40
INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE RENNES INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE PERSONNE PARAPLEGIQUE Claire BARBEAU Année 2011

INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE RENNES

INTERET D’UN

APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

PERSONNE PARAPLEGIQUE

Claire BARBEAU

Année 2011

clarisse
Zone de texte
Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est illégale.
Page 2: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

Ministère de la Santé et des sports

Région Bretagne

Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie de Rennes

INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE PERSONNE

PARAPLEGIQUE

Travail Personnel présenté par :

Claire BARBEAU

En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat

de Masseur-Kinésithérapeute

Année scolaire 2011

Page 3: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

Sommaire

Résumé et mots-clés

I. Introduction ............................................................................................................ 1 II. Bilan des déficiences (le 10 septembre 2010, un mois avant la sortie) ................. 6

A. Anamnèse et interrogatoire ............................................................................... 6 1. Présentation du patient ................................................................................... 6 2. Histoire de la maladie .................................................................................... 6

B. Bilan des fonctions............................................................................................ 7 1. Fonction douloureuse .................................................................................... 7 2. Fonction cutanée, trophique et vasculaire ..................................................... 8 3. Fonction relative à la mobilité passive .......................................................... 8 4. Fonction neurologique ................................................................................... 8 5. Fonction respiratoire ...................................................................................... 9 6. Fonction génito-urinaire et reproductive ....................................................... 9 7. Fonction neuro-végétative ............................................................................. 9 8. Aspect psychologique .................................................................................... 9

C. Bilan des activités ............................................................................................. 9 III. Diagnostic kinésithérapique ............................................................................... 10 IV. Objectifs et principes ......................................................................................... 11

A. Objectifs .......................................................................................................... 11 B. Principes .......................................................................................................... 11

V. Méthode : Optimisation du crawl ......................................................................... 11 A. Les propriétés de l’eau .................................................................................... 11

1. Effets biophysiques de l’immersion ........................................................... 12 2. Effets physiologiques de l’eau ..................................................................... 14

B. Analyse biomécanique du crawl chez le sportif ............................................. 14 1. Le mouvement des bras ............................................................................... 15 2. Le mouvement des jambes .......................................................................... 16

C. Analyse biomécanique du crawl chez M. D. .................................................. 16 D. L’appareillage : propriétés, indications ........................................................... 18 E. La mise en place des appareillages ................................................................. 19

VI. Résultats ............................................................................................................. 22 VII. Analyse des résultats .......................................................................................... 23 VIII. Discussion ....................................................................................................... 25 IX. Conclusion ......................................................................................................... 27 Références bibliographiques

Annexes

Page 4: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

Résumé

Ce travail cherche à soulever l’intérêt et la place d’un appareillage dans la restauration

d’une nage crawlée performante chez une personne paraplégique flasque.

Monsieur D. est une personne sportive ayant subi un accident de ski le 22 février 2010 et qui

a pour conséquence une fracture de la vertèbre lombaire L1, aboutissant à une paraplégie flasque de

niveau neurologique T9. Monsieur D. débute sa rééducation le 8 mars 2010, soit 14 jours après le

traumatisme. En fin de prise en charge au Centre de Rééducation de Kerpape, la rééducation est

dirigée vers le retour à domicile et la réadaptation socio-professionnelle. Une partie de la

rééducation de Monsieur D. s’est réalisée sous forme d’hydrokinésithérapie, qui permet des progrès

importants. En fin de séjour, le patient tend progressivement vers un retour au sport intensif,

notamment par la handinatation qu’il pratique environ 1 heure par jour. Or, la natation ne lui

procure plus les mêmes plaisirs qu’auparavant, la fatigue est plus rapidement atteinte, les

performances moins bonnes, ce par le manque d’hydrodynamisme du à la paraplégie. Après étude

biomécanique, il apparait que la mise en place d’un appareil adapté permettrait d’améliorer cet

hydrodynamisme. Deux appareils sont testés : une orthèse rigide et une jupe. La jupe est l’appareil

qui rend la nage crawlée de monsieur D. la plus performante et la plus proche de celle d’une

personne valide. Les projets de Monsieur D. ont été atteints.

Mots-clés

- Paraplégie (paraplégia)

- Balnéothérapie (balnéotherapy)

- Orthèse/appareillage (orthesis/equipment)

- Hydrodynamisme (hydrodynamism)

- Performances (performances)

- Milieu aquatique (aquatic environment)

- Natation (swimming)

Page 5: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

1

I. Introduction

L'étude a pour origine le cas clinique de M. D., admis depuis le 8 mars 2010 au Centre

Mutualiste de Rééducation et de Réadaptation Fonctionnelles de Kerpape à Ploemeur (56), qui

accueille des pathologies neurologiques centrales et périphériques, ortho-traumatiques,

rhumatologiques, cardio-vasculaires, pour enfants et adultes. Ce travail s'est déroulé du 30 août au

24 septembre 2010.

Durant ce stage, dans le service « neurologie médullaire », j'ai pu voir des prises en charge

rééducatives diverses et variées de paraplégies, tétraplégies et syndromes de la queue de cheval, de

la phase initiale jusqu'à la fin de la prise en charge.

M. D. est un patient paraplégique flasque ASIA C de niveau neurologique T9, suite à une fracture

de la vertèbre lombaire L1 lors d'une chute de ski survenue le 22 février 2010. Au moment de mon

stage à Kerpape, M. D. est en fin de séjour au Centre.

La paraplégie est un déficit des fonctions motrices et/ou sensitives des segments médullaires

thoraciques, lombaires ou sacrés, quelque soit la cause et le siège de la lésion. Les paraplégies

comprennent l'atteinte du tronc, des membres inférieurs et des organes pelviens. [12]

Dans 80% des cas, les lésions médullaires sont d’origines traumatiques (essentiellement par

accidents de la voie publique, accidents de sports, chutes, tentatives de suicide par défenestration),

les autres causes sont médicales :

paraplégie aiguë due à une myélomalacie, à un hématome intra ou extra médullaire

(malformation artério-veineuse, certaines scléroses en plaques...)

paraplégie progressive par processus tumoral, infectieux ou parasitaire, pathologie ostéo-

articulaire du rachis...

Les symptômes découlant de l'atteinte de la moelle sont nombreux et liés à sa physiologie :

troubles moteurs intéressant la motricité volontaire, dont l'atteinte se traduit par une

paralysie ou une parésie dont la topographie dépend du niveau de l'atteinte vertébro-médullaire et

intéressant la motricité involontaire par augmentation du tonus musculaire (spasticité) ou disparition

du tonus musculaire (paraplégie flasque)

troubles sensitifs intéressant la sensibilité superficielle et la sensibilité profonde

troubles vésico-sphinctériens et intestinaux résultant de l'atteinte de la motricité, de la

sensibilité et des réflexes, avec des fuites par regorgement et une vidange incomplète

troubles neurovégétatifs surtout dans les lésions thoraciques hautes : HyperRéflexie

Page 6: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

2

Autonome et troubles de la thermorégulation par absence de la régulation de la vasomotricité et de

la sudation dans le territoire sous-lésionnel

douleurs

troubles génito-sexuels : chez l'homme, une fonction génito-sexuelle profondément

modifiée avec une érection réflexe absente si le syndrome lésionnel est complet au niveau des

métamères sacrés. Chez la femme, les troubles de la sensibilité périnéale complets empêchent la

perception lors des rapports, mais elle peut mener à bien une grossesse

troubles respiratoires : résultant de l'atteinte plus ou moins importante des muscles

respiratoires (abdominaux et intercostaux)

troubles associés : troubles circulatoires découlant de la désadaptation cardio-vasculaire à

l'effort par déficit du retour veineux vers le cœur (stase veineuse). Le débit sanguin est diminué et

ne s'accroit pas normalement en cas d'effort d'où une grande fatigabilité et des hypotensions. La

stase entraine des œdèmes, une fragilité cutanée, un risque de thrombophlébite et l'immobilité

forcée entraine une décalcification osseuse donc un risque de calculs urinaires.

Il existe une classification des lésions médullaires, développée par l'American Spinal Injury

Association, qui est l'échelle ASIA. Elle permet d'évaluer le degré d'incapacité, le caractère complet

ou non de la lésion et son évolution (ASIA A, B, C, D ou E) : le score ASIA C (paraplégie

incomplète) est définit par une commande motrice sous-lésionnelle préservée et plus de la moitié

des muscles clés sous-lésionnels sont cotés à moins de 3.

