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> A la Une >>> INFORMATIONS OUVRIÈRES N 0 270 SEMAINE DU 26 SEPTEMBRE AU 2 OCTOBRE 2013 2 Vous pouvez partir à 60 ans avec une retraite de misère ou à 67 ans avec une retraite plus élevée. A chacun de “choisir” ! Evénement Retraites : le secrétaire général de la CFDT ose se féliciter du texte présenté par le gouvernement Non, M. Berger, il n’y a aucune “avancée” dans le projet de loi ! Budget, retraites : une même politique Le projet de budget pour 2014 est présenté au Conseil des ministres de ce mercredi 25 septembre (lire page 4). Quinze milliards d’euros de coupes annoncées dans les cré- dits ministériels, les dotations aux collectivités locales, dans le budget de la Sécurité sociale. Et les impôts s’abattent sur les travailleurs, pour financer une nouvelle et gigantesque exonération (le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) au bénéfice des patrons, d’un montant, à terme, de 20 mil- liards d’euros par an. Le véritable contenu de la « pause fiscale », le voilà ! Cette évidence alimente l’exaspération qui monte dans tout le pays, sur fond d’aug- mentation continue du chômage, alors que le ministre Montebourg laisse entendre que les salariés du constructeur automobile Heuliez n’ont qu’à pleurer la perte programmée de leur travail. Dans moins de deux semaines, à l’Assemblée nationale, commen- cera l’examen du projet de loi contre les retraites, qui allonge à nouveau la durée de cotisation, dans la droite ligne de la politique des gouvernements de droite précédents. Et dire que certains, à « gauche », y voient des « avancées » et voudraient l’« améliorer » ! Une ruse gros- sière, pour sauver ce gouverne- ment ! Les sondages reflétant l’impopularité record de l’exécutif donnent le vertige au sein du PS et des écologistes. Quant à l’UMP, elle est toujours au bord de l’implosion. Yan Legoff Nicole Bernard D ans l’édition du Parisien du 18 sep- tembre, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, s’en prend vigoureuse- ment aux salariés, aux syndicats qui s’opposent à la politique du gouverne- ment : « Arrêtons de râler systématiquement dans ce pays », et indique avoir obtenu des « mesures de justice ». A la question : « Quelles sont ces avancées ? », Laurent Berger répond : « Cela fait 20 ans que tous les syndicats demandent des mesures sur la pénibilité. Ce qu’on a obtenu n’est pas une mesurette. » Quelle est donc cette « avancée » ? UN COMPTE PERSONNEL PAR POINTS Interviewé par LCI le lendemain, le ministre Marisol Touraine résume ce que Laurent Berger a « obtenu » sur la pénibilité : « A partir du 1 er janvier 2015, lorsqu’un sala- rié sera dans l’une des dix situations iden- tifiées, il sera inscrit par l’employeur sur le compte (compte personnel de prévention de la pénibilité, CPPP) et obtiendra des points. » Dans le dossier de presse du projet de loi, le ministre précise que chaque salarié se verrait donc attribuer un ou deux points par trimestre d’exposition à la pénibilité. Ces points sont inscrits sur un compte per- sonnel. Que veut dire « personnel » ? Cela veut dire deux choses : — l’inscription au compte est personnelle. Elle se fait salarié par salarié, en fonction d’une fiche (1) et de l’avis du médecin du travail ; — l’utilisation est personnelle puisque, selon le ministre, « ces