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J Radiol 2008;89:480-6 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2008 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés article original ORL Intérêt de la tomodensitométrie dans la sinusite fongique allergique (SFA) JJ Braun (1, 2), S Riehm (3) et F Veillon (3) exposition à certains champi- gnons peut être à l’origine de dif- férentes maladies fongiques chez l’homme, telles les atteintes fongiques na- sosinusiennes. Les mécanismes physiopa- thologiques impliqués peuvent être im- munologiques (type I ou IgE medié et/ou type III de Gell et Coombs impliquant IgE et précipitines) infectieux ou toxi- ques-irritants (1). Ces atteintes fongiques nasosinusiennes peuvent être classées en formes invasives ou non invasives selon qu’il existe ou non une atteinte fongique tissulaire (formes muqueuses ou extra- muqueuses) où le terrain (HIV, immuno- dépression…) va jouer un grand rôle (1, 2). Ainsi on peut définir schématiquement cinq grands groupes d’atteintes fongiques nasosinusiennes : la rhinite ou rhinosinusite fongique al- lergique : elle répond à des mécanismes immunologiques IgE dépendants (type I de Gell et Coombs) avec tests cutanés po- sitifs, augmentation des IgE spécifiques et test de provocation nasale positif (Alterna- ria, Aspergillus…) (2). le mycétome ou balle fongique parfois encore appelé abusivement « aspergillo- me » sans preuve mycologique : Il s’agit d’une pathologie fongique infectieuse sur terrain non immunodéprimé avec accu- mulation d’éléments mycéliens en géné- ral dans un seul sinus. L’atteinte la plus fréquente concerne les sinus maxillaires et plus rarement les sinus ethmoïdaux, sphénoïdaux, frontaux et les cavités nasa- les (Aspergillus le plus souvent) (2, 3). la sinusite fongique allergique (SFA) : l’atteinte poly- ou pansinusienne répond à des mécanismes immunologiques de ty- pe I et III de Gell et Coombs sur terrain immunocompétent. Il s’agit d’un « équi- valent ORL » de l’aspergillose broncho- pulmonaire allergique (ABPA) nécessi- tant des critères diagnostiques cliniques, TDM, immunoallergologiques, biologi- ques et mycologiques très restrictifs (2-18). la sinusite fongique invasive (chroni- que, fulminante, granulomateuse) : les phénomènes infectieux évoluent sur un terrain le plus souvent immunodéprimé avec invasion fongique tissulaire, vascu- laire, osseuse avec extension de proche en proche (Aspergillus, Rhizopus, Mucor sp). (2, 8, 11-15, 17). les « autres » atteintes nasosinusiennes fongiques : Il s’agit d’un « chapitre d’at- tente » pour des pathologies dont l’indivi- dualisation nosologique reste discutée. Les critères diagnostiques sont variables Abstract Résumé Value of CT in allergic fungal sinusitis (AFS) J Radiol 2008;89:480-6 Purpose. To assess the value of CT for diagnosis and follow-up of AFS. Evaluation of characteristic CT features of AFS. Methods. Retrospective review of 12 cases of AFS presenting with all published diagnostic criteria (1) chronic rhinosinusitis refractory to standard management (2) CT features of chronic sinusitis (3) anato- mopathologic, immunoallergologic, biochemical and mycologic criteria. CT findings were correlated with surgical findings and reviewed by one ENT and two radiologists to assess the diagnostic value of different CT features, alone or in association. Results. AFS was isolated in 6 cases, and associated with allergic bronchopulmonary aspergillosis (ABPA) in 6 cases. CT showed pan- or polysinusitis, unilateral or bilateral, with mucosal thickening, sinus opacification frequently heterogeneous, bony changes, fluid trapping, and with pseudotumoral appearance in 3 cases. Conclusion. CT findings alone are not specific or pathognomonic but may suggest AFS in the correct clinical or immunoallergologic setting. It may alert the physician to the need for complementary work-up, exclude the presence of associated lung disease, and better adapt treatment and follow-up. Objectifs. Évaluation de l’apport de la TDM au diagnostic et à la surveillance de la sinusite fongique allergique (SFA). Recherche de signes TDM caractéristiques de SFA. Méthodes. Analyse rétrospective d’une série de 12 cas de SFA répondant à l’ensemble des critères diagnostiques rapportés dans la littérature (1) rhinosinusite chronique résistante au traitement habituel (2) imagerie TDM de sinusite chronique (3) critères anatomopathologiques, immunoallergologiques, biologiques et mycologiques. L’imagerie TDM a été corrélée avec les constatations opératoires et analysée par un ORL et deux radiologues pour évaluer la valeur diagnostique des diffé- rents signes TDM et de leurs différentes associations. Résultats. Dans 6 cas, la SFA était isolée et dans 6 cas associée à une aspergillose bronchopulmonaire allergique (ABPA). L’imagerie TDM évoquait une pan- ou polysinusite, unilatérale ou bilatérale avec des images d’hyperplasies muqueuses, de comblements souvent hétérogènes, de modifications osseuses, de rétention liquidienne et avec un aspect pseudo-tumoral dans 3 cas. Conclusion. Cette imagerie TDM, prise isolement, n’est pas spéci- fique ou pathognomonique mais peut-être évocatrice ou suggestive de SFA en l’intégrant dans le contexte clinique et immunoallergolo- gique particulier. Elle permet d’alerter le clinicien pour compléter le bilan, rechercher une atteinte bipolaire fongique sinuso-bronchique, définir le traitement et la surveillance. Key words: CT. Allergic fungal sinusitis. Allergic bronchopulmonary aspergillosis. Fungal allergy. Sinobronchial allergic mycosis. Allergic aspergillus sinusitis. Mots-clés : Tomodensitométrie. Sinusite fongique allergique. Aspergillose bronchopulmonaire allergique. Allergie fongique. Mycose sinusobronchique allergique. Sinusite aspergillaire allergique. L’ (1) Service ORL, Hôpital de Hautepierre, 67098 Strasbourg Cedex. (2) Hôpital Lyautey, Service d’Allergologie, 67098 Strasbourg Cedex. (3) Service de Radiologie 1, Hôpital de Hautepierre, 67098 Strasbourg Cedex. Correspondance : JJ Braun, 8, Quai Kellermann, 67000 Strasbourg. E-mail : [email protected]

