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AGEFI Luxembourg 20 Mai 2016 Le Dîner de Charles G authier Louppe a une allure qui ne laisse pas indif- férent. Aux sens larges de tous les termes, il est l’artiste personnifié. Pour vous proposer un parallèle historique, par son look, il pourrait être la réincarnation d’Attila ou un de ses Huns. Si on imagine une période plus proche du 21 ème siècle, il pour- rait être une doublure de Vercin- gétorix. Mais, je n’y étais pas et vous probablement pas plus que moi. Mon invité incarne la création des instru- ments de musique en bois. Pour le décrire, je vous renvoie, au casque près, aux dessins d’Asté- rix du phénoménal duo: Albert Uderzo et René Gos- cinny. Les propos de notre luthier sont souvent très doux et il est trop attachant pour se faire illustrer par un combattant, fût-il aussi sympathique qu’Astérix. César tu lèves ton pouce couleur bleue ! Gauthier Louppe est un grand pédagogue et hélas son école, petit endroit cosy de Marche-en- Famenne, ne peut accueillir plus de monde. Après autant d’années ses élèves lui sont tous fidèles. Quand on regarde de face ce personnage, on devine qu’il penche légèrement à gauche. C’est à peine notable, mais suffisamment pour l’évoquer. N’y voyez aucune dimension politique dans mes der- niers propos. Son penchant à gauche est probable- ment lié au poids du violon qu’il porte régulière- ment sur son épaule et qu’il tient de son bras gauche. Pourtant, il ne joue pas régulièrement d’un instrument. Il prétend ne pas être un violoniste vir- tuose. Après tout, il y a bien des artistes qui fabri- quent des chaussures de danse sur mesure et qui ne dansent jamais. Monsieur Louppe porte indubi- tablement mal son patronyme. Ah, si son Papa avait eu une destinée pour le verre ! Si cela avait été le cas, les violons de Gauthier Louppe seraient pour certains fabriqués et soufflés dans le cristal. Cela est de la fiction. La vérité et réalité sont, en plus de clas- siques en bois, des réalisations gigantesques : ses grands et énormes violons en résine. De la véritable démesure liée à la dimension d’un artiste, encore et pour peu de temps, méconnu. Précipitez-vous au musée/école avant que la notoriété de Gauthier Louppe ne l’éloigne de Marche-en-Famenne. Si vous ne le saviez pas, maintenant vous le savez ! www.ecoledelutherie.eu www.gauthierlouppe.com Restaurant : La Lorraine Nous avons eu un dîner en passant par le Grand Est, cela sonne faux. Je reprends, nous avons dîné à La Lorraine située sur la Place d’Armes à Luxembourg Ville. Pourquoi faire simple ? La Lorraine, l’Alsace, la Champagne et les Ardennes sont quatre régions. Pardon étaient quatre régions. Elles ont succombées car le Grand Est est né. Mais, l’histoire ne s’efface pas d’un coup, fût-il, de loi. Nous avons dîné à La Lorraine : le bien nommé restaurant. Nous y sommes passés et nous y avons passé la soirée. La direction du restaurant nous a offert l‘apéritif : une coupe de champagne (une partie du Grand Est) et une bière pression. La maison sait recevoir. Mon invité et moi avons partagé un homard, cer- tains diraient qu’il était breton. Un homard du Grand Ouest pour les géo-polito-puristes. Pour être précis, d’abord nous l’avons vu bleu, la couleur des fameuses marinières chère à certains qui veulent que la rayure soit horizontale. Présenté décortiqué notre homard, simplement grillé avec une petite sauce au beurre, était un bonheur en bouche. C’était un homard mâle, ils sont reconnaissables à la taille de leurs pinces plus importante que celles des fe- melles. Vous pourrez le vérifiez, l’imposant aqua- rium trône au centre du restaurant. Le service était attentionné tout au long de la soirée. La suite du repas s’est composée d’un carré d’agneau et d’un bar. Le bar est un poisson de l’océan Atlantique qui se nomme loup quand il est péché en Méditerranée. Pour faire simple depuis l’application du règlement n° 1379/2013, les étalages des poissonniers des 13 régions de France et d’ailleurs sont tenus d’afficher les noms des poissons en latin. Ne souriez pas, d’au- tres s’y sont essayés avec leur patronyme. En latin le nom du bar et celui du loup est le même. Je vous le donne : Dicentrarchus labrax. Entendu que les nuances sont de mises donc Caveat emptor. Le bar était excellent. Frais et onctueux, le chef de rang nous l’avait présenté avec sa peau, puis grillé. Pour l’agneau, cela n’a pas été ostentatoire mais tout aussi réussi aux dires du Loup(pe). Le service a été assuré exclusivement par des mes- sieurs, pas une seule femme dans le personnel, ce soir-là. Si rare qu’il me fallait le souligner. Les deux desserts ont été sorbet et salade de fruits. La salade était une partition de couleurs et de volumes décou- pés en petit cubes avec grande minutie. La Place d’Armes offre une belle vue sur la mer. Si vous en doutez, faites-vous plaisir aller dîner à La Lorraine, les produits de la mer sont vivants. Vous y enten- drez le bruit des vagues et vous sentirez l’iode dans l’air. Sans vous mettre du sable dans les chaussures, vous y passerez un moment authentique. Si vous préférez le côté cour, la terrasse offre une belle vue sur le kiosque et en cette saison c’est de la belle mu- sique pour vos oreilles tout en dégustant des pro- duits frais. Interview de Gauthier LOUPPE Monsieur Louppe, vous êtes le Luthier de Wallo- nie. Au nom de la rédaction, je vous adresse nos félicitations pour votre œuvre, que nos vœux de succès vous accompagnent. Nous sommes heu- reux de l’écrire de votre vivant. C’est gênant, car souvent les artistes deviennent célèbres ou stars en période post-mortem. Les artistes sont parfois perçus comme des électrons libres. Parlez-nous de vous et de votre environnement ? Je vis à la campagne en Belgique mais suis né au Grand-Duché de Luxembourg. . . . . .surprenant, je vous pensais de nationalité belge, né où ? Je suis né à Luxembourg-Ville à la Maternité Grande-Duchesse Charlotte. Comme nos souverains. Mes parents habitaient à Florenville et il n’y avait pas de maternité proche. Les mamans se dépla- çaient à Luxembourg-Ville. Pour la Province de Luxembourg, il y avait un accord entre la Belgique et le Luxembourg prévoyait cela. Comme d’autres, je suis belge et né au Grand-Duché de Luxembourg. Avec le futur schéma hospitalier de la Province de Luxembourg, l’histoire pourrait se répéter. Je ren- voie mes lecteurs à Agefi du mois de septembre 2015 pour l’interview de Monsieur Vincent Mag- nus le bourgmestre d’Arlon. J’ai passé toute ma jeunesse dans cette très belle ré- gion. L’être humain est un tout qui est composé d’un ensemble d’éléments qui ne peuvent être indisso- ciables, c’est pourquoi il me faut parler de différents points qui me composent. Au niveau familial, je suis marié, père de trois enfants et grand-père de deux petits garçons. Nos jeunes travaillent chacun dans une discipline différente, les lettres, les arts et pour le dernier les sciences. Cette diversité me plaît. Pour ma part, je dirais que je suis en recherche per- pétuelle. Cette recherche permet la réflexion et l’évo- lution dans la vie et dans mon domaine professionnel qui est peu connu, voire méconnu, celui de la lutherie du quatuor à cordes. Je me re- trouve à œuvrer entre l’artisanat et l’art. Il y a en plus la transmission, puisque j’enseigne les arcanes de mon métier aux futurs luthiers. J’aime aussi rencon- trer les gens, échanger, partager, confronter et phi- losopher. Quelles sont vos passions ? Les voyages font aussi partie de mes passions, car j’aime découvrir d’autres cultures, la moto, modes de vie, formes artistiques, styles architecturaux … le cinéma. Un film à voir ? Permettez-moi de vous citer deux vieux films, cultes pour la musique : Le Violon rouge, l’action se situe à Crémone et Prova d’orchestra de Federico Fellini, en 1979. Demain, un film très récent sur l’écologie et qui traite du futur de la planète. Cela nous rapproche de la COP21, quelle est la re- lation avec la lutherie ? Pour l’anecdote, j’ai failli devenir professeur d’édu- cation physique. Puis, j’ai fait d’un de mes loisirs ma passion et ma véritable pas- sion est devenue mon métier. Ceci me dynamise pour mes propres créations, pour de nou- velles conceptions de projets et pour des réalisations concrètes en lien avec l’école de lutherie et son exposition permanente. Depuis combien d’années exercez-vous et pour- quoi vous pour ce job ? J’ai dû débuter en 1979. Mon travail a toujours été évolutif, ce qui fait qu’il y a eu plusieurs périodes. J’ai débuté dans mon petit atelier à la campagne, principalement dédié à la facture instrumentale. Par la suite, j’ai ouvert un autre atelier de lutherie à Liège conçu pour la restauration des instruments. Suite à la recherche, j’ai entamé une démarche dont j’igno- rais à l’époque l’ampleur, qui m’a mené à exposer régulièrement à Paris, puis dans de nombreuses villes. Dans mon atelier, j’ai également initié de nombreux jeunes, ce qui m’a poussé à penser et fi- nalement, à ouvrir et à gérer une école. Ce projet a été concrétisé il y a près de six ans. Je ne sais pas quelle sera la suite de cette belle aventure. L’avenir nous le dira. Je suis toujours à la recherche de nou- veaux projets et réalisations. Quelles sont vos plus belles réussites ? Je pourrais vous énoncer la liste des prix reçus, des honneurs qui ont été faits, vous présenter l’acquisi- tion ou la vente de beaux instruments prestigieux, avoir été invité dans différents endroits de la planète pour présenter mon travail… . . .et la liste serait longue. . . Je pense que la plus belle réussite est celle d’oser être soi-même, de choisir sa destinée et de réaliser ses rêves. Ce que je fais en est le résultat, ce n’est pas l’homme qui importe, mais bien ce qu’il réalise. Et pour cela il faut poser des choix et suivre sa voie. La plus belle réussite, à mon regard, est d’avoir brisé un carcan culturel pour ouvrir des portes sur des possibilités qui jusque-là étaient utopiques. C’est ça qui a donné naissance à de belles œuvres, voire des chefs-d’œuvre selon l’avis de certains. Etes-vous vraiment un artiste trop méconnu ou pas assez visible ou bien est-ce de la fausse mo- destie ? Bien des gens me taxeront de faux modeste. Certes, je ne nie pas mes compétences, mais la réalité est que le temps que je consacre au travail et à la création est important, ce qui laisse peu de place pour mettre en œuvre des actions pour la visibilité. Je pense que je ne suis pas assez médiatisé, bien que je participe à plusieurs expositions chaque année et organise un concert annuel au cours duquel des musiciens jouent sur mes instruments. Le prochain concert aura lieu le 11 juin et sera interprété sur un de mes violons par Pierre Amoyal, un virtuose que l’on ne présente plus. Il sera accompagné du pianiste Pa- trick Dheur. Le temps me manque pour être très vi- sible sur la scène internationale actuellement. Pourquoi avoir choisi le bois ? C’est n’est pas moi qui ai choisi le bois, mais bien le bois qui m’a choisi. . . . Cela sent la formule préparée et la langue de bois bien ciselée ! Expliquez, éclairez-nous ! On pourrait dire que je suis né dans les copeaux, puisque mon père et mon grand-père étaient me- nuisiers ébénistes. À l’adolescence, j’ai tenté de tra- vailler le bois, et étant trop médiocre dans ce domaine, j’ai abandonné le travail du bois à vie. Plus tard, je me suis remis à l’établi pour la réalisation d’instruments traditionnels. Sachant cela, Monsieur Arias Georges, mon professeur de violon et musi- cien du Grand Orchestre symphonique de Luxem- bourg (aujourd’hui l’Orchestre philharmonique du Luxembourg), m’a fait découvrir le métier de lu- thier, ce qui m’a mené à faire mes études à Crémone la ville du célèbre Stradivarius. Actuellement, je maî- trise le ciselage du bois pour le faire chanter et en faire des œuvres d’art uniques. Combien de temps avez-vous passé à Crémone ? Je suis resté quatre ans à Crémone, de 1979 à 1983. Crémone est une jolie petite ville. L’école était située dans un château du 16 ème siècle avec une superbe architecture. Nous étions un centaine d’étudiants au total et une quinzaine d’élèves dans ma promotion. Quelle était la répartition hommes/femmes ? Dans ma classe, je pense qu’il devait y avoir quinze garçons pour deux à trois filles, guère plus. La pro- portion était identique pour les autres classes. Au- jourd’hui, cela a changé il y a plus