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Je Lis Les Hieroglyphes

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A Monsieur M. de Zayas

en témoignage de mon amitié reconnaissante

C(}.f,LEClIelN.J -LEBÈGUE

JEAN CAPARTDirecteur

de la Fondation Égyptologlque Reine ÉlisabethConservateur en chef honoraire

des Musées Royaux d'Art et d'HJstolre

JE LIS LES HIÉROGLYPHES

7 me Série - N0 74

OFFICE DE PUBLICITÉ, S. C.ANO. ÉTAJlL.J. LEBÈGUE & CIO, ÉDITEURS

36. rue Neuve. Bruxelles

1946

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DU M1tME AUTEUR:

Le MM8G{1ede la Viei& Él11IPte (Collection Lebèll"Oe. n· 1)

La BeauU. él11lPlienne (CollectIon Lobègue. nO 10)

Tous droits réservés pour lous pays

Hiéroglyphes, notation de la langue égyptienne.

Littré nous dit : « Ce sont des hiéroglyphes· pour moi,·c'est-à-dire c'est une chose à laquelle je ne comprendsrien 1» Et cependant, une longue familiarité avec les hiéro­glyphes, familiarité qui remonte presque à mon enfance,me donne l'illusion de croire que les hiéroglyphes n'ontplus de secrets et que je pourrais en donner une explicationmême aux personnes qui ne savent pas un mot de la langueégyptien~e.

« Hiéroglyphe (du grec hiéros, sacré, et gluphein, graver):nom donné par les Grecs aux caractères qu'ils voyaientgravés sur les murs des monuments de l'Égypte et quiservaient aux Égyptiens à écrire les mots de leur langue. »(Larousse). J'ai soutigné : écrire les mots de leur langue,car il est essentiel que dès le début le lecteur puisse seconvaincre que les hiéroglyphes sont étroitement liés à lalangue égyptienne et non pas, comme on le croit volontiers,à des idées qui pourraient se traduire en n'importe quellelangue.

Si je vois au-dessus de la porte d'une auberge un tableaureprésentant. un cheval blanc, je puis lire cette inscription:« Au Cheval Blanc» ou « In het Witte Paard », ou « In theWhite Borse », etc. Si les hiéroglyphes égyptiens, à uneépoque très lointaine, que nous n'atteindrons jamais sansdoute, ont été une pictographie de l'espèce, ils avaientde bonne heure subi une complète évolution dans laquelleseules des traces de ce stade primitif se sont maintenues,à côté des innombrables signes phonétiques.

Écriture sans voyelles.

Mais il faut dès maintenant aussi que je marque uncaractère surprenant de cette écriture des mots de la langueégyptienne; jamais on n'y trouve la notation des voyelles,

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c'est-à-dire de ces sons qui donnent aux langues leurcouleur la plus caractéristique : les hiéroglyphes sont pournous sans vocalisation, et c'est bien fâcheux.

Qu'arriverait-il si, par miracle, on ressuscitait une momie?Les paroles qu'elle prononcerait auraient toutes chancesde n'être pas comprises même par l'égyptologue le plussavant en philologie pharaonique. Et vraiment celui-ciserait bien embarrassé de dire quelque chose à notre Égyp­tien vivant. Ils se trouveraient l'un en face de l'autre, unpeu comme des sourds, incapables de donner un sens auxsons prononcés; mais ils auraient la ressource immédiatede recourir à l'écriture et je crois qu'alors la communicationpourrait être aisément rétablie. On peut imaginer cequ'aurait de pittoresque cette reprise dans l'échange desidées après dix-huit cents ans d'interruption dans l'emploidu système. En effet, les hiéroglyphes égyptiens ont cesséd'être pratiquement en usage au me siècle de notre ère.

Mais pourquoi, dira-t-on, les Égyptiens n'écrivaient-ilsque les articulations consonantiques de leur langue, sanstenir compte des voyelles? Celles-ci sont essentielles dansnos langues indo-européennes. Si j'écris P .1. r cela ne peutéveiller en mon esprit aucune idée précise parce que lemême squelette s'adapte à des mots multiples qui n'ontrien de commun comme idées: pâlir, polir,. peler, piler,épeler, épiler, plier, pâleur, et bien d'autres. Si dans unetranscription rapide, quasi sténographique, j'ai noté seule­ment p.l.r, le contexte seul peut me permettre de rétablirles voyelles en devinant le mot exact.

Il n'en va pas de même dans des langues appartenant àd'autres familles, en hébreu,en arabe, en égyptien, etc.Tout le monde a vu des exemplaires de la bible hébraïque.Les lettres sont accompagnées, au-dessus et en dessous,de petits points, de petites lignes : ce sont les voyelles.Nous avons là le résultat des longs travaux des savantsjuifs appelés massorètes, « maîtres de la tradition J) et

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dont le point culminant est le texte du Rabbi Aaron benAsher qui vivait. au xe sièCle de notre ère. Le travail desmassorètes avait pour objet de conserver, de transmettrele texte consonantique des livres sacrés, ma,is aussi d'enassurer l'exacte prononciation. Sans les massorètes noU3serions, devant un texte hébraïque, dans la même situatioI\.que devant des hiéroglyphes, ces signes reproduisant uni­quement la structure consonantiqùe des mots.

Radicaux consonantiques.

Quelle est la raison de cet état de choses bizarre à pre­mière vue? C'est que les« squelettes» de mots représententdes radicaux, très souvent trilittères, c'est-à-dire à troisconsonnes et qui expriment chacun une idée fondamentale,dont toutes les variations possibles se marqueront précisé­ment par les vocalisations différentes. Soit un radicalverbal comme q. LI en hébreu; celui-ci va pouvoir par unjeu des voyelles, par la réduplication des consonnes, parl'adjonction d'affixes et de. suffixes exprimer tous lestemps, tous les modes d'une extrême richesse du verbe tuer.Si je prends le radical k. t. b en arabe, celui-ci me donnel'idée fondamentale d'écrire, katab, et je dirai: yiktib,j'écris; kitdb, livre et koutoub, livres; koutlJi, libraire;kateb, scribe; koutab, école; maktoub, inscription, etc.En égyptien, le radical ss qui s'écrit par le signe fidlsigni­fiera: la palette du scribe, le verbe écrire, l'écrit, le docu­ment, la peinture, la lettre, le livre, le scribe, le papier àécrire, le bâtonnet d'encre...

Consonnes et voyelles.

Il est bon que je dise, dès maintenant, puisque je me suislancé dans ces arcanes philologiques, au risque d'effrayer lelecteur auquel je demande un peu de patience, que ladistinction qui vient d'être faite ici entre les consonn'es etles voyelles n'est pas aussi tranchée qu'on pourrait le croire.

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Il Y a un petit nombre de sons qui, suivant les circonstances,peuvent être considérés soit comme des consonnes, soitcomme des voyelles; on les appelle des semi-voyelles ouaussi des consonnes faibles. On va les rencontrer constam­ment dans les hiéroglyphes et leur existence a donné lieupendant longtemps à de savantes controverses entre ceuxqui affirmaient· que l'écriture égyptienne ne contenait quedes consonnes et ceux qui, au contraire, déclaraient avecforce arguments, qu'elle notait également les voyelles a,a, i et u. On est généralement d'accord pour admettrela base consonantique du système mais à conditiond'adopter pour ces consonnes qui ressemblent parfois àdes voyelles, des signes particuliers qu'il est indispensablede retenir.~ est transcrit 1 et correspond à une « occlusive laryn­

gale » (l'attaque dure d'une voyelle); en pratique nouslisons le plus souvent a léger.

Q est transcrit i ou 1'. Pensez au prénom Jean, enflamand Jan, qui présente à l'attaque un i ou un i.

-li est transcrit r. C'est un son guttural très particulier(une spirante laryngale sonore) inconnu à nos langues,correspondant au raiin arabe. On le transcrit souventpar a, un a long.

.} (un oiseau d'espèce indéterminée, appelé parfois le«POtlSsin» des hiéroglyphes) est transcrit w. Pensez au motouate et demandez-vous si le son d'attaque est un w con­sonne ou une voyelle u qui doit être pourtant prononcée oucomme en latin et en italien.

Voilà un point des plus important déblayé et le lecteurne s'effraiera pas, j'espère, lorsque je devrai transcrire desmots égyptiens avec ces signes: par exemple imn pourAmon, ou même rI pour le mot égyptien qui signifie grand.Un autre mot pour grand est wr qui est prononcé enpratique our.

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Alphabet.

Mais, dira-t-on, quelle chose étrange que ces signes,représentant des hommes, des animaux, des objets de touteespèce, et qui cependant se bornent, le plus souvent, àfigurer les sons de la langue. Nous nous servons pour écrired'un petit nombre de signes qui sont nos lettres et quenous appelons, dans leur ensemble, l'alphabet. Qu'est.:ceque cela signifie? Ouvrons Larousse. Alphabet: Réunionde toutes les lettres d'une langue, disposées dans un ordreconventionnel. Petit livre contenant les lettres et les élé­ments de la lecture: Mettre un Alphabet entrfJJles mainsd'un enfant.

c( Disposées dans un ordre conventionnel », n'est peut-êtrepas très exact et il faudrait dire plutôt « traditionnel »,car là où l'alphabet hébreu dit Yod, Khaf, Lamed, Mem,Noun, nous disons encore 1 et J, K, L, M, N. Il ya eu entreles deux Iota, Kappa, Lambda, Mu, Nu... Mais tout le mondesait aussi que le mot alphabet est la combinaison des deuxpremières lettres de l'alphabet grec Alpha et Bêta. Oui;mais Alpha ni Bêta n'ont de sens dans la langue grecque,sinon comme désignation de ces deux lettres. Alors il nousfaut remonter plus haut et nous rappeler le héros légendaireCadmus qui fut l'auteur de cette écriture qu'on appelaitlettres cadméennes ou phéniciennes, parce qu'elle avaitété empruntée au· peuple maritime et commerçant des cÔtesde Syrie. Or en phénicien Alpha veut dire un bœuf etBêtha une maison. Sans entrer dans le détail, je puis meborner à dire que certains auteurs ont cru pouvoir retni.certoute la succession entre la tête de bœuf des hiéroglypheségyptiens jusqu'au A de nos alphabets.

La stèle de Mesha, roi de Moab, une des plus vieillesinscriptions hébraïques, les plus vieux textes araméens deSendjirli dans le nord de la Syrie montraient toujoursle mufle du taureau qui se dégage encore clairement des

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formes archaïques grecques. Ainsi donc lorsqu'on dit à unenfant « Apporte ton alphabet J) on lui dit « Apporte tonbœuf et ta maison )J.

n convient cependant d'ajouter que des découvertescomplémentaires ont permis de remettre en question lepassage des hiéroglyphes aux lettres phéniciennes.

Est-ce que déjà les hiéroglyphes ne commencent pas àprendre une autre apparence à votre esprit? On les devinecomme faisant partie d'un vaste ensemble, auquel nousnous rattachons par des liens qui, s'ils avaient été oubliés,n'en sont pas moins solides.

De l'image au son.

Comment des images, comme la tête de bœuf, peuvent­elles aboutir à l'expression de sons? Pour le dire som­mairement, c'est par le procédé du rébus. Prenons unexemple concret. Pour exprimer l'idée du chapeau, à laporte d'un chapelier, peut-être mettra-t-on un chapeau réelou l'image d'un chapeau et tous ceux qui y porteront leregard diront, dans leur langue, cc chapeau )J. L'image d'unchapeau de forme particulière pourra servir, en certainscas, pour suggérer une fonction caractérisée par cettecoiffure. Nous disons d'un dignitaire ecclésiastique: (c Il areçu le chapeau )J pour dire qu'il est devenu cardinal. Maison pourrait cc écrire )J chapeau en représentant un chat etune peau; de même, au lieu de dessiner une orange, onfigurera un louis d'or et un ange.

Est-ce compris? Au point de départ il y a une image;ensuite on attache tout naturellement à cette image lemot qui l'exprime ou plutôt les mots évoqués par elle.Si je dessine un récipient avec pied, je pourrai lire coupe,verre, calice, etc., et cette image introduite dans unsystème de rébus sera considérée comme polyphone (à sonsmultiples). Dès lors, l'image va passer à l'arrière-plan,aussi bien que les mots et ce seront les sons qui importeront.

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Nous pouvons inscrire cette succession: 1° image; 20 imageplus mot; 30 image plus son du mot; 4° son. Ce mot peutcomprendre plusieurs articulations comme c( calice )J, et onparlera de tri-consonantiques ou trilittères ; ou deux articu­lations (bilittères) ; et enfin une seule (littera... ou lettre).

Signes alphabétiques.

Un signe qui a commencé par être une image et 'qui finitpar exprimer une lettre, c'est ce que nous appelons dessignes alphabétiques. Il a fallu le plus souvent, pour qu'ilsaboutissent à cette simplicité, un lent procédé d'usure:Passus latin est devenu pas, et dans la prononciation nouslaissons tomber le dernier s et disons pa (à moins qu'ils'agisse de pas à pas) ; dorsum a fait dossum et dosse avantd'aboutir à dos que nous prononçons do (voir dos à dos).C'est ici que les consonnes faibles vont surtout témoignerde leur manque de résistance et l'on comprendra sansbeaucoup plus d'explications comment "! qui avait lavaleur WJ4 (la déesse de la Basse-Égypte, incorporée dansle serpent vert s'appelle Ouadiit) a donné la lettre 4 (di)Le signe de la bouche c:> se disait rJ (en copte, qui estl'égyptien de l'époque chrétienne et dans lequel on écritles voyelles, on a ra ou ra " et sans accent rë) et donnenaissance à l'articulation r, disons à la lettre r.

Alphabet égyptien.

De très bonne heure, l'écriture égyptienne dispose de lasorte de vingt-quatre lettres (dont plusieurs ont desvariantes) et qui représentent dans leur ensemble toutesles articulations consonantiques de la langue; c'est en faitun alphabet. Cependant les Égyptiens ne l'ont jamaisperçu comme tel, au point de se contenter de ces vingt­quatre lettres, comme le feront les Phéniciens, puis lesGrecs, et de laisser tomber tout le reste. Même à l'époquegréco-romaine, lorsqu'on se servira en Égypte de l'alphabet

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grec, les noms des rois et des empereurs ne seront pastranscrits par des hiéroglyphes purement alphabétiques.On dirait assez exactement que les Égyptiens ont crééun alphabet, mais qu'ils ne s'en sont jamais rendu compte.

Sons particuliers.

Nous devons nous arrêter encore quelques instants ausujet de ces lettres de l'alphabet des hiéroglyphes. Celui-cicomporte des articulations qui ne répondent pas exacte~

ment à nos lettres; nous l'avons déjà vu en parlant dessemi-voyelles et des autres consonnes faibles. Il a falluadopter, pour les transcriptions, des signes plus ou moinsconventionnels qu'il est indispensable de connaître avantd'aborder les hiéroglyphes mêmes.

Notons d'abord les labiales: b, p et j. Aux liquides nousavons n et r, celui-ci se confondant avec l. Aux aspiréeson distingue h et J;, qui sont à rapprocher de notre h muet(encore accentué dans certains de nos dialectes); le 7;,souvent transcrit kh et qui a la valeur d'un ch tandis quele!J, a un son proche de ch (dur) - il tend à se confondreavec le 7; ou avec le s.

Aux sifflantes notons deux variétés de s (originaire­ment z et s)qui se confondent s.ouvent : s et s et la chuin­tante s (comme dans chat,. nous écrivons souvent sh).

Aux gutturales on retiendra que 1J se rapproche de q,.k est notre lettre k, tandis que g marque un g dur commedans gamin.

Il y a quatre dentales (deux en t et deux en d). On lestranscrit t et t (environ tsh comme dans le cheese anglais),d et 4, ce derriier ayant la valeur de di ou même z.

Grâce à ces remarques je pourrai bientôt présenterdes transcriptions de mots égyptiens et habituer petit àpetit le lecteur à ce système de notations françaises desvocables égyptiens.

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Un premier exemple de lecture.

Mais je crois que je. puis maintenant faire comme lemaître de natation qui jette l'élève à l'eau pour lui apprendreà nager. J'écris donc ::! ~ ~1 ~ i ce qui se transcritsd.i mdw ntr et signifie tout simplement: « Je lis les hiéro­glyphes. »Voyons la chose de près et en détail.~ représenteune outre et se disait sdw,. comme phonétique c'est lavaleur Sd (shed). On a écrit ensuite la main, qui a la valeurphonétique de d(le vieux mot sémitique est yad). On voitque ce d complète ou renforce la lecture du signe sd. Onl'appelle complément phonétique. Ici aucune confusionn'était possible et oU aurait pu se dispenser de ce signe d,sinon pour des raisons de calligraphie qui ont grandeimportance et sur lesquelles j'aurai à revenir. Mais ledictionnaire égyptien nous apprend qu'il y a plusieursverbes Sd dont l'un signifie: prendre, enlever, et l'autre:lire (en latin legere veut dire choisir et lire). P()ur marquercelui des deux qui est ici visé on a recours au signe ~,

un petit homme assis, une main tombante et l'autre portéeà la bouche, ce qui est ce qu'on appelle le déterminatif.Ce signe indique une action qui se fait par la bouche etnous devrions peut-être traduire d'une manière plusserrée : Je récite. Le déterminatif ne se tr·anscrit pas et ensomme il est déjà transcrit par les deux éléments s et dqui signifient le mot de l'action visée. J'ai écrit plus hautnon pas simplement sd mais sd. j. Ce i est le pronomsuffixe de la première personne du masculin singulier jrendu par le petit homme assis ~ (remarquez qu'il n'apas la main tombante). Aussi je lis Sd.i « je lis»; commeon dira :::; ~ ~ mr .j, je veux ou j'aime.

Maintenant nous arrivons à un point subtil : 1 ~ !'à suivre seulement l'ordre des signes, devrait se transcrirentr mdw et cependant j'ai écrit, plus haut, mdw n~r. Lesigne 1 représente une sorte de drapeau fixé au sommet

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d'une hampe, comme on en trouvait à l'entrée des sanc­tuaires, d'où on en avait fait l'emblème de la divinité.N ir 1 signifie donc dieu, divin. Par signe de respect cethiéroglyphe, de même que les noms spécifiques des divinités,s'écrit avant le mot auquel il se rapporte. On écrira parconséquence ~ :: C( imn pr au lieu de C( ~ :: pr imn« maison d'Amon" temple d'Amon ll. Il en sera de mêmelorsqu'on parlera du roi qui est dieu et l'on écrira t ~ Roiscribe au lieu de Scribe du Roi.

Enfin nous abordons le signe ~ qui se lit mdw et qui estsuivi de trois' traits comme marque du pluriel. M dw(Medou) signifie paroles, le signe ~ représentant la langue,comme l'affinne d'ailleurs le Papyrus des Signes de Tanis.Nt" mdw, qu'on lira mdw nir signifie les paroles divines;et c'est ainsi que les textes anciens appellent les hiéro­glyphes. Peut-être serait-il plus exact de dire les parolesdu dieu, puisque les Égyptiens attribuaient l'invention del'écriture au dieu Thot qui est le patron des scribes. Thotest figuré souvent avec la palette du scribe en main et,lorsqu'un hymne explique le mécanisme de l'action divinesur la terre, il fait descendre du ciel à Héliopolis chezHarmakhis, l'ordre qui, répété à Memphis chez Ptah,est transmis en écritl,lre de Thot, à Thèbes au dieu Amonle grand maître de l'action.

Voilà comment, dès le début, je puis présenter au lecteurune courte phrase en hiéroglyphes et faire au moins entre­voir le mécanisme de sa lecture et de sa traduction. Il fautmaintenant que nous recommencions, à peu près commesi je n'avais rien dit, à exàminer pas à pas le mécanismede cette écriture divine.

Je vais vous faire connaître maintenant quelques motssimples qui auront l'avantage de passer en revue tousles signes alphabétiques.

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Exercices sur les signes alphabétiques.

j ~;: b-i-n = méchant. Le petit oiseau, servant -dedéterminatif, exprime les idées de méchanceté et depetitesse.

= ~ ~ s-r-i = petit; où l'oiseau a la même valeurqu~i-dessus.S'il s'agit d'un petit enfant, on écrit :: ~ '}t.=~ ~ r-J = grand. Le signe ....... qui peut s'écrireaussi verticalement ! possède la valeur des deux_ con­sonnes -n r et ~ J. Rappelons qu'on peut lire aa. Lerouleau de papyrus qui termine le mot est le déterminatifdes idées abstraites.

} ~ ~~. w-i-J = bateau, avec le déterminatif dubateau même. On peut lire ouia (wia).

~ -; } ~ i-n-p-w = nom du dieu chacal Anubis,dont l'image est placée sur un sanctuaire.

