jaufre BaT imp - Réseau Canopé€¦ · jaufre_BaT_imp.qxp 01/09/2009 17:41 Page 2 ... camins de la vida » vise un public de jeunes lecteurs, d'élèves qui souhaitent lire dans

340CB013 - 14 €isbn : 978-2-86626-369-0

Ouvrage réalisé avec leconcours financier de la

http://www.crdp-montpellier.fr/languesregionales/

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Les aventures du chevalier Jaufré

Édition trilingueoccitan - catalan - français

Los camins de la vida

Li

vre + CD audio

Jaufré, roman occitan du XIIIe siècle, est un grandroman de chevalerie. Ce très long poème de 10956 verssait toujours enchanter le lecteur. Combats, scènesd'aventure et d'amour, épisodes magiques et épreuvesinitiatiques se succèdent avec vivacité. Rien de convenu.La surprise est à chaque page : contretemps, coups dusort, coups de foudre…

Quelques aventures du chevalier Jaufré ont été adaptéesen langue moderne, pour faire découvrir à tous les jeuneslecteurs de l'occitan et du catalan le monde original de lachevalerie méridionale.

Une société se dessine dans la trame romanesque, avecses personnages nombreux, ses lieux, ses objets, sesmœurs et ses codes. Mais, plus que tout, ce qui fait lebonheur et l'actualité de la lecture c'est l'ironie souve-raine qui naît de la distance complice que le narrateurentretient avec son héros, le preux Jaufré.

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© 2009 CRDP de l’académie de Montpellier Centre régional de documentation pédagogique Allée de la Citadelle - 34064 Montpellier cedex 2

Maquette, infographie : Julie Jourdan

Tous droits de traduction, reproduction ou représentation intégrale ou partielle sont réservés pour tous pays.

La Région Languedoc-Roussillon contribue au développement de la culture et de lalangue occitane en soutenant les établissements structurants, tels que le CRDP, quiœuvrent pour le rayonnement et la diffusion de l’occitan auprès d’un large public.La convention signée le 15 octobre 2008 entre la Région et le CRDP vise à renforcerce rayonnement grâce à la création d’un Pôle Occitan au sein du CRDP.Ainsi le CRDP offre une gamme de publications diversifiée afin de répondre auxbesoins des élèves et des enseignants : des manuels scolaires pour les différentsniveaux d’enseignement, plusieurs collections d’ouvrages de littérature de jeunesse,accompagnés de CD audio qui permettent une exploitation en classe, une revue pourles enseignants et la réédition d’œuvres majeures de la littérature en langue d’oc.

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© CRDP académie de Montpellier


Dessins de Pierre BährelPostface de Gilda Caïti-Russo

Édition trilingueOccitan - Catalan - Français

Los camins de la vida



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Table des matières

Avant-ppropos - pp.5

Las aaventuras ddel ccavalièr JJaufré - pp.91 ) Jaufré a la cort d'Artús - p.102 ) L'adobament - p.163 ) Lo primièr combat - p.204 ) Lo cavalièr dormilhós - p.265 ) Lo cavalièr negre - p.306 ) L'amor cortés - p.387 ) L'amor de Jaufré - p.418 ) L'amor de Brunessen - p.459 ) La font clara - p.49

10 ) Largueza - p.55

Les aaventures ddel ccavaller JJaufré - pp.591 ) Jaufré a la cort del rei Artús - p.602 ) L'adobament - p.663 ) El primer combat - p.704 ) El cavaller dormilec - p.765 ) El cavaller negre - p.806 ) La cortesia - p.877 ) L'amor de Jaufré - p.908 ) L'amor de Brunessen - p.949 ) La font clara - p.98

10 ) Liberalitat - p.103



Les aaventures ddu cchevalier JJaufré - pp.1091 ) Jaufré à la cour du roi Arthur - p.1102 ) L'adoubement - p.1153 ) Le premier combat - p.1184 ) Le chevalier dormeur - p.1245 ) Le chevalier noir - p.1286 ) L'amour courtois - p.1357 ) L'amour de Jaufre - p.1388 ) L'amour de Brunessen - p.1419 ) La claire fontaine - p.145

10 ) Largesse - p.150

Jaufre - pp.1552 ) Adobament - p.1576 ) Enamorament - p.160

Postface - pp.163

CD aaudio - pp.184

Table ddes mmatières - pp.189

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Avant-propos

Jaufré, roman occitan du XIIIe siècle, estun grand roman de chevalerie. Il se rattache au cycle des romans arthuriens en introduisant dans la matièrebretonne des inflexions particulières à la chevalerieméridonale dont Gilda Russo fait l'étude dans la postfacede cet ouvrage.