points pourront être transformés en retraite anticipée, en temps partiel à la fin de sa carrière ou en forma- tion pour changer d’orientation ». C’est donc le salarié qui « choisit ». Il est « libre » de consacrer les points acquis à ce qu’il souhaite. C’est l’individualisation la plus totale. RETRAITE “À LA CARTE” Comme le dit le ministre au micro de LCI : « La durée de cotisation devient le critère de référence principal. » Ce qui compte, ce n’est plus l’âge de départ, dont le mouvement ouvrier exige depuis plus d’un siècle et demi qu’il soit le plus bas possible, c’est que le salarié soit « libre » de choisir sa date de départ en fonction du montant espéré. Vous avez reconnu la « retraite à la carte ». Vous pouvez partir à 60 ans avec une retraite de misère ou à 67 ans avec une retraite plus élevée. A chacun de « choisir » ! Laurent Berger — revenons à lui — déclare au début de son interview au Parisien : « Nous voulions une réforme systémique (2). Mais personne n’en a voulu à part nous. » On comprend que les dispositions concer- nant la pénibilité lui donnent entière satis- faction, puisqu’elles représentent un véritable cheval de Troie de la retraite par points… donc de la réforme systémique « dont personne d’autre n’a voulu ». (1) L’employeur tiendrait une fiche par salarié dans laquelle seront consignées et évaluées les périodes d’exposition à l’un des dix risques recensés. (2) La réforme systémique, c’est la fameuse « retraite par points » demandée par la CFDT, qui traduit les salaires de toute la carrière en « points » et laisse le salarié « libre » de partir quand il estime qu’il tou- chera une retraite suffisante pour vivre. C’est l’indi- vidualisation contre les droits collectifs. Le POI invite à débattre dans ses meetings « Cela fait seize mois que le gouverne- ment Hollande-Ayrault, appuyé sur une large majorité du PS à l’Assemblée natio- nale et au Sénat (parfois soutenue par le Front de gauche), dispose de tous les pouvoirs que lui confère la V e République... Seize mois qu’il gouverne... et déjà, sur les traces de Sarkozy en Libye, il a engagé le pays, contre la volonté du peuple, dans l’intervention militaire au Mali et dans les préparatifs contre la Syrie. Seize mois qu’il gouverne… et plus d’un million de foyers supplémentaires, parmi les plus modestes, se voient soumis à l’impôt, tandis que les patrons bénéfi- cient comme jamais auparavant d’avan- tages fiscaux. Et voilà que trois ans après la formidable mobilisation de 2010 contre la « réforme » des retraites de Sarkozy-Fillon, ce gou- vernement de « gauche » Hollande-Ayrault revient à la charge et aggrave encore la « réforme » Fillon ! (…) Sous la conduite d’un gouvernement qui prétendait réaliser le « changement », le pays poursuit sa « descente aux enfers » sous la houlette de l’Union européenne, de ses traités, de la Banque centrale euro- péenne (…). Pour le Parti ouvrier indépendant, le moment est venu de débattre publique- ment et fraternellement de toutes ces questions (…). C’est dans cet esprit, pour mener ce débat, que le POI organise vingt-deux meetings dans tout le pays. » Laurent Berger (deuxième à partir de la gauche) rencontre le Premier ministre, entouré du ministre de la Santé et du ministre du Travail, à l’occasion des réunions sur les retraites, en juillet dernier. Photo AFP

