21
Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013. « Intégration régionale et relance économique en Afrique » Page 1 sur 21 INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE ECONOMIQUE EN AFRIQUE RESUME : Ce papier revient sur les difficultés à surmonter avant de parvenir à l'intégration. Le bilan de l'intégration ainsi que les facteurs qui l’ont freiné montrent qu’il faut rester optimiste tout en adoptant une approche moins ambitieuse mais plus pratique. L'intégration ne peut être obtenue en adoptant seulement des programmes politiques ou la situation économique. L'Afrique doit s'unir pour renforcer sa présence sur la scène internationale et répondre aux besoins de sa population en instaurant une croissance solidaire en vue d’une redistribution des fruits de la croissance. Mots clés : intégration, relance, croissance, économie. Classification JEL: E, F, F 15, G, H. ABSTRACT : This paper put on evidence numerous obstacles to overcome before achieving integration. The balance of integration process and the factors explaining its slowness show that we should be careful while being optimist by adopting a less ambitious but more practical approach. Integration process could not be achieved only by adopting political program or by focusing exclusively on economic situation. Africa should unite in order to reinforce its position on the international scene, and to solve concrete needs of populations through economic growth recovery with redistribution. Keys words: integration, recovery, growth, economic. JEL classification: E, F, F 15, G, H INTRODUCTION L'intégration régionale du continent a été rêvée par bon nombre de dirigeants africains et a donné lieu à la création en 1963 de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) et la

INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

  • Upload
    vukiet

  • View
    217

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 1 sur 21

INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE ECONOMIQUE EN AFRI QUE

RESUME :

Ce papier revient sur les difficultés à surmonter avant de parvenir à l'intégration. Le bilan de

l'intégration ainsi que les facteurs qui l’ont freiné montrent qu’il faut rester optimiste tout en

adoptant une approche moins ambitieuse mais plus pratique. L'intégration ne peut être

obtenue en adoptant seulement des programmes politiques ou la situation économique.

L'Afrique doit s'unir pour renforcer sa présence sur la scène internationale et répondre aux

besoins de sa population en instaurant une croissance solidaire en vue d’une redistribution des

fruits de la croissance.

Mots clés : intégration, relance, croissance, économie. Classification JEL: E, F, F 15, G, H.

ABSTRACT:

This paper put on evidence numerous obstacles to overcome before achieving integration. The

balance of integration process and the factors explaining its slowness show that we should be

careful while being optimist by adopting a less ambitious but more practical approach.

Integration process could not be achieved only by adopting political program or by focusing

exclusively on economic situation. Africa should unite in order to reinforce its position on the

international scene, and to solve concrete needs of populations through economic growth

recovery with redistribution.

Keys words: integration, recovery, growth, economic. JEL classification: E, F, F 15, G, H

INTRODUCTION

L'intégration régionale du continent a été rêvée par bon nombre de dirigeants africains

et a donné lieu à la création en 1963 de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) et la

Page 2: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 2 sur 21

Banque Africaine de Développement (BAD. Cet engagement a été réitéré plus tard dans le

Plan d’action de Lagos de 1980 et, par la suite, dans le Traité d’Abuja de 1991 qui envisage, à

terme, la création de la Communauté Economique Africaine (CEA). D’autres initiatives,

notamment, l’harmonisation des législations commerciales à travers le continent ont contribué

à améliorer le climat des échanges et des investissements. Cependant, malgré ces acquis, le

processus d’intégration demeure confronté à de nombreux défis. L’évaluation continue des

progrès en matière d’intégration en Afrique est essentielle pour comprendre et identifier les

forces et les faiblesses des interventions menées et contribuer à construire l’avenir grâce aux

enseignements tirés de l’expérience. Au fil des ans, les autres institutions créées dans

différentes régions n'ont pas contribué significativement à l’accroissement du commerce entre

pays africains. En plus de l’objectif politique d’unité continentale, les dirigeants africains ont

également poursuivi leurs efforts d’intégration régionale en vue de surmonter trois obstacles

fondamentaux au développement: la petite taille des économies, l’absence de

complémentarités structurelles et la dépendance vis-à-vis des importations. L’intégration

régionale est alors perçue comme offrant des possibilités d’expansion du marché, de

réalisation d’économies d’échelle et de diversification de la base économique. C’est ainsi que

des accords de coopération et d’intégration économique ont été conclus pour la mise en place

de marchés sous-régionaux protégés offrant un espace économique élargi pour les facteurs de

production et les échanges.

Alors que l'on comprend mieux aujourd'hui la nécessité de l'intégration régionale et les

raisons des échecs passés, de nouveaux efforts visent à resserrer les liens économiques et

politiques entre les nombreux pays du continent. Dans un tel contexte, la convergence des

politiques macroéconomiques et l’intégration monétaire et financière au sein des

Communautés Economiques Régionales (CER) s’avèrent nécessaires pour l’efficience des

zones d’intégration régionales. L’élargissement du marché est considéré comme la force

motrice d’une zone d’intégration, étant donné que les marchés nationaux sont souvent dans

Page 3: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 3 sur 21

l’incapacité d’assurer, à eux seuls, la taille nécessaire à l’exploitation des économies d’échelle

et la spécialisation. Par ailleurs, la libéralisation des échanges à l’intérieur d’une zone

d’intégration régionale oblige les entreprises à affronter la compétition, à réduire leurs coûts

et à améliorer leur productivité.