-- ~ ~ f-J-k = être chauve, avec le déterminatif dela chevelure. S'il s'agit d'un homme chauve, on ajouterale déterminatif de l'homme it. .

c::::>~~ r-m = poisson. Il y a un mot c::::> ~ "R?'" rn:qui signifie pleurer. On voit bien ici le rôle du détemu­natif empêchant la confusion entre les deux sens.~} 0 h-r-w = jour, avec le signe qui représent~ le

soleil' comme nous le faisons encore dans nos calendriers,d'ap:ès le vieux mythe égyptien suivant lequel le dieudu ciel a deux yeux, le soleil et la lune; le soleil est lapupille de l'œil qui fait le jour.

l~ ~ !t-~-r = avoir faim; avec l'homme qui porte lamain à la bouche.

e ':? lJ-n = voltiger, se poser, avec ,l'oiseau qui va sepo;;. Pour l'idée de voler on dessinera l'oiseau en pleinvol: ')){ .

.-.~ h-s = être misérable; de nouveau avec le petit- -oiseau.

n~ CCl s-fj-j = nourrir, avec un pain comme déter­l' ........t III

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minatif ct les trois traits qui marquent le pluriel et géné­ralisent l'idée. On remarquera qu'il faudrait strictements-~-l-J car il s'agit du verbe causatif avec préfixe ~. S de~ ~ = ~-j-J = aliment.=: 'Ill l-j = papyrus, avec la plante comme détermi-

natif.~ ~ ~ s-g-r = faire silence, avec l'homme portànt la

main à la bouche; c'est de nouveau un causatif en s. Celuiquise tait, découragé, se dit grw.

"=" J :-~ k-b-n.t = bateau de mer.~ ~-d = dire.L'ordre habituel des dictionnaires actuels est le suivant:~ J; ~ i. -li r. } w. J b. 0 p. lb- f. ~ m. -- n. <=> r. ru h.~ b-. ~ b-. -=-!J. - s. ~ s. = S. 1J ~. "=" k. Tl> g. 0 t. =' l·= d. "\~.

Signes de mots.J)en viens maintenant à ce qu'on appelle les signes de

mots, les signes exprimant des radicaux et de qui, nouS lesavons, sont sortis petit à petit tous ces signes dits alpha­bétiques ayant à nos yeux surtout la valeur d'une simplelettre. Nous allons voir tout de suite que beaucoup de cessignes de mots sont susceptibles de plusieurs lectures, envertu même de l'abondance des mots qui peuvent serattacher à l'image primitive. Toutes les figures de style,toutes les subtilités de la sémantique (étude des motsd'après leur sens) peuvent être invoquées ici. On pratiquerapar exemple, et presque à l'infini, le procédé de la partiepour le tout: la tête de bœuf ~ pour le bœuf~, le brasarmé qui frappe ~ pour l'homme qui frappe 111, etc.;le contenant pour le contenu, etc.

Un grand nombre de mots égyptiens sont des radicauxà trois consonnes, ce qu'on appelle des trilittères. En voiciquelques-uns pour commencer : *njr = bon; ~ b-pr =devenir; ~ b-tp = table d'offrande; 5f rn~ = vivre;

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~ bit = abeille; ilM sb-t = champ; fi tb-n = obélisque ;r f:tlp = sceptre, régner; 9 mnb- = maillet ; ~ srt = épine;etc. Je ne puis m'arrêter ici pour vous expliquer commentle scarabée signifi.~ devenir; comment l'abeille exprimerale roi de Basse-Égypte; comment de l'idée de maille. onpassera à celle d'exactitude, d'excellence. Il faudra quenous y revenions en temps voulu.

Compléments phonétiques.

Ce qu'il faut observer, maintenaht, c'est que ces signesde mots, qui peuvent s'écrire seuls, sont le plus souventaccompagnés des compléments phonétiques qui, nousl'avons vu, en précisent la prononciation. On écrira doncle plus souvent *::: njr, donc le signe de mot njr, plus lej et le r .. !. b-pr .. ~ f:ttp .. 5f';rnb- .. etc. On trouveraparfois tous les éléments phonétiques ~ t ~ ~ = êtrepuissant, .où nous avons le sceptre ou casse-tête t sb-met ses trOIS éléments consonantiques. Mais voilà justementun exemple bien typique de la polyphonie d'un signe demot. Ce sceptre peut se lire de diverses manières, avec desmodifications de sens qui ne peuvent être marquées quegrâce aux compléments phonétiqu~s. Si je dois lire le nomdu sceptre même, ce sera -li j)r. t rbl où le signe )r. bl~t un dissyllabique équivalent à j et ~, ce qu'on appelleImproprement un syllabique. Je dis improprement unsyllabique parce. que les deux lettres peuvent, dans le motvocalisé, appartenir à deux syllabes (à notre manière dedéco~poser les mots). Quand sb-m signifie être puissant,on 1écrira souvent t~ \.-JI avec un seul complémentphonétique et comme déterminatif le bras armé, quisignifie toutes les actions exigeant force ou violence.C'est le même déterminatif qui est employé lorsque lesceptre t doit être lu b-rp !- t \.-JI signifiant être à la têtede, contrôler.

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Sens multiples d'un si~ne de mot.

Je crois que je dois laisser à mon lecteur un peu de répitavant de pousser plus avant. Examinons donc ensembleun~gne particulier, un signe de mot, dans ses emploisles plus usuels. Mais peut-être sera-t-il sage de prendred'abord un exemple dans la langue française pour montrertous les détours de la· pensée dans l'usage d'un seul etmême mot. Les Égyptiens feront ainsi, en suivant des loisd'as?ociations d'idées qui, n'étant pas toujours les nôtres,seront de nature à nous déconcerter. Un peu plus derecherches dans le domaine de la vie des anciens per­mettrait peut-être de rétablir les liens, là où les sièclesles ont rompus.

« Bureau )) en français.

Examinons le mot français bureau, pour lequel je n'aiqu'à transcrire la notice du prodigieux Littré :- 1° BUREAU,grosse étoffe de laine. Mais qui n'étant vêtu que de simplebureau - Passait l'été sans linge et l'hiver sans man­teau (BOILEAU, Sato 1). 20 BUREAU, tapis qu'on mettaitsur une table, et de là la table même. »- «BUREAU Il 1° Tablesur laquelle on écrit, on compte de l'argent, etc. Payer àbureau ouvert. Il 2° Grande table à tiroirs et à tablettes. IlCette affaire est sur le bureau, on commence à s'en occuper.Il 3° Endroit où travaillent habituellement des employés,des commis, etc. Les bureaux du ministère. Le bureaud'un courtier. Les bureaux de l'administration d'un cheminde fer. Il Garçon de bureau, domestique attaché au serviced'un bureau. Il 4° Les employés mêmes qui travaillent dansun bureau. Le travail des bureaux. Il Fig. et familièrement.L'air du bureau, les dispositions des personnes chargéesd'une affaire. Prendre l'air du bureau, s'informer de l'étatd'une affaire. Je proposai à M. le prince de Conti de venirau parlement et de demeurer simplement dans les termes

qui se pourraient expliquer plus ou moins favorablement,selon qu'il trouverait l'air du bureau dans la grand'chambre (RETZ, II, 204). Si on nous rogne les ongles, ilnous sera impossible de marcher; d'ailleurs le vent dubureau n'est pas pour nous, VOLT., Lettr. d'Argental,24 novembre 1772. Il Connaître l'air du bureau, pressentirl'issue d'une affaire. Il 5° Établissement détaché où s'exécutequelque service d'une administration publique. Bureaudes hypothèques, Bureau des longitudes, Bureau detabac, de poste, etc. Il Bureaux arabes en Algérie, admi­nistration confiée à des militaires, de certains districtsoccupés par les indigènes. Il 6° Bureau des messageries,lieu où l'on retient sa place dans une voiture publique. "Bureau restant, s'écrit sur une lettre, sur un paquet, pourindiquer qu'ils doivent rester au bureau de la poste, aubureau des voitures, jusqu'à ce qu'ils soient réclamés.Il Les bureaux d'un théâtre, les endroits où se distribuentles billets pour assister à la représentation. Bureau dessuppléments, bureau où l'on paye un supplément pourprendre une meilleure place. " 7° Bureau de charité, lieuoù se font des distributions de secours aux indigents.Il Bureau de bienfaisance, la réunion des administrateurschargés de la direction des bureaux de charité. Il 8° Bureaude placement, établissement où l'on se charge de placerdes employés, des domestiques. Il Bureau des nourrices,établissement où l'on se charge de placer des nourrices.Il gO Bureau d'adresse, lieu où l'on se charge de procurerdivers renseignements. Il Familièrement. C'est un vraibureau d'adresse, c'est-à-dire une maison où l'on ditbeaucoup de nouvelles, c'est une personne qui a toujoursbeaucoup de nouvelles à dire. Il 10°' Bureau d'esprit, enparlant des choses littéraires, société où l'on s'occupeordinairement de littérature; cela se dit ordinairementpar dénigrement. Là du faux bel esprit se tiennent lesbureaux (BOIL., Sat., X). Une histoire du prince de Condé

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sortie de ces mêmes bureaux d'ignorance (VOLT., Louis XIV,27). L'autre jour la cour du Parnasse fit assembler tousses bureaux (J.-B. Rouss., Sonnet à la Fare). Il nO Membresd'une assemblée que leurs collègues désignent pour dirigerles travaux. Le bureau se compose d'un président, d'unvice-président et des secrétaires. Il La réunion du président,du vice-président et du secrétaire ou des secrétaires soitdans une assemblée législative, soit dans une académie,soit dans tout autre corps. »

La notice est un peu longue, mais elle est instructive.Le mot bureau a suivi un développement dont il est aiséde suivre les détours. Et remarquez que la notice du Littrépourrait être enrichie vraisemblablement de quelquesacceptions supplémentaires. En voici une que j'ai trouvéedans la Grammaire historique de la langue française duprofesseur Kr. NYROP (t. III. Copenhague, 1908) : on dit«B~eau, bureautin, d'un pupille du bureau de l'Assistancepublique, placé dans les familles, chez des nourriciers. »Ainsi nous sommes partis d'une étoffe·et nous aboutissonsà un nourrisson. De l'étoffe de bureau nous avons gardé« la robe de bure ». Imaginez que nous en profitions pouraller chercher les mots de bure qui est un puits profonddans une mine et qui vient de l'allemand bohren, percer;de burette qui est un petit vase et qui est un diminutif debuire ;de bourre, qui est d'abord un amas de poils détachésde la peau de certains animaux à poil ras et vient du latinburra; sans parler de bure, qui est la partie supérieured'un fourneau de forge. Imaginez qu'il y ait un hiéroglyphepour l'idée fondamentale de l'étoffe « bureau »et qu'onl'applique à toutes les acceptions, puis par homophonieaux autres bure, bourre, burette, etc., et vous ne vousétonnerez plus trop si un signe de mot hiéroglyphique vafaire défiler sous nos yeux une variété déconcertante desons où seule la structure consonantique nous est conservée,soit pour bureau le b et le r, ou b-r et w.

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Le signe NEFER et ses sens divers.

Le signe ~, que j'ai cité déjà avec la valeur njr, écritle plus souvent ~::> représente, dans les exemples lesplus soigneusement dessinés, non pas un instrument demusique, comme on l'a prétendu à tort, mais la trachéeet le cœur (d'autres disent les poumons, ce qui est plusvraisemblable). Horapollon, grammairien grec qui vivaiten Égypte au IVe siècle de notre ère, a laissé un écrit intituléHieroglyphica qui prétend garder le sens de nombreuxhiéroglyphes, à un moment où leur tradition se perdaitpour toujours. Il fait allusion à njr dans le passage suivant:« Le cœur de l'homme suspendu à la trachée signifie labouche d'un homme de bien» (II, 4). Et de fait le sens den/r, pour une cause inconnue, est « bon» et « beau» et tousles mots apparentés. On devine que njr va se dire de tousles êtres, de toutes les choses que l'on trouve.beaux et bons,êtres humains, animaux, plantes, fruits, pierres, etc., sansparler des couronnes royales ou des attributs de divinités ;à tel point que 1* n~r njr va devenir la désignationcourante du roi : le dieu bon.

Relevons dans le grand dictionnaire d'A. ERMAN etH. GRAPOW, Worterbuch der aegyptischen Sprache (t. II),quelques exemples typiques du mot njr : ~}. '" i njrw(le west la désinence du pluriel) veut dire les (beaux)jeunes gens et se dit spécialement des recrues militaires;*~~ njr.t (le c> t est la désinence du fémin~n) veutdire la jeune fille nubile; ~ ~ njr est une partie de lamaison; ~ ~ *LJ njrw (la répétition du signe exprime lepluriel) signifie la fondation d'un édifice et aussi la cham­bre intérieure de la tombe royale au Nouvel Empire;~ ::: T njr est un vêtement, un vêtement divin ; ~ (~I njrest une désignation poétique du grain; ~ 1 ~ 1 njr est unedésignation du vin ou de la bière; *::: c=; njr~ignifiela tombe du dieu Osiris ou d'un autre mort; *~ njr.t

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est un nom de la région des morts; ~ ~ 'Yi="il! nfr-(w).t

désigne les vaches ; ~ ~ !nfr-(w) les chevaux; ~ ~ ~ ~ ~ !ntrij (w) (le j est une désinence adjective) les singes. Ondit aussi ~ ~ è ntr pour le feu; ~ mntr pour l'éclat dusoleil; ~ ~ nfr.t pour les plumes du diadème; *d ntr pourla couronne de Haute-Égypte et aussi ~:: ~ nfr. t pourle câble de remorque d'un bateau et ntry.t ~ ~ ~ ~ ~

pour la corde au moyen de laquelle le timonier manœuvrela rame gouvernail. Ce dernier mot s'emploiera au sensfiguré.

Déterminatifs.

Je vous fais grâce d'encore plus d'une demi-douzained'acceptions, celles-ci étant suffisantes pour vous montrerla richesse de ce rayonnement d'idées autour d'un seulsigne de mot et pour faire saisir l'importance que jouentdans le déchiffrement les déterminatifs servant, par unsimple coup d'œil, à marquer dans quelle catégorie de sensse place le mot.

Je dois cependant faire observer qu'il n'est pas tout à faitlogique d'appeler de tels signes des déterminatifs, carchacun d'entre eux est bien plutôt un signe de mot qui abesoin d'être précisé, ce qui se fait par les hiéroglyphesqui précèdent, ici toujours *~.

Si je prends l'hiéroglyphe de l'homme assis 1ft, c'estincontestablement un signe de mot au sens le plus vagueet qu'il importera grandement de préciser si l'on veut faireentendre qu'il s'agit par exemple d'un scribe ou d'un soldat.Si c'est simplement homme que l'on entend dire, on écrira~ s,. pour scribe WJ 1ft sS; pour soldat ~ 1ft msr,. etc.

Signes de mots à sens très général.

Il sera donc indispensable pour ces signes de mots, à senstrès général, de les « déterminer» par les signes phonétiquesdont on les fera précéder; et cela sera d'autant plus néces-

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saire s'il s'agit de textes rituels, à réciter, et où la littéraliténe permet pas de choisir parmi les multiples synonymes.Dans les textes religieux des Pyramides le signe 1fI exige,suivant les cas, les lectures n!Jn, J;,o, J;,wn, !Jrd,' aux­quelles on ajoutera rnpi, sri, nmJ;, (orphelin), etc.

Nous avons rencontré plusieurs fois l'hiéroglyphe del'homme qui porte la main à la bouche. Rien que dans lestextes des Pyramides, il apparaît avec les valeurs sui­vantes exprimées par des signes phonétiques: ib, avoirsoif; rm, avaler; wnm, manger et droite opposé à gauche,(ce qui montre qu'on mangeait de la main droite) ; wsb,autre mot pour manger; wgi, mâcher; w~J;" sevrer;brJ;" avoir en abondance; psJ;" mordre; niS, appeler;nhm crier' ndb boire' hkr avoir faim; SI, se rassasier;sbJ;,,'crier; 'snm~, nour;it~re'; sn!J, élever, nourrir; sbw,aliment; snt. t, dispute; ~sw, se lamenter.

On voit ainsi que le signe ~ est susceptible d'un trèsgrand nombre de lectures qui se répartissent à traverstoutes les lettres de l'alphabet.

La palette du scribe.

Veut-on encore un exemple curieux d'un signe de motdont le sens évolue et qui réclamera par conséquent des« déterminatifs» divers? Revenons au :signe ~. Si onl'écrit ~ l , avec un trait qui marque qu'il s'agit bien d'unexemplaire de l'objet représenté, le sens sera l'écritoire,la palette du scribe: Cette écritoire comprend l'étui danslequel on garde les roseaux secs qui servent de pinceau, lesachet qui contenait peut-être la gomme destinée à donnerdu mordant à l'encre (on le dessine souvent comme un petitvase) et la planchette sur laquelle sont fixés les deux painsde couleur noire et rouge. Le noir sert pour les textescourants, le rouge pour ce que nous appelons encore desrubriques.

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Rubriques.

On ne m'en voudra pas, j'espère, si je m'arrête quelquesinstants sur ce mot de rubrique en résumant l'article quelui consacre Littré: « RUBRIQUE Il r O Terre rouge dont leschirurgiens se servaient autrefois pour étancher le sang Il2° Sorte de craie rouge dont les charpentiers frottent lacorde avec laquelle ils marquent ce qu'il faut ôter despièces de bois à équarrir. Il Ocre rouge artificielle. 1130 Titresdes livres de droit civil et canon, qu'autrefois on écrivaiten rouge... Il 4° Dans t'Église, les rubriques, les règlesselon lesquelles on doit célébrer la liturgie et l'office divin,parce que; dans les missels, les rituels, les bréviaires, etc.,on les a communément écrites en lettres rouges... Il Petitesrègles, imprimées ordinairement en rouge dans le corpsdu bréviaire, et enseignant ce qu'il faut dire dans les diverstemps de l'année à chacune des heures canoniales. Il5° Par extension. Titre, date qui, dans les journaux,indique le lieu d'où une nouvelle est venue... Il Indicationfausse du lieu de la publication d'un livre... Il 60 Familière­ment. Méthodes, règles, pratiques anciennes... Il 70 Fig. etfamilièrement. Ruses, finesses ... » En voilà assez pour queles diverses acceptions et lectures de l'hiéroglyphe m,ne paraissent plus trop hiéroglyphiques dans le senspéjoratif du mot.

Extension de sens du signe. de la palette.

L'Égyptien écrit:: m, sS, écritoire, et de même pourl'action, c'est-à-dire: écrire, dessiner; ~ ~ S5 signifie unécrit, un livre, du papier; ~ 1ft S5 veut dire l'agent : lescribe. Si l'on veut parler d'un peintre on dira m, 1S5 ~dce qui signifie littéralement scribe de contours. Le bâtonnetd'encre s'appelle S5W ~}- 1~ 1 avec le déterminatif dupetit cercle marquant les matières pulvérulentes. Maisnotre signe apparaît encore dans le mot ='~ ~ ~ ~ms

J'

..!

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signifiant rouge et aussi dans 6m} ~~, ~msw, chosemauvaise et malfaisante; parce que le rouge est la couleurdu dieu mauvais Seth. Mais voici encore ~ dans le mot::::J: f6i!J ~ n~ qui signifie polir, !:::oudre finement avec, :oncausatif r:::::;: ~ snrr. Enfin ~~ nrr a le sens d et~e

coloré, de plusieurs couleurs, soit par la nature, SOltpar l'art. D'où l'on écrira fij ~ pour des vêtements multi­colores ou I=l=~ nb nrr pour une variété d'or. Leterme sera employé au sens figuré pour une bonne qua­lité, et l'on dira d'un homme qu'il a le cœur n rr ::jl ~ ~nrr ib.

Je voulais laisser à mon lecteur un peu de répit avant depousser plus avant l'examen du système d'écrit~re et jene vois pas sans terreur que je me suis laissé entraîner detelle façon que le problème lui paraîtra plus compliqué quejamais. Ce n'est pas la faute des Égyptiens, mais biencelle des étranges détours que fait la pensée humaine,dans tous les temps, chez toutes les races et dans toutes leslangues.

Signes improprement appelés (( syllabiques n.

Voici une nouvelle étape à franchir qui exige un effortde mémoire afin dé marcher plus sûrement. Il y a beaucoupde signes bilittères (à deux articulations) qui sont d'unemploi fréquent. J'ai déjà dit qu'on les appelait impropre­ment des syllabiques.

En voici terminés en 1 : ~ 0, -f\ WI, ~ bl, ~ Pl,..> ml, 1bl, ~ SI, ~ 51, U kl;

En i: gmi, 6 tf~'En w: '" IW, = mw, 0 nw, t sw, M if:w.Ce sont les pl~ usuels et ils peuvent suffire pour le

moment.En voici avec d'autres consonnes :~ in, & wn, ~ wr,

LJ pr, ~ mn, ""- mr, "\ m!z" mms, 'C7 nb, 9 !z,r, ~ !z,S,V>- bt, ~ sn, ~ gm, p tm, a 4r, etc.

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Une phrase d'un texte historique.