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> A la Une >>>INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 270 SEMAINE DU 26 SEPTEMBRE AU 2 OCTOBRE 20132

Vous pouvezpartir à 60 ansavec uneretraite de misèreou à 67 ansavec uneretraite plus élevée.A chacun de“choisir” !

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Non, M. Berger, il n’y a aucune“avancée” dans le projet de loi !

Budget, retraites :une même politique

Le projet de budget pour 2014 est présenté au Conseil des ministres de ce mercredi 25 septembre (lire page 4). Quinze milliards d’euros de coupes annoncées dans les cré-dits ministériels, les dotations aux collectivités locales, dans le budget de la Sécuritésociale. Et les impôts s’abattentsur les travailleurs, pour financerune nouvelle et gigantesque exonération (le crédit d’impôtpour la compétitivité et l’emploi)au bénéfice des patrons, d’un montant, à terme, de 20 mil-liards d’euros par an. Le véritablecontenu de la « pause fiscale », le voilà ! Cette évidence alimentel’exaspération qui monte dans tout le pays, sur fond d’aug-mentation continue du chômage,alors que le ministre Montebourglaisse entendre que les salariés du constructeur automobile Heuliez n’ont qu’à pleurer la perteprogrammée de leur travail.Dans moins de deux semaines, à l’Assemblée nationale, commen-cera l’examen du projet de loicontre les retraites, qui allonge à nouveau la durée de cotisation,dans la droite ligne de la politiquedes gouvernements de droite précédents. Et dire que certains, à « gauche », y voient des « avancées » et voudraientl’« améliorer » ! Une ruse gros-sière, pour sauver ce gouverne-ment ! Les sondages reflétantl’impopularité record de l’exécutifdonnent le vertige au sein du PS et des écologistes. Quant à l’UMP, elle est toujours au bord de l’implosion.

Yan Legoff

Nicole Bernard

Dans l’édition duParisien du 18 sep-tembre, le secrétairegénéral de la CFDT,Laurent Berger, s’enprend vigoureuse-ment aux salariés,aux syndicats qui

s’opposent à la politique du gouverne-ment : « Arrêtons de râler systématiquementdans ce pays », et indique avoir obtenu des« mesures de justice ».A la question : « Quelles sont ces avancées ? »,Laurent Berger répond : « Cela fait 20 ansque tous les syndicats demandent desmesures sur la pénibilité. Ce qu’on a obtenun’est pas une mesurette. »Quelle est donc cette « avancée » ?

UN COMPTE PERSONNEL PAR POINTSInterviewé par LCI le lendemain, le ministreMarisol Touraine résume ce que LaurentBerger a « obtenu » sur la pénibilité : « Apartir du 1er janvier 2015, lorsqu’un sala-rié sera dans l’une des dix situations iden-tifiées, il sera inscrit par l’employeur sur lecompte (compte personnel de préventionde la pénibilité, CPPP) et obtiendra despoints. »Dans le dossier de presse du projet de loi,le ministre précise que chaque salarié severrait donc attribuer un ou deux pointspar trimestre d’exposition à la pénibilité.Ces points sont inscrits sur un compte per-sonnel. Que veut dire « personnel » ?Cela veut dire deux choses :— l’inscription au compte est personnelle.Elle se fait salarié par salarié, en fonctiond’une fiche (1) et de l’avis du médecin dutravail ;

— l’utilisation est personnelle puisque,selon le ministre, « ces points pourront êtretransformés en retraite anticipée, en tempspartiel à la fin de sa carrière ou en forma-tion pour changer d’orientation ».C’est donc le salarié qui « choisit ». Il est« libre » de consacrer les points acquis à cequ’il souhaite.C’est l’individualisation la plus totale.

RETRAITE “À LA CARTE”Comme le dit le ministre au micro de LCI :« La durée de cotisation devient le critèrede référence principal. »Ce qui compte, ce n’est plus l’âge de départ,dont le mouvement ouvrier exige depuisplus d’un siècle et demi qu’il soit le plusbas possible, c’est que le salarié soit « libre »de choisir sa date de départ en fonction dumontant espéré.Vous avez reconnu la « retraite à la carte ».Vous pouvez partir à 60 ans avec une retraitede misère ou à 67 ans avec une retraite plusélevée. A chacun de « choisir » !Laurent Berger — revenons à lui — déclareau début de son interview au Parisien :« Nous voulions une réforme systémique (2).Mais personne n’en a voulu à part nous. »On comprend que les dispositions concer-nant la pénibilité lui donnent entière satis-faction, puisqu’elles représentent unvéritable cheval de Troie de la retraite parpoints… donc de la réforme systémique« dont personne d’autre n’a voulu ». �

(1) L’employeur tiendrait une fiche par salarié danslaquelle seront consignées et évaluées les périodesd’exposition à l’un des dix risques recensés. (2) La réforme systémique, c’est la fameuse « retraitepar points » demandée par la CFDT, qui traduit lessalaires de toute la carrière en « points » et laisse lesalarié « libre » de partir quand il estime qu’il tou-chera une retraite suffisante pour vivre. C’est l’indi-vidualisation contre les droits collectifs.