Le pronostic des lésions médullaires traumatiques se dessine dans les deux premières semaines. En

absence de récupération deux mois après le traumatisme, les possibilités de récupération diminuent

très vite avec le temps. Mais il est impossible de se prononcer de façon formelle et définitive avant

une durée de 8 à 12 mois post traumatique. Pour les lésions dues à une compression lente, le

pronostic dépend de la gravité de l'atteinte et du délai de l'intervention.

M. D. est un patient très motivé, dynamique, sportif et autonome, qui cherche à retrouver

dans différents handisports expérimentés à Kerpape les sensations qu'il ressentait lorsqu'il faisait de

l'activité physique étant valide (course en raid notamment). L'activité physique effectuée à Kerpape

lui permettait de compléter puis de dépasser la rééducation. Les bénéfices de l’activité physique

sont nombreux : des bénéfices physiques (meilleure forme physique, plus grande force, meilleure

mobilité, augmentation de la VO2max, amélioration de la résistance à la fatigue, diminution des

risques cardio-vasculaires, des risques d'ostéoporose, connaissance de son corps, apprentissage de

nouveaux savoir-faire...), des bénéfices psychologiques (amélioration de l'image de soi, de l'estime

personnelle, amélioration de la résistance à la charge mentale, diminution du stress et de l'anxiété...)

et des bénéfices sociaux (relations, faire partie d'une équipe ou d'un club...). Le sport dans lequel

Page 7: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

3

Monsieur D. se sentait le mieux et avait envie d'évoluer en termes de technique et de performance

était la natation pour laquelle il possédait de bonnes notions, particulièrement en crawl, son but

étant de pouvoir un jour nager en mer. Parmi les nombreuses disciplines sportives pratiquées par les

personnes handicapées physiques, notamment les personnes paraplégiques, la natation occupe une

place privilégiée, et ce grâce à ses atouts : c'est un sport complet, non traumatisant, sans risques et

qui prépare à d'autres disciplines. Il tire ses vertus des propriétés de l'eau qui porte le nageur. Cette

évolution en apesanteur permet d’utiliser les capacités physiques restantes et permet donc le

mouvement par la maîtrise d'un nouvel élément. L'handinatation peut se pratiquer en découverte, en

loisirs ou en compétition.

Mais avant de viser la natation comme sport de haut niveau, l'eau en rééducation est utilisée dans un

but thérapeutique. Elle permet bien souvent de franchir une étape et permet d'obtenir des progrès

importants en complément de la rééducation à sec. Elle aide donc à gagner la collaboration et

l'adhésion du patient à la dynamique de rééducation.

Chez les personnes paraplégiques, l'hydrokinésithérapie vise la rééducation locomotrice, le

réentrainement à l'effort, les postures, le renforcement musculaire, la déambulation (pour des

paraplégies basses) mais contribue également à la détente du sujet. Elle est l'adjuvant d'autres

techniques. Ce type de patient nécessite des températures aquatiques de l'ordre d'au moins 28 –

30°C, du fait de leur absence de thermorégulation.

Il existe certaines contre-indications à la balnéothérapie qui sont particulièrement présentes chez les

personnes paraplégiques : les escarres dont la couverture étanche est impossible, l'incontinence, qui

fait courir un risque infectieux aux autres patients, les infections en évolution, ou l'insuffisance

cardiaque décompensée. [7]

M. D. a expérimenté la balnéothérapie la première fois deux mois après l'accident, il commence par

nager en dos crawlé. Lors de l'immersion, la diminution apparente du poids du corps permet une

remise en charge précoce et progressive sans craindre pour le foyer de fracture en cours de

consolidation. Après accord du médecin (consolidation de la fracture), il peut nager toutes les nages,

notamment le crawl.

Chez Monsieur D., l'hydrokinésithérapie a très vite été dépassée par l'envie de se dépenser en

nageant des longueurs de piscine lors des séances et entre les séances. Etant paraplégique de niveau

neurologique T9, M. D. ne présente pas de motricité suffisante aux membres inférieurs pour

effectuer une action d’équilibration ou de propulsion lors des différentes nages. Les segments

jambiers flottent plus ou moins, il y a création de turbulences et d’une résistance hydrodynamique

supérieure à celle d’un nageur valide. A l’observation, la biomécanique est peu hydrodynamique

notamment lorsque M. D. nage le crawl. La vitesse comme les sensations de glisse dans l’eau sont

diminuées par l’effet de « traine » des membres inférieurs qui ralentissent le nageur. La fatigue

Page 8: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

4

apparait rapidement. Or, l’un des buts de M. D. était de retrouver des sensations de vitesse et de

liberté dans l’eau. Il est alors apparu intéressant de se demander s’il existerait un ou des moyens qui

lui permettent de faciliter sa nage, afin de lui faire retrouver son ressenti antérieur. Mais quels

moyens peuvent être mis en place pour permettre à une personne paraplégique de nager au plus près

d’une nage de personne valide et de la rendre optimale ? La technique de crawl de M. D. au niveau

des bras et du tronc étant efficace, sa correction n’aurait pas amené d’amélioration suffisante pour

apprécier une différence de vitesse et d’hydrodynamisme. Il s’est alors posé la question d’un

appareillage. Un appareillage permettrait-il de restaurer un crawl performant chez cette personne

paraplégique ? Serait-ce vraiment suffisant ? Qu’apporterait-il ? Quelles en seraient les limites ?

C’est pourquoi ce travail se propose de répondre à la question :

Quelle est la place d’un appareillage dans la restauration d’un crawl performant chez une

personne paraplégique ?

Page 9: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

5

Accident de ski

Fracture vertèbre L1

Ostéosynthèse des

vertèbres T11, T12, L1,

L2, L3

Quelques heures après le

traumatisme

Niveau sensitif L4 bilatéral,

moteur L1 bilatéral, pas de

contraction anale

Aggravation de l'état

neurologique 24 février 2010

(J+2)

Niveau moteur et sensitif

neurologique L1

22 février 2010

Intervention chirurgicale :

vérification du matériel

d'ostéosynthèse et

complication ischémique

26 février 2010

(J+4)

Niveau neurologique T12

3 mars 2010

(J+9)

Niveau sensitif T10

8 mars 2010

(J+14)

Niveau neurologique T9

Arrivée au Centre de

Kerpape et début de la

prise en charge

Temps

Chronologie des événements :

Page 10: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

6

II. Bilan des déficiences (le 10 septembre 2010, un mois avant la sortie)

A. Anamnèse et interrogatoire

1. Présentation du patient

Marc D., né le 30/12/1958, âgé de 52 ans, droitier, est entré au Centre de

Rééducation de Kerpape pour une prise en charge rééducative d’une paraplégie d’origine

traumatique sur fracture lombaire. Ce patient divorcé vit maritalement, a 3 enfants. Il est électricien,

a repris une entreprise il y a 7 ans où il travaille avec sa femme et un employé. Au niveau des

loisirs, il pratiquait de nombreux sports, de façon intense, particulièrement de la course à pied

(jusqu'à 100km). Le domicile de M. D. est une maison de plain-pied avec une marche d'accès et

trois marches pour accéder au salon.

Il n’est pas fumeur. Ses antécédents médicaux sont : un diabète non insulinodépendant découvert il

y a trois ans et traité par des règles hygiéno-diététiques.

Son traitement médicamenteux est composé d’analgésiques morphiniques et neuropathiques

(actiskenan, skenan, lyrica), de co-antalgiques à benzodiazépines (imovane, valium) et

d’anticoagulants (arixtra).

Au niveau des projets et souhaits immédiats de M. D., c'est d'abord un retour au domicile qui est

envisagé, une reprise du sport de façon intensive, notamment de la natation, puis du travail. Au

niveau de la natation, il me parle de ses difficultés à nager le crawl du fait de l’absence de motricité

de ses membres inférieurs, qui ne peuvent ni le propulser ni l’équilibrer.

2. Histoire de la maladie

La paraplégie de M. D. fait suite à une fracture de la vertèbre lombaire L1

lors d'un accident de ski survenu le 22 février 2010. Lors de cette chute, M. D. a percuté les piquets

du bord de la piste, puis perçoit une douleur lombaire intense accompagnée d’emblée d’une perte de

la sensibilité et de la motricité des membres inférieurs. Il est descendu sur quelques mètres en

traction puis transféré en hélicoptère sur le Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble. Il n’a eu ni

traumatisme crânien, ni perte de connaissance.

