notamment à ce sujet les développements de S. BRIJS, « L’intervention du juge des référés dans

l’exécution », op. cit., p. 318.

97. La décision cite S. BRIJS, "L’intervention du juge des référés dans l’exécution", op. cit., p. 318.

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première instance qu’en appel, Gaia considérait que l’abréviation du délai deciter ne se justifiait pas et qu’en conséquence la citation originaire était entachéede nullité. Dans un arrêt du 20 novembre 2003, la cour d’appel de Bruxellesrejette cette argumentation estimant que «à défaut d’abréviation du délai deciter, l’affaire n’aurait pu être introduite qu’après le week-end, augmentant ainsiles effets de la contre-publicité organisé par Gaia». La cour relève en outre que«la demanderesse en tierce opposition [contre l’ordonnance abréviatrice du délaide citer] ne démontre pas qu’elle avait intérêt à contester cette abréviation dedélai, qui ne pourrait résulter que dans le préjudice éventuel qu’elle aurait puavoir subi dans l’organisation de sa défense». Or, la Cour relève que «Gaia acomparu à l’audience d’introduction du 26 septembre 2003, obtenu la remise au29 septembre 2003 et a pu déposer des conclusions et des conclusions addition-nelles». Elle a donc pu organiser correctement sa défense. A défaut d’intérêt lacour considère que «la tierce opposition n’était donc pas recevable» (Bruxelles(9e ch.), 20 novembre 2003, J.L.M.B. 04/295, déjà citée).

2.- Mise en étatC’est manifestement à tort que le juge des référés de Bruxelles, décide quel’article 747, paragraphe 2, du code judiciaire «n’est pas applicable dans la procé-dure en référé». Rien, en effet, ne permet d’exclure l’application des règles misesen place par la loi du 3 août 1992 à la procédure en référé98. Même s’il est certain,qu’en raison des exigences de rapidité et d’efficacité propres à cette procédure, lesmodalités de son application peuvent être adaptées (notamment par la généralisa-tion de la fixation d’un calendrier contraignant d’échange de conclusions dèsl’audience d’introduction99.

Refusant de sanctionner le non-respect d’un délai de conclusions convenu dans lecadre d’un accord arrêté entre les parties, le juge des référés justifie sa positioncomme suit : «Dans le cadre du référé, la mise en état devant être menée dans desdélais très courts, il convient de faire application de ces accords avec discerne-ment, l’exécution de ceux-ci devant être dominée par le seul souci de réaliser unebonne justice, et non de priver le tribunal d’éléments indispensables pour appré-cier la nécessité de la prise de mesures urgentes et provisoires, qui, il ne faut pasl’oublier, peuvent avoir des conséquences de fait définitives». Cette justificationne convainc pas. Certes, la mise en état de la cause poursuit le but ultimed’informer au mieux le juge amené à trancher la contestation. Mais le respect ducontradictoire cumulé au souci de garantir une mise en état rapide exige que lesdélais contraignants pour l’échange des conclusions soient strictement observés etsanctionnés, comme la loi le prévoit expressément, par l’écartement d’office desconclusions tardives100. Le fait qu’il s’agisse de prendre en référé des mesures quipeuvent, dans les faits, avoir des conséquences définitives n’y change évidemmentrien. La même sanction est applicable devant le juge du fond qui, lui, est pourtantamené à prendre une mesure aux conséquences définitives tant en fait qu’en droit(Civ. Bruxelles (réf.), 6 juin 2002, J.L.M.B. 03/696, déjà citée).

3.- Condamnation aux dépens en référéLe juge des référés doit-il se prononcer sur les dépens ou doit-il réserver à statuersur ce point et laisser au juge du fond le soin de vider cette question ?___________98. En ce sens, G. DE LEVAL, "La mise en état des causes", in Le nouveau droit judiciaire privé –

commentaires, Dossier du J.T., n° 5, Larcier, 1994, p. 59 à 123, ici n° 15, p. 88.

99. On notera que c’est d’ailleurs dans ce sens que va l’évolution législative. Un avant-projet de loi viseen effet à généraliser l’application de l’article 747, paragraphe 2, dès l’audience d’introduction.

100. Sur ces questions, voy. notamment J. ENGLEBERT, "La mise en état des causes", Actualités etdéveloppements récents en droit judiciaire, Larcier, Formation permanente C.U.P., vol. 70,mars 2004, p. 111 et suivantes.

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• Selon la cour du travail de Liège, «il doit être admis que le juge des référés estcompétent pour condamner aux dépens lorsqu’il épuise sa juridiction. Et ce, parceque les dépens sont afférents au droit d’action et non au droit subjectif»101 (C. trav.Liège (10e ch.), 1er avril 2003, J.L.M.B. 03/673, déjà citée).

• Au contraire, selon la cour d’appel de Liège, «les dépens d’une instance enréféré doivent être réservés par le juge pour être mis à charge de la partie succom-bante au principal»102 (Liège (7e ch.), 14 janvier 2000, J.L.M.B. 00/123, déjàcitée).

• Quant au juge des référés de Verviers, après avoir fait entièrement droit à lademande provisoire qui lui était adressée, il décide sans autre explication dedélaisser «à chacune des parties ses propres dépens» (Civ. Verviers (réf.), 17 avril2003, J.L.M.B. 03/652).