de filles et c’est tant mieux. Les filles ont de plus grandes aptitudes et de raffinements pour les travaux de restauration. Crémone est la ville de Stradivarius ? Oui ! Un détail people, pourquoi Stradivarius n’est pas le patronyme exact de cette star qui a traversé les siècles ? Bien sûr que non. Stradivarius n’est pas son vérita- ble nom, mais il signait ainsi. Il faut aussi revenir au mythe. Stradivari est son vrai patronyme italien, il a latinisé son nom en Stradivarius probablement pour faire plus chic, plus noble ou plus intellectuel. Son confrère Guarneri en a fait de même puisque nous le connaissons sous le nom de Guarnerius. Antonio Stradivari a été un chef d’entreprise comme le fut Leonard de Vinci ou bien Rubens. C’est-à-dire que le Maître bien que spécialiste dans son domaine est principalement un homme de re- lation et de commerce. Les œuvres sont en grande partie réalisées par « de petites mains », et signées par le Maestro. Les affaires ont périclitée au décès d’Antonio Stradivari et le mythe a vu le jour par l’intermédiaire d’un luthier parisien de 19è siècle, Jean-Baptiste Vuillaume. Ce dernier a « récupéré » de très nombreux instruments italiens du 18 ème siè- cle, dont des « Stradivarius » pour en faire un com- merce juteux. C’est en les présentant comme étant fortement supérieurs à tous les autres instruments que l’histoire mythique a vu le jour. Depuis, tous les luthiers du monde prennent ces instruments en exemple et en font des sempiternelles copies. Ce contexte ne laisse pas de place à la créativité, alors que le maître Stradivari lui-même ne souhaitait que l’évolution créative puisqu’il changeait les modèles de ses prédécesseurs. Que ferez-vous cette année et en 2017 ? Je suis occupé à réaliser deux créations : un violon- celle à cinq cordes et un violon également à cinq cordes pour un compositeur. Les autres projets ne manquent pas. Je reste très attentif et ouvert à toutes les propositions qu’elles soient nationales ou inter- nationales. J’ai bien évidemment préparé une ligne directrice en bâtissant l’École Internationale de Lu- therie portant mon nom et son exposition perma- nente. Ce projet va se développer, et pour cela, il faut déménager pour intégrer un bâtiment intéressant au niveau historique et plus spacieux. Cette nou- velle réalisation me pousse à être encore plus en re- lation avec l’extérieur et en collaboration avec d’autres institutions. Quelles institutions ? Celles-ci sont de différents ordres : une institution d’enseignement supérieur en pédagogie musicale à Namur, le Conservatoire de Musique à Liège, le Musée Grétry, le Musée des Instruments de Mu- sique de Bruxelles, la Fondation Grumiaux, l’Uni- versité de Liège, la Ville de Marche, la Province de Luxem-bourg et d’autres institutions publiques et privées. Dans divers métiers, certains se plaisent à dire que leur profession pèse autant de millions ou de mil- liards. Est-ce que cette question est d’application : Quel est le chiffre d’affaires généré de manière di- recte ou indirecte par la musique ? En général les luthiers sont discrets et dévoilent ra- rement leurs avoirs. Le chiffre d’affaire est tellement énorme que nous ne pouvons pas l’évaluer aisé- ment. La CSFI (la Chambre Syndicale de la Facture Instrumentale en France) a fait une étude à ce pro- pos, mais je n’en ai pas le résultat chiffré. La der- nière analyse date de 2010 et ne concerne que la France. À l’heure de la mondialisation, nous de- vrions faire une étude plus globale. Le champ est vaste puisque le monde de la musique reprend les concerts, les festivals, les conservatoires et acadé- mies, les ensembles musicaux du simple musicien à l’orchestre symphonique, dans des styles très va- riés, classique, jazz, musette, pop, le rap et surtout la variété qui se taille la plus grande part du gâteau. Ceci via les droits d’auteurs, les médias. Le com- merce est très florissant dans le domaine de la dif- fusion et de la discographie, que l’on croyait en perte de vitesse, mais qui au contraire reprend de plus belle. Il y a aussi tout le monde de la composi- tion et de la facture instrumentale. Les manufac- tures produisent en quantité importante des instruments pour tous les types de musique. Il ne faut pas oublier la production chinoise qui inonde la planète entière de tous produits, dont ceux pour la musique. N’oublions pas non plus les pièces uniques et de collection qui se trouvent dans les musées, les coffres de banques et régulièrement sur le marché de l’art pour se vendre à prix d’or. Qui sont vos clients ? Actuellement, vu que je m’occupe surtout de la formation en luthe- rie, mes étudiants viennent principa- lement de France vu que c’est la langue véhicu- laire, mais aussi du Canada, du Mexique, du Maroc et de Colombie et de nombreuses candida- tures de Cuba, Dane- mark, Turquie et de Russie également. Je n’ai pas eu la possibilité d’ac- cueillir toutes les demandes ve- nues de bien d’autres pays, faute de place. Combien de temps passent vos étudiants chez vous ? Les étudiants viennent pour un premier cursus de trois ans pour la facture instrumentale. Pendant ces trois, ils réalisent la pre- mière année deux violons. Puis lors de la deuxième et troisième année ils réalisent un violoncelle puis une copie d’un ancien instru- ment viole de gambe ou viole d’amour. La quatrième année est dédiée à la restau- ration d’instruments. Ils sont occupés quatre jours par semaine. Au bout de ces quatre ans de formations, vos élèves trouvent-ils aisément un job ? On ne les attend pas tous à la sortie mais pour la plu- part leur avenir est tracé. Et vos clients ? Mes clients viennent tous horizons et sont de tous niveaux. Comme toute structure, le milieu musical est aussi pyramidal. Nombreux sont les enfants et jeunes étudiants dans les académies, ainsi que les musiciens amateurs. Puis, viennent les étudiants du conservatoire, ensuite les musiciens des orchestres et au sommet de cette pyramide se situent les solistes. En tant que professionnels, nous devons rendre ser- vice à chacun et selon leurs besoins. Je prends évi- demment beaucoup de plaisir à restaurer une très belle œuvre, il n’en reste pas moins vrai que voir le sourire d’un jeune qui retrouve son instrument en bon état et que la qualité du réglage l’aide pour son jeu, a aussi une valeur importante. Ici, je parlais de violons classiques, il y en a d’autres qui sont de mon cru, des pièces uniques. Celles-ci intéressent des mu- siciens et des collectionneurs sensibles à l’art et à la belle ouvrage. Quel est le prix d’un violon ? La valeur d’un violon varie selon différents critères. Avant de vous les citer, je puis tout simplement vous répondre que ce prix fluctue entre quelques cen- taines d’euros pour le très bas de gamme et de plu- sieurs millions d’euros pour les pièces rares, voire unique. La valeur dépend donc de la rareté du vio- lon, de l’époque durant laquelle il a été réalisé ; le nom de l’auteur fait évidemment partie de cette va- leur, et aussi la période de sa vie, car tout homme, quel qu’il soit, a commis des « péchés de jeunesse » et les œuvres majeures sont généralement réalisées dans « la force de l’âge » du créateur. Les estimations varient selon les périodes de vie et de la qualité du travail, celle des matériaux utilisés et l’état de conser- vation. Ceci vous donne un large éventail de valeur, ce qui signifie que la qualité d’un expert est fonda- mentale pour estimer un violon. Les instruments bon marché permettent à chacun selon ses moyens de s’essayer à la pratique de l’instrument, puis d’ac- quérir par la suite un violon de valeur. Chaque mu- sicien changera plusieurs fois dans sa vie de violon en fonction de l’évolution de ses compétences et sur- tout selon l’évolution de ses goûts musicaux. Nous pourrions comparer les goûts pour une sonorité au même titre que le choix d’un bon vin. À chacun son plaisir, à chacun son ouïe. Si un vin est adéquat, il doit être en lien avec le menu servi, il en est de même pour les violons, leurs voix doivent s’harmoniser au style de musique interprétée. La qualité sonore du violon fait évidemment partie de sa valeur pécu- niaire. Je vous entends et apprécie les déclinaisons. Don- nez un chiffre svp, j’aimerais un montant en euros. Quel prix peut atteindre un violon Stradivarius ? Un violon Stradivarius que j’ai eu en main s’est vendu environ seize millions d’euros. Cela donne une bonne indication. Combien d’heures travaillez-vous par jour ? Quand on aime, on ne compte pas ! Cette phrase de la sagesse populaire souligne l’importance de la passion et le fait que dans ce cas, le temps ne compte plus. Pour en revenir à votre question, qu’est-ce que travailler ? Un proverbe dit : « Si tu trouves un métier que tu aimes, plus jamais tu ne travailleras dans ta vie. ». Je suis passionné, alors à vous de déduire. Plus prosaïquement, c’est vrai que je travaille beaucoup, et sans compter. À cela, il faut ajouter la part non visible, toute aussi importante, qui est le temps pour la création. Lors de mes ex- positions, je présente parfois des esquisses, croquis ou autres dessins qui font partie de ce temps créatif, je nomme tableaux mes « élucubrations noc- turnes ». Sans ce travail nocturne, celui diurne n’au- rait pas lieu. Car penser, c’est travailler. Nous sommes toujours trop actifs en journée et souvent trop dérangés. La nuit, tout est calme, une autre at- mosphère propice à la méditation et à la création. Vous travaillez beaucoup mais à peine moins de 24 heures par jour. Quel est votre rêve ? Mon rêve ? . . . Je le réalise déjà. Mais en partie seu- lement, car je suis toujours en attente de plus. C’est pour cela que je m’active et le rêve me dynamise. Je souhaite réaliser un musée vivant de la lutherie et j’aimerais le réaliser au Grand-Duché de Luxem- bourg. Ceci pourrait être ma création majeure, indé- pendamment de mes créations artistiques. Le thème de la lutherie peut sembler étroit pour le néophyte, en réalité il est très vaste et diversifié. Lors de mes conférences ou présentations, nous abordons des thèmes comme : la biologie, la technique, la physique mécanique, la résistance des matériaux, l’acoustique, la géographie, l’histoire, les styles, l’expertise, la ra- diologie, l’informatique, la modélisation, les re- cherches, l’évolution … et la finance, pour la valeur des œuvres. Créer ce musée serait donner envie de découvrir un monde insolite, particulier, à large spectre, non figé, qui ouvre des portes sur les diffé- rentes visions du monde, des créations originales et de la beauté. La vie au sein de ce musée est la pré- sence de l’école de lutherie que j’ai pu créer en 2010. Je vois cette institution comme un livre ouvert pro- pice à la découverte. Une transmission intergénéra- tionnelle où l’éducation serait permanente tant pour l’étudiant œuvrant en son sein que pour les visiteurs néophytes ou avertis. Sur qui allez-vous vous appuyer ? Pour une réalisation d’une telle ampleur, il faut s’appuyer sur le monde politique, plus précisément celui concerné par la culture. Les mécènes privés qui vont apporter leur pierre à l’édifice, comme des fondations qui ont pour but la mise en valeur d’un patrimoine, d’un musicien, d’un compositeur ou d’un luthier. Et aussi des investisseurs qui d’une part financent le projet et d’autre part des mécènes qui investissent pour acquérir des pièces de collec- tions, qui par la suite seront mises à disposition dans ce musée. La valeur des violons est telle que le placement dans ce type d’œuvre est considérable et est une valeur refuge. La diversité de personnes et d’organismes ne peut qu’être bénéfique à court et long terme pour ce projet. De quel instrument de musique jouez-vous ? Mon instrument de prédilection est le violon, j’aime aussi jouer du violoncelle pour son timbre grave et ses sons chauds. Pour des raisons professionnelles, je pratique l’alto et un peu de contrebasse. En tant que luthier, il faut pouvoir utiliser tous les instru- ments qu’il faut régler. Vous êtes plus luthier que musicien. Êtes-vous sportif ? Je le fus dans ma jeunesse, avant de découvrir le monde de la lutherie. Je ne le suis plus faute de temps, peut-être, mais je suis devenu un adepte du principe de Churchill : « No water, no sport! », bien que la phrase exacte soit : « No sport, just whisky and cigars! ». Mais je ne fume pas. En réalité, je constate que mes amis qui ont