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INVITATION À DAVID CHRISTOFFEL Théâtre de la Ville – Théâtre des Abbesses 14 novembre 2018

INVITATION À DAVID CHRISTOFFEL€¦ · Durupt, Jacob ter Veldhuis, Antonin-Tri Hoang, Chris-tian Lauba, Jean-Michel Espitallier. Une voix est projetée. La parole se réfléchit

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INVITATION À DAVID CHRISTOFFELThéâtre de la Ville – Théâtre des Abbesses 14 novembre 2018

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David ChristoffelL’invitation

David Christoffel, l’invitation du Festival d’Automnevous implique à double titre : en tant que créateur,puisque deux de vos pièces seront créées à cetteoccasion, et en tant que curateur de cette soirée.Cette bivalence semble, à elle seule, représentativede l’esprit de cet événement.Je vais en effet répéter dans le geste de curation cequi est déjà présent dans mon geste artistique : lierdes champs qui n’ont pas l’habitude d’être liés, mêmesi dans ma pratique personnelle, les choses sont tou-jours plus conflictuelles que ça. Il ne s’agit pas de fairedes mariages arrangés pour le seul plaisir de leur hété-rogénéité, mais d’identifier des formes d’expressionartistique qui, pour pouvoir se formuler, ont spécifi-quement besoin de se situer dans les intervalles quiexistent entre elles. C’est cette exigence-là que je vaisessayer de jouer dans le jeu de curation, pour permet-tre aux acteurs que je réunis d’investir des territoiresqui soient moins la collusion de champs artistiquesque leur maillage.Il me paraissait presque évident de ne pas programmermes propres pièces, mais Joséphine Markovits m’ademandé de le faire, ce qui permet de signer le faitqu’il s’agit d’une curation de créateur. C’est aussi cequi motive la formulation « invitation » plutôt que« carte blanche ».

Le programme que vous avez conçu révèle en effetvotre goût pour l’art qui peut se développer à l’in-tersection des genres et des catégories.Assurément ! Il ne s’agit cependant pas de crossover,pas plus que d’une tentative d’abolition des frontières,mais plutôt d’une insistance sur le pouvoir desdouanes ! La musique d’une part (Rémi et LaurentDurupt, Christian Lauba, Jacob ter Veldhuis, Antonin-Tri Hoang), la poésie (Jean-Michel Espitallier), la créa-tion radiophonique (Alessandro Bosetti) : ce serait lafaçon évidente de mobiliser des acteurs de territoiresa priori différents. Mais il y a aussi la façon latente, dansla manière de leur passer commande : je leur dévoilele programme préalablement, pour qu’ils s’imprègnentdes matériaux des uns et des autres. J’ai moi-même,pour les pièces que j’ai composées, fait du cut-upd’au-tres pièces inscrites au programme de cette soirée,sachant que certaines de ces pièces sont elles-mêmesdes répliques d’autres (Grab it! de Jacob ter Veldhuisest une réplique de Hard de Christian Lauba).

En tant que créateur, vous situez-vous dans des caté-gories définies, ou à leur périphérie, ou à leur inter-section ?

J’avais adopté l’appellation « opéra parlé » pour signi-fier que j’entrais dans la question opératique pareffraction. C’est une façon de faire coexister poésie etmusique en insistant sur l’interdépendance, mais aussisur la non-redondance des deux instances. Je conservevolontiers cette catégorie qui est très pratique car ellepermet notamment de se débarrasser de tout ce quepourrait imposer le mélodrame. Ce qui est plus discretdans ma démarche et qui apparaît dans le terme« tapisserie » dont on peut voir deux occurrences dansle programme, c’est la façon dont le texte musical esttravaillé en tant que tel à partir de son maillage avecle texte parlé.

Le terme « tapisserie » évoque Satie, auquel vousavez consacré une thèse de doctorat, et à sa musiqued’ameublement. S’agit-il pour vous de dédramatiserle rapport à l’œuvre d’art ?Il y a certes de la dédramatisation, mais c’est aussi unefaçon de reformuler ce qu’est devenu l’importanced’une œuvre musicale dans le monde actuel, car lamusique d’ameublement était pour Satie une catégo-rie critique. Pour ce qui est du modèle opératoire, onpourrait aussi passer par Roland Barthes et sa théoriedu texte, car la parole et la musique vont se rencontrerselon un imaginaire éminemment textuel. On peutaussi reprendre le « schéma tensif » du sémiologueJacques Fontanille et les réflexions qui mettent à éga-lité l’intensité et l’« extensité ». Ne donner pas plusd’intensité qu’il n’y a de place, et pas plus de placequ’il n’y a d’intensité.

Cette soirée relève-t-elle ainsi du manifeste ?C’est avant tout l’affirmation d’une façon d’écrire. ÀAntonin-Tri Hoang, j’ai proposé d’utiliser les « outils »de la soirée, à savoir un instrument en direct, des voixenregistrées, et une rencontre entre les deux qui soitplus ou moins de nature performative. Je me dis qu’ily a bien quelque chose qui va ressortir de la rencontreunique de ces noms, qui relève peut-être de l’hapax(forme dont on ne peut relever qu’un exemple) et quirévèlera une part significative de leurs écritures, sanseffacer la particularité de leurs styles. Le choix d’An-tonin-Tri Hoang est significatif à cet égard : quel quesoit le parti technique qu’il prend, on reconnaît sa pâtemusicale.S’il devait y avoir un manifeste, il porterait plutôt surdes questions techniques et esthétiques – cellesnotamment d’intensité et d’extensité, celle de la déper-sonnalisation – et sur le fait qu’elles impliquent unepolitique d’agencement des voix. Que des manières

À la fois compositeur, poète et créateur radiophonique,David Christoffel propose une rencontre inédite entremusique, poésie et création sonore, avec un choix d’in-vités singuliers qui élargissent le discours vers uneéloquence polymorphe : Alessandro Bosetti, LaurentDurupt, Jacob ter Veldhuis, Antonin-Tri Hoang, Chris-tian Lauba, Jean-Michel Espitallier.