Intérêt de la tomodensitométrie dans la sinusite fongique allergique (SFA)

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Page 1: Intérêt de la tomodensitométrie dans la sinusite fongique allergique (SFA)

J Radiol 2008;89:480-6

© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2008Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

article original

ORL

Intérêt de la tomodensitométrie dans la sinusite fongique allergique (SFA)

JJ Braun (1, 2), S Riehm (3) et F Veillon (3)

exposition à certains champi-gnons peut être à l’origine de dif-férentes maladies fongiques chez

l’homme, telles les atteintes fongiques na-sosinusiennes. Les mécanismes physiopa-thologiques impliqués peuvent être im-munologiques (type I ou IgE medié et/outype III de Gell et Coombs impliquantIgE et précipitines) infectieux ou toxi-ques-irritants (1). Ces atteintes fongiquesnasosinusiennes peuvent être classées enformes invasives ou non invasives selonqu’il existe ou non une atteinte fongiquetissulaire (formes muqueuses ou extra-muqueuses) où le terrain (HIV, immuno-

dépression…) va jouer un grand rôle (1,2).Ainsi on peut définir schématiquementcinq grands groupes d’atteintes fongiquesnasosinusiennes :•

la rhinite ou rhinosinusite fongique al-lergique

: elle répond à des mécanismesimmunologiques IgE dépendants (type Ide Gell et Coombs) avec tests cutanés po-sitifs, augmentation des IgE spécifiques ettest de provocation nasale positif (

Alterna-ria

,

Aspergillus

…) (2).•

le mycétome ou balle fongique

parfoisencore appelé abusivement « aspergillo-me » sans preuve mycologique : Il s’agitd’une pathologie fongique infectieuse surterrain non immunodéprimé avec accu-mulation d’éléments mycéliens en géné-ral dans un seul sinus. L’atteinte la plusfréquente concerne les sinus maxillaireset plus rarement les sinus ethmoïdaux,sphénoïdaux, frontaux et les cavités nasa-les (

Aspergillus

le plus souvent) (2, 3).

la sinusite fongique allergique (SFA) :

l’atteinte poly- ou pansinusienne répond àdes mécanismes immunologiques de ty-pe I et III de Gell et Coombs sur terrainimmunocompétent. Il s’agit d’un « équi-valent ORL » de l’aspergillose broncho-pulmonaire allergique (ABPA) nécessi-tant des critères diagnostiques cliniques,TDM, immunoallergologiques, biologi-ques et mycologiques très restrictifs (2-18).•

la sinusite fongique invasive (chroni-que, fulminante, granulomateuse)

: lesphénomènes infectieux évoluent sur unterrain le plus souvent immunodépriméavec invasion fongique tissulaire, vascu-laire, osseuse avec extension de proche enproche (

Aspergillus, Rhizopus, Mucor

sp).(2, 8, 11-15, 17).•

les « autres » atteintes nasosinusiennesfongiques

: Il s’agit d’un « chapitre d’at-tente » pour des pathologies dont l’indivi-dualisation nosologique reste discutée.Les critères diagnostiques sont variables

Abstract Résumé

Value of CT in allergic fungal sinusitis (AFS)

J Radiol 2008;89:480-6

Purpose.

To assess the value of CT for diagnosis and follow-up of AFS. Evaluation of characteristic CT features of AFS.

Methods.

Retrospective review of 12 cases of AFS presenting with all published diagnostic criteria (1) chronic rhinosinusitis refractory to standard management (2) CT features of chronic sinusitis (3) anato-mopathologic, immunoallergologic, biochemical and mycologic criteria. CT findings were correlated with surgical findings and reviewed by one ENT and two radiologists to assess the diagnostic value of different CT features, alone or in association.

Results.

