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Journal français d’ophtalmologie (2010) 33, 391—396 COMMUNICATION DE LA SFO Intérêt de mesurer les acuités visuelles très basses dans un centre de réadaptation pour déficients visuels A chart for low visual acuities: Experience in a center for low vision and rehabilitation P. Bonavolonta a , I. Travade b , R. Forte a , I. Rebeyrotte b , J.-P. Adenis c , P.-Y. Robert c,a Service d’ophtalmologie, université Federico II, Naples, Italie b Service de réadaptation visuelle, hôpital de jour Baudin, Limoges, France c Service d’ophtalmologie, CHU Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges cedex, France Rec ¸u le 6 juillet 2009 ; accepté le 8 mars 2010 Disponible sur Internet le 20 mai 2010 MOTS CLÉS Déficit visuel ; Réadaptation ; ETDRS ; Fixation Résumé Introduction. — Les échelles actuellement utilisées pour évaluer l’acuité visuelle (AV) per- mettent de mesurer jusqu’à 20/1000 e à un mètre (Snellen) et jusqu’à 1/40 e à un mètre (ETDRS). Patients et méthodes. — Nous avons mis au point une échelle personnelle, permettant d’évaluer l’AV de loin jusqu’à des acuités de 1/400 e . Nous avons inclus de fac ¸on prospective tous les patients pris en charge entre septembre 2007 et janvier 2009 dans le service de réadapta- tion visuelle d’un hôpital à Limoges (France). Chez tous les patients, nous avons retenu comme paramètres d’étude la mesure de l’AV de loin (par échelle ETDRS LogMAR à quatre mètres et à un mètre, et par notre échelle personnelle « basse vision » LogMAR à un mètre) et de près (par échelle Parinaud à 30 cm, convertie en LogMAR) avec la meilleure correction optique, d’abord sur tous les yeux, puis sur le meilleur œil. Résultats. — Cent seize yeux (58 patients, 34 femmes et 24 hommes avec un âge moyen de 69 ± 19,4ans [19—94]) ont été inclus dans l’étude. L’AV moyenne parmi tous les cas consi- dérés était de 0,97 ± 0,58 logMAR de loin et 0,28 ± 0,2 LogMAR de près. Cinquante-deux yeux présentaient une AV inférieure à 1/20 e (1,86 ± 0,5 LogMAR de loin et 0,08 ± 0,05 LogMAR de près). Parmi tous les patients, l’AV moyenne du meilleur œil en log MAR était de 0,87 ± 0,6 de loin et de 0,34 ± 0,2 de près. Dix-huit patients sur 58 (31 %) avaient une AV du meilleur œil inférieure à 1/20 e . Communication orale présentée au 115 e congrès de la Société franc ¸aise d’ophtalmologie en mai 2009. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P.-Y. Robert). 0181-5512/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jfo.2010.03.013

Intérêt de mesurer les acuités visuelles très basses dans un centre de réadaptation pour déficients visuels

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Page 1: Intérêt de mesurer les acuités visuelles très basses dans un centre de réadaptation pour déficients visuels

Journal français d’ophtalmologie (2010) 33, 391—396

COMMUNICATION DE LA SFO

Intérêt de mesurer les acuités visuelles très bassesdans un centre de réadaptation pour déficientsvisuels�

A chart for low visual acuities: Experience in a center for low visionand rehabilitation

P. Bonavolontaa, I. Travadeb, R. Fortea,I. Rebeyrotteb, J.-P. Adenisc, P.-Y. Robertc,∗

a Service d’ophtalmologie, université Federico II, Naples, Italieb Service de réadaptation visuelle, hôpital de jour Baudin, Limoges, Francec Service d’ophtalmologie, CHU Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King,87042 Limoges cedex, France

Recu le 6 juillet 2009 ; accepté le 8 mars 2010Disponible sur Internet le 20 mai 2010