Une voix est projetée. La parole se réfléchit dans l’am-plification, son propos dévie. Un peu plus loin, unevoix enregistrée de prisonnier résonne dans le haut-parleur, on entend une hargne nerveuse que le jeu dusaxophone cherche à amplifier, pour contourner unlyrisme incisif. Richard Ducros joue à distance Grabit!, la réplique de Jacob ter Veldhuis à la pièce Hardde Christian Lauba. Entretemps, des partitions avecbandes ont densifié le tressage : les œuvres comman-dées à Antonin-Tri Hoang et Alessandro Bosetti tirentles fils des premières œuvres, les hybrident jusqu’àfaire émerger des textures originales. Cette soirée est particulière par le choix de ses pièceset encore plus par la manière de les assembler. Là oùles Tapisseries de David Christoffel déplient l’art d’ar-ticuler la pensée à l’énergie musicale, les œuvres deLaurent Durupt se déprennent de quelque modèleprosodique préétabli en tressant la musique dans undialogue d’un nouvel ordre. La poésie motorique et réflexive de Jean-Michel Espitallier peut alors révéler le dynamisme de ce jeude construction. En tissant littéralement textures ver-bales et instrumentales, ce récital à sept voix et pluspourrait même débobiner la sensibilité de chacun.

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Invitation à David Christoffel

Laurent Durupt, Praeluradium pour percussion et électronique

Jacob ter Veldhuis, Grab it! pour saxophone et bande

David Christoffel, Tapisserie n°1 pour saxophone et voix parlée(commande du Festival d’Automne à Paris, création)

Antonin-Tri Hoang, VOST pour ensemble Links (commande du Festival d’Automne à Paris, création)

Alessandro Bosetti, It is an island pour voix parlée et bande

Laurent Durupt, 61 Stèles pour percussion et bande

David Christoffel, Tapisserie n°2 pour marimba, accordéon etvoix parlée (commande du Festival d’Automne à Paris, création)

Alessandro Bosetti, Double, fantaisie radiophonique pouraccordéon et voix live et enregistrée(commande du Festival d’Automne à Paris, création)

Jean-Michel Espitallier, performance Pourquoi continuer ?(commande du Festival d’Automne à Paris, création)

Christian Lauba, Hard pour saxophone

Alessandro Bosetti, Plane/Talea pour voix parlée et électronique

Laurent Durupt, Studi Sulla Notte pour piano préparé et dispositifs électroacoustiques

Ensemble Links, Rémi Durupt, percussion et Laurent Durupt, pianoVincent Lhermet, accordéonRichard Ducros, saxophoneDavid Christoffel, voixAlessandro Bosetti, voix et électroniqueJean-Michel Espitallier, récitant

Durée du concert : 1h50

Coréalisation Théâtre de la Ville-Paris ; Festival d’Automne à Paris Avec le concours de la Sacem Avec le soutien de l’Adami

Couverture : Dans l’industrie textile, bobines de fil sur métier à filer © Shutterstock

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Questionnaireétabli par Pierre Rigaudière

1. Qu’est-ce qui définit fondamentalement et spéci-fiquement votre identité de créateur ?2. Comment concevez-vous la confrontation à d’au-tres champs artistiques que le vôtre ? Fait-elle plei-nement partie de votre démarche ?3. Le cadre dans lequel David Christoffel vous ademandé de vous inscrire [ou, pour David, le cahierdes charges fixé par le Festival d’Automne] pour cettesoirée vous a-t-il semblé contraignant ?

Alessandro Bosetti1. Tout d’abord, c’est une nécessité inexplicable maisréelle et tangible quand même. Quelque chose qui mepousse – peut-être même contre ma volonté – à allerde l’avant, à chercher. Et puis la recherche continue quelque chose dans l’œu-vre musicale qui pourrait être appelé « sujet ».L’idée qu’il puisse exister des êtres et des identitésvivants qui n’existent que dans un environnementsonore et abstrait. Peut-être est-ce finalement unerecherche qui reflète une quête d’une identité person-nelle, qui dans mon cas, a toujours été très fluide, pourdes raisons biographiques et privées. La musique n’est peut-être qu’un outil et un véhiculepour ça et l’intérêt pour la voix et les voix vient decette intuition corroborée par l’idée que les voix viventdans un champ encore vierge et peut-être pas encorecolonisé par la rationalité et le langage.

2. Absolument, et ça passe souvent par une idée deradiophonie. Même si je me sens à cent pour cent musi-cien, je ressens souvent la radio comme un territoirede liberté pour la création musicale et sonore toutcourt. J’ai souvent créé des œuvres d’art radiophonique enparticulier pour les radios nationales en Allemagnequi ont particulièrement développé ce domaine. Bienqu’il y ait souvent un parti pris sur la façon dont unepièce radiophonique devrait sonner, je pense que labeauté de la radio est précisément son ambiguïtésonore : on ne peut pas distinguer à la première écoutele son de la radio, ça peut être de la musique, du bruit,de la parole ou du silence – live ou enregistré – dansn’importe quelle combinaison.

3. David a fait une proposition contraignante par défi-nition, un programme complexe, dense et modulaire,

plein de rebondissements. C’est un type de contraintequi me convient et qui m’a inspiré à écrire de lamusique à son tour complexe, dense, modulaire,rapide. Il s’approche du montage radio qui m’a toujours inspiréet du montage interdit pour le dire avec les mots deJean-Luc Godard. Dans les moments où vous placezdeux objets l’un à côté de l’autre, peu importe s’ils nesont pas liés l’un à l’autre, une histoire a lieu. La mêmechose arrive avec deux mots ou deux sons.Les formes musicales actuelles, surtout dans lecontexte de la musique expérimentale dont je viens,s’appuient fortement sur des formes allongées, conti-nues, planantes, immersives. Alors que j’aime profon-dement ce genre de forme, j’ai toujours cherché uneopposition aussi, une approche syntactique, stop andgo, mot après mot, son après son, battement de cœuraprès battement de cœur. Qu’est-ce qui nous pousseà sentir la continuité et la direction dans une série desons sans rapport et dans une séquence d’impulsionsdétachées ?Nos consciences créent-elles ce « legato » qui n’existepas dans la matérialité des sons détachés ? Ou cetaspect de la musique existe-t-il déjà dans un endroitmystérieux et indéfinissable ?