Le POI invite à débattre dans ses meetings« Cela fait seize mois que le gouverne-ment Hollande-Ayrault, appuyé sur unelarge majorité du PS à l’Assemblée natio-nale et au Sénat (parfois soutenue par leFront de gauche), dispose de tous lespouvoirs que lui confère la Ve République...Seize mois qu’il gouverne... et déjà, surles traces de Sarkozy en Libye, il a engagéle pays, contre la volonté du peuple, dansl’intervention militaire au Mali et dans lespréparatifs contre la Syrie.Seize mois qu’il gouverne… et plus d’unmillion de foyers supplémentaires, parmiles plus modestes, se voient soumis àl’impôt, tandis que les patrons bénéfi-cient comme jamais auparavant d’avan-tages fiscaux.Et voilà que trois ans après la formidablemobilisation de 2010 contre la « réforme »des retraites de Sarkozy-Fillon, ce gou-vernement de « gauche » Hollande-Ayraultrevient à la charge et aggrave encore la« réforme » Fillon !(…) Sous la conduite d’un gouvernementqui prétendait réaliser le « changement »,le pays poursuit sa « descente aux enfers »sous la houlette de l’Union européenne,de ses traités, de la Banque centrale euro-péenne (…).Pour le Parti ouvrier indépendant, lemoment est venu de débattre publique-ment et fraternellement de toutes cesquestions (…).C’est dans cet esprit, pour mener ce débat,que le POI organise vingt-deux meetingsdans tout le pays. »

Laurent Berger (deuxième à partir de la gauche) rencontre le Premier ministre, entouré du ministre de la Santé et du ministre du Travail, à l’occasion des réunions sur les retraites, en juillet dernier.

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é“A ux camarades qui

viennent de dire que legouvernement actueln’est pas mieux que leprécédent, je réponds

que la gauche et la droite, ce n’est pas pareil,et que le prétendre revient à soutenir uneposition de l’extrême droite. » Cette déclara-tion d’un responsable syndical national (1)appelle discussion.

Peut-on ignorer les faits ? Un fait : laréforme Ayrault adoptée en Conseil desministres mercredi dernier continue (43 annui-tés) et aggrave (pénibilité, comité de pilotage…)la réforme Fillon. L’ancienne ministre de Sar-kozy-Fillon, Valérie Pécresse, commente à laradio : « Une réforme, c’est comme l’escalade,on enfonce un piolet et on prend appui dessuspour enfoncer le suivant. »Ainsi, Ayrault pour-suit-il Fillon sur les retraites, comme Peilloncontinue Chatel (en l’aggravant), comme legouvernement Hollande-Ayrault poursuit lapolitique fiscale du précédent, imposant plusd’un million de nouveaux foyers des plusmodestes jusqu’ici épargnés.

Exposer ces faits, appeler à les combattre,ce serait « soutenir une position de l’extrêmedroite » ? Non. C’est cette politique de déré-glementation et de contre-réformes — dontle socle est le consensus pro-Union euro-péenne — qui ouvre la voie à la pire réaction.

A propos de consensus : on a noté l’ac-cueil enthousiaste réservé par la presse à lavictoire électorale d’Angela Merkel, procla-mée « chef de l’Europe » par Le Monde. Onverra dans ce journal (page 10) ce qu’il en est :la probable grande coalition (entre démo-cratie chrétienne et SPD), destinée à impo-ser de brutales mesures anti-ouvrières, nesera pas nécessairement la voie royale seméede roses que lui promettent des médias auxordres. La classe ouvrière allemande n’a pasdit son dernier mot.

