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AgroParisTech Master de Sciences et Technologies du Vivant Mention Biologie, spécialité Écologie Biodiversité Évolution Année universitaire 2006 – 2007 Influence de la distribution des ressources sur la valeur sélective d’un prédateur à place centrale : une approche par modélisation Soutenance le 19 juin 2007 Nicolas Hanuise Stage réalisé sous la codirection de Christophe Guinet et de Pablo Inchausti Centre d’Études Biologiques de Chizé – CNRS UPR 1934

Influence de la distribution des ressources sur la …...Chez cette espèce, les femelles en période de reproduction s’approvisionnent à partir d’une place centrale. Un ensemble

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AgroParisTech

Master de Sciences et Technologies du Vivant

Mention Biologie, spécialité Écologie Biodiversité Évolution

Année universitaire 2006 – 2007

Influence de la distribution des ressources sur la valeur sélective

d’un prédateur à place centrale : une approche par modélisation

Soutenance le 19 juin 2007

Nicolas Hanuise

Stage réalisé sous la codirection de Christophe Guinet et de Pablo Inchausti

Centre d’Études Biologiques de Chizé – CNRS UPR 1934

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Remerciements

Mes premiers mots vont à Vincent Bretagnolle et à Henri Weimerskirch, qui m’ont

respectivement permis d’intégrer le laboratoire et l’équipe des prédateurs marins.

Je remercie Christophe Guinet pour m’avoir proposé ce travail. Merci de ta confiance, et

merci de m’avoir donné l’occasion de remettre les pieds dans les TAAF. Que la suite nous

permette de continuer cette collaboration.

Je remercie également Pablo Inchausti pour avoir accepté de co-encadrer ce stage. Merci pour

ton accueil au laboratoire, ton point de vue de modélisateur et tes commentaires constructifs.

Merci à Morgane Viviant, dont les travaux de l’an passé ont constitué la base de cette étude.

Merci à l’ensemble du personnel du laboratoire pour les 5 mois passés ici. Une pensée

particulière à tous les habitués de la grande cuisine.

Je remercie mes nombreux chauffeurs pour avoir grandement facilité mes allées et

venues entre la gare de Niort et le parking du CEBC : Nathalie Coffineau, Raphaëlle Dhennin,

Simon Ducatez, Aurélie Goutte, William Huin, Mael Le Corre, Alexandre Martin, Catherine

Michel, Stéphane Mortreux , Florian Picaud, Virginie Rolland, Carole Sainglas et quelques

anonymes.

À π aussi, en souvenir d’Aline, pour qu’elle revienne…

Merci aussi à tous mes correcteurs de la dernière minute : Aurélie, Florian, Simon, William

avec une mention spéciale pour Pierrot.

Merci enfin à mes parents et à Chrystèle d’être toujours là à mes côtés.

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1

Sommaire

Introduction .............................................................................................................................. 2

Stratégies d’approvisionnement ............................................................................................. 2

Stratégies de déplacement ...................................................................................................... 3

Choix du modèle .................................................................................................................... 3

Objectifs ................................................................................................................................. 5

Modèle ....................................................................................................................................... 6

Généralités.............................................................................................................................. 6

Paramètres du modèle ............................................................................................................ 6

Habitat et ressource alimentaire ............................................................................................. 6

Déroulement des simulations ................................................................................................. 8

Modes de déplacement ......................................................................................................... 11

Mémorisation ....................................................................................................................... 12

Sorties du modèle ................................................................................................................. 13

Simulations effectuées.......................................................................................................... 14

Analyses de sensibilité ......................................................................................................... 14

Résultats .................................................................................................................................. 15

Balance énergétique et variation de masse........................................................................... 15

Trajets simulés...................................................................................................................... 16

Survie des femelles............................................................................................................... 17

Survie des jeunes.................................................................................................................. 17

Taux de croissance juvénile ................................................................................................. 18

Durée et distance totale des trajets en mer ........................................................................... 19

Effet de la distance ............................................................................................................... 19

Effet de la prédictibilité........................................................................................................ 19

Analyses de sensibilité du modèle ....................................................................................... 20

Confrontation aux données réelles ....................................................................................... 21

Discussion................................................................................................................................ 23

Effet des différents modes de déplacement.......................................................................... 23

Effet de l’abondance locale de la ressource ......................................................................... 25

Conclusion............................................................................................................................ 27

Perspectives.......................................................................................................................... 27

Bibliographie........................................................................................................................... 28

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Introduction

Stratégies d’approvisionnement

Les stratégies d’approvisionnement sont des comportements qui déterminent comment

les individus acquièrent des ressources alimentaires, dans un environnement où leur

distribution est généralement hétérogène et soumise à des variations au cours du temps

(Cézilly and Benhamou 1996). La quantité et la qualité de la ressource acquise sont des

déterminants directs de la survie et de la reproduction ; les stratégies d’approvisionnement

influencent donc de manière indirecte la valeur sélective des individus (Lemon 1991; Ritchie

1990; Georges and Guinet 2000).

La théorie de l’approvisionnement optimal (optimal foraging theory, OFT) postule que

les stratégies de recherche alimentaire permettant d’optimiser l’acquisition de ressources sont

sélectionnées au cours de l’évolution (Stephens and Krebs 1986). Le champ de cette théorie

est essentiellement divisé en l’étude du régime alimentaire, ou sélection de proie (MacArthur

and Pianka 1966) d’une part, et en l’étude de la distribution spatiale et temporelle de la

recherche d’autre part (Pyke 1984). Cette seconde partie regroupe plusieurs aspects : la

sélection et le départ de patch1 (Charnov 1976), ainsi que les déplacements entre et à

l’intérieur des zones d’alimentation. Ces différents volets sont basés sur une approche

économique coût/bénéfice des stratégies d’approvisionnement : l’optimalité consiste à

maximiser le gain énergétique net, différence entre le gain énergétique brut lié à l’assimilation

et la dépense énergétique résultant des activités de recherche, de poursuite, de capture et de

manipulation d’une proie (Stephens and Krebs 1986).

Certains animaux sont contraints de limiter leur approvisionnement autour d’un lieu

où ils reviennent régulièrement. De nombreuses espèces présentent ce comportement, en

particulier des insectes sociaux vivant en colonie, et de nombreux oiseaux et mammifères,

notamment en période de reproduction (Kramer and Nowell 1980; Kacelnik 1984; Kacelnik et

al. 1986). La ressource peut alors être consommée immédiatement pour subvenir aux besoins

énergétiques propres de l’individu ou être conservée pour un usage ultérieur lors du retour au

site de reproduction : stockage de nourriture ou nourrissage de la progéniture. Enfin, la

1 Dans un environnement où la distribution de la ressource est spatialement hétérogène et

discrète, un patch désigne une région délimitée de l’espace contenant une quantité finie de

ressource, au sein d’un environnement plus pauvre (Cézilly and Benhamou 1996).

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ressource peut également être consommée et transformée en un produit délivré à la

progéniture, comme le lait chez les mammifères. Cette stratégie, appelée approvisionnement à

partir d’une place centrale (central place foraging, CPF) induit des contraintes spécifiques en

termes de temps, de distance et d’énergie (Orians and Pearson 1979). L’efficacité de la

stratégie de recherche est alors mesurée par la quantité nette d’énergie rapportée au nid. Afin

de conserver un bilan net positif, un individu doit donc contrebalancer le coût des voyages de

recherche alimentaire, lié en particulier à la distance parcourue et au mode de prospection, par

la quantité de ressource acquise, qui doit être augmentée lors des voyages les plus coûteux.

Stratégies de déplacement

Les stratégies de déplacement ont une influence directe sur l’optimalité de la recherche

alimentaire. Les animaux mobiles peuvent marcher, voler ou nager à la recherche de leurs

zones d’alimentation et adapter leurs déplacements en fonction de l’environnement et de leurs

interactions avec d’autres individus. Leurs modes de déplacement peuvent être caractérisés

par l’analyse des trajectoires : longueur de segments linéaires élémentaires et changements de

direction (Turchin 1998). Ces paramètres permettent de définir des comportements comme la

recherche en zone restreinte (area-restricted search) (Fauchald and Tveraa 2003), une

adaptation du mouvement en réponse à la ressource qui induit un temps de résidence prolongé

en milieu plus profitable. Cependant, par souci de simplification, la plupart des modèles

théoriques d’étude de l’approvisionnement optimal considèrent souvent que l’individu est

omniscient et se déplace directement d’une zone d’alimentation à la suivante, sans prise en

compte explicite du trajet (Charnov 1976; Cézilly and Benhamou 1996). En effet, grâce à leur

système sensoriel, les animaux peuvent acquérir de l’information visuelle, olfactive ou

auditive sur l’emplacement, la qualité ou la quantité de la ressource, ainsi que sur ses

variations au cours du temps. Dans certains cas, en particulier en milieu marin, l’éloignement

ou l’inaccessibilité des zones d’alimentation rend plus difficile leur détection à distance, bien

que des repères visuels ou olfactifs existent (Nevitt 1999). La prise en compte explicite des

stratégies de déplacement paraît donc nécessaire dans l’étude de l’approvisionnement en

milieu hétérogène.

