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Rapport de mission
Inventaire des maladies et des bioagresseurs des cultures légumières en Guyane
Période : 02/12/2015 au 17/02/2015
Blancard D., Gaudin J., Berton A.
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Rapport de mission
Inventaire des maladies et des bioagresseurs des cultures légumières en Guyane
Période : 02/12/2015 au 17/02/2015
Blancard D.1, Gaudin J.1, Berton A.2
1 – INRA, UMR 1065 SAVE (Santé et Agroécologie du Vignoble) 71 avenue Edouard Bourlaux
CS 20032, 33882 Villenave d’Ornon cedex, FRANCE
2 -‐ Chambre d'Agriculture de Guyane Agriculture & territoires
ZA Terca – Rond-‐point de Balata BP 20 544 -‐ 97351 Matoury, Guyane, FRANCE
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I -‐ OBJECTIFS DE LA MISSION Après avoir consulté un précédent rapport de mission* réalisée à Mayotte en 2012 et portant sur les problématiques phytosanitaires des légumes, les collègues de la chambre d’Agriculture (CA) de Guyane ont souhaité faire réaliser la même type d’expertise sur les maladies des cultures légumières en Guyane. * Ce rapport est notamment diffusé sur le site ECOPHYTO-‐PIC Cultures tropicales :
http://cultures-‐tropicales.ecophytopic.fr/recherche/blancard?filters=5 Les principaux objectifs de cette mission étaient de :
- dresser un inventaire des maladies et bioagresseurs se manifestant en particulier sur les légumes à la période de cette mission ;
- valider et compléter une liste des maladies et des bioagresseurs déjà rapportés en Guyane au cours des diverses prospections antérieures conduites à l’époque, notamment par le Service de la Protection des Végétaux (notons que la liste proposée n’était pas exhaustive, aux dires d’anciens animateurs du Labo-‐vert guyanais) ;
- expérimenter sur le terrain les outils INRA en santé végétale Di@gnoplant pour diverses cultures : tomate, salade, courgette, melon (dans le cadre du diagnostic-‐conseil, et de la géolocalisation des maladies) ;
- transférer des connaissances et de l’expertise sur les maladies des légumes à Antoine Berton, conseiller Ecophyto-‐Epidémiosurveillance, et notamment lui permettre de maîtriser les connaissances et les techniques de microscopie nécessaires à l’identification des principaux champignons des cultures légumières en Guyane ;
- étudier la possibilité de construire une application sur le portail e-‐phytia portant sur les maladies et les bioagresseurs des cultures légumières tropicales et équatoriales.
Afin de remplir ces objectifs, des visites de parcelles ont été réalisées dans 21 exploitations légumières situées sur toute la largeur « côtière » de la Guyane (figure 1) ; elles ont donné lieu aux prélèvements d’échantillons afin de confirmer certaines identifications ou hypothèses. Par la suite, des travaux d’identification (observations à la loupe binoculaire, au microscope, réalisation de chambres humides, etc.) ont été réalisés dans deux sites convertis en laboratoire de campagne :
- Antenne de la CA de Matoury (merci à Agnès NGUYEN, Directrice de la Chambre d’Agriculture) ;
- Les bureaux du GDA (Groupement de Développement Agricole) de Mana (merci à Julie INGHILLERI pour l’accueil chaleureux qu’elle nous a réservé).
Au cours des visites des parcelles, les outils Di@gnoplant ont été expérimentés, et le module Vigipl@nt activé à plusieurs reprises.
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Figure 1 : Localisation des 21 exploitations légumières investiguées en Guyane au cours de la mission.
