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Ecologie, les citoyens peuvent-ils prendre le pouvoir? Modérateur Jacques Gâta™ Inventons une démocratie énergétique Le débat écologiqueactuel donne le sentiment d'une «société bloquée», pour reprendre le terme popularisé il y a plus de quarante ans par le sociologue Michel Crozier. Les divers «camps» s'affrontent ; lespros ou antinucléaires, pour ou contre le gaz de schistes, forts de leurs convictions réciproques ou de leurs craintes, s'in vectivent, instrumentalisant les chiffreset rendant impossible toute écoute sereine. L'expertise n'est plus légitime en soi, et la passion l'emporte pres que sur la raison. En fait, sur la question énergétique, notre pays semble avoir fait sienne la formule célèbre du «ni -ni». Et nos responsables politiques hésitent entre l'éloge soutenu du modèle passé, rassurant pour l'opinion, et la rédaction d'une nouvelle page, plus ambitieuse à écrire. Face à cet état de fait, une question s'impose. Et si ces blocages, ces «Stop 8z Go», ces hésitations traduisaient d'abord les muta tions profondes de notre système démocratique, dont l'énergie est à la fois le moteur et l'objet? Comme le soulignait l'an dernier Timothy Mit- chell, professeur à l'université Columbia de New York, dans Petrocratia, la dé mocratie à l'âge du carbone, il y a une très forte corrélation entre la genèse des grandes démocraties et leur histoire énergétique. Ainsi la révolu tion industrielle du XIXe siècle, nourrie par le charbon, favorisala concen tration urbaine et participa de l'émergence de la classe ouvrière, et de ses revendi cations en termes de droit de former des syndicats et de droit dévote. Aujourd'hui, la France est dans une autre dynamique, nettement moins positive. Avec817ode Français pessimistes sur leur avenir, elle figure au dernier rang du classement effectué récemment de 51 pays analysés selon le degré d'optimisme de leurs habitants (1).D'où vient ce désenchantement, cette morosité ambiante? La réponse est sans doute complexe et multifacto- rielle. Cependant, en matière énergétique, une évidence apparaît; la démocratie française de 2012 est à l'intersection de choix énergétiques majeurs, sur lesquels le printemps à venir nous éclairera, mais aussi d'enjeux territoriaux souvent oubliés. Sila Franceveut se «débloquer» , elledoit modifier sa façon de concevoir les communications aux dif férents échelons, et engager une vraie politique de décentralisation énergétique afin de rapprocher la décision du citoyen. Lire la suite sur Liberation.fr (l) Enquête BVA-Gallup. MICH DERDEVET Maître de conférences à Sciences-Po Paris Tous droits de reproduction réservés Date : 27/01/2012 Pays : FRANCE Suppl. : suppl. Page(s) : 14-15 Rubrique : VIVRE LA RÉPUBLIQUE ! Diffusion : (137831) Périodicité : Quotidien

Inventons une démocratie énergétique

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la démocratie française de 2012 est à l'intersection de choix énergétiques majeurs, mais aussi d'enjeux territoriaux souvent oubliés. La France doit modifier sa façon de concevoir les communications aux différents échelons, et engager une vraie politique de décentralisation énergétique afin de rapprocher la décision du citoyens

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Ecologie, les citoyens peuvent-ils prendre le pouvoir? ModérateurJacquesGâta™

Inventons unedémocratieénergétique

Le débat écologiqueactuel donne le sentimentd'une «société bloquée», pour reprendre leterme popularisé ily a plus de quarante ans

par le sociologue Michel Crozier. Les divers«camps» s'affrontent ; lespros ou antinucléaires,pour ou contre le gaz de schistes, forts de leursconvictions réciproques ou de leurs craintes, s'invectivent, instrumentalisant les chiffreset rendantimpossible toute écoute sereine. L'expertise n'estplus légitime en soi, et la passion l'emporte presque sur la raison.En fait, sur la question énergétique, notre payssemble avoir fait sienne la formule célèbre du«ni -ni». Etnos responsables politiques hésitententre l'éloge soutenu du modèle passé, rassurantpour l'opinion, et la rédaction d'une nouvellepage,plus ambitieuse à écrire. Faceà cet état de fait,unequestion s'impose. Et si cesblocages, ces «Stop 8zGo», ceshésitations traduisaient d'abord lesmutations profondes de notre système démocratique,dont l'énergie est à la fois le moteur et l'objet?Comme le soulignait l'an dernier Timothy Mit-chell, professeur à l'université Columbia de New

York,dans Petrocratia,la démocratieà l'âge ducarbone,ily a une très forte corrélationentre la genèse des grandesdémocraties et leur histoireénergétique. Ainsi la révolution industrielle duXIXesiècle, nourrie par lecharbon, favorisala concentration urbaine et participade l'émergence de la classeouvrière, et de ses revendications en termes de droitdeformer des syndicats et dedroit dévote.

Aujourd'hui, la France estdans une autre dynamique,nettement moins positive.

Avec817ode Français pessimistes sur leur avenir,elle figureau dernier rang du classement effectuérécemment de 51 pays analysés selon le degréd'optimisme de leurs habitants (1).D'où vient cedésenchantement, cette morosité ambiante? Laréponse est sans doute complexe et multifacto-rielle. Cependant, en matière énergétique, uneévidence apparaît; la démocratie françaisede 2012est à l'intersection de choix énergétiques majeurs,sur lesquels le printemps à venir nous éclairera,mais aussi d'enjeux territoriaux souvent oubliés.Sila Franceveut se «débloquer» , elledoit modifiersa façon de concevoir lescommunications aux différents échelons, et engager une vraie politique dedécentralisation énergétique afin de rapprocherla décision du citoyen.Lire la suite sur Liberation.fr(l) Enquête BVA-Gallup.

MICHDERDEVETMaître deconférencesà Sciences-PoParis

Tous droits de reproduction réservés

Date : 27/01/2012Pays : FRANCESuppl. : suppl.Page(s) : 14-15Rubrique : VIVRE LA RÉPUBLIQUE !Diffusion : (137831)Périodicité : Quotidien