Choix du modèle

Notre objectif est ici de déterminer l’influence relative de différentes stratégies

d’approvisionnement et de la distribution de la ressource sur l’efficacité de pêche et le succès

reproducteur d’un prédateur marin s’approvisionnant à partir d’une place centrale. L’approche

par modélisation est une solution intéressante aux échelles spatiales et temporelles

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concernées, où la manipulation expérimentale est difficile. De plus, l’utilisation d’un modèle

spatialement explicite (Grunbaum 1998) permet de simuler la distribution de la ressource,

choix particulièrement intéressant dans un environnement comme le milieu marin pour lequel

peu de données sont disponibles. La variabilité temporelle de la ressource alimentaire en

qualité, quantité et accessibilité ainsi que sa prédictibilité pourront ainsi être prises en compte.

Le modèle doit permettre l’incorporation de règles comportementales, c’est-à-dire des

décisions prises par le prédateur au cours de la recherche alimentaire : choix de s’alimenter

dans une zone particulière ou de se déplacer vers une autre zone, ainsi que les lois régissant

son déplacement. Enfin, le modèle doit également intégrer une dimension de métabolisme

énergétique pour prendre en compte le bilan net lié à l’assimilation de ressource et aux

différentes activités.

Au sein d’une population, il existe une importante variabilité inter-individuelle :

génétique, phénotypique, comportementale, cognitive et spatiale (McNamara and Houston

1996). Ces différents facteurs propres à chaque individu ont un impact sur sa capacité à

survivre et à se reproduire, c’est-à-dire sur sa valeur sélective. La modélisation explicite de

ces différentes sources de variation est l’objet des modèles individu-centrés (individual-based

model, IBM) (DeAngelis and Mooij 2005; Grimm and Railsback 2005). Ces modèles

permettent de prendre en compte les caractéristiques propres d’un individu comme sa

localisation dans l’environnement, l’état de ses réserves énergétiques, son expérience, et

d’évaluer leur influence sur ses choix en terme de stratégie d’approvisionnement. Ces

caractéristiques affectent donc la capacité d’un individu à acquérir de la ressource alimentaire,

et au final sa survie et son succès reproducteur.

Un modèle individu-centré spatialement explicite permettant de considérer d’une part

les mécanismes comportementaux et énergétiques au niveau individuel, et d’autre part les

stratégies de déplacement au sein d’un champ de ressource alimentaire, a été choisi. Ce

modèle permet d’évaluer les conséquences des variations d’abondance, de distribution,

d’accessibilité et de prédictibilité des ressources sur la survie et la reproduction des individus,

qui sont des indices de leur valeur sélective. Dans le cadre de l’étude présente, le modèle a été

construit pour l’otarie à fourrure antarctique Arctocephalus gazella. Chez cette espèce, les

femelles en période de reproduction s’approvisionnent à partir d’une place centrale. Un

ensemble d’études préalables (voir dans la partie Paramètres du modèle) concernant le

métabolisme énergétique, le déplacement individuel et les zones d’alimentation de ces

animaux ont fourni les données permettant de le paramétrer.

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Objectifs

Dans le cadre théorique général de l’approvisionnement optimal, cette étude vise à

déterminer l’influence des variations de la structuration spatiale des ressources alimentaires et

des stratégies de déplacement sur la valeur sélective de femelles otaries opérant à partir d’une

place centrale. La valeur sélective individuelle a été déterminée par l’analyse des taux de

survie et de croissance des jeunes. Nous avons formulé deux objectifs principaux :

• Comparaison de l’efficacité de deux stratégies de déplacement pour déterminer si

une marche aléatoire suffit à assurer le succès reproducteur ou si au contraire la prise

en compte d’indices environnementaux au cours du déplacement est nécessaire.

L’influence d’une éventuelle mémorisation des sites de pêche a également été

déterminée.

• Évaluation de l’influence de la distribution de la ressource, par la modification de

son abondance, de son agrégation et de sa prédictibilité. L’effet attendu d’une

diminution de l’abondance et de la prédictibilité de la ressource est une diminution

du succès reproducteur. L’effet d’une augmentation du niveau d’agrégation de la

ressource pourrait être une augmentation de l’efficacité des individus capables de

mémoriser l’emplacement des zones d’abondance élevée.

Enfin, la validation des sorties du modèle a été effectuée par une confrontation des

résultats issus du modèle avec des données réelles.

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Modèle

Généralités

Le modèle individu-centré spatialement explicite écrit sous R 2.4.1 (R Development

Core Team 2006) simule les déplacements et la balance énergétique d’un prédateur

s’approvisionnant à partir d’une place centrale, ainsi que la masse de sa progéniture de la

mise-bas au sevrage. Au cours de chaque pas de temps, les individus effectuent une prise de

décision (déplacement, alimentation, nourrissage…) et leur balance énergétique est affectée

en conséquence.

Un tel modèle est générique et peut facilement être adapté à toute espèce

s’approvisionnant à partir d’une place centrale ; il nécessite cependant la connaissance de

paramètres énergétiques. Il est particulièrement adapté au milieu marin où la distribution de la

ressource alimentaire est difficilement accessible et peut alors être simulée. Dans ce travail, le

modèle a été utilisé pour modéliser la balance énergétique et le succès reproducteur d’un

mammifère marin pour lequel de nombreux paramètres énergétiques sont connus.

Paramètres du modèle

Le modèle est paramétré pour l’otarie à fourrure antarctique Arctocephalus gazella, un

mammifère marin de l’océan Austral ne venant à terre sur les îles-subantarctiques que pour la

reproduction. Aux Îles Kerguelen (49°S, 70°E), les femelles rejoignent les colonies en

novembre et donnent naissance à un nouveau-né unique au cours du mois de décembre, au

début de l’été austral. L’élevage du jeune dure 4 mois, période pendant laquelle les femelles

ont un comportement d’approvisionnement à partir d’une place centrale en alternant voyages

en mer vers les sites d’alimentation, situés en bordure du plateau continental et à proximité du

front polaire, et séjours à terre pour l’allaitement (Guinet et al. 2001; Bonadonna et al. 2000).

Dans cette zone, leur alimentation est constituée essentiellement de petits poissons, en

particulier de la famille des myctophidae (Lea et al. 2002). L’ensemble des paramètres utilisés

figure dans le tableau 1.

Habitat et ressource alimentaire

L’habitat marin est modélisé par une grille bidimensionnelle de 101 × 101 cellules

carrées identiques de 10 × 10 km2. La cellule située au centre de la grille constitue la colonie

de reproduction, site terrestre de naissance et d’élevage des jeunes. La région couverte

représente donc un rayon de 500 km autour de la colonie.

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Distribution – Les données sur la distribution spatiale de la ressource alimentaire des

otaries autour des Îles Kerguelen sont restreintes (Guinet et al. 2001). En effet, la zone

d’alimentation des otaries de Kerguelen couvre plusieurs dizaines de milliers de kilomètres

carrés ; et les poissons myctophidae dont elles se nourrissent se trouvent à une profondeur

moyenne de 50 mètres, ce qui rend difficile une mesure précise de la distribution des proies à

ces échelles. En revanche, l’étude de la distribution spatiale des sites de pêche par l’analyse

des enregistrements simultanés de la position (balises Argos) et du comportement de plongée

(capteurs de pression) révèle qu’ils sont généralement situés dans un rayon de 50 à 400 km de

la colonie (Bonadonna et al. 2001). L’hypothèse est faite que cette distribution reflète, dans

une certaine mesure, celle de la ressource. Cette répartition correspond probablement à des

régions de haute productivité : front polaire et bordure du plateau continental (Guinet et al.

2001). Les otaries ne s’alimentent apparemment pas sur le plateau péri-insulaire de

Kerguelen. La distribution de la ressource dans le modèle prend en compte ces observations :

en conséquence, seules les cellules situées dans une zone d’alimentation potentielle constituée

d’un anneau centré sur la colonie sont ainsi susceptibles de contenir de la ressource. Il existe

donc une zone proche de la colonie dépourvue de ressource en deçà d’une distance minimale.