J'ai bien envie de donner dès maintenant une vraiephrase en hiéroglyphes, empruntée à une inscriptionhistorique de la XVIIIe dynastie, dans laquelle la grandereine Hatshepsout se vante de l'érection de ses obélisquesde Karnak. La voici, et il suffira de suivre pas à pas lesexplications, à accepter telles quelles, pour en saisir lastructure:

:: ~ ~ - ~ ~ == Ç7~ ~ • =- nn~ <:=> n·Faisons-en l'analyse:=-- ir du verbe iri, faire; ici à la forme du passé marquée

par le - n,o ~ s est le pronom suffixe de la troisièmepersonne, du féminin singulier, puisqu'il s'agit de la reine.Si c'était un roi on aurait - le pronom suffixe de latroisième personne du masculin singulier: ir-n-s, elle afait; ir-n-f, il a fait.~ m, préposition: en qualité de, en, comme.~ mn, signe syllabique accompagné du signe 0 nw,

répété trois fois, peut-être par raison calligraphique. Lemot mnw signifie monument.~ s, de nouveau le suffixe féminin: le monument d'elle,

ou son monument.- n, préposition: a l'avantage de, pour.

..:- il, c'est le mot père où le -- est signe de mot.- s, pronom suffixe: au père d'elle, à son père.

~ == imn, nom du dieu Amon.Ç7 nb, signifie maître, seigneur.ID ID ID nswt ID nS.t signifie un trône; le signe est répété

trois fois pour marquer le pluriel à désinence non écrite W.=Le signe ==- tl veut dire terre; au duel tl .wj, les deuxterres, c'est-à-dire la Haute et la Basse Égypte. Les trônesdes deux terres est le nom du grand temple d'Amon àKarnak.

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r. s-rltr, est une forme causative en s du verbe' rltrqui signifie se tenir debout; donc dresser, ériger.

- n, préposition: à, pour.- f, pronom suffixe masculin singulier se rapportant

à Amon. (Elle) a érigé pour lui.

nntlJn.wi· Le mot tlJn veut dire obélisque; en le répé­tant deux fois, on exprime le duel et je transcris tlJn.wjparce que wj est la désinence du duel masculin (ici nonécrite).~ wr.wj, c'est de nouveau le duel, de l'adjectif~ wr,

grand. Donc : deux grands obélisques.<:=> r, préposition: près, auprès.

n sblJ·t " il faudrait, en toutes lettres rJ!n qui veutdire une porte monumentale. (On pourrait lire aussi

sbl rJ* ~ n)·La phrase tout entière signifie donc : Elle (la reine) a

fait comme monument d'elle-même à son père Amonmaître de Karnak; elle lui a érigé deux grands obélisquesprès de la porte (dont le texte complet donne le nom).

Faible proportion des signes figuratifs.

Regardez bien cette phrase, examinez-en les hiéroglyphesles uns après les autres et vous serez frappés du petitnombre d'éléments pictographiques qui s'y trouvent. Oncomprend que les voyageurs grecs et latins, qui parcou­raient l'Égypte dans les premiers siècles avant et après ledébut de notre ère, ne pouvaient pas comprendre lesexplications des guides au sujet des hiéroglyphes. Quecomprendraient, dans les mêmes conditions, des touristesdu Tour du Monde, à!'écriture chinoise! Dans notre phrase,les signes pris un à un représentent, à leur origine il estvrai, un œil, une ligne en zigzag (l'eau), un verrou de porte,une chouette, une table à jouer, trois petits vases, unverrou, l'eau, un pain, une vipère cornue, un verrou, une

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fleur de roseau, une table "à jouer, l'eau, une corbeille,trois tabourets, deux bandes de terre, une bandelette, uneéchelle, l'eau, la vipère, deux obélisques, deux hirondelles,une bouche et une porte.

Échec des premières téntatives de dechiffremènt.

Comment déchiffrer, à force d'imagination, ce pêle-mêled'images où l'on devinerait seulement qu'il doit y êtrequestion de deux obélisques? On comprend comment lepauvre savant Athanase Kircher, au XVIIe siècle, n'aréussi qu'à se rendre ridicule en traduisant symboliquementdes textes hiéroglyphiques. Mais souvenons-nous queKircher, en publiant la première grammaire copte, a sauvéle sens des mots égyptiens écrits à l'époque chrétienneau moyen d'un alphabet dont presque toutes les lettresétaient, empruntées au grec. A quoi nous servirait-il dedéchiffrer les deux mots 1~ n!r ntr si le copte n'avaitgardé NOUTE NOUFE qui signifie dieu bon. Les lettresdes inscriptions étrusques se rattachent à nos alphabetset nous pouvons donc les lire; mais la tradition a étérompue et le sens de la plupart des mots risque de nouséchapper pour toujours.

Le texte grec de la Pierre de Rosette qui servit de pointde départ à la lecture des hiéroglyphes, disait du roiPtolémée V qu'il était né du dieu Ptah. On avait pu devinerles trois éléments du nom divin: ;; l ptJ;, .. il y avait ensuiteun signe que je viens de donner dans les syllabiques : mavec "la valeur ms. Cette valeur a été déduite du motengendrer, donner naissance, en copte : MICE. QuandChampollion a reconnu, parmi des noms royaux, ceux deThoutmès et de Ramsès, c'est qu'il connaissait cettevaleur ms, les noms signifiant: né du dieu Thot et né dudieu Râ. Ce fut en quelque sorte l'éclair qui fit jaillir lalumière"au milieu des ténèbres.

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L'hiéro~lyphe de l'œil.

"Le premier signe de la phrase qui vient d'être analyséeétait =-- c'est-à-dire un œil, et j'ai dit que c'était le verbefaire avec la lecture ir. Y a-t-il donc un rapport entrel'œil et l'idée de faire, de créer? J'ai déjà parlé précédem­ment de l'œil céleste. Les textes religieux sont remplisdes assimilations de toutes les offrandes à l'œil d'Horus.Un texte mythologique explique que les hommes sontnés des larmes du dieu. Il pouvait donc y avoir pourl'Égyptien un rapport logique entre l'idée d'œil et cellede créer, de faire. Pour désigner l'œil on écrit :1 idavec le t du féminin. On dira :1 '?: ir.t nb.t, tout œil,pour signifier tout homme et on ajoutera volontiers le

, déterminatif ~ ~ i soit l'homme, la femme et les traits du "pluriel.

Voici divers mots égyptiens qui signifient voir, regarderet même le contraire : ~ f =-- ptr (avec un syllabique ftr); -:ri:. :h. ~ mu ;~~ l =-- gmJ;" regarder avec atten­tion, ou ~ =-- dgi, même sens; <::=> ~ ) =-- rS (syllabique~ ys) veut dire veiller, être éveillé, garder, surveiller;c::= ~ =-- rm, pleurer (ou souvent "ffl'" avec des larmes);et enfin c:; =-- sp, être aveugle (parfois sans la pupille).

La ~rammaire égyptienne.

Tout cela n'est-il pas absolument logique et d'unecompréhension qui ne demande qu'un peu d'attention,si l'on veut aller au delà? Il est bien entendu que je n'aipas la tâche de vous apprendre la langue égyptienne et devous conduire au milieu des dédales de la grammaire, nide la syntaxe. On ne doit pas s'imaginer que les Égyptiensalignaient leurs mots, les uns à la suite des autres, enlaissant au lecteur le soin d'en deviner la coordination.L'écriture, une fois inventée et menée à un certain degré

"de perfection, devait permettre de suivre les détours et leraffinement de la pensée avec une grande souplesse. Ce

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fut un long travail, au cours du XIXe siècle et depuis le débutdu xxe, pour progresser dans cette reconstitution de lagrammaire égyptienne ou plutôt des grammaires, car lalangue, au cours de plus de quarante siècles, a subi desmodifications profondes justifiant l'élaboration de gram­maires pour les diverses périodes. Sans entrer dans cettequestion, je dois marquer cependant qu'au cours des âgesl'égyptien a fait une évolution d'une langue synthétiqueà une langue analytique; à tel' point que nous avons destextes religieux de basse époque qui donnent le mêmerituel, en langue, mettons classique, et en traduction dansl'idiome évolué. Certains diraient que cet idiome, dont lecopte est un résultat, présentait l'avantage d'une analyseplus précise des nuances de la pensée.

Ceux qui sont curieux de ces questions se reporterontaux grammaires d'Adolf ERMAN, JEgyptische Grammatik,4e édition, Berlin, 1928; du même sa NeuiigyptischeGrammatik, 2 e édition, Leipzig, 1933 ; d'Alan H. GARDINER,E gyptian Grammar, being an Introduction to the Study0/ Hieroglyphs, Oxford, 1927; de G. LEFEBVRE, Grammairede l'égyptien classique, Le Caire, 1940; ou encore duDr A. DE BUCK, Egyptische Grammatica, Leyde, 1944.On trouvera chez ces auteurs de nombreuses indicationsbibliographiques sur des travaux de détail, comme legrand traité de K. SETHE, Das JEgyptische Verbum,Leipzig, 1899-1902, en trois volumes, ou B. GUNN, Studiesin Egyptian Syntax, Paris, 1924.

Soyez· bien tranquilles, je ne vais pas essayer de vous ré­sumer la grammaire égyptienne; mais il faut cependant queje vous en montre le jeu régulier par l'un ou l'autre exemple.

La place des mots dans la phrase.Occupons-nous de la place des mots dans la phrase,

dont on a pu déjà deviner quelque chose par le textede l'obélisque de la reine Hatshepsout.

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j'emprunte à la grammaire d'Adolf Erman les phrasessuivantes:

~ t ::-.~ - )r. =-:it "'- rdj.n nswt nb n blk,f.

L.JI le bras qui présente un pain est le verbe dj ou rdjdonner. Il est ici à la forme en - n qui, nous l'avons vu,marque souvent le passé. Après le verbe vient le sujet;t ::-. nj-swt ou nswt veut dire le roi. Ce mot a donné biendu mal aux égyptologues avant qu'ils s'aperçoivent qu'il nefallait pas le lire swtn, comme il est écrit, mais le décom­poser en deux éléments: « celui qui appartient à Il ni - etla plante sacrée de Haute-Égypte t C> swt. C'est par respectqu'on l'écrit en tête, et comme en toutes choses, le roi deHaute-Égypte a la prédominance sur le roi de Basse­Égypte bUj ~, celui de l'abeille, le mot nswt signifie le roipar excellence, le roi tout court.

Traduisons: A donné le roi. Quoi? c'est le complémentdirect: JW'I nb (un collier d'or) de l'or. Puis la préposition- n avec le sens de : à; et enfin le complément indirect:~ =-:it "'- qui se décompose en blk serviteur, avec ledéterminatif:it et le pronom suffixe masculin singulier"'- f son. Donc l'ensemble signifiant : Le roi a donné del'or à son serviteur, présente l'ordre suivant: verbe, sujet,complément direct et complément indirect (datif). Onremarquera que ces trois derniers éléments sont dessubstantifs.

Mais lorsque les substantifs et les pronoms se partagentla phrase, ces derniers auront la priorité : ô 'i t ::-.~rdj.n n.i nswt nb a donné à moi le roi 1:0r. Donc:verbe, pronom suffixe, sujet et complément direct; ~t ~ t ::-. -)r. =-:it rdj.n sw nswt n blk a donné cela(sw pronom absolu) le roi au serviteur; :::: 'i~rdj.n.f n.i nb il a donné à moi l'or.

Lorsque le complément direct et l'indirect sont tous deuxdes pronoms, alors l'indirect avec son suffixe a le pas sur

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le complément direct qui est un pronom absolu :~ 'it} t::- rdi.n n.i sw nswt a donné à moi .cela, le roi;:: :::. 'i t} rdi·n.j n.i sw il a donné à mOl cela.

Souplesse de la phrase narrative.

J'ai voulu montrer par ces exemples les aspects d'unemême idée, avec un petit nombre d'éléments ~ramma­

ticaux mis en jeu dans la régularité de constructIOn de laphrase égyptienne. Oserai-je faire un pas de plus et emprun­ter à la grammaire de Gardiner un remarquable exemplede la souplesse de la langue narrative pour exprimer cettesimple idée: « ·le roi sort»? Il Y faudra un peu d'a:ten­tion et la volonté de ne pas s'effrayer des termes techmqu~sinventés par nos grammairiens. Mais~on verra sur le faItce procédé, auquel j'ai fait allusion plus haut, d'une langueà caractère synthétique qui devient de plus en plus analy­tique. Voici maintenant la traduction du § 460 de laGrammaire:

« Sous l'Ancien Empire on constate les débuts d'unprocédé dont l'aboutissement a été la disparition compl~te

de la conjugaison avec suffixes, sauf quelques restes ~o~slles

de la forme sdmt.j remplacée désormais par une sene detemps basés s~r la construction pseudo-verbale. Le résultatfinal n'est atteint que par le copte dont les temps. r.es­semblent à ceux du français et de l'anglais par la préCISIonavec laquelle ils marquent les distinction: du, temps.La première étape semble avoir été l'emplOI de ~ze: pourintroduire la construction pseudo-verbale et prodmre desformes verbales composées du type de iw sq,m.n.j impli­quant encore une conjugaison avec su~xes. Bientôt, :orp.mesuite d'un tel développement, on vit des composes avecwnn. A la XIe dynastie ou plus tôt encore' -;; rJ:z,r se tenirdebout, surgir, devint à la mode comme auxiliaire. Nouspassons sous silence dans cet examen préliminaire quelques

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autres auxiliaires moins importants. Environ vers lestemps Hyksos, le composé pronominal ~ 1ft devient enusage dans la langue parlée comme sujet d'attributs (ouprédicats) adverbiaux ou pseudo-verbaux, et déjà lesinscriptions de la XVIIIe dynastie laissent apparaîtreçà et là la popularité de cette tournure. Pendant le NouvelEmpire on invente encore quelques formes verbalescomposées, mais le procédé se révélera surtout sous l'aspectd'une élimination ou d'une spécialisation; les formesverbales' composées qui contenaient les formes sq,m.j ousq,m.n.j cèdent la place à celles qui renferment l'ancienperfectif ou une préposition avef l'infinitif. Chacune desformes survivantes reçoit son rang exclusif pour rendreune certaine nuance temporelle.

» Si l'on se souvient que le moyen égyptien ne possèdepas moins de sept formes narratives de la conjugaisonavec suffixes et que le récit peut s'exprimer non seulementgrâce à elles, mais encore par des verbes « nominaux »

ou des parties du verbe employées nominalement, on nepeut s'empêcher de trouver que la richesse des construc­tions narratives dans les propositions majeures, issues dudéveloppement de nouvelles formes verbales composées,est tout à fait extraordinaire. »)

Dix-huit manières de dire : le roi sort.

Et l'auteur nous donne dix-huit manières de dire: «le roisort », en ajoutant qu'il y en a encore d'autres. Je mecontente d'en retenir quelques-unes qui éclaireront ce quivient d'être dit:

~ A ~ ~ pr J:z,m.j, sort Sa Majesté (~A pr avec ledéterminatif des jambes est le verbe sortir qui est en réalitépri, c'est-à-dire un verbe tertiœ infirmœ, dont la troisièmeconsonne est faible. On verra que ces verbes ont un infinitifféminin).

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~ ~;;.~ i}m./ pr./, Sa Majesté, il sort (je laisse legenre égyptien). -

~ .:: ~ ~ pr.n i}m./, est sorti Sa Majesté.Q} ;;.~ ~ ~ iw pr.n i}m./, est sorti Sa Majesté (av~c

l'auxiliaire iw mis en tête.

~ ,.L ~ ~ i ~ ~ wn.în i}m./ i}r pr.t littéralement:est (auxiliaire wn) de la part de (in) Sa Majesté à (prépo­sition i}r) sortir (infinitif féminin avec", t).

,~ :;.~ i~ r!tr.n pr.n !tm.j. L'auxiliaire- r!tr està la forme en n, le verbe pr de même. En donnant à l'auxi­liaire son sens primaire de se tenir debout, on pourraittraduire: Se leva et sortit Sa Majesté.

Mais en voilà assez pour édifier mes lecteurs sur lesraffinements de la grammaire égyptienne, sur l'extra­ordinaire ingéniosité et la patience qu'il a fallu aux égypto­logues pour découvrir ces subtilités dans une languedont toute tradition avait été rompue pendant tant desiècles. J'espère cependant que ces explications, qui meparaissent utiles à la juste compréhension du mécanismede l'écriture égyptienne, n'auront pas été arides au pointde décourager les bonnes volontés et que je puis poursuivresans crainte de me voir abandonné par les lecteurs.

Pronoms-suffixes, absolus et indépendants.

Encore un petit effort cependant. J'ai invoqué à plusieursreprises les pronoms suffixes ou personnels et l'on désirerasans doute les connaître sous leurs formes les plus usuelles:

Ire personne singulier : i ~ remplacé le plus souvent. par jt, ~ ou ~ suivant qu'il s'agit d'un homme, d'une

femme ou d'un dieu. ze personne masculin CO" k, féminin= r 3e personne masculin __ j, féminin r s. Le pluriel quiest commun aux deux genres ·est : Ire personne :7', n, 2e

personne ~ ou ITI tn ou tn , 3e personne r~I ou ~ snou sn. On remarque la confusion des deux t et des deux s.

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Rien de plus simple maintenant que de comprendre~ 'iPr.i, ma maison; ~pr.k ou ~ = pr.t, ta maison,

s'il s'agit d'un homme ou d'une femme; ~ '- pr./ ou~ ~ pr..s, sa maison; ~ ~I pr.n, notre maison, etc.

Et ce sera la même chose pour le temps du verbeque Gardiner appelait, suivant l'usage, la forme sdm.f.tIJ ~ sdm veut dire entendre, avec l'image de l'oreille de .vache; et l'on conjuguera ilJ~ 'i §dm.i, j'entends; ilJ~

=' sdm.k, tu entends; ilJ~ -- sdm.j, il entend, etc.A côté de ces pronoms suffixes ou personnels il y a aussi

des pronoms absolus qui, au pluriel, ont les mêmes formes,et qui, au singulier, sont surtout en usage à la premièrepersonne commune } i- ou } wi ou w,o à la troisièmemasculine t} sw et à la troisième féminine r s qui estdevenu une sorte de neutre. Il y a enfin des pronomspersonnels indépendants, de formation plus récente, placésau début de la phrase avec une valeur emphatique et dontla plupart ne sont autres que les anciens suffixes précédésde ':' nt. La première personne est ,g. ink, moi.

Ici j'abandonne décidément la grammaire. Quand on ymet le doigt, on risque d'y passer tout entier; et ce n'estpas ce que je vous ai promis et ce que vous attendez de moi.

Amon et son cycle.

Je vous ai fait côtoyer de la sorte le purgatoire de lagrammaire, sans trop de dommages, j'espère, et je puisvous proposer, par contraste, d'aller visiter les dieux del'Olympe égyptien.

A tout seigneur, tout honneur. Amon, dont je vous aidéjà donné le nom sous la forme ~:: imn, est le plussouvent appelé Amon-Râ, par identification avec le granddieu solaire Râ:: ~ ~ ou ençore :: ü.. r r. Amon estappelé le roi des dieux +.: 111 nswt n tr .w. Le sens du

mot Amon est probablement « le caché, le secret )) ~ ::~,

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avec le petit homme qui se dissimule. Mais imn est aussila région de l'Ouest, où se couche le soleil et aussi le côtédroit pour les Égyptiens qui s'orientent sur le sud.

Le nom divin est composé, nous le savons, de troisconsonnes, la première i étant faible. Quelles en étaientles voyelles? A et 0 dirait-on, puisque nous appelons ledieu· Amon. Mais la chose n'est pas aussi simple et nouslUons constater que la prononciation égyptienne n'est pasrestée stable au cours des siècles. Si les hiéroglyphes nenous donnent à cet égard aucune indication, nous avons­heureusement des transcriptions dans d'autres langues oùles voyelles étaient écrites. Les Babyloniens, entre le xve

et le XIIIe siècle avant notre ère, ont entendu et notéAmiina, Amiinu; en composition Aman,. les Assyriensaux vme et VIle siècles, et les néo-babyloniens du VIe sièclenotaient Amunu; enfin les Grecs (Hérodote au ve siècle)écrivaient 'A(J.ou\I Amoun et, sans accent, Amon. C'estcette vocalisation récente qui s'est imposée aux modernes.Mais voilà donc le fait à constater, que la prononciationse modifiait par le temps ou aussi d'après les dialecteslocaux qui devaient différer, entre la Haute et la Basse­"Ëgypte en tout cas. Un texte littéraire parle de la confusionqui existe entre deux hommes qui ne se comprennent pasplus qu'un homme d'Éléphantine, à la première cataracte,s'entretenant avec un habitant du Delta. Quand lesBabyloniens du xve siècle entendaient parler d'Amana,c'est de Thèbes qui était alors la capitale; pour les Assyrienset les néo-babyloniens qui entendait Amünu, ce devaitêtre de Basse-Égypte où résidaient les dynasties. La« coloration >l particulière des voyelles est caractéristiquedes dialectes, comme on peut le constater rien que par lamanière cie prononcer man en Angleterre : man, men, mon.Acceptons par conséquent, sans chercher davantage, laprononciation des Grecs et disons Amon.