AFS was isolated in 6 cases, and associated with allergic bronchopulmonary aspergillosis (ABPA) in 6 cases. CT showed pan- or polysinusitis, unilateral or bilateral, with mucosal thickening, sinus opacification frequently heterogeneous, bony changes, fluid trapping, and with pseudotumoral appearance in 3 cases.

Conclusion.

CT findings alone are not specific or pathognomonic but may suggest AFS in the correct clinical or immunoallergologic setting. It may alert the physician to the need for complementary work-up, exclude the presence of associated lung disease, and better adapt treatment and follow-up.

Objectifs.

Évaluation de l’apport de la TDM au diagnostic et à la surveillance de la sinusite fongique allergique (SFA). Recherche de signes TDM caractéristiques de SFA.

Méthodes.

Analyse rétrospective d’une série de 12 cas de SFA répondant à l’ensemble des critères diagnostiques rapportés dans la littérature (1) rhinosinusite chronique résistante au traitement habituel (2) imagerie TDM de sinusite chronique (3) critères anatomopathologiques, immunoallergologiques, biologiques et mycologiques. L’imagerie TDM a été corrélée avec les constatations opératoires et analysée par un ORL et deux radiologues pour évaluer la valeur diagnostique des diffé-rents signes TDM et de leurs différentes associations.

Résultats.

Dans 6 cas, la SFA était isolée et dans 6 cas associée à une aspergillose bronchopulmonaire allergique (ABPA). L’imagerie TDM évoquait une pan- ou polysinusite, unilatérale ou bilatérale avec des images d’hyperplasies muqueuses, de comblements souvent hétérogènes, de modifications osseuses, de rétention liquidienne et avec un aspect pseudo-tumoral dans 3 cas.

Conclusion.

Cette imagerie TDM, prise isolement, n’est pas spéci-fique ou pathognomonique mais peut-être évocatrice ou suggestive de SFA en l’intégrant dans le contexte clinique et immunoallergolo-gique particulier. Elle permet d’alerter le clinicien pour compléter le bilan, rechercher une atteinte bipolaire fongique sinuso-bronchique, définir le traitement et la surveillance.

Key words:

CT. Allergic fungal sinusitis. Allergic bronchopulmonary aspergillosis. Fungal allergy. Sinobronchial allergic mycosis. Allergic aspergillus sinusitis.

Mots-clés :

Tomodensitométrie. Sinusite fongique allergique. Aspergillose bronchopulmonaire allergique. Allergie fongique. Mycose sinusobronchique allergique. Sinusite aspergillaire allergique.

L’

(1) Service ORL, Hôpital de Hautepierre, 67098 Strasbourg Cedex. (2) Hôpital Lyautey, Service d’Allergologie, 67098 Strasbourg Cedex. (3) Service de Radiologie 1, Hôpital de Hautepierre, 67098 Strasbourg Cedex.Correspondance : JJ Braun, 8, Quai Kellermann, 67000 Strasbourg. E-mail : [email protected]

Page 2: Intérêt de la tomodensitométrie dans la sinusite fongique allergique (SFA)

J Radiol 2008;89

JJ Braun, S Riehm, F Veillon

Intérêt de la tomodensitométrie dans la sinusite fongiqueallergique (SFA)

481

selon les auteurs : atteinte nasosinusienneappelée SFA sur l’existence d’élémentsfongiques et d’éosinophiles dans les sécré-tions nasales (et non sinusiennes), SFA-like syndrome, eosinophilic mucin rhino-sinusitis (EMRS), et eosinophilic fungalrhinosinusitis (EFRS) et sinusite « fongi-que inclassable ». (2, 4-7, 16-21).Si l’individualisation nosologique del’ABPA semble bien acquise avec des cri-tères diagnostiques précis (5, 6), celle de laSFA est beaucoup plus récente et encorediscutée (2, 4-10, 16, 19-21).Ainsi pour éviter toute dérive fongique etgarder une signification aux termes« fongique » et « allergique », des critè-res diagnostiques restrictifs et concor-dants méritent d’être retenus pour la SFAcomme pour l’ABPA : (1) rhinosinusitechronique, résistante au traitement médi-cal et chirurgical habituel (2) critèresTDM d’atteinte poly- ou pansinusienne,uni- ou bilatérale (3) critères anatomopa-thologiques, immunoallergologiques, bio-logiques et mycologiques d’atteinte sinu-sienne fongique et allergique (4) exclusiondu diabète, de la mucoviscidose, d’immu-nodéficience et des autres atteintes fongi-ques nasosinusiennes.Dans la littérature la sémiologie TDM et/ou IRM de la SFA n’a été que rarementindividualisée à travers des séries bien do-cumentées de SFA (12-18). Les auteurscherchent à analyser, par cette série de

12 cas de SFA et par la revue de la littéra-ture, l’intérêt diagnostique des différentssignes TDM et de leurs différentes asso-ciations. S’agit-il d’une imagerie TDMpathognomonique, prédictive ou simple-ment évocatrice ou suggestive de la SFAcomme cela a été rapporté dans la littéra-ture ? L’intérêt de la TDM a été égale-ment évalué pour le diagnostic différen-tiel avec les autres sinusites fongiques etpour le suivi thérapeutique de la SFA né-cessitant un traitement médico-chirurgi-cal souvent lourd.