MOTS CLÉSDéficit visuel ;Réadaptation ;ETDRS ;Fixation

RésuméIntroduction. — Les échelles actuellement utilisées pour évaluer l’acuité visuelle (AV) per-mettent de mesurer jusqu’à 20/1000e à un mètre (Snellen) et jusqu’à 1/40e à un mètre (ETDRS).Patients et méthodes. — Nous avons mis au point une échelle personnelle, permettantd’évaluer l’AV de loin jusqu’à des acuités de 1/400e. Nous avons inclus de facon prospective tousles patients pris en charge entre septembre 2007 et janvier 2009 dans le service de réadapta-tion visuelle d’un hôpital à Limoges (France). Chez tous les patients, nous avons retenu commeparamètres d’étude la mesure de l’AV de loin (par échelle ETDRS LogMAR à quatre mètres et àun mètre, et par notre échelle personnelle « basse vision » LogMAR à un mètre) et de près (paréchelle Parinaud à 30 cm, convertie en LogMAR) avec la meilleure correction optique, d’abordsur tous les yeux, puis sur le meilleur œil.Résultats. — Cent seize yeux (58 patients, 34 femmes et 24 hommes avec un âge moyen de

69 ± 19,4 ans [19—94]) ont été inclus dans l’étude. L’AV moyenne parmi tous les cas consi-dérés était de 0,97 ± 0,58 logMAR de loin et 0,28 ± 0,2 LogMAR de près. Cinquante-deux yeuxprésentaient une AV inférieure à 1/20e (1,86 ± 0,5 LogMAR de loin et 0,08 ± 0,05 LogMAR deprès). Parmi tous les patients, l’AV moyenne du meilleur œil en log MAR était de 0,87 ± 0,6 deloin et de 0,34 ± 0,2 de près. Dix-huit patients sur 58 (31 %) avaient une AV du meilleur œilinférieure à 1/20e.

� Communication orale présentée au 115e congrès de la Société francaise d’ophtalmologie en mai 2009.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (P.-Y. Robert).

0181-5512/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.jfo.2010.03.013

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392 P. Bonavolonta et al.

Conclusion. — Dans un centre de réadaptation pour déficients visuels, l’utilisation d’une échelleLogMAR adaptée aux mesures des très basses acuités a été nécessaire dans un cas sur trois pourchiffrer l’AV. Cette évaluation permet de mieux expliquer au patient la nature de son déficitvisuel et de le rassurer sur sa capacité restante.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSVisual impairment;Rehabilitation;ETDRS;Fixation

SummaryIntroduction. — Commonly used visual test charts can be used to measure 1-m minimal visualacuities (VA) of 20/1000 (Snellen chart) and 1/40 (Early Treatment of Diabetic Retinopathy Study[ETDRS] charts).Methods. — In a prospective study, we considered all patients who visited in a Low Vision andRehabilitation Center between September 2007 and January 2009. Distance best corrected VA(DBCVA) was evaluated with the ETDRS LogMAR 4-m chart and a customized ETDRS 1-m chart,while near best corrected VA (NBCVA) was measured with the LogMAR conversion of the Parinaud30-cm chart.Results. — One hundred and sixteen eyes (58 patients; 34 males and 24 females with a mean ageof 69 ± 19.4 [19—94] years) were included in the study. Mean DBCVA was 0.97 ± 0.58 LogMAR,mean NBCVA was 0.28 ± 0.2 LogMAR. In 52 eyes (44.8%), distance VA was less than 1/20 (DBCVA1.86 ± 0.5 LogMAR, NBCVA 0.08 ± 0.05 LogMAR). Among the 58 best seeing eyes, DBCVA was0.87 ± 0.6 LogMAR, while NBCVA was 0.34 ± 0.2 LogMAR. In 18 of 58 cases (31%), distance VAwas less than 1/20 (DBCVA 1.86 ± 0.59 and NBCVA 1.51 ± 0.42).Conclusion. — In a center for low vision and visual rehabilitation, a customized chart was neces-sary in 31% of cases for evaluation of VA. A fine measurement of low VA is useful for baseline

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assessment and for evaluati© 2010 Elsevier Masson SAS

ntroduction

a réadaptation des déficients visuels en centre spécialiséait appel à une approche multidisciplinaire, impliquantrthoptistes, opticiens, ophtalmologistes, ergothérapeutes,nstructeurs en locomotion, psychologues, psychomotri-iens, assistants sociaux. Ces centres sont amenés à seévelopper en France dans les années à venir, compteenu qu’avec l’augmentation de l’espérance de vie, leombre de gens âgés est supposé augmenter d’une faconarquée, amenant à une augmentation du nombre deatients présentant des pathologies oculaires liées à l’âget des baisses d’acuité visuelle (AV) [1]. Les études leslus récentes rapportent une incidence de cécité et deasse vision de 3,5 % chez les personnes de plus de 40 ansux États-Unis [2] et une incidence de cécité en Europeomprise entre 0,2 % en France et 0,7 % au Royaume-Uni3].