fait trop de sport durant leur vie ont tous des problèmes de santé, pour certains c’est d’être fragile du dos et pour d’autres, il est né- cessaire de se faire placer une prothèse articulaire ici ou là. C’est donc pour garder mon intégrité physique que je ne fais pas de sport. Il n’en reste pas moins vrai que je prends des risques en faisant de la moto. Pas de vélo ? Le vélo ? Bien sûr que oui, surtout quand j’étais jeune. Nous avons dans nos régions de nombreuses courses cyclistes qui font rêver la jeunesse. J’ai sou- vent parcouru à vélo les routes empruntées par des courses, je le faisais rien que pour le plaisir. Actuelle- ment, je prends un vélo pour faire des ballades avec mon épouse ; là pas de vitesse, pas de compétition, je l’attends en haut de côtes. (rires. . . ) Que pensez-vous du fait que le Tour de France 2017 pourrait faire une halte à Esch-sur-Alzette ? Même si je ne suis plus un sportif assidu, un événe- ment comme celui du Tour de France est une très bonne chose pour la ville d’Esch. À l’extérieur du pays, cette ville n’est pas assez connue. Ce passage va promouvoir l’image de marque et de développe- ment touristique pour cette cité. A votre avis, quel sont les retombées en terme d’image et surtout financière ? Je pense que les retombées en termes d’image pour la ville et la région vont être très bonnes, car le Tour de France a mis en place une médiatisation touris- tique bien développée. Suivre le Tour de France à la télévision revient à découvrir tous les endroits tra- versés par la course. Les retombées économiques di- rectes seront fortes et les retombées touristiques s’échelonneront sur plusieurs années. Nous pou- vons imaginer qu’un euro investi en rapporte plus. Avez-vous déjà eu l’occasion de vous rendre au Festival de Wiltz ? Honnêtement, je devrais faire mon mea culpa à ce sujet. J’adore les festivals, je ne m’y rends que quand je suis en congé. Donc, c’est en d’autres lieux de vil- légiatures que je profite de la musique, cela au fil de mes pérégrinations. Vous avez raison de me poser la question, je devrais être plus attentif à ce qui se passe près de chez moi. Où êtes-vous parti en vacances en 2015 ? Suite à un projet majeur, 2015 a été une année très la- borieuse, je suis parti uniquement pour quelques pe- tits city trips , car j’avais mis sur pied une grande exposition. Cette réalisation m’avait demandé d’être actif avec des artistes, des techniciens, des politiques et des mécènes. Il a fallu réaliser un catalogue et mon- ter cette exposition dont le thème est « Les Grands vio- lons d’art ». Une exposition qu’il a fallu gérer durant deux mois et demi en été 2015. Après ce temps fort et bien rempli, l’école accueillait les étudiants pour la ren- trée académique. Donc une année chargée. Où irez-vous en 2016 ? Plusieurs voyages sont programmés pour cette année, deux en été dont un en France, le second en Finlande pour revoir une jeune fille qui avait logé chez nous l’année de sa rhéto, et en hiver ce sera au Québec. Belle triangulaire. Connaissez-vous Agefi ? Oui et je le lis régulièrement. Bien que je ne sois pas passionné de finance, je découvre des articles inté- ressants dans des domaines variés qui me permet- tent de m’informer. Ce n’est pas pour vous faire plaisir, mais je ne manque pas de lire votre rubrique: « Le Dîner de Charles ». J’y découvre avec curiosité vos invités, des personnalités intéressantes à décou- vrir et à connaitre. Des personnes qui me donnent envie de les rencontrer. Votre réponse est une symphonie pour mon ego. Certains lecteurs pourraient faire la même re- marque à votre égard : un luthier perdu dans un mensuel économique. Un des buts de ma rubrique est de façonner des découvertes et de les présenter. En combien de temps construisez-vous un violon dit standard ? Vous savez certainement que faire un violon clas- sique est une chose, en créer un d’un autre style en est une autre. J’entends par là que réaliser un violon classique est relativement simple, vu que méthodo- logie est établie depuis des siècles et que le style n’a pas changé. Par contre, concevoir d’autres formes, d’autres modèles, apporter de nouvelles conceptions demande de la créativité, de la liberté conceptuelle et être au-dessus de l’ordinaire. Pour bien répondre à votre question, je puis dire qu’il faut 200 ans pour que l’arbre, l’épicéa ou l’érable, atteigne sa plénitude de croissance, que le bois sèche durant une vingtaine d’années, qu’une dizaine d’années sont nécessaires pour la formation du luthier et quand ce tout est réuni, il faut 200 à 300 heures de travail pour réaliser un bon violon classique. Vous pouvez multiplier ce temps par 10, par 20 ou plus pour les œuvres les plus complexes que j’ai conçues et réalisées. Quelle est la réalisation qui a nécessité le plus de temps ? Une des œuvres les plus intéressantes est le violon « Vent de Liberté ». Il est conçu selon l’esprit de Sal- vatore Dali et pour visualiser de ses montres molles. Je souhaitais réaliser un violon « mou » et fonctionnel pour devenir un instrument de soliste, ce qui est le cas. La créativité complexe de cette œuvre a engen- dré la conception d’une nouvelle méthodologie constructive et technique, ce qui implique un temps considérable. Cela m’a pris deux ans pour le réaliser. D’autres œuvres sont du même acabit tel l’alto « Gaudiade » et le quatuor « Phénix », composé de deux violons, un alto et un violoncelle, tous construits dans le bois du même arbre et surtout dans le même style, pour être une entité unique. Essayons la dimension politique. Pensez-vous que Monsieur Bart De Wever ferait un bon premier mi- nistre pour votre pays ? Plus que la problématique d’un personnage, c’est l’avenir de la Belgique qu’il faut appréhender. Delà, celui de l’Europe. Avec toute cette montée de l’ex- trême droite, le nationalisme prend de l’ampleur à un point tel que l’on peut se dire que les mémoires sont courtes et qu’il est difficile de tirer de bonnes conclusions du passé, qui n’est pas si lointain. Nous sommes en paix au sein de l’Europe suite à sa construction qui fut lente et malgré tous les défauts qu’elle comporte, c’est une démocratie positive qu’il faut conserver. Vient de ce fait le sujet des immigrés et l’accueil qui leur est fait. Ce n’est certes pas les ex- trémistes, tel Bart De Wever, qui vont permettre une intégration de ces migrants. C’est un politicien à poigne qui ne cache pas ses points de vue populistes et extrémistes. Mais, il est éligible. S’il devenait pre- mier ministre, il ne peut pas être un bon premier mi- nistre, car cette place est celle de la personne qui représente l’unité de la Belgique, déjà très fragilisée. Il est le président d’un parti qui a dans sa constitution la séparation de la Flandre et de la Wallonie. Il sou- haite la mort de l’État belge, donc il ne devrait même pas poser sa candidature à ce poste et rester unique- ment homme politique pour la Flandre. En Formule 1, le rôle du pilote est déterminant mais la carrosserie et le moteur sont des éléments essentiels de la victoire. Est-ce qu’un piètre violo- niste peut être aidé par un violon parfait et dans quelles proportions l’instrument peut cacher les in- suffisances du musicien ? C’est amusant que vous me posiez la question de cette manière, car lors de mes conférences, il m’arrive fréquemment de comparer le technicien et le pilote de Formule 1, au luthier et au virtuose. Je me sens comme le technicien qui est capable de faire des tours de piste mais qui ne fait pas la compétition. Je ne fais pas le concert, je suis là pour aider au mieux le concertiste. Un bon instrument bien réglé tel un moteur de Formule 1, aide le virtuose, il en est de même pour l’amateur pour son propre instrument. Vous arrive-t-il de vous énerver en conduisant votre voiture en Belgique ou ailleurs ? Très rarement, car s’énerver ne sert à rien, ne change rien et c’est très mauvais pour sa propre santé. Par contre, je trouve que certains conducteurs sont très dangereux et feraient bien d’être plus attentifs et consciencieux du danger qu’ils représentent pour les autres. Je me dis que s’ils roulaient en moto, ils adop- teraient certainement un autre comportement. Avez-vous déjà refusé de vendre une de vos œu- vres et de le regretter par la suite ? Effectivement, j’ai déjà refusé de vendre, ce qui n’est pas habituel pour quelqu’un qui vit de ses réalisa- tions. Des œuvres uniques ne se vendent pas n’im- porte comment à la légère. Il y a un choix à poser. Si l’instrument part dans de bonnes conditions, pas de problème, si ce n’est pas le cas, je préfère conserver l’œuvre et en profiter pour l’exposer et le faire jouer lors de divers événements. Ce serait triste de consta- ter que cette réalisation finisse ses jours hors circuit à l’abri des regards ou dans un coffre de banque. Remplacée par Monsieur François Bellot, le bourg- mestre de Rochefort, la ministre Jacqueline Galant a quitté le gouvernement fédéral. Pensez-vous que les trains reliant entre Bruxelles et Luxembourg, via Arlon vont enfin arriver à l’heure ? C’est à espérer mais ce serait trop beau s’il suffisait de changer de ministre pour pallier à toutes les dif- ficultés d’une structure, d’une organisation et d’un timing. Par contre, je pense que Monsieur Bellot, po- liticien du Sud du pays a tout intérêt à faire le maxi- mum pour que cette ligne soit la plus ponctuelle possible, car là il touche directement son électorat. Je sais que Monsieur Bellot est un usager du train. Il ne faut pas oublier non plus que cette ligne ferroviaire relie deux capitales européennes, ce qui justifie qu’elle soit réglée comme une horloge suisse. Quelle est votre partition de musique classique préférée ? En musique classique, je reste très ému en écoutant le quatuor à cordes n°1 de Tchaïkovski, surtout l’in- terprétation du Borodin quartet. Quels sont vos divertissements en dehors de l’art, et hors de la lutherie, musique et peinture ? J’aime les balades en moto, ce sont pour moi des mo- ments privilégiés où je suis seul ce sont des décou- vertes de paysages, j’aime lire, aller au cinéma, me promener, voyager, danser et faire la fête. Rencontrer des gens, comme vous ce soir. Le dopage dans le vélo est devenu monnaie cou- rante : dopages techniques ou médicamenteux. Peu importe la forme, existe-t-il une forme de triche possible dans la lutherie ? Malheureusement oui ! Je pense que ce mal est pro- pre à l’Homme, cela a débuté à partir du moment où il avait quelque chose à gagner, notamment finan- cièrement. Le faussaire est la forme de triche dans notre domaine. Bon nombre de copies d’instruments anciens ont été réalisées dans le but de les vendre pour vraies. Depuis le 19 e siècle, des luthiers ayant pignon sur rue ont réalisé des copies ou ont recons- truit des instruments complets à partir d’une pièce originale pour les vendre au prix plein. Ce type d’instrument recomposé porte le nom d’« Arle- quin », l’origine en est le vêtement cousu de pièces de tissus différents. La déontologie est un élément important que j’enseigne à mes étudiants, car pour moi c’est fondamental. Il y a la déontologie écono- mique et commerciale, ainsi que celle pour la restau- ration. Dans tous les cas, nous n’agissons pas n’importe comment. . . . et avant de conclure, je n’ai aucune question re- lative à votre magnifique moustache. Si la rédac- tion d’Agefi retenait l’idée, accepteriez-vous que vos œuvres soient photographiées et qu’elles figu- rent dans un prochain numéro ? Oui, bien sûr. Je pense que l’art et la finance sont fait l’un pour l’autre, l’un apporte à l’autre, l’un ne vit pas sans l’autre. Comme je le fais lors de mes expo- sitions, je souligne que la connaissance n’a de valeur que si elle est partagée. Ce serait pour moi un partage que je ferais avec grand plaisir, et le partage est un but dans ma vie. Je vous coupe ! Avez-vous passé une agréable soi- rée ? J’ai passé une très agréable et bien enrichissante soi- rée. Notre dîner était parfait. Il me reste à vous remercier sincèrement. Bon vent à vos instruments à cordes et à vous Monsieur Louppe je vous souhaite bonne chance. [email protected] Le Dîner de Charles - L’interview mensuelle d’une personnalité luxembourgeoise ou européenne en relation avec le Luxembourg - La rubrique de Charles MANDICA Interview de Gauthier LOUPPE : Profession Luthier « Stradivarius n’est pas son véritable nom, mais il signait ainsi »

