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L’ESPACE ALPIN - Vendredi 19 août 2016 5 DANS NOS REGIONS IRRIGATION | Le 16 août, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a pris de arrêté de passage en stade de crise sur les bassins versants du Colostre, du Largue et du Lauzon. Les agriculteurs du Luberon mis à mal par la sécheresse A Reillanne, Alex et Alain Angelvin sont formels : en 62 ans de vie sur place, ils n'ont jamais connu ça. « Le Largue est sec depuis le 2 juillet », affirment- ils. Conséquence de cela : les pommes de terre et courgettes qu'ils cultivent sur un hectare n'ont pas été arrosés depuis lors. « Normalement, on fait 30 plateaux de courgettes par jour de juin à sep- tembre. Là, d'ici le 10 août, c'est fini ». Qui plus est avec des fruits de qua- lité médiocre, difficilement com- mercialisables. Toujours à Reillanne, les courges de Patrice Brun, au GAEC du Paradis, font elles-même pâle figure. « Normalement, je fais en moyenne 30 à 35 tonnes de courges par hectare. Or, sur près de 10 ha, j'ai été obligé d'en abandonner 5 et les 4,5 restants ne sont plus arrosés depuis le 15 juillet. Du coup, ma récolte sera ramenée de 300 tonnes à 100 tonnes au maximum » , explique-t-il. Et encore pouvait-il compter sur ses trois retenues col- linaires totalisant un volume de 45 000 m 3 . « Ce sont les retenues qui ont fait notre force et nous ont per- mis de faire de la valeur ajoutée », assure l'agriculteur, qui prévoit de sécuriser son assolement en créant deux retenues supplémen- taires de 15 000 m 3 chacune sur les communes de Reillanne et de Céreste. Sur ce secteur « Calavon-Largue » une récente étude de la SCP a identifié une douzaine de projets individuels (retenues collinaires et forages profonds) qui permet- traient de sécuriser les productions irriguées tout en supprimant des prélèvements dans les cours d’eau en été. Une visite préfectorale était d’ailleurs organisée le 25 juillet 2016, en présence des syndicats agricoles et du conseil régional pour expliquer la nécessité d’ac- compagner ces projets aussi bien au niveau administratif, technique que financier. Cette sécheresse touche essentiel- lement, en 2016, l'ouest du dépar- tement des Alpes-de-Haute- Provence et concerne les bassins versants du Calavon, du Largue, du Lauzon. « Le déficit d'étiage présente partout un mois et demi d'avance par rap- port aux étiages normaux », résume Noël Piton, responsable gestion de l'eau à la Chambre d'agriculture 04. Une situation à mettre au compte de la faible pluviométrie autom- nale qu'il estime, à l'instar des pay- sans concernés, « historique ». Vigilance Alerte Alerte renforcée Crise Situation au 16 août 2016 dans les Alpes-de-Haute-Provence Le barrage de la Laye ne s'est jamais rempli cet hiver. Même si le secteur est sécurisé, des pompages sont effectués dans le canal EDF depuis début le 20 juillet. Une retenue collinaire qui commence sérieusement à manquer d'eau. Les courgettes d'Alex et Alain Angelvin, à Reillanne, n'ont plus été arrosées depuis le 2 juillet. Crise : des dérogations demandées par la Chambre d'agriculture Pour rappel, le stade d'alerte sécheresse impose, sur le 04, une réduction des pré- lèvements à des fins agricoles de 20% et ce uniquement sur les secteurs « non sécurisés » Le stade d'alerte renforcée se traduit par une réduction des prélèvements à des fins agricoles de 30% (avec interdiction d’arroser dans la journée), une limitation plus forte des prélèvements pour l'arrosage des jardins, espaces verts, golfs, lavage des voitures... jusqu'à l'interdiction de certains prélèvements. Enfin, le stade de crise implique l'arrêt des prélèvements non prioritaires y compris des prélèvements à des fins agricoles. C’est pourquoi la Chambre d’agriculture a transmis, aussitôt connu les arrêtés de « crise », des demandes de dérogations pour des productions agricoles dont la fin précoce des arrosages serait économiquement catastrophique. « Nous avions connu une période de sécheresse entre 2003 et 2007, mais cela faisait huit ans qu'il n'y avait plus de problème. Et quoi qu'il en soit, c'est la première fois que l'on a des étiages aussi bas et aussi pré- coces ». Reste que malgré les efforts réali- sés en abandonnant ou en déloca- lisant certaines cultures, les agricul- teurs ne sont pas au bout de leur peine puisque le préfet a pris le 16 août des arrêtés de mise en place du stade de crise sur les bas- sins versants du Colostre, du Largue et du Lauzon. Le bassin ver- sant du Calavon reste en alerte ren- forcée, tandis que le stade d'alerte sécheresse est mis en place sur l'Asse et le Sasse (voir carte). Stéphanie Martin © St. M. © St. M. © St. M.