L’intégration régionale a des retombées technologiques conduisant à des gains de

productivité et à une réduction des coûts de production, ce qui favorise l’accumulation des

facteurs. En termes d’efficience et d’accumulation, l’intégration économique régionale peut

contribuer à la croissance économique et permettre à l’Afrique de s’intégrer à l’économie

mondiale selon deux modalités qui ont progressivement gommé leurs oppositions initiales.

L'option multilatérale qui est la voie la directe, et la régionalisation étant une forme indirecte

moins protectionniste, plus ouverte sur l'extérieur. La seconde option fait de l'espace

économique régional une construction institutionnelle intermédiaire au niveau d'une

communauté d'Etats.

L’objectif de ce papier est de savoir si l’intégration régionale peut faciliter la relance

économique en Afrique. Explicitement : Quels sont les principales difficultés à surmonter

avant de parvenir à l’intégration ? Quel bilan peut-on tirer de l’intégration régionale en

Afrique ? Quelles approches doit-on adopter pour les nouvelles initiatives d’intégration en

Afrique ?

1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE

L’objectif de cette section est de mettre en exergue les principales barrières vers

l’intégration économique régionale qui fait référence au niveau de coordination des prix sur

des marchés séparés par une distance physique. Deux raisons principales justifient cette

démarche d’intégration : l’accès au marché et les économies d’échelle. Au rang des entraves à

l’intégration, nous pouvons citer l’insuffisance des infrastructures et la faiblesse des

Page 4: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 4 sur 21

institutions sous-régionales, les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la

mauvaise gouvernance.

1.1 LES INFRASTRUCTURES ET LES INSTITUTIONS SOUS-REGION ALES

Durant les trente dernières années, les pays africains se sont efforcés de mettre en

place des mécanismes d’intégration régionale pour accélérer le développement économique.

1.1.1 LES INFRASTRUCTURES

La mondialisation et l’intégration régionale nécessitent une infrastructure régionale

efficace pour élargir et intégrer les marchés, réaliser des économies d’échelle, encourager la

participation du secteur privé et attirer les Investissements Directs Etrangers (IDE). Malgré les

efforts entrepris pour intégrer les transports, le système de communication et l’énergie,

certaines lacunes subsistent au niveau des différentes Communautés Economiques Régionales

(CER) d’Afrique, ce qui accroît le coût des échanges commerciaux et freine la mobilité des

facteurs de production, ainsi que la compétitivité. D’où la nécessité de mettre en place des

systèmes d’infrastructure sûrs, fiables, efficaces, abordables et respectueux de

l’environnement. De plus, les CER devraient aider les pays les moins avancés et les plus

enclavés à devenir compétitifs sur les marchés régionaux et internationaux.

Pour cela, les gouvernements doivent axer leurs efforts sur les politiques et les

réglementations visant le suivi des performances et la libéralisation de l’accès aux marchés

des services d’infrastructure. Aujourd’hui, les voies de communication sont insuffisantes et le

réseau africain très disloqué.

Tableau 1 : Transports routier et ferroviaire dans certaines communautés économiques

d’Afrique en 2000

Route transafricaine Chemin de fer

Page 5: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 5 sur 21

Communauté Economique Régionale (CER)

Total des tronçons (Km)

Tronçons manquants (Km)

Tronçons manquants comme part du total (%)

Longueur totale (Km)

Type d’écartement utilisé (mm)

CAE 3.841 523 14 7.588 1.000

CEDEAO 10.578 2.970 28 10.190 1067 ; 1000

CEEAC 10.650 4.953 47 7.605 1435 ; 1067 ; 1000

COMESA 15.723 2.695 17 32.558 1067 ; 1000

IGAD 8.716 2.423 28 9.000 --------------

SADC 11.454 2.136 19 45.321 1067

UMA 5.923 1.110 21 9.625 1435

Source : Commission Economique pour l’Afrique (CEA), 2004.

Selon une étude de la Commission Economique pour l’Afrique (CEA) de 2004, la route

transafricaine qui aurait dû faciliter le transport et les échanges commerciaux accusait en l’an

2000 un déficit de 16810 km de tronçons manquants. En regardant le tableau précédant, on se

rend très vite compte que ce gap est d’ailleurs très inégalement reparti selon les différentes

régions du continent. Au niveau de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) qui est une

union économique, et de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) qui est une zone de libre

échange, il manque respectivement 523 km et 1110 km de route pour combler ce gap.

Par contre, la situation est plus alarmante au niveau de la Communauté Economique des Etats

de l’Afrique Centrale (CEEAC), de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de

l’Ouest (CEDEAO), et de la Communauté du Développement de l’Afrique Australe (SADC)

avec respectivement 4953 km, 2970 km et 2136 km en termes de gap.

La part de l’Afrique dans le trafic aérien mondial est restée stable à environ 1% malgré

un essor du trafic international et intra-africain au cours des années 1990. Pour le transport

des passagers, le coefficient de remplissage de l’Afrique a dépassé celui l’Amérique latine et

des Caraïbes, mais est resté inférieur d’environ 12% par rapport à la moyenne mondiale. Pour

le transport de fret, l’estimation du coefficient de remplissage est inférieure de 20% à la

Page 6: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 6 sur 21

moyenne mondiale. Des alliances régionales ont été constituées afin d’améliorer les

opérations des compagnies aériennes, mais l’Afrique compte un nombre d’alliances encore

inférieur à celui de l’Amérique latine. De nombreux pays ont instauré une autorité autonome

pour l’aviation civile et un système de concessions pour leurs aéroports. Mais, les résultats

restent mitigés à cause de la concurrence, des problèmes de gestion, de la gouvernance et de

la mondialisation.