Interview de Gauthier LOUPPE : Profession Luthier ...academieluxembourgeoise.files.wordpress.com/...traite du futur de la planète. Cela nous rapproche de la COP21, quelle est la re-lation

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Page 1: Interview de Gauthier LOUPPE : Profession Luthier ...academieluxembourgeoise.files.wordpress.com/...traite du futur de la planète. Cela nous rapproche de la COP21, quelle est la re-lation

AGEFI Luxembourg20Mai 2016

Le Dîner de Charles

Gauthier Louppe a une allurequi ne laisse pas indif-férent. Aux sens

larges de tous les termes, ilest l’artiste personnifié. Pourvous proposer un parallèlehistorique, par son look, ilpourrait être la réincarnationd’Attila ou un de ses Huns. Sion imagine une période plusproche du 21ème siècle, il pour-rait être une doublure de Vercin-gétorix. Mais, je n’y étais pas etvous probablement pas plus quemoi. Mon invité incarne lacréation des instru-ments de musique enbois. Pour le décrire, jevous renvoie, au casqueprès, aux dessins d’Asté-rix du phénoménal duo:Albert Uderzo et René Gos-cinny. Les propos de notreluthier sont souvent très douxet il est trop attachant pour sefaire illustrer par un combattant,fût-il aussi sympathique qu’Astérix.César tu lèves ton pouce couleur bleue !