La tomodensitométrie réalisée montre notamment une fracture complexe de L1 avec atteinte disco-

corporéale, un recul du mur postérieur entrainant une obstruction du canal sur plus de 50%, un

tassement cunéiforme, une fracture du processus transverse et de l’arc postérieur. L’examen

neurologique préopératoire (score ASIA) montre un niveau sensitif L4 bilatéral, un niveau moteur

Page 11: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

7

L1 bilatéral et une absence de contraction anale. La prise en charge neurochirurgicale se fait en

urgence quelques heures après le traumatisme initial (ostéosynthèse des vertèbres T11, T12, L1, L2

et L3). Dans les suites opératoires, on retrouve une hématurie massive suite à un globe vésical. A

J+2, le patient présente une aggravation de son état avec un niveau moteur et sensitif en L1.

L’Imagerie par Résonance Magnétique dévoile une ischémie médullaire, une nouvelle intervention

est alors réalisée le 26 mars 2010 (J+4) pour vérifier le matériel d'ostéosynthèse mais ne démontre

pas de cause de compression médullaire évidente. Le 3 mars 2010 (J+9), le patient présente un

niveau sensitif en T10 et un niveau moteur L1. M. D. quitte Grenoble et arrive au Centre de

Kerpape le 8 mars 2010 (J+14). Lors du bilan d’entrée, il présente un niveau neurologique T9.

B. Bilan des fonctions

1. Fonction douloureuse

L’évaluation de la fonction douloureuse lors du bilan met en évidence :

- des douleurs rachidiennes paravertébrales au niveau lésionnel, en lien avec la fracture de la

vertèbre L1, à type de courbatures, cotées à 2/10 sur l’Echelle Visuelle Analogique (E.V.A.),

apparaissant lors des mouvements

- des douleurs sous-lésionnelles neuropathiques quasi permanentes sauf lors du sommeil, cotées à

3/10 à l’E.V.A. avec des recrudescences jusqu’à 8/10 : des brûlures dans les jambes, des

compressions dans les pieds, les cuisses, les fesses, le périnée, le rectum, et des décharges

électriques des pieds jusqu'au sacrum. Elles s'accentuent avec l'activité physique mais sont calmées

juste après l'effort, augmentent du matin jusqu'au soir. Le patient les soulage par la position de

latérocubitus et elles diminuent lors de la phase d'endormissement

- des douleurs de type hyperesthésies sur toute la bande des dermatomes T10 à T12, exacerbée par

les frottements des vêtements. Cette douleur est soulagée par la mise en place d'un bandage sur cette

zone. Ces hyperesthésies peuvent augmenter les douleurs sous-lésionnelles

- des douleurs sus-lésionnelles tendineuses (épicondylite) présentes avant le traumatisme mais

augmentée depuis par les sollicitations multiples (transferts, déplacements en fauteuil roulant

manuel, …). Ces douleurs sont provoquées lors d'une activité physique prolongée utilisant les bras

et avant-bras

- parfois des douleurs viscérales au niveau de l'intestin en « coup de poignard » mais elles ne

s'inscrivent pas dans le cadre d'une HyperRéflexie Autonome.

Le traitement antalgique masque et diminue les douleurs, mais il entraîne des effets secondaires,

notamment le lyrica (endormissement, réduction de la fonction de proprioception).

Page 12: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

8

2. Fonction cutanée, trophique et vasculaire

L’observation de M. D. en décubitus ventral et dorsal met en évidence une

cicatrice sur les processus épineux, s’étendant de T9 à L5, propre et non adhérente, un œdème au

niveau des deux chevilles (objectivé par une périmétrie et un signe du godet positif), des troubles

circulatoires des membres inférieurs, une amyotrophie des deux membres inférieurs, une absence de

signes de phlébite (port de deux bas de contention) et de Syndrome Douloureux Régional

Complexe. Il n’y a pas de notion d'escarres en sous-lésionnel depuis le traumatisme, le patient est

bien sensibilisé aux troubles cutanés, aux risques et aux règles d'hygiène et de surveillance

nécessaires pour éviter les points d'appui préférentiels.

3. Fonction relative à la mobilité passive

L’évaluation de la fonction articulaire de M. D. révèle d’abord des équins de

chevilles : à droite 0° en flexion, à gauche -5° en flexion. Elle révèle également un déficit de 10° de

flexion de la hanche droite par rapport à la hanche gauche mais avec une notion de calcification

para-articulaire sur cette hanche par un traumatisme en abduction datant de 5 mois. Les autres

mesures articulaires sont normales, les différentes extensibilités également.

4. Fonction neurologique

a) Fonction neurologique sensitive

La fonction sensitive superficielle (tact fin et algique) est évaluée par

un test de toucher/piqûre et de « touche ou touche pas » avec une boule de coton : la fonction

sensitive est normale jusqu’au dermatome T10, perturbée des dermatomes T10 à T12 et absente

sous le dermatome T12. Le score ASIA est de 70/112 à droite et à gauche (annexe 1). Le niveau

sensitif de M. D. est le niveau T9.

L’examen sensitif profond (statesthésique et kinesthésique) montre une sensibilité perturbée pour

toutes les articulations des membres inférieurs.

La lecture du dossier médical nous apprend une absence de sensibilité au niveau du sphincter anal

externe.

b) Fonction neurologique motrice

L’examen moteur est réalisé par fonction (annexe 1) : le score ASIA

est de 50/100. Les abdominaux supérieurs et inférieurs et les carrés des lombes sont cotés à 5 mais

l’ensemble des muscles clés des membres inférieurs sont cotés à 0. Le niveau moteur de M. D. est

Page 13: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

9

le niveau T12.

La lecture du dossier médical nous apprend qu’il existe une tonicité du sphincter anal externe avec

un réflexe à la toux et à l’étirement, donc une motricité dans les derniers métamères sacrés.

M. D. est donc atteint d’une paraplégie incomplète ASIA Frankel C de niveau neurologique T9.

Selon l’échelle d’Aswhorth modifiée, la spasticité chez M. D. est

cotée à 0 : il n’y a pas d’augmentation du tonus musculaire au niveau des muscles des membres

inférieurs. De même, selon l’échelle de Penn, la cotation des spasmes est à 0.

Les réflexes ostéo-tendineux des membres supérieurs sont normaux.

Les réflexes rotuliens et achilléens sont absents.

5. Fonction respiratoire

M. D. ne présente pas d’antécédents respiratoires, n’est pas fumeur. Ses

ampliations thoraciques et abdominales sont normales et il possède une ventilation abdomino-

diaphragmatique normale. Sa capacité vitale est correcte.

6. Fonction génito-urinaire et reproductive

M. D. présente une vessie hypercontractile avec des contractions dès le début

du remplissage et présence de fuites à l’effort, sa vidange se fait par auto-sondages. Une injection

de toxine botulique intra-détrusorienne est prévue. Il présente une anérection.

7. Fonction neuro-végétative

Il n’existe pas de déficiences neuro-végétatives majeures au moment du bilan.

8. Aspect psychologique

M. D. est un patient dynamique, éveillé, grand sportif, fonceur, à l'écoute de

son corps et de ses sensations et souhaitant vivement reprendre le sport de façon intense.

C. Bilan des activités

Le bilan de l’équilibre assis de M. D. est coté à 6/6 sur l’échelle de Coubert et coll.

(annexe 2). L’athlétisation de ses membres supérieurs lui permet de soulever une charge supérieure

Page 14: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

10

à son poids du corps en une fois. Il est autonome pour ses transferts lit-fauteuil, fauteuil-chaise,

fauteuil-voiture, retournements et les effectue en sécurité. Au niveau de l’autonomie en fauteuil

roulant manuel, il est capable de se déplacer seul, de faire du deux-roues, de descendre et monter un

trottoir, passer un obstacle en toute sécurité et sans aide.

Pour les activités de la vie quotidienne, M. D. est autonome pour l’habillage, la

toilette, l’alimentation, la gérance de son planning. Il conduit un véhicule comportant l’accélérateur

au volant.