Dans le modèle, la ressource est caractérisée par trois paramètres : son abondance, son

agrégation et sa prédictibilité, dont les variations seront testées.

Abondance – L’abondance locale est caractérisée par un indice Qi compris entre 0 et

10 unités exprimant la quantité de ressources alimentaires contenue dans chaque cellule. En

absence de données sur l’abondance réelle des proies, cet indice est proportionnel à la quantité

d’énergie qu’elle représente. L’abondance totale à l’échelle du paysage global est la somme

de l’abondance locale dans chacune des cellules de la carte. Elle varie de 4 000 unités de

ressource pour un milieu pauvre à 12 000 pour un milieu riche. L’épuisement de la ressource

par les otaries n’est pas modélisé.

Agrégation – La distribution spatiale de la ressource est précisée par un niveau

d’agrégation à l’échelle locale. Dans le modèle, cette agrégation est caractérisée par un

variogramme gaussien isotrope, qui représente l’autocorrélation spatiale de la ressource à

différentes échelles. Le variogramme est une méthode géostatistique (Dale et al. 2002) utilisée

pour décrire le fait que les abondances en poisson (ou toutes autres mesures) en deux lieux

situés l’un près de l’autre doivent se ressembler davantage qu’en deux lieux plus éloignés. La

portée h du variogramme représente la distance au-delà de laquelle la corrélation entre deux

observations devient nulle ; elle fournit donc une mesure de l’agrégation de la ressource.

Différentes cartes avec une variation continue du niveau d’agrégation sont modélisées : d’une

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ressource faiblement agrégée (portée égale à 1) à une ressource fortement agrégée (portée

égale à 10). Des distributions aléatoires correspondant à une portée théorique nulle ont

également été simulées (Figure 1).

Prédictibilité – La prédictibilité de la ressource est modélisée par le changement de

l’indice d’abondance des cellules au cours du temps. À une fréquence régulière, d’autant plus

basse que la prédictibilité de la ressource est élevée, chaque cellule de la zone d’alimentation

potentielle prend l’indice d’abondance de sa voisine de gauche. Pour la gestion de ce

phénomène de « dérive » de la ressource, les bordures droite et gauche de la zone sont

considérées comme étant directement en contact. Des vitesses de dérive de 0 à 4 cellules par

jour (soit 0 à 40 km.j-1) choisies dans la gamme des vitesses du Courant Circumpolaire

Antarctique autour de Kerguelen (Park et al. 1991) ont été utilisées dans les simulations.

Déroulement des simulations

Début et fin - Initialement, les femelles viennent de donner naissance à un jeune de

masse Minit chacune. Elles sont alors situées sur la colonie de reproduction, avec des réserves

énergétiques initiales Einit. La simulation prend fin après l’écoulement des 120 jours de la

période d’élevage, décomposés en pas de temps élémentaires de 2 heures.

Choix possibles – À chaque pas de temps, les femelles effectuent une des actions

suivantes : à terre (i) quitter la colonie ou (ii) allaiter leur petit ; en mer (iii) s’approcher de la

Figure 1. Quatre cartes de

distribution de la ressource

alimentaire simulées avec

des niveaux d’agrégation

différents. La portée est

notée h. Distributions (A)

aléatoire (h = 0), (B)

faiblement agrégée (h = 2),

(C) moyennement agrégée

(h = 5) et (D) fortement

agrégée (h = 10). L’étoile

signale l’emplacement de la

colonie. **

**

A B

C D

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colonie, (iv) se déplacer à la recherche d’un site d’alimentation ou (v) plonger pour

s’alimenter (Figure 2). Une otarie à terre quitte la colonie lorsque ses réserves énergétiques

descendent sous leur niveau initial (soit initEE ≤ ) ou lorsque son jeune est mort. Dans le cas

contraire elle allaite son jeune. Une otarie en mer décide de retourner à la colonie si ses

réserves énergétiques sont entièrement remplies (soit maxEE = ) ou si la durée de son voyage

en mer dépasse un certain seuil et que ses réserves énergétiques lui permettent d’effectuer le

voyage retour sans entamer ses réserves vitales. Dans le cas contraire l’otarie effectue sur

place des plongées alimentaires avec une probabilité Pp ou se déplace à la recherche d’un

nouveau site d’alimentation avec une probabilitéqr PP −= 1 . La probabilité de plonger pour se

nourrir augmente avec l’abondance locale en poisson selon :

)(2

)(2

1 SQ

SQ

p i

i

e

eP −

+=

où Qi est l’abondance locale en poisson et S l’abondance pour laquelle cette probabilité vaut

0,5, choisie égale à l’abondance moyenne de l’environnement (figure 3A).

Bilan énergétique – À chaque pas de temps, la dépense énergétique des femelles est

calculée en fonction de leur activité : déplacement ou plongées en mer, présence ou

allaitement à terre. Le bilan énergétique d’une otarie se déplaçant en mer est le suivant :

)1(1 mertt PEE −= −

où le niveau énergétique Et d’une otarie au temps t est exprimé en fonction de son niveau

d’énergie Et-1 au temps précédent et de la puissance spécifique Pmer consommée en mer par

Allaitement du jeune

Réserves suffisantes ?

Départ en mer

Approche de l’île

Se déplace

Présence sur l’île ?

Recherche un nouveau site d’alimentation ?

Effectue le voyage retour ?

Plonge et se nourrit

Fin du pas de temps

Début du pas de temps

oui oui

oui

oui

Fin de la simulation

Bilan énergétique

Période d’élevage terminée ?

Début de la simulation

oui

Allaitement du jeune

Réserves suffisantes ?

Départ en mer

Approche de l’île

Se déplace

Présence sur l’île ?

Recherche un nouveau site d’alimentation ?

Effectue le voyage retour ?

Plonge et se nourrit

Fin du pas de temps

Début du pas de temps

oui oui

oui

oui

Fin de la simulation

Bilan énergétique

Période d’élevage terminée ?

Début de la simulation

oui

Figure 2. Diagramme de flux du modèle indiquant le déroulement de la simulation et le détail

des décisions prises au cours d’un pas de temps.

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pas de temps. Le gain énergétique des femelles s’alimentant est directement proportionnel à

l’abondance locale en ressource alimentaire Qi. Le bilan énergétique devient :

igainmertt QCPEE ×+−= − )1(1

Un terme de gain énergétique est alors ajouté, correspondant au produit de l’abondance locale

en ressource Qi, indice de quantité et de la valeur énergétique des proies, par un coefficient de

gain Cgain qui incorpore le taux net d’assimilation des proies. Pour une otarie allaitant son

jeune à terre, le bilan énergétique s’écrit :

laitterrett EPEE −−= − )1(1

Dans cette équation, la puissance spécifique Pterre consommée à terre et la quantité maximale

d’énergie Elait transformable en lait par pas de temps sont prises en compte. En phase de

jeûne, la perte de masse spécifique des jeunes otaries est constante (Beauplet et al. 2003). La

perte de masse des jeunes à chaque pas de temps représente donc une proportion constante de

leur masse qui correspond à leur métabolisme de maintien. Le bilan en terme de masse

s’écrit :

)1(1 jeunett DMM −= −

où la masse Mt d’un jeune au temps t est exprimée en fonction de sa masse Mt-1 au temps

précédent et de la perte de masse spécifique Djeune par pas de temps à terre. Au cours de

l’allaitement, l’énergie maternelle est transformée en lait avec un rendement Clait et convertie

en masse par le jeune avec un coefficient d’assimilation Ca. Le bilan devient donc :

laitalaitjeunett CCEDMM ××+−= − )1(1

0 1 2 3 4 5 6

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

Abondance locale

Pro

babi

lité

de s

e no

urrir

A

-4 -2 0 2 4

0

45

90

135

180

Variation d'abondance locale

Cha

ngem

ent a

ngul

aire

moy

en

B

0 1 2 3 4 5 6

0

45

90

Abondance locale

Eca

rt-t

ype

du c

hang

emen

t ang

ulai

re

C

Figure 3. Fonctions utilisées dans le modèle. (A) Probabilité pour une femelle de plonger

pour se nourrir en fonction de l’abondance locale en ressource. (B) Changement angulaire

moyen en fonction de la variation d’abondance entre deux pas de temps successifs. (C)

écart-type du changement angulaire en fonction de l’abondance locale en ressource. Pour

(A) et (C), l’abondance moyenne de l’environnement est égale à 3 unités de ressource par

cellule.