Gauthier Louppe est un grand pédagogue et hélasson école, petit endroit cosy de Marche-en-Famenne, ne peut accueillir plus de monde. Aprèsautant d’années ses élèves lui sont tous fidèles.Quand on regarde de face ce personnage, on devinequ’il penche légèrement à gauche. C’est à peinenotable, mais suffisamment pour l’évoquer. N’yvoyez aucune dimension politique dans mes der-niers propos. Son penchant à gauche est probable-ment lié au poids du violon qu’il porte régulière-ment sur son épaule et qu’il tient de son brasgauche. Pourtant, il ne joue pas régulièrement d’uninstrument. Il prétend ne pas être un violoniste vir-tuose. Après tout, il y a bien des artistes qui fabri-quent des chaussures de danse sur mesure et quine dansent jamais. Monsieur Louppe porte indubi-tablement mal son patronyme. Ah, si son Papa avaiteu une destinée pour le verre ! Si cela avait été lecas, les violons de Gauthier Louppe seraient pourcertains fabriqués et soufflés dans le cristal. Cela estde la fiction. La vérité et réalité sont, en plus de clas-siques en bois, des réalisations gigantesques : sesgrands et énormes violons en résine. De la véritabledémesure liée à la dimension d’un artiste, encore etpour peu de temps, méconnu. Précipitez-vous aumusée/école avant que la notoriété de GauthierLouppe ne l’éloigne de Marche-en-Famenne. Sivous ne le saviez pas, maintenant vous le savez !

www.ecoledelutherie.euwww.gauthierlouppe.com

Restaurant : La Lorraine

Nous avons eu un dîner en passant par le GrandEst, cela sonne faux.

Je reprends, nous avons dîné à La Lorraine situéesur la Place d’Armes à Luxembourg Ville. Pourquoifaire simple ? La Lorraine, l’Alsace, la Champagneet les Ardennes sont quatre régions. Pardon étaientquatre régions. Elles ont succombées car le GrandEst est né. Mais, l’histoire ne s’efface pas d’un coup,fût-il, de loi. Nous avons dîné à La Lorraine : le biennommé restaurant. Nous y sommes passés et nousy avons passé la soirée. La direction du restaurantnous a offert l‘apéritif : une coupe de champagne(une partie du Grand Est) et une bière pression. Lamaison sait recevoir.

Mon invité et moi avons partagé un homard, cer-tains diraient qu’il était breton. Un homard duGrand Ouest pour les géo-polito-puristes. Pour êtreprécis, d’abord nous l’avons vu bleu, la couleur desfameuses marinières chère à certains qui veulentque la rayure soit horizontale. Présenté décortiquénotre homard, simplement grillé avec une petitesauce au beurre, était un bonheur en bouche. C’étaitun homard mâle, ils sont reconnaissables à la taillede leurs pinces plus importante que celles des fe-melles. Vous pourrez le vérifiez, l’imposant aqua-rium trône au centre du restaurant. Le service étaitattentionné tout au long de la soirée. La suite durepas s’est composée d’un carré d’agneau et d’unbar. Le bar est un poisson de l’océan Atlantique quise nomme loup quand il est péché en Méditerranée.Pour faire simple depuis l’application du règlementn° 1379/2013, les étalages des poissonniers des 13régions de France et d’ailleurs sont tenus d’afficherles noms des poissons en latin. Ne souriez pas, d’au-tres s’y sont essayés avec leur patronyme. En latinle nom du bar et celui du loup est le même. Je vousle donne : Dicentrarchus labrax. Entendu que lesnuances sont de mises donc Caveat emptor. Le barétait excellent. Frais et onctueux, le chef de rangnous l’avait présenté avec sa peau, puis grillé. Pourl’agneau, cela n’a pas été ostentatoire mais tout aussiréussi aux dires du Loup(pe).

Le service a été assuré exclusivement par des mes-sieurs, pas une seule femme dans le personnel, cesoir-là. Si rare qu’il me fallait le souligner. Les deuxdesserts ont été sorbet et salade de fruits. La saladeétait une partition de couleurs et de volumes décou-pés en petit cubes avec grande minutie. La Placed’Armes offre une belle vue sur la mer. Si vous endoutez, faites-vous plaisir aller dîner à La Lorraine,les produits de la mer sont vivants. Vous y enten-drez le bruit des vagues et vous sentirez l’iode dansl’air. Sans vous mettre du sable dans les chaussures,vous y passerez un moment authentique. Si vouspréférez le côté cour, la terrasse offre une belle vuesur le kiosque et en cette saison c’est de la belle mu-sique pour vos oreilles tout en dégustant des pro-duits frais.

Interview de Gauthier LOUPPE

Monsieur Louppe, vous êtes le Luthier de Wallo-nie. Au nom de la rédaction, je vous adresse nosfélicitations pour votre œuvre, que nos vœux desuccès vous accompagnent. Nous sommes heu-reux de l’écrire de votre vivant. C’est gênant, carsouvent les artistes deviennent célèbres ou starsen période post-mortem. Les artistes sont parfoisperçus comme des électrons libres. Parlez-nous devous et de votre environnement ?

Je vis à la campagne en Belgique mais suis né auGrand-Duché de Luxembourg. . .

. . .surprenant, je vous pensais de nationalité belge,né où ?

Je suis né à Luxembourg-Ville à la MaternitéGrande-Duchesse Charlotte.

Comme nos souverains.

Mes parents habitaient à Florenville et il n’y avaitpas de maternité proche. Les mamans se dépla-çaient à Luxembourg-Ville. Pour la Province deLuxembourg, il y avait un accord entre la Belgiqueet le Luxembourg prévoyait cela. Comme d’autres,je suis belge et né au Grand-Duché de Luxembourg.

Avec le futur schéma hospitalier de la Province deLuxembourg, l’histoire pourrait se répéter. Je ren-voie mes lecteurs à Agefi du mois de septembre2015 pour l’interview de Monsieur Vincent Mag-nus le bourgmestre d’Arlon.

J’ai passé toute ma jeunesse dans cette très belle ré-gion. L’être humain est un tout qui est composé d’unensemble d’éléments qui ne peuvent être indisso-ciables, c’est pourquoi il me faut parler de différentspoints qui me composent. Au niveau familial, je suismarié, père de trois enfants et grand-père de deuxpetits garçons. Nos jeunes travaillent chacun dansune discipline différente, les lettres, les arts et pourle dernier les sciences. Cette diversité me plaît.

Pour ma part, je dirais que je suis en recherche per-pétuelle. Cette recherche permet la réflexion et l’évo-lution dans la vie et dans mon domaineprofessionnel qui est peu connu, voire méconnu,celui de la lutherie du quatuor à cordes. Je me re-trouve à œuvrer entre l’artisanat et l’art. Il y a en plusla transmission, puisque j’enseigne les arcanes demon métier aux futurs luthiers. J’aime aussi rencon-trer les gens, échanger, partager, confronter et phi-losopher.

Quelles sont vos passions ?

Les voyages font aussi partie de mes passions, carj’aime découvrir d’autres cultures, la moto, modesde vie, formes artistiques, styles architecturaux …le cinéma.

Un film à voir ?

Permettez-moi de vous citer deux vieux films, cultespour la musique : Le Violon rouge, l’action se situe àCrémone et Prova d’orchestra de Federico Fellini, en1979. Demain, un film très récent sur l’écologie et quitraite du futur de la planète.

Cela nous rapproche de la COP21, quelle est la re-lation avec la lutherie ?

Pour l’anecdote, j’ai failli devenir professeur d’édu-cation physique. Puis, j’ai fait d’un de mes loisirs ma

passion et ma véritable pas-sion est devenue mon métier.Ceci me dynamise pour mespropres créations, pour de nou-velles conceptions de projets et pour desréalisations concrètes en lien avec l’école delutherie et son exposition permanente.

Depuis combien d’années exercez-vous et pour-quoi vous pour ce job ?

J’ai dû débuter en 1979. Mon travail a toujours étéévolutif, ce qui fait qu’il y a eu plusieurs périodes.J’ai débuté dans mon petit atelier à la campagne,principalement dédié à la facture instrumentale. Parla suite, j’ai ouvert un autre atelier de lutherie à Liègeconçu pour la restauration des instruments. Suite àla recherche, j’ai entamé une démarche dont j’igno-rais à l’époque l’ampleur, qui m’a mené à exposerrégulièrement à Paris, puis dans de nombreusesvilles. Dans mon atelier, j’ai également initié denombreux jeunes, ce qui m’a poussé à penser et fi-nalement, à ouvrir et à gérer une école. Ce projet aété concrétisé il y a près de six ans. Je ne sais pasquelle sera la suite de cette belle aventure. L’avenirnous le dira. Je suis toujours à la recherche de nou-veaux projets et réalisations.