III. Diagnostic kinésithérapique

M. D. est un patient de 52 ans, électricien, grand sportif, qui a chuté en ski le 22 février

2010. Ce traumatisme a provoqué chez M. D. des déficiences de structure que sont la fracture de la

vertèbre L1 et les lésions de la moelle épinière. La lésion osseuse a été stabilisée par ostéosynthèse

et est désormais consolidée. Ces lésions entrainent chez M. D. une paralysie flasque incomplète

sensitive et motrice des deux membres inférieurs de niveau T9. La lésion neurologique provoque

une déficience de la fonction neurologique sensitive superficielle et profonde de niveau T9

(objectivée par un score ASIA à 70/112 bilatéralement). Elle cause une déficience de la fonction

neurologique motrice : déficience de la fonction musculaire de niveau T12 (objectivée par un score

ASIA à 50/100 bilatéralement), disparition du tonus musculaire et des réflexes ostéo-tendineux des

deux membres inférieurs. Cette lésion neurologique amène également une déficience de la fonction

vésico-sphinctérienne avec la présence d’une neuro-vessie centrale et une déficience de la fonction

algique.

Le projet et la volonté de M. D. sont de rentrer au domicile, de reprendre son activité

professionnelle et le sport de façon intensive, notamment la natation, voire la nage en mer.

Les déficiences des fonctions motrice et sensitive causent elles-mêmes des limitations d’activités :

la marche, la position debout sans aide technique, la mobilisation volontaire des membres inférieurs

sont impossibles. La déficience vésicale entraine une gêne dans la socialisation de l’individu.

Ces limitations d’activités provoquent des restrictions de participation : se déplacer debout,

déambuler, courir, effectuer des sports en lien avec les membres inférieurs, la profession

d’électricien, la propulsion et l’équilibration en natation, ce qui limite M. D. dans sa volonté de

nager seul en mer.

L’hospitalisation a entrainé un arrêt de travail mais M. D. présente des facteurs environnementaux

positifs : le soutien de sa compagne, son esprit optimiste, dynamique et motivé.

Page 15: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

11

IV. Objectifs et principes

A. Objectifs

M. D. étant en fin de séjour au Centre, sa rééducation est centrée sur son retour à

domicile et ses projets immédiats de sortie. Un projet du patient étant la reprise du sport en dehors

du Centre, un objectif posé est celui d’améliorer et d’optimiser son crawl.

Les autres objectifs sont des objectifs de lutte contre la douleur, de prévention des troubles cutanés

et trophiques, d’entretien articulaire, de renforcement global du tronc et des membres supérieurs, de

réentrainement à l’effort cardio-pulmonaire, d’amélioration de l’équilibre assis et d’aboutir à une

autonomie et une indépendance fonctionnelle maximale dans les activités de la vie quotidienne. Ces

différents objectifs ne seront pas détaillés dans ce travail.

B. Principes

Les principes à respecter en piscine sont :

- Une température de l’eau de 28°-30° si le patient ne fait pas d’efforts

- Respect de la fatigabilité de M. D.

- Etre infra-douloureux

- Surveiller l’apparition d’escarres ou d’infection éventuelles avant les séances de

balnéothérapie

V. Méthode : Optimisation du crawl

A travers une démarche méthodologique, le but visé est une pratique optimale de la natation

chez M. D. Seront étudiés ici les propriétés de l’eau, l’analyse de la biomécanique du crawl chez

cette personne comparée à celle d’un sportif, les indications de la mise en place d’un appareillage et

les essais de différents appareils.

A. Les propriétés de l’eau

L’eau, douce, salée ou thermale, est source de vie et de fécondité, est purificatrice, a

valeur de symbole de naissance et de renaissance et symbole maternel. De par ses propriétés, elle

est un milieu privilégié. L’immersion d’un corps dans l’eau place celui-ci dans un milieu où son

comportement est sous la dépendance de nouvelles données physiques spécifiques. Le thérapeute

doit donc connaître des paramètres tels que la biophysique de l’eau et les effets physiologiques de

l’immersion. [5,10]

Page 16: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

12

1. Effets biophysiques de l’immersion

a) Hydrostatique [3, 4, 6]

- La pression hydrostatique : la pression qu’exerce un liquide sur un

corps immergé est égale au poids de la colonne de liquide située au-dessus de ce corps. Elle est

proportionnelle à la profondeur et à la densité du liquide.

- Le principe d’Archimède : « Tout corps plongé totalement ou

partiellement dans un liquide au repos subit de la part de ce liquide une force verticale dirigée de

bas en haut et égale au poids du volume de liquide déplacé » soit :

FA = d × V FA = poussée d’Archimède

d = densité du liquide

V = volume du liquide déplacé

La poussée d’Archimède est appliquée au centre de poussée de la partie immergée. Elle s’exerce

non seulement sur le corps dans son ensemble mais aussi sur un segment de membre en

déplacement. L’adjonction d’un flotteur augmente la force de poussée en proportion du volume

d’eau déplacé.

Ainsi, tout corps immergé est soumis à deux forces verticales mais de directions opposées (annexe

3) : la force de pesanteur (vertical du haut vers le bas, appliquée au centre de gravité) et la poussée

d’Archimède. Pour qu’il y ait équilibre, les deux centres doivent être confondus. Or, le tronc étant

plus volumineux et moins dense que les jambes, le centre de poussée est plus haut que le centre de

gravité du corps. De ce fait, le corps totalement immergé à tendance à rester les pieds vers le fond.

Cet équilibre peut être modifié par allègement des membres inférieurs avec du matériel volumineux

(bouées, planches). A partir de la position horizontale, si le sujet est passif, un couple de

redressement va l’amener progressivement en équilibre à peu près vertical (annexe 4), alors que la

recherche d’un équilibre horizontal (nageur) est à construire par des actes volontaires spécifiques.

- Le poids apparent (Pa) : le poids apparent d’un corps immergé est égal

à la différence algébrique entre le poids réel du corps et la poussée d’Archimède qu’il subit (Pa = P

– FA). Il est variable selon le niveau d’immersion.

- La tension de surface : un corps partiellement immergé est sous la

dépendance de la tension de surface résultante de la force de cohésion entre les molécules du liquide

et qui oppose une résistance au déplacement.

- La viscosité : ce sont les forces de frictions qui existent entre les

molécules d’un fluide et qui engendrent une résistance à l’écoulement de ce fluide. L’eau a une

viscosité faible mais elle augmente avec la salinité.

Page 17: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

13

b) Hydrodynamique [3, 4, 6]

L’équilibre du corps dans l’eau est ainsi remis en question. Tout mouvement

en milieu liquide nécessite la recherche d’appuis particuliers. De plus, l’eau oppose une résistance

au déplacement du corps immergé qui s’exprime par la formule :

R = K.S.sin α (v-v’) ² R = Résistance de l’eau

K = coefficient lié à la nature du milieu

S = surface du corps en déplacement

α = angle d’attaque

v = vitesse de déplacement

v’ = vitesse du fluide (le courant)

S×sin α représente la surface d’attaque du corps, qui varie en fonction de la surface du corps, mais

aussi en fonction de la direction de cette surface pendant le déplacement. Par conséquent, en

augmentant la surface d’attaque (articulations et membres placés perpendiculairement à l’eau), on

augmente le travail musculaire (annexe 4). Pour réduire au maximum ces résistances, on cherchera

la position la plus allongée possible. De plus, plus le mouvement est rapide, plus la résistance au

mouvement augmente.

Un autre facteur doit être pris en considération, c’est le phénomène de turbulence, qui apparait à

partir d’une vitesse seuil, variable selon la viscosité du fluide : lors du déplacement d’un objet dans

l’eau, il se crée une différence de pression entre l’avant et l’arrière du corps (la pression est

maximale en avant et plus faible en arrière). Il en résulte un mouvement d’eau vers l’arrière par

dépression et aspiration avec turbulences. Les remous se forment dans l’aspiration sur les bords et à

l’arrière de l’objet. A l’observation, on voit : une vague d’étrave responsable d’une pression positive

au devant de l’objet en mouvement, elle est due au flux d’eau déplacé et contrarie la progression de

l’objet vers l’avant ; on voit également le sillage, qui se forme derrière l’objet en mouvement,

provoqué par l’écoulement de l’eau, créant des turbulences de pression négative et tirant ainsi

l’objet vers l’arrière.