David Christoffel1. S’il est délicat de fixer mes créations dans une identité,c’est peut-être parce que je maintiens l’entre-deuxentre poésie et musique et que je cultive le côté délicatde la liaison. Là où j’essaie d’éviter que la part poétiquene s’incruste trop en elle-même, le dispositif musicalaffleure lui aussi ce qu’il pourrait devenir si la parolen’était pas juste à côté. Et c’est sans doute parcequ’elles restent à distance de gestes esthétiquementplus identifiables, que mes pratiques posent souventdes problèmes d’identification et peuvent souleverdes débats, voire des dissensus.

2. C’est bien parce que cette confrontation me revientd’une production à l’autre, que j’ai tellement de diffi-cultés à déterminer mon propre champ à l’exclusiondes autres. Même si je ne procède pas toujours dansle même ordre, mon écriture verbale appelle le mon-tage, qui appelle la musique instrumentale... Et sij’éprouve à chaque fois une interdépendance entre leschamps, il y a quand même une séparation. Se définirà la fois poète, créateur radiophonique et compositeur,

individuelles s’expriment dans ce contexte ne peutpas être la finalité, mais n’est pas non plus un tabou.

Qu’est-ce qui a attiré votre attention dans ladémarche d’Alessandro Bosetti ?J’avais été très impressionné par son travail sur lesdouze langues (Zwölfzungen) et d’une manière géné-rale par son travail pour la radio allemande. Je trouvequ’il a réussi à aller plus loin que ne le fait René Lussierdans Le Trésor de la langue, qui demeure cependantune référence. Il ne se cantonne pas à l’amplificationmusicale d’un travail de collage sur la mélorythmied’une parole, mais exploite de façon plus large, y com-pris sur le plan du timbre, les caractéristiques musi-cales de la voix parlée, avec une écriture très subtilede montage radiophonique. Plutôt que de projeter lelocuteur qui irise son redoublement instrumental dansune espèce de spectralité bizarre, il compose vraimentavec les voix parlées qu’il convoque pour les ressaisirinstrumentalement, ce qui les enrichit.Je suis allé ensuite explorer son travail performatif, etnous avons débattu ensemble pour le faire figurerdans trois postures : performative, radiophonique,compositionnelle.

C’est aussi sur les hauteurs tonales de la parole etleur confrontation à un double instrumental querepose Grab It! de Jacob ter Veldhuis.Ce que je trouve très réussi dans Grab It!, c’est le faitque l’homorythmie, à laquelle correspond une homo-mélodie très relative si l’on compare par exemple à cequ’ont pu faire des compositeurs comme Peter Ablin-ger, permet de mettre en exergue l’« homo-hargne » !Même dans mon travail théorique sur les rapportsentre texte et musique, je considère que dès qu’unpoétologue se met à parler de musicalité de la langue,il est d’office à côté du débat, parce qu’il rate les pro-blèmes d’énonciation en centrant les choses sur lelocuteur. Je cherche bien plus des enjeux d’énoncia-tion, et ça suppose donc une dissociation sévère,comme le fait Mikhaïl Bakhtine, le théoricien russe dela littérature (1895-1975), entre le locuteur et l’énon-ciateur. Plus qu’à la mélodie de la parole, je m’intéressejustement à tous les autres facteurs musicaux de laparole, qui permettent d’en extraire une « proto-nar-rativité ». Tout cela est infra-linguistique, et c’est cequi est paradoxal dans ma démarche : je tire la musiquevers le discours, mais pour y faire entendre des chosesqui sont en-dessous du message, et qui me semblentplus importantes que le message.

Comment a été formulée la commande à Jean-MichelEspitallier ?Je lui ai donné un titre (Pourquoi continuer ?) et unedurée : entre 7 et 8 minutes. Cette commande est unesorte d’injonction à être proche de ce qu’il est, dansla mesure où je lui ai dit que je n’avais pensé à abso-lument personne d’autre pour faire insérer de façonpertinente un poème a cappella dans cette soirée !

David Christoffel, c’est aussi l’homme-radio. Selonquelles modalités la création radiophonique prend-elle part à cette soirée ?Pour moi, le centre de cette question se situe dansl’alliage des niveaux sémiotiques que sont les outilstechniques. Dans son Essai sur la Radio et le Cinéma,Pierre Schaeffer explique que la radio est ce langagesonore qui constitue presque une grammaire à pos-sibilité fermée, et possède les trois niveaux que sontla musique instrumentale, le bruitage et la parole.D’une certaine façon, j’évolue dans ce vocabulaire, ycompris quand j’écris des Tapisseries, mais aussi quandje vais chercher des artistes comme ceux de cette soi-rée. Même s’ils ne mobilisent pas les trois niveaux, ilsmanifestent un imaginaire de liaison des voix qui relèvebien, de ce point de vue, du montage radiophonique.Je ne verse pas dans le fétichisme du son enregistré.Là où je me sens un auteur pleinement radiophonique,c’est dans ma préoccupation de soumettre la voixenregistrée à des manipulations techniques qui favo-risent la polyphonie énonciative. Je cherche à maxi-miser y compris les apports de la liaison entre les voix.Derrière le travail dans L’Atelier de la création pourFrance Culture sur Rameau radiostar, il s’agissait devérifier que l’opéra est insoluble dans la radio, et quedans cette insolubilité, on explore des choses sur lelyrisme qu’on ne peut entendre qu’à la radio. Cetteintelligence de la parole, qui est doublée par son ampli-fication concrète dans le micro, peut, à mon sens, enri-chir le geste musical jusqu’à la compositioninstrumentale. En cela, la programmation de cette soi-rée est radiophonique de bout en bout.