Quelles sont vos plus belles réussites ?

Je pourrais vous énoncer la liste des prix reçus, deshonneurs qui ont été faits, vous présenter l’acquisi-tion ou la vente de beaux instruments prestigieux,avoir été invité dans différents endroits de la planètepour présenter mon travail…

. . .et la liste serait longue. . .

Je pense que la plus belle réussite est celle d’oser êtresoi-même, de choisir sa destinée et de réaliser sesrêves. Ce que je fais en est le résultat, ce n’est pasl’homme qui importe, mais bien ce qu’il réalise. Etpour cela il faut poser des choix et suivre sa voie. Laplus belle réussite, à mon regard, est d’avoir briséun carcan culturel pour ouvrir des portes sur despossibilités qui jusque-là étaient utopiques. C’est çaqui a donné naissance à de belles œuvres, voire deschefs-d’œuvre selon l’avis de certains.

Etes-vous vraiment un artiste trop méconnu oupas assez visible ou bien est-ce de la fausse mo-destie ?

Bien des gens me taxeront de faux modeste. Certes,je ne nie pas mes compétences, mais la réalité est quele temps que je consacre au travail et à la création estimportant, ce qui laisse peu de place pour mettre enœuvre des actions pour la visibilité. Je pense que jene suis pas assez médiatisé, bien que je participe àplusieurs expositions chaque année et organise unconcert annuel au cours duquel des musiciensjouent sur mes instruments. Le prochain concertaura lieu le 11 juin et sera interprété sur un de mesviolons par Pierre Amoyal, un virtuose que l’on neprésente plus. Il sera accompagné du pianiste Pa-trick Dheur. Le temps me manque pour être très vi-sible sur la scène internationale actuellement.

Pourquoi avoir choisi le bois ?

C’est n’est pas moi qui ai choisi le bois, mais bien lebois qui m’a choisi.

. . . Cela sent la formule préparée et la langue debois bien ciselée ! Expliquez, éclairez-nous !

On pourrait dire que je suis né dans les copeaux,puisque mon père et mon grand-père étaient me-nuisiers ébénistes. À l’adolescence, j’ai tenté de tra-vailler le bois, et étant trop médiocre dans cedomaine, j’ai abandonné le travail du bois à vie. Plustard, je me suis remis à l’établi pour la réalisationd’instruments traditionnels. Sachant cela, MonsieurArias Georges, mon professeur de violon et musi-cien du Grand Orchestre symphonique de Luxem-bourg (aujourd’hui l’Orchestre philharmonique duLuxembourg), m’a fait découvrir le métier de lu-thier, ce qui m’a mené à faire mes études à Crémonela ville du célèbre Stradivarius. Actuellement, je maî-trise le ciselage du bois pour le faire chanter et enfaire des œuvres d’art uniques.

Combien de temps avez-vous passé à Crémone ?

Je suis resté quatre ans à Crémone, de 1979 à 1983.Crémone est une jolie petite ville. L’école était situéedans un château du 16ème siècle avec une superbearchitecture. Nous étions un centaine d’étudiants autotal et une quinzaine d’élèves dans ma promotion.

Quelle était la répartition hommes/femmes ?

Dans ma classe, je pense qu’il devait y avoir quinzegarçons pour deux à trois filles, guère plus. La pro-portion était identique pour les autres classes. Au-jourd’hui, cela a changé il y a plus de filles et c’esttant mieux. Les filles ont de plus grandes aptitudeset de raffinements pour les travaux de restauration.

Crémone est la ville de Stradivarius ?

Oui !

Un détail people, pourquoi Stradivarius n’est pasle patronyme exact de cette star qui a traversé lessiècles ?

Bien sûr que non. Stradivarius n’est pas son vérita-ble nom, mais il signait ainsi. Il faut aussi revenirau mythe. Stradivari est son vrai patronyme italien,il a latinisé son nom en Stradivarius probablementpour faire plus chic, plus noble ou plus intellectuel.Son confrère Guarneri en a fait de même puisquenous le connaissons sous le nom de Guarnerius.Antonio Stradivari a été un chef d’entreprisecomme le fut Leonard de Vinci ou bien Rubens.C’est-à-dire que le Maître bien que spécialiste dansson domaine est principalement un homme de re-lation et de commerce. Les œuvres sont en grandepartie réalisées par « de petites mains », et signéespar le Maestro. Les affaires ont périclitée au décèsd’Antonio Stradivari et le mythe a vu le jour parl’intermédiaire d’un luthier parisien de 19è siècle,Jean-Baptiste Vuillaume. Ce dernier a « récupéré »de très nombreux instruments italiens du 18ème siè-cle, dont des « Stradivarius » pour en faire un com-merce juteux. C’est en les présentant comme étantfortement supérieurs à tous les autres instrumentsque l’histoire mythique a vu le jour. Depuis, tousles luthiers du monde prennent ces instruments enexemple et en font des sempiternelles copies. Cecontexte ne laisse pas de place à la créativité, alorsque le maître Stradivari lui-même ne souhaitait quel’évolution créative puisqu’il changeait les modèlesde ses prédécesseurs.

Que ferez-vous cette année et en 2017 ?

Je suis occupé à réaliser deux créations : un violon-celle à cinq cordes et un violon également à cinqcordes pour un compositeur. Les autres projets nemanquent pas. Je reste très attentif et ouvert à toutesles propositions qu’elles soient nationales ou inter-nationales. J’ai bien évidemment préparé une lignedirectrice en bâtissant l’École Internationale de Lu-therie portant mon nom et son exposition perma-nente. Ce projet va se développer, et pour cela, il fautdéménager pour intégrer un bâtiment intéressantau niveau historique et plus spacieux. Cette nou-velle réalisation me pousse à être encore plus en re-lation avec l’extérieur et en collaboration avecd’autres institutions.

Quelles institutions ?

Celles-ci sont de différents ordres : une institutiond’enseignement supérieur en pédagogie musicaleà Namur, le Conservatoire de Musique à Liège, leMusée Grétry, le Musée des Instruments de Mu-sique de Bruxelles, la Fondation Grumiaux, l’Uni-versité de Liège, la Ville de Marche, la Province deLuxem-bourg et d’autres institutions publiques etprivées.

Dans divers métiers, certains se plaisent à dire queleur profession pèse autant de millions ou de mil-liards. Est-ce que cette question est d’application :Quel est le chiffre d’affaires généré de manière di-recte ou indirecte par la musique ?

En général les luthiers sont discrets et dévoilent ra-rement leurs avoirs. Le chiffre d’affaire est tellementénorme que nous ne pouvons pas l’évaluer aisé-ment. La CSFI (la Chambre Syndicale de la FactureInstrumentale en France) a fait une étude à ce pro-pos, mais je n’en ai pas le résultat chiffré. La der-nière analyse date de 2010 et ne concerne que laFrance. À l’heure de la mondialisation, nous de-vrions faire une étude plus globale. Le champ estvaste puisque le monde de la musique reprend lesconcerts, les festivals, les conservatoires et acadé-mies, les ensembles musicaux du simple musicienà l’orchestre symphonique, dans des styles très va-riés, classique, jazz, musette, pop, le rap et surtoutla variété qui se taille la plus grande part du gâteau.Ceci via les droits d’auteurs, les médias. Le com-merce est très florissant dans le domaine de la dif-fusion et de la discographie, que l’on croyait enperte de vitesse, mais qui au contraire reprend deplus belle. Il y a aussi tout le monde de la composi-tion et de la facture instrumentale. Les manufac-tures produisent en quantité importante desinstruments pour tous les types de musique. Il nefaut pas oublier la production chinoise qui inondela planète entière de tous produits, dont ceux pourla musique. N’oublions pas non plus les piècesuniques et de collection qui se trouvent dans lesmusées, les coffres de banques et régulièrement surle marché de l’art pour se vendre à prix d’or.

Qui sont vos clients ?

Actuellement, vu que jem’occupe surtout de laformation en luthe-rie, mes étudiantsviennent principa-lement de Francevu que c’est lalangue véhicu-laire, mais aussi duCanada, duMexique, du Marocet de Colombie et denombreuses candida-

tures de Cuba, Dane-mark, Turquie et de Russieégalement. Je n’ai pas eu

la possibilité d’ac-cueillir toutes lesdemandes ve-nues de biend’autres pays,faute de place.

Combien detemps passentvos étudiants

chez vous ?

Les étudiants viennentpour un premier cursusde trois ans pour la factureinstrumentale. Pendant cestrois, ils réalisent la pre-

mière année deux violons. Puislors de la deuxième et troisièmeannée ils réalisent un violoncellepuis une copie d’un ancien instru-ment viole de gambe ou viole

d’amour. La quatrième année est dédiée à la restau-ration d’instruments. Ils sont occupés quatre jourspar semaine.

Au bout de ces quatre ans de formations, vosélèves trouvent-ils aisément un job ?

On ne les attend pas tous à la sortie mais pour la plu-part leur avenir est tracé.

Et vos clients ?