A Thèbes les grandes divinités qui forment une triade

"

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sont Amon, le père, Mout, la mère et Khonsou le fils. Onécrit Mout par l'image du vautour ~ ~ accompagné du tdu féminin et de l'œuf qui est 'le déterminatif du sexeféminin. Mout veut dire généralement la mère et je penseque l'on désignait la mère par excellence, la grande mèrecéleste par l'image du vautour blanc, l'oiseau sacré de ladéesse +J ~ ~ n1Jb.t protectrice de la Haute-Égypte etdame d'El Kab. Nous la retrouverons en examinant latitulature des rois.

Le dieu fils s'appelle~ t } )ft 1Jnsw, dont le nom dérivepeut-être du verbe • j) avec le sens de traverser, voyager.C'est une désignation de la lune. Un mois du calendriercopte s'appelle Pakhons, celui de Khonsou.

Dieux de Memphis.

Passons de Thèbes, la capitale du Moyen et du NouvelEmpire, à Memphis, la capitale de l'Ancien. Ici noustrouvons la triade de Ptah, Sekhmet et Nefertoum. Lenom de Ptah ~ l ~ pt/:t, avec le déterminatif du personnagedivin avec la barbe et la chevelure longue, se rattachepeut-être aux deux mots ~ l pt/:t qui signifient l'un" former >l et l'autre « ouvrir· >l, bien qu'on ne connaissed'exemple de ces deux mots que dans des textes tardifs.Cependant, dès le Nouvel Empire, on parle de dieux Ptah~ l!l i qui sont créateurs. Les transcriptions babylo­niennes et grecques nous assurent de la voyelle a, bien quel'assyrien nous indique plutôt un i. La déesse bien-aiméede Ptah est t ~ S1Jm. t, à tête de lionne, dont le nom signifiela toute-puissante. C'est d'eUe que l'on possède de nom­breuses statues de granit montrant une femme debout ouassise, à tête de lionne~ qui comptent parmi les chefs-d'œuvre de la statuaire antique. .

Le fils est Nefertoum ~:::~ ~ n/r tm dont le nomsignifie littéralement le beau tout. Tourn est le vieux dé­miurge d'Héliopolis, représentant la totalité de l'univers,

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iw./ pw m (i,tp « Cela (pw) est bien arrivé, sous entendu à

bonnefin.))On a aussi la variante .l':J } --D}~ -- <:::> ~ ~iw./pw (i,/ .t.lr ff:twf .fi, cela est bien arrivé, son commence­ment jusqu'à sa fin. On reconnaît l'image -2) de l'avant­train du lion pour le signe de mot (i,/.t commencement,et ~ p(i, pour l'arrière-train; mais on écrit au duel, exprimépar la désinence \\ y en disant, ses deux «arrière-train) puis­que celui-ci est en deux «parties ). Quelle écriture subtile queces hiéroglyphes !

Osiri,s.Et maintenant j 'hésite un peu à entreprendre l'expli­

cation du nom le plus connu des dieux de l'Égypte, celuid'Osiris. Voici comment on l'écrit le plus souvent: .rl~ ~,

. un siège, un œil et le déterminatif du dieu. Les Assyriensl'ont entendu Usïru, les Araméens Usiri, les Grecs Usiriset Osiris et les Coptes Ousire. Alors nous pouvons biengarder Osiris. Nous avons quelques orthographes hiéro­glyphiques alphabétiques, par exemple } ~ <:::> wsr, maisnous en avons beaucoup d'autres assez surprenantes :~ ou :4 qui se lit wSir. Le .4. un lit de repos, est une

. variante du siège .rl et l'un et l'autre se lisent st. Cependanton accepte pour les deux la lecture ws pour Osiris. Maisvoici la variante tardive 1~ avec le sceptre divin 1w/sau lieu du siège; et celle J~ avec 1, le support de balancequi se lit wts avec le sens général de porter, supporter.Nous cMrcherons la signification du nom divin dans unsupport, trône, lit, etc., de l'œil sacré, ici vraisemblable­ment la lune plutôt que le soleil. Il existe d'ailleurs uneforme d'Osiris-lunaire. La variante jj0 montre que c'estla pupille que l'on vise plutôt que l'œil entier.

tout ce qui est achevé, complet; et l'on dira;'"~ } 1ft ~ !tm. w pour toute l'humanité créée. Les néo-babyloniensont entendu le nom de Nefertoum comme niptemu; lesGrecs Nephthèmis. Ainsi notre nfr des transcriptions donnenip ou nep. Nous connaissons plusieurs notations voca­liques : en moyen babylonien nap ou nap; en néo-babylo­nien nip; en grec nouph et naph, en copte noufe et nab.On s'aperçoit que la troisième radicale r a fait preuve depeu de résistance; il s'est amui, comme disent les philo­logues qui ont gardé ce vieux mot français; il est devenumuet. Mais on voit aussi que le f a passé au b dans nab. Iln'y a pas que les consonnes faibles qui manquent de vigueuret l'étude du dictionnaire égyptien montre une hécatombede consonnes et un tourbillon de lettres qui s'échangentou qui s'altèrent. C'est ainsi que les s, les t et les d perdentde bonne heure leurs sons spécifiques.

Imhotep devenu fils de Ptah.

Mais j'en oublierais bien, pour l'amour de la linguistique,que je vous parlais de mythologie en faisant l'examen desnoms de dieux. Le fils de Ptah et de Sekhmet a eu uneétrange aventure. Il a vu sa place usurpée, au moins à labasse époque, par un nouveau venu qui s'appelle ~ ~.~

Imhotep, ce qui d'ailleurs pourrait se traduire par bien­venu : ~ ~ .l':J 1\~ if m (i,tp. Il s'agit du grand ministre,savant, architecte, écrivain, médecin de la Ille dynastiesbus le règne du roi Djeser et qui avait laissé un tel renomque des milliers d'années] plus tard, il était devenu ledieu de la médecine, fils de Ptah, que les Grecs assimilèrentà leur Asclépios (Esculape).

.L'EXPLICIT égyptien.

A propos de cette expression if m f:ttp, on apprendra avecintérêt que les auteurs ou les copistes écrivaient volontiersà la fin de leurs ouvrages la formule : .l':J} -- 0 } ~~

Isis.La fidèle épouse d'Osiris, celle qui vient à son secours

dans toutes ses tribulations, celle qui pleurera son cherépoux, élèvera dans la douleur son fils Horus qui le venge~a,

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(

/ -4l-

c'est la grande déesse Isis, dont la fortune fut presqueuniverselle dans le monde romain. Son nom s'écrit ~imple­

ment par le siège ~ ~ aveç le t du féminin et l'œuf./Notonsune variante alphabétique ~} ~ <:> ~ îwst et les transcrip­tions grecques Esis' et Isis.

Horus.

La triade Osiris, Isis et Horus, dont le sanctuaire le pluscélèbre est Abydos, comporte comme dieu fils un des plusgrands dieux de l'Égypte, Hor ou Horus, dont je ne puissonger un instant à résumer la carrière. Il est un dessouverains absolus du Ciel, incorporé dans le soleil; il estun peu partout, en Haute comme en Basse Égypte, lemaître de nombreuses localités; le Pharaon est sur la terreSa réincarnation et occupe le trône d'Horus. Dans ledéveloppement de la légende osirienne, il a fini par être cepetit enfant chétif, fils posthume d'Osiris, n'échappant àla rage du méchant Seth que par le dévouement et la puis­sance magique de sa mère Isis. Mais c'est pour triompherun jour de tous ses ennemis et régner victorieusementsur l'univers. On lui donne des épithètes diverses. Il est~ ~.11 ~ Ifr SJ s.t Horus fils d'Isis (APO"L'l)O"L<;); ~ 0 jJlfr pJ brd Horus l'enfant (Ap7'Çoxp~TIJ<;); ~ t a ~::... Ifrnq, il.f Horus vengeur de son père- ('Ape:v~CJ)'t"'l)<;) ; et aussi~~=Ifr smJ tJ.wj Horus le réunisseuT des deux terres(Apao1L't"ou<;) et ~~ ou ~ g Ifr J~.tj Horus de l'Hori­zon, ou ~ ~ Ifr m J~.t Horus dans l'Horizon (Ap~XL<;)

qui est le nom du grand sphinx de Gizeh et même ~~Ifr wr Horus le Grand, par assimilation d'Horus avec levieux dieu primordial qu'on appelait wr grand.

Seth et Nephthys.

Quant au dieu Seth qui est l'ennemi perpétuel d'Horus(on dit d'ailleurs « les deux Horus »), son nom s'écrit parl'étrànge image d'un animal ii/à oreilles coupées courtes,

1

';

avec une flèche fichéè dans son arrière-train en guise dequeue et dont la tête n'a jamais pu être déterminée aveccertitud<? par les zoologues. On l'appelle commodémentl'animal de Seth et tout le monde s'entend, même si les unsparlent d'un âne, les autres d'un lévrier, d~un porc, d'unornithorynque, d'un fourmilier, d'une gerboise ou mêmed'un okapi. Quoi qu'il en soit, la transcription du nom avarié entre siS, st!J" siS, st!J" puis on a écrit +}; swt~ et+} ~ swti. C'est le dieu du désordre, du tumulte, dela tempête, de l'orage, l'équivalent du Baal sémitiqueauquel il est souvent assimilé. C'est d'ailleurs un dieusolaire.

L'épouse de Seth dans le système de la neuvaine hélio­politaine est ~ g~~, m~ nb.t ~.t, la dame du château,Nephthys, la sœur et la fidèle compagne d'Isis.

Autres dieux 'et déesses.

C'est à la légende osirienne que se rattache encore ledieu ami des morts, Anubis, dont nous avons déjà rencontréle nom ~ "; } ~ inpw, le dieu chacal ou chien.

Une des plus grandes déesses célestes, la grande mèredivine, est connue sous le nom de~ ~t-Ifr Hathor, c'est­à-dire le château d'Horus, l'endroit où Horus réside. Il y abeaucoup d'Hathors et on donnait même ce nom à desfées-nourrices qui venaient à la naissance dire le sort del'enfant. Mais il y a quatre Hathors principales: celle duSud est 1- J ~ ~ n~b,t Nekhabit, le vautour d'El Kab;celle du Nord! <:> ~ WJq,.t Ouadjit, le serpent de la villede Bouto, dont le nom ~ ! <:> ~- pr WJq,.t signifie la maisonde Ouadjit; celle de. l'Est est 11 ~ ~ bJS. t Bast, dont laville Bubaste ~ Ii ~ signifie la maison de Bast (les Grecsont confondu le nom de la déesse et celui de la ville enBoubastis); enfin pour 1'Ouest on a la grande déesseNeith :::0: n.t de Saïs.

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~ 43-

Râ et sa fille Maat.

Je n'ai pas dit encore que le soleil <=> 0 yr maître.d'Hélio­polis, par ce qu'on appelle la contag~n solaire, estassimiléà la plupart des dieux: Amon-Râ, Montou-Râ, Sebek-Râ,Khnoum-Râ, etc.; il avait une contre-partie féminineappelée :: ~ ~ 0 yry.t, celle du soleil qui, sous le nomde yry.t tJ.wj 00 était l'épouse du dieu ==:=} mntw de laville d'Hermonthis (Erment) au sud de Thèbes. Ce dieu dela guerre est assimilé à Seth aussi bien qu'à Râ. Mais ce-nom de Râ doit nous retenir un instant pour sa prononcia­tion exacte. Nous le prononçons Râ, c'est-à-dire uneconsonne et une voyelle, alors que la transcription r r indique ­la présence du ain rude. Les Babyloniens entendaient Yïja,surtout en terminaison des noms royaux, comme nous leverrons bientôt. Ce r'ija est devenu rë ou ra pour les Grécs.

Je m'arrête icipour les noms de divinités, car l'Égypteen a connu tant, elle a peuplé de tant de génies ses régionscélestes et infernales, elle a personnifié tant de vertus ettant de choses, animé ses arbres, ses champs et ses mon­tagnes de tant de fées ou de gardiens qu'on n'en finirait pasde vouloir seulement les énumérer par catégories. Mais jene puis oublier une très grande et très puissante déesse,celle qui, à nos yeux, mérite une place au moins égale àcelle que lui attribuaient les anciens, c'est la déesse de laVérité et de la Justice: ~~ mlf' .t, Maât, fille de Râ,dont le nom s'écrira aussi ~ ou ~ ~ par la coudée, symbolede la juste mesure, et la plume d'autruche, symbole de lapureté, de la blancheur. Nous lisons Maât les Grecs mamais sans oublier que les Babyloniens entendaient mUJuwa:

Problème chronolo~ique.

J'ai mené mon lecteur assez loin déjà et souvent pardes sentiers assez rudes pour que je lui offre- un moment de,repos avant d'aborder d'autres régions. Les fouilles du

:Jl

'.

professeur George Reisner dans la vaste nécropole quientoure les grandes pyramides de Gizeh va nous fournirune courte inscription propre à déterminer le point où noussommes déjà parvenus. Le texte de la reine Hatshepsoutparlant des obélisques érigés à son père; le dieu Amon,était de la XVIIIe dynastie, c'est-à-dire des environs deISOO avant notre ère. Pour cette période nous sommes bienassurés et il n'y a guère de divergences, sinon de quelquesannées, pour les dates assignées aux divers règnes. Hatshep­sout occupa le trône d'Égypte, d'abord avec son mariThoutmès II, puis seule, de IS20 à I484 avant Jésus-Christ.II n'en va pas de même pour les périodes plus anciennes,les documents ne permettant pas de trancher le débatentre ceux qui tiennent pour la chronologie longue reposantsur }a tradition de Manéthon et ceux qui adoptent l'unou l'autre des systèmes dont le plus connu est celui del'historien allemand Edouard Meyer. Les divergences neportent pas seulement sur quelques décades d'années,mais sur des siècles, souvent même sur plus de mille ans.C'est pourquoi le texte qui va nous occuper ne peut êtredaté avec précision et remonte au troisième ou au quatrièmemillénaire avant Jésus-Christ.

Un honorable chien de ~arde du roi.

Il s'agit d'une inscription trouvée par Reisner sur un blocprovenant d'un tombeau détruit et qui fut réemployédans la construction d'un autre. Je vais la transcrirephrase p~r phrase.=~ -.1'--.,. 0_ ~ ~+_ oflIIo <=> 1- tsm wnn stp-SJ 'r I}m.f,

( C'était) un chien étant gardien pour Sa Majesté... ~ j}~~ :: _rbwtiw rn.f, Aboutiou son nom.(Voilà un exemple de ce qu'on appelle phrase nominaleparce qu'elle ne comprend pas de verbe.)- ~}~--<~J~i==l- wrj I}m.f lj,rs(w).f. ordonna Sa

Majesté qu'il soit enseveli.

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7 ~ LI r~ Q ~~ cp cp rdi n.j IJrS.t m prwy-l;4. futdonné à lui un cercueil du double trésor royal. Le trésorroyal s'appelle pr-l;4, la maison blanche, et comme il y aun trésor pour la Haute et un autre pour la Basse Égypte,on dit le double trésor pr.wy avec la désinence du duelmasculin wy.

= 2~ 1111::~ Q (i)dmy r (J wrt, de l'étoffe (rouge)en très grand (nombre).

1&~sn~r, de l'encens. (Voici un mot bizarre : sntrencens, s'écrit avec le signe divin n~r en tête par marquede respect. C'est en somme le causatif en S du mot n~r.

C'est la matière, l'encens, qui divinise celui qui le reçoit.)

1" :: ~ '1-. ::= = \Jrdi n.f J.tm.f slt, le roi lui a donnédes,aromates. (Sirest une des sept huiles rituelles des tablesd'offrandes: elle venait de Syrie et servait à l'embaume­ment).

G.} - ~:: ~ ~;; b-ws n.f is, fut construit à lui unetombe (un mastaba).

~ - ~ ~ ~ :: ~:ft it:ft in iswt n.t isw, par les escouadesde travailleurs (des gens d'équipes, ce qui est évidemmentun pléonasme).

~ ~ ~ -- "0- <:::> >~ ~~ ir.n n.f J.tm.f nw rim Ib-.f,a fait à lui Sa Majesté ces choses pour son honneur (celuidu chien).

Reprenons la traduction suivie. C'est le chien qui étaitde garde auprès du roi, et il s'appelait Aboutiou. Sa Majestéordonna de le faire ensevelir. Il lui donna un cercueilprovenant du trésor royal, des étoffes rouges en grandnombre, de l'encens, des aromates. Il lui. fit bâtir untombeau par les escouades d'ouvriers. Et si Sa Majestéa fait toutes ces choses, c'est pour la grande estime qu'ilavait pour son chien.

Quelques signes sont à noter ; + wn est un syllabiqueéquivalent à~ wn et signifie « être »-; .;W:. s~p-s/ est une

·r

'0)

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expression technique pour « monter la garde, protéger»et elle est composée du nœud magique -mt SI ;~ tiw(labuse) est un syllabique qui ressemble fort au signe ~(un vautour), sauf qu'il a la tête ronde (les deux se con­fondent souvent dans l'écriture et on écrit ~ pour ~,mais pas l'inverse) ; ~ a la valeur IJrs mais avec un r bieninstable puisque souvent on écrit IJs, comme à la lignesuivante; l'étoffe rouge idmi ou dmi désigne la bandeletterouge offerte aux dieux pendant le service journalier autemple, d'où le signe ~. divin (le faucon sur un étendard)avant le déterminatif des étoffes 1111; le signe ~ avec lavaleur b-ws représente l'homme qui broie dans un mortieret exprime l'idée de broyer, mais aussi de bâtir: un mur,un temple, une pyramide, une tombe, etc.

Il y a bien des personnes qui s'imaginent que U$hiéroglyphes, écritures sacrées, ne pouvaient servir qu'àtraduire des idées sublimes. Oil vient de voir un exemple,contemporain des pyramides, où ils expriment une idéetoute simple, presque familière, l'affection d'un êtrehumain, fût-il un pharaon, pour un bon chien qui lui étaitfidèle.

Instruction pédagogique.

Abordons à présent une autre inscription qui ne man­quera pas, je pense, d'intéresser mes lecteurs.

J.} D.} *::: ~ bw pw nlr sp sn, c'est une très bonnechose. Le mot bw qui signifie proprement « lieu, place », sertà former avec des adjectifs des expressions neutres, expri­mant des abstractions. On dira bw nlr, bon; bw bin J.}J ~;: mauvais; bw mN, vrai, etc. La combinaison peutêtre coupée en deux par le démonstratif D} pw qui renforceet accentue: c'est bon. Nous avons ensuite le mot 0 spqui veut dire « fois» et ensuite le nombre Il sn. Deux fois,indique une manière de comparatif et même de superlatifcomme notre « très )). Parfois on répétera le signe * et on

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dira ~ ~ nfr.wi ou même ~ ~ ~ nfr.w: deux fois bon, troisfois bon, c'est meilleur et le meilleur.

'§' i JI ~ <=> .c-. n G =- 9 n<=> dl ="'=' Ll n:1 -- -s.. WJh-ib r)1. Â -11 l "" l' <=> C;>'l 1 ~ "" t'1 1 1 1 l' ~ Cl •

irt sbr .k !zr irit 1]sn. l, applique-toi à exécuter ton desseinen ce qui concerne les (choses) difficiles. ! l ~? WJ!t-ib veutdire littéralement : incline ton cœur, place ton cœur;~ ~ \1J ~ irt (irit), c'est un adjectif en y qui appartientà cette catégorie appelée par les grammairiens de l'hébreuet de l'arabe nisbé ou adjectif de relation. De la préposition<::> r (~<=> ir) on a fait au masculin singulier iry et auféminin iryt (irt); au pluriel masculin iryw, irw et auféminin irywt (irwt, irt) .. Ll r~:: -s.. 1]sn.t veut direchoses pénibles, difficiles. On a mis l'adjectif au fémininpluriel, ce qui est ordinaire pour la généralisation de l'idée.~~ 'i -+ -+ lf -:~ g~ ~ "" ~ I~ mJJ.n .i nn tp- ( m

myt.n, j'ai vu cela autrefois avec notre chatte. -+ -+ nn estun démonstratif : cela; myt est le nom de la chatte, dontle masculin est miw et le déterminatif la peau ~ quicaractérise les noms d'animaux; :-:-, est le suffixe de lapremière personne du pluriel : de nous, nôtre. .

r~, ror ~H~ L~ n~ ~~ -- ~~* i Cl~ iw.s !tms.ti!tr.ti n wnw. t (SJ .t, Elle était assise, prête (au combat)des heures nombreuses. Ici nous avons une de ces construc­tions auxquelles se référait Gardiner, une construction avecl'auxiliaire iwet le pseudo-participe dont la 3e personne duféminin singulier a la désinence ~ ~ ti. Le pseudo-participeque Gardiner préfère appeler le parfait ancien est la seulesurvivance dans l'égyptien de la conjugaison sémitique.Ce mode sert encore à exprimer un état, par exemple celuiqui résulte d'un mouvement; il est donc statique; on letraduirait souvent en français par un participe présent oupassé, d'où le terme pseudo-participe. Ici nous avons, enparlant de la chatte, avec l'auxiliaire iw et le suffixeféminin S : elle est assise ou étant assise, étant prête.~ ~ *' wnw.t avec l'étoile signifie : heure, et quant à

.'