Propos recueillis par Pierre Rigaudière

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Antonin-Tri Hoang1.Définir son identité est difficile, généralement ce sontles autres qui le font. Votre question me définit commecréateur. Alors, soit, je crée, et disons que je composeet joue de la musique. C’est une identité en mouvement. Depuis dix ans jejoue sur scène en tant que saxophoniste et clarinettistedans des contextes et des lieux très différents. Jevoyage beaucoup et j’emmène avec moi une sorted’atelier mobile, partagé entre des carnets, des livreset des choses à développer sur mes instruments. Danscette vie quelque peu en confettis, j’essaie, quandj’écris de la musique, de raccommoder tout cela. Montravail principal est de ne pas tout perdre en route, deme souvenir, de raccorder entre elles toutes ces chosesqui gravitent autour de moi.

2.Je n’utiliserais pas le terme de confrontation (frontcontre front !), j’aime mieux les idées de contrepointet de rapports. Ce n’est pas une démarche en soi, c’estainsi que j’aime voir les choses. L’auditeur passe sontemps à associer ce qu’il écoute avec des phrases, desimages, ce qu’il a entendu précédemment, des sou-venirs ou l’allure du voisin. La pluridisciplinarité estdéjà dans nos têtes !

3.C’est la première fois que j’écris de la musique sansdevoir la jouer. C’est nouveau pour moi et c’est unebonne chose je pense : prendre un peu de recul, neplus systématiquement agir à la première personnedu singulier ou du pluriel. En n’étant pas acteur directde ce que l’on imagine, on peut avoir les oreilles pluslibres et tâcher de se fondre avec l’auditoire, être unetroisième personne.Un autre aspect de la proposition de David qui meplaît beaucoup est son désir de perméabilité entre lesdifférentes œuvres. Je ne conçois pas une œuvrecomme un espace clos et c’est ici l’occasion d’ouvrirles portes et les fenêtres.

Christian Lauba1. Je suis tout simplement un compositeur dont l’identitésera définie par mes choix esthétiques et stylistiquesen essayant de ne pas systématiquement représentermon époque. Un créateur qui correspond exactementà son époque disparaît en même temps qu’elle. Êtremoderne ou traditionnel n’est pas important, il suffittout simplement d’être inspiré. Le début du XXe siècleest un modèle à égaler où des compositeurs commeVarèse, Strauss, Debussy, Ravel, Rachmaninov, Sibelius,Saint-Saens, Gershwin, Schoenberg, etc. co-existaient :ils sont tous encore joués aujourd’hui !

2.Le cinéma m’inspire beaucoup. Le déroulement et lapulsation des images dans le scénario d’un film medonnent beaucoup d’idées.

3.Le cadre que propose David Christoffel pour cette soi-rée n’est pas du tout contraignant. David a réuni lesinterprètes et les collègues compositeurs qui l’ont ins-piré, démarche généreuse, saine et amicale !

ne consiste pas à abolir les frontières. Cela serait illu-soire et donc dangereusement naïf. Il s’agit moinsd’une célébration de l’altérité que d’une réelle etfranche confrontation.

3.D’une certaine manière, ce cahier des charges s’estélaboré in progress. C’est tout en échangeant avec leFestival qu’on a réussi à lier différentes de mes enviestrès éloignées les unes des autres, tout en retenant cequ’elles avaient de plus essentiel. De là est née unesoirée très particulière, extrêmement bigarrée à pre-mière vue, mais très cohérente à l’écoute de bout enbout. J’ai même été frappé, en dévoilant aux uns etaux autres des artistes sollicités, de constater qu’ilsne se connaissaient que très peu les uns les autres,alors que leurs pratiques respectives partagent jus-tement ces mêmes frottements de frontières.

Laurent Durupt1. Fondamentalement, je crois que le fait d’être interprèteirrigue mes créations de nombreuses manières, surdifférents plans et sans que ce soit conscient ou entout cas volontaire. Et d’autres traits relativement spé-cifiques, comme l’inlassable lutte contre les cases danslesquelles la culture capitaliste du divertissement vou-drait nous ranger, ou encore un certain rapport nonfétichiste à la partition, en sont probablement direc-tement issus.

2. Lorsque j’étais pensionnaire à la Villa Medicis, j’étaiscelui qui ouvrait le plus de collaborations. Toutes n’ontpas été concluantes mais certaines sont devenues desamitiés artistiques très fortes qui durent encoreaujourd’hui. C’est en tout cas la plus passionnantemanière d’enrichir mon travail, de le remettre en ques-tion, et d’avancer sur des sentiers pour moi inconnuset inattendus. Ces voies mènent quelquefois à desimpasses ou sont un détour mais elles sont toujoursincroyablement vivifiantes.

3. Absolument pas, et c’est un grand honneur d’être pro-grammé dans ce grand festival. La thématique pro-posée par David est super excitante et j’aiparticulièrement hâte de découvrir ce que Antonin-Tri Hoang nous prépare, tout comme de faire une ver-sion à plusieurs de mes Studi Sulla Notte !

Jean-Michel Espitallier1. D’abord la liberté. Ensuite « retrouver le sérieux quel’on mettait dans le jeu, enfant. » (Nietzsche)

2. Elle m’est nécessaire, naturelle, naturellement néces-saire, naturellement naturelle. Je suis un couteausuisse, un hub, un centre de tri, une décharge, unerampe de lancement, un récepteur-collecteur, un por-tulan, un centre de recyclage, un aspirateur, une souf-flerie, un dancefloor, un braqueur, une salle des pasperdus, un bateau pirate, un four à micro-ondes, unediscothèque, un GPS, un hologramme, un débarcadère,une bibliothèque, un coffre à jouets, une machine-outil, une trousse de maquillage, une douille voleuse,un forum de discussion, une prise multiple, un serveur,une gare de triage, une foreuse, un géomètre, un posted’aiguillage, un lance-grenade, un clavier, un mixeur,un virus, un four à chaleur tournante, un sac de nœuds,un agent double, un lance-confettis, une chambred’échos, une batterie dix fûts, un rond-point, un trans-formateur, un piège à ressorts, une salle d’embarque-ment, un distributeur, une caisse de single malt, unecaisse de résonnance, une caisse enregistreuse, unecaisse à outils, une caisse claire, une grosse caisse,une rose des vents, un funambule.