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Dans le modèle, la mortalité est liée uniquement à l’épuisement total des réserves

énergétiques : à la fin de chaque pas de temps, la survie des femelles et des jeunes est vérifiée

par comparaison respective de leurs réserves énergétiques et de leur masse avec les seuils

minimums. Les individus passant sous ce seuil sont considérés comme morts. Les paramètres

énergétiques utilisés dans le modèle proviennent d’études métaboliques réalisées sur le terrain

par des techniques de respirométrie ou l’utilisation d’eau doublement marquée (tableau 1).

Modes de déplacement

À chaque pas de temps, le déplacement des individus est défini par la distance

parcourue ainsi que par le changement de direction du mouvement par rapport à la direction

du mouvement précédent, caractérisé par un angle entre 0° et 360° (Turchin 1998). Ici, on

s’intéresse seulement à la variation du changement angulaire. La distance parcourue par unité

de temps est constante et correspond à une vitesse moyenne de 1,4 m.s-1 dans les différents

modes de déplacement considérés. Cette valeur correspond à la vitesse de nage moyenne au

cours des phases de déplacement d’un trajet alimentaire, mesurée sur des otaries équipées

d’enregistreurs de vitesse (Bonadonna et al. 2000).

Marche à direction aléatoire – Ce mode de déplacement implique que la direction de

chaque mouvement élémentaire est indépendante de la direction du précédent (Turchin 1998).

Ainsi, à chaque déplacement, le changement de direction du mouvement est tiré aléatoirement

d’une loi uniforme entre 0° et 360°.

Marche aléatoire corrélée – Ce mode de déplacement prend en compte la capacité des

individus à adapter leur comportement en fonction de leur environnement, et en particulier de

l’abondance en ressource (Turchin 1998). À chaque déplacement, le changement de direction

du mouvement est tiré aléatoirement d’une loi normale circulaire dont l’espérance ϕm et

l’écart-type ϕσ dépendent de l’abondance locale en ressource alimentaire. La moyenne ϕm du

changement angulaire est définie par la fonction suivante :

90))1(10arctan( ++×−= Qm δϕ

qui tend asymptotiquement vers 0° lorsque la différence d’abondance δQ entre deux positions

successives est positive (mouvement rectiligne), et vers 180° lorsqu’elle est fortement

négative (demi-tour) (figure 3B). Elle permet de simuler l’aptitude des individus à se diriger

localement vers les maximums en ressource. L’écart-type ϕσ du changement angulaire est

défini par la fonction suivante :

2

90)arctan( +−=

SQiσϕ

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12

qui tend asymptotiquement vers 0° lorsque l’abondance locale en ressource Qi est très

inférieure à l’abondance moyenne de l’environnement S et vers 90° quand elle lui est très

supérieure (figure 3C). Elle modélise donc l’augmentation de la sinuosité des trajectoires

observée lorsque la ressource est abondante.

Éloignement de la colonie – Les prédateurs opérant à partir d’une place centrale

réussissent généralement à revenir à la colonie au cours de la saison de reproduction. Afin de

prendre en compte cette tendance à ne pas s’en éloigner excessivement, et le fait qu’un

individu s’approvisionnant à un site trop éloigné a un bilan énergétique nul à son retour, une

modification des règles de mouvement au-delà d’une distance limite dl est introduite. Elle

consiste à intégrer à la direction de tout individu situé au-delà de cette limite une composante

dirigée vers la colonie. Cette tendance est définie par la fonction suivante :

)( 1−−+= tcoltt ϕϕαϕϕ

où la direction ϕt de l’individu au temps t est corrigée par une fraction α de la différence entre

la direction de l’individu ϕt-1 au temps précédent et celle de la colonie ϕcol. Cette fraction est

nulle lorsque la distance de l’animal à la colonie est inférieure à la distance limite dl puis croît

linéairement jusqu’à 1 lorsque la distance atteint une distance maximale dmax. Cette correction

se justifie compte tenu des observations

Mémorisation

L’analyse des trajets en mer successifs d’une même otarie montre qu’il existe une

fidélité importante dans la fréquentation des zones de nourrissage (Bonadonna et al. 2001).

Ces résultats laissent supposer l’existence d’une mémorisation individuelle des sites de pêche

profitables. Une possibilité de mémoriser le meilleur site de pêche rencontré a donc été

introduite dans le modèle. Pour ces stratégies comportementales, un voyage de 20 jours

préalable à la saison de reproduction est simulé, au cours duquel la balance énergétique des

individus n’est pas activée. Les femelles mémorisent alors la position de la cellule rencontrée

possédant l’abondance en ressource la plus élevée. Ce site mémorisé peut changer au cours de

la simulation si une cellule d’abondance supérieure est traversée. Après retour à la colonie, la

direction de départ en mer prise par une otarie est tirée aléatoirement d’une loi normale ayant

pour espérance la direction du site favorable retenu et pour écart-type 15°. Le déplacement est

alors rectiligne jusqu’au premier événement de pêche ou jusqu’à ce que le site mémorisé soit

atteint.

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13

Tableau 1. Paramètres du modèle.

Paramètre Valeur Unité Source Jeune Masse à la naissance Minit 6 kg (Costa and Trillmich 1988) Perte de masse quotidienne 3 % (Guinet et al. 2000) Masse minimale 4 kg Femelle Masse initiale 35 kg (Costa and Trillmich 1988) Contenu énergétique 10 MJ.kg-1 (Arnould et al. 1996b) Taux métabolique à terre 3 W.kg-1 (Arnould et al. 1996c) Taux métabolique en mer 6 W.kg-1 (Arnould et al. 1996c) Énergie minimale 70 % Énergie maximale 130 % Allaitement Énergie transférée 2 MJ.h-1 (Arnould et al. 1996a) Rendement de conversion Clait 80 % (Boyd 1999) Coefficient d’assimilation Ca 0,128 kg.J-1 (Boyd 1999) Voyages en mer Durée maximale 10 j (Bonadonna et al. 2000) Distance limite dl 300 km (Bonadonna et al. 2000) Vitesse de nage 1,4 m.s-1 (Bonadonna et al. 2000) Écart-type de la direction de départ 15 ° (Bonadonna et al. 2001) Coefficient de gain Cgain 1 MJ.u-1 Simulation Durée 120 j Pas de temps 2 h

Sorties du modèle

À l’issue d’une simulation couvrant la saison de reproduction, les taux de survie des

femelles et des jeunes au cours de l’élevage, le taux de croissance des jeunes ainsi que la

durée et la distance des voyages en mer sont obtenus. Le taux de survie des femelles est égal

au rapport du nombre de femelles vivantes à la fin de la simulation sur le nombre initial de

femelles. Le taux de survie des jeunes est égal au nombre de jeunes vivants à la fin de la

simulation sur le nombre initial de jeunes, il constitue le succès reproducteur des femelles. Le

taux de croissance des jeunes donne une indication de leur probabilité de survie après le

sevrage (Beauplet et al. 2005). Ces deux valeurs permettent donc d’évaluer la valeur sélective

d’une femelle donnée, c’est-à-dire sa capacité à élever un jeune capable de survivre et

potentiellement de se reproduire ultérieurement.

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14

Simulations effectuées

Chaque résultat est la moyenne de 100 simulations de 100 couples femelle-jeune

effectuées pour des valeurs identiques de paramètres. Pour chaque carte, quatre modes de

déplacement ont été testés : marche à direction aléatoire et marche aléatoire corrélée, avec et

sans mémorisation du meilleur site de pêche rencontré. Le tableau 2 présente le détail des

paramètres des différents scénarios.

Les effets de l’abondance et de l’agrégation de la ressource ont été testés

simultanément dans le scénario ABAG : d’une part l’abondance totale du milieu a varié de

4 000 (milieu pauvre) à 12 000 (milieu riche) unités de ressource (par pas de 1 000), et d’autre

part la portée de l’agrégation de la ressource a varié de 0 (milieu aléatoire) à 10 (milieu très

agrégé). L’effet de l’éloignement de la ressource a été testé dans le scénario DIST en faisant

varier la distance minimale de la ressource de 5 (proche) à 15 (éloigné) cellules. Enfin,

l’influence de la prédictibilité des ressources a été évaluée dans le scénario PRED où la

fréquence des changements locaux d’abondance variait de 0 à 4 par jour.

Tableau 2. Modalités des différents scénarios testés.