1.1.2 LES INSTITUTIONS SOUS-REGIONALES

Selon la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement

(CNUCED), l’Afrique avait en 2009, onze Communautés Economiques Régionales (CER)

dont 7 zones de libres échanges et 4 unions douanières. Les domaines d’intégrations et de

coopération se composent de manière générale, au regard du tableau 2, de la manière

suivante : biens et services, investissements, migrations, accroissement de l’harmonisation du

droit commercial et convergence des politiques macroéconomiques. En termes d’objectifs

visés, il n y a que l’union économique intégrale et l’union douanière.

Page 7: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 7 sur 21

Tableau 2 : Les principales Communautés Economiques Régionales (CER) en Afrique

Principales CER

Type

Domaines d’intégration et de

coopération

Date d’entrée en

vigueur

Etats membres

Objectif spécifié

Union du Maghreb arabe (UMA)

Zone de libre échange

Biens, services, investissements, migrations

17 fév. 1989

Algérie, Jamahiriya arabe libyenne, Maroc, Mauritanie, Tunisie

Union économique intégrale

Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe (COMESA)

Zone de libre échange

Biens, services, investissements, migrations

8 déc. 1994

Angola, Burundi, Comores, Djibouti, Égypte, Érythrée, Éthiopie, Kenya, Madagascar, Malawi, Maurice, Namibie, Ouganda, République démocratique du Congo, Rwanda, Seychelles, Soudan, Swaziland, Zambie, Zimbabwe

Marché commun

Communauté des États sahélo sahariens (CEN-SAD)

Zone de libre échange

Biens, services, investissements, migrations

4 fév. 1998

Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Djibouti, Égypte, Érythrée, Gambie, Lybie, Mali, Maroc, Niger, Nigéria, République centrafricaine, Sénégal, Somalie, Soudan, Tchad, Togo, Tunisie

Zone de libre échange et intégration dans certains secteurs

Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC)

Zone de libre échange

Biens, services, investissements, migrations

1er juil. 2007

Angola, Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Rwanda, Sao Tomé et Principe Tchad

Union économique intégrale

Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)

Zone de libre échange

Biens, services, investissements, migrations

24 juil. 1993

Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Libéria, Mali, Niger, Sénégal, Sierra Leone, Togo

Union économique intégrale

Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD)

Zone de libre échange

Biens, services, investissements, migrations

25 nov. 1996

Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Kenya, Ouganda, Somalie, Soudan

Union économique intégrale

Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC)

Zone de libre échange

Biens, services, investissements, migrations

1er sept. 2000

Afrique du Sud, Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Maurice, Mozambique, Namibie, République démocratique du Congo, République Unie de Tanzanie, Swaziland, Zambie, Zimbabwe

Union économique intégrale

Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC)

Union douanière

Biens, services, investissements, migrations

24 juin 1999

Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, Tchad

Union économique intégrale

Communauté d’Afrique de l’Est (CAE)

Union douanière

Biens, services, investissements, migrations

7 juil. 2000

Burundi, Kenya, Ouganda, République Unie de Tanzanie, Rwanda

Union économique intégrale

Union douanière d’Afrique australe (UDAA)

Union douanière

Biens, services, investissements, migrations

15 juil. 2004

Afrique du Sud, Botswana, Lesotho, Namibie, Swaziland

Union douanière

Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA)

Union douanière

Harmonisation du droit commercial, convergence des politiques macroéconomiques

10 janv. 1994

Benin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo

Union douanière

Source : CNUCED, 2009

Page 8: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 8 sur 21

Sur le plan économique, il existe certes des institutions sous-régionales et/ou

suprarégionales dont la mission est d’organiser et de réguler l’activité économique. Toutefois,

beaucoup d’efforts restent à fournir pour rendre effectif et efficient le fonctionnement de ces

organes. Ces efforts doivent se faire au niveau des instances suivantes : Unions Monétaires,

Communautés Economiques, Marchés Communs, Marchés Financiers ou Bourses de Valeurs,

Banques Centrales, Banques de Développement ou d’Investissement. Par exemple, le

développement des infrastructures figure dans les traités de toutes les communautés

économiques régionales africaines, lesquelles fournissent le meilleur cadre en vue de

l’alignement des politiques sectorielles, de la conception des plans directeurs régionaux, de

l’harmonisation des régimes réglementaires et des codes d’investissement.

En Afrique centrale par exemple, malgré un cadre (existence de la CEMAC1, COBAC2,

BEAC3, …) qui devrait permettre un essor du système financier, le système financier de

l’Afrique centrale est peu diversifié avec l’inexistence d’un marché secondaire. L’intégration

monétaire est très faible, avec un manque d’initiatives régionales pour résister aux chocs. La

pratique de politiques budgétaires pro-cycliques amplifie la volatilité des Economies de la

CEMAC.

1.1.3 LA JUXTAPOSITION SECTEURS PUBLIC/PRIVE ET PROBLEMES

DE GOUVERNANCE

Sur le plan politique, depuis les indépendances, l’Afrique fait face aux problèmes de

gouvernance. Les faits montrent globalement que la démocratie n’est pas encore enracinée

dans les mœurs des gouvernants et des gouvernés. Cet état des choses serait à l’origine des

instabilités politiques récurrentes dans la majorité des pays africains.