II – PLANNING DE LA MISSION
• Mercredi 2 décembre 2015 -‐ Arrivée en Guyane en fin d’après-‐midi / accueil par Antoine Berton (ingénieur de la CA en CCD) qui nous a accompagné tout au long de notre mission. -‐ Visite de la Chambre d’Agriculture de Matoury et rencontre d’Agnès NGUYEN (Directrice de la Chambre d’Agriculture de Guyane) et de Thierry BASSO (Directeur technique du pôle « entreprises et productions végétales »)
• Jeudi 3 décembre 2015 Matin 1 -‐ Visite de l’exploitation de Cho TCHA (Village de Corossony 1, commune de Régina) 2 -‐ Visite de l’exploitation de Laurent LY (Village de Corossony 1, commune de Régina) 3 -‐ Visite de l’exploitation de Chong et Katie VANG (Village de Corossony 1, commune de Régina) Après midi 4 -‐ Visite de l’exploitation de Jean-‐François BEZERT (Cacao, commune de Roura) -‐ Travaux de laboratoire à l’antenne de la CA de Matoury
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• Vendredi 4 décembre 2015 Matin 5 -‐ Visite de l’exploitation de Charles CARBOT (Sinnamary, piste Saint-‐Elie) 6 -‐ Visite de l’exploitation de Simone BAYA (Rocoucoua, commune d’Iracoubo) Après midi -‐ Travaux de laboratoire à l’antenne de la CA de Matoury
• Samedi 5 décembre 2015 Après midi -‐ Travaux de laboratoire à l’antenne de la CA de Matoury
• Dimanche 6 décembre 2015 Après midi -‐ Travaux de laboratoire à l’antenne de la CA de Matoury
• Lundi 7 décembre 2015 Matin 7 -‐ Visite de l’exploitation de Ly BLONG (Cacao, commune de Roura) 8 -‐ Visite de l’exploitation de Rose VATCHAPA (Cacao, commune de Roura) 9 -‐ Visite de l’exploitation de Valérie MOUAYO HAN (Cacao, commune de Roura) 10 -‐ Visite de l’exploitation de Bernard MBOUAYA (Cacao, commune de Roura) Après midi 11 -‐ Visite de l’exploitation de Jean-‐Pierre OUTSAMA (Crique Blanche, commune de Roura) -‐ Travaux de laboratoire à l’antenne de la CA de Matoury
• Mardi 8 décembre 2015 Matin 12 -‐ Visite de l’exploitation de David PHILIBERT (Stoupan, commune de Roura) 13 -‐ Visite de l’exploitation de Faustino RODRIGUEZ
• Mercredi 9 décembre 2015 Matin 14 -‐ Visite de l’exploitation de Xiong YI (La Carapa, Commune de Macouria) 15 -‐ Visite de l’exploitation du Lycée Agricole de Guyane avec le chef d’exploitation : Charles CASSILDE (à Macouria) Après midi -‐ Travaux de laboratoire à l’antenne de la CA de Matoury
• Jeudi 10 décembre 2015 Matin 16 -‐ Visite de l’exploitation d’Hugues BERGERE, (Sinnamary, piste Saint-‐Elie) -‐ Déplacement vers Mana Après midi 17 -‐ Visite de l’exploitation de Joyce ALASSA (Saint-‐Laurent-‐du-‐Maroni, sur la route d’Apatou) -‐ Travaux de laboratoire au GDA (Groupement de Développement Agricole) de Mana
• Vendredi 11 décembre 2015 Matin 18 -‐ Visite de l’exploitation de Soriep WONgSODIMEDJO (Mana) 19 -‐ Visite de l’exploitation de Joseph DOUGLAS (Mana) -‐ Travaux de laboratoire au GDA de Mana
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• Samedi 12 décembre 2015 Après midi -‐ Travaux de laboratoire au GDA de Mana
• Dimanche 13 décembre 2015 Après midi -‐ Préparation du Powerpoint de la restitution de la mission
• Lundi 14 décembre 2015 Matin 20 -‐ Visite de l’exploitation de Ya VA (Javouhey, commune de Mana) 21 -‐ Visite de l’exploitation de David CHANG (Javouhey, commune de Mana) Après midi Déplacement vers Cayenne Travaux de laboratoire à l’antenne de la CA de Matoury
• Mardi 15 décembre 2015 Matin -‐ Participation au CROS (Comité Régional d’Orientation et de Suivi du plan Ecophyto) Après midi -‐ Restitution : Premier bilan phytosanitaire de la mission INRA en Guyane -‐ Départ pour la métropole