3.La contrainte est une autre forme de liberté. « On nepeut trouver la liberté que par la discipline » (PierreBoulez). Reste à savoir si la contrainte discipline…

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©Frédéric De

smesure et Le bleu du cie

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Jean-Michel Espitallier, poète et récitantÉcrivain inclassable, poèteet batteur de rock (et alen-tours !), Jean-Michel Espi-tallier est l’auteur d’unevingtaine de livres, dontpour les derniers : Tourneren rond : de l’art d’aborderles ronds-points (PUF,2016) ; Syd Barrett, le rocket autres trucs (Le Mot etle Reste, 2017) ; La Pre-

mière Année (Inculte, 2018). Sa dernière création estSergent Pepper, suite (France Culture, 2017). Il travaillesur plusieurs projets multimédias, notamment avecla chorégraphe Valeria Giuga (Compagnie Labkine).

Antonin-Tri Hoang, compositeur et clarinettisteLa forme, le temps et lamélodie : autant d’inter-rogations pour Antonin-Tri Hoang. La forme, il cherche à laperturber, au sein duNovembre Quartet où lesdifférentes compositionsdu groupe sont sans cesseremodelées, réduites, sim-plifiées ou altérées, à tra-

vers des processus de montage de partitions où lamémoire de l’auditeur est expressément sollicitée. Ensolo de saxophone, il reproduit ces mêmes phénomènesdans une forme totalement improvisée où chaqueévènement joué est mémorisé et régulièrement rappelé(À l’improviste pour France Musique, 2017).Le temps, il l’aborde dans tous ses projets, en parti-culier pour la commande de France Musique Cinq syn-chronies, où il étudie cinq façons de manifesterl’écoulement du temps dans un intervalle de deuxminutes, ou encore avec le quatuor de clarinettes Watt.Venant du jazz, et le pratiquant toujours au sein denombreux ensembles, il place la mélodie au centre deses questionnements : comment advient-elle, com-ment revient-elle, à quels fragments de nos mémoiresest-elle reliée ? Son parcours le mène en tant qu’ins-trumentiste et improvisateur à collaborer avec diffé-rents ensemble et artistes, Eve Risser, Benoît Delbecq,Julien Pontvianne, Fantazio, Jean-Jacques Birgé, l’en-semble ONCEIM, L’Orchestre National de Jazz DanielYvinec et bien d’autres.

Christian Lauba, compositeurCompositeur français néen 1952 à Sfax (Tunisie),Christian Lauba étudie auConservatoire de Bor-deaux. Premier prix duconcours international decomposition de Berlin en1994, il est président dujury du concours de composition Gaudeamus1996. De 2004 à 2006, il

est directeur musical de l’Orchestre National Bor-deaux-Aquitaine, puis compositeur en résidence àl’Opéra de Bordeaux avec les créations de Bogor pourorchestre, le ballet Zatoïchi et de son opéra La Lettredes Sables sur un livret et avec une mise en scène deDaniel Mesguich.À l’image de György Ligeti qui l’a beaucoup aidé danssa carrière, il s’essaie à la synthèse des styles. Attentifaux influences les plus diverses, usant des esthétiqueset des techniques qui s’offrent à lui, Christian Laubaa développé un langage original mais se dit prochede la tradition française. Il donne des masterclass etdes conférences en Europe et à l’étranger, il est l’auteurd’une œuvre qui témoigne de son intérêt pour leseffectifs les plus divers, du soliste à l’orchestre.cdmc.asso.fr/fr/ressources/compositeurs/biographies/lauba-christian-1952

Jacob ter Veldhuis, compositeurNé en 1951, JacobTV(Jacob ter Veldhuis)débute sa carrière commemusicien de rock. Par lasuite, il étudie la compo-sition classique et électro-nique au Conservatoire de Groningen. Outre lamusique de chambre etles compositions pourorchestre, il se fait connaî-

tre comme spécialiste du speech melody avec sonœuvre Boombox, qui est jouée partout dans tout lemonde. Sa musique est le plus important produit d’ex-port de musique classique des Pays-Bas en 2016, avecplus de mille concerts dans le monde (BUMA ClassicalAward). Ses œuvres pour saxophone sont populaires,comme Garden of Love, Buku, Grab it!, Pimpin, Jesusis coming, Pitch Black, Heartbreakers, Postnuclear Win-terscenario, Tallahatchie Concertoet Tipperary Concerto.

jacobtv.net

Biographies

Alessandro Bosetti, compositeur et interprèteLe travail d’AlessandroBosetti est basé sur lamusicalité de la voix, dulangage et des langues. Ilexplore la frontière entrele langage parlé et lamusique. Ses composi-tions abstraites (surdisque, jouées lors de per-formances en public oupour des diffusions radio-

phoniques) mêlent documents sonores et entretiensenregistrés, collages acoustiques et électroacous-tiques, stratégies relationnelles, pratiques instrumen-tales, explorations vocales et manipulationsnumériques. Il est depuis 2000 une figure majeure del’Ars Acustica, et est l’auteur d’un corpus d’œuvresélectroacoustiques et de compositions texte-son,notamment pour des institutions comme WDR StudioAkustische Kunst, Deutschland Radio, ou encore leGRM. Il a développé son travail sur la voix pour lesensembles Neuevocalsolisten, Maulwerker et Kam-merensemble Neue Musik. Ses performances ont étéprésentées en Europe, en Asie et aux États-Unis, quece soit en solo, à la tête de son ensemble Trophiesavec Tony Buck et Kenta Nagai, ou en collaborationavec d’autres performeurs vocaux, Jennifer Walsheet Tomomi Adachi, avec le pianiste Chris Abrahamset les chorégraphes Georges Appaix et Ariella Vidach.