4.- AstreintesL’astreinte n’est évidemment pas propre au référé. Toutefois, l’efficacité del’exécution de décisions rendues sous le bénéfice de l’urgence et exécutoires parprovision en vertu de la loi, dépendra souvent de l’astreinte pouvant assortir lacondamnation principale. A ce titre, elle mérite que l’on y consacre quelquesdéveloppements dans ces inédits consacrés au référé.

• Dans un arrêt du 8 mars 2001, la cour d’appel de Liège rappelle que «l’astreinteest un moyen de pression permettant de contraindre le débiteur d’une obligationde faire à l’exécuter promptement». La cour ajoute «qu’elle ne doit pas être uninstrument d’indemnisation pour une inexécution qui, au moment où l’ordre estdonné, serait difficile, voire impossible, à rattraper». En l’espèce, la cour rejette lademande d’astreinte en précisant que la partie qui n’aura pas pu faire exécuterl’ordre de référé reste «libre de plaider devant la juridiction de fond de la bonneexécution des décisions judiciaires». Cette décision laisse perplexe. La coursemble implicitement admettre qu’il n’y a pas lieu d’assortir la condamnationprononcée par le premier juge (et confirmée en appel) d’une astreinte dès lorsqu’il n’est pratiquement quasi plus exécutable et que cela aurait pour effet detransformer l’astreinte en une indemnité compensatoire. Ce n’est pas faux, maisl’on peut s’interroger sur le sens qu’il y a à ordonner (et pour le demandeur, àobtenir) en référé des mesures inexécutables (Liège (7e ch.), 8 mars 2001, J.L.M.B.01/596, déjà citée).

• Un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles doit retenir l’attention. En premièreinstance, le demandeur sollicitait du juge des référés qu’il fasse interdiction àl’Etat belge et à la Commission permanente de recours des réfugiés de traiter enlangue néerlandaise le recours qu’il avait introduit devant cette Commission, souspeine d’une astreinte d’un million de francs. Le premier juge fit droit à la de-mande. L’Etat belge a interjeté appel tout en passant outre la décision. L’intiméconteste la recevabilité de l’appel à défaut d’intérêt dans le chef de l’Etat dès lorsqu’il n’avait pas respecté l’injonction du premier juge et qu’en conséquence laCommission avait rejeté la demande de reconnaissance du statut de réfugié. Lacour d’appel considère que l’Etat conservait un intérêt à interjeter appel dès lorsqu’à cette date la Commission n’avait pas encore rendu sa décision et qu’enconséquence, pour autant que l’ordonnance du premier juge lui soit signifiée,l’Etat s’exposait au paiement d’une importante astreinte. Toutefois, poursuit lacour, «il apparaît que l’ordonnance attaquée n’a pas été signifiée à ce jour; […]qu’il paraît, dès lors, acquis à présent que l’Etat belge ne peut encourir aucuneastreinte en l’espèce; qu’il faut admettre que, dans ces circonstances, l’Etat belge___________101. L’arrêt cite G. DE LEVAL, "Le référé en droit judiciaire privé", Act. dr., 1992, p. 882.

102. L’arrêt cite E. GUTT et A.-M. STRANART, R.C.J.B., 1974, p. 178.

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n’a plus aucun intérêt à invoquer le grief que la décision attaquée lui aurait infli-gée en lui adressant – fût-ce à titre précaire – ladite injonction […]; que la ques-tion de savoir si les moyens développés en ce sens par l’Etat belge sont recevableset fondés présente actuellement un caractère purement théorique, d’autant quel’ordonnance attaquée réserve les dépens; Qu’il y a lieu de rappeler à cet égardque, dès lors qu’elles ne règlent pas les droits des parties, mais se bornent à réglerau provisoire une situation urgente, en ordonnant ou en interdisant, les ordonnan-ces de référé sont dépourvues de la présomption de vérité qui constitue l’effetpositif de la chose jugée103; qu’au surplus, le non-respect par l’Etat belge del’injonction contenue dans l’ordonnance attaquée est acquis; que la confirmationou la réformation en degré d’appel de ladite ordonnance serait dès lors sansincidence sur les conséquences juridiques susceptibles d’être tirées le cas échéantpar [l’intimé], en particulier sur le plan de la responsabilité civile, de cette inexé-cution de l’ordonnance attaquée par l’Etat belge; que l’appel est, en conséquence,devenu sans objet» (Bruxelles (3e ch.), 9 mars 1999, J.L.M.B. 04/1021).

• Notons encore, quoique ceci n’est pas propre au référé, que dans l’ordonnancedéjà citée du président du tribunal de première instance de Bruxelles du 3décembre 2001, le juge rejette la demande d’astreinte pour les motifs suivants :«qu’il n’y a, toutefois, pas lieu d’accueillir la demande d’astreinte, n’ayant paslieu de présumer que le C.H.U. Saint-Pierre ne se conformera pas à la présentedécision». Cet attendu sous-entend implicitement qu’une demande d’astreinte neserait valablement introduite que s'il y a des éléments permettant de «présumer»que la partie défenderesse ne se conformera pas à l’ordre du juge (Civ. Bruxelles(réf.), 3 décembre 2001, J.L.M.B. 03/954, déjà citée).

JACQUES ENGLEBERTAvocat aux barreaux de Bruxelles et de Paris

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___________103. L’arrêt cite P. MARCHAL, Les référés, Larcier, 1992, n° 35, p. 68.