• Mercredi 16 décembre 2015 Matin -‐ Arrivée à Bordeaux III – BILAN DES DIAGNOSTICS SANITAIRES DES CULTURES En préambule, soulignons que l’inventaire sanitaire effectué dans les cultures légumières de Guyane n’est en aucun cas exhaustif. Il traduit essentiellement les pressions parasitaires s’exerçant au moment de notre mission au cours du mois de Décembre 2015. Il a été dressé à partir d’observations de terrain et de « laboratoire »*, sans pouvoir mettre en œuvre des techniques sophistiquées d’identification. C’est pour cette raison que des échantillons de plantes virosées ont été prélevés et expédiés sous la forme de Bos à un laboratoire spécialisé ressource à l'INRA d'Avignon (Eric Verdin -‐ UR PV). Certains insectes ont également été prélevés, déposés dans l’alcool et fournis à l’INRA de Montpellier (Jean-‐Claude Streito -‐ UMR CBGP). Nous avons souhaité produire une présentation très synthétique et visuelle de ce bilan phytosanitaire. Pour cela, l’ensemble des observations réalisées dans les exploitations légumières de Guyane ont été matérialisées dans 3 documents annexes :
- « Bilan-‐Producteurs » listant chez chaque producteur les différentes problématiques phytosanitaires rencontrées dans les cultures ;
- « Bilan Bioagresseurs-‐espèces » répertoriant pour chaque famille botanique ou chaque espèce légumière les différents bioagresseurs observés ;
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- « Bilan Cas pathologiques marquants » matérialisant par l’image les symptômes occasionnés par les bioagresseurs notables affectant les Solanacées (tomate, piment, aubergine), les Cucurbitacées (concombre, melon, courgette et autres Cucurbitacées), et quelques autres cultures légumières.
* Soulignons que les observations de laboratoire ont été réalisées en conditions parfois pas toujours optimisées et à partir d’échantillons de temps à autres en quantités insuffisantes, trop évolués et sur lesquels plus rien n’était visible ou au contraire plusieurs champignons pathogènes potentiels étaient présents occasionnant des difficultés d’interprétation. ** Echantillons lyophilisés ou déshydratés selon la technique de BOS (Bos, 1983)
------------------------------------- Le bilan phytosanitaire des cultures légumières de Guyane a été réalisé dans 21 exploitations réparties dans les principales zones de production maraîchère de ce DOM, sur toute sa largeur (figure 1). Les exploitations étaient essentiellement localisées à proximité du réseau routier principal traversant des zones forestières ou de savane. Nous avons passé en moyenne 1 à 2 heures par exploitation afin de maximiser nos observations et les discussions techniques avec les producteurs. Plus de 251 problèmes phytosanitaires (redondants ou non) ont été rencontrés sur le terrain. Ils ont permis de réaliser plusieurs centaines de photographies de cas pathologiques, et de prélever 165 échantillons afin de confirmer certaines identifications. Ainsi, chaque après-‐midi, une vingtaine d’échantillons ont été étudiés soit à l’antenne de la CA de Matoury, soit au GDA (Groupement de Développement Agricole) de Mana. Les observations ont été réalisées soit directement sur le végétal, soit après passage d’une partie des échantillons en chambres humides. Soulignons que de retour en métropole, un travail de confirmation des identifications a été accompli à partir des photos rapportées, de lames microscopiques réalisées en Guyane (champignons), et de la bibliographie disponible. Parmi les faits marquants de ces observations, retenons :
- l’existence de confusions de diagnostic sanitaire sur le terrain, ceci sur de nombreuses cultures ;
- une inadéquation parfois entre le traitement mis en œuvre et le bioagresseur sévissant ; - un manque de lisibilité sur les programmes de traitement mis en œuvre et donc une
difficulté certaine à pouvoir interpréter les manques d’efficacité observés. Contextes de production Tout d’abord, les conditions climatiques et culturales rencontrées en Guyane sont particulièrement difficiles pour les plantes et les hommes. Elles sont par contre extrêmement favorables* aux adventices et à de nombreux bioagresseurs des cultures légumières. Ces dernières subissent diverses pressions parasitaires que nous détaillerons par la suite. Nous avons pu constater dans les exploitations visitées une diversité certaine des techniques de production mises en œuvre, et des niveaux techniques des producteurs. Certains systèmes de production s’avèrent tout de même plutôt performants et exemplaires dans ces conditions parfois extrêmes de production : agroforesterie, voire systèmes comparables au « jardin créole ». Soulignons un empirisme certain chez quelques producteurs en ce qui concerne les techniques de production, et plus largement en ce qui concerne le diagnostic et la maîtrise des maladies des légumes. Cette situation est peut-‐être due à un nombre limité de références techniques guyanaises, et un transfert encore restreint de celles-‐ci. Par ailleurs, nous avons pu constater que parmi les cultures légumières cultivées, de nombreux producteurs rencontraient des