Matériel et méthode

La série de patients comprenait 5 hom-mes et 7 femmes avec un âge moyen de49 ans (âges extrêmes 36-63 ans). Elleremplit et rapporte tous les critères dia-gnostiques proposés dans la littérature,tout particulièrement les critères im-muno-allergologiques, biologiques etmycologiques

(tableau I)

.Il s’agit d’une étude rétrospective de12 cas de SFA dont 6 cas associant SFA etABPA. Tous les patients ont bénéficié dubilan suivant : examens ORL et pneumo-logique, radiographie pulmonaire, TDMhaute résolution du massif facial et duthorax, éosinophilie sanguine périphéri-que (NFS), dosage des IgE totales et desIgE spécifiques vis-à-vis de Af (Cap

Pharmacia Upsala Suède), sérologie as-pergillaire (ELISA et/ou immunoélectro-phorèse), examen anatomopathologiquede la muqueuse et des sécrétions sinusien-nes après coloration spéciale type PAS et/ou Grocott Gomori, examen mycologi-que direct, culture mycologique des sé-crétions sinusiennes (dans 10 cas) et testscutanés vis-à-vis d’un vaste panel d’aéro-allergènes comprenant les extraits fongi-ques suivants :

Alternaria, Aspergillus, Cla-dosporium, Penicillium, Botrytis, Rhizopus,Stemphylium, Chaetomium, Fusarium, Pul-lularia, Epicoccum, Helminthosporium, Me-rulius

(Laboratoires Stallergènes et/ouAllerbio, France).Les examens TDM ont été réalisés, à l’ex-ception de 2 cas les plus anciens, sur Scan-ner Multidétecteur Siemens Sensation 16(Erlangen, Allemagne) entre 2000 et 2006,avec un protocole en ultra-haute résolu-tion. Les paramètres d’acquisition étaientles suivants : 120 kV, 150 mAs, collima-tion 3 mm (6

×

0,75 mm), champ de vue15 cm. Les paramètres de reconstructionétaient les suivants :• reconstructions osseuses en filtre trèsdur (U 80u), parallèles et perpendiculai-res (coronales et sagittales) au palais os-seux, épaisseur de coupe 0,75 mm che-vauchées tous les 0,3 mm, fenêtrage :largeur 4 000, centre 700.• reconstructions dans les mêmes plansen filtre mou (U 30u moyen lisse), épais-

Tableau IRésultats immunoallergologiques et mycologiques : SFA et SFA + ABPA (12 cas).

SFA ISOLEE SFA + ABPA

Patients 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

Âge-Sexe 51 M 48 M 48 M 46 F 54 F 63 F 36 M 41 M 58 F 38 F 47 F 47 F

NFSÉosinophiles

3 400204

(6 %)

9 100546

(6 %)

5 750230

(4 %)

8 200410

(5 %)

6 000360

(6 %)

5 400510

(9 %)

6 800408

(6 %)

3 800230

(8 %)

5 700627

(11 %)

6 9001 035

(15 %)

11 1002 220

(20 %)

5 500149

(2,7 %)

Tests cutanés (Af) + + + + + + + + + + + +

IgE totales (Pharmacia)

765 kU/L

2 378 kU/l

358 kU/l

NF 288 kU/l

322 kU/l

1 250 kU/l

8 306 kU/l

127 kU/l

3 003 kU/l

2 359 kU/l

1 928 kU/l

IgE spécifiques Af (Pharmacia RAST M3)

55,20 kU/l

> 100 kU/l

25,36 kU/l

27,44 kU/l

1,01 kU/l

53,50 kU/l

10,40 kU/l

> 100 kU/l

2,63 kU/l

15,20 kU/l

44 kU/l

> 100 kU/l

Sérologie aspergillaireELISAArcs

–0

+2

+1

+3

+1

+0

+5

+0

+0

+4

+0

+1

Filaments mycéliens dans mucine des sinus

+ + + + + + + + + + + +

Culture mycologique (sécrétions des sinus)

Af Af Af – Ac + F – – – Af Af NF NF

NF : Non Fait ; Af : Aspergillus fumigatus ; Ac : Aspergillus clavatus ; F : Fusarium

Page 3: Intérêt de la tomodensitométrie dans la sinusite fongique allergique (SFA)

J Radiol 2008;89

482

Intérêt de la tomodensitométrie dans la sinusite fongique allergique (SFA)

JJ Braun, S Riehm, F Veillon et al.

seur de coupe de 1 mm chevauchées tousles 0,6 mm, fenêtrage : largeur 350, centre60.Le diagnostic de SFA a été retenu sur l’as-sociation et la concordance des critèresdiagnostiques suivants : (a) sinusite chro-nique, résistante au traitement médicalet/ou chirurgical habituel avec imagerieTDM de pan- ou de polysinusite, uni- oubilatérale, (b) mucine éosinophilique al-lergique (sécrétions sinusiennes) avec pré-sence de filaments mycéliens sans enva-hissement tissulaire, d’éosinophiles et decristaux de Charcot Leyden, (c) taux élevéd’éosinophiles sanguins, d’IgE totales,d’IgE spécifiques vis-à-vis de