Ce très long poème de 10 956 vers sait toujours enchanter le lecteur. Combats, scènesd'aventure et d'amour, épisodes magiques et épreuvesinitiatiques se succèdent avec vivacité. Rien de convenu.La surprise est à chaque page : contretemps, coups dusort, coups de foudre… Une société se dessine dans latrame romanesque, avec ses personnages nombreux, seslieux, ses objets, ses mœurs et ses codes. Mais, plus quetout, ce qui fait le bonheur et l'actualité de la lecture c'estl'ironie souveraine qui naît de la distance complice que lenarrateur entretient avec son héros, le preux Jaufré.

Jaufré, armé chevalier au début duroman, doit faire ses preuves. Il a une mission principale :vaincre le terrible Taulat qui a défié le roi en venant tuersous son nez, à la cour de Cardeuil, un de ses chevaliers.Mais l'accomplissement de cette mission rencontre

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de nombreux obstacles, qui sont autant de « travaux » secondaires. Le chevalier est un redresseur de torts : ilne doit négliger de réparer aucune des injustices qui se présentent à lui sous peine d'être immédiatement disgracié et puni… Or ce personnage de preux est humain :pur mais parfois trahi par l'orgueil, naïf, désarmé devantle surnaturel et surtout devant l'amour, ce qui le rendattachant. Il ressemble par bien des côtés à Perceval.

La datation du roman de Jaufré, dédié auroi-troubadour Alphonse II d'Aragon, n'est pas fixée avecprécision. Selon les travaux les plus récents, l'ouvragedaterait du premier quart du XIIIe siècle, « au moment,écrit Gilda Russo, où la proximité culturelle et politiqueentre occitans et catalans a besoin d'être retrouvée aprèsle traumatisme de Muret et l'enfance sous tutelle ponti-ficale de Jacques Ier ». On ne connaît pas non plus le nomde son auteur. Mais la langue, selon le romaniste ClovisBrunel, laisse penser que le poète était « de Catalogne oudu sud de l'ancien Languedoc ».

Jaufré, comme beaucoup de romans dechevalerie, eut une réception importante dans toute l'Eu-rope, et particulièrement en Catalogne. Selon RamonMontaner (XIVe siècle), le héros de ce roman n'était pasmoins célèbre en Catalogne que Lancelot lui-même. Denombreuses éditions castillanes sont aussi attestées, dontil n'est pas douteux que Cervantès a eu connaissance.

Nous ne donnons ici que quelquesextraits du poème, ayant choisi quelques épisodes dansla profusion des aventures de Jaufré. La collection « Los

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camins de la vida » vise un public de jeunes lecteurs,d'élèves qui souhaitent lire dans la langue régionale lesgrands textes du répertoire. Nous nous adressons toutd'abord aux élèves de 5e qui ont à leur programme delettres et d'histoire le moyen-âge et la chevalerie, ensuiteà tous les élèves de collège et de lycée pour qui leschemins de la vie passent par la littérature.

Mais pour rendre le texte médiéval acces-sible à tous, nous avons pris le parti de le transposer enlangue moderne, en occitan et en catalan, puisque Jaufréest une œuvre à la fois occitane et catalane, tout en leurlaissant la possibilité de consulter la traduction françaisedes passages cités.

Nous souhaitons que tous puissent allerà la source de la poésie, au beau texte médiéval dont ilsseront étonnés de découvrir la proximité avec la languemoderne qu'ils connaissent. Nous avons choisi de donnerla version originale de deux grandes scènes, celle del'adoubement et celle de la rencontre amoureuse,d'après le texte édité par René Lavaud et René Nelli dansLes Troubadours, Desclée de Brouwer, 1960.