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difficultés certaines à produire de la tomate en nombre et en qualité, en particulier à cause d'une nouaison difficile des fleurs. * Pourtant notre mission s’est déroulée en fin de période sèche, donc moins propices aux bioagresseurs. Situations sanitaires ** A la période de notre mission en Guyane, le parasitisme des maladies des légumes n’est pas considérable. Plusieurs agents pathogènes sont tout de même remarquables soit en matière de nouveauté, soit par la sévérité de leurs dégâts. Les microorganismes telluriques apparaissent peu nombreux et moins fréquents que les bioagresseurs qui sont plus constants dans les cultures. Les ravageurs, contrairement à ce que l’on peut observer dans d’autres zones de production comparables, semblent peu diversifiés à cette période de l’année, hormis les aleurodes et pucerons (insectes piqueurs-‐suceurs souvent vecteurs de virus), et divers acariens. Quelques maladies abiotiques ont été aussi ponctuellement observées, liées notamment à une maîtrise imparfaite de l’irrigation (asphyxie), à l’emploi de pesticides (notamment le glyphosate), etc. ** Consulter le « Bilan Producteurs » Plus de 27 agents pathogènes ont été détectés dans les cultures légumières de Guyane, certains ne semblaient pas connus dans ce DOM, comme par exemple plusieurs bioagresseurs aériens : Myrothecium roridum, Plectosporium tabacinum, etc.
• Les bioagresseurs aériens*** Ce sont les plus nombreux, les plus présents et les plus diversifiés. Ils sont favorablement influencés par l’irrigation par aspersion qui est très usitée par les producteurs. Dès à présent on ne peut que suggérer, dans la mesure du possible, le passage à l’irrigation au goutte à goutte ou le cas échéant réaliser les aspersions à des périodes de la journée permettant une ressuyage rapide des plantes. En ce qui concerne les champignons aériens non spécifiques, signalons l’omniprésence et la sévérité de Corynespora cassiicola sur des espèces appartenant à des familles botaniques différentes : les 3 principales espèces de Solanacées cultivées, plusieurs types de concombres, haricot et dachine (taro). Autre champignon polyphage et peut-‐être décrit pour la première fois en Guyane, Myrothecium roridum est plutôt largement réparti sur le terrain et rencontré sur piment, de nombreuses Cucurbitacées, haricot, baselle, gombo. Celui-‐ci a aussi été signalé au Brésil sur plusieurs espèces légumières. Complétons le tableau des champignons polyphages avec Choanephora cucurbitacearum sporulant aussi bien sur les feuilles (courgette, chou) que les fruits (plusieurs Cucurbitacées, piment), et les gousses (haricot) de plusieurs légumes. Si nous considérons les champignons plus spécialisés, notons la présence de plusieurs agents de cercosporiose : Pseudocercospora fuligena sur tomate, Cercospora longissima sur laitue, Cercospora citrullina sur concombre amer et pastèque, Pseudocercospora abelmoschi sur gombo. Dans le même registre, nous avons observé plutôt fréquemment sur plusieurs espèces légumières des acervules caractéristiques du genre Colletotrichum. Plusieurs espèces semblent sévir car au moins deux groupes morphologiques ont pu être mis en évidence comme indiqué dans le tableau 1. Des fructifications de ces agents notamment d’anthracnoses ont été détectées sur plusieurs espèces légumières, aussi bien sur feuilles que sur fruits. Notons que dans certains cas, ces champignons ne semblaient pas primaires, mais avaient probablement envahi les tissus secondairement.