Sur BFMTV — chaîne de télévision dédiéeaux intérêts du capital financier —, un« expert » commente : une grande coalitionne changera pas fondamentalement la poli-tique de Merkel, puisque SPD et CDU sontd’accord sur l’essentiel, c’est-à-dire le strictrespect du pacte de stabilité européen et lerefus de tout renflouement excessif des paysen faillite. Et en France, lui demande-t-on,quelles conséquences ? Réponse : le gouver-nement français devra comprendre qu’il n’aplus le choix, qu’il lui faut aller jusqu’au boutde la réforme des retraites et de la Sécuritésociale, et, sous toutes les formes, abaisser lecoût du travail et réduire les dépenses pu -bliques.

En France comme dans toute l’Europe,n’est-ce pas ce consensus qui, voulant toutsacrifier au « sauvetage de l’euro », menaced’effondrement les fondements de la démo-cratie ?

C’est prendre une grave responsabilité quede vouloir enfermer les revendicationsouvrières dans la subordination à un gouver-nement qu’on nous présente comme « diffé-rent », puisque « de gauche », alors que, chacunle constate, il se contente de continuer, en pire,la politique de Sarkozy dans le cadre fixé parla Banque centrale européenne et le FMI.

Seule l’indépendance politique de la classeouvrière, refusant toute subordination à cegouvernement aux ordres du capital finan-cier, et se libérant du carcan de l’Union euro-péenne, ouvrira la voie à une solutionconforme à la démocratie et aux besoins del’immense majorité.

Ces questions, et le débat qu’elles appellent,sont au centre des meetings du Parti ouvrierindépendant.

(1) La semaine passée, lors d’une réunion convoquéeen commun par les organisations syndicales qui, dansla localité concernée, avaient appelé au 10 septembrepour le retrait de la réforme Ayrault.

ÉDITORIAL

INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 270 SEMAINE DU 26 SEPTEMBRE AU 2 OCTOBRE 20133

Aucunesubordination à ce gouvernement !

Daniel GlucksteinSecrétaire national du POI

A la commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale

Quand droite et gauche débattent au Parlement de la “réforme” des retraites Le 11 septembre, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale recevait lesorganisations syndicales et patronales, en vue de l’examen du projet de loi gouvernementalcontre les retraites qui débutera le 7 octobre dans l’hémicycle.

Yan Legoff

L e représentant de la CFDT, Jean-LouisMalys, secrétaire national en chargedes retraites, s’est présenté en défen-

seur déterminé du texte gouvernemental, enen revendiquant même la paternité : « LaCFDT a pleinement pris part à la réforme », a-t-il dit.Et même si, selon lui, elle « néces-site encore des améliorations, par-fois importantes, elle répond à(ses) objectifs ». Y compris l’aug-mentation de la durée de cotisa-tion à 43 annuités ? C’est « la variable d’ajustementla plus juste à condition d’aiderceux qui ont des difficultés à vali-der les trimestres », a osé répondreMalys.Une mesure le satisfait particu-lièrement : « La création ducompte personnel de préventionde la pénibilité est une conquêtesociale », a-t-il lancé.

CYNISMEIl faut quand même une cer-taine dose de cynisme pourcontraindre les travailleurs âgésà trimer presque un an et demide plus tout en prétendant com-battre la pénibilité du travail !Et en déclarant en plus que ceserait une « conquête sociale » !« La réforme contient des avan-cées sociales sans précédent », amême surenchéri le rapporteur pour le projetde loi désigné par la commission des affairessociales, le député PS Michel Issindou.Ce « compte personnel de prévention de lapénibilité » a été commenté par de nombreux

députés. Pour la députéeécologiste Véronique Mas-

sonneau, c’est « une mesure innovante et intel-ligente ».Pour le groupe du Front de gauche, la dépu-tée Jacqueline Fraysse n’est pas en reste : « Jeme félicite, a-t-elle dit, que le texte comporte