Af

et de pré-cipitines sériques et tests cutanés positifs à

Af

, (d) culture mycologique des sécrétionssinusiennes pour l’identification du oudes champignons.L’imagerie TDM a été corrélée avec lesconstatations opératoires. Elle a été analy-sée par l’ORL qui a pris en charge les12 cas et par deux radiologues spécialisésen imagerie ORL pour évaluer son intérêtpour le diagnostic de SFA et pour le dia-gnostic différentiel, en particulier pourles autres sinusites fongiques.Le diagnostic d’ABPA a été retenu sur lescritères diagnostiques majeurs et mineurslargement rapportés dans la littérature.Le bilan a permis par ailleurs d’éliminerune mucoviscidose, une dyskinésie ciliai-re primitive, un diabète, une immunodé-ficience et les atteintes fongiques nasosi-nusiennes autres que la SFA.Le suivi des patients incluait critères clini-ques, TDM et dosage des éosinophiles,des IgE totales et des précipitines séri-ques. Ce suivi était supérieur à 2 ans dans4 cas de SFA isolées (2 à 17 ans), comprisentre 6 mois et 1 an dans 2 cas de SFA, etde 5 ans ou plus pour les 6 cas associantSFA et ABPA.

Résultats

SFA

Le tableau clinique était celui d’une sinu-site ou rhinosinusite chronique, souventmulti-opérée, en échec thérapeutique.Les signes cliniques les plus fréquentsétaient : obstruction nasale (10 cas), mou-chages purulents ou de moules compactsmucopurulents, de croûtes (7 cas), poly-pose nasosinusienne (5 cas), anosmie(4 cas) et douleurs faciales (4 cas). Danscertains cas, le diagnostic d’ABPA était

connu lors du bilan ORL et dans d’autrescas le diagnostic de SFA avait fait recher-cher une atteinte bronchopulmonairefongique associée. Ainsi l’atteinte nasosi-nusienne et bronchopulmonaire étaitconcomitante dans 2 cas et décalée dans letemps dans 4 cas. La SFA était isolée, sansatteinte bronchopulmonaire associée,dans 6 cas.Les principales données immunoallergo-logiques et mycologiques sont résuméesdans le

tableau I

et les données TDM dansle

tableau II

.L’identification formelle du champignona pu être obtenue par culture mycologi-que dans 6 cas :

Aspergillus fumigatus

dans5 cas et

Aspergillus clavatus

et

Fusarium

dans un cas.L’imagerie TDM a permis d’individuali-ser des atteintes nasosinusiennes unilatéra-les dans 6 cas

(fig. 1a,

b,

c et 2a,

b)

et bilaté-rales dans 6 cas, symétriques dans 2 cas etasymétriques dans 4 cas. Dans 3 cas, l’ima-gerie TDM prenait un aspect pseudotu-moral avec destruction de la paroi médialedes sinus maxillaires, des défilés ostioméa-tals, du septum et avec soufflure des paroissinusiennes mais sans extension vers les ré-gions orbitaires, endocrâniennes ou facia-les. L’intervention chirurgicale a confirméces données TDM.L’atteinte TDM concernait dans 12 cas lecomplexe éthmoïdo-maxillaire, dans 5 casles sinus frontaux, dans 6 cas les sinus sphé-noïdaux et dans 7 cas les cavités nasales.Le comblement des cavités sinusiennesétait homogène dans 2 cas et hétérogènedans 9 cas. Dans un cas il s’agissait d’une

hyperplasie banale polypoïde de la mu-queuse sinusienne sans image de comble-ment. L’aspect hétérogène du comble-ment était mieux visible sur les clichés enfenêtre parties molles

(fig. 2)

.Dans 1 cas, la présence d’une image de to-nalité métallique (dépassement apical) ausein d’un comblement hétérogène sinu-sien maxillaire pouvait faire évoquer unmycétome. L’aspect peropératoire, le bi-lan mycologique et immunoallergologi-que ont permis d’infirmer ce diagnostic etde confirmer celui de SFA.Dans deux cas, des microcalcificationsétaient bien visibles au sein du comble-ment sinusien : microcalcifications vraiesou produits d’ostéolyse ?On notait des images d’ostéosclérose oud’épaississement pariétal dans 8 cas

(fig. 2a)

et d’ostéolyse ou de chondrolysedans 6 cas : paroi médiale des sinus maxil-laires, défilé ostioméatal, cloison.Ainsi il s’agissait d’une poly ou pansinusi-te, uni ou bilatérale, symétrique ou non,avec essentiellement des images de com-blements souvent hétérogènes, de modifi-cations osseuses, d’hyperplasies muqueuseset de rétention liquidienne de sécrétionstrès épaisses bien corrélées avec les consta-tations opératoires : sécrétions « mastic »épaissies, collantes, jaunes, brunes, noirâ-tres ou verdâtres recouvrant une mu-queuse épaissie, inflammatoire souventpolypoïde. Cependant, dans 3 cas de SFAou de récidives de SFA authentiques, lessécrétions sinusiennes étaient plus fluidesavec une imagerie TDM plus banale

(fig.1e et f).