-47 -

l'adjectif rSJ expnme par le lézard ~, son image estsuffisamment parlante pour ceux qui connaissent les paysd'Orient.

<=> ~ :.. <=> ..::.. o} ~ r dg.t r pnw, pour épier lasouris. Je me borne à traduire ce qui suit: Elle ne quittapas avant d'avoir saisi cette souris, prise dans ses griffes.

Ce petit texte est emprunté à une anthologie qui com­plète la grammaire égyptienne du professeur A. de Buck,Egyptisch Leesboek, Leyde, 1941, et il est, en fait, un jeu dephilologue qui a voulu traduire en langue et en écriturepharaoniques quelques phrases d'un petit poème néerlandaisdu XVIIIe siècle de notre ère. Le pastiche est fait forthabilement, mais aux yeux des spécialistes il révèle, unefois de plus, l'extrême difficulté, pour ne pas dire l'impos­sibilité, qu'il y a, de recréer l'âme et les usages des vieuxscribes.

Le problème des formes verbales.

J'ai été amené à parler du pseudo-participe qui seraitun reste de conjugaison apparentée au sémitique, maisen train de tomber en désuétude devant une autre formequ'on appelle la flexion suffixale : Srlm./, c'est-à-dire leradical sg,m ~~ avec le jeu des suffixes personnels. Lesgrammairiens ont cherché à percer de près l'origine decette forme.« La racine, dit Gustave Lefèbvre, est en réalitéun participe dépourvu de toute désinence écrite. De quelparticipe s'agit-il? On a cru d'abord que c'était un participeactif et que Srlm./ représentait une phrase à prédicatadjectival, signifiant « il (est) un (homme) qui entend )...

. (mais on a fait des objections). A défaut de cette hypothèse,on peut admettre, au moins provisoirement, que le participerenfermé dans sg,m./ est, comme celui qui a formé sg,m.n./.un participe passif suivi d'un pronom suffixe (ou d'Unsubstantif) faisant fonction de génitif direct. La formesg,m./ a pu signifier originairement « entendu de (= par)

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dira ~ ~ nfr.wi ou même ~ ~ ~ nfr.w: deux fois bon, troisfois bon, c'est meilleur et le meilleur.

'§' i JI ~ <=> .c-. n G =- 9 n<=> dl ="'=' Ll n:1 -- -s.. WJh-ib r)1. Â -11 l "" l' <=> C;>'l 1 ~ "" t'1 1 1 1 l' ~ Cl •

irt sbr .k !zr irit 1]sn. l, applique-toi à exécuter ton desseinen ce qui concerne les (choses) difficiles. ! l ~? WJ!t-ib veutdire littéralement : incline ton cœur, place ton cœur;~ ~ \1J ~ irt (irit), c'est un adjectif en y qui appartientà cette catégorie appelée par les grammairiens de l'hébreuet de l'arabe nisbé ou adjectif de relation. De la préposition<::> r (~<=> ir) on a fait au masculin singulier iry et auféminin iryt (irt); au pluriel masculin iryw, irw et auféminin irywt (irwt, irt) .. Ll r~:: -s.. 1]sn.t veut direchoses pénibles, difficiles. On a mis l'adjectif au fémininpluriel, ce qui est ordinaire pour la généralisation de l'idée.~~ 'i -+ -+ lf -:~ g~ ~ "" ~ I~ mJJ.n .i nn tp- ( m

myt.n, j'ai vu cela autrefois avec notre chatte. -+ -+ nn estun démonstratif : cela; myt est le nom de la chatte, dontle masculin est miw et le déterminatif la peau ~ quicaractérise les noms d'animaux; :-:-, est le suffixe de lapremière personne du pluriel : de nous, nôtre. .

r~, ror ~H~ L~ n~ ~~ -- ~~* i Cl~ iw.s !tms.ti!tr.ti n wnw. t (SJ .t, Elle était assise, prête (au combat)des heures nombreuses. Ici nous avons une de ces construc­tions auxquelles se référait Gardiner, une construction avecl'auxiliaire iwet le pseudo-participe dont la 3e personne duféminin singulier a la désinence ~ ~ ti. Le pseudo-participeque Gardiner préfère appeler le parfait ancien est la seulesurvivance dans l'égyptien de la conjugaison sémitique.Ce mode sert encore à exprimer un état, par exemple celuiqui résulte d'un mouvement; il est donc statique; on letraduirait souvent en français par un participe présent oupassé, d'où le terme pseudo-participe. Ici nous avons, enparlant de la chatte, avec l'auxiliaire iw et le suffixeféminin S : elle est assise ou étant assise, étant prête.~ ~ *' wnw.t avec l'étoile signifie : heure, et quant à

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l'adjectif rSJ expnme par le lézard ~, son image estsuffisamment parlante pour ceux qui connaissent les paysd'Orient.

<=> ~ :.. <=> ..::.. o} ~ r dg.t r pnw, pour épier lasouris. Je me borne à traduire ce qui suit: Elle ne quittapas avant d'avoir saisi cette souris, prise dans ses griffes.

Ce petit texte est emprunté à une anthologie qui com­plète la grammaire égyptienne du professeur A. de Buck,Egyptisch Leesboek, Leyde, 1941, et il est, en fait, un jeu dephilologue qui a voulu traduire en langue et en écriturepharaoniques quelques phrases d'un petit poème néerlandaisdu XVIIIe siècle de notre ère. Le pastiche est fait forthabilement, mais aux yeux des spécialistes il révèle, unefois de plus, l'extrême difficulté, pour ne pas dire l'impos­sibilité, qu'il y a, de recréer l'âme et les usages des vieuxscribes.

Le problème des formes verbales.

J'ai été amené à parler du pseudo-participe qui seraitun reste de conjugaison apparentée au sémitique, maisen train de tomber en désuétude devant une autre formequ'on appelle la flexion suffixale : Srlm./, c'est-à-dire leradical sg,m ~~ avec le jeu des suffixes personnels. Lesgrammairiens ont cherché à percer de près l'origine decette forme.« La racine, dit Gustave Lefèbvre, est en réalitéun participe dépourvu de toute désinence écrite. De quelparticipe s'agit-il? On a cru d'abord que c'était un participeactif et que Srlm./ représentait une phrase à prédicatadjectival, signifiant « il (est) un (homme) qui entend )...

. (mais on a fait des objections). A défaut de cette hypothèse,on peut admettre, au moins provisoirement, que le participerenfermé dans sg,m./ est, comme celui qui a formé sg,m.n./.un participe passif suivi d'un pronom suffixe (ou d'Unsubstantif) faisant fonction de génitif direct. La formesg,m./ a pu signifier originairement « entendu de (= par)

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lui », d'où la signification qu'elle aurait acquise ultérieure­ment : « il entend ».

Que le lecteur ne se tourÏnente pas trop de l'origine decette fonne et qu'il se souvienne de ce que j'ai dit plus hautau sujet des sens du radical nlr. Pour l'Égyptien, il signifie:être bon, la bonté, l'adjectif bon, toutes sortes de choseset d'êtres qualifiés de bon; et je devrais ajouter encore que~ -=- ou ~ -..JO- signifie « nôn )l, que -=-~:: veut dire :d;-telle s;rte que ne pas; que ~ a, au moins dans uneexpression, la valeur de « ou »; que ~ ~ ~C> njry. t ?ésig~e

« la fin )l et qu'on dira ~ ~ ~ c> -=- nlry.t r pour: Jusqu àce que. Vouloir rattacher toutes ces acceptions aux caté­gories de nos grammaires c'est, comme le disait un~ieuxlinguiste, plein de bon sens, et même d'humour, faIre lagrammaire de nos traductions plutôt que celle Çl.es languesétrangères.

Quelques notabilités de l'Ancien Empire.

Et maintenant, pour nous récréer, nous allons faireconnaissance avec quelques Égyptiens notoires, dont onrencontre les noms dans les histoires d'Égypte ou dans lestraités ou les albums d'art égyptien. Je réserve cependantpour un peu plus tard les noms. royaux, devan~ d'abordvous initier aux arcanes de la tltulature compliquée despharaons.

Une tombe de la Ille dynastie à Saqqarah est contempo­raine du roi Djeser; Mariette y a trouvé d'admirablespanneaux en bois qui comptent ?~rmi les chef~-~'œuvre

de l'art et qui montrent le classIcIsme. de celUI-Cl à uneépoque antérieure aux grandes pyramides..Cette tombeest au nom de:: K2- ~ ~ rr J;,sy ou plutôt J;,sy rr, le louédu dieu Râ.

Aux pieds de la pyramide de Snéfrou à Meidoum,Mariette a trouvé deux magnifiques statues de contem­porains de Khéops. Elles sont de calcaire peint et leursyeux incrustés contribuent à leur donner une extraordinaire

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expression de vie; c'est le prince ~~ rr J;,tp Râ-hetepet la princesse ~ ~ ntr. t. On peut traduire : Le dieu Râest satisfait et la belle.

Le grand prêtre .de Ptah ~ * rr ntr a un nom quisignifie Râ est beau et il nous est connu par deux très bellesstatues provenant de Saqqarah et conservées, comme lespièces précédentes, au musée du Carre.

Panni les tombes les plus fameuses de Saqqarah, pourla qualité et la variété de leurs reliefs dépeignant toutela vie égyptienne, on cite surtout celles de = ~ ~ ~y Ti,~.} U mrr .w(j) kJ(i) , ce qui signifie: mon ka (oudouble, ou génie protecteur?) m'aime, Mererouka avaitun petit nom sous lequel on le désIgne plus souvent :~ ~ mrf l'aimé (Mera). Plusieurs personnages ont lenom de ~ X~· ptJ;, J;,tp, Ptah est satisfait, et nous enconnaissons que l'on distingue par l'adjonction de ~ = }. "îdw, le jeune, ou ~ sri le petit, ou encore "'Jr' db lerouge, évidemment le roux.

La statue dite du Sheikh el beled, ou maire du village,au Musée du Caire, est en réalité celle d'un grand prêtrede Ptah qui portait le nom de U B:: kJ(î) rpr, c'est-à-diremon double est (bien) équipé, c'est-à-dire pourvu de toutesles qualités spirituelles.

Le fameux scribe du Louvre était un gouverneur deprovince, . de descendance princière et son nom était~ t~~ u s&m kJ(î), puissant est mon double; mais sonpetit nom était plus simplement U ~ ~ kJî. Le mêmepetit nom ou sobriquet, cc celui du ka ", se retrouve d'autrepartpour un homme qui s'appelait t li~D} kJ(f) pw(n)swt, mon double c'est le roi.

Notables du Moyen Empire.

Tous ces noms appartiennent à l'Ancien Empire;passons aU Moyen Empire avec deux noms de princes dunome de la Gazelle, le r6e de la Haute Égypte. La nécropole

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de Beni Hasan est célèbre, dès les premiers jours de l'égyp­tologie, pour ses hypogées aux peintures remarquables etaux piliers polygonaux dits proto-doriques. Citons le prince~ ::~~ imn.m.lpt Amenemhat (ce qui signifie Amonest en avant), avec le surnom de ~ :: ~ ~ imny Ameny(c'est-à-dire celui d'Amon); 1() ~ ~ ou 1() ~~ !J,nm J:ttpKhnoum-hetep, c'est-à-dire : le dieu Khnoum (bélier) estsatisfait.

Notables du Nouvel Empire.

Au Nouvel Empire nous retiendrons d'abord le nom duministre de la reine Hatshepsout, l'architecte de génieauquel nous devons le temple de Deir el Bahari. Il s'appelait.l Q ~ sn-mwt, Senmout, dont les variantes ~ - Q ~~ ~ - Q ~ sn-n-mwt, c'est-à-dire le ,frère de i:mère', ,montrent que le nom signifiait l'oncle maternel. On a unparallèle féminin! :- ~ :- Q ~ sn. t nt mwt, la sœur dela mère, donc la tante maternelle.

L'épouse royale d'Aménophis IV, celle dont le buste, dé~

couvert à Tell el Amarna dans la maison du chef sculpteurThoutmès, est célèbre dans le monde entier et qui a déjàfait couler beaucoup d'encre, même pendant la guerre,s'appelait ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ nlr.t iiti, Nefertiti. On croitgénéralement que Nefertiti était une étrangère, princessedu Mitanni, aux sources de l'Oronte, venue en Égyptepour devenir reine. Suivant l'usage, son nom mitannienaurait, à son arrivée en Égypte, été changé pour un nomégyptien. On n'avait rien trouvé de plus flatteur que del'appeler ~ ~ nlr .t, la belle, ~ ~ ~ ~ ~ ii.ti, qui est venue(avec un pseudo-participe en ti).

Une des épouses de Ramsès II, souvent représentée~sur

les monuments et dont la tombe à la vallée des Reines àThèbe~st une ,d,es. plus belles de la nécropole, s'appelait~ Q ~ \\ nlr.t ~r1, la (plus) belle d'entre (elles). avecl'adjectif ~ :- iri que nous avons vu plus haut.

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'Noms propres égyptiens; leur origine.

Le professeur H. Ranke, l'auteur du plus récent diction­naire de noms propres égyptiens a dégagé, dans un travailprésenté à l'Académie d'Heidelberg (Grundsatzliches zumVerstandnis der agyptischen Personenna~en in Satzjorm,1937), les principes qui ont guidé les Égyptiens lorsqu'ilsdonnaient certains noms à leurs enfants. Il s'agit des nomsqui constituent de petites phrases. Celles-ci, dites à lanaissance de l'enfant, le marquent d'une mallière indélébileet servent à le caractériser pour toujours parmi ses contem­porains. Il siagira d'un vœu, d'une constatation sur l'étatphysiquèdu nouveau-né, d'uhe circonstance de l'accouche_ment, de la coïncidence avec une fête religieuse,' ou encored'une tessemblancede 'l'enfant avec un membre de: lafamille. Les paroles qui créent le nom sont prononcées parla mère~ ou par la sage-femme, ou encore par le père. Envoici quelques exemples: Grande est sa force, Que vienneson amour, Qu'il soit toujours ferme, Sa vué me comble,Le dieu Mentou: est à sa droite, Que Ptah le bénisse,Qu'Horus le protège, Horus ne nous a pas abandonnés, etc.

Le professeur G. Lefèbvre, rappelle à ce sujet la naissancede Gargantua : « Soudain qu'il fut né, ne cria, comme lesautres enfants : Mies, mies, mies, mais à haute voixs'escrioit : A boire, à boire, à boire! comme invitant toutle monde à boire, Le bonhomme Grandgousier, buvant etse régalant avec les autres, entendit ce cry horrible queson fils avait fait entrant en lumière de ce monde, quandil brasmoit demandant: A boire, à boire, à boire! dontil dit: QUE GRAND TU AS (suppl. le gosier). Ce que oyant lesassistans, dirent que vraiment il devait avoir par ce le nom« Gargantua », puisque telle avait esté la première parolede son père à sa naissance, à l'imitation et exemple desanciens Hébreux. A quoy fut condescendu par iceluy, etplut très ,bien à sa mère. Et, pour l'apaiser, luy donnèrent

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à boire à tirelarigot, et fut porté sus les fonts, et là baptisé,comme est la coutume des bons chrestiens » (Rabelais.Paris, Colin, 1895. Pag~ Choisies des Grands Écrivains).

Noms composés de cc serviteur » et cc frère)}.

Voici encore quelques noms, composés avec le motSr '=" bJk serviteur; Sr~ ~ X bJk-n-ptJ:t, serviteur dePtah (avec le génitif indirect ~ n qui est proprement unadjectif en y, ny, marquant la dépendance; nous dirions:celui de. L'adjectif se décline régulièrement et fait au

. masculin singulier - ny, au féminin:: nyt,; au plurielmasculin ?nyw,. au féminin:: nywt (on aura remarquéque le y n'est pas écrit).

Sr~ !. t} bJk-n- !Jnsw Bakenkhonsou est le nomd'un grand prêtre d'Amon de la XIXe dynastie, dont la<;tatue conservée au musée de Munich nous raconte tout lecurriculum vitce jusqu'au pontificat suprême. Lorsque Amé­nophis IV fera sa révolution religieuse au profit du disquesol,aire ~ ~ Un, des gens s'appelleront Sr~ ~ :: 0 bJk­n-~tn, serviteur d'Aten.

Des gens ont des noms composés avec ~ ~ sn et nous enavons vu tout à l'heure un exemple pour Senmout l'archi­tecte. On aura : .l ~J sn-snb, le frère est bien portant;~ ~:;: sn-nfr (lire sn.i-nfr), mon frère est beau; ! ~ ~ 1

sn.s-nfr, son frère (à elle) est beau; !~ rn ~ sn-ms, monfrère (sn. iJ est né; et même ~:: ~ l ~ ~ ::.... sn.f-J:tr-J:ts. t.fson frère en fait l'éloge.

Isidore et Suzanne.

Une catégorie nombreuse est fournie par les nomscomposés avec ~ P-di celui donné; par; ~ jj ~ P-di-stdonné par Isis (notre prénom Isidore) ; ~ ~ :: p-di-imn,donné par Amon, et ~ ~ == ~ p-di-imn-ipt, donné parAmon de Louqsor, ce que les Grecs transCrivent par

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7tE:n:[l.E:'I6)cp~C;, Petemenophis. La plus grande tombe thébainede la XXVIe dynastie est celle d'un prêtre de ce' nom.

Il est bon de dire que le' nom § ~ ssn est connu par. les textes et qu'if est le nom de la fleur::::~ sssn

désignant le lotus. Notre prénom Suzanne, qui a passé parl'hébreu où il désigne le lys, signifie donc, en égyptien,fleur de lotus.

Gardiner a posé la question de savoir si l'épithèted'Osiris :::- ~ ::: wn-nfr, l'être bon, transcrit oWCJ)cpp~c; parles Grecs, ne s'est pas conservé dans le nom· du saintitalien Onofrio et même dans le prénom anglais Humphrey.

Noms multiples.

Les Égyptiens avaient plusieurs termes pour désignerles noms d'individus; ils parlaient de :: -'" rn rJ, grandnom, comme le Mererouka cité plus haut, et ::~ rn nq,spetit nom, pour le diminutif Meri. Ce dernier constituantla désignation habituelle' de l'homme, on disait aussi:: ~ rn-nfr, le bon nom ou encore ::~ --..lI rn mJ r, levrai nom. Le premier nom avait ainsi un caractère desolennité et peut-être même pourrait-on lui appliquerparfois l'épithète de :::tl~~ rn st! nom secret. Celase rencontre pour la désignation d'un dieu ou d'un temple;en ce sens on dira aussi:: A ~ ~ rn spsi, nom vénérable,avec le signe de mot ~ spsi. L'expression :: C:::l~

rn wr s'applique surtout au grand nom du roi, à sa titula­turecomplète qui comprend, comme nous allons le voir,cinq noms.

Certains' Égyptiens avaient déjà trois noms, sans quenous puissions bien découvrir la raison d'être d'un troisième,à côté du grand et du petit nom. Ainsi un personnage de laVIe dynastie s'appelait ~ X~ ~ .);:' ptJ:t-nfr-ssm, la bellestatue (SSm) de Ptah (à moins qu'il faille lire nfr-ssm­ptJ:t, belle'est la conduite (?) de Ptah, ce que Ptah dirige),avec comme nom familier ~ ~ ssi, Sheshi; il reçoit en

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plus dans Son tombeau le nom de C==~) A}. f ttj­wrJl-lp ou plutôt wrJl-lp-ttj, la santé (plus littéralementl'intégrité) environne le roi Teti (dont le nom est écritdans un cartouche et se trouve placé en tête par respect).

La titulature des rois.

Le problème des titulatures royales est fort compliquéet celles-ci ont d'ailleurs subi des modifications au coursdes âges. Je me bornerai à un seul exemple, dela XVIIIe dy­nastie, car à ce moment la titulature complète a pris,depuis un certain temps déjà, tout son développementet ne subira plus de modifications jusqu'à la fin du paga­nisme sous les empereurs romains. Voici les titres et lesnoms d'Aménophis III de la XVIIIe dynastie (14°5-1370avant Jésus-Christ) :

Nom d'Horus.

1° ~~ e ~ ~ lfr-rr KI n1Jt 1Jr-m-ma .t, Horus-Râ,taureau puissant, apparaissant en tant que Vérité. Cepremier nom est inscrit dans un rectangle terminé à lapartie inférieure par un décor architectural Iffiill appelér~ sr1J et qui est un édifice royal, à mon avis la salleoù se faisait le couronnement, la salle du trône. Sur leserekh est posé le faucon du dieu Horus souvent accom­pagné du soleil Râ. L'ensemble est ce qu'on appelle lenom d'Horus du roi, que certains appellent aussi son nom

. de double (dans les débuts de l'égyptologie, on l'appelaiterronément le nom de bannière). On affirme que le nouveauroi est le successeur d'Horus, qu'il en est l'incarnationsur la terre et qu'il en occupe le trône.

Nom des deux déesses.