un certain nombre d’avancées, de la prise encompte de la pénibilité à l’égalité salariale entreles hommes et les femmes, en passant par le sortdes jeunes et des apprentis, même s’il mérited’être sensiblement précisé et amélioré. »Une « avancée », vraiment, ce « compte per-sonnel de prévention de pénibilité » ? Pour ledéputé PS Christian Paul, cette mesure « doitpermettre de mieux “personnaliser” les réponsesen termes de retraite ». C’est bien là le fond de l’affaire. La retraite, c’estun droit commun à tous. A l’inverse, ce compteindividuel de pénibilité ouvre la voie à un sys-tème par points, basé sur des fiches de posteétablis entreprise par entreprise, salarié parsalarié.

LE PATRONAT SAISIT LA PERCHE TENDUEBien que critiquant le projet dans son en -semble, le patronat comprend le parti qu’ilpourrait en tirer. Jean-François Pilliard, vice-président du Medef, a déclaré dans ce débat :« Nous considérons qu’il faut aussi tenir comptede la dimension individuelle du problème. Deuxpersonnes peuvent exercer le même métier (…),au bout du compte on observera la conjonc-tion de deux phénomènes : le fait qu’une per-sonne aura travaillé dans un environnementpénible — ce que nous ne contestons pas —, etle fait que d’autres facteurs auront pesé sur cettesituation. On ne peut s’en tenir aux aspects col-lectifs ; essayons de croiser les deux approches. »« Au fond, les critiques que vous émettez sontrelativement douces », lui a lancé le député PSJean-Marc Germain. « Force est de constaterque nous sommes plus proches des positionsdu Medef (...) que de celles de l’opposition », adéclaré son camarade Michel Liebgott, dis-putant ainsi à l’UMP sa place d’allié natureldu patronat ! « Nous avons montré par desmesures récentes, en particulier le crédit d’im-pôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE),combien nous sommes soucieux de la compé-titivité des entreprises », a ajouté son collègueMichel Issindou.

ILS ONT DIT

Jacqueline Fraysse (Front de gauche) se “félicite que le texte comporte un certain nombre d’avancées”

Le Front de gauche, dans ledébat à venir au Parlementsur le projet de loi contre lesretraites, s’apprête à illustrerune fois de plus son soutiencritique au gouvernement,dans un art consommé dugrand écart.

Le 11 septembre, en com-mission des affaires socialesde l’Assemblée nationale, sareprésentante, JacquelineFraysse, a déclaré que songroupe « reste préoccupé parle contenu de la réforme,même si, compte tenu despropositions du rapportMoreau, elle aurait pu êtrepire ». Si ça « aurait pu êtrepire », c’est donc que, pourle Front de gauche, le projetgouvernemental n’est pas sigrave… Jacqueline Frayssese « félicite »même que « letexte comporte un certain

nombre d’avancées, mêmes’il mérite d’être sensiblementprécisé et amélioré ».Il faudrait donc, selon elle,« améliorer » un projet quiaugmente la durée de coti-sation, alors même qu’ellereconnaît que cela revient,en réalité, à baisser le mon-tant des retraites !

Dans la gauche du PS, c’estle même positionnement.L’un de ses représentants, ledéputé Jérôme Guedj, adéclaré dans ce débat auquelparticipaient les représen-tants des confédérationssyndicales : « Un point mepose problème : l’allonge-ment de la durée de cotisa-tion », tout en précisant :« Au-delà des divergences quise sont exprimées, un pointfait consensus, y comprisparmi les parlementaires : lanécessité d’améliorer letexte. » Et d’inviter les syn-dicats à faire « connaître(leurs) propositions d’amen-dements »… Ce qui revientà les inviter à éviter touteopposition frontale.Finalement, « la gauche dela gauche » est bien utilepour le gouvernement.

Y. L. �

“Force est de constaterque nous sommes plus proches des positions du Medef que de celles de l’opposition”(Le député PS Michel Liebgott)

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