Scénario Abondance Agrégation Distance minimale Prédictibilité (× 1 000 unités) (portée) (cellules) (changements.j-1)

ABAG 4 à 12 0 à 10 5 0 DIST 4-8-12 0 à 10 5-10-15 0 PRED 4-8-12 0 à 10 5 0-1-2-3-4

Analyses de sensibilité

Les analyses de sensibilité du modèle à des paramètres sur la valeur desquels existe

une incertitude ou une marge d’erreur, et concernant en particulier le métabolisme

énergétique, ont été effectuées pour le mode de déplacement le plus efficace et dans des

conditions d’abondance totale et d’agrégation de la ressource moyennes. L’effet d’une

augmentation et d’une diminution de 15 % de la valeur des paramètres sur la survie des jeunes

et sur la survie des femelles a été observé.

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15

Résultats

Balance énergétique et variation de masse

Une simulation typique de la balance énergétique d’une otarie femelle et l’évolution

de la masse de son jeune au cours des 120 jours de la saison d’élevage sont représentées sur la

Figure 4. Le niveau énergétique de la femelle (Figure 4A) est caractérisé par des cycles dont

les éléments correspondent aux différentes phases d’activité de l’animal (Figure 4C). Après le

départ de l’île, la diminution lente des réserves énergétiques correspond aux dépenses liées au

trajet aller vers le site d’alimentation. L’augmentation qui suit signale la reconstitution des

réserves corporelles lorsque la femelle s’alimente en mer ; sa pente est une indication de

l’abondance en ressource au site choisi. Elle est suivie d’une lente diminution des réserves

correspondant aux dépenses effectuées lors du trajet retour vers la colonie. Enfin, le cycle se

Figure 4. Évolution de (A) la balance énergétique d’une femelle et de (B) la masse de son

jeune au cours des 120 jours de la période d’élevage. Les droites horizontales continues

indiquent les valeurs initiales d’énergie et de masse, les droites interrompues représentent

les seuils minimums (énergie et masse) et maximum (énergie). (C) Détail des différentes

phases au cours d’un voyage en mer : a-voyage aller vers le site d’alimentation, b-pêche,

c-voyage retour vers la colonie, d-allaitement.

250

300

350

400

450

Ene

rgie

de

la fe

mel

le (M

J) A

0 20 40 60 80 100 120

4

6

8

10

Nombre de jours

Mas

se d

u je

une

(kg)

B

C

a b c d

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16

termine par le transfert rapide des réserves énergétiques de la femelle vers son jeune au cours

de l’allaitement. L’évolution de la masse du jeune est constituée d’une alternance

d’augmentations et de diminutions (Figure 4B). Elle décroît de manière continue lors du

voyage en mer de la femelle et augmente de manière rapide lors de l’allaitement (Figure 4C).

La tendance asymptotique de la croissance du jeune s’explique par l’augmentation du coût

absolu de maintien avec la masse, alors que les apports maternels au cours du temps restent

relativement constants.

Trajets simulés

L’observation des trajets simulés permet de déterminer des différences qualitatives

entre les différentes stratégies de déplacement (Figure 5). La principale caractéristique des

trajets effectués en marche aléatoire est la présence de nombreux changements directionnels

et la quasi-absence de segments linéaires, à l’exception des voyages de retour vers la colonie

(Figure 5A). En marche aléatoire corrélée, les trajets se composent de phases de mouvement

directionnel, correspondant aux voyages au départ et à l’arrivée de la colonie, et de phases où

les changements directionnels sont plus fréquents et probablement reliés à la fréquentation des

sites de pêche (Figure 5B). Enfin, l’effet de la mémorisation du meilleur site de pêche

rencontré s’accompagne d’une fidélité directionnelle des trajets successifs d’un individu

(Figure 5C).

A B C

Figure 5. Exemples de trajets typiques simulés sous trois stratégies de déplacement : (A)

marche aléatoire, (B) marche aléatoire corrélée et (C) marche aléatoire corrélée avec

mémorisation. Le cercle représente la position de la colonie.

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Survie des femelles

L’agrégation et l’abondance de la distribution spatiale de la ressource, ainsi que le

mode de déplacement, ont un effet marqué sur le taux de survie des femelles (scénario

ABAG, Figure 6). En marche aléatoire, le taux de survie des femelles est nul pour toutes les

valeurs d’abondance et d’agrégation de la ressource. En marche aléatoire avec mémoire, il

décroît rapidement avec l’augmentation de l’agrégation pour les différents niveaux

d’abondance (Figure 6A, B, C, lignes continues). Pour un même niveau d’agrégation, la

survie des femelles augmente lentement avec l’augmentation de l’abondance. En marche

aléatoire corrélée, le taux de survie des femelles décroît lentement avec l’augmentation de

l’agrégation au-delà d’un seuil (Figure 6A, B, C, lignes interrompues). Pour un même niveau

d’agrégation, il décroît lorsque l’abondance diminue, d’autant plus rapidement que

l’agrégation est élevée. La marche aléatoire corrélée avec mémoire produit un résultat

similaire quoique la valeur du taux de survie des femelles soit toujours supérieure (Figure 6A,

B, C, pointillés).

Survie des jeunes

L’agrégation spatiale et l’abondance totale de la ressource alimentaire, ainsi que le

mode de déplacement, ont un effet marqué sur le taux de survie des jeunes (scénario ABAG,

Figure 7). En marche aléatoire, le taux de survie des jeunes est nul pour toutes les valeurs

d’abondance et d’agrégation de la ressource. En marche aléatoire avec mémoire, il décroît

rapidement avec l’augmentation de l’agrégation (Figure 7A, B, C, lignes continues). Pour un

Figure 6. Taux de survie des femelles en fonction de l’agrégation spatiale de la ressource et

du mode de déplacement, pour différentes valeurs d’abondance totale de la ressource : (A)

Abondance basse (4 000 unités de ressource) (B) Abondance moyenne (8 000 unités de

ressource) (C) Abondance élevée (12 000 unités de ressource).

0 2 4 6 8 10

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

Agrégation

Sur

vie

des

fem

elle

s

A

0 2 4 6 8 10

Agrégation

B

aléatoire corréléeavec mémoirealéatoire corréléealéatoire avec mémoire

0 2 4 6 8 10

Agrégation

C

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18

même niveau d’agrégation, la survie juvénile augmente lentement avec l’augmentation de

l’abondance. En marche aléatoire corrélée, le taux de survie des jeunes est maximal pour un

faible niveau d’agrégation, correspondant à une portée égale à 2 cellules (Figure 7A, B, C,

lignes interrompues). Il augmente avec l’augmentation de l’abondance. La marche aléatoire

corrélée avec mémoire produit un résultat similaire (Figure 7A, B, C, pointillés) quoique le

maximum de survie juvénile intervienne pour un niveau d’agrégation inférieur, correspondant

à une portée d’une seule cellule.

Taux de croissance juvénile

L’agrégation spatiale de la ressource, ainsi que le mode de déplacement, ont un effet

marqué sur le taux de croissance des jeunes (scénario ABAG, Figure 8). En marche aléatoire

Figure 7. Taux de survie des jeunes en fonction de l’agrégation spatiale de la ressource et

du mode de déplacement, pour différentes valeurs d’abondance totale de la ressource : (A)

Abondance basse (4 000 unités de ressource) (B) Abondance moyenne (8 000 unités de

ressource) (C) Abondance élevée (12 000 unités de ressource).

Figure 8. Taux de croissance (g.j-1) des jeunes en fonction de l’agrégation spatiale de la

ressource et du mode de déplacement, pour différentes valeurs d’abondance totale de la

ressource : (A) Abondance basse (4 000 unités de ressource) (B) Abondance moyenne

(8 000 unités de ressource) (C) Abondance élevée (12 000 unités de ressource).

0 2 4 6 8 10

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

Agrégation

Sur

vie

juvé

nile

A

0 2 4 6 8 10

Agrégation

B

0 2 4 6 8 10

Agrégation

C

aléatoire corréléeavec mémoirealéatoire corréléealéatoire avec mémoire

0 2 4 6 8 10

0

20

40

60

Agrégation

Tau

x de

cro

issa

nce

(g/jo

ur)

A

0 2 4 6 8 10

Agrégation

B

aléatoire corréléeavec mémoirealéatoire corréléealéatoire avec mémoire

0 2 4 6 8 10

Agrégation

C

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19

avec mémoire, le taux de croissance juvénile est d’environ 40g.j-1 pour une distribution

aléatoire d’une ressource moyennement abondante. Il décroît rapidement avec l’augmentation

de l’agrégation et devient négatif quand la portée dépasse 2 cellules (Figure 8B, ligne

continue). En marche aléatoire corrélée, le taux de croissance des jeunes est maximal à

40 g.j-1 pour une faible agrégation et une abondance moyenne. Il diminue lorsque l’agrégation

augmente et devient négatif quand la portée dépasse 5 (Figure 8B, ligne interrompue). En

marche aléatoire corrélée avec mémoire, le taux de croissance des jeunes est maximal à

50 g.j-1 pour une très faible agrégation et une abondance moyenne. Il diminue lorsque

l’agrégation augmente mais conserve des valeurs positives (Figure 8, pointillés). Comme

attendu, pour les trois modes de déplacement, le taux de croissance juvénile est diminué

lorsque l’abondance totale de la ressource est élevée et augmenté lorsqu’elle est faible (Figure

8A et C).