Les uns et les autres sauront apprécierle charme des illustrations originales que Pierre Bährel aréalisées dans l'esprit de cette publication, d'après desenluminures médiévales, de façon à interpréter avec desgraphismes modernes les grandes scènes de l'universchevaleresque du roman.

Nous espérons que cet ouvrage fourniraau plus grand nombre l'occasion de découvrir les subtilités

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de cet univers où les valeurs de courtoisie l'emportent surle culte des armes, et qu'ils sauront par cette porte entrerdans la poésie des troubadours.

Claire TTorreilles

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Las aventuras del cavalièr Jaufré

Dètz tròces causits revirats en occitan modèrn

Serge CarlesClaire Torreilles



1Jaufré a la cort

del rei Artús

Lo començament del roman pre-senta la cort d'Artús a Carduèlh. Es Pentacòsta,la reina, lo rei e sos cavalièrs van escotar lamessa. Aquí son Galvanh, Lancelot, Tristan,Yvan, Erec, Persaval, Cligès e tantes mai. Quandven l'ora de s'ataular, lo rei vòl pas que se mangeabans que siá arribada una aventura extraordi-nària. Puèi, mena la cort dins la forèst de Broce-lianda, e l'aventura se presenta jos la formad'una bèstia enòrma e banuda. Mas quand lapren per las banas, lo rei i demòra pegat e pen-jat, sens que degun lo pòsca desliurar. La bèstiapasseja lo rei un brieu dins l'encontrada abans

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de lo liberar e de se desvelar coma un cavalièr-encantaire plan conegut de la cort. Tòrnan totesal palais.

Granda èra la cort, rica e bona.I aviá fòrça ricas personas,De reis, de comtes e de ducs. E monsénher Galvanh l'astrucE Ivan lo ben ensenhatQue totes dos avián menat Braç e braç la reina a grand léserQue còsta lo rei s'anèt sèser.E puèi Galvanh de l'autra part,E Ivan qu'a lo còr galhardPrèp de la reina s'assetèt.Belcòp se parlèt e riguèt Del bèl torn que l'encantadorVeniá de far a lor senhor.E puèi la reina Guilalmièr(1)

E los barons e cavalièrsQue defòra son pas anats,Quand sabon çò qu'es arribat,Se sentisson plan escarnits

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(1) Nom donat a Guenièvre dins lo roman



D'aver pas res vist ni ausit.Mas an plan ris e galejat. Puèi es Quec que lor a portatSens faiçon lo primièr manjar. Davant lo rei, per començar,Ricament, puèi a la reginaA qui tota beutat s'aclina, E se va sèire vistamentCar de manjar a grand talent.E aprèp venon los bolhonsQue lor pòrtan los donzelons.Res jamai i aguèt pas a dire,Que tot çò qu'un senhor desire,Gruas, ostardas e pavons,Cignes, e aucas e capons,Grassas galinas e perditz,Pan barutelat e bons vins,De tot i aviá fòrt largament,E cadun a manjar s'atend. v.485-522

Aladonc vegèron dintrarUn rossin gris e lo montarUn donzèl grand, e bèl, e gent,E veniá ufanosament.Jamai òme de maire nat,

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S'es pas vist melhor faiçonat.D'espatlas aviá una braçada,La cara bèla e ben formada,Los uòlhs amoroses e risents,Lo pel saure e resplendent,Los braces gròsses e cairats,E bèlas mans, dets ben formats.Èra linge de la centuraE ben larg de la forcaduraE las cambas drechas e grands, Los pès fòrts e benestants.Portava gonèla(2) talhadaDins de bruneta(3) mirgalhadaE cauças del meteis drap,E una garlanda sul capBen facha de novèlas florsQu'èran de totas las colors.Aviá lo caratge vermelhQue l'aviá usclat lo solelh.Dins la sala tanlèu dintrarE de son rossin(4) davalar,El agacha qual es lo rei.Cap a el ven aquí meteis,Alègre, plasent e joiós,Sul còp, se met de genolhons

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Les aventures del cavaller Jaufré