De plus, la morphologie du corps rentre en compte : les objets « hydrodynamiques » sont facilement

mobilisables dans le fluide et créent peu de turbulences, au contraire, des objets « non

hydrodynamiques » opposent une grande résistance au déplacement. Ces résistances se réduisent au

fur et à mesure de l’allongement de l’objet (le corps du nageur non profilé n’est pas adapté à

l’élément liquide). Cette résistance est due à la forme, à la surface et à l’orientation de l’objet ou du

segment déplacé (annexe 5).

La pression hydrostatique, associée à la viscosité du milieu est à l’origine de stimuli

Page 18: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

14

sensoriels extéroceptifs. Cet enveloppement de la partie immergée du corps est probablement à

l'origine d'une meilleure perception de la position des membres. De même, la résistance aux

mouvements valorise les informations extéroceptives et proprioceptives donc une meilleure

appréciation du schéma corporel d'ensemble lors du mouvement. De plus, au niveau de la

coordination, la résistance de l’eau freine les mouvements incoordonnés et facilite leur contrôle.

L’équilibration aquatique est donc une notion dynamique, associée aux différentes formes de

déséquilibres. Les pieds d’un nageur à l’arrêt ont tendance à tomber au fond. En revanche,

lorsqu’un nageur est tracté vers l’avant, il subit les diverses résistances de l’eau qui ont une

tendance à redresser ses membres inférieurs.

L’équilibre horizontal dynamique doit être recherché de manière active et volontaire pour

maintenir la position et compenser les déséquilibres dûs aux mouvements des différentes nages.

2. Effets physiologiques de l’eau

- Effets thermiques en bassin de balnéation (environ 35°) : vasodilatation

périphérique d’où une baisse de la tension artérielle, diminution du tonus musculaire, élévation du

seuil de la douleur ….

- Effets au plan respiratoire par la résistance sur le diaphragme ce qui augmente

le travail de ventilation

- Effets au plan du système nerveux périphérique et central : effet relaxant et

analgésique, amélioration de la perception du schéma corporel et de la coordination motrice,

massage à même la peau …

- Effets psychologiques : impression de sécurité, d’enveloppement, sensation

d’être libéré de son handicap par possibilité de mouvement, effet euphorisant…

- Effets sur les référentiels : le référentiel vestibulaire prend le pas sur les

référentiels visuels et proprioceptifs

- De nombreux autres effets en lien avec la kinébalnéothérapie. [2,4]

B. Analyse biomécanique du crawl chez le sportif

Un nageur en déplacement est un système qui créé des zones de résistance. L’avancée en

avant du corps du nageur est le résultat de plusieurs forces : la force de propulsion (actions

locomotrices qui cherchent des résistances afin de prendre des appuis sur l’eau), la force de

résistance à l’avancement (réactions frénatrices qui s’opèrent sur toutes les zones qui se déplacent

moins vite que les appuis propulsifs) et la force de portance liée au positionnement du corps, des

Page 19: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

15

segments propulsifs et non propulsifs.

Le nageur se trouve confronté à un double impératif : réduire les résistances à l’avancement

s’opposant à son déplacement et augmenter les résistances propulsives créées par ses membres pour

se déplacer plus vite. D’après le modèle de propulsion (3ème

loi de Newton), si un nageur veut se

déplacer dans une direction, il doit exercer une poussée avec ses membres dans la direction

opposée : soit une orientation des surfaces propulsives perpendiculairement au sens de déplacement

et donc une direction des forces propulsives parallèle au déplacement.

Le crawl est une nage rapide, alternée, nécessitant une parfaite coordination bras-jambes et

des mouvements respiratoires adaptés, utilisant surtout les muscles de la ceinture scapulaire elle a

donc une action indirecte sur le rachis cervical et dorsal. [1]

1. Le mouvement des bras

Le mouvement débute l’épaule en flexion à 180°, la main dans l'eau. Le cycle se

compose d’une phase de traction et d’une phase de poussée aquatiques, puis d’un retour aérien. La

prise d'appui est la courte période durant laquelle la main se positionne correctement pour l'appui,

juste avant la traction. L’orientation de la main est en légère inclinaison ulnaire et flexion de

poignet.

La phase de traction s'effectue dans un mouvement de léger arc de cercle en abduction rotation

interne de l’épaule, afin de respecter le mouvement naturel du bras. La main revient se positionner

plus vers le centre du corps, le bras se plie, et le coude se positionne à l'extérieur par rapport à la

main: le bras est prêt pour la poussée.

La phase de poussée termine le trajet aquatique du bras : elle s'effectue dans un léger arc de cercle

cette fois orienté vers l'intérieur, en orientant toujours la paume de la main vers le bas du corps pour

garder une bonne surface de poussée, en dépliant le bras. En fin de poussée, la main se repositionne

davantage vers le coté du corps afin de sortir de l'eau au niveau de la cuisse.

Le retour aérien du bras part de la cuisse, sur le coté du corps, à la fin de la poussée, se fait coude

fléchi et permet de ramener le bras et la main au début du mouvement suivant, dans le

prolongement de l'épaule (voir illustration ci-dessous).

Page 20: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

16

2. Le mouvement des jambes

Lors des nages alternées (crawl et dos crawlé) complètes (bras et jambes), les

membres inférieurs jouent un rôle essentiel de rééquilibration du corps. En effet, à vitesse de nage

élevée, il a été démontré que le battement de jambes n’avait que peu, voire pas d’action propulsive.

Le nageur de haut niveau bat des jambes afin d’utiliser leurs actions pour rétablir l’équilibre dans

les trois plans de l’espace : premièrement, afin de remonter les pieds à la surface (réduction du

tangage), deuxièmement afin d’éviter les oscillations latérales dues aux mouvements alternés des

bras (réduction du lacet) et troisièmement, pour réduire le roulis (axe longitudinal) lié à

l’enfoncement d’un bras propulsif et au dégagé de l’autre bras durant le retour aérien (annexe 5).

Lorsqu’une épaule s’engage, la jambe opposée appuie sur l’eau afin de fixer le bassin (battements

deux temps qui peut passer à quatre ou six suivant l’intensité). Les battements partent de la hanche

et non des genoux : les genoux sont légèrement fléchis (environ 20 à 35°). Plus le corps sera bien

allongé et les jambes près de la surface, plus les battements seront efficaces (l’angle d’attaque est

faible donc la résistance à l’avancement faible selon les lois d’hydrodynamique vues

précédemment). De ce fait, l’angle entre le tronc et l’axe horizontal est faible (environ d’une dizaine

à une quinzaine de degrés). Le tangage est quasiment nul.

C. Analyse biomécanique du crawl chez M. D.

Lors de la nage crawlée de M. D. filmée sous l’eau (avec plaquettes et sans palmes), après

diverses mesures, les images tirées des vidéos montrent : un tronc effectuant des rotations correctes,

mais les membres inférieurs ne sont pas maintenues (du fait de l’absence de motricité des membres

inférieurs sous le niveau moteur T12), ils effectuent des mouvements désordonnés autour du bassin

en flexion, rotation, abduction. Les images montrent une flexion de genou de 50° minimum (voir

figure 1), une flexion de hanche supérieure à 60° (voir figure 2), une rotation de bassin importante

avec des hanches qui partent en abduction lors de la traction du bras opposé, le lacet et le roulis sont

de fortes amplitudes. Ces mouvements entrainent une déstabilisation de l’ensemble du corps qu’il

doit rééquilibrer par les bras (voir figure 3).

M. D. se présente comme un « objet » non hydrodynamique : l’angle d’attaque α et la surface

d’attaque est importante puisque les membres inférieurs ne sont pas dans le prolongement du tronc,

l’objet ne présente pas une forme allongée, il y a formation de turbulences, de déséquilibres, les

résistances à l’avancement sont donc importantes, le travail musculaire est considérable. La

biomécanique de cette nage est donc peu physiologique, très énergivore voire traumatisante.

Selon M. D. cette nage est rapidement vectrice de fatigue et même de douleurs neuropathiques

Page 21: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

17

augmentées dues aux mouvements désordonnées. Il a la sensation « de ne pas avancer, de ne pas

glisser ».

Le mouvement des bras est relativement semblable au mouvement de bras d’un sportif, il n’est donc

pas étudié.