Durée et distance totale des trajets en mer

L’agrégation spatiale et l’abondance totale de la ressource ont un effet marqué sur la

durée moyenne des trajets en mer, ainsi que sur la distance totale moyenne parcourue par les

femelles lors de l’approvisionnement à partir de la colonie. La durée et la longueur des

parcours augmentent avec le niveau d’agrégation mais diminuent lorsque l’abondance est

augmentée. Pour une abondance et une agrégation de la ressource fixées, la marche aléatoire

corrélée se traduit par des trajets plus courts et plus brefs que la marche aléatoire.

Effet de la distance

L’éloignement de la ressource par rapport à la colonie (scénario DIST), simulé par

l’augmentation du rayon de la zone centrale sans ressource, a un impact négatif sur le taux de

survie des jeunes (Figure 9A). Cette tendance est vérifiée pour toutes les stratégies de

déplacement, ainsi que pour toutes les valeurs d’abondance et d’agrégation de la ressource

testées. Par ailleurs, le taux de survie des femelles et le taux de croissance juvénile suivent

également la même tendance. À l’inverse, la durée et la longueur des trajets en mer

s’allongent de manière sensible avec l’augmentation de l’éloignement de la ressource

(données non montrées).

Effet de la prédictibilité

La diminution de la prédictibilité de la ressource (scénario PRED), simulée par

l’augmentation de la fréquence des modifications de l’abondance locale, a un impact négatif

sur le taux de survie des jeunes (Figure 9B). Cette tendance est vérifiée pour toutes les

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stratégies de déplacement, ainsi que pour toutes les valeurs d’abondance et d’agrégation de la

ressource testées. Par ailleurs, le taux de survie des femelles et le taux de croissance juvénile

suivent également la même tendance. Inversement, la durée et la longueur des trajets en mer

s’allongent légèrement avec la hausse du nombre de variations quotidiennes de l’abondance

locale de la ressource (données non montrées).

6 0 8 0 1 0 0 1 2 0 1 4 0

0 .0

0 .2

0 .4

0 .6

0 .8

1 .0

D is ta nc e (k m )

Sur

vie

juvé

nile

A

0 1 2 3 4

0 .0

0 .2

0 .4

0 .6

0 .8

1 .0

N o m b re d e va ria tio ns q uo tid ie nne s

Sur

vie

juvé

nile

B

a lé a to i re c o rré lé ea ve c m é m o i rea lé a to i re c o rré lé ea lé a to i re a ve c m é m o i re

Figure 9. Taux de survie des jeunes en fonction (A) du rayon de la zone sans ressources

autour de la colonie, et (B) du nombre de variations quotidiennes de l’abondance locale de la

ressource alimentaire (Abondance : 8 000 unités de ressource, Agrégation : 1)

Analyses de sensibilité du modèle

Les effets de la variation de différents paramètres énergétiques et comportementaux

sur la survie des femelles et celle des jeunes sont présentés dans le Tableau 3. Par souci de

simplicité d’interprétation, en raison du nombre de stratégies de déplacement et de l’étendue

de la gamme des valeurs d’abondance totale et d’agrégation spatiale de la ressource, ces tests

n’ont été réalisés que pour un scénario déterminé. La marche aléatoire corrélée avec mémoire,

qui constitue le mode de déplacement permettant généralement les meilleures performances

de croissance a été choisie. Pour la ressource, une abondance totale moyenne et un niveau

d’agrégation moyen ont été utilisés. Quand tous les autres paramètres sont conservés

constants, l’augmentation du métabolisme de maintien des jeunes, donc du pourcentage

quotidien de masse perdue, a un effet négatif sur leur survie mais pas d’effet sur celle des

femelles. L’augmentation du taux métabolique des femelles en mer a un effet négatif sur la

survie des femelles et des jeunes, mais l’augmentation du métabolisme des femelles à terre

ainsi que l’augmentation de la durée au-delà de laquelle elles retournent à terre n’affectent

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que la survie juvénile. Enfin, l’augmentation de la vitesse de nage des femelles, sans autre

modification de paramètres, a un effet positif sur les taux de survie des jeunes et des femelles.

Tableau 3. Analyse de sensibilité du modèle à la variation de différents paramètres.

Résultats présentés sous la forme de différences de survie moyenne entre le modèle par

défaut et le même modèle pour lequel la valeur d’un unique paramètre est modifiée.

Paramètre Variation du paramètre (%)

Variation de la survie des femelles (%)

Variation de la survie des jeunes (%)

Jeune Perte de masse quotidienne + 15 0 − 13 − 15 0 + 6 Femelle Taux métabolique en mer + 15 − 10 − 10 − 15 + 1 + 3 Taux métabolique à terre + 15 0 − 5 − 15 0 + 5 Voyages en mer Durée maximale + 15 0 − 6 − 15 0 + 6 Vitesse de nage + 15 + 2 + 7 − 15 − 8 − 9

Confrontation aux données réelles

L’existence d’études portant sur la survie et la croissance des jeunes ainsi que sur la

durée et la distance des voyages en mer des femelles permet de comparer les différentes

sorties du modèle (scénario ABAG) : les survies des jeunes et des femelles, le taux de

croissance des jeunes, la durée et la longueur des trajets en mer et la durée des séjours à terre,

à des données mesurées sur le terrain (Tableau 4). Il existe des valeurs d’abondance et

d’agrégation pour lesquelles les sorties du modèle coïncident avec la gamme des données

observées, pour chacun des modes de déplacement à l’exception de la marche aléatoire sans

mémoire. Les paramètres d’abondance et d’agrégation qui permettent aux données simulées

de correspondre aux données observées peuvent être représentés graphiquement (Figure 10).

Cette représentation indique que l’ensemble des sorties du modèle tombe dans la gamme des

données observées lorsque les paramètres sont choisis de façon à ce que le point de

coordonnées (agrégation, abondance) soit à l’intérieur de la région délimitée propre à chaque

mode de déplacement.

La marche aléatoire ne recoupe les données réelles que pour une distribution aléatoire

de la ressource (agrégation nulle) et une abondance moyenne à élevée. En marche aléatoire

corrélée, le recouvrement obtenu est plus important et couvre des niveaux d’agrégation plus

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élevés ainsi que des niveaux d’abondance plus faibles. La marche aléatoire corrélée avec

mémoire élargit peu les valeurs d’abondance et d’agrégation pour lesquelles les données

simulées coïncident avec les données réelles.

Tableau 4. Données empiriques.

Paramètre Valeur Source Survie adulte > 98 % (Beauplet et al. 2005) Survie juvénile 50-90 % (Reid and Forcada 2005) Taux de croissance 40-90 g.j-1 (McCafferty et al. 1998) Durée d’un voyage en mer 5-10 j (Bonadonna et al. 2000) Distance parcourue en mer 100-700 km (Bonadonna et al. 2000) Durée d’un séjour à terre 1-3 j (Boyd 1999)

0 2 4 6 8 10

4000

6000

8000

10000

12000

Agrégation

Abo

ndan

ce

Figure 10. Valeurs des paramètres d’abondance totale et d’agrégation spatiale de

la ressource pour lesquelles les sorties du modèle correspondent aux gammes de

données observées (voir texte pour détails).

aléatoire avec mémoire

aléatoire corrélée

aléatoire corrélée avec mémoire

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Discussion

Les variations de la masse des jeunes otaries ainsi que leur taux de survie et celui des

femelles, la durée et la longueur des trajets d’alimentation en mer sont des propriétés

émergentes issues des processus comportementaux, énergétiques et physiologiques simulés

dans le modèle. L’abondance et la distribution de la ressource ainsi que la stratégie de

déplacement ont un effet majeur sur la capacité des femelles à élever leur jeune jusqu’au

sevrage. À l’exception d’une étude modélisant le bilan énergétique d’élans se nourrissant

dans un environnement défini explicitement (Moen et al. 1997), peu de modèles semblent

avoir intégré simultanément les variations d’abondance de la ressource, les stratégies de

recherche et leurs conséquences au niveau énergétique.