Deu fragments escollits i traduïts en català contemporani

Magali Prat



1Jaufré a la cort

del rei Artús

El principi de la novel·la presentala cort d'Artús, a Carduell. És Pentacosta. Lareina, el rei i els seus cavallers van a sentirmissa. Allà hi són presents Galvany, Lancelot,Tristany, Ivan, Erec, Perceval, Cligès i moltsaltres. Quan ve l'hora de menjar, el rei diu queno es posarà a taula abans que alguna aven-tura nova no li hagi arribat. Llavors, condueix lacort dins el bosc de Brocelianda i l'aventura espresenta sota la forma d'una enorme bèstiabanyuda que terroritza els pagesos. El rei agafala bèstia per les banyes però les seves manss'hi queden enganxades. La bèstia es passeja

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per tot el país amb el rei penjat a les banyes,sens que ningú no el pugui deslliurar, abansd'alliberar-lo ella mateixa, fent-se conèixercom el cavaller encantador de la cort. Tots se'ntornen cap al palau.

La cort era nombrosa, rica i bona.Hi havia molts senyors potents,reis, comtes i ducs.Galvany l'afortunat,i Ivan el cortès,cadascú agafant la reina pel braç,l'acompanyaren pausadamenti ella se n'anà a asseure's al costat del rei.Galvany s'assegué de l'altra banda,Ivan el valents'havia instal·lat al costat de la reina.Aleshores bromejaren i rigueren moltde la bona jugada que l'encantadorhavia fet el dia mateix a llur senyor.I la reina Guillalmier,els barons i els cavallersque s'havien quedat al palau,sentint la narració del que havia passatforen ben decebuts



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de no haver-ho vist ni sentit tot.Però ells també rigueren i bromejaren de bon cor.Llavors el senescal Quec serví a taula,sense real distinció, però amb gran mestria,primer el rei, després la reinaa qui se sotmet tota bellesa.I aleshores se n'anà a asseure'scar tenia moltes ganes de menjar.Després se serviren caldosque portaren donzells.I en cap moment no faltà resde tot el que un senyor potent pot desitjar menjar:grues, avitardes o paons,cignes, oques o capons,gallines grasses o perdius,pa sedassat i vi bo.De tot hi havia en abundànciai cadascú estava enfeinat a menjar.És aleshores quan se veié entrar,muntat en un rocí grisun donzell gran, bell i noble,que s'avançà amb gran soltesa.Crec que mai no s'havia vistun home, nascut de mare,tan bell i ben plantat com ell.



Les seves espatlles eren amples,la seva cara bonica i ben dibuixada.Tenia la mirada tendra i riallera,els cabells rossos i brillants,els braços musculosos i ben quadrats,les mans boniques i els dits llargs.Era esvelt de la cinturai ben ample de les anques.Les seves cames eren rectes i llargues,els peus arcats i ben fets.Portava una gonella ben cenyidade tela tornassoladai calces del mateix teixit;i al cap una coronaamb un tramat bonic de flors tendresde tots colors.La seva cara era vermellacar l'havia tocat el sol.Tan bon punt entrà a la sala,baixà del seu rocí,buscà amb la mirada qui era el reii es dirigí tot seguit vers ell,ple de joia i d'alegriai s'agenollà.Aleshores començà a enraonar:

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« Benvolgut sia el senyor que creà el tro,que donà al món tot el que existeix,ell que no se sotmet a cap més poderós,Déu salvi el rei i tots els que l'envolten! »

v. 485-557



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Morceaux choisis de Jaufréroman occitan du XIIIè siècle

D'après René Lavaud et René Nelli



1Jaufré à la cour

du roi Arthur

Le début du roman présente lacour d'Arthur, à Cardeuil. C'est la Pentecôte. Lareine, le roi et ses chevaliers vont écouter lamesse. Il y a là Gauvain, Lancelot, Tristan, Yvain,Erec, Perceval, Cligès et de nombreux autres.Quand vient l'heure d'aller manger, le roi ditqu'il ne se mettra pas à table avant que quelqueaventure nouvelle ne lui soit arrivée.