La tendance actuelle à la décentralisation amène les Etats à transférer aux collectivités

territoriales décentralisées, qui sont leurs démembrements territoriaux, des compétences

particulières et des moyens (humains, matériels, financiers) appropriés. En réalité, la volonté

1 Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale. 2 Commission Bancaire pour l’Afrique Centrale. 3 Banque des Etats de l’Afrique Centrale.

Page 9: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 9 sur 21

de promouvoir la décentralisation dans de nombreux pays africains est ancienne. Ce processus

constitue l’axe fondamental de la promotion du développement, de la démocratie et de la

bonne gouvernance au niveau local. Il vise à rapprocher les populations locales du pouvoir

central afin de les permettre de prendre en mains leur destin. Les économistes justifient la

décentralisation par le fait qu’elle donne lieu à une redistribution plus économique et

efficace : les décisions relatives aux dépenses publiques prises à un niveau administratif plus

sensible aux besoins des administrés et plus près d’eux, ont plus de chance de refléter la

demande des services locaux, que des décisions prises par un gouvernement central lointain.

La création, la construction, l’équipement, la gestion et l’entretien des infrastructures

et équipements socio-économiques (marchés, hôpitaux, ponts, routes, centres sociaux, etc.),

l’appui multiforme aux micros projets générateurs de revenus et d’emplois relèvent aussi des

fonctions régaliennes des collectivités territoriales d’où l’encouragement à la création de

regroupements communautaires.

Les économistes institutionnalistes insistent sur l’importance de la propriété privée

comme facteur d’incitation économique et de croissance. Partout dans le monde, l’expérience

montre qu’un secteur privé local dynamique est la clé d’une croissance rapide. En Afrique, ce

secteur a difficilement accès aux moyens de financement car le continent n’est plus l’objet

d’une surenchère idéologique comme pendant la guerre froide, les Investissements Directs

Etrangers (IDE) de même que l’Aide Publique au Développement (APD) connaissent une

variation baissière. La Diaspora africaine peut donc soutenir ce secteur privé dans ses

initiatives de développement local via des transferts d’argent.

Il conviendrait de promouvoir davantage les mécanismes de refinancement direct par

les établissements financiers privés au niveau local et d’introduire sur une grande échelle de

nouveaux outils tels que des initiatives régionales d’établissements de microfinance, le

financement en monnaie locale, les garanties et les produits d’assurance. Ces actions de la

Page 10: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 10 sur 21

Diaspora africaine viseraient à toucher les populations qui échappent aux différents filets de

sécurité sociale mis en place par les pouvoirs publics ou dans le cadre des programmes d’aide

au développement.

Il faut ajouter que de part en part sur le continent africain, le secteur privé est

précautionneux en matière d’investissement. Les opérateurs du secteur de la microfinance

permettent aux Petites Moyennes Entreprises (PME) d’avoir accès aux financements. Le

système bancaire quant à lui, bien que surliquide redoute le climat des affaires du fait de

l’absence de garanties de la part des demandeurs de crédits, par exemple. En dehors de ce

problème de collatéral, les prêts aux apparentés par les banques sont défaillants.

1.1.4 LA NON PRISE EN COMPTE DE LA SOCIETE CIVILE

Si les tentatives d'intégration ont jusqu'ici échoué, la société civile et les organisations

professionnelles, souvent tenus à l’écart des institutions régionales, estiment que c'est dû au

fait que les dirigeants africains n'ont pas consulté leurs citoyens lors de l'élaboration des

stratégies et des programmes d'intégration.

En outre, de nombreux africains se heurtent à de multiples problèmes lorsqu'ils voyagent ou

qu'ils entretiennent des contacts avec des pays voisins. Les représentants de commerce sont

régulièrement harcelés aux postes de douane, et les voyageurs ordinaires doivent souvent

verser des « pots-de-vin » pour franchir les postes de police.

Juste après le Forum africain du développement, des représentants de la société civile

africaine se sont réunis à Addis-Abeba pour envisager comment participer davantage aux

initiatives régionales, et en particulier au Nouveau Partenariat pour le Développement de

l'Afrique (NEPAD). Pour favoriser la participation du secteur privé à l'intégration régionale,

la Banque Africaine de Développement (BAD) apporte son soutien à une initiative baptisée

"Table ronde des entreprises africaines".

2 LE BILAN DE L’INTEGRATION REGIONALE EN AFRIQUE

Page 11: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 11 sur 21

2.1 SUR LE PLAN ECONOMIQUE

Après le second choc pétrolier (1973), les pays africains qui avaient eu le bon esprit de

persévérer dans la voie de la croissance réelle et de ne pas réduire leurs importations de

produits industriels, commencèrent dès le début des années 1980 à s’essouffler. La dette des

pays africains est devenue depuis 1982 un véritable cauchemar pour l’ensemble de la

communauté financière internationale. La dette de ces Pays en Voie de Développement est

devenue beaucoup trop importante pour ces économies fragiles et a annihilé toute initiative de

développement. Selon Kofi Annan, en 2000, le service de la dette s’élève en moyenne à 38%

du budget des Etats d’Afrique subsaharienne et se pose comme obstacle principal à la

satisfaction des besoins humains fondamentaux. En vingt ans, l’espérance de vie a baissé de

vingt six ans au Zimbabwe, en passant de 65 à 39 ans. En dehors des pays comme l’Afrique

du Sud (la moitié du réseau ferroviaire, 40% du réseau routier, 50% de la consommation

énergétique de l’Afrique subsaharienne), ou le Nigeria (40% du commerce extérieur de

l’Afrique noire), les Economies africaines se heurtent au quotidien à d’importants goulots

d’étranglements. Parmi les démarches mises en place par la Communauté Internationale, on

peut citer les Politiques d’Ajustement et de Stabilisation ou les multiples Accords de

Partenariats Economiques pour le développement. Après leurs échecs, un relais s’est opéré à

travers l’Aide au Développement et les Flux Privés.