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Tableau 1 : Types de Colletotrichum spp. observés en Guyane et espèces légumières concernées Groupes morphologiques Tomate Aubergine Piment Concombre Courge
asiatique Calebasse Giraumon Ciboule
* ** ** ***** * * * *
Colletotrichum groupe1
*feuilles en secondaire *fruits
*fruits
*feuilles *feuilles *feuilles et fruits *fruits
*feuilles et fruits
*feuilles *feuilles *feuilles
Colletotrichum groupe 4
*fruits *feuilles *feuilles
Nom d’espèce probable Colletotrichum sp.
Colletotrichum sp.
Colletotrichum sp.
C. orbiculare
C. orbiculare
C. orbiculare
C. orbiculare
Colletotrichum sp.
* : organe touché et nombre de cas dénombrés durant notre mission dans les différentes zones de production de Guyane Parmi les champignons pathogènes spécialisés, soulignons la forte incidence de l’agent du mildiou des Cucurbitacées, Pseuperonospora cubensis, dont nous avons observé les symptômes sur : Cucurbita pepo (courgette et patisson), Cucurbita moschata (butternutt et courge longue de Nice), Momordica charantia (concombre amer ou sorossi en Guyane) et Cucumis melo (melon asiatique). A partir des pathotypes connus sur cette famille botanique (voir le tableau 2), on peut suspecter en Guyane la présence de plusieurs pathotypes, dont certains disposant d’un spectre d’hôtes chez les Cucurbitacées assez large (notamment les pathotypes 5 et peut-‐être 6). Pour finir, plusieurs champignons au même comportement semblent se manifester plus ponctuellement à cette période de l’année : Passalora fulva sur tomate, Phomopsis vexans sur aubergine, Alternaria brassicicola sur choux, et Plectosporium tabacinum sur courgette. La présence en Guyane de ce dernier champignon devra-‐t-‐être confirmée car la manifestation de son parasitisme dans ce DOM est assez surprenante. Tableau 2 : Pathotypes de Pseudoperonospora cubensis différenciés sur une gamme d’hôtes différentiels de Cucurbitacées inoculés artificiellement.
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Si l’on s’intéresse aux autres microorganismes parasites aériens, notons de rares attaques de 2 bactéries : Xanthomonas campestris pv. vesicatoria sur piment (syn. Xanthomonas euvesicatoria and Xanthomonas perforans) et de Pseudomonas syringae pv. maculicola sur chou (analyses en cours : échantillons envoyés à l’ANSES d'Angers, dans l'unité de bactériologie, virologie et OGM). Des symptômes de plusieurs virus ont été observés notamment sur tomate, haricot et plusieurs Cucurbitacées. Notons que leur incidence ne semblait pas importante à cette période de l’année. Les premiers résultats des analyses de virologie révèlent la forte présence en Guyane du ZYMV sur Cucurbitacée, et plus ponctuellement du SqMV (notamment transmis par les semences). La tomate est affectée par l’AMV, mais aussi un Begomovirus en cours d’identification. Un ou des Potyvirus à confirmer semblent attaquer le haricot. Enfin, quelques ravageurs occasionnant des dégâts parfois remarquables ont pu être observés : -‐ des acariens, notamment Polyphagotarsonemus latus et un Eriophyidae sur Solanacées (figure 2) ; des Tetranychus sur cucurbitacées ; -‐ des aleurodes en cours d’identification sur différentes espèces légumières, probablement Bemisia tabaci au sens large, et Aleurotrachelus trachoides (figures 3) ; -‐ des pucerons non identifiés.
Figure 2 : Symptômes provoqués par un Eriophyidae à déterminer sur feuille de piment : nanisme des plantes, avec réduction et déformations foliaires.
Figure 3 : Dégâts d’Aleurotrachelus trachoides sur feuille de piment. On distingue des adultes et des larves de cet insecte.