Puis il emmène la cour dans laforêt de Brocéliande et l'aventure se présentesous la forme d'une énorme bête cornue quiterrorise les paysans. Le roi prend la bête parles cornes mais ses mains restent collées. La

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bête va promener par tout le pays le roi penduà ses cornes, sans que personne ne puisse ledélivrer, avant de le libérer en se faisantconnaître comme le chevalier-enchanteur dela cour. Tous retournent au palais.

La cour était nombreuse, riche et bonne. Il y avait beaucoup de puissants seigneurs, des rois, des comtes, des ducs.Gauvain, le bien né et Yvain le courtois amenèrent galamment la reine en la prenant chacun par un bras. Elle alla s'asseoir à côté du roi. Gauvain s'assit de l'autre côté, Yvain au cœur vaillant s'était placé auprès de la reine. Alors ils ont beaucoup plaisanté et ri du bon tour que l'enchanteur avait joué le jour même à leur seigneur. Et la reine Guillaumier, les barons, les chevaliers qui n'avaient pas quitté le palais, en entendant conter ce qui s'était passé furent bien déçus

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de n'avoir pas tout vu et entendu. Mais ils ont eux aussi bien ri et plaisanté. Puis le sénéchal Queu fit le service, sans vraie distinction, mais avec superbe,devant le roi, puis devant la reine qui éclipse toute beauté. Et vite il va s'asseoir car il a hâte de s'attabler. On servit ensuite des bouillonsportés par des damoiseaux. Et jamais il ne manqua riende tout ce qu'un puissant seigneur peut désirer : grues, outardes ou paons, cygnes, oies ou chapons, poules grasses ou perdrix, pains blutés et bons vins. Il y avait de tout largementet chacun était occupé à manger. C'est alors qu'on vit entrer,monté sur un roncin gris, un damoiseau grand, beau et noble, qui s'avança avec beaucoup d'aisance. Je crois qu'on n'a jamais vu homme né de mère,plus beau et mieux fait que lui.

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Ses épaules étaient bien larges, son visage beau et bien dessiné. Il avait les yeux tendres et rieurs, les cheveux roux et brillants, les bras charnus et bien carrés, les mains belles et les doigts longs. Il était délié de la taille et bien large de l'enfourchure. Ses jambes étaient droites et longues, ses pieds cambrés et robustes. Il avait une tunique bien tailléedans un tissu chatoyant et des chausses du même drap.Sur la tête, il portait une couronne joliement tressée de fleurs nouvelles de toutes les couleurs. Son visage était vermeil parce que le soleil l'avait chauffé. Dès qu'il fut dans la salle, il descendit de son roncin, il chercha du regard qui était le roi, et vint aussitôt vers lui, plein de joie et d'allégresse. Il se met à genoux et commence à exposer sa requête :

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« Que le seigneur qui fit le tonnerre, qui donne au monde tout ce qui existe,et qui n'a personne au-dessus de lui, sauve le roi et tous ceux qui l'entourent ! »

v. 485-557

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Jaufre

Deux épisodes dans le texte original

Édition de René Lavaud et René Nelli, Les Troubadours, « Jaufre »

Desclée de Brouwer, 1960



2Adobament

Pueis apela .ii. escudiersQe l'aporto sa garniso,Lansa e escut bel e bo,Elme e espasa trencant,Esperos e caval presant.E aquil o ant aportatAisi co-l reis a comandat,E pueis fan lo donzel vestir,E apres de l'auberc garnir ;E-l rei causa-l l'espero destre,E ceing lo bran al latz senestre,E a l'en la boca baisat, Pueis a li so nom demandat.« Seiner, Jaufre, lo fil Dozon,Ai num en la terra don son. »

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Postface

Le Roman de Jaufré et la chevalerie méridionale

Le Roman de Jaufré présente cette particularitéd'être un roman arthurien occitan, de fournir la preuve dece que la lyrique des troubadours laissait supposer : quela mythologie bretonne s'était acclimatée au Sud et qu'ilexiste bien une légende arthurienne méditerranéenne.De nombreux critiques, anglo-saxons en particulier, ontrécemment travaillé sur cette acclimatation, soit pour enmontrer le côté caricatural -et Jaufré présente en effetde nombreux aspects parodiques- soit pour étudier, cequi nous semble plus intéressant, la réappropriation desvaleurs et des codes de la chevalerie arthurienne et leuradaptation à un système plus méridional de chevalerie.