melgun.net

David Christoffel, compositeur et récitantÀ la fois poète et compo-siteur, créateur radiopho-nique et chercheur, DavidChristoffel place la poésieet la musique dans desvoisinages particuliers. Ilest l’auteur de recueils depoèmes (Litteralicismesaux Éditions de l’Attenteet Argus du cannibalismechez Publie.net), de

disques (Oecumetrucs chez Artalect et la série RadioToutlemonde pour Super Moyen les disques), il produitdes opéras parlés (Le Cul de la quinte à l’université deTours en 2017 ou Échecs opératiques à l’Opéra deRouen en 2018) et des performances sonores (La voixde Foucault pour le festival ManiFeste 2014). Il est pro-ducteur pour Radio France (pour les programmes decréation radiophonique de France Culture et, précé-

demment, pour la Matinale de France Musique), cor-respondant musical de la Radio Télévision Suisse, etdirecteur d’antenne de la webradio du Printemps desArts de Monte-Carlo de 2016 à 2018. Docteur en musi-cologie de l’EHESS, il est professeur associé auCNSMDP, chargé de cours au CFMI d’Orsay et inter-venant pour le programme Écoute ! du Festival d’Au-tomne à Paris. Il a publié Ouvrez la tête (ma thèse surSatie) aux éditions MF en 2017 et La musique vousveut du bien aux PUF en 2018. Il participe aux revuesIl Particolare, Action Restreinte, Ballottage, Multitudeset Espace(s)…

dcdb.fr

Laurent Durupt, compositeur et pianistePianiste et compositeur,pensionnaire à la VillaMédicis en 2013-2014,Laurent Durupt produitdes œuvres couvrant unlarge spectre de la créa-tion sonore, depuis lacomposition rigoureuse-ment écrite, avec électro-nique (Sonate en triΩhm,2011) ou exclusivement

instrumentale (Vertical Speed, 2015) jusqu’à l’instal-lation sonore (Minimal Music for Maximum Space,2015), en passant par l’improvisation (Studi Sulla Notte,2013) ou le théatre musical (La Nuit acoustique, 2015). Ses œuvres sont jouées dans le monde entier (Paris,Lyon, Strasbourg, Londres, Rome, Palerme, Valencia,Bogota, Vitoria, Chelsea, Manchester, Saint-Peters-bourg, Vancouver, Dallas, San Antonio ou New York). Diplômé du CNSMDP, de l’IRCAM, et de l’Académiedes Beaux-Arts (Prix Pierre Cardin), il est cofondateurdu duo et de l’ensemble LINKS, et performe réguliè-rement avec le plasticien Hicham Berrada (Présages,à l’Hotel de Ville de Paris, Nuit Blanche 2014). Il col-labore également avec le scénographe Fabian Offert(P-server, au Théatre des Bouffes du Nord, 2013 etAnthropoSCENE, 2018), le plasticien Théo Mercier (Dufutur faisons table rase, 2014 ; La Fille du collectionneur,2018), le photographe Malik Nejmi (Une odyssée, 2015et Traversés, 2016) ou encore la cinéaste Martina Magri(La Tentation de la forteresse, 2016).

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Page 6: INVITATION À DAVID CHRISTOFFEL€¦ · Durupt, Jacob ter Veldhuis, Antonin-Tri Hoang, Chris-tian Lauba, Jean-Michel Espitallier. Une voix est projetée. La parole se réfléchit

Rémi Durupt, percussionniste et chef d’orchestreRémi Durupt a étudiéauprès de Laurent Gay àGenève, de Peter Eötvösen Hongrie, d’Enno Poppelors de l’Ensemble ModernAcademy et de VittorioParisi lors de l’Académiede l’Ensemble Dedalo, oùil obtient le Prix Bettinelli.Il obtient aussi, entreautres, le Premier Prix au

concours Giancarlo Facchinetto pour la direction d’or-chestre à Brescia en 2018. La relation avec de nombreuxmusiciens comme Jean Geoffroy, Emmanuel Séjourné,Alexandros Markeas, Jens MacManama, Jean-YvesBernhard a enrichi sa formation. Il collabore avec desensembles comme Ensemble Links, ONCEIM, Eklekto,Warning. En projet, des œuvres de Frank Bedrossian,Sébastien Rivas, Laurent Durupt et bien d’autres. RémiDurupt enseigne au Conservatoire régional de Mantes-la-Jolie et au Pôle Supérieur Poitou-Charentes CESMDà Tours.

remidurupt.com

Richard Ducros, saxophoneNé en 1974, Richard Ducrosfait ses études au Conser-servatoire de Bordeauxavec Jean-Marie Londeix(saxophone). Dès la fin deses études, il entreprendune carrière de soliste. Lecompositeur ChristianLauba le choisit pour unesérie de prestations illus-trant ses masterclass et

conférences à Chicago, au Conservatoire de Paris, eten Europe. La collaboration avec ce compositeur luipermet de jouer en soliste dans de nombreux lieuxde concerts et de festivals. Il a travaillé avec les com-positeurs François Bernard Mâche, Michel Portal, Ber-nard Cavanna ainsi que Philippe Hurel et participé àde nombreuses créations. Richard Ducros joue le réper-toire classique du saxophone (Debussy, Caplet, Hin-demith, Glazounov...) ainsi que le répertoire virtuosedes années trente de Rudy Wiedoeft ; en mai 2008,il a créé le triple concerto (New York Concerto) deChristian Lauba avec Jonas Vitaud au piano, HenriDemarquette au violoncelle et l’Orchestre Symphoniquede Mulhouse. Richard Ducros se produit régulièrementen recital avec les pianistes Jean-Frédéric Neuburger,Nathanaël Gouin ou Tristan Paff.