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• Les bioagresseurs telluriques*** Au cours de nos investigations dans les parcelles de Guyane, nous n’avons pas observé une large diversité de bioagresseurs telluriques sur légumes. La bactérie Ralstonia solanacearum (flétrissement bactérien) est omniprésente dans toutes les zones de production sur Solanacées (tomate, aubergine, piment). Au moins une autre bactérie, beaucoup plus polyphage, Pectobacterium carotovorum, occasionne des pourritures d’organes sur plusieurs légumes (tomate, courgette, salade et surtout chou). Quelques champignons plutôt polyphages sévissent aussi plus ou moins gravement : Sclerotium rolfsii reconnaissable grâce à son dense mycélium blanc et ses sclérotes en forme de graine de radis ; plusieurs espèces de Pythium à l’origine de mortalité des plantes et de pourritures sur organes aériens, en particulier les fruits ; et Rhizoctonia solani retrouvé ponctuellement sur racines, mais provoquant aussi des destructions foliaires sur piment et chou (altération déjà décrite sous l'appellation courante de "Rhizoctone foliaire" ou anglo-‐saxonne de "web-‐blight"). Chose étonnante, aucune attaque de nématodes, en particulier à galles (appartenant au genre Meloidogyne) n’a été constatée sur toutes les parcelles visitées. *** Consulter « Bilan Bioagresseurs-Espèces » et « Bilan Cas pathologiques marquants » V – PROPOSITIONS D’OPTIONS DE PROTECTION Afin de contrôler les principaux bioagresseurs identifiés au cours de notre mission en Guyane, nous proposons différentes options de protection tirées du guide Tropical ECOPHYTO*, et optimisées à ce DOM et au contexte sanitaire constaté à cette période de l’année. * Les options de protection ont été choisies en utilisant la Fiche Aide n°02 : INVENTAIRE DES BIOAGRESSEURS ET PRATIQUES DE CONTRÔLE ASSOCIÉES ; pour obtenir de plus amples informations sur ces options, nous vous conseillons de consulter les fiches du guide mentionnées dans les différents tableaux.
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http://cultures-‐tropicales.ecophytopic.fr/ct/itin%C3%A9raires-‐et-‐syst%C3%A8mes/itin%C3%A9raires-‐et-‐syst%C3%A8mes/guide-‐pratique-‐de-‐conception-‐de-‐syst%C3%A8mes-‐de
• Bioagresseurs cibles : maladies aériennes (fongiques, bactériennes, et virales)
** Ce méfier de cette option qui peut influencer favorablement le développement d’autres maladies aériennes, fongiques et bactériennes
• Bioagresseurs cibles : maladies telluriques (fongiques et bactériennes)
Techniques alternatives proposées Bioagresseurs concernés N° de Fiche Technique du
Guide
Choix de variétés résistantes ou tolérantes
Corynespora cassiicola sur concombre, anthracnose du haricot, oïdium sur certaines Cucurbitacées, Passalora fulva, divers virus sur diverses
Solanacées, Cucurbitacées, etc. surtout
FT 16
Fertilisation et irrigation adaptées aux besoins des
cultures Toutes les maladies FT 07
Favorisation de la vigueur** Anthracnoses, PYMV, TYLCV FT 07
Surveillance des bioagresseurs Toutes les maladies FT 20
Elimination précoce des sources d’inoculum Effeuillage sanitaire
Anthracnose, cercosporioses, oïdium,
bactérioses, PYMV, TYLCV, etc.