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L’ESPACE ALPIN - Vendredi 19 août 2016 5

DANS NOS REGIONSIRRIGATION | Le 16 août, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a pris de arrêté de passage en stade decrise sur les bassins versants du Colostre, du Largue et du Lauzon.

Les agriculteurs du Luberon mis à malpar la sécheresseA Reillanne, Alex et Alain

Angelvin sont formels : en62 ans de vie sur place, ils

n'ont jamais connu ça. « Le Largueest sec depuis le 2 juillet », affirment-ils. Conséquence de cela : lespommes de terre et courgettesqu'ils cultivent sur un hectare n'ontpas été arrosés depuis lors.« Normalement, on fait 30 plateauxde courgettes par jour de juin à sep-tembre. Là, d'ici le 10 août, c'est fini ».Qui plus est avec des fruits de qua-lité médiocre, difficilement com-mercialisables.Toujours à Reillanne, les courgesde Patrice Brun, au GAEC duParadis, font elles-même pâlefigure. « Normalement, je fais enmoyenne 30 à 35 tonnes de courgespar hectare. Or, sur près de 10 ha, j'aiété obligé d'en abandonner 5 et les4,5 restants ne sont plus arrosésdepuis le 15 juillet. Du coup, marécolte sera ramenée de 300 tonnesà 100 tonnes au maximum » ,explique-t-il. Et encore pouvait-ilcompter sur ses trois retenues col-linaires totalisant un volume de45 000 m3. « Ce sont les retenues quiont fait notre force et nous ont per-mis de faire de la valeur ajoutée »,assure l'agriculteur, qui prévoit desécuriser son assolement encréant deux retenues supplémen-taires de 15 000 m3 chacune sur lescommunes de Reillanne et deCéreste. Sur ce secteur « Calavon-Largue »une récente étude de la SCP aidentifié une douzaine de projetsindividuels (retenues collinaires etforages profonds) qui permet-traient de sécuriser les productionsirriguées tout en supprimant desprélèvements dans les cours d’eauen été. Une visite préfectorale étaitd’ailleurs organisée le 25 juillet2016, en présence des syndicatsagricoles et du conseil régionalpour expliquer la nécessité d’ac-compagner ces projets aussi bienau niveau administratif, techniqueque financier.Cette sécheresse touche essentiel-lement, en 2016, l'ouest du dépar-tement des Alpes-de-Haute-Provence et concerne les bassinsversants du Calavon, du Largue, duLauzon. « Le déficit d'étiage présente partoutun mois et demi d'avance par rap-

port aux étiages normaux », résumeNoël Piton, responsable gestion del'eau à la Chambre d'agriculture 04.Une situation à mettre au comptede la faible pluviométrie autom-nale qu'il estime, à l'instar des pay-sans concernés, « historique ».

Vigilance

Alerte

Alerte renforcée

Crise

Situation au 16 août 2016 dans les Alpes-de-Haute-Provence

Le barrage de la Laye ne s'est jamais rempli cet hiver. Même si le secteur est sécurisé, des pompages sont effectués dans le canal EDF depuis début le 20 juillet.

Une retenue collinaire qui commence sérieusement à manquer d'eau. Les courgettes d'Alex et Alain Angelvin, à Reillanne, n'ont plus été arrosées depuis le 2 juillet.

Crise : des dérogations demandées par la Chambre d'agriculturePour rappel, le stade d'alerte sécheresse impose, sur le 04, une réduction des pré-lèvements à des fins agricoles de 20% et ce uniquement sur les secteurs « non sécurisés »Le stade d'alerte renforcée se traduit par une réduction des prélèvements à desfins agricoles de 30% (avec interdiction d’arroser dans la journée), une limitationplus forte des prélèvements pour l'arrosage des jardins, espaces verts, golfs, lavagedes voitures... jusqu'à l'interdiction de certains prélèvements.Enfin, le stade de crise implique l'arrêt des prélèvements non prioritaires y comprisdes prélèvements à des fins agricoles. C’est pourquoi la Chambre d’agriculture atransmis, aussitôt connu les arrêtés de « crise », des demandes de dérogations pourdes productions agricoles dont la fin précoce des arrosages serait économiquementcatastrophique.

« Nous avions connu une période desécheresse entre 2003 et 2007, maiscela faisait huit ans qu'il n'y avaitplus de problème. Et quoi qu'il ensoit, c'est la première fois que l'on ades étiages aussi bas et aussi pré-coces ».

Reste que malgré les efforts réali-sés en abandonnant ou en déloca-lisant certaines cultures, les agricul-teurs ne sont pas au bout de leurpeine puisque le préfet a pris le16 août des arrêtés de mise enplace du stade de crise sur les bas-

sins versants du Colostre, duLargue et du Lauzon. Le bassin ver-sant du Calavon reste en alerte ren-forcée, tandis que le stade d'alertesécheresse est mis en place surl'Asse et le Sasse (voir carte).

Stéphanie Martin

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