Ensemble LinksCréé en 2007 par Laurent et Rémi Durupt, Links esttout d’abord un duo piano/percussion, désirant fairedécouvrir le répertoire pour cette formation, dontKontakte de Stockhausen est la pierre fondatrice.Sous sa forme collective, Links regroupe des musiciensengagés dans la création, l’improvisation, la compo-sition, et des artistes visuels, liés par une passion pourl’art sous toutes ses formes. Ses membres ont pourprojet de proposer de multiples formats de concerttraduisant leur éclectisme et leur désir de lier intime-ment les différentes dimensions de l’art vivant. Celales mène aussi bien vers des œuvres phares du XXe

siècle que vers des créations de compositeurs d’au-jourd’hui (Sakai, Bedrossian, Rotella, Rivas), en col-laborant également avec des ensembles tels HanatsuMiroir et DeCaelis.

ensemblelinks.fr

Vincent Lhermet, accordéon Diplômé de l’AcadémieSibelius d’Helsinki, duCNSM de Paris et de l’Uni-versité de Paris-Sor-bonne, Vincent Lhermetest le premier accordéo-niste titulaire d’un docto-rat d’interprète en Franceaprès avoir réalisé unerecherche sous la direc-tion de Laurent Cugny et

de Bruno Mantovani.Lauréat de la Fondation d’entreprise Banque Popu-laire, il s’est distingué à de nombreuses reprises surla scène internationale en remportant à 19 ans leConcours International d’Arrasate-Hiria en Espagneen 2006 et en se classant finaliste au Concours Inter-national « Gaudeamus Interpreters » d’Amsterdamen 2011.Vincent Lhermet se produit dans le monde entier ensoliste et avec orchestres et ensembles ; il est engagédans le répertoire de la musique d’aujourd’hui. Dans sa discographie, on peut citer : Correspondances(Collection jeunes solistes Fondation Meyer/CNSMDP,2014), Rameau, hier et aujourd’hui (Klarthe/harmoniamundi, 2015) et Créations pour un festival (Printempsdes Arts, 2017), et paru récemment Poetical Humors, musique élisabéthaine et création contemporainepour viole de gambe et accordéon avec MarianneMuller.

vincentlhermet.fr

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Prochains concerts

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« Crois-tu en l’immortalité de l’âme ? », demande Claude Vivier. Dans ce concert, deux œuvres ultimes vibrent del’expérience du seuil de l’existence, en des timbres moirés et somptueux. Oscillant entre le mobile et l’immobile, entrel’expansion et la compression du temps, elles disent l’une le désastre, l’autre « l’aube d’une humanité enfin débarrasséedu cauchemar ».

Dernière partition de Claude Vivier, Glaubst du an die Unsterblichkeit der Seele ? connut une genèse d’une « merveilleusesérénité ». L’œuvre, à l’e&ectif singulier – un chœur à douze voix, trois synthétiseurs et quelques percussions –, chantepourtant la peur, non pas tant d’être mort, que de mourir. Or, peu avant son propre assassinat, Vivier y met en scène unjeune homme rencontré au hasard d’une rame de métro et dont le regard le fascine : « Sans autre forme de présentationil sortit de son veston noir foncé acheté probablement à Paris un poignard et me l’enfonça dans le cœur. »Un ange de la mort,qui semble être là de toute éternité.En regard, dans les Quatre Chants pour franchir le seuil, Gérard Grisey, qui avait bien connu Vivier – à qui il dédia son diptyqueAnubis – Nout –, emprunte à quatre sources, chrétienne, égyptienne, grecque et mésopotamienne, l’expression poétiqueet métaphysique du vide, de l’écho, du silence, de la disparition, de l’atténuation et d’une ombre existentielle et sonore.Aucun désespoir ici, mais une sérénité et la calme acceptation d’une autre forme de présence.Entre ces œuvres testamentaires, les Cinq Chansons pour percussion de Vivier, chansons du matin, de midi, d’après-midi,du soir et de la nuit, évoluent autour de quelques sons, entonnent une tendre mélodie, louent le soleil, méditent sur la vieou s’abandonnent au rêve.

CLAUDE VIVIERGERARD GRISEY

CITÉ DE LA MUSIQUE – PHILHARMONIE DE PARISVen. 16 novembre 20h30––––––14,40€ et 18€ / Abonnement 12,60€Durée : 1h15 plus entracte

Claude Vivier : Glaubst du an die Unsterblichkeit der Seele ? pour trois synthétiseurs, percussions et douze voix ; Cinq Chansons pour percussion ; Jesus erbarme dich pour soprano et chœurGérard Grisey : Quatre Chants pour franchir le seuil pour voix de soprano et quinze musiciens

Melody Louledjian, soprano // Samuel Favre, percussion // Ensemble Solistes XXI, direction Christophe Grapperon // Ensemble intercontemporain // Michael Wendeberg, direction

Coproduction Philharmonie de Paris ; Ensemble intercontemporain ; Festival d’Automne à Paris // Avec le soutien de la Fondation Ernst von Siemens pour la musique // Avec le soutien duCentre culturel canadien à Paris // Avec le concours de la Sacem // France Musique enregistre ce concert.

Vendredi 16 novembreClaude VivierGérard GriseyCité de la musique – Philharmonie de Paris

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MUSIQUE

Dans Rundfunk, Enno Poppe se confronte à l’archéologie des musiques électroniques : en reconstruisant grâce à l’ordinateurdes instruments disparus ou di#ciles à programmer, il recompose le sound des années 1960 et 1970.

Chez Poppe, tout se réfère à l’univers organique : les voix de Holz (« Bois ») se comparent à des linéaments ; la sécheressedes sons dans Knochen s’expliquent par le titre (« Os »), un flux musical lent et gras traduit celui de Öl (« Huile »). « J’aimel’organique, dit Poppe. La métaphysique ne m’intéresse pas. Je suis dans le concret. Il y a déjà beaucoup à faire à partir duson lui-même ». Sa musique s’élabore à partir de cellules, simples au départ – par exemple : montée/descente/montée –,variées, étirées, renversées, inscrites dans des tempi di.érents. Prolifération souvent déduite du système-L qui modélisela croissance des plantes. Ainsi, l’organique verse dans le mécanique. Quant à la technologie, elle est souvent détournéede son usage premier. Dans son opéra, les quatre keyboardsproduisent un « faux orchestre » ; ailleurs, d’anciens synthétiseurssont utilisés pour faire éclore des univers harmoniques inouïs – striés en dixièmes ou trente-deuxièmes de ton… –, desaccords cabossés. Dans Rundfunk, Enno Poppe « démonte non pas des instruments anciens, mais des sonorités anciennes. L’ensemble est forméde neuf ordinateurs et neuf keyboards. Les sons viennent des années 1960 et 1970 – synthèse FM, Minimoog et orgue àcochons ». Hommage est rendu aux pionniers de l’électronique, Gottfried Michael Koenig, John Chowning, mais aussi WendyCarlos et Tangerine Dream. « Cependant, du fait que je n’emploie aucun instrument acoustique réel mais uniquement descopies générées par ordinateur, tout sonne autrement qu’à l’époque. Le son est ainsi déconstruit et remonté autrement. Lapièce est faite de milliers d’atomes. Quant à ma musique, elle est analytique et emphatique. Recomposée dans mon laboratoire,je porte une blouse blanche en y travaillant ».