2° ~r~ ~}~ ~ ~ X== nbty smn hpw sgrl,t tlwjcelui (le protégé) des deux déesses, affermissant leslois, apaisant les deux terres. On aura reconnu les images

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des deux déesses Nekhabit-vautour et Ouazit-urreus de laHaute et. de la Basse-Égypte, des villes de Nekhen et deBouto, les deux vieilles capitales des temps· avant laréunion par Menès. Pour qu'il n'y ait pas de confusion,je fais remarquer que Nekhabit, la grande déesse-mère d'ElRab, est presque toujours appelée la blanche de Nekhen.On notera que la Haute Égypte passe toujours avant laBasse; c'est de Nekhen que sont partis les rois conquérantsdont Menès réalisa les projets pour la conquête du Delta.Le roi est ici présenté sous l'égide des deux déesses; il estcelui de Nekhabit et de Bouto, peut-être même identifiéavec elles. Son nom de Nebti est l'affirmation que le souve­rain maintient la rigueur des lois et qu'il impose la paixaux deux parties de son royaume.

Nom d'Horus d'or (?).

3° ~ X~ t:1~ lfr-nb I,tw s~-tjw, H()rus d'or frappantles Asiatiques. Ce titre d'Horus d'or a été souvent l'objetde savantes controverses entre les égyptologues et le problè­me n'est pas définitivement clos, peut-être parce que lesdeux explications mises en avant ont existé toutes deuxdans l'esprit des anciens qui se plaisaient à de véritablescalembours.

Horus d'or, pensent les uns; et ils peuvent invoquer untexte où Thoutmès III dit que le dieu Amon l'a modelécomme un faucon en or, et un autre où la reine Hatshepsoutse présente comme un faucon d'or fin. Les autres fontremarquer qu'à l'époque grecque les traductions disentcXVTL7tcXÀWV Ù1tépT€POÇ vainqueur de ses ennemis. En ce casl'ennemi ne peut être que Seth, le dieu de la ville d'Ombosdont le nom est R @nb .t, celle de l'or. On peut ajouterqu'il existe de multiples exemples d'amulettes avec dessignes de protection magique placés sur le signe de l'oret que certaines divinités protectrices sont représentéesdebout ou assises sur le signe de l'or, ce qui n'a de sens

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que si ce dernier évoque l'image d'un ennemi redoutable.Grammatici certant. Gardons la traduction Horus d'or,avec tou.t ce qu'elle peut présenter d'incertain, mais sansoublier que, peut-être, « le diable est là derrière» !

Nom de roide Haute et Basse Egypte.

4° f05 C~Jnswt biti r(' nb mut, roi de la Hauteet de la Basse Égypte Neb-maat-ra (littéralement : lemaître de la Vérité est Râ). Est-il bien sûr qu'il ne faille paslire Ra neb maëtt, avec une mise en évidence du nom divin:C'est Râ qui est le maître de la vérité? Nous avons pournous assurer de l'exacte lecture les transcriptions babylo­niennes : NibmUlarïla, Nimmu(a)riia, Nimmuria,NimmuJUwariia, Nîm(m)uwarïia qui viennent nousavertir de tout ce que présente d'arbitraire ou plutôt deconventionnel, notre transcription N eb~maat-ra,. certainspréfèrent Neb-maàt-re bien que le babylonien présentedàns chaque cas le a final.

Cartouche.

Le nom est écrit dans un enroulement elliptique terminépar une barre verticale, que l'on appelle cartouche. Le mot1. Q Sn veut dire entourer, encercler et on a voulu voirdans le cartouche le symbole du pouvoir royal sur tout

, ce qu'encercle le soleil dans sa course. Pourquoi ne pass'appuyer sur le mot =Q sn qui désigne l'anneau d'orque le roi reçoit au couronnement et qui porte gravé surson chaton le nom qui scellera tous les documents dumaître? Quand Pharaon reconnaît la sagesse de Joseph,il lui dit: « C'est toi qui gouverneras ma maison, et toutm.on peuple obéira à ta bouche; par le trône seulement jeserai plus grand que toi. n Et Pharaon dit à Joseph: « Voicique je t'établis sur tout le pays d'Égypte n. Et Pharaonôta son anneau de sa main et le mit à la main de Joseph...etc. (Genèse XLI).

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Ce qui était gravé sur le plat du chaton est écrit àl'intérieur de la boucle que l'on étire autant qu'il le faut;de même qu'on le fait pour le signe du château Q/;.tlorsqu'on veut y inscrire le nom propre de ce dernier.

Nom dé fils du soleil.

5° ~C ~=d..r1 ) SI r('.imn-/;tp /;lp WIS.t fils dusoleil Amenhotep roi de Thèbes. Fils du soleil, c'est le titrequi précède toujours le second cartouche, le cartouche-nom(l'autre est le cartouche-prénom). Depuis la Ve dynastieles rois sont présentés comme les fils du dieu soleil Râ.Nous désignons d'ordinaire les pharaons par ce derniernom qui est celui.que le jeune prince avait reçu en naissant,tandis que le précédent, celui de roi de la Haute et deBasse Égypte, ne lui a été conféré qu'au moment de soncouronnement. C'est d'ailleurs alors qu'était établi le grandnom que les bas-reliefs des temples nous montrent écrit,pour la première fois, de la main des dieux. L'épithète cc roide Thèbes» ajouté au nom Amenhotep semble. indiquer quele couronnement a eu lieu à Thèbes. Tout-Ankh-Amons'appelle ~ :: "" } "" l twt- (n!J-imn avec l'adjonction dei 9+Mu iwn(w) sm(', roi de l'Héliopolis du Sud, c'est­à-dire d'Hermonthis, où aurait eu . lieu le couronnement.Tout-Ankh-Amon pourrait bien signifier la statue, l'imagevivante ~'Amon,du mot "" } "" ] twt, statue (mais certainscherchent à le contester).

Il reste à dire enfin que lorsqu'on parle du roi on ditvolontiers, comme on l'a vu, ~ ~ /;m,f, Sa Majesté, ou::. pr ('l, la grande maison, plus souvent ;: la doublegrande maison. Cette dernière expression signifie le palaiset ce n'est qu'à partir de la XIXe dynastie. qu'on s'en sertpour désigner la personne royale. C'est de~ pr; (1 que vientle Pharaon de la Bible et des modernes. On a. dit de mêmela Sublime Porte pour désigner le sultan à Constantinople.

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Un dernier mot sur ce sujet. Le protocole royal est le plussouvent terminé par les mots &-9- ~ ~ ~ rdi rn!J mi rr fjt(puisse-t-il être) doué de vie comme le soleil éternellement.

Un prince sportif.

,On aimera sans doute à trouver ici les noms des rois'les plus connus de l'histoire, mais avant d'en aborderl'examen nous allons lire ensemble quelques phrasesempruntées à des textes qui décrivent les exploits d'unjeune prince sportif, celui qui fut le pharaon Aménophis IIde la XVIIIe dynastie (1450-1425?). Voici d'abord quel­ques citations de la grande stèle trouvée en 1937 près dugrand sphinx de Gizeh (Annales du Service des Antiquités,t. XXXVII).

~ r '" ~ =>~ ~ ~ Ji.~ iSt ir m inpw, Or donc (commeil était) un jeune homme. ~ r'" et ~ => sont des particules,non enclitiques, de mise en évidence et qui, dans un récit,annoncent une situation en vue d'événements à venir.Inpwest une expression pour « jeune prince» et nous donnele sens du nom du dieu Anubis; la préposition m a des sensmultiples, entre autres celui de « comme, en qualité de J).

:;; '6.. rr~ '" h ~mr. f ssm .t./, il aimait ses chevaux.l-ll r::: ~ ~ r !Jr./ im.s il se réjouissait d'eux. m

s'écrit im devant les suffixes; ici le suffixe s, 3e per­sonne féminin singulier est employé comme neutre ainsique je l'ai dit, au lieu de sn.

=>}~ 70 Ji. r~ 3 r'" rwd-ib pw !Jr bJk-st, ilmettait tout son cœur à leur rendement. rwd-ib veut dire

. « ferme de cœur, tenace )J, suivi du démonstratif D} pw, iciemployé comme un équivalent du suffixe de la 3e personne il(notre expression: C'est, c'était). r !Jr préposition construiteavec l'infinitif ~ ~ blk, travailler (voir bJk, serviteur)et enfin r'" st employé pour la 3e personne du plurielcomme complément direct de l'infinitif (GARDINER, Gram-

'.

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maire, p. 300). Quelque chose comme: il était ferme decœur à faire travailler eux.

@ 7=l ~ Vo-- .h => ~ 91 l '&1 hr m-ht rdJ'-m-hr n SI<::> ~ e 0. L-JJ~ __ -r :tt:- .., "" .

nswt,donc, à la suite de cela, on proposa au fils du roi..:.. !Jr est une particule non enclitique écrite ici, commesouvent, avec le signe 7=l l'ennemi tombé, qui se dit !Jrw;~:: JI m-!Jt est une préposition composée signifiant :< après»avec les jambes qui marquent le mouvement; rdJ-m-!Jr,mettre à la face, veut dire « charger d'une mission ».

::~ ..:~ rr~ !hl ~ l Ji. ,::: +~ ir mky m ssm. t i!Jwn nswt, de prendre soin d'un attelage de l'écurie royale.= ---lI '" mkt (le -n n'a pas ici sa valeur de r, il est une

ç:::» c"'= , kconfusion avec L-Jl se lisant parfois mi et enfin m) ; w m .tveut dire ( prendre soin de» (remarquerle t qui s'est amui).

r~~h :: g:: s!Jpr.n./ ssm.t nn mit. t sn, il en fitdes chevaux qui n'avaient pas leurs pareils. s!Jpr est lecausatif de !Jpr, devenir; le mot ssmt est écrit seulementpar son signe de mot (ou déterminatif) ; nn est la négation,et le suffixe r :71 sn est simplement écrit sn avec confusionde s et S et sans le signe du pluriel.~ :: Ai :::~ 11:, el 1'7;~ ~ nn wrd.n.sn !Jft ~/.f

!Jnr, ils étaient infatigables, aussi longtemps qu'il tenaitles rênes. Littéralement : ne pas ils étaient fatigués;!Jft devrait être écrit ~ -- '" mais pour raisons de calligra­phie qui seront expliquées plus tard, on intervertit l'ordredes signes pour former un carré ou quadrat régulier;11:, ~I a comme complément ~ le doigt, sans qu'onendevine la raison et ensuite le bras armé qui exprime la forceet signifie tenir,. on a écrit l !fI :71 n (w) ~ rw et j'aitranscrit!Jnr. Nous avons là un exemple de ce qu'on appellel'écriture syllabique qui apparaît dès le Moyen-Empire;elle est surtout fréquente au Nouve! pour la transcriptionde mots empruntés à l'Asie et dans lesquels on semble avoirtenté un essai de rendre la vocalisation. En général on netient compte que de la première consonne, et on lit comme

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s'il y avait ~ !Jnr,. le déterminatif ~, la peau, indiquequ'il s'agit d'un objet en cuir, d'où la traduction « les rênes »,

Je reprends la traduction que j'emprunte à la plusrécente version, celle d'Alexandre Varille (1942) : « Or,comme il était jeune prince, il aimait 'les chevaux; il seréjouissait d'eux; il mettait tout son cœur à leur rende­ment... Donc, à la suite de cela, on proposa au fils du roide prendre soin d'un attelage de l'écurie royale... Il en fitdes chevaux qui n'avaient pas leurs pareils, ils étaientinfatigables, aussi longtemps qu'il tenait les rênes. » Letexte continue: « Ils n'entraient pas en transpiration dansune longue course. Il attelait à Memphis dans le palais etil s'arrêtait au reposoir d'Harmakhis )J, c'est-à-dire augrand sphinx de Gizeh auprès duquel la stèle fut consacrée.

Exploits guerriers.

Le roi ne démentit pas les exploits du jeune prince et uneautre stèle, découverte tout récemment à Memphis (Annalesdu Service des Antiquités, t. XLII) raconte les hauts faitsdu pharaon au cours de ses campagnes en Asie. Retenons-enun passage : Aménophis II est arrivé devant la forteressede Kadesh sur l'Oronte et pour donner une idée de sa forceet de son adresse il donne une véritable exhibition de sontalent de tireur d'arc.

~ ~ ~ ~ '6.. r "if : <:> XJ } ~ ~ '8- ~ J )~~=wn-in-lJm.f lJr stî.t r lJbw sn n lJmt m ~mJ m bJlJ-snfut Sa Majesté à tirer de l'arc sur deux cibles en cuivrefaçonné, devant ceux-ci (les princes et leurs enfants quiviennent de faire le serment de fidélité). wn-in-lJm.f lJr estune de ces constructions analytiques signalées plus haut,avec l'infinitif sti qui veut dire « tirer de l'arc », avec l'hiéro­glyphe de la peau traversée d'une flèche, et li écrit tt,.~.J )m ~mJ est une expression qui s'emploie pour lesmétaux qui ne se trouvent pas à l'état natif mais doivent

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être travaillés, façonnés ~mJ" m bJlJ sn, devant eux :nous disons « devant leur nez », là où l'Égyptien a recours àune image· beaucoup plus réaliste et trop crue pour êtretraduite littéralement.

Et après avoir fait preuve de son habileté, le roi se rendà la forêt sur la montagne et il abat en quantités illimitéesdes antilopes, des juments, des lièvres et des ânes que l'onqualifie de !Jmw, ignorants, ce qui signifie, sans doute, lecontraire de dressés, des ânes sauvages.

Rois d'Ancien Empire.

Nous allons maintenant passer en revue les noms dequelques-uns des rois les plus célèbres, depuis la Ire dynastiejusqu'aux Romains. Je me dispense d'inscrire leurs nomsdans les cartouches dont l'usage ne se généralise d'ailleursqu'à partir de la IVe dynastie.

=: ~ mni est Menès avec lequel les Égyptiens fontcommencer leur histoire; il est le réunisseur des deux terres.

V ::: g.sr, Djeser, est le roi de la Ille dynastie dont lerègn~ fut une époque de splendeur qui justifie l'expression:le siècle de Djeser. Les admirables temples qui entourentla pyramide à degrés de Saqqarah sont l'œuvre du fameux~ ~ ~ Imhotep.

~ ~:::} snfrw(i) est le nom du roi Snéfrou, construc­teur de la pyramide de Meidoum et de celle de Dahchour­nord; le sens est, avec élision du nom d'un dieu: X ... m'afait beau. Son fils que nous appelons, avec les Grecs,Khéops, portait le nom de ~ 11l @ } --} !J,nmw-1Jwf­w (j), le dieu Khnoum me protège, ou plus souvent @ }

'6.. } 1JwIw. Voici 0:::" !J r .I-r r Khéfren; 0~ u~ mn­kJw-rr Mycérinus; 0 ut.} sllJw-rr Sahura; ~ 1~'<::> ni­wsr-rr Neouserre; ~ ~ ~ wniS Ounas; les trois derniersde la Ve dynastie. Puis, ~ ~ tti et les B~ ~ ppy, Teti etPepi, de la VIe.

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Rois du Moyen Empire.

Au Moyen Empire, il faut retenir les noms des ~}~mn~w-!Jtp, Mentouhotep; ~ E5~ -i') imn-m-!JJt Ame­nemhat que nous connaissons déjà; les 1r:- =wsr.t-s-nqu'il faut lire s-n-w sr. t. Les anciens ouvrages appellentces derniers Ousertesen ou Ousirtasen; maintenant on saitqu'il faut lire ;i s(J) ~ n 1r:- uJsr .t, l'homme de ladéesse Ouseret.

Rois du Nouvel Empire.

Au Nouvel Empire, apprenons à connaître les --. mi r!J-ms Ahmès ou Amosis; ~=~ imn-!Jtp Amenhetepou Amenhotep, que les Grecs ont transcrit A{J-€v<ù6Yjc;(l'Aménophis est une confusion (due à Manéthon) avec~=~ ~ ta imn-ip.t que nous avons rencontré plus haut) ;'Jr m~ q,!Jwti-ms, Thoutmès (né de Thot); ~ji ,7,!JJ·t­sps. w.t Hatshepsout (qui est en tête des vénérables);~~ '3V lJr-m-!Jb Horemheb; CV mr r ou CV mrt} rr-ms-sou rr-ms-sw, Râ l'a engendré, et ~ q~ ou 'hl Qq stby,Sethi, l'homme de Seth, le Sethien.

Rois de la Basse Epoque.

Les ~~ ~ sJsm/J (lire ssn/J) Sheshonq et f\ Ô ~ ~WJ sJirkn (lire wsirkn Osorkon, sont rois de la XXIIe dy~

nastie ; o5f q~ p- rn!Jy Piankhy et ~~ tlhrw/J (lire thrMTaharqa sont rois de la XXVe dynastie, l'éthiopienne.A la XXVle notons surtout les 0 r~~ psm~k Psamé­tique et 0 î '0' wll:t-ib-r r l'Apriès des Grecs.

La XXVIIe dynastie est formée des rois perses conqué­rants de l'Égypte et dont les noms transcrits en hiéroglyphesont recours à cette écriture syllabique mentionnée tout àl'heure: El'~ qq~~ !JsJyrwsJ n'est autre que Xerxès;c::::> q~ ~~, trywsJ ou ~ ~ q} lû~ ~rwywhsJ (av.:ecun h qui correspond au persan) est le nom de Darius;~ :: e ~~ nwtJ!JsJSI est Artaxerxès.

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A la XXXe dynastie deux rois s'appellent Nectanébo engrec et ils correspondent à =2S ~W nbt-lJr-!Jbi. tpuissant est l'Horus de la ville de Hebit (Behbet el Hagar,Iseum dans le Delta) et à~~ nbt-nb-f, puissant est sonmaître, dont .on n'a pu encore déterminer l'ordre avecsûreté.

Alexandre, les Ptolémées, les Empereurs romains.

Nous passons ensuite à la conquête d'Alexandre, dontles hiéroglyphes transcrivent le nom de diverses façons :

~~=:g nwksndrs ou ~~ r ~ :: :: Jrwksindrspar exemple, où l'on voit un ~ et un ~ jouer le rôle delettres a. On reconnaîtra dans ~}~ q ~ rpdwrwmys,; f\ ~ q~ r ptwlrwmys; q~ :: ~ ~ irwsirnJt; ~ oh

Irwsn; t::: ",m", blrwnirgt; 1,. ~ f\ ~ ~ ~ /Jrwlwl­pdrlt ,'1,. qf\ ~ ~ ~ /JrwiwJpdnt, les Ptolémées, Arsinoé,Bérénices et Cléopatres. On transcrira en hiéroglyphes lestitres des empereurs romains : Autocrator et Cresar~~ ~~, Iwtwkrdr; 1:~~ oh Jwdwgrdwrw,' c:>' ~ q~:: kyslwrs; il ~ qq~ /Jlysrs, etc.

Contentons-nous de quelques noms d'empereurs romains,assez pour montrer, ce que j'ai dit déjà, que les Égyptiensne se servent pas seulement de signes alphabétiques pourtranscrire lettre par lettre les noms latins : Tibère :~ ~ q~ c::::> q~ r tybnys " '" J oh ~ q- tbrwys; Domitien :~:: - ~ fti, :: ~ qq- "'a (avec ~ pour t et "'a pour s) ;

. Antonin (Caraèalla) : ~ qq§ rntmynws ~~ 'r;/ 'r;/ ­rnwtJnns " etc.

Le nom d'Aménophis IV-Akhenaten.

J'ai laissé de côté, jusqu'à présent, le nom d'Amé­nophis IV, celui qu'on appelle le pharaon hérétique. Filsd'Aménophis III, il monta sur le trône à un âge qu'on n'a

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?u encore déterminer et" on inscrit son nom,. 4=~~mn-/:ttp dans le second cartouche, en y àjoutant 1i 1'n~r /:t1p wIst,le dieu roi de Thèbes. Mais vers l'an IV durègne, les prêtres d'Amon firent entendre des paroles quidéplurent au roi au point qu'il décida de créer une nouvellecapitale, à mi....chemin entre Thèbes et Memphis, dans unevaste plaine que nous appelons Tell el Amarna. Dès lorsle dieu Amon fut l'objet d'une persécution en règle et l'onse mit à effacer son nom de tous les monuments. Commentcontinuer à s'appeler imn-/:ttp, satisfaction d'Amon? Leroi prit un nouveau' nom, celui de4 %' ~ e itn-/~n, lireh

' ~ .11"'_ ~j~ -n-~tn. Le signe .)lb représente l'ibis comata,un oiseauau plumage bEillant, d'où l'idée fondamentale de Il brillant»et d'Il éclàt)} que l'on attribu~ à bien des choses, par exempleà une partie de la personnaiité humaine, aux morts bien­heureux dans l'autre monde, etc~ On a lu autrefois le signe~w, puis i~w, i/~W, I~W et ces changements de lectureont amené à des transcriptions diverses du nom du roi :Khouenaten, Khounaten, Akhenaten, Ikhenaten, Ikhoue­naten, etc. Cest évidemment de nature à déconcerter leslecteurs qui ne sont pas du métier.