FT 14
Utilisation de biofongicides Mildiou, oïdium, etc. FT 19 Autres options suggérées
Techniques alternatives proposées Bioagresseurs concernés Vérifier la qualité sanitaire des plantes
Nombreux bioagresseurs aériens, en particulier les champignons et les bactéries pathogènes
Eviter la proximité de cultures déjà affectées Paillage du sol (plastique, autre)
Respecter les densités de plantation, éviter les végétations aériennes trop importantes Eviter de mouiller le feuillage via l’irrigation
par aspersion Arroser plutôt en matinée et en journée (séchage plus rapide du feuillage)
Travailler les parcelles saines avant de travailler celles qui sont déjà affectées
Eliminer les débris végétaux en cours et en fin de culture, en particulier les systèmes
racinaires et les tiges
Techniques alternatives proposées Bioagresseurs concernés N° de Fiche technique du
Guide Rotation culturale avec des plantes à
propriétés assainissantes Flétrissement bactérien des
solanacées FT 02
Choix de variétés résistantes ou tolérantes Flétrissement bactérien des Solanacées
FT 16
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• Bioagresseurs cibles : insectes (notamment vecteurs de virus) et acariens aériens
Techniques alternatives proposées Bioagresseurs concernés N° de Fiche Technique du
Guide Fertilisation et irrigation adaptées aux besoins
des cultures Tous les ravageurs aériens FT 7
Cultures sous abris ou sous filets insect-‐proof
Aleurodes, pucerons, thrips, mouches mineuses, mouches des légumes, altises, papillons, fourmis, mouches des fruits
FT 01
Lutte biologique par conservation Aleurodes, pucerons, acariens, etc. FT 9
Utilisation de plantes pièges et de plantes répulsives
Aleurodes, pucerons, divers
autres insectes
FT 15
Surveillance des bioagresseurs Tous les ravageurs aériens FT 20
Coupe des feuilles touchées Aleurodes FT 14
Utilisation de bio-‐insecticides Aleurodes, teignes et noctuelles et divers autres insectes FT 19
Autres options suggérées Techniques alternatives proposées Bioagresseurs concernés
(fiches techniques)
Utilisation de porte-‐greffes résistants Flétrissement bactérien des Solanacées FT 16
Cultures hors-‐sol Flétrissement bactérien des
Solanacées, et autres pathogènes du sol
FT 03
Solarisation Rhizoctonia, Pythium, Ralstonia solanacearum, Sclerotium rolfsii FT 18
Fertilisation et irrigation adaptées aux besoins des cultures Toutes les maladies FT 07
Surveillance des bioagresseurs Toutes les maladies FT 20
Elimination précoce des sources d’inoculum
Sclerotium rolfsii, flétrissement bactérien,
FT 14
Autres options suggérées Techniques alternatives proposées Bioagresseurs concernés Vérifier la qualité sanitaire des plantes
Nombreux bioagresseurs telluriques Préparer ses plants en pépinière dans du terreau et dans des conditions optimales
d’irrigation et de fertilisation Nivellement du sol et/ou drainage
Paillage du sol (plastique, autre) Champignons superficiels du sol : Sclerotium rolfsii, Rhizoctonia solani, etc.
Travailler les parcelles saines avant de travailler celles qui sont déjà affectées
Nombreux bioagresseurs telluriques Eliminer les débris végétaux en cours et en fin de culture, en particulier les systèmes
racinaires et les tiges
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Vérifier la qualité sanitaire des plantes
Nombreux insectes et acariens Préparation des plants en pépinière sous abris insecte-‐proof avec des panneaux
englués jaunes et bleu Eviter la proximité de cultures déjà affectées Aleurodes, pucerons, thrips, acariens, etc. .
Eliminer les mauvaises herbes Aleurodes, pucerons, thrips, acariens, etc. . (FT 4, 5, 6, 10, 11, 18)
Travailler les parcelles saines avant de travailler celles qui sont déjà affectées Nombreux insectes et acariens
Eliminer les débris végétaux en cours et en fin de culture Nombreux insectes et acariens
VI – CONCLUSIONS, PERSPECTIVES Cette mission nous a permis de prendre conscience du challenge que représente la production de légumes en Guyane, challenge lié notamment aux difficiles conditions de production rencontrées, et aux pressions parasitaires plutôt fortes. Malgré cela, certains producteurs maîtrisent parfaitement cette production, mettant en œuvre une technicité tirée de leur expérience et en particulier de leurs observations. De toute évidence, la mise en œuvre de cultures associées semble permettre une maîtrise certaine des pressions parasitaires rencontrées en Guyane. A la suite de cette expérience très enrichissante en Guyane et de nos visites et rencontres avec les producteurs et les techniciens, nous souhaitons faire un certain nombre de remarques, voire de suggestions techniques et institutionnelles. Au plan technique, il apparaît évident que le potentiel de production de légumes en