Plus récemment, nous percevons l’accroissement des inégalités sociales et spatiales

entre les pays et à l’intérieur des ces derniers. Ces inégalités fondent de véritables différences

entre scolarisés et illettrés, urbains et ruraux, pauvres et riches. La démocratisation de l’accès

des populations aux systèmes de santé et d’éducation qui assurerait une plus grande équité et

une meilleure efficacité de ces systèmes, nécessite donc une réorientation complète de ces

services de base. Ainsi, si nous prenons le cas de l’Afrique Australe, qui était hier la région de

loin la plus développée, elle se retrouve aujourd’hui avec l’espérance de vie à la naissance la

Page 12: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 12 sur 21

plus faible, du fait de l’ampleur de l’épidémie du VIH/SIDA. Cette réversibilité est également

présente dans l’économie, au gré de l’évolution des cours mondiaux des matières premières,

du pétrole et des cultures de rente, mais aussi de l’instabilité politique et de la désorganisation

économique.

A l’inverse, l’amélioration ou le rétablissement de certaines économies se dessine sous l’effet

notamment du renchérissement récent des coûts produits pétroliers et miniers. En somme, les

Economies de la région Afrique sont structurellement peu intégrées, peu diversifiés avec la

prépondérance su secteur agricole dans certains pays (Congo, Guinée Equatoriale, Cameroun,

…….) et une forte variation du poids de certains pays dans le PIB sous-régional, courant la

dernière décennie. Malgré la relative bonne tendance des cours du baril de pétrole, ces pays

producteurs de pétrole, pour certains d’entre-eux, restent exposés aux chocs externes comme

les récentes crises internationales de la décennie 2000. Tout ceci dessine pour l’Afrique un

présent contrasté et un avenir incertain. Car la croissance soutenue du PIB autour de 4% par

endroit et l’inflation modérée à 3% ne s’accompagnent pas de l’amélioration des conditions

de vie des populations.

2.2 SUR LE PLAN POLITIQUE

Après la proclamation en septembre 2000 des Objectifs du Millénaire pour le

Développement (OMD), de nouvelles valeurs dites universelles comme le respect des droits

de l’Homme, la bonne gouvernance, etc., se sont affirmés sur la scène internationale.

Conséquemment, les Bailleurs de Fonds ne sont plus seuls sur l’échiquier international et

doivent partager leurs espaces d’influence avec des acteurs qui s’affirment : Société civile,

ONG, Syndicats, Diplomatie des villes qui bénéficient d’une place de choix dans la gestion

des affaires publiques.

Les problèmes essentiels sont dus en partie à l’absence de volonté politique de certains

gouvernements pour faire les réformes nécessaires dans leur pays, y compris en modifiant

comme il le faudrait leurs lois et réglementations et le fonctionnement de leurs institutions.

Page 13: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 13 sur 21

3 LES NOUVELLES THEORIES ECONOMIQUES ET LE ROLE DES POUVOIRS

PUBLICS AU SEIN DES COMMUNAUTES ECONOMIQUES REGIONA LES (CER)

L’analyse des bilans des processus d’intégration économique en Afrique à partir des

grands regroupements économiques régionaux montre une dynamique effective mais lente des

programmes intégrateurs et de structuration des espaces économiques. Pourtant au niveau des

opérateurs économiques, de la circulation des biens et des personnes au niveau régional et

continental, il existe une réelle volonté de mobilité, de recherche de nouvelles opportunités et

d’échanges qui sont entravées par les considérations politiques et les intérêts particuliers des

dirigeants de certains Etats. Face à la globalisation des échanges et le renforcement des

communautés régionales en dehors de l’Afrique, le continent n’a pas d’autres alternatives que

de renforcer ses Communautés Economiques Régionales (CER) pour en faire des moteurs

relance de l’intégration économique. Cela passe par une relecture du rôle des pouvoirs publics

dans le processus de développement face à l’idéologie ambiante de libéralisation économique

et de réduction de l’intervention publique dans la régulation économique.

En effet, Les nouvelles initiatives entreprises témoignent d'une perspective plus

globale et une remise en cause des théories et analyses classiques. Contrairement à ce qui

avait été décidé lors des initiatives précédentes, l'intégration ne peut être obtenue en adoptant

seulement des programmes politiques ou en privilégiant exclusivement la situation

économique. Les premières approches de l'Afrique en matière d'intégration régionale, comme

le Plan d'action de Lagos de 1980, tendaient à accorder à l'Etat un rôle prépondérant. Mais

nombre de Gouvernements africains n'avaient ni les ressources financières ni la crédibilité

politique qui leur auraient permis de mettre en œuvre les politiques correspondantes, même à

l'intérieur de leurs frontières. D’où la nécessité de nouvelles réflexions sur la notion

d’intégration régionale en Afrique et le rôle des pouvoirs publics au sein des CER.