Mes clients viennent tous horizons et sont de tousniveaux. Comme toute structure, le milieu musicalest aussi pyramidal. Nombreux sont les enfants etjeunes étudiants dans les académies, ainsi que lesmusiciens amateurs. Puis, viennent les étudiants duconservatoire, ensuite les musiciens des orchestres etau sommet de cette pyramide se situent les solistes.En tant que professionnels, nous devons rendre ser-vice à chacun et selon leurs besoins. Je prends évi-demment beaucoup de plaisir à restaurer une trèsbelle œuvre, il n’en reste pas moins vrai que voir lesourire d’un jeune qui retrouve son instrument enbon état et que la qualité du réglage l’aide pour sonjeu, a aussi une valeur importante. Ici, je parlais deviolons classiques, il y en a d’autres qui sont de moncru, des pièces uniques. Celles-ci intéressent des mu-siciens et des collectionneurs sensibles à l’art et à labelle ouvrage.

Quel est le prix d’un violon ?

La valeur d’un violon varie selon différents critères.Avant de vous les citer, je puis tout simplement vousrépondre que ce prix fluctue entre quelques cen-taines d’euros pour le très bas de gamme et de plu-sieurs millions d’euros pour les pièces rares, voireunique. La valeur dépend donc de la rareté du vio-lon, de l’époque durant laquelle il a été réalisé ; lenom de l’auteur fait évidemment partie de cette va-leur, et aussi la période de sa vie, car tout homme,quel qu’il soit, a commis des « péchés de jeunesse »et les œuvres majeures sont généralement réaliséesdans « la force de l’âge» du créateur. Les estimationsvarient selon les périodes de vie et de la qualité dutravail, celle des matériaux utilisés et l’état de conser-vation. Ceci vous donne un large éventail de valeur,ce qui signifie que la qualité d’un expert est fonda-mentale pour estimer un violon. Les instrumentsbon marché permettent à chacun selon ses moyensde s’essayer à la pratique de l’instrument, puis d’ac-quérir par la suite un violon de valeur. Chaque mu-sicien changera plusieurs fois dans sa vie de violonen fonction de l’évolution de ses compétences et sur-tout selon l’évolution de ses goûts musicaux. Nouspourrions comparer les goûts pour une sonorité aumême titre que le choix d’un bon vin. À chacun sonplaisir, à chacun son ouïe. Si un vin est adéquat, ildoit être en lien avec le menu servi, il en est de mêmepour les violons, leurs voix doivent s’harmoniser austyle de musique interprétée. La qualité sonore duviolon fait évidemment partie de sa valeur pécu-niaire.

Je vous entends et apprécie les déclinaisons. Don-nez un chiffre svp, j’aimerais un montant en euros.Quel prix peut atteindre un violon Stradivarius ?

Un violon Stradivarius que j’ai eu en main s’estvendu environ seize millions d’euros.

Cela donne une bonne indication. Combiend’heures travaillez-vous par jour ?

Quand on aime, on ne compte pas ! Cette phrasede la sagesse populaire souligne l’importance de lapassion et le fait que dans ce cas, le temps necompte plus. Pour en revenir à votre question,qu’est-ce que travailler ? Un proverbe dit : « Si tutrouves un métier que tu aimes, plus jamais tu netravailleras dans ta vie. ». Je suis passionné, alors àvous de déduire. Plus prosaïquement, c’est vrai queje travaille beaucoup, et sans compter. À cela, il fautajouter la part non visible, toute aussi importante,qui est le temps pour la création. Lors de mes ex-positions, je présente parfois des esquisses, croquisou autres dessins qui font partie de ce temps créatif,je nomme tableaux mes « élucubrations noc-turnes». Sans ce travail nocturne, celui diurne n’au-rait pas lieu. Car penser, c’est travailler. Noussommes toujours trop actifs en journée et souventtrop dérangés. La nuit, tout est calme, une autre at-mosphère propice à la méditation et à la création.

Vous travaillez beaucoup mais à peine moins de24 heures par jour. Quel est votre rêve ?

Mon rêve ? . . . Je le réalise déjà. Mais en partie seu-lement, car je suis toujours en attente de plus. C’estpour cela que je m’active et le rêve me dynamise. Jesouhaite réaliser un musée vivant de la lutherie etj’aimerais le réaliser au Grand-Duché de Luxem-bourg. Ceci pourrait être ma création majeure, indé-pendamment de mes créations artistiques. Le thèmede la lutherie peut sembler étroit pour le néophyte,en réalité il est très vaste et diversifié. Lors de mesconférences ou présentations, nous abordons desthèmes comme: la biologie, la technique, la physiquemécanique, la résistance des matériaux, l’acoustique,la géographie, l’histoire, les styles, l’expertise, la ra-diologie, l’informatique, la modélisation, les re-cherches, l’évolution … et la finance, pour la valeurdes œuvres. Créer ce musée serait donner envie dedécouvrir un monde insolite, particulier, à largespectre, non figé, qui ouvre des portes sur les diffé-rentes visions du monde, des créations originales etde la beauté. La vie au sein de ce musée est la pré-sence de l’école de lutherie que j’ai pu créer en 2010.Je vois cette institution comme un livre ouvert pro-pice à la découverte. Une transmission intergénéra-tionnelle où l’éducation serait permanente tant pourl’étudiant œuvrant en son sein que pour les visiteursnéophytes ou avertis.

Sur qui allez-vous vous appuyer ?

Pour une réalisation d’une telle ampleur, il fauts’appuyer sur le monde politique, plus précisémentcelui concerné par la culture. Les mécènes privésqui vont apporter leur pierre à l’édifice, comme desfondations qui ont pour but la mise en valeur d’unpatrimoine, d’un musicien, d’un compositeur oud’un luthier. Et aussi des investisseurs qui d’unepart financent le projet et d’autre part des mécènesqui investissent pour acquérir des pièces de collec-tions, qui par la suite seront mises à dispositiondans ce musée. La valeur des violons est telle quele placement dans ce type d’œuvre est considérableet est une valeur refuge. La diversité de personneset d’organismes ne peut qu’être bénéfique à courtet long terme pour ce projet.

De quel instrument de musique jouez-vous ?

Mon instrument de prédilection est le violon, j’aimeaussi jouer du violoncelle pour son timbre grave etses sons chauds. Pour des raisons professionnelles,je pratique l’alto et un peu de contrebasse. En tantque luthier, il faut pouvoir utiliser tous les instru-ments qu’il faut régler.

Vous êtes plus luthier que musicien. Êtes-voussportif ?

Je le fus dans ma jeunesse, avant de découvrir lemonde de la lutherie. Je ne le suis plus faute detemps, peut-être, mais je suis devenu un adepte duprincipe de Churchill : «No water, no sport! », bienque laphrase exactesoit : «No sport, just whisky andcigars! ». Mais je ne fume pas. En réalité, je constateque mes amis qui ont fait trop de sport durant leurvie ont tous des problèmes de santé, pour certainsc’est d’être fragile du dos et pour d’autres, il est né-cessaire de se faire placer une prothèse articulaire iciou là. C’est donc pour garder mon intégrité physiqueque je ne fais pas de sport. Il n’en reste pas moins vraique je prends des risques en faisant de la moto.

Pas de vélo ?

Le vélo ? Bien sûr que oui, surtout quand j’étaisjeune. Nous avons dans nos régions de nombreusescourses cyclistes qui font rêver la jeunesse. J’ai sou-vent parcouru à vélo les routes empruntées par descourses, je le faisais rien que pour le plaisir. Actuelle-ment, je prends un vélo pour faire des ballades avecmon épouse ; là pas de vitesse, pas de compétition,je l’attends en haut de côtes. (rires. . . )

Que pensez-vous du fait que le Tour de France 2017pourrait faire une halte à Esch-sur-Alzette ?

Même si je ne suis plus un sportif assidu, un événe-ment comme celui du Tour de France est une trèsbonne chose pour la ville d’Esch. À l’extérieur dupays, cette ville n’est pas assez connue. Ce passageva promouvoir l’image de marque et de développe-ment touristique pour cette cité.

A votre avis, quel sont les retombées en termed’image et surtout financière ?

Je pense que les retombées en termes d’image pourla ville et la région vont être très bonnes, car le Tourde France a mis en place une médiatisation touris-tique bien développée. Suivre le Tour de France à latélévision revient à découvrir tous les endroits tra-versés par la course. Les retombées économiques di-rectes seront fortes et les retombées touristiquess’échelonneront sur plusieurs années. Nous pou-vons imaginer qu’un euro investi en rapporte plus.

Avez-vous déjà eu l’occasion de vous rendre auFestival de Wiltz ?

Honnêtement, je devrais faire mon mea culpa à cesujet. J’adore les festivals, je ne m’y rends que quandje suis en congé. Donc, c’est en d’autres lieux de vil-légiatures que je profite de la musique, cela au fil demes pérégrinations. Vous avez raison de me poserla question, je devrais être plus attentif à ce qui sepasse près de chez moi.

Où êtes-vous parti en vacances en 2015 ?

Suite à un projet majeur, 2015 a été une année très la-borieuse, je suis parti uniquement pour quelques pe-tits city trips, car j’avais mis sur pied une grandeexposition. Cette réalisation m’avait demandé d’êtreactif avec des artistes, des techniciens, des politiqueset des mécènes. Il a fallu réaliser un catalogue et mon-ter cette exposition dont le thème est «Les Grands vio-lons d’art ». Une exposition qu’il a fallu gérer durantdeux mois et demi en été 2015. Après ce temps fort etbien rempli, l’école accueillait les étudiants pour la ren-trée académique. Donc une année chargée.

Où irez-vous en 2016 ?

Plusieurs voyages sont programmés pour cetteannée, deux en été dont un en France, le second enFinlande pour revoir une jeune fille qui avait logéchez nous l’année de sa rhéto, et en hiver ce sera auQuébec.