Guyane n’est pas optimisé. Plusieurs points techniques nous sont apparus quelques peu limitant à cette production et pour lesquels il serait souhaitable de : -‐ étudier localement et promouvoir les systèmes de production de cultures associées tels qu’on peut déjà en rencontrer sur le terrain, intégrant des approches d’agro-‐écologie et d’agroforesterie ; -‐ de promouvoir l’irrigation localisée des cultures et aider à son utilisation, ceci afin de réduire l’incidence des microorganismes pathogènes aériens qui semblaient les plus dommageables lors de notre mission ; -‐ d’organiser une filière de production de matières organiques et de leur transport, ceci afin notamment d’améliorer la structure de nombreux sols. Nous avons pu constater que le niveau technique en agronomie et en protection des plantes de certains producteurs était parfois limité. Pour y remédier, il conviendrait d’améliorer l’efficience de leur information voire de celle de certains techniciens, et de leur formation sur des connaissances portant sur les maladies et les ravageurs des cultures, les produits phytosanitaires, et les méthodes de protection en particulier alternatives. Dans cette mouvance, il pourrait être pertinent d’organiser des tours de champs chez les producteurs afin qu’ils puissent partager leurs savoir-‐faire : sur ce point, les fermes du réseau DEPHY en cours de structuration en Guyane pourraient apporter une réponse : https://bsvguyane.files.wordpress.com/2016/01/complement-‐dephy.pdf . Etant donné les difficultés rencontrées pour produire des légumes en Guyane, et de la technicité que cela représente, il est surprenant que les agronomes locaux ne disposent pas au moins d’une station expérimentale permettant :
- de mettre en place des essais de démonstration de systèmes de production optimisés à la Guyane et durables ;
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- d’évaluer l’efficience de méthodes de protection notamment alternatives, mais aussi du matériel végétal plutôt optimisé à ce contexte de production équatorial.
La pertinence de la protection des plantes, et surtout, du choix des méthodes de lutte mises en œuvre, sont totalement dépendant de la qualité des diagnostics phytosanitaires réalisés sur le terrain. Comme en métropole, une réflexion doit être menée en Guyane sur le diagnostic des maladies, car de toute évidence il n’est pas actuellement performant dans ce DOM. Nous estimons qu’il serait indispensable de mettre à la disposition des techniciens et des producteurs un laboratoire de diagnostic résident ou mobile, doté d’un personnel technique expérimenté. Perspective de développement d’applications Web et nomade en santé des plantes dédiées aux DOM-‐TOM Lors de notre mission, nous avons pu tester plusieurs applications nomades en santé des plantes diffusées gratuitement sur le portail Web e-‐phytia et sur les deux plateformes App Store et Android Market sous l’appellation Di@gnoplant. Ces applications permettent de réaliser du diagnostic–conseil sur le terrain, et de signaler via un smartphone la présence d’un bioagresseur à surveiller ou émergent. Ces applications fonctionnent parfaitement en Guyane, et nous avons pu commencer à cartographier quelques bioagresseurs de ce DOM, comme on peut l’observer à titre d’exemple sur la figure 4. Figure 4 : Répartition en Guyane des cas de dégâts d’aleurodes observés sur tomate au cours de notre mission (carte matérialisée sur le portail INRA e-‐phytia)
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L’agrégation et la diffusion des connaissances en santé des plantes sont devenues des enjeux majeurs, en particulier dans le cadre des plans ECOPHYTO. Grâce aux technologies de l’information et de la communication (TIC), il est maintenant possible de rendre disponible rapidement et n’importe où la moindre information, et d’en collecter avec la même efficacité. C’est ce que permettent les applications INRA dans le domaine de la santé des plantes. Actuellement, de tels outils ne semblent pas disponibles ou optimisés pour les zones de production légumières équatoriales et tropicales. Nous proposons donc de mettre à disposition notre savoir-‐faire et nos technologies, et de co-‐développer avec des partenaires à préciser, des applications Web et nomade destinées aux techniciens et aux producteurs des DOM-‐TOM et permettant d’identifier les maladies et ravageurs de ces zones de production, et de les cartographier si besoin dans le cadre ou non de plan de surveillance du territoire. Ce projet pourrait se concevoir sous l’égide du RITA (Réseau d'innovation et transfert agricole dans les DOM), et valoriser notamment les savoirs des phyto-‐techniciens des DOM, et sous une autre forme, le contenu du Guide Tropical ECOPHYTO.