3.1 REFLEXION AUX STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT EN AFRIQU E :

REGIONALISME ET THEORIE DE LA CROISSANCE ENDOGENE

Page 14: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 14 sur 21

L’intégration régionale représente un transfert des mécanismes économiques

nationaux sur une échelle élargie. Les premières approches théoriques assimilent l’intégration

régionale à la création d’une Zone de Libre Echange (ZLE) ou d’une Union Douanière

caractérisées par l’élimination, à l’échelle régionale, des barrières commerciales et des

mesures discriminatoires. Les auteurs néoclassiques insistent sur l’unification des marchés

nationaux au sein d’un marché régional qui respecte les conditions générales de l’équilibre.

Ainsi, l’essentiel de la théorie moderne des unions douanières est lié à la distinction posée par

Jacob Viner en 1950 entre les effets de création et de déviation de commerce. Les théories

néo-classiques de la croissance dont le modèle Solow, ont considéré que les déterminants à

long terme de la croissance économique étaient essentiellement fonction des évolutions

démographiques et technologiques, indépendamment des comportements économiques.

Grâce aux théories endogènes de la croissance, il existe un cadre renouvelé des

sources de la croissance économique considéré comme un phénomène essentiellement

économique, utile pour tirer des enseignements clés de la croissance économique en Afrique.

Ces nouvelles théories préconisent entre autres : une grande diversité des sources de

croissance, l’investissement, la recherche et l’innovation technologique, et une rentabilité

marginale du capital indépendante du stock de capital et rendant la croissance auto-entretenue

possible en fonction de l’évolution du taux d’épargne. Il ressort de cette approche, une

inflexion aux théories économiques ultralibérales niant toute efficacité au rôle économique de

l’Etat dans l’impulsion de la croissance économique et des politiques structurelles. Il revient

désormais aux Etats africains d’assumer leur rôle d’impulsion de la croissance en jouant sur

tous les leviers nécessaires.

3.1.1 LIBRE ECHANGE OU PROTECTIONNISME EN AFRIQUE ?

D’après la précédente théorie, les avantages comparatifs peuvent être le résultat et non

la cause des échanges internationaux de biens et de services. La croissance des échanges

provoquant une augmentation de la production réduit les coûts unitaires du fait des économies

Page 15: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 15 sur 21

d’échelle et confère un avantage aux firmes. En conséquence, les nouvelles approches du

commerce international permettent d’envisager des politiques commerciales plus

pragmatiques, associant un protectionnisme sectoriel temporaire et une tendance libre

échangiste tenant compte des circonstances et des choix collectifs. Les Communautés

Economiques Régionales (CER) ont un rôle clé à jouer dans l’expertise et l’assistance

technique à fournir aux Etats dans les négociations commerciales, la définition de politiques

industrielles et la promotion des produits locaux dans un cadre concurrentiel. L’intervention

publique doit ainsi garantir les mutations technologiques et l’accumulation du capital

nécessaire à la croissance économique à travers les CER.

D’après les travaux de Romer et Lucas (1988, 1990), les effets externes du capital

physique et humain sont déterminants pour la croissance économique. Le développement de

la recherche fondamentale et appliquée et l’amélioration de l’environnement des opérateurs

privés pourraient nécessiter l’intervention publique dans une perspective de croissance

économique forte et soutenue. Les initiatives en cours dans la promotion des infrastructures à

travers le partenariat public/privé sont encourageantes et devraient aller au-delà de ce secteur.

Outre le développement des infrastructures économiques pour créer les conditions de viabilité

et de rentabilité des affaires du secteur privé, d’autres secteurs méritent également une

attention pour relever les défis de l’Afrique. Il s’agit des innovations technologiques, de la

Recherche-Développement, des systèmes financiers et monétaires adaptés et sains.

En Afrique, beaucoup d’espaces économiques étant caractérisés par une similarité des

structures de production et des matières premières exportées aux cours volatiles sur les

marchés internationaux, il est important de procéder à des réformes pour créer les

complémentarités nécessaires aux économies en intégration. En clair, l’intégration

économique régionale ne doit plus être vue seulement sous l’angle de l’élargissement des

marchés et des opportunités d’affaires, mais il est également important d’étudier au préalable

Page 16: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 16 sur 21

les mécanismes d’incitations susceptibles de favoriser localement l’offre de biens et services

répondant aux besoins et au pouvoir d’achat des consommateurs.

3.1.2 L’ETAT ET LE MARCHE

Le Plan d'action de Lagos de 1980 tendait à accorder à l'Etat un rôle prépondérant. Mais

nombre de gouvernements africains n'avaient ni les ressources financières ni la crédibilité

politique qui leur auraient permis de mettre en œuvre les politiques correspondantes, même à

l'intérieur de leurs frontières. Certains étaient paralysés par la guerre civile ou en conflit avec

un ou plusieurs de leurs voisins, ce qui a freiné les progrès en matière de coopération.