4~ Un, signifiant disque solaire, est le nom du dieudont le roi a substitué le .culte à celui de presque tous lesdieux traditionnels. On a alors interprété le nom parGloire du disque solaire, ou Splendeur du disque; on tendà se rallier à l'explication que j'en ai proposée il y a plusde vingt ans: Servireur du disque. Nous avons vu plushaut le nom de ~ ~4 :: 0 blk-n-îtn qui a exactementle même sens à première vue. Mais le roi pouvait-il sedésigner par un terme si peu élevé alors qu'il pouvaitexprimer la même idée, en s'inspirant d'une formule quel'on trouve dans les biographies laudatives de grands~son~ages? O~ trouve en effet ~~ =" i 4~ ~.~.~

1 -- ~nk blk ~~r J~ n nb.f, Moi (je suis) un serviteurparfait, utile à son maître. Voilà le sens que le roi a voulu

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donner às~>n nom rénové: L'utile, le brillant serviteurdu disque..

Transcriptions modernes de noms royaux.

Si j'ai insisté sur le cas d'Aménophis IV,.Akhenaten,c'est pour indiquer d'où proviennent les divergences quel'on constate dans la manière dont les auteurs transcriventles noms des rois d'Égypte. Il serait bien désirable quel'on s'entende pour unifier les variantes; mais cela paraîtune chose irréalisable et que les progrès mêmes de la sciencephilologique exigent de tenir en suspens. Il y a des nomsdevenus en quelque sorte traditionnels et qui en françaisse trouvent dans les dictionnaires, bien qu'avec des va­riantes: les uns écrivent Chéops, les. autres Khéops.Souvent ce sont les transcriptions grecques ou latines quise sont imposées, comme lorsque nous parlons des Thoutmèset des Ramsès. '

Les Thoutmès.

A la XVIIIe dynastie il y a eu quatre rois qui, à leurnaissance, avaient reçu le nom de 'Jr m~ g,/:twti-ms, né du dieuThot; nous les distinguons par des numéros: Thoutmès l,Thoutmès II, etc. A leur couronnement ils avaient reçuun nom qui diffère pour' chacun : Thoutmès 1 0 ~ ~ U('J-~pr-kl-r(', grand de dèvenir (de forme, <fapparence) estle double de Râ; Thoutmès II 0!$ - ('I-~pr-n-y(', grandest le devenir qui appartient à Râ;. Thoutmès III 0 1:5 $mn-~pr-~ (', stable est le devenir de Râ ; Thoutmès IV J§ $ ! 'mn~~r.w-r (', stables sont les devenirs (pluriel marqué par :d'où la désinence W dans la transcription) de Râ. Ce son~donc tous des noms composés avec l'idée des « devenirs» oudes manières d'être ou de· se manifester du dieu soleil.Lorsque nous transcrivons ces noms d'une manière lisible.. ,nous mettons des e muets pour en faciliter la prononciation,et nous disons pour Thoutmès III men-kheper-ra; mais

5

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,.

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sans perdre de vue que ce n'est qu'un pis-aller: LesBabyloniens nous ont appris les prononciations entenduesà l'époque: Manal!piria et Mana!JPiia que l'on retrouveà peine dans les transcriptions grecques Mtaepp'Y)<; etMtaepplXyltou6w<;,u<;" la dernière ayant combiné le. prénomet le nom en ùn seul mot. J'ai dit plus haut que c'était àtort qu'on appelait un signe comme El mn un syllabique.On voit ici par manal! que le signe appartient en fait à deuxsyllabes distinctes, à notre façon de diviser tout au moins.

L'année égyptienne.

L'année égyptienne s'appelait f 7 rnp.t et elle étaitlunaire avant de devenir solaire, puisque les mois se disent'*' ibd avec le croissant lunaire et l'étoile. Cette ànnée"""'" .lunaire de 360 jburs, restée en usage dans le service destemples, se divisait en trois saisons de quatre mois chacune.La première ~ Il!.t est la période de l'inondation; laseconde ~ ~ pr.t est la saison de la culture et des récoltes;la troisième =:: 0 smw est la période sans eau, la périodede sécheresse et de stérilité. Les quatre mois de chaque

. d' . t - - - - L 1saIson se eSIgnen par l' 1 1 ' 1 1 l' 1 1 1 l' . orsque esÉgyptiens adoptèrent, à côté de l'année lunaire, une annéesolaire, ils la complétèrent par cinq jours que nous appelonsavec les Grecs épagomènes et qui sont les f c>::: .:. }5 l}ryw rnpt, les cinq ajoutés à l'année. .

Jour et heures.

Les jours étaient divisés en 24 heures ~ ~ * 0 wnw.tdont 12 pour la nuit et 12 pour le jour. Manifestement, ellesavaient été déterminées d'abord, pour les heures de nuit,par la position des étoiles, d'où l'étoile pour 'écrire heure.Les Égyptiens avaient des appareils pour relever la positiondes étoiles et ils établissaient des tables horaires que l'ontrouve notamment au plafond de certaines tombes royales.

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Pendant le jour, on déterminait l'heure d'après la longueurdes ombres sur des réglettes appropriées. Suivant lespériodes de l'année, les heures s'allongeaient ou diminuaient,le jour étant compté du lever au coucher du soleil, la nuit,de son coucher au lever du matin suivant. Les étoiles, quipermettaient de déterminer les heures de nuit, avaient étéchoisies de bonne heure parmi les constellations qui appa­raissent successivement à l'équateur céleste au cours del'année. Il y avait 36 astres qùi présidaient chacun à dixnuits et les Grecs leur ont donné le nom de décans. Leurcycle se renouvelle après 360 jours. Le cercle équatorialétait donc divisé en 360 degrés.1 Mais mon dessein étant de lire les hiéroglyphes, je megarderai bien de faire pénétrer plus avant mes lecteurs dansles arcanes compliqués de la màthématique céleste, pourlaquelle les Égyptiens nous ont laiS$é des documents fbrtprécieux, particulièrement un papyrus de Copenhague (voirChronique d'Egypte, nO 32, juillet 1941).

Dates égyptiennes.

Il importe cependant que j'explique la manière particu­lière dont les années étaient désignées, car lorsqu'on dateun document, on commence par l'expression f~, tardive­ment écrit f ~ et qu'il convient de lire JJI.t sp et nonrnp.t année. Le signe @ confondu plus tard avec 0 est lemot sp que nous avons rencontré déjà et qui veut dire« fois ». Les textes de l'époque saïte donnent la variante~h l}J.t SI b (SI b écrit pour sP). Voyons en résumécomment cela s'explique.

A l'époque des premières dynasties, chaque année derègne d'un roi était désignée, dans les annales, par un ouplusieurs événements qui l'avaient marquée. On disait:l'année où l'on a vaincu les Asiatiques, ou les Bédouins duSinaï, l'année où l'on avait inauguré tel temple de teldieu, où l'on avait façonné telle image divine ou royale.

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Bientôt on marque dans les annales l'année où s'était faitle recensement pour r~pôt et ron dit f I~ ";;,~ /;J.t spz ~nwt, commencement du temps duze recensement dubétail, ou des champs et de l'or. Cette opération fiscaleavait li~u d'abord de deux en de,ux ans, puis, ,comme on lefaisait tous lesans,à partir dela VIe dynastie, l'expression1}J.t sp devint synonyme d'année dans l'expression des,dates.,

Chiffres.

Voici à présent un peu' d'arithmétique. Les unitéss'écrivent par des traits f que 'l'on écrit aussi hbrizontale­ment lorsqu'il s'agit des jours du mois; les dizaines sontmarquées par n, les centaines pa.r i:?, lés mille par !. lesdizaines de mille par ~; les centaines de mille par ~,

le million par ift1.Dix se lit m(]~ cent SI.t, mille !JI, dix mille(]br, cent mille!zjnetun'million Mt. '

On exprime les fractions en faisant précéder le chiffre de r,par exemple ::; ~~~-f 7 ,.':360 n rnp. t, la trois cent­soixantième partie de l'année, c'es,t-à-d,ire le jOl-lr; ~ gsveut dire la moitié et on" écrit <;T> pour ~ et très rare-', , 3

ment 'if pour 1... En général les :Égyptiens n'éèriveht quei 4

des fractions ayant l'unité pour numérateur, ce qui lesa obligés à des combinaisons comme l,III = II~I ~ 1,1 l"

5 ,"I I Ipour 5 - exprimés par 5 + - + -'- + -.

, ,7 z 7 I4

Mesures.

, ]ene, veux pas entrer dans la métrologie, sinon pour direque la c,oudée ,de 0,5I m. se dit :J ml; et que la principalemes1ITe pour les liquides ou les céréales est le ~ o). Il hnwou ~. Il hn qui mesurait 0.45 litre. Comme poids on seservait <:lu== dbn qui représentait une certaine quantitéd'or, variable suivant les époques, mais que l'on fixe

'j

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approximativement à gI grammes, et dont le 1~ ~dt kitereprésentait le dixième.

Disposition des signes.

J'ai déjà touché à bien des points et je suppose que lelecteur commence à sefa.miliariser avec l'aspect des hiéro­glyphes, saris se laisser trop décontenaricer par le systèmerevêche des transcriptions destinées à en faciliter la lecture~

Il paraît' bien qu!à une date très ancienne,les hiér~~

glyphes s'écrivaient en colonnes verticales et de droite à'gauche. Cependant, pour des raisons de symétrie décorativesurtout, on se mit à écrire de gauche à droite, en colonnesverticales ou horizontales. C'est pour nous conformer fi.l'usage des écritures européennes que nous écrivons le plussouvent de gauche à droite. Dans l'écriture cursive, quine 'donne que les traits sommaires des images hiérogly~

phiques, ce qU'bn appelle l'hiératique, le sens est tou­jours de droite à gauche. Un simple coup d'œil sur uneinscrip~ion hiéroglyphique permet de reconnaître dans quelsens il faut la lire: les figures d'hommes, ou d'animaux, etc.,marchent vers le commencement d,u texte. Il est vrai quecertains textes religieux doivent être parfois lus dans unordre rétrograde des colonnes, mais ceci est une bizarreriede scribes dont la ,vraie raison semble n'avoir jamais étéreconnue. Il arrive aussi qu'on ait recours à ce procédélorsqu'on veut rapporter directement un texte à une grandefigure qui est censée parler. Il va de soi que le contexte netarde pas à montrer dans quel sens se déroule le discours.

Notions de calligraphie.

Les signes, dans les inscriptions soignées, sont exécutésavec une perfection qui fait de chaql11 d'euxWl' véritabletableau. Il existe des hiéroglyphes d'oiseaux qui pourraientpasser pour desillustratiohs d'un tràité d'ornithologie. Unebonne inscription frappe immédiatement par son caractère

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de régularité; tous les signes sont bien alignés et peuvents'inscrire dans des carrés réguliers qu'on appelle quadratsou cadrats. Certains hiéroglyphes sont eux-mêmes carréset occupent tout le quadrat, comme ~,~, ~ (!Jnt) ,'.P, 6}, 1iJ\, lJHl,~, etc.; d'autres n'occupent qu'un demi­quadrat en hauteur ~, i, "*'!' l ou en largeur c!:.,.,.,.,., -=,=, -; d'autres enfin n'occupent qu'un quart de qua­drat : Q, 0, LI, e, e, 0, etc. Dans leur disposition groupéeon s'efforce de rétablir les carrés ;;o,::,::',:;:,~.

J'ai déjà dit que l'on pratiquait des métathèses :~ pour? Mt -' on met devant les figures d'oise<;lux de petits signesqui, régulièrement, devraient les suivre, et on écrit Q} pour}. Q, Q~ pour ~ Q; on chbisira les compléments phoné­tiques et on écrira *:::: plutôt que - *:::: ou t~ plutôtque ~ t @ ~; on laissera même tomber des lettresradi­cales au milieu d'un mot écrit alphabétiquement comme:: :ft ~! rt au lieu de c:::> ~ =:ft ~! rmt.

Pour avoir écrit d'àbord ie mot champ IlJ avec un petit l, inséré devant le ~, on finitpar créer en quelque sorteun mot l ~.; lJlt. On écrit l ~ :;:: lJms pour crocodilealors qu'il faudrait ~ - l --- mslJ devenu, depuis leMoyen Empire, ~ ~.l --- mslt. Par contre il y a des motsoù se rencontrent des lettres en trop, là où une articulationest en train de se transformer en une autre; 011 écrit les deuxet bien certainement on n'en prononçait qu'une :~ f .lfà,

ptr, voir, écrit ~H4J:>. ptri et l'interjection ~H4J:>.

ptri, vois!; l'interrogatif ~ f ~ ptr, qui? quoi? écrit",0\\ f pti, tout en gardant le syllabique f tr.On écrit~~ swr, boire, ~ ~ ~ swri qui dès l~ Moyen Empireest swi et qui en copte est co ou cou.

Mutilations et suppression de signes.

Pierre Lacaua le premier démontré systématiquementtoutes les mutilations et modifications que subissaient des

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hiéroglyphes, non plus pour des raisons de phonétiquemais par crainte magique. «( Parmi tous les hiéroglyphes,dit-il, beaucoup représentent des êtres ou des objets dontl'action propre peut être dangereuse. De sorte qu'enécrivant un texte qUelconque les scribes sont souventobligés d'utiliser des éléments graphiques qui pris indivi­duellement peuvent devenir funestes dans certainesconditions. Le moyen, le plus simple pour supprimer ledanger, c'est de sectionner les animaux dangereux, de leurenlever la tête: on tue le signe dangereux en le mutilant. J)

(Zeitschrijt für dgyptische Sprache, t. LI, 1913.) On rem­placera certains signes, par exemple celui de l'ennemi mort~ qui détermine ~ Q mi mourir, ou t: MtY ennemi,par un trait, " ou par un petit cercle 0 ; on recourra parfoisau même expédient du signe 'pour des hiéroglyphesd'un dessin compliqué - Q , sntt base pour - Q (ô) JI

,-.... Q ~ ',--. 0 ~ ~.

Modifications des radicaux.

A regarder les paradigmes des grammaires, on s'aperceVraque les radicaux de certains verbes subissent des modifi­cations de nature à troubler le lecteur. On dira LI J ~ ~ IJ,b.fou LI J J ~ -lJ,bb.f .. :;; - mr .j,' ou :;; ~ ~ mri.j, ou~~6 imr.j, ou encore:;;:: mrr.j .. ~=l- smn.jou ~ =l ~ smnn.j,. ~~ ml ou:;}:. ~ ~ mil. Toutesces modifications marquent des nuances particulières dansles verbes appartenant à certaines catégories queles gram­mairiens appellent secundce geminatce, terlice geminatce,tertice infirmœ, etc., et qui gardent ,dans l'écriture leslettres .redoublées ou faibles lorsqu'elles sont séparées dansle langage par une voyelle" accentuée, ou même voient laconsonne faible subir des altérations, par exemple s'assimilerà la lettre précédente; d'où pour mri les orthographes mr,mrr,et même avec ce qu'on appelle l'alef prothétique: imr,

C'est.pouITait~on dire, l'équivalent de nos formes

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écrites du verbe aimer qui prend l'aspect de aimait, aima,aimera, aimant, aimé; pour autant que' Fon puisse comparerdes langues aussi essentiellement différentes.

Séparation des mots, fin de phrases ou de chapitres..

Nulle part, dans les textes hiéroglyphiques, on ne marqueni la séparation des mots, ni la fin des phrases et souvent

. cela met les égyptologues devant de réelles difficultés.Dans l'écriture cursive; l'hiératique, lorsqu'il s'agit detextes poétiques, on trouve, à partit de la XVIIIe dynastie,des points rouges qui marquent la fin des vers ou desparties de phrases énoncées d'une traite. Le même usageest fait du signe --JI (marquant la pause) qui se voit excep­tionnellement· dans des textes en hiéroglyphes.

Les chapitres d'un livre s'appellent des châteaux Id ~ l;.tet c'est pourquoi on rencontre au bas de colonnes verticalesdes Textes des Pyramides un petit carré qui est la marqueinférieure du signe Id. On emploie aussi le mot '7 rI,bouche, avec le sens de formule ou chapitre, par exemplepour désigner les diverses' prières ou instructions QU

explications qui forment ce qu'on appelle le Livre des Morts.Le titre égyptien est ~ A ~~} ~ pr. f m hrw, ce quipeut vouloir dire sortir pendant le four ou sortir du four.Les exégètes modernes de ce vaste recueil religieux n'ontjamais pu se mettre d'accord sur le sens précis de cetteexpression. Elle peut se comprendre ~ sortir de ce jourdes vivants pour passer au monde des bienheureux; oulorsqu'on est parmi leS ombres, avoir le privilège de sortirpendant le jour, sur cette terre, comme on le souhaite auxâmes bienheureuses qui sortent sous toutes les formes quileur plaisent, fleur, oiseau, serpent, etc.

Textes encadrant les figures des reliefs.

Si l'on regarde des bas-reliefs, ou des peintures, on est"bientôt surpris de voir avec quelle perfection les inscriptions

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encadrent les figures; les textes, disposés enlignes horizon­tales ou verticales sont répartis « harmonieusement ), pouroccuper tous les espaces libres, apportant le soutien en motsà l'image gravée ou peinte. C'est ici que se manifeste pleine­ment l'avantage de ces signes qui peuvent s'écrire de droiteà gauche, de gauche à droite..Du coup on pourra les disposerpar rapport aux figures. S'il s'agit d'un tableau montrantle roi, à gauche, tourné vers la droite, présentant desoffrandes à une divinité, à droite, regardant vers la gauche,les inscriptions du roi se liront de droite à gauche, cellesde la divinité de gauche à droite. Il y a mieux; si entre lesdeux figures se trouve une ligne verticale disant « il (le roi)donne du vin à Isis la mère divine, pour qu'il lui (au roi)soit fait le don de vie comme le soleil ), l'inscription parlantdu roi est écrite de droite à gauche, excepté les mots Isisla mère divine, qui vont de gauche à droite, par rapport àl'image de la déesse assise à la droite du tableau.

On remarquera souvent dans des reliefs· de' ce genre queplusieurs lignes consécutives commencent par les signesIl à lire rjd mdw, littéralement« dke les paroles ); c'estl'équivalent des guillemets qui accompagnent des citations:Ce ne sont pas des textes narratifs ou explicatifs, c'est larécitation de textes rituels.

Textes au milieu des figures.

Mais il arrive aussi que dans les représentations destombes on voit les inscriptions s'insinuer entre les imagessans cette belle régularité que je viens de souligner. Icion a voulu tirer profit au maximum de tous les espaceslibres et les mots écrits horizontalement, puis verticalement-, ou l'inverse - peuvent parfois laisser le lecteur dans'l'incertitude sur leur suite rigoureuse. Ce sont fréquemmentdes explications sommaires de' radion représentée, ladésignation' de 'la: profession d'un oUVrier,d'un sujetfiguré; de telles inscriptions ont été des plus précieuses

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poui la reconstitution progressive du dictionnaire de la lan­gue égyptienne. Nous voyons l'action et on nous dit son nom;nous reconnaissons l'outil et le texte qui en ,reproduitl'image nous donne les éléments phonétiques du mot quile désignait dans la langue parlée.

Très souvent ces inscriptions, ainsi semées parmi lesscènes figurées, nous retracent les paroles que le dessinateurmet sur les lèvres des personnages et c'est ainsi, qu'aprèsdes milliers d'années, nous surprenons des dialoguesanimés, des discours, des cris, des chants des contemporainsdes pyramides ou de ceux qui vivàient dans la Thèbes auxCent Portes. Voyons-en quelques exemples. -=-~ ~ -:: l::dit un ouvrier qui répond à un ordre, iry nt(y)-l:m r je (le)fais, camarade; -=- ~ ~ ~ ~ J * '=" iry mi sbJ.k, je (le) faisd'après ton instruction; -=- El e ~ 0 ir.i l' mnh wrt, J'e

~_ <=> \00'

(le) fais tout à fait bien; -=- Q~ X2~ iry ~st.k, je fais cequi aura ta louange. Dans des scènes de boucherie on lit :..!L ~ - ~~ ~.J) pns q,JfjJ n kJ pn wn, coupela tête de

.• '0 n Il = II~ pdce taureau, VIvement; 't '=' = l' """'" '=" '1 --li '6... '1 ~ _dS.k Ur.f i(w)f,aiguisetori couteau qu'il coupe (bien) laviande; auprès d;un boucher qui vient de détacher lecœur: ~ '=":;;. J =,,:: 'Îj~ --IJ,mk rk b[ 1'1 ib m r(i)vois, comme il saute le cœur dans ma main (avec ~ 1'1:mise en évidence du suffixe 1 se rapportant au cœur);

• ri ~.J) -:: X=~ ~ ~ ~}}~ ~ n 6 ~ 0 Œ> X j<::> :-­! r~r wn nt{i)-~nrs!Jp.k q,rww pn ~r pr q,rij.t !Jrj-~b,r

ir.t (i)!Jtdebout, vivement, camarade, apporte cette piècede côtes à la maison (à la tombe) "avant que n'arrive leprêtre ritualiste (Œ> l J !Jrj-~b veut dire: sous le rituel, celqiqui porte le rituel ~ à proprement parler il faudrait ,dire~b~l qui est le nom du rituel de la fête ~b - c'est...à-direle prêtre récitateur) pour faire les rites (ceux-ci sontdésignés par l'expression vague: choses, i!Jt écrit le plussouvent !Jt). Un des bouchers qui exécute seul une acÙon

. - ,

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qui exige de la force et de l'adr~sse éprouve le besoin dedire: Q}L1 ~ - <::>:-- ++~~ iw ~snrir.tnnwr.k(wj)wrt c'est difficile de faire cela seul tout à fait.