Tableau IIImagerie TDM de la SFA (12 cas).

Hyperplasies muqueuses• unilatérales• bilatérales

8/121/127/12

67 %8 %

58 %

Atteinte des sinus• maxillaires• ethmoïdaux• frontaux• sphénoïdaux

12/1212/1212/125/126/12

100 %100 %100 %42 %50 %

Atteinte des cavités nasales 7/12 58 %

Comblement des sinus• homogène• hétérogène

11/122/129/12

91 %17 %75 %

Image de rétention liquidienne 10/12 83 %

Ostéosclérose-ostéocondensation 8/12 66 %

Ostéolyses-Chondrolyses 6/12 50 %

Microcalcifications 2/12 16 %

Corps étranger 1/12 8 %

Aspect pseudotumoral 3/12 25 %

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J Radiol 2008;89

JJ Braun, S Riehm, F Veillon

Intérêt de la tomodensitométrie dans la sinusite fongiqueallergique (SFA)

483

Fig. 1 : homme de 36 ans (cas 7) : SFA. Coupes TDM axiales et coronales.a-b Comblement subtotal du sinus maxillaire et de l’ethmoïde droits avec des bulles d’air (flèches).c-d Même patient après 3 mois de corticothérapie per os. Sinus maxillaires et ethmoïdaux normaux.e-f Même patient deux ans plus tard avec récidive prouvée de SFA. Épaississement de la muqueuse des deux sinus maxillaires avec des

contours finement festonnés de la muqueuse et avec une fine couche de sécrétions confirmées par l’exploration chirurgicale (têtes de flèche).

a bc de f

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J Radiol 2008;89

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Intérêt de la tomodensitométrie dans la sinusite fongique allergique (SFA)

JJ Braun, S Riehm, F Veillon

ABPA

Les 6 patients étaient atopiques, asthma-tiques, sans mucoviscidose. Les donnéesimmunoallergologiques et mycologiquesrésumées dans le

tableau I

sont superpo-sables à celles de la SFA isolée. Le bilanTDM avait mis en évidence des imagesd’infiltrats dans 5 cas, de bronchectasiesproximales dans 4 cas et d’association desdeux dans 3 cas s’intégrant dans les critè-res diagnostiques d’ABPA.

Discussion

À l’image des incertitudes physiopatholo-giques concernant la SFA, les critères re-tenus dans la littérature pour individuali-ser la SFA restent discutés et sont souventvariables selon les auteurs. Tous s’accor-dent pour retenir au minimum des critè-res anatomopathologiques pour docu-menter la nature fongique de l’atteintesinusienne et l’absence d’envahissementtissulaire : mucine « allergique » sinu-sienne avec éosinophiles, cristaux deCharcot Leyden et filaments mycéliens.Par contre, les critères immunoallergolo-giques, biologiques et mycologiques,comme pour l’ABPA parfois associée à laSFA, ne sont que rarement rapportésdans la littérature à travers des séries depatients souvent limitées, hétérogènes, in-complètement explorées et avec un recul

et un suivi thérapeutiques faibles ou nonrapportés. Ces critères immunoallergolo-giques sont indispensables pour garderun sens aux termes « fongique » et plusencore « allergique » pour la SFA (4, 6-10). Le polymorphisme mycologique dela SFA complique encore la situation avecprincipalement des champignons moni-liacés type

Aspergillus

sp en France (4, 5,16) et des champignons dématiés auxÉtats-Unis :

Bipolaris sp, Exerohilum sp,Curvularia sp, Alternaria sp

. (2, 7, 9, 10, 17).Ainsi la comparaison des différentes sé-ries publiées dans la littérature reste diffi-cile. S’agit-il toujours de la même entitéfongique lorsque certains critères dia-gnostiques ne sont pas précisés dans la pu-blication ou sont beaucoup moins restric-tifs que ceux retenus dans notre série ? Lasémiologie TDM dans les différentes pu-blications reste souvent fragmentaire endehors de rares travaux consacrés plusspécifiquement à l’imagerie TDM et/ouIRM des SFA (12-16, 18).Pour Manning (13) rapportant une sérierétrospective de 10 cas de SFA prouvéehistologiquement mais sans critères im-munoallergologiques précisés dans le tra-vail, l’imagerie TDM et IRM est « haute-ment spécifique » de SFA : comblementsinusien hétérogène en TDM, signal hy-pointense en séquence pondérée T1 et hy-posignal très marqué en séquence pondé-rée T2 à l’IRM. Mukherji (14) analyse unesérie rétrospective (45 cas), multicentri-