Les crises économiques qui se sont abattues sur la plus grande partie de l'Afrique à la fin des

années 1970 et au début des années 1980 n'ont fait que nuire davantage aux efforts

d'intégration. Elles ont également permis aux pays donateurs et aux Institutions Financières

Internationales (IFI) comme le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale

(BM) de préconiser une grande réforme des politiques économiques. Les Programmes

d'Ajustement Structurel (PAS) que les pays ont adoptés sous pression ont abouti à la

privatisation de centaines d'entreprises publiques, à une libéralisation généralisée du

commerce et à une contraction des activités des secteurs publics.

Malgré la suppression des barrières tarifaires et autres obstacles au commerce, les échanges

entre les pays africains n'ont pas beaucoup augmenté. La plupart des pays africains ont

continué à exporter des produits de base vers les pays industrialisés et à importer des produits

finis venant d'autres continents. Tant que les pays africains ne sont pas en mesure de produire

davantage de biens manufacturés pouvant être vendus aux pays voisins, les mesures de

libéralisation des échanges ne suffiront pas à faire augmenter sensiblement le volume du

commerce intra régional.

Les politiques de libéralisation ont ouvert les marchés africains aux produits manufacturés

provenant des industries du Nord, les fabricants locaux n’arrivent pas encore à faire face à

cette concurrence. Le jeu des forces du marché contribue aussi à exacerber les inégalités entre

Page 17: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 17 sur 21

pays. En effet, la libéralisation du commerce ne peut servir de base à un processus de

véritable intégration puisque les inégalités en matière de production tendront à créer des

déficits commerciaux intenables.

Face à ces risques, de nombreux partisans de l'intégration régionale estiment qu'il ne faut pas

réduire davantage la part de l’Etat, ce dernier devant au contraire jouer un rôle actif. Ce dont

les pays africains ont besoin, ce sont des Etats solides et démocratiques pouvant former de

véritables partenariats avec le secteur privé. Leurs efforts conjugués permettront d'améliorer

les routes, les circuits commerciaux et d'autres infrastructures essentielles de la région.

Privilégier simplement la libéralisation ne marchera pas, car nous avons l'exemple des pays de

l'Asie de l'Est, dans lesquels les partenariats formés avec les gouvernements ont aidé de façon

décisive les entreprises locales à se développer et de s'imposer à l'échelle mondiale.

3.2 CONCILIATION DES INTERETS : ETRE AMBITIEUX ET R ESTER REALISTE

Comme dans d'autres régions du monde, l'intégration régionale se heurte avant tout à

la grande diversité des pays africains : la taille, les ressources naturelles, le degré de

développement et les relations avec les marchés mondiaux. Par exemple; le Cameroun n'a pas

les mêmes intérêts économiques que son voisin pétrolifère, le Nigéria. Les coûts et les

avantages des accords commerciaux régionaux ne sont pas les mêmes en Afrique du Sud et au

Malawi. La libéralisation du commerce régional s'est traduite au Malawi par un afflux de

meubles bon marché importés d'Afrique du Sud, ce qui a causé la faillite de nombreux

fabricants locaux de meubles. Pour que l'intégration régionale aboutisse malgré ces

problèmes, il est nécessaire de procéder à un développement équilibré et équitable, de façon à

ce que tous les pays finissent par y trouver leur compte.

L'un des objectifs des organisations régionales devrait donc être de compenser ces inégalités,

car cet objectif ne peut être atteint par le seul jeu des forces du marché. Lorsqu'ils adhèrent à

des alliances régionales de grande envergure, les petits Etats peuvent attendre en contrepartie

Page 18: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 18 sur 21

une "obligation de solidarité". Nous pouvons citer par exemple le fonds commun sur les tarifs

douaniers de la Communauté de Développement de l'Afrique Australe où les revenus

provenant des droits de douane régionaux sont distribués au profit de l’ensemble des membres

de la Communauté. l'Union Douanière de l'Afrique Australe. Notons que cette dernière et la

Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont des mécanismes

de compensation comparables.

Par contre, certains pays africains craignent que la réduction ou l'élimination des tarifs

douaniers perçus sur les échanges commerciaux avec leurs partenaires régionaux les prive

d'une source importante de recettes publiques. En janvier 2000, les tarifs sur les échanges

intra-régionaux de biens produits à l'intérieur de l'Union Economique et Monétaire Ouest-

Africaine (UEMOA) ont été complètement éliminés. Mais l'UEMOA dispose d'un mécanisme

permettant de compenser ce manque à gagner et bénéficiant avant tout aux pays pauvres sans

littoral faisant partie de l'Union.

Au sein du Marché Commun de l'Afrique Orientale et Australe, neuf (9) pays ont établi en

août 2000 une Zone de Libre Echange (ZLE) dotée d'un mécanisme de compensation

similaire. Certains analystes de la région estiment que ce mécanisme ne sera que temporaire,

puisque l'augmentation des échanges commerciaux finira inévitablement par stimuler les

revenus de ces pays provenant des Taxes sur la Valeur Ajoutée (TVA), qui à terme

dépasseront les revenus précédemment perçus sur les tarifs douaniers. Il n'est pas possible que

tous les pays ou groupes de pays progressent au même rythme, ce qui incite les autres

membres à renforcer leurs efforts en matière d'intégration.