Figure 1 : angle de flexion du genou gauche lors du crawl

Figure 2 : angle de flexion des hanches lors du crawl

Page 22: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

18

Figure 3 : ensemble du corps de M. D. lors du crawl

D. L’appareillage : propriétés, indications

L’appareillage est un acte médical qui consiste :

- Soit à protéger, corriger ou suppléer une fonction

- Soit à remplacer un organe, un membre ou un segment de membre au moyen d’un

artifice médical (l’appareil).

La distinction des différents appareillages peut se faire selon la fonction de l’appareil : une orthèse

est l’appareil des déformations, des suppléances de fonction pour la prévention, la correction, la

contention alors qu’une prothèse est un appareil de remplacement de l’organe disparu. La

distinction peut également se faire selon le lieu d’application : l’appareillage interne (mise en place

chirurgicale), l’appareillage mixte ou l’appareillage externe amovible (surajouté à la surface du

corps). Elle peut se faire selon la durée d’application : l’appareillage de traitement (temporaire)

nécessaire pendant une période plus ou moins longue de la thérapeutique, l’appareillage définitif

nécessaire et destiné à ne plus être abandonné même au terme de la récupération, l’appareillage

semi-définitif qui possède les caractéristiques essentielles de l’appareil définitif tout en permettant

des modifications d’adaptations rendues plus faciles par la conception même de l’appareil.

Dans le cadre des atteintes neurologiques périphériques et centrales, les buts d’une orthèse sont

multiples et définis selon un bilan complet et selon les lésions associées :

- déficit sensitif ou trouble trophique : protéger l’organe

- déficit moteur : pallier à la fonction

Page 23: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

19

- déformation en cours d’installation : s’opposer à la déformation

- déformation fixée : compenser pour maintenir une fonction correcte.

Le kinésithérapeute est collaborateur de l’appareillage intéressant l’orthopédie médicale ou

chirurgicale de la pathologie qu’elle recouvre : déformations congénitales ou acquises des membres

et du tronc, paralysies (flasques ou spastiques), amputations…. Il se fait dans le cadre d’une

consultation spécialisée ou lors d’un séjour dans une structure de rééducation et réadaptation

fonctionnelle.

Le gain d’indépendance apporté par l’appareil doit être significatif de même que la capacité de

maîtriser seul son appareil doit être prise en compte.

Les matériaux utilisés pour la fabrication des appareils sont variés : bois, cuirs, textiles,

caoutchouc, métaux, verre, plastique, plâtre. Néanmoins, pour la fabrication d’orthèses adaptables,

certains matériaux sont plus utilisés : le plastique est léger, résistant aux chocs et pressions,

élastique, facile à mettre en œuvre par la chaleur, commode d’entretien et non allergène, notamment

le polyéthylène, matériau thermoplastique (forme indéfiniment modifiable à la chaleur par la

pression). [8]

E. La mise en place des appareillages

Il apparait à l’étude de cette première analyse de la nage que M. D. est peu hydrodynamique

et que l’équilibre corporel est le premier problème moteur à résoudre. Dans une perspective de

déplacement aquatique efficace, il faut donc en premier temps allonger et joindre les membres

inférieurs, ce qui permettrait de diminuer l’angle d’attaque α et ainsi réduire les résistances à

l’avancement. Avec l’orthoprothésiste, M. D. a réfléchi à un moyen de tenir ses jambes : d'abord des

sangles pour garder les jambes serrées.

Après contact avec divers fabricants de prothèses et d'orthèses (tels proteor, orthofiga), il apparait

que ceux-ci ne proposent pas d'appareillages spécifiques au retour dans l'eau pour une personne

paraplégique.

Après réflexion et à partir de l’idée de départ de M. D., il y a ensuite eu naissance d’une

orthèse rigide en polyéthylène maintenant les genoux en légère flexion (entre 10 et 20°) grâce à

trois points d’appuis : une sangle sus patellaire, une sangle au niveau du tiers supérieur du tibia et le

contre-appui formé par le polyéthylène sous l’articulation du genou. Ce premier appareillage a

l’avantage d’être thermoformable, ce qui permet de le modifier selon les attentes et selon la

morphologie de M. D. (voir figure 4 et 5).

Page 24: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

20

figures 4 et 5 : orthèse rigide

L’étude de cette orthèse, ses contraintes et ses avantages a amené une réflexion afin

d’améliorer encore l’hydrodynamisme de M. D. lors de son crawl et améliorer l’appareillage. Cette

orthèse est rigide et volumineuse. La collaboration entre patient, orthoprothésiste et

kinésithérapeute permet l’émergence d’un nouvel appareillage moins volumineux : une orthèse sous

forme de jupe en lycra recouverte d'un coté par un film caoutchouteux étanche, avec de chaque côté

une tige en carbone rigide incluse dans le tissu qui maintient les jambes serrées en extension

relative. Le maintient de l’extension relative des genoux se fait désormais par la rigidité des deux

tiges et par l’étroitesse du tissu. Après un essai de quelques longueurs en bassin, il apparait des

rougeurs cutanées au niveau des deux malléoles internes : les deux malléoles sont en appui et en

frottement l’une contre l’autre lors de la nage, le risque de venue d’un trouble cutané est

conséquent. Après mise en place d’une mousse entre les deux malléoles et les deux genoux, le

risque est éliminé. Lors des essais suivants, M. D. sent ses membres inférieurs encore lourds et qui

ont tendance à être attirés vers le fond. Une mousse type pull boy placée entre les deux hanches à

l’intérieur même de la jupe permet un allègement des membres inférieurs et donc leur remontée

vers la surface, soit un meilleur allongement du corps (voir figure 6 et 7).

Page 25: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

21

Figures 6 et 7 : jupe

Après la mise en place de ces orthèses, différentes évaluations ont été réalisées :

- la biomécanique du crawl à partir de l’étude d’images filmées sous l’eau lorsque le patient

nageait en bassin de balnéothérapie : la flexion de genou et la flexion de hanche de façon objective

par des mesures angulaires à partir des images et l’aide du logiciel Kinovea ; la rotation du bassin,

le roulis, le tangage, et le lacet de façon subjective à l’observation (observateur sous l’eau puis hors

de l’eau sur les bords du bassin)

- l’hydrodynamisme du nageur

- les sensations de M. D. après 10 longueurs de bassin (une longueur mesure 35m) au niveau

de son corps, de son plaisir pris à nager

- les douleurs : augmentation ou non des douleurs neuropathiques, apparitions de douleurs

nouvelles évaluées sur l’Echelle Visuelle Analogique (E.V.A.) et leur moment d’apparition

- le temps d’une longueur entre le moment où le nageur part d’un bord et touche le bord

opposé, mesure prise après 2 allers-retours pour permettre une adaptation et un échauffement

- le temps moyen d’une longueur (déduit des mesures précédentes)

- la vitesse moyenne d’une longueur, déduite des valeurs précédentes et d’après la distance

d’une longueur (35m) : v= δd/δt

- la qualité des virages

- la fatigue après 10 longueurs de bassin, à partir de l’échelle de Pichot (annexes 6 et 7)

- l’autonomie : facilité à utiliser l’orthèse seul, la régler et la mettre en place

- le volume : facilité à transporter l’orthèse

- le matériau : le type de matériau utilisé pour fabriquer l’orthèse et ses principales propriétés

Page 26: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

22

Ces mesures ont été réalisées sur trois jours différents, avec des plaquettes aux mains et sans

palmes : une journée sans aucun appareillage, une journée avec l’orthèse rigide, une journée avec la

jupe. M. D. ne présente pas d’épine irritative, pas de douleurs nouvelles en dehors des séances de

rééducation durant ces trois jours.

VI. Résultats

Figure 8 : Tableau des résultats des différents paramètres selon les appareils :

Aucun appareillage

(J1)

Orthèse rigide

(J2)

Jupe

(J3)

Hydrodynamisme

Flexion de genou Supérieure à 50° 10 à 20° 20 à 30°

Flexion de hanche Supérieure à 60° 15 à 20° 10°

Rotation du

bassin ++ ++ ++

Roulis +++ + +

Tangage +++ Quasiment nul Quasiment nul

Lacet +++ + +

Equilibration Mauvaise Bonne Très bonne

Allongement du

nageur (forme

profilée)

Forme non profilée

Nombreuses

turbulences créées

Forme profilée

Peu de

turbulences

créées

Forme profilée

Peu de

turbulences

créées

Sensations

Sensation de « se

trainer, de ne pas

glisser, de ne pas

avancer »

Sensation de

« bien glisser

dans l’eau, d’être

efficace avec les

épaules »

Sensation de

« bonne glisse,

de confort, de

vitesse »

Douleurs

(E.V.A.)