que, avec probablement une techniqued’imagerie différente selon les centres.Dans ces cas, avec confirmation histologi-que mais sans caractérisation immunoal-lergologique et mycologique, l’imagerieTDM peut être évocatrice ou « suggesti-ve » de SFA mais n’est pas spécifique.Nos résultats sont en accord avec ceux deMukherji et de Vlaminck (14-16).Dans notre étude, l’imagerie TDM n’estpas spécifique ou pathognomonique deSFA mais peut-être évocatrice dans uncontexte clinique et plus encore immu-noallergologique (pas toujours connu duradiologue) particulier. Ainsi certains si-gnes TDM, surtout par leurs associations,peuvent faire évoquer ou suggérer le dia-gnostic de SFA dans un contexte donné :(1) imagerie de pan- ou polysinusite uni-ou bilatérale, symétrique ou non, avecparfois un aspect pseudo-tumoral,(2) images de comblements souvent hété-rogènes des cavités sinusiennes et de re-maniements osseux, (3) images de réten-tion liquidienne avec bulles d’air etcontours finement festonnés de la mu-queuse sinusienne.L’aspect hétérogène des comblements si-nusiens mieux visibles sur les clichés enfenêtre parties molles (5, 8, 13, 14, 16) estrattaché dans la littérature à la présencedans le ou les sinus de sécrétions épaisses,plus ou moins riches en calcium, fer, ma-gnésium et protéines mais relativementpauvres en eau (11, 13-16, 18). L’imagerie

Fig. 2 : Homme de 48 ans (cas 2) : SFA.a Coupe TDM axiale en fenêtre osseuse : comblement total avec bulles d’air (tête de flèche) et ostéosclérose des parois du sinus maxil-

laire gauche (flèches)b Coupe TDM axiale en fenêtre tissus mous : comblement hétérogène (flèche), bulles d’air (tête de flèche) et épaississement de la

muqueuse du sinus maxillaire : matériel déshydraté central et sécrétions visqueuses à l’exploration chirurgicale.

a b

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IRM semble en faveur de cette hypothèse(13, 16). Cependant la corrélation entrel’imagerie radiologique et la compositiondu contenu endosinusien n’est pas tou-jours aussi évidente. Ainsi en ce qui con-cerne les sinusites chroniques caséeusesfongiques ou non, le taux de ces élémentsest très variable et sans corrélation stricteni avec l’imagerie TDM ni avec la naturefongique de l’atteinte sinusienne (3, 4).Cet aspect hétérogène sinusien est fré-quent dans la SFA mais également dansd’autres sinusites fongiques telles les my-cétomes (3, 4, 11, 15, 16, 18).La rétention liquidienne de sécrétionsvisqueuses endocavitaires comme le mon-tre l’exploration chirurgicale peut se tra-duire à l’imagerie TDM par des bullesd’air et/ou des images à contours feston-nés au sein d’un comblement des sinus (5,16, 18)

(fig. 1a et b)

. La quantité de sécré-tions sinusiennes dans d’authentiquesSFA ou de récidives prouvées de SFApeut être faible et réduite à une couche desécrétions recouvrant une muqueuse hy-perplasique à l’intervention chirurgicale.Dans ces cas, l’imagerie TDM est plus ba-nale et manque le comblement hétérogè-ne des sinus considéré comme pathogno-monique par certains auteurs (5, 13-16)

(fig.1e et f)

.De même, des images plus banales à typede comblement homogène ou d’hyper-plasie muqueuse ne permettent pas d’ex-clure formellement le diagnostic de SFAqui sera confirmé ou non par la chirurgieet les examens complémentaires

(fig.1e et f)

.Les images de modifications osseuses neprésentent pas de spécificité propre. Ladestruction éventuelle des cloisons eth-moïdales est difficile à apprécier car leurexistence préalable ne peut être prouvéeet elles peuvent être masquées par lecomblement ethmoïdal. Les modificationsosseuses (ostéosclérose, épaississementpariétal, soufflure osseuse, ostéolyse) sem-blent traduire la chronicité du processusinflammatoire, le blocage du drainagesinusien avec augmentation de la pressionintrasinusienne et stase de sécrétions àl’origine de remaniements osseux secon-daires. Les ostéolyses pourraient égale-ment être favorisées par le processusinflammatoire voire cytotoxique lié auxéléments mycéliens et aux éosinophilesimpliqués dans ce type d’atteinte fongiquesurtout dans les stades évolués de la maladie(11, 13, 16).Dans notre série, les atteintes pseudotu-morales sont beaucoup plus rares que