Effet des différents modes de déplacement

Cette étude permet de mettre en évidence des différences au niveau de l’acquisition de

la ressource alimentaire selon le mode de déplacement retenu.

Marche aléatoire – La marche aléatoire ne permet en aucun cas la survie des femelles.

Un tel mode de déplacement stochastique, assimilé à un mouvement brownien1 ou à de la

diffusion simple (Turchin 1998), ne prend en compte ni mémoire à long terme ni influence

immédiate de l’environnement sur le comportement. À ce titre, il s’agit d’un modèle trop

simple pour être biologiquement intéressant. Dans une marche aléatoire, la distance moyenne

parcourue depuis la place centrale augmente de manière proportionnelle à la racine carrée du

temps. En l’absence de ressources à proximité immédiate de la colonie, comme c’est le cas

dans les simulations réalisées, il apparaît que ce mode de déplacement ne permet pas aux

femelles d’accéder aux sites de pêche avant d’avoir épuisé la totalité de leurs réserves

énergétiques. Une solution consiste à imaginer un déplacement linéaire jusqu’au site de

pêche, puis une marche aléatoire à partir de celui-ci : c’est l’objet de la marche aléatoire avec

mémoire.

Marche aléatoire avec mémoire – Ce mode de déplacement permet de différencier

deux phases au cours du voyage d’approvisionnement : une première phase de mouvement

linéaire pendant laquelle l’otarie se déplace en direction d’un site de pêche précédemment

visité, suivie d’une phase de prospection suivant les règles d’une marche aléatoire. Le seul

type d’environnement dans lequel des otaries réussissent à survivre et à élever leur jeune est

1 Le mouvement brownien est le mouvement aléatoire d’une grosse particule en suspension

dans un fluide.

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celui où la ressource est distribuée de façon aléatoire (agrégation nulle). Dès que le niveau

d’agrégation de la ressource augmente, même de façon minime, la mortalité des femelles et

des jeunes augmente de façon dramatique. En effet, dans un environnement structuré de

façon aléatoire, la ressource est répartie de façon globalement homogène et la probabilité pour

un prédateur se déplaçant aléatoirement d’en trouver est élevée. En revanche, dans un

environnement spatialement agrégé, il existe des régions dépourvues de ressource dans

lesquelles un tel prédateur risque de prospecter sans aucun succès.

Marche aléatoire corrélée – La marche aléatoire corrélée utilisée dans les simulations

implique l’existence d’une mémoire à court terme. Le prédateur est alors capable d’utiliser

des indices environnementaux (ici, la variation de l’abondance locale en proies entre les deux

derniers pas de temps, et la valeur absolue de l’abondance locale actuelle) pour adapter son

déplacement aux variations de ressources rencontrées, et donc à sa réussite de chasse. Il peut

ainsi conserver une direction si l’abondance en ressource augmente, faire demi-tour si elle

diminue, et augmenter la sinuosité de sa trajectoire si l’abondance locale en proies est élevée.

Avec un tel mode de déplacement, le taux de survie des femelles et des jeunes est élevé pour

une large gamme de niveau d’agrégation des ressources. Cependant, on observe que la gamme

des valeurs maximales de survie correspond à une ressource faiblement agrégée, une

augmentation de l’agrégation s’accompagnant d’une mortalité adulte et juvénile en hausse.

Marche aléatoire corrélée avec mémoire – La marche aléatoire corrélée avec mémoire

est basée sur l’existence de deux niveaux de mémoire : une mémoire à long terme permettant

aux otaries de retrouver la région d’un site de pêche connu, et une mémoire à court terme leur

permettant d’adapter leur mouvement à l’échelle locale en fonction de l’abondance en

ressource. Avec ce mode de déplacement, le taux de survie des femelles et celui des jeunes

varient de manière similaire à la marche aléatoire corrélée sans mémoire. Il apparaît donc que

dans un milieu isotrope où la ressource, même agrégée, est distribuée de manière identique

dans toutes les directions autour de la colonie, la mémoire n’apporte qu’un léger bénéfice en

terme de survie. En revanche, dans un milieu anisotrope1, les otaries possédant une mémoire

seraient certainement favorisées en prenant préférentiellement au départ de la colonie la

direction des sites de pêche. Par ailleurs, l’évidence d’une fidélité individuelle et collective à

des régions de pêche préférées (Bonadonna et al. 2001) laisse supposer l’existence de cette

mémorisation.

1 Un milieu anisotrope est un milieu dont les propriétés varient selon les directions.

Page 27: Influence de la distribution des ressources sur la …...Chez cette espèce, les femelles en période de reproduction s’approvisionnent à partir d’une place centrale. Un ensemble

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Trajectoires – L’aspect des trajets en mer des otaries est variable selon le mode de

déplacement. La marche aléatoire induit des trajectoires erratiques qui ne ressemblent pas aux

parcours d’otaries équipées de balises Argos (Bonadonna et al. 2000). En revanche, la marche

aléatoire corrélée se traduit par des trajectoires où des phases linéaires, correspondant

probablement aux déplacements entre la colonie et les sites de pêche, ainsi qu’à ceux entre

différents sites de pêche, alternent avec des portions de sinuosité élevée correspondant

probablement à la fréquentation des sites de pêche. Ce type de trajets est assez semblable aux

parcours observés de prédateurs qui adaptent leur mouvement à l’abondance locale en

ressource alimentaire (Fauchald and Tveraa 2003). Il semble donc vraisemblable que les

otaries adaptent leur déplacement sur la base d’indices de l’abondance locale en ressource

alimentaire.

Effet de l’abondance locale de la ressource

Effet de l’abondance globale – Conformément aux prédictions formulées, il apparaît

que l’augmentation de l’abondance en ressource s’accompagne d’un meilleur succès

reproducteur. En marche aléatoire, le succès reproducteur n’est élevé que pour une abondance

forte, alors qu’en marche aléatoire corrélée les otaries peuvent se contenter d’une abondance

moyenne. Ce résultat n’est pas inattendu, mais il montre qu’avec un mode de déplacement

simple prenant en compte des indices environnementaux, les femelles peuvent maintenir une

survie élevée pour une gamme d’abondance relativement importante. En revanche, le succès

reproducteur est beaucoup plus sensible aux variations de richesse du milieu. La diminution

de l’abondance entraîne également un allongement de la distance et de la durée des trajets en

mer des femelles, ce qui concorde avec des voyages de plus longue durée observés en Géorgie

du Sud lors d’une année où l’abondance en proies était faible (Boyd et al. 1994).

Effet de l’agrégation spatiale – L’effet de l’agrégation de la ressource sur le succès

reproducteur des femelles est très différent selon le mode de déplacement. Le résultat obtenu

en marche aléatoire est attendu : seule une distribution aléatoire des ressources (agrégation

nulle) est compatible avec la survie du jeune. En marche aléatoire corrélée avec ou sans

mémoire, la stratégie d’approvisionnement des otaries leur confère une survie maximale pour

un faible niveau d’agrégation. Cette observation n’était pas évidente à prévoir puisqu’on

pouvait s’attendre à ce qu’une agrégation élevée de la ressource favorise les otaries adaptant

leur déplacement à l’abondance de la ressource, et que ce phénomène soit accentué chez les

individus capables de mémoriser un site de pêche. En augmentant le niveau d’agrégation, on

élève localement la densité en proies mais on étend également la surface des zones

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dépourvues de ressource. Un prédateur évoluant dans le milieu peut alors parcourir de longues

distances sans rencontrer de ressource. D’autres modèles d’approvisionnement ont également

montré que l’efficacité de la recherche alimentaire diminue au-delà d’un certain niveau

d’agrégation de la ressource, comme celui où un prédateur s’alimente dans un système de

patches imbriqués (Fauchald 1999).

Effet de l’accessibilité – L’étude des sites de pêche fréquentés par les otaries autour

des Îles Kerguelen a montré qu’elles se nourrissaient essentiellement au-delà du plateau péri-

insulaire, à plus de 50 km de la colonie (Bonadonna et al. 2001). Il est donc admis que les

proies dont se nourrissent ces prédateurs sont localisées au-delà d’une distance minimale à

parcourir. L’augmentation virtuelle de cette distance a un impact négatif important sur le taux

de survie juvénile.

Effet de la prédictibilité – La distribution de la ressource varie au cours du temps ;

c’est-à-dire qu’un site d’alimentation favorable à un moment donné peut ne plus l’être après

un temps déterminé en raison du déplacement ou de l’épuisement local de la ressource. Dans

le modèle, la variation temporelle de la distribution de la ressource a été modélisée par une

dérive à vitesse et direction constantes. La prédictibilité de la ressource est d’autant plus faible

que la vitesse de dérive, choisie dans une gamme des valeurs du Courant Circumpolaire

antarctique dans la région de Kerguelen (Park et al. 1991), est élevée. La diminution de la

prédictibilité entraîne une diminution importante du succès reproducteur des otaries.