- Augmentation des

douleurs

neuropathiques

jusqu’à 6/10

- apparitions de

douleurs dans les

hanches et au

niveau lésionnel

après 2 longueurs

« non confortable »

Pas

d’augmentation

de douleurs

Pas

d’augmentation

de douleurs

Temps d’une

longueur (4

mesures)

62sec

65sec

63sec

63sec

47sec

48sec

47sec

47sec

40sec

42sec

42sec

41sec

Temps moyen

d’une longueur 63sec 47,25sec 41,25sec

Vitesse moyenne

d’une longueur V= 0,56m.s

-1 V= 0,74m.s

-1 V= 0,85m.s

-1

Page 27: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

23

Qualité des

virages

Virages

difficilement

réalisés

Virages

facilement

réalisés

Virages

facilement

réalisés

Fatigue (cotation

sur l’échelle de

Pichot)

11/32 2/32 2/32

Autonomie Autonomie totale Orthèse facile à

mettre et régler

Orthèse difficile

à mettre, voire

nécessité d’une

tierce personne

Volume -

Relativement

volumineux et

rigide

Très peu

volumineux, plat

Matériau -

Polyéthylène

thermoformable

sangles en tissu

Tissu (lycra et

caoutchouc)

peu rigide et

tiges en carbone

flexibles

léger

Fait sur mesure

Possibilité de

rajouter une

mousse à

l’intérieur

La cotation par croix (+) est attribuée aux paramètres subjectifs :

+++ très présent, ++ moyennement présent, + peu présent, - absent

VII. Analyse des résultats

A partir des résultats obtenus, nous pouvons effectuer certaines comparaisons entre les

appareillages.

Au niveau de l’hydrodynamisme, l’angle d’attaque α est diminué avec appareillage par

rapport à sans appareillage. α est plus petit avec la jupe qu’avec l’orthèse rigide. Néanmoins la

flexion de genou est plus importante avec la jupe qu’avec l’appareil rigide. Les déséquilibres dans

les trois plans (roulis, tangage et lacets) ont nettement diminué avec appareillage et sont similaires

entre les deux appareillages. Le fait de porter un appareil diminue la création de turbulences.

Globalement l’hydrodynamisme est nettement amélioré avec un appareillage, l’allongement est

meilleur et est plus important avec la jupe par rapport à l’appareil rigide.

Au niveau des sensations, elles sont meilleures avec un appareil, meilleur confort, meilleure

glisse, meilleure efficacité des membres supérieurs. Un appareil ne se démarque pas plus que

Page 28: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

24

l’autre. On note une meilleure appréciation de la vitesse avec la jupe.

Au niveau des douleurs, l’absence d’appareillage entraine l’apparition de douleurs

rapidement après le début de la natation (douleurs qui s’ajoutent aux douleurs déjà présentes). Avec

le port d’un appareil, l’orthèse ou la jupe, il n’y a pas de nouvelles douleurs ajoutées.

Au niveau des paramètres temporels, le temps utilisé pour parcourir une longueur diminue

entre le port d’aucun appareil, le port de l’orthèse rigide et le port de la jupe, la vitesse à l’inverse

augmente : elle augmente de 32% avec l’orthèse rigide et de 51,8% avec la jupe par rapport à la

vitesse sans appareil. La jupe permet donc une amélioration de la vitesse de nage supérieure à celle

de l’orthèse rigide.

Les virages sont plus facilement réalisés avec un appareil par rapport à sans appareil, mais

un appareil ne se démarque pas par rapport à l’autre. De même au niveau de la fatigue, elle est

nettement diminuée par le port d’un appareil, mais est la même quelque soit l’appareil.

Au niveau du matériau et de l’autonomie, l’orthèse est un appareil rigide et relativement

volumineux : son transport est plus difficile pour une personne en fauteuil roulant surtout jusqu’aux

bords d’une piscine, par rapport à la jupe en tissu, pliable et plus légère. Néanmoins, une personne

paraplégique peut facilement poser son appareil seule dans le cas de l’orthèse rigide, contrairement

à la jupe en tissu étroit qui colle à la peau et peut nécessiter l’aide d’une tierce personne pour la

mettre et l’enlever. L’orthèse rigide est réalisée en polyéthylène thermoformable, donc indéfiniment

modifiable selon les attentes ou les différentes morphologies, et peu coûteux. La jupe est réalisée en

tissu (lycra et caoutchouc) non rigide associé à des tiges en carbone flexible et doit être faite sur

mesure. On peut rajouter plus ou moins de mousse à l’intérieur suivant le poids des membres

inférieurs.

Globalement, la comparaison du port d’un appareil, quel qu’il soit, à celui d’aucun appareil

montre nettement que l’hydrodynamisme, les sensations, la qualité des virages, la vitesse lors de la

nage crawlée sont meilleurs, la fatigue et les douleurs sont diminuées. La nage crawlée est plus

rapprochée d’une nage crawlée d’un sportif valide.

La comparaison entre les deux appareils indique que l’hydrodynamisme et donc la vitesse et les

sensations sont meilleurs avec la jupe. Du point de vue de l’autonomie, de la facilité de fabrication

et du coût, l’orthèse rigide est plus avantageuse. Du point de vue de M. D., la préférence va à la

jupe.

Pour un sportif qui recherche purement des performances et des sensations, la jupe est donc le

meilleur compromis. L’orthèse rigide est un appareil qui serait plus facilement « standardisable », sa

production plus « rentable ».

Page 29: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

25

VIII. Discussion

L’eau est utilisée depuis de nombreux siècles dans un but thérapeutique, particulièrement la

balnéothérapie depuis quelques années comme outil dans la prise en charge du blessé médullaire.

L’eau est également un espace de pratique sportive dans le cadre de la natation.

Dans l’environnement aquatique, le patient se trouve confronté à un milieu nouveau, avec ses

propres lois et ses propriétés auxquelles il doit faire face.

L’observation d’une personne paraplégique flasque de niveau neurologique T9 dans cet espace

particulier et l’écoute de ses difficultés et de ses envies posent certaines questions : est-il possible

d’améliorer ses sensations, ses performances ? La mise en place d’un appareillage est-elle une

solution ?

Pour ce patient, ce travail a démontré que la mise en place d’un appareil adapté permet d’améliorer

les impressions, les perceptions, les émotions et les performances lors de la nage crawlée. La mise

en place d’un appareil a permis d’optimiser la natation. Ceci nécessite néanmoins une étude précise

des capacités aquatiques, un bilan complet du patient et des lésions associées, une connaissance

minimale des conditions aquatiques et surtout une adhésion totale des personnes au projet : patient,

kinésithérapeute et orthoprothésiste. Cette étude a également mis en évidence un meilleur

hydrodynamisme, soit de meilleures sensations et de meilleures performances avec la jupe, appareil

semblant le mieux adapté pour une nage optimale, proche d’une nage crawlée de personne valide.

Un appareillage de type jupe semble donc avoir toute sa place dans la restauration d’un crawl

performant chez une personne paraplégique.

Le but de Monsieur D. était de reprendre le sport de façon intensive, et par ce travail une

réponse a été apportée à ses attentes.

Il se tourne désormais vers le sport en compétition. La natation handisport est la première discipline

pratiquée au sein de la Fédération Française Handisport. C’est une pratique de compétition et dans

ce cadre, c’est la performance qui constitue l’objectif essentiel. Tous les handicaps peuvent être

présents : personnes handicapées visuelles, paraplégiques, tétraplégiques, amputés, I.M.C… A la

vue de la multiplicité des handicaps, de la spécificité de chaque déficience, pour que tous les

compétiteurs soient sur un pied d'égalité au départ de chaque course, il existe un système de

"classification intégrée", propre à la natation et appliquée par les instances internationales. Ce

système est complexe mais relativement juste, et regroupe toutes les familles de handicaps. Son

principe est d'évaluer le potentiel physique de chaque compétiteur afin de leur permettre de

concourir sur leur seule valeur sportive. [9]

La fédération française de natation handisport interdit l’usage d’appareil quelconque censé suppléer

Page 30: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

26

une fonction perdue, faciliter ou augmenter les performances des nageurs : « SM 10.8.1 Les nageurs

handicapés physiques ne peuvent porter ni prothèses et/ou orthèses durant la course. ». Si Monsieur

D. souhaite participer à une compétition, il devra donc le faire sans appareil.

La pratique avec l’orthèse se réduira en loisir et aura pour unique objectif, le plaisir, la convivialité,

les sensations et l'aspect social. Le but final pour Monsieur D. étant la nage en mer, l’utilisation de

cet appareil lui permettra l’acquisition d’une certaine autonomie après un apprentissage et un

entrainement adapté.