ENNO POPPERundfunk

Enno Poppe : Rundfunk pour neuf synthétiseursCréation en France // Commande de Südwestrundfunk, Wien Modern, Huddersfield Contemporary Music Festival, Philharmonie Luxembourg, Acht Brücken | Musik für Köln, Festival d’Automneà Paris, Deutschlandfunk Kultur et de musica viva des Bayerischen Rundfunks

Ensemble Mosaïk // Enno Poppe, keyboard et direction

Coréalisation C.I.C.T. Théâtre des Bou/es du Nord (Paris) ; Festival d’Automne à Paris

THÉÂTRE DES BOUFFES DU NORDLun. 26 novembre 20h30––––––12€ et 25€ / Abonnement 10€ à 20€Durée : 1h

Lundi 26 novembreEnno PoppeRundfunkThéâtre des Bouffes du Nord

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« Visionnaires de tous les siècles, rassemblez-vous ! ». Si Lewis Carroll rencontrait Mozart. Si une sorcière croisait unaveugle prophète ou un vieux moine. Si Merlin l’enchanteur, la Reine de la nuit, Tristan et Isolde dialoguaient à distancedans un bouleversant rituel de mort. Kopernikus, opéra tout entier placé sous le signe du feu et de l’eau, est de ce genre,merveilleux.

« Trouver l’âme de l’humanité, la remettre en face d’elle-même, remettre l’individu face à lui-même et à l’infini, face au mystèretotal qu’est l’Univers, le contempler, pouvoir enfin s’y trouver », écrivait Claude Vivier. De Copernic, dont son opéra empruntele nom, il retient une révolution qui déplaça radicalement notre regard, de la terre au soleil et à ses feux sacrés. Ici, à peinequelques histoires, pas de conflit dramatique, aucun rôle – sinon des évocations de la mythologie, des contes ou de l’histoire –,mais un rêve à vivre et l’organisation d’une cérémonie de la renaissance après la mort. Dans sa quête d’une révélation,Kopernikus entend mener à une purification totale, à l’état de pur esprit. Pour cela, nous y traversons bien des situations :enfance, jeux, vie, amour, mort, Dieu, étoiles, couleurs, lumière, éternité, principes célestes, « stagnance des temporalités »,oiseaux mystiques et anges aux mélodies célestes. Comme un passage d’une conscience l’autre. Alors, selon Peter Sellars,« des mondes de la vie, de la mort, à une vie nouvelle, la musique de Vivier trouve la paix au-delà de la paix, le repos sacrédans l’action métaphysique. Les visionnaires sont là. Nous n’avons plus à avoir peur. »

CLAUDE VIVIER /PETER SELLARS

THÉÂTRE DE LA VILLE – ESPACE CARDINAVEC LE THÉÂTRE DU CHÂTELETMar. 4 au sam. 8 décembreMar. au ven. 20h, sam. 16h26€ et 36€ / Abonnement 24€ et 26€

NOUVEAU THÉÂTRE DE MONTREUIL, CENTRE DRAMATIQUE NATIONALLun. 17 au mer. 19 décembre 20h14€ à 23€ / Abonnement 10€ et 14€––––––Durée : 1h10

Claude Vivier : Kopernikus, un rituel de mort pour sept chanteurs, sept instrumentistes et bandeLivret du compositeur (français et langue inventée)

Ensemble L’Instant Donné // Ensemble vocal Roomful of Teeth // Eric Dudley, direction des répétitions // Michael Schumacher, danseur-chorégraphe et collaborateur de Peter Sellars //Seth Reiser, lumières // Pamela Salling, régie générale // Peter Sellars, mise en scène

Production Festival d’Automne à Paris // Coproduction Théâtre de la Ville-Paris ; Théâtre du Châtelet (Paris) ; KunstFestSpiele Herrenhausen (Hanovre) ; Nouveau théâtre de Montreuil,centre dramatique national ; Théâtre du Capitole (Toulouse) // Coréalisation Théâtre de la Ville-Paris ; Théâtre Musical de Paris-Châtelet ; Festival d’Automne à Paris pour les représentationsau Théâtre de la Ville-Paris // Avec le soutien de la Fondation Ernst von Siemens pour la musique // Avec le soutien du Centre culturel canadien à Paris et de l’Adami // France Musiqueenregistre cet opéra.

Mardi 4 au samedi 8 décembreThéâtre de la Ville – Espace CardinLundi 17 au mercredi 19 décembreNouveau théâtre de Montreuil, centre dramatique nationalClaude VivierPeter SellarsKopernikus, un rituel de mort

Présidente : Sylvie HubacDirecteur général : Emmanuel Demarcy-MotaDirectrices artistiques : Marie Collin, Joséphine Markovitsfestival-automne.com

Directeur : Emmanuel Demarcy-Motatheatredelaville-paris.com

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Page 7: INVITATION À DAVID CHRISTOFFEL€¦ · Durupt, Jacob ter Veldhuis, Antonin-Tri Hoang, Chris-tian Lauba, Jean-Michel Espitallier. Une voix est projetée. La parole se réfléchit

CHAQUE VENDREDI EN KIOSQUE

LEMONDE.FR/M-LE-MAG