Légalement en France, sont considérées comme mal-oyantes les personnes dont l’AV corrigée du meilleur œil estomprise entre 1/20e et 4/10e ou dont le champ visuel estgal ou inférieur à 20◦. Sont considérées comme aveugles,es personnes dont l’AV du meilleur œil et après correctionst égale ou inférieure à 1/20e ou dont le champ visuel estgal ou inférieur à 10◦.

En cas de baisse visuelle irrémédiable, les aides pourasse vision et la rééducation visuelle ont prouvé leur uti-ité, abstraction faite de la cause du déficit visuel [4—6].

armi les déficients visuels, on estime que 70 à 100 % pour-aient bénéficier de l’aide et réadaptation [7—10] avec unemélioration des capacités fonctionnelles et de la qualitée vie.

cbefr

f changes during rehabilitation.rights reserved.

Les mesures classiques de l’AV à l’aide des échellese Monoyer sur projecteur de tests s’arrêtent à 1/10e,/20e pour quelques-unes. Les échelles ETDRS, qui peuventtre utilisées à quatre mètres ou à un mètre, permettent’évaluer des acuités plus basses, jusqu’à 1/40e. Nous avonsoulu évaluer l’utilité de mesurer des acuités plus bassesncore, entre 1/400e et 1/40e, auprès de patients prisn charge dans un centre de réadaptation pour déficientsisuels.

éthodes

ans cette étude prospective descriptive, nous avonsnclus tous les patients pris en charge au service deéadaptation visuelle de l’hôpital Baudin à Limoges entreeptembre 2007 et janvier 2009.

Chaque patient a été évalué par mesure de l’AV parchelle ETDRS LogMAR à quatre mètres, puis à un mètre,ar une échelle personnelle « basse vision » LogMAR àn mètre (Fig. 1). Cette échelle a été établie avec unalcul de largeur l de l’optotype à un mètre selon la for-ule l = (0,029 cm × 10LogMAR) (Tableau 1, Fig. 1). L’AV derès a été évaluée par une échelle de Parinaud à 30 cm. Lesaleurs obtenues ont été converties en LogMAR. Dans touses cas, une évaluation de la fixation à l’examen à la lampefeinte a été réalisée et la fixation a été classifiée comme

entrale (fovéale) ou excentrée (loin de la fovea). Après unilan de préadmission, les patients ont été pris en charget soignés par une équipe d’au moins deux thérapeutes enonction de leur handicap (orthoptistes, opticiens, ergothé-apeutes, instructeurs en locomotion, de psychologues, de

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Intérêt de mesurer les acuités visuelles très basses 393

Figure 2. Distribution des acuités visuelles des yeux meilleurs de5

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Figure 1. Échelle personnelle « basse vision » LogMAR à 1 m utili-sée pour évaluer les très basses acuités visuelles.

psychomotriciens, d’assistantes sociales) pour une rééduca-tion en hôpital de jour de 20 à 40 séances.

Une prise en charge orthoptique a été proposée quandla perte de l’AV entraînait une perte de la qualité de vieavec un handicap visuel pour la lecture et/ou pour les actescourant de la vie journalière. La prise en charge du patientpouvait privilégier un équipement optique seul (loupe,lunette microscopique, éclairage, filtres RT® ou CPF®) oubien une rééducation associée à un système télescopique(téléagrandisseur) ou système vidéo. Un bénéfice pouvaitêtre apporté par un travail sur les stratégies visuelles etcognitives.

L’analyse statistique a été effectuée avec le logiciel SPSSversion 13.0 for Windows (SPSS Inc., Chicago, IL).

Le but de cette étude était de connaître, parmi unepopulation de déficients visuels admis en réadaptation, lapopulation réelle de patient dont l’AV est chiffrable.

Résultats

Cent seize yeux (58 patients, 34 femmes et 24 hommes avecun âge moyen de 69 ± 19,4 ans [19—94]) ont été inclus dansl’étude. Les causes de la baisse de vision sont résumées dansle Tableau 2.