Cependant, cette façon de simuler la baisse de la prédictibilité a ses limites : les proies des

otaries sont des poissons, capables de nager et ne subissant pas passivement l’action des

courants marins. La variation temporelle de leur distribution est plus probablement liée aux

variations des conditions environnementales (température de l’eau, productivité primaire) au

cours de l’année. Par ailleurs, la consommation importante de myctophidae par les prédateurs

marins supérieurs (Guinet et al. 1996) peut également avoir un impact direct sur la

distribution de la ressource par épuisement local lié à l’exploitation. Cependant, la

consommation de myctophidae par les otaries autour de Kerguelen ne représente qu’une petite

fraction (1 %) de la consommation totale, qui est essentiellement le fait du manchot royal et

du gorfou macaroni (Guinet et al. 1996). De plus, les populations d’otaries de Kerguelen sont

actuellement en phase de recolonisation après les chasses intensives du 19ème siècle et le taux

de croissance annuel élevé (14 à 18 % ; C. Guinet, comm. pers.) ne laisse entrevoir aucun

phénomène de densité-dépendance. La prise en compte de l’épuisement de la ressource par la

prédation des otaries simulées ne semble donc pas être indispensable, ce qui justifie

l’approche considérée dans le modèle présenté.

Page 29: Influence de la distribution des ressources sur la …...Chez cette espèce, les femelles en période de reproduction s’approvisionnent à partir d’une place centrale. Un ensemble

27

Conclusion

La confrontation des résultats du modèle (survie, taux de croissance des jeunes,

longueur et durée des trajets en mer) à un ensemble d’observations expérimentales montre

qu’il existe une gamme de paramètres d’abondance et d’agrégation de la ressource pour

laquelle les valeurs simulées et les valeurs réelles coïncident. Cette gamme de paramètres est

plus étendue dans le cas des marches aléatoires corrélées que dans celui de la marche

aléatoire. Le modèle construit et paramétré pour l’otarie à fourrure antarctique semble donc

pouvoir être validé. Dans son principe, il s’agit cependant d’un modèle générique qui peut

facilement être utilisé pour d’autres prédateurs marins opérant à partir d’une place centrale,

comme le manchot royal (Charrassin and Bost 2001). Cette mise en œuvre nécessite

simplement l’intégration des paramètres énergétiques propres à l’espèce considérée. Par

ailleurs, le modèle peut également être transposé à un autre type d’approvisionnement à partir

d’une place centrale : celui de la plongée. Dans ce cas, le prédateur marin opère à partir de la

surface pour rejoindre les sites de prédation situés à une certaine profondeur, liée à des indices

environnementaux comme la thermocline (Charrassin and Bost 2001), et l’approvisionnement

en oxygène doit être considéré (Thompson and Fedak 2001). L’application du modèle à des

animaux terrestres est également envisageable ; des informations sur la distribution réelle de

la ressource alimentaire, non disponibles en milieu marin, pourraient alors être incorporées.

L’établissement d’un protocole expérimental où les paramètres de distribution de la ressource

sont entièrement contrôlés permettrait de tester de manière complète les résultats du modèle

dans différentes conditions.

Perspectives

Modélisation de la ressource – En absence d’informations précises sur la répartition

des proies des otaries dans la région de Kerguelen, leur distribution a du être simulée de

manière simple. La seule étude s’intéressant à cette distribution (Guinet et al. 2001) avait

permis d’observer un certain niveau d’agrégation des poissons inclus dans le régime

alimentaire des otaries. Leur abondance absolue, ainsi que la variation temporelle de cette

distribution n’a toutefois pas été déterminée. De telles campagnes de mesures nécessitent la

mise en place de moyens techniques lourds (navire océanographique) et leur répétition n’est

guère envisageable. Un moyen plus simple d’obtenir des informations sur la productivité

océanique est d’utiliser la mesure de la concentration marine en chlorophylle-a fournie par des

satellites (Antoine and Morel 1996). Cette estimation de la productivité primaire présente

toutefois quelques inconvénients : la concentration en chlorophylle-a n’est mesurée qu’en

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surface et non dans l’ensemble de la colonne d’eau dans laquelle s’alimentent les prédateurs

des réseaux trophiques supérieurs, et dans la région des Îles Kerguelen la couverture nuageuse

interdit une résolution temporelle inférieure au mois. De plus, la productivité primaire ne

fournit qu’un indice relatif de l’abondance des niveaux trophiques supérieurs, un décalage

spatial et temporel pouvant exister dans la variation des différents niveaux de la chaîne

alimentaire. Malgré les limites énoncées, l’utilisation des données de productivité primaire

pour modéliser la distribution de la ressource alimentaire permettrait probablement de prendre

en compte de manière plus réaliste l’anisotropie et la variabilité temporelle de cette

distribution.

Variabilité phénotypique inter-individuelle – L’intérêt des modèles individu-centrés en

écologie réside dans la prise en compte explicite des différences inter-individuelles

(DeAngelis and Mooij 2005; Grimm and Railsback 2005). Dans notre modèle, des différences

comportementales ont été simulées par les différentes stratégies de déplacement, et la

modélisation explicite de la distribution de la ressource a permis d’incorporer une variabilité

dans l’environnement spatial de chaque individu. L’ajout d’une possibilité de mémorisation a

introduit des différences liées à l’apprentissage, chaque individu possédant sa propre

expérience.

D’autres sources de variabilité existent chez les otaries, en particulier une variabilité

de taille, qui se traduit par des différences dans la capacité de stockage d’énergie. Intégrer

cette variabilité au modèle permettrait de comparer la valeur sélective de femelles de

différentes tailles. La micro-évolution observée chez une espèce proche, l’otarie à fourrure

subantarctique Arctocephalus tropicalis (Authier 2007), et se traduisant par une augmentation

de la taille pourrait ainsi être étudiée. Le modèle permettrait d’évaluer l’influence de la

variabilité phénotypique de taille, en relation avec la structuration spatiale des ressources

alimentaires, sur la valeur sélective des individus.

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Résumé

Les stratégies d’approvisionnement déterminent la capacité d’un individu à acquérir

des ressources alimentaires, et influent donc sur sa survie et sa reproduction. En conséquence,

il est supposé que l’évolution devrait sélectionner les stratégies permettant un

approvisionnement optimal : choix de proie, choix de patch et temps à y passer… Le mode de

déplacement dans un milieu hétérogène, où la ressource subit des variations au cours du

temps, conditionne également l’efficacité de l’acquisition de nourriture et d’énergie. En

période de reproduction le nourrissage de la progéniture constitue une contrainte temporelle et

énergétique supplémentaire. Un modèle individu-centré spatialement explicite intégrant la

distribution de la ressource, les choix comportementaux et le métabolisme énergétique a été

construit pour évaluer l’effet de différentes stratégies de recherche d’une part et de

l’agrégation et de l’abondance de la ressource d’autre part sur la survie et le succès

reproducteur d’un prédateur marin opérant depuis une colonie : l’otarie à fourrure antarctique.

Dans tous les milieux, une stratégie de recherche par marche aléatoire corrélée à la ressource

est plus efficace qu’une marche aléatoire. L’efficacité d’approvisionnement est optimale

lorsque la ressource est abondante, prédictible, proche du site de reproduction et faiblement

agrégée. La confrontation des résultats simulés à des observations indépendantes valide le

modèle, qui est générique et peut facilement être adapté à d’autres espèces.

Abstract

Foraging strategies modulate individual’s capacity to obtain food resource, and

therefore impact its survival and reproduction. Consequently, optimal foraging strategies are

thought to evolve through natural selection to maximise energy intake from prey and patch

selection and patch departure decisions. Movement strategies in a heterogeneous environment

where spatial and temporal variations in resource occurs also determine both food and energy

acquisition efficiency. During reproduction, progeny feeding is a supplementary temporal and

energetic constraint. A spatially explicit, individual-based model unifying resource spatial

distribution, behavioural choices and energy metabolism was developed. We investigated the

effects of movement strategies and abundance/aggregation of resource on survival and

reproductive success of Antarctic fur seal, a marine central-place forager. Using a resource-

correlated random walk provided a higher reproductive success than random walk. Maximum

foraging efficiency occurred when resource was abundant, predictable, close to the colony

and weakly aggregated. The model was validated with respect to observed data. This model is

generic and can easily be adapted to other central-place foragers.