Le processus littéraire lui-même nous apprend quela déconstruction parodique n'empêche pas pour autant lanaissance d'une œuvre nouvelle, bien au contraire. Ceprocessus de réécriture du mythe est d'ailleurs l'une desdéfinitions possible de la littérature. La dialectique entre

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déconstruction et refondation du mythe breton est déjà àl'oeuvre chez Chrétien de Troyes, elle le sera chez l'Ariosteet Cervantés et au XXe siècle chez Italo Calvino.

À l'intérieur de ce dispositif de réécriture du mythebreton reçu, ce qui est pourtant nouveau dans le Romande Jaufré par rapport au roman de Chrétien de Troyesc'est l'attitude du narrateur. Dans le Conte de Graal,Chrétien est encore dans la prétention de la fidélité àl'estoire et dans la métaphore du manuscrit, source pré-tendue de son œuvre. Or, l'auteur du Roman de Jaufrés'amuse en revanche à démultiplier les étages de latransmission orale et porte le masque du jongleurjusqu'à nous faire perdre les traces de l'origine du récit.Tout en citant au pied de la lettre Chrétien, le narrateuroccitan nous dit, non sans humour, qu'il a oublié sessource(1).

Le Roman de Jaufré fait donc preuve le premier de ce que Cesare Segre appelle la « fictionnalité », lavolonté de rendre le lecteur conscient du processus de « mise en fiction » par la création d'un écart entre le réelet le littéraire, ce qui rapproche drôlement Jaufré duchevalier à la triste figure.

Cette « fictionnalité », est d'emblée proclamée par l'aventure initiale. Lorsqu'on s'aperçoit que la bestia

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(1) CAITI-RUSSO G., ouvr. cit., aux vers 110-154 du Jaufré àcomparer avec les vers 2785-2826 du conte du Graal de Chrétiende Troyes : voir chapitre II, « L'entrée en aventure : citation etparodie. »



estranha n'est qu'une métamorphose du magicien de lacour, le narrateur nous révèle que, même s'il ne doitpas être confondu avec la réalité, l'imaginaire a un rôlemagiquement refondateur. Il y a donc avant tout, chezle narrateur occitan, une conscience de la puissance dela fiction, de son rôle refondateur.

Le chevalier-magicien rencontré, comme parhasard, au début du roman semble ainsi se situer à l'origine du livre et de son projet politique. Ensuite nousapprenons que c'est un autre chevalier estranh quiraconte l'histoire, et que celle-ci a été mise en rimes pourun roi d'Aragon qui est dit novel cavalier, et « guerrier deDieu pour la justice » :

« Qu'el ama Deu e tem e creE manten lealtat e fe,Patz e justicia; per que DeusL'ama; car si ten ab los sieus, Qu'el es sos noveltz cavaliersE de sos enemics guerriers(2)). »

v. 67-70

Jaufré aussi est un novel cavalier : E·l reis respon: « Amicx, e vosL'auretz, pueis tant n'es volentos,E pueis tan vos azauta e·us platz.

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(2) « Car il aime, craint et respecte Dieu et maintient loyauté etfoi et paix et justice ; c'est pourquoi Dieu l'aime en retour, car ilse range parmi les siens : il est son nouveau chevalier, prêt àcombattre contre ses ennemis ».



Mas anantz seretz adobatz, E seretz novel cavallier(3)). »

v. 669-673

Et si le « nouveau chevalier » était aussi un « cheva-lier nouveau » ?