Si l’appareil ne peut être utilisé en compétition, il pourrait toutefois être utilisé à certains

moments de l’entrainement. Il pourrait viser à la création de stimulations neuromusculaires

appropriées à une technique gestuelle particulière. Le port de l’orthèse permet d’éprouver les

sensations de son corps quant à la force musculaire qu’il doit déployer pour effectuer tel ou tel

mouvement, essentielles à sa progression. L’entrainement avec la jupe permettrait également de

travailler sur la perception de la vitesse. La concentration de la personne qui porte cette orthèse

pourra se porter sur la précision ou la force de ses membres supérieurs dans tel ou tel mouvement

du crawl, plutôt que de se concentrer sur la stabilité de son corps. Elle permettrait donc une

progression et une automatisation neuromotrice intéressante en vue d’une compétition. Tout ceci

participerait à l’objectif de l'entraînement qui est d'amener le sportif au mieux de son état de forme

pendant les périodes de compétition les plus importantes, en sollicitant de façon spécifique les

métabolismes, les groupes musculaires et les articulations entrant en jeu dans l'activité sportive

pratiquée.

L’appareil étudié (jupe) semble efficace, néanmoins cette efficacité doit être relativisée :

dans cette étude, un seul patient a essayé l’orthèse, elle n’a pas été expérimentée sur un échantillon

de plusieurs patients. Elle mériterait donc d’être essayée sur un plus grand nombre de patients pour

une évaluation plus fiable. Une étude de plus grande ampleur requerrait des patients de même type :

des personnes paraplégiques de niveaux neurologiques proches (motricité du tronc présente),

flasques (la spasticité peut être une difficulté à la mise en place de l’orthèse), consolidées, motivées

et sportives. Elle nécessiterait un logiciel de données plus performant (les mesures prises pas le

logiciel kinovea sont opérateur-dépendantes et différentes selon les prises de vue des images).

Un facteur limitant est que la mise en place de la jupe nécessite l’aide d’une tierce personne, ce qui

constitue un point négatif, car l’autonomie du patient en est diminuée. Néanmoins, cet habillage,

avec l’habitude ou l’utilisation d’un tissu plus coulissant pourrait s’effectuer de manière autonome.

De cette étude ressort un point important : chez les personnes handicapées physiques, la

pratique handisport de façon agréable nécessite (toujours) un matériel adapté, pour pallier au déficit

Page 31: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

27

mais également pour la sécurité du sportif. Chaque handisport nécessite son propre appareillage : tel

type de fauteuil pour le basketball, tel autre type pour le football ou pour la course de vitesse. Le

matériel a donc une place prépondérante. Chez les personnes valides, le sport de loisirs est pratiqué

sans appareillage.

Concernant l’ handisport de haut-niveau, le matériel est adapté, développé et enrichi dans un but

d’amélioration des performances. La création de nouveaux matériels se fait en lien avec des

orthoprothésistes, des fabricants etc.…, soit des personnes spécialisées dans l’appareillage. En

parallèle, concernant le sport de haut niveau chez les personnes valides, les recherches sur les

matériels sont constantes et bénéficient d’une technologie avancée. Certains matériels sont

développés dans un but de performances, mais également dans un but de profit par des entreprises

privées à but lucratif : par exemple, la recherche sur certaines chaussures dans les sports collectifs,

la recherche au niveau des combinaisons dans la natation… L’enrichissement de certains matériels

dans le sport valide améliore les performances, ce qui génère une publicité importante sur laquelle

se base un marketing considérable. Ce même marketing est à l’inverse peu visible en handisport,

alors que l’appareillage y est beaucoup plus nécessaire. Un joueur de haut niveau valide sera plus

facilement sponsorisé et obtiendra plus facilement des matériels de pointe par rapport à une

personne de haut niveau handisport. L’origine de cette disparité peut provenir de la différence de

médiatisation entre le sport de haut niveau valide et handicapé. Le sport handicapé étant moins

manifeste, moins visible, il génère moins de profits. Ce travail a donc aussi pu montrer que

l’adaptation d’appareillage dans le cadre du handisport ne nécessite pas toujours de financements

importants mais a pourtant un impact essentiel.

IX. Conclusion

La mise en place d’un appareillage chez cette personne paraplégique a découlé d’une étroite

collaboration entre le patient, le kinésithérapeute et l’orthoprothésiste, l’envie et l’idée étant

amorcées par le patient. Cette coopération est indispensable pour produire un appareil de qualité :

l’orthoprothésiste pour les qualités techniques et le kinésithérapeute pour les apports pathologiques

et biomécaniques. Comme dans toute prise en charge, cette collaboration doit être avant tout au

service du patient.

Page 32: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

Références bibliographiques

[1] BENEZIS C. Natation, rééducation et pathologie sportive. In HERISSON Ch., SIMON L.

Hydrothérapie et kinébalnéothérapie. Paris : Masson, 1987. p152-158.

[2] BOUFFARD-VERCELLI M., PELISSIER J. Hydrokinésithérapie et rééducation neurologique.

In HERISSON Ch., SIMON L. Hydrothérapie et kinébalnéothérapie. Paris : Masson, 1987. p117-

126.

[3] BRUN V., CODINE P., HERISSON C. L’hydrothérapie en médecine de rééducation : pourquoi,

comment ? In HERISSON Ch., SIMON L. Hydrothérapie et kinébalnéothérapie. Paris : Masson,

1987. p1-12.

[4] CARETTE P., KEMOUN G., WATELAIN E. Hydrokinésithérapie. EMC Kinésithérapie-

médecine physique-réadaptation, 2006, 26-140-A-10

[5] CHARTIER J., PELISSIER J. L’eau outil et symbole en médecine de rééducation. In

HERISSON Ch., SIMON L. Hydrothérapie et kinébalnéothérapie. Paris : Masson, 1987. p169-175.

[6] CHOLLET D. L’équilibre de l’homme dans le milieu aquatique : quelques principes

biomécaniques fondamentaux. In HERISSON Ch., SIMON L. Hydrothérapie et

kinébalnéothérapie. Paris : Masson, 1987. p33-46.

[7] MAYOUX-BENHAMOU M.A., MEDICIS P., REVEL M. Les contre-indications de

l’hydrokinésithérapie. In HERISSON Ch., SIMON L. Hydrothérapie et kinébalnéothérapie. Paris :

Masson, 1987. p12-16.

[8] MAZOYER B. Appareillage : tome I.

[9] PIERA JB. Paraplégiques et tétraplégiques en milieu sportif de compétition. In HERISSON

CH., PRIVAT C. Rencontres autour du blessé médullaire. Paris : Masson, 1990. p229-237.

[10] POTEL Catherine. Le corps et l’eau : une médiation en psychomotricité. Ramonville Saint

Agne : Erès, 1999.

Page 33: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

[11] PRIVAT Ch. Actions concertées dans le domaine des activités physiques et sportives. L’unité

spinale. In HERISSON CH., PRIVAT C. Rencontres autour du blessé médullaire. Paris : Masson,

1990. p249-252.

[12] THOUMIE P., THEVENIN-LEMOINE E., JOSSE L. Rééducation des paraplégiques et

tétraplégiques adultes. EMC Kinésithérapie-médecine physique-réadaptation, 1995, 26-460-A-10

Page 34: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

Annexes

Annexe 1 : score ASIA

Page 35: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

Annexe 2 : Echelle de Coubert et al.

Page 36: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

Annexe 3 : lois d’hydrostatique

Page 37: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

Annexe 4 : couple de redressement et angle d’attaque

Page 38: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

Annexe 5 : hydrodynamisme d’un objet et déséquilibres d’un nageur

Page 39: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

Annexe 6 : évaluation de la fatigue sans appareil

Page 40: INTERET D’UN APPAREILLAGE DANS LA NATATION CHEZ UNE

Annexe 7 : évaluation de la fatigue avec appareil