L’AV moyenne parmi tous les yeux considérés étaitde 0,97 ± 0,58 LogMAR de loin et de 0,28 ± 0,2 LogMAR deprès. Cinquante-deux yeux présentaient une AV inférieure à1/20e. Exprimée en logMAR, l’acuité moyenne de ces yeuxinférieurs à 1/20e était de 1,86 ± 0,5 LogMAR de loin et de

r2qlo

8 patients.

,08 ± 0,05 de près. La fixation était centrale dans 33 yeux28,4 %) et excentrée dans 83 yeux (71,6 %). Un nystagmustait présent dans six yeux (5,2 %), tandis qu’une absencee fixation était présente dans quatre yeux (2,6 %).

Parmi tous les patients, l’AV moyenne du meilleur œil enogMAR était de 0,87 ± 0,6 de loin et de 0,34 ± 0,2 de près.ix-huit patients sur 58 (31,0 %) avaient une AV du meilleuril inférieure à 1/20e (Tableau 3, Fig. 2). Parmi les meilleurs

eux, la fixation était centrale chez 14 patients (24,1 %) etxcentrée chez 44 patients (75,9 %). Les patients avec acuiténférieure à 1/20e avaient tous une fixation excentrée. Deuxatients avaient une acuité inférieure à 1/400e sur leureilleur œil. Parmi ces deux patients, l’un avait un nys-

agmus et l’autre une absence totale de fixation avec uneerception lumineuse orientée.

iscussion

’incidence de la basse vision a augmenté dans les dernièresnnées avec l’allongement de la vie moyenne. Un triple-ent de perte de la vision peut être attendu avec chaqueécennie supplémentaire de vie après l’âge de 40 ans et à0 ans presque la moitié de la population présente une baisseisuelle, et une personne sur six est classée officiellementomme aveugle [11].

La basse vision présente un impact économique impor-ant et un coût élevé pour la société. Taylor et al. [12]nt estimé les coûts financiers directs et indirects dea perte de vision à 252 dollars australiens pour chaqueustralien, ce qui représente 0,6 % du produit internerut. Par conséquent, comme les auteurs ont signalé,ême un pays développé ne peut pas se permettre uneerte évitable de la vision. En effet, l’impact financiere l’affaiblissement visuel apparaît équivalent à celui duancer, de la démence ou des rhumatismes [13]. D’aprèsne étude sur les malades de l’assistance médicale amé-icaine, les coûts de soin liés aux yeux étaient de USD

37—407 plus élevés chez les personnes avec basse visionue chez les personnes avec vision normale, alors quees coûts non liés aux yeux, comme la perte de gainsu de bien-être, étaient de USD 2,198—4,443 plus élevés,
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394 P. Bonavolonta et al.

Tableau 1 Calcul de la taille de l’optotype à 1 et 5 m.

Log MAR Decimal Quantième Dixièmes Taille (cm) de l’optotype

À 1 m À 5 m

0 1,000 1,0 10,0 0,0 0,10,1 0,794 1,3 7,9 0,0 0,20,2 0,631 1,6 6,3 0,0 0,20,3 0,501 2,0 5,0 0,1 0,30,4 0,398 2,5 4,0 0,1 0,40,5 0,316 3,2 3,2 0,1 0,50,6 0,251 4,0 2,5 0,1 0,60,7 0,200 5,0 2,0 0,1 0,70,8 0,158 6,3 1,6 0,2 0,90,9 0,126 7,9 1,3 0,2 1,21 0,100 10 1,0 0,3 1,51,1 0,079 13 0,8 0,4 1,81,2 0,063 16 0,6 0,5 2,31,3 0,050 20 0,5 0,6 2,91,4 0,040 25 0,4 0,7 3,61,5 0,032 32 0,3 0,9 4,61,6 0,025 40 0,3 1,2 5,81,7 0,020 50 0,2 1,5 7,31,8 0,016 63 0,2 1,8 9,11,9 0,013 79 0,1 2,3 11,52 0,010 100 0,1 2,9 14,52,1 0,008 126 0,1 3,7 18,32,2 0,006 158 0,1 4,6 23,02,3 0,005 200 0,1 5,8 28,92,4 0,004 251 0,0 7,3 36,42,5 0,003 316 0,0 9,2 45,92,6 0,003 398 0,0 11,5 57,72,7 0,002 501 0,0 14,5 72,72,8 0,002 631 0,0 18,3 91,5

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2,9 0,001 7943 0,001 1000

elon le degré de perte de vision. De plus, ces coûts aug-entaient presque linéairement avec l’aggravation de laerte de vision [14]. Ces études montrent la nécessité derendre en charge, d’évaluer et de réadapter les déficientsisuels.