En vue d’améliorer le climat des affaires et de faire face à un éventuel retournement du prix

du pétrole et au ralentissement de l’investissement public et de la croissance du secteur privé

dans certains pays, il est suggéré un accroissement des transferts intra-régionaux, une

accumulation suffisante des épargnes budgétaires, et d’apprécier la disponibilité des

ressources pétrolières qui sont épuisables. Il est aussi suggéré, en guise de perspective, de

prendre en compte l’instabilité politique et les problèmes de gouvernance qui sont

Page 19: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 19 sur 21

suffisamment imprévisibles, le respect des textes juridiques des Institutions sous-régionales

par les acteurs des secteurs public et privé, la libre circulation des Hommes et des Biens, le

respect des normes environnementales imposé par la Communauté Internationale, le

recadrage des politiques de subventions à l’agriculture et aux carburants,… Toutes choses de

nature à restructurer le marché boursier au niveau sous-régional et ensuite régional, diversifier

les Economies, instaurer une croissance solidaire en vue d’une redistribution des fruits de la

croissance.

CONCLUSION

L’intégration régionale est une priorité pour les pays africains dans un contexte de

mondialisation et de libéralisation. Les diverses initiatives régionales en matière de

coopération économique permettent de constater des progrès, même s’ils sont lents. Les

problèmes essentiels sont dus en partie à l’absence de volonté politique de certains

gouvernements pour faire les réformes nécessaires dans leur pays. Conscients des défis de la

mondialisation, les dirigeants africains ont exprimé leur désir constant d’approfondir

l’intégration régionale, y compris par la création d’un marché commun. Plusieurs initiatives

concrètes en matière d’intégration sont entreprises pour faciliter le commerce en forgeant des

mécanismes de coopération aux niveaux régional et sous-régional.

L’intégration économique régionale a un rôle important à jouer dans la quête de

croissance économique accélérée et du développement durable en Afrique. Elle devrait

permettre : l’expansion de la taille du marché qui favorisera une plus grande spécialisation et

industrialisation à travers des économies d’échelle ; une meilleure coordination de l’Aide et

une efficacité dans l’utilisation des rares ressources disponibles; l’accélération de

l’investissement et la compétitivité des économies ; l’accroissement des échanges entre pays

membres grâce à la levée des barrières commerciale ; et une amélioration rapide et massive de

l’allocation efficiente et dynamique des ressources.

Page 20: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 20 sur 21

Contrairement à ce qui avait été décidé lors des initiatives précédentes, l'intégration ne

peut être obtenue en adoptant seulement des programmes politiques ou en privilégiant

exclusivement la situation économique. En ce sens, l'intégration politique et l'intégration

économique sont inextricablement liées et passent par la démocratisation des organisations

régionales africaines, une plus grande circulation des biens et des individus entre pays et des

mesures collectives de lutte contre des problèmes transfrontaliers.

Face aux obstacles auxquels se heurtent les efforts d'intégration régionale en Afrique, les

partisans d'une plus grande unité ont défini plusieurs conditions à satisfaire : faire figurer la

paix au cœur de toute stratégie d’intégration ; faire participer les associations de la société

civile et les groupements professionnels; parvenir à un équilibre entre les initiatives

économiques du secteur public et privé ; concilier les intérêts parfois contradictoires de pays

différents par leur taille, leurs ressources naturelles et leurs résultats économiques ; procéder à

l'intégration à un rythme qui soit à la fois ambitieux et réaliste ; rationaliser les Institutions

régionales dans le souci de réduire les efforts redondants et l'inefficacité.

BIBLIOGRAPHIE

CEA (2004). État de l’intégration régionale en Afrique: Une étude de la CEA. Addis-Abeba.

CEA (2006). État de l’intégration régionale en Afrique II: Rationalisation des communautés

économiques régionales.

CEA (2008). État de l’intégration régionale en Afrique III: Vers l’intégration monétaire et

financière en Afrique.

CNUCED (2009). Le développement économique en Afrique : Renforcer le développement

économique en Afrique.

Gankou J-M., Tchitchoua J. et Feubi Pamen E. P. (Mars 2013), « Emergence économique

nationale, préalable ou résultante à l’émergence économique régionale ? », Communication au

3éme congrès des économistes africains, Dakar, Sénégal.

Page 21: INTEGRATION REGIONALE ET RELANCE … · 1 LES OBSTACLES A L’INTEGRATION REGIONALE ... les défauts de coordination entre les secteurs public et privé et la mauvaise gouvernance

Conférence Economique Africaine, «L’intégration régionale en Afrique », Johannesbourg-Afrique du Sud, Octobre 2013.

« Intégration régionale et relance économique en Afrique »

Page 21 sur 21

Germain Ndjieunde et al. (Décembre 2005), « Performances économiques des pays africains

de la zone franc », CREA 302 pages.

Lucas, R. E. Jr. (1988). “The Mechanics of the Economic Development”, Journal of

Monetary Economics 22 (July): 3-42.

Patrice Vimard et al., (2007), « L’Afrique face à ses défis démographiques : un avenir

incertain ». Editions Benoît Ferry, Paris Nogent-sur-Marne, AFD, Ceped, Karthala.

Policy Paper-Economic Cooperation and regional Integration, ADF/BD/WP/2000/17/Rev.1;

Romer, P. M. (1990). “Endogenous Technological Change”, Journal of Political Economy

98 (October, Part 2): S71-S102.

Solow, R. M. (1956). “A Contribution to the Theory of Economic growth”, Quarterly Journal

of Economics 70 (February): 65-94.

Viner J. (1950). The Customs Union Issue. Washington, DC, Carnegie Endowment for

International Peace.