dans certaines autres séries, en particulieraméricaines ou indiennes (4, 6, 12-14, 16,17). Celles-ci semblent plus fréquenteschez l’enfant (17). S’agit-il toujours de lamême entité fongique dans les différentespublications retenant des critères dia-gnostiques variables ? S’agit-il du mêmestade évolutif de la maladie, de particula-rités géographiques, climatiques ? S’agit-il de spécificités ou de potentialités évolu-tives propres à certaines espèces de cham-pignons (5, 14, 16, 18) ?L’imagerie IRM paraît surtout indiquéeen complément de la TDM devant un as-pect pseudotumoral pour évaluer l’exten-sion précise vers l’orbite, l’endocrâne, lesparties molles de la face ou encore en casde problèmes de diagnostic différentielparfois difficiles (12, 13, 15, 16). Celui-cipeut faire évoquer en fonction de l’image-rie radiologique et du contexte clinique :• une sinusite chronique caséeuse ou unmycétome des sinus maxillaires et plus ra-rement des sinus ethmoïdaux ou des sinussphénoïdaux prenant parfois un aspectpseudo-tumoral avec un comblement hé-térogène du ou des sinus, présence ou nondes microcalcifications et/ou d’un corpsétranger hyperdense intrasinusien (dé-passement apical dans le sinus maxillaire)(2, 3, 13-15).• une sinusite fongique invasive chroni-que en début d’évolution ou dans un con-texte de diabète ou de status immunologi-que précaire avec une imagerie TDM nonspécifique. La sinusite fongique invasivefulminante est beaucoup plus agressiveavec des destructions osseuses massives etavec une extension de proche en proche(11-15).• une rhinosinusite chronique oedéma-teuse ou une polypose nasosinusienne dé-butante avec des images de rétention liqui-dienne endosinusienne et d’hyperplasiesmuqueuses diffuses ou de comblement dessinus et ce d’autant plus qu’une polyposepeut être associée à la SFA. (11, 13, 14).• une dyskinésie ciliaire primitive avecatteinte polysinusienne, rétention liqui-dienne et polypose souvent associée (13, 14).• une maladie de Wegener ou une formeagressive de sarcoïdose nasosinusienneavec des lésions d’ostéolyse, d’infiltrationstissulaires et d’extension vers l’orbite,l’endocrâne habituellement plus marquéesque pour la SFA (13, 14, 22).• une mucocèle ou une tumeur maligneen début d’évolution peuvent simuler uneforme pseudotumorale unilatérale deSFA (13, 14).

• l’association SFA et ABPA peut fairediscuter une mucoviscidose avec colonisa-tion bronchique par

Aspergillus

mais lecontexte clinique, biologique et génétiqueest différent (5).Ainsi, même en l’absence de critèresTDM réellement prédictifs ou pathogno-moniques de SFA, l’imagerie TDM peutévoquer ou suggérer le diagnostic deSFA, surtout dans un contexte clinique etimmunoallergologique particulier. Cettesuspicion de SFA par le radiologue vaalerter l’ORL pour compléter le bilan im-munoallergologique et mycologique etpour définir une stratégie thérapeutiquesouvent lourde pour le patient.En complément de la clinique et de cer-tains examens biologiques (éosinophilie,IgE totales et sérologie aspergillaire) laTDM constitue un examen utile pour lesuivi évolutif sous et après traitement etpour la gestion des récidives plus oumoins fréquentes selon les séries (4, 6-8).Ainsi dans trois cas de notre série, le suiviTDM confirme l’amélioration clinique etbiologique. Cependant le processus in-flammatoire qui sous-tend la SFA peutrester longtemps actif, sans symptomato-logie clinique et endoscopique évidente,même après un traitement médico-chi-rurgical prolongé ou sur un sinus biendrainé par l’intervention chirurgicale.Cela pourrait expliquer le risque de réci-dive tardive de la SFA après quelquesmois ou années

(fig.1c,

d,

e et f)

(4, 7, 10,13-15).Le traitement a fait appel à la chirurgienasosinusienne endoscopique de draina-ge (10 cas) et à une ponction-lavage des si-nus dans 2 cas (refus de l’intervention chi-rurgicale) associée à une corticothérapieper os (0,25-0,5 mg/kg de prednisolone)pendant des mois voire des années, et àdes antifongiques essentiellement à l’itra-conazole dans 4 cas d’association SFA etABPA. Les résultats pour ce traitementsouvent lourd variaient de la guérisoncomplète avec normalisation clinique,TDM et biologique à l’échec thérapeuti-que complet ORL et/ou pneumologique.

Conclusion

Même si la prévalence, probablementsous-estimée, de la SFA et plus encore del’association SFA et ABPA paraît faible,le radiologue doit penser au diagnostic deSFA face à un tableau TDM, qui prit iso-lement, est non spécifique et non patho-

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gnomonique mais peut devenir évocateurdans un contexte clinique et immunoal-lergologique particulier. L’imagerieTDM est celle d’une pan- ou polysinusite,uni- ou bilatérale, avec des images decomblements souvent hétérogènes, d’hy-perplasies muqueuses, de rétention liqui-dienne, de remaniements osseux voired’aspect pseudotumoral dans certains cas.D’autres études de séries de SFA plusnombreuses et bien délimitées du point devue nosologique sont nécessaires pourconfirmer ou non la valeur prédictiveréelle des différents signes TDM et deleurs différentes associations. La suspi-cion de SFA va permettre au clinicienORL de compléter le bilan immunoaller-gologique et mycologique, de rechercherune éventuelle ABPA associée, de définirune stratégie thérapeutique souvent lour-de et de gérer la surveillance après traite-ment où le risque d’échec ou de récidivemême tardive n’est pas négligeable.

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