L’utilisation d’une échelle de mesure visuelle person-elle « basse vision » LogMAR à un mètre nous a permis’évaluer les visions comprises entre 1,6 et 2,6 LogMAR1/40e—1/400e) et donc de quantifier en détail l’entitéxacte de la vision restante. Le tableau d’optotypes denellen est concu pour mesurer l’AV en termes angulaires.a convention acceptée ne spécifie pas l’acuité en uniténgulaire, mais utilise une notation dans laquelle le numé-ateur est la distance d’examen (en pieds ou mètres, D) ete dénominateur est la distance (en pieds ou mètres, D) àaquelle une lettre sous-tend l’angle visuel standard de cinqinutes d’arc (AV de Snellen, V = d/D). Donc, sur la lignee 20/20 (6/6 en mètres), une lettre sous-tend un angle de

inq minutes quand le tableau est regardé à 20 pieds. Leableau de Snellen permet de mesurer les acuités visuellesusqu’à 20/1000e à un mètre. Le réciproque de la frac-ion Snellen représente l’angle minimum de résolution oue reconnaissance (MAR). Le logarithme en base 10 du réci-

fimem

0,0 23,0 115,20,0 29,0 145,0

roque de la fraction Snellen se rapproche du logarithmee l’angle minime de résolution (LogMAR), qui est utiliséar les tableaux ETDRS et qui représente un système deesure linéaire par contraste avec tous autres systèmes non

inéaires de mesure de l’AV. Avec le tableau ETDRS, il est pos-ible d’obtenir une interpolation (entre 0,1 unité LogMAR)vec cinq lettres sur chaque ligne, en assignant 0,02 unitéogMAR pour chaque lettre lue correctement sur chaqueigne. Le tableau ETDRS LogMAR permet de mesurer les acui-és visuelles jusqu’à 1/40e à un mètre.

Dans notre étude, nous avons utilisé une échelle LogMARoncue expressément pour évaluer les visions inferieures à/40e jusqu’à 1/400e. Même si on a démontré qu’un déficitisuel modéré unilatéral pouvait avoir un impact importantur la qualité de vie et sur l’indépendance fonctionnelle15], l’évaluation des acuités visuelles sur le meilleur œilous a permis d’évaluer le niveau d’autonomie possible desatients.

Dans cette étude, la plupart des yeux présentaient unexation excentrée à l’évaluation à la lampe à fente. Récem-ent, une nouvelle méthode diagnostique a été introduite

n pratique clinique courante, la micropérimétrie qui per-et, avec une extrême précision, de définir le point de

Page 5: Intérêt de mesurer les acuités visuelles très basses dans un centre de réadaptation pour déficients visuels

Intérêt de mesurer les acuités visuelles très basses 395

Tableau 2 Causes de la baisse de vision parmi 116 yeux.

Pathologies n %

Dégénérescence maculaire liée à l’âge (atrophique) 35 29,9Dégénérescence maculaire liée à l’âge (exsudative) 24 20,5Rétinite pigmentaire 10 8,5Glaucome 9 7,7Rétinopathie diabétique 9 7,7Décollement de rétine 5 4,2Rétinopathie myopique 4 3,4Horror fusionis 2 1,7Kératocône 2 1,7NORB sur sclérose en plaques 2 1,7Rétinopathie des prématurés 2 1,7Occlusion veineuse 2 1,7Syndrome de Wallemberg 2 1,7Thrombophlébite cérébrale sur thrombocytémie essentielle 2 1,7Rétinopathie de Bardet Biedl 2 1,7NOIA 2 1,7Neuropathie traumatique 1 0,8Embole sur septicémie 1 0,8Kératopathie d’exposition 1 0,8

isché

iql[ppcetatp

cpsq

NORB : névrite optique rétrobulbaire ; NOIA : neuropathie optique

fixation rétinien et le seuil de sensibilité différentielle de larétine [16]. Puisqu’en présence d’une atteinte maculaire, unnouveau point de fixation peut se développer (aire de fixa-tion préférentielle ou preferred retinal locus [PRL]) avecun déplacement excentrique de la fixation, la localisationde ce point et sa rééducation à travers du micropérimètremême pourraient représenter des importantes perspectivespour la réadaptation des déficients visuels.