Linda Paterson qui a longuement a interrogé la littérature et la société occitanes pose ainsi la question dela différence entre la chevalerie méridonale et la cheva-lerie du Nord(4) :

« Une question fondamentale se pose à l'historiendes mentalités : dans quelle mesure les idéaux, les pra-tiques, les rituels de la chevalerie établis dans la Francedu Nord à la fin du XIIe siècle avaient-ils pénétré dans leSud ? C'est-à-dire dans quelle mesure les conceptionsde la chevalerie se sont-elles associées en Occitanie à lafidélité féodale, à l'éthique professionnelle, aux manièrescourtoises, à l'amour courtois et aux idéaux religieux ? »

Linda Paterson nous a tout d'abord appris à ne pasconfondre entre les « chevaliers » au sens technique de « guerriers », présents partout dans l'épopée occitane et la « chevalerie », conception à la fois cistercienne etaristocratique, apparue à la fin du XIIe siècle dans le Nord

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(3) « Vous l'aurez donc ce que je vous ai promis puisque vous ledésirez si fort et qu'il vous plaît tant mais tout d'abord vousserez adoubé et serez fait chevalier nouveau ».(4) LINDA PATERSON, Le Monde des troubadours, la sociétémédiévale occitane de 1100 à 1300, traduction de l'anglais parGérard Gouiran, Presses du Languedoc, Montpellier 1997, p. 41.



185CD audioEnregistrement : Olivier Chenus



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OCCITAN :Voix - Serge Carles, Martine Prévot

et Claire Torreilles

Las aaventuras ddel ccavalièr JJaufré 1 )) JJaufré aa lla ccort dd'Artús - pp.10

Piste 01 v.485-522 Piste 02 v.523-557

2 )) LL'adobament - pp.16Piste 003 v.666-713

3 )) LLo pprimièr ccombat - pp.20Piste 04 v.1055-1108 Piste 05 v.1109-1183

4 )) LLo ccavalièr ddormilhós - pp.26Piste 006 v. 3248-3282

5 )) LLo ccavalièr nnegre - pp.30Piste 007 v.5269-5305 Piste 008 v.5306-5382Piste 09 v.5433- 5440

6 )) LL'amor ccortés - pp.38Piste 110 v.7323-7352

7 )) LL'amor dde JJaufré - pp.41Piste 11 v.7385-7440

8 )) LL'amor dde BBrunessen - pp.45Piste 12 v.7495-7555

9 )) LLa ffont cclara - pp.49Piste 13 v.8352-8392 Piste 14 v.8393-8444

10 )) LLargueza - pp.55Piste 15 v.10775-10828



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CATALAN : Voix - Lluc Bonet, Maria Barcons

Les aaventures ddel ccavaller JJaufré 1 )) JJaufré aa lla ccort ddel rrei AArtús - pp.60

Piste 116 v.485- 5572 )) LL'adobament - pp.66

Piste 17 v.666-7133 )) EEl pprimer ccombat - pp.70

Piste 18 v.1055-11834 )) EEl ccavaller ddormilec - pp.76

Piste 19 v.3248-32825 )) EEl ccavaller nnegre - pp.80

Piste 20 v.5269- 54406 )) LLa ccortesia - pp.87

Piste 21 v.7323-73527 )) LL'amor dde JJaufré - pp.90

Piste 22 v.7385-74408 )) LL'amor dde BBrunessen - pp.94

Piste 23 v.7495-75559 )) LLa ffont cclara - pp.98

Piste 24 v.8352-844410 )) LLiberalitat - pp.103

Piste 25 v.10775-10828



340CB013 - 14 €isbn : 978-2-86626-369-0

Ouvrage réalisé avec leconcours financier de la

http://www.crdp-montpellier.fr/languesregionales/

Les

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che

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ufré

Li

vre + CD audio

Jaufré, roman occitan du XIIIe siècle, est un grandroman de chevalerie. Ce très long poème de 10956 verssait toujours enchanter le lecteur. Combats, scènesd'aventure et d'amour, épisodes magiques et épreuvesinitiatiques se succèdent avec vivacité. Rien de convenu.La surprise est à chaque page : contretemps, coups dusort, coups de foudre…

Quelques aventures du chevalier Jaufré ont été adaptéesen langue moderne, pour faire découvrir à tous les jeuneslecteurs de l'occitan et du catalan le monde original de lachevalerie méridionale.

Une société se dessine dans la trame romanesque, avecses personnages nombreux, ses lieux, ses objets, sesmœurs et ses codes. Mais, plus que tout, ce qui fait lebonheur et l'actualité de la lecture c'est l'ironie souve-raine qui naît de la distance complice que le narrateurentretient avec son héros, le preux Jaufré.

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