Belle triangulaire. Connaissez-vous Agefi ?

Oui et je le lis régulièrement. Bien que je ne sois paspassionné de finance, je découvre des articles inté-ressants dans des domaines variés qui me permet-tent de m’informer. Ce n’est pas pour vous faireplaisir, mais je ne manque pas de lirevotre rubrique:« Le Dîner de Charles ». J’y découvre avec curiositévos invités, des personnalités intéressantes à décou-vrir et à connaitre. Des personnes qui me donnentenvie de les rencontrer.

Votre réponse est une symphonie pour mon ego.Certains lecteurs pourraient faire la même re-marque à votre égard : un luthier perdu dans unmensuel économique. Un des buts de ma rubriqueest de façonner des découvertes et de les présenter.En combien de temps construisez-vous unviolondit standard ?

Vous savez certainement que faire un violon clas-sique est une chose, en créer un d’un autre style enest une autre. J’entends par là que réaliser un violonclassique est relativement simple, vu que méthodo-logie est établie depuis des siècles et que le style n’apas changé. Par contre, concevoir d’autres formes,d’autres modèles, apporter de nouvelles conceptionsdemande de la créativité, de la liberté conceptuelleet être au-dessus de l’ordinaire. Pour bien répondreà votre question, je puis dire qu’il faut 200 ans pourque l’arbre, l’épicéa ou l’érable, atteigne sa plénitudede croissance, que le bois sèche durant une vingtained’années, qu’une dizaine d’années sont nécessairespour la formation du luthier et quand ce tout estréuni, il faut 200 à 300 heures de travail pour réaliserun bon violon classique. Vous pouvez multiplier cetemps par 10, par 20 ou plus pour les œuvres les pluscomplexes que j’ai conçues et réalisées.

Quelle est la réalisation qui a nécessité le plus detemps ?

Une des œuvres les plus intéressantes est le violon«Vent de Liberté ». Il est conçu selon l’esprit de Sal-vatore Dali et pour visualiser de ses montres molles.Je souhaitais réaliser un violon «mou» et fonctionnelpour devenir un instrument de soliste, ce qui est lecas. La créativité complexe de cette œuvre a engen-dré la conception d’une nouvelle méthodologieconstructive et technique, ce qui implique un tempsconsidérable. Cela m’a pris deux ans pour le réaliser.D’autres œuvres sont du même acabit tel l’alto« Gaudiade » et le quatuor « Phénix », composé dedeux violons, un alto et un violoncelle, tousconstruits dans le bois du même arbre et surtoutdans le même style, pour être une entité unique.

Essayons la dimension politique. Pensez-vous queMonsieur Bart De Wever ferait un bon premier mi-nistre pour votre pays ?

Plus que la problématique d’un personnage, c’estl’avenir de la Belgique qu’il faut appréhender. Delà,celui de l’Europe. Avec toute cette montée de l’ex-trême droite, le nationalisme prend de l’ampleur àun point tel que l’on peut se dire que les mémoiressont courtes et qu’il est difficile de tirer de bonnesconclusions du passé, qui n’est pas si lointain. Noussommes en paix au sein de l’Europe suite à saconstruction qui fut lente et malgré tous les défautsqu’elle comporte, c’est une démocratie positive qu’ilfaut conserver. Vient de ce fait le sujet des immigréset l’accueil qui leur est fait. Ce n’est certes pas les ex-trémistes, tel Bart De Wever, qui vont permettre uneintégration de ces migrants. C’est un politicien àpoigne qui ne cache pas ses points de vue populisteset extrémistes. Mais, il est éligible. S’il devenait pre-mier ministre, il ne peut pas être un bon premier mi-nistre, car cette place est celle de la personne quireprésente l’unité de la Belgique, déjà très fragilisée.Il est le président d’un parti qui a dans sa constitutionla séparation de la Flandre et de la Wallonie. Il sou-haite la mort de l’État belge, donc il ne devrait mêmepas poser sa candidature à ce poste et rester unique-ment homme politique pour la Flandre.

En Formule 1, le rôle du pilote est déterminantmais la carrosserie et le moteur sont des élémentsessentiels de la victoire. Est-ce qu’un piètre violo-niste peut être aidé par un violon parfait et dansquelles proportions l’instrument peut cacher les in-suffisancesdu musicien ?

C’est amusant que vous me posiez la question decette manière, car lors de mes conférences, il m’arrivefréquemment de comparer le technicien et le pilotede Formule 1, au luthier et au virtuose. Je me senscomme le technicien qui est capable de faire destours de piste mais qui ne fait pas la compétition. Jene fais pas le concert, je suis là pour aider au mieuxle concertiste. Un bon instrument bien réglé tel unmoteur de Formule 1, aide le virtuose, il en est demême pour l’amateur pour son propre instrument.

Vous arrive-t-il de vous énerver en conduisantvotre voiture en Belgique ou ailleurs ?

Très rarement, car s’énerver ne sert à rien, ne changerien et c’est très mauvais pour sa propre santé. Parcontre, je trouve que certains conducteurs sont trèsdangereux et feraient bien d’être plus attentifs etconsciencieux du danger qu’ils représentent pour lesautres. Je me dis que s’ils roulaient en moto, ils adop-teraient certainement un autre comportement.

Avez-vous déjà refusé de vendre une de vos œu-vres et de le regretter par la suite ?

Effectivement, j’ai déjà refusé de vendre, ce qui n’estpas habituel pour quelqu’un qui vit de ses réalisa-tions. Des œuvres uniques ne se vendent pas n’im-porte comment à la légère. Il y a un choix à poser. Sil’instrument part dans de bonnes conditions, pas deproblème, si ce n’est pas le cas, je préfère conserverl’œuvre et en profiter pour l’exposer et le faire jouerlors de divers événements. Ce serait triste de consta-ter que cette réalisation finisse ses jours hors circuit àl’abri des regards ou dans un coffre de banque.

Remplacée par Monsieur François Bellot, le bourg-mestre de Rochefort, la ministre Jacqueline Galanta quitté le gouvernement fédéral. Pensez-vous queles trains reliant entre Bruxelles et Luxembourg,via Arlon vont enfin arriver à l’heure ?

C’est à espérer mais ce serait trop beau s’il suffisaitde changer de ministre pour pallier à toutes les dif-ficultés d’une structure, d’une organisation et d’untiming. Par contre, je pense que Monsieur Bellot, po-liticien du Sud du pays a tout intérêt à faire le maxi-mum pour que cette ligne soit la plus ponctuellepossible, car là il touche directement son électorat. Jesais que Monsieur Bellot est un usager du train. Il nefaut pas oublier non plus que cette ligne ferroviairerelie deux capitales européennes, ce qui justifiequ’elle soit réglée comme une horloge suisse.

Quelle est votre partition de musique classiquepréférée ?

En musique classique, je reste très ému en écoutantle quatuor à cordes n°1 de Tchaïkovski, surtout l’in-terprétation du Borodin quartet.

Quels sont vos divertissements en dehors de l’art,et hors de la lutherie, musique et peinture ?

J’aime les balades en moto, ce sont pour moi des mo-ments privilégiés où je suis seul ce sont des décou-vertes de paysages, j’aime lire, aller au cinéma, mepromener, voyager, danser et faire la fête. Rencontrerdes gens, comme vous ce soir.

Le dopage dans le vélo est devenu monnaie cou-rante : dopages techniques ou médicamenteux. Peuimporte la forme, existe-t-il une forme de trichepossible dans la lutherie ?

Malheureusement oui ! Je pense que ce mal est pro-pre à l’Homme, cela a débuté à partir du moment oùil avait quelque chose à gagner, notamment finan-cièrement. Le faussaire est la forme de triche dansnotre domaine. Bon nombre de copies d’instrumentsanciens ont été réalisées dans le but de les vendrepour vraies. Depuis le 19e siècle, des luthiers ayantpignon sur rue ont réalisé des copies ou ont recons-truit des instruments complets à partir d’une pièceoriginale pour les vendre au prix plein. Ce typed’instrument recomposé porte le nom d’« Arle-quin », l’origine en est le vêtement cousu de piècesde tissus différents. La déontologie est un élémentimportant que j’enseigne à mes étudiants, car pourmoi c’est fondamental. Il y a la déontologie écono-mique et commerciale, ainsi que celle pour la restau-ration. Dans tous les cas, nous n’agissons pasn’importe comment.

. . . et avant de conclure, je n’ai aucune question re-lative à votre magnifique moustache. Si la rédac-tion d’Agefi retenait l’idée, accepteriez-vous quevos œuvres soient photographiées et qu’elles figu-rent dans un prochain numéro ?

Oui, bien sûr. Je pense que l’art et la finance sont faitl’un pour l’autre, l’un apporte à l’autre, l’un ne vitpas sans l’autre. Comme je le fais lors de mes expo-sitions, je souligne que la connaissance n’a de valeurque si elle est partagée. Ce serait pour moi un partageque je ferais avec grand plaisir, et le partage est unbut dans ma vie.

Je vous coupe ! Avez-vous passé une agréable soi-rée ?

J’ai passé une très agréable et bien enrichissante soi-rée. Notre dîner était parfait.

Il me reste à vous remercier sincèrement. Bon ventà vos instruments à cordes et à vous MonsieurLouppe je vous souhaite bonne chance.

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Le Dîner de Charles - L’interview mensuelle d’une personnalité luxembourgeoise ou européenne en relation avec le Luxembourg - La rubrique de Charles MANDICA

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