Les déficients visuels ayant une baisse de vision impor-tante présentent souvent un terrain dépressif [14,17,18]et un risque augmenté de suicide [19]. Un travail surl’amélioration de la connaissance par le patient de son défi-cit visuel et cognitif permet de lever, dans une certainemesure, l’angoisse du patient par la connaissance de sonhandicap.

Notre échelle spécifique a permis de quantifier l’AVchez 12 patients de plus qu’avec les échelles classiques qui

e

s’arrêtent à 1/20 et chez sept patients de plus que l’échelleETDRS qui s’arrête à 1/40e, lorsque n’est considéré que lemeilleur œil.

La baisse de vision joue un rôle considérable dans ledéveloppement d’invalidité et représente une des plus

égndà

Tableau 3 Évaluation du meilleur œil parmi 116 yeux.

AV de loin, échelle deMonoyer (LogMAR)

Nombre depatients (%)

5/10e-10/10e (< 0,3) 11 (18,9 %)2/10e—5/10e (0,3—0,6) 17 (29,3 %)1/10e—2/10e (0,7—0,9) 4 (6,8 %)1/20e—1/10e (1,0—1,2) 8 (13,7 %)1/40e—1/20e (1,3—1,5) 12 (20,6 %)< 1/40e (≥ 1,6) 6 (10,3 %)

mique antérieure.

mportantes causes de limitation des activités de la vieuotidienne. On sait qu’un suivi ophtalmologique régu-ier permet de réduire le handicap visuel et général20,21]. Parmi les malvoyants, de 70 à 100 % des patientsourraient bénéficier d’aides pour basse vision ou d’unrogramme de réadaptation [7,22]. Les aides et la réédu-ation paraissent améliorer les capacités fonctionnellest la qualité de vie [23,24]. L’étude précise de l’AV ini-iale, même très basse, et du point de fixation, qui peutujourd’hui bénéficier des techniques de micropérimé-rie, apparaît cruciale dans l’évaluation initiale de cesatients.

Le genre masculin, la résidence en milieu rural et uneapacité cognitive réduite ont été associés avec la non-articipation aux programmes de suivi visuel [25,26]. Untatut socioéconomique bas a été rapporté être plus fré-uent chez les personnes avec basse vision, mais aucune

tude n’a montré d’association entre le niveau pédago-ique et la condition visuelle [25—28]. Notre expérienceous montre qu’avec une prise en charge adéquate, l’étatépressif ou d’angoisse initiale cède le plus souvent le pasune estime de soi retrouvée.

AV moyenne deloin (LogMAR)

AV moyenne deprès (LogMAR)

0,11 ± 0,08 0,21 ± 0,250,41 ± 0,11 0,79 ± 0,630,72 ± 0,07 1 ± 0,461,07 ± 0,09 1,43 ± 0,491,42 ± 0,08 1,37 ± 0,422,07 ± 0,43 1,68 ± 0,35

Page 6: Intérêt de mesurer les acuités visuelles très basses dans un centre de réadaptation pour déficients visuels

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96

onclusion

e déficit visuel représente un problème important de laanté publique en raison de son impact considérable sures capacités fonctionnelles, sur l’indépendance dans la vieuotidienne et sur la nécessité d’assistance. Une évaluationne de l’AV est indispensable chez les patients malvoyantsour un meilleur encadrement du déficit fonctionnel et pourne efficace prise en charge du parcours de réadaptation.a mesure de l’AV à l’aide d’échelles de très basses acuités,orrélée à l’étude du point de fixation, permet de mieuxvaluer les patients au début d’un parcours de réadapta-ion, de mieux guider le travail de rééducation orthoptiquet permet au patient de mieux appréhender la connaissanceu’il a de son handicap.

onflit d’intérêt

es auteurs n’ont pas transmis de conflit d’intérêt.

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