Chansons populaires.

C'est au milieu de telles inscriptions que l'on a recueillideux petites chansons. L'une est au-dessus d'un troupeaude chèvres que le pâtre pousse sur un champ à peine dégagéde l'inondation et {)ù' les animaux par leur piétinementenfonceront la semence dans la boue. l( Le berger est dansl'eau (il a dû passer à gué), au milieu des poissons; il parleavec le silure (ou poisson électrique) ; il échange des salutsavec lemormyre (poisson vorace à la morsure cruelle).Occident! (pays des morts). Où est le berger? C'est unberger d'Occident! » L'autre est une chanson des porteursde palanquin du maître et elle se termine par cette for:mule: ::;;: ~ ~ ==' <::>~ ~ = ~ 0 mr(w)-smb-.trwnn-ssw.t, on l'aime mieux pleine que lorsqu'elle est vide.

Avertissement au visiteur de la tombe.

Et puisque nous examinons des textes des tombes del'Ancien Empire que l'on appelle des mastabas, voici unjoli petit texte où le défunt:: Qmni s'adresse à ceux quivisitent la nécropole et qui pourraient s'y livrer à des actesde mauvais gré à l'égard du monument funéraire.~ '6...

q,d.j, il dit : l~~Q::~= ms~ir.tmmw, que lecrocodile soit contre lui dans l'eau {~ms pour msM "Xi 1111-- Q::~ ..... MJ ir.1~r tJ que le serpent soit contre

lui sur terre; ~:~ <::>~ ir.tl (i)!Jt ir nw (celui) quiferait des choses (mauvaises) contre cela (la tombe et toutce qu'elle renferme). Nous avons ici une forme ir.tl, enréalité ir.tili qui est un adjectif verbal composé ~e laracine, ici ir, et de la désinence ~, tH, ::.... tl ou ~ t~/, au

fe'mm'in 0 n" au pluriel- on - . donc : celui, celle qui fait.\\ l' , " l' 1 1 ( ,

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ceux qui font. Le mort continlie : -'-- ®.c.: ~ r~ nn spir(i)' (i)bt ir.! (alors que) pas une fois j;n~ fait dechoses contre lui; Q-l! -- in nlr wq,r.f, c'est le dieuqui jugera (avec une mise en évidence du sujet in n~r,

sujet répété par le suffixe f): .Le mort déclare donc: Que le crocodile dans l'eau, le

serpent sur la terre, soient contré celui qui fera des actes demauvais gré à l'égard de ma tombe, alors que je n'aijamais rien fait contre lui et il sera jugé par le dieu. Donc:vengeance sur cette terre et châtiment dans l'autre monde.

On aura remarqué Sans doute que ce texte laisse volon­tiers non écrites des désinences grammaticales et se contentede~, par un seul ~igne de mot au lieu de}~ ~ ou }!-.JIwq,r. Le texte écnt soutient une prononciation où le lecteursupplée, grâce au contexte, tout ce qui n'est pas exprimé.Ces orthographes sont surtout frappantes dans les textesde l'Ancien Empire.

Le défunt réclame des prières et des offrandes.,,

, Voici encore un joli petit texte de la même époque oùle défunt, au lieu de menacer,' dit les raisons qui militenten faveur de la récitation de la prière qui assurera son bien-être dans l'au-delà. (

Qi-9- } i i '11t ~} - il rnb. w tP(y).w tl 0 vivantssur terre. Q~ ou Qi est l'interjection; -9-} rnlf. w plusexactement rnb.yw est le participe imparfait actif duverbe rnlf viVre, jouant le rôle aussi bien de notre substantif(le vivant, les vivants) que de notre adjectif (vivant,vivante). On voit combien il est difficile de s'en tenir avecl'égyptien aux catégories et aux terniinologies de nosgrammaires. ~ tp représente originairement le poignarddans sa gaine et il a dû y avoir un mottp ayant cettesignification; tpy s'écrit en variante de D~\ tpy avec le sensde : chef, premier, celui qui est en tête, celui qui est sur.

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~-fl '? 7{ ~ -- 'd r;;;- ~_ s.wl.tjsn f;r is pn, qui passezdevant cette tOllJ.be ,(on a reconnu l'adjecüf verbal.duverbe ,causatif S-WI, constru~t avec !zr)..' .

.~ ifc, ~=#j n.{i) mw,jetez pour qloi de l'eau (enlibation). ..' .,b~'~ dj~ ink !zrf-sstl, moi (je suis).chef des secrets.

Voici une~emple;de ces phrases nominales dont j'ai parléplus haut. « Chef des secrets J), rious reporte au sens pre,.mier de notre mot (1 secrét.aire )J. .

~ -- ffi cci ~::'~:.:::: prn.(j) pr(t)-!frw m nttm !Jt '~n, que sorte pour inoi une offrande funéraire dé cequi est en votre posse'ssion. Ici bien des pOints doivent êtreéelairés.La forme pr-ncoinme plus haut stj:Cn' sont desoptatifs avec i sous-entendu: « que soit versé de l'eau pourmoi, que sorte pour moi )J. L'expression « sortir J) en parlantaes offrandes se rattache aunorii même du sacrifice d'offrandefunéraire qui s'appelle littéralement «une sortie de la voix ».Le prêtre récite la prière qui 'procure au mort tout ce qu'ilpeut désir~r~ en premier lieu du pain et de la bière,~ l,}~ G 1 ~ 1~.~ f} 8 pr.t brw m tlm !z# sortir à lavoix en pain et bière, d'où les déterminatifs que nous avonsici ".~ ; nU m !ft signifie littéralement « de ce qui est à lasuite de )J, ici, de ce qu'on porte à votre suite, de ce qui esten votre possession (ce qui dépend de vous).

g. ::::Q Q::: Jit ~ ink mry rm~, je suis aimé des gens.. -'- 0 El ~ ~ <:>~i'9;,~<::> ri '7 .,;;. ~ <:> nn sp {twj.tw-i m

bIll- sr nbrjr msw. t .f, pas une fois je n'ai été frappédevant tout magistrat depuis ma naissance; il n'a doncjamais été appelé comme délinquant devant un tribunalquelconque, Mais aussi, quel brave homme il était !

-- ;e 7f' ~ :: i ~ "7~ -.JI-fl ~ li nn sp i H(i) !ft rm ~nbm rWI, pas une fois je n'ai pris choses des gens quel-qu'ils soient, par violence~ .

g.=-- H :-:::'11t~ ink ir·(i) !zss.t rm~, moi j'ai faitce que louent les gens.

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Reprenons la traduction: 0 vivants qui êtes sur la terre,qui passez par cette tombe, puissiez-vous nie verser de l'eauen libation, car je suis un chef des secrets; puissiez-vousme faire offrande de ce que vous avez apporté, car je suisl'ami des humains; pas une fois depuis ma naissance; jen'ai été trainédevant les juges, jamais je n'ai pris parviolence le bien d'autrui, mais j'affait ce que tout le mondeloue.

, Biographies .laudatives.

De telles biographies laudatives où le mort lui-mêmefait son panégyrique, ont pris des développements de plusen plus pr()lixes. Voici, par exemple, ce que dit le princed'Assouan. Pepynakht· de la VIe dynastie, entre autreschoses:

~.} ~&- Q-1~ f!! 'ftiw rdy.n.(f} tJ n J:t1,lr, j'aidonné du pain à l'affamé; JJ ~ T - r~ J? ~ ~ 'ft J:tbs.n.(iJ J:tlY,· j'ai vêtu celui qui était nu. •

...... ;e ~ ~ ~=~ 0 .} :in~ nn sp wç!('.(iJ sn n snwpas une fois je n'ai séparé Un frère de ses frères. et sœurs(il faudrait 'ft ~).

~ ;;.~ = ~ .} ~ ~~ 'ft~~.:: 'ft-- m sp ssw.y SI mbrt it.f (on s'attendrait à ...... ;e nn sp, pas une fois), pasune fois je n'ai privé un fils du bien de son père.~~ ~ ~ 'ft - ::... 'ft -- ink mry n it.f, je suis un

chéri de son père, 12 - ~ ~ - ~::..- J:tsy n mwt .f, leloué de sa mère, "<l::..::.} ~ -;;. 'ft ~ __ mrr.w sn.w.f,l'aimé de ses frères et sœurs. Ce sont des thèmes laudatüsqui se répètent de tombe en tombe, avec des variantes,des suppléments qui se répandent sur les espaces dispo­nibles et dont la conclusion est toujours : Dites-moi laprière d'offrande, faites pour moi cet acte de charité,faible dédommagement pour tout ce que j'ai fait pour mescontemporains. A force de lire de telles eulogies, les scep­tiques devaient être disposés à ne pas leur prêter bien

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grande créance. Aussi en de multiples cas pouvons-nous lirenon seulement une affirmation de la véracité de ces dires,mais aussi le rappel que la prière ne coûte rien et qu'elleest bienfaisante aux morts.

Un prince d'El Kab.

Le comte Paheri, maire d'El Kab au début de laXVIIIe dynastie, vers la fin d'une inscription particu­lièrement: prolixe, écrit:

""". .,f,.. _ ,:;,.. A .,f,. ce ,:;,.. <PJ <:> R. n fi 0 ~. dd.î n.tn 'rd1·.ie::.' 1:[' 1 1 1 ~ 1['~ 1 1 1~ ~ 'i Il Jt-r!J.tn 'sd.t is pW,· je vous dis, je vous fais savoir, ce n'estqu'une leCture::: ~.}~ -- nn pr.w.f sans conséquerices(ou plutôt sans exagérations);::: ~ l~ ~ 'ft :::: ~ @~ 1D~ ~ __ nn sJ:twri nn s!Jwn im.f sans dommage (et) sanscontesta:tiori en elle (en lui); :::: ~ ~ li 0 .} l=C:>\ ~ ~ 'ftnn ('J:tl pw J:tn(' ky, sans (cela ne ( comporte) pas de)combat avec un autre;::::~ ---JI J '"~ ~::: l ~.} f!! ~~ ~ ~ '"~ nn ubt nt J:twrw mIt.!, sanS exploita­tion (?) d'un malheureux en son temps; ~ c: f!! !l~ '" ~:::~ i ~ : r mdt nç!m.tnt sç!lï J:tr, des paroles agréables dedivertissement, ...... ~ 6 ~ ~ - ~~ ~~ ~ nn sl.i nJ:tJ.t m #m.s, sans satiété de cœur à les entendre;~ - 7tJW n rI, le soufRe de la bouche (ici, la prièredemandée), ...... +~ 1D - '" .} nn wnm.n.tw, on ne lemange pas; :::: ~ e ~ P.J ::::~ = Al ~ ~-- nn s!Js nn wrdim.f, ni hâte ni fatigue en elle (en lui); ~ - l-n =-- l-Ti ~ '"nlr n.tn ir.tn st, c'est bon pour vous que vous fassiezcela (si vous le faites).

Reprenons: Je vous parle, je vous fais savoir que cen'est qu'une lecture qui ne porte pas à conséquence, quin'amène aucun dommage, aucune contestation et quin'amène aucune querelle avec autrui; elle ne vise pas àexploiter uil misérable mais ce sont bien des parolesagréables qui plaisent et que le cœur ne se fatigue pas

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d'entendre. Le souffle de la bouche (la prière) ce n'est paschose qu'on pourrait manger, cela ne vous hâtera ni vousretardera et ce serait bon pour vous que vous le fassiez.

Une bonne réputation.

Le scribe du papyrus Chester Beatty nO IV au BritishMuseum remarque : ~ ~ :: ~ ::~ .:, ~1~~ ::~ ~ :.:::)ft~ ! smwnn r.t I!J m lfrt-:-nfr rn m rI n rmfcertes c'est chose utile dans la nécropole qu'un nom, dansla bouche des humains. C'est le nom qui fait vîvre et larépétition du no~ des morts par les vivants garantit leursur"ie. D'où ces multiples invitations de réciter les prièreset <:le proclamer le nom des défunts.

"

Prière au soleil levant et au soleil couchant.

'J'ai parlé de prières; on aimera sans doute à en lirel'une ou l'autre. En voici d'abord une toute brève et toutesimple. Elle est gravée sur un petit naos du musée, deBerlin, nO 2276, du grand'prêtre de Ptah, Ptahmès, ~ lm~,

de la XIXe dynastie. Il est ~~ biti !Jtm. t (?) c'est-à­dire chancelier du roi pour la Basse Égypte, ~ ~ smprêtre de rang élevé, souvent de Ptah, et ~ f t wr !JrpI:tmw.t qui est spécifiquement le titre du grand prêtre àMemphis. On a traduit longtemps ce dernier titre cc le supé­rieur du chef de l'œuvre », mais le professeur Junker amontré que ~ wrpourrait être ici la désignation, miseen tête par respect, du Grand dieu suprême; le titresignifierait donc quelque chose comme le cc chef de l'œuvredu Grand n. Ptahmèsest aussi \1 ~ !~timi-rl !z,mw-ntrn sm r (nJ mJ;, chef des prêtres du Sud et du Nord. Lemot employé pour chef est assez curieux pour mériter uneexplication : au lieu d'écrire ~ '7 ou ~ c::> imi-rlou mr, on a fait un jeu de mot en se servant du signe \qui représente la langue et qui se lit d'ordinaire ns. La

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langue est ce qui est cc dans la bouche )l, imi-rJ. C'estun .cas curieux de ces jeux subtils auxquels se livraient lesscnbes et dont j'aurai à reparler bientôt.

Voici maintenant la prière de Ptahmès.

. '*1~ û ::: 1> j -; "-'-~ dWI.f r r Mt wbn.f m Ih.t,Il adore Ra lorsqu'il se lève dans l'horizon. ' W

a~~~=111 if,d.f!Jr.k nlr nb ntr(w), Il dit:Tu apparaIS beau (ô) maître des dieux.

~ '1; :;;,- ~nlr.w(y) iri.k n.(jJtp-tl, Comme c'estbeau c~ que tu fais pour moi sur la terre. La désinencewy s'ajoute ~ux adjectifs pour leur donner Une valeurd'exclamation. .

.::J.~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ eob ir.n.(fJ rJ;,r(j) m nlrPJ;,:~f1J'L~/!J m J;,tp, J'ai fait ma durée -de vie en beautéet Jal attemt;:~alité de mort vénérable (iml!J) en paix.

*:1 '6- Q.. "-'-"-=-- dWI.f r r Mt J;,tp.j, il adore Râ lorsqu'ilse couche. .

. ~q}=~=Ç7jo. ~d.j iW.k J;,tp.k nb(jJ rrIl dIt : tu te couches (ô) mon maître Râ.

~~~~ij~~c::::>*~ rdj.k wn.j m sms.krdwI.t~u accordes que je sois dans ta suite vers la Douat (régionInfernale de la nuit).

~ 1!~ ~ ~ ~ qq-1 ~ if,d-n.,ntr(w) ij.ti m J;,tp J;,syn nf:_ rI, que dIsent les dieux: bienvenu en paix le louédu dIeu grand.

_ Reprenoùs: Prière du matin lorsque le soleil se lève :Comme tu es beau à ton apparition, ô maître des dieux'com~e tu m'accordes tes bienfaits sur terre. j'ai passéma VIe dans la be~uté et je suis arrivé en pàix à la sépulturehonorable. - PrIère du soir lorsque le soleil se couche:Tu te.couches, ô mon maître Râ, accorde-moi d'être parritites s~lVants lorsque tu te rends au monde infernal; puissentles ~leux de ce~te région m'accueillir par ces mots : 'Soisle bIenvenu, toi qui es loué du dieu grand.

6

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Louanges d'Amon.

Voici une autre prière, plus développée et qui nous estconservée par une stèle thébaine de l'époque de Ramsès II.Elle fait partie des collections du Musée de Berlin, nO 23077.

n E5 0 C7~ 9 Ai)::li mn - t3 n 0 .JI 00 imn-1'r nb'i -. 1 ~ 1 r:r ~ IlUl 0\\ LJ 'i (:) JJ 1 1 1

nswt-tlwi nfJ' (J fJntï ip.t-Is.wt;- Amon-Ra maître deKarnak, le dieu grand, le premier de Thèbes; .'

11l :-~ ~ ~ l~ntr spsy sg,m n[t, le dieu véné­rable qui écoute la supplication;

~ ~ ~ r!} ~ i --: ~ ~ l jJJ 3i- ~ ~ ~. iiy [tr fJrw n nm[tind, venant à la voix du faible opprimé;

~:y~ !:: ID~ J ~ ~ §. didi tlw (n)nti-glby, don­.lant le souffle à celui qui est misérable (oppressé).

L.Jl ~ .<ri>..Ji 91 ~ t 1 - rd1".fnJ ir.ti.i [trmli nfr(w).fl6:-.!!f..:U>.~ oo@111 .

il m'a dOilné mes deux yeux pour voir ses beautés.

<=/}, ~~-~=~~~ it::*~}} ~ ~!~::~-- rdi il.wnimniri.i n.fdwI.w(w) [tr rn.t, Je donne deslouanges à Amon, je' fais pour lui des hymnes sur son nom;

L.Jl it :: ~ ~1 ~ !<= LJ.~ 1 ~ - ~ => } ~ gLJ 'T~ di·i n.f il.w l' ~I n p.t r wsfJ Slt(W), je lui donne deslouanges jusqu'à la hauteur du ciel, jusqu'à la largeur dela terre (du sol); .

n,."",.nn~~~~ """"- ~ ~~o1fl~#d.y(lacune)l' ~ \ 'i 'i 1W ~ Vh ':JJ1r 1 1 1 _ ~ _ \\ U"l >

bl.W.f n fJd.(ti) fJnti.ti, Je raconte... sa puissance (sesâmes) à celui qui descend le fleuve, à celui qui le remonte.

\ll ~ ~ ~ ~ ~ 171:: slwy.tn r.t, gardez-vous de lui;

]~ ~ +} - :; ~ 3i-ift:: 4~~ - :: ~ ~~! ~ ~ ~whm sw n sri srU n rl.y(w) sry.(w) , répétez~leau fils(petit) et à la fille, aux grands et aux petits;

~ ~ ~ ~I~I +} -! ~=} JJI ~~ e' 1 Stjdy sw n g,lmwsp 2, racontez-le aux générations des générations (le textedit : générations deux fois) ;

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:: J}! 1ïl nti bw bpr-sn, celles qui n'existent pas(encore) ;

~~~~~+}-=}~r~~4))=~ s~d.y sw nrm.w [tr mt(r)Y. racontez-le aux poissons sur l'eau;

- tJ~ =} ~ =0~~ n Ipd.w m tl p.t, auxoiseaux dans le ciel;

l~~+} -:!:= i +} :!+} whm sw n !pm SW rbSW, répétez-le à (celui) qui l'ignore, à qui le sait.

~ ~ ~ ~ ~~ l.:.n:: slwy.tn r.f, gardez-vous de lui.

~ 4:: j:;,{ C7 ~ - ~ ~:!ft ntk imn Pl nb n gr, toiAmon (tu es) le maître du silencieux (phrase nq,minale) ;

~ 4;.. r! } ~ !- ~ ~ t~ ~:!ft iy ltr- fJrw n nmlt,venant à la voix (à l'appel) du misérable (remarquer l'accu­mulation des déterminatifs: enfant, petit et homme) ;

4~ i it::4} it~ =~~ ir{i n.k iw4 ind.kwi(Si) j'appelle vers toi étant troublé (construction ~} avecle pseudo-participe Ire personne singulier ind.kwi) ;

~ =" ~ ~ ;.. ~ ~ ~ ~ =" } it tw-k iiï.N sd.k wi puisses­tu venir me sa~er (sd.k tu sauves wi moi) ...~nE501 Ç71(~~<::::> ~= * ntkimn-rrnbwIs.t~~_ A"SJI~~ __ 0["]

sd wnn m dWI.t, toi Amon-Ra maître de Thèbes, sauvantcelui qui est dans l'enfer (la Douat) ...

4}0}\4~~;;:~j:;,{ ~~~~==f\ ~~~~'Xiw.tw ltr irs.n.k ntk Pl iii m WJYw, lorsqu'on crie verstoi (remarquer cette construction du verbe rs appeler) tu(es) celui qui vient de loin.

Démonstratifs et articles.

On aura pu constatericombien cette langue s'estmodifiée depuis les textes plus classiques des époquesantérieures, avec ses formes verbales plus élaborées, avecses lettres quise sont assimilées les unes aux autres, maisaussi avec l'emploi de l'article défini Pl que nous n'avions

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pas rencontré jusqu'ici. Nous connaissons les, démonstratifso}, pw celui-ci, et ;: pn, avec le même sens; En réalité

• il Y a trois consonnes employées pour composer des démon­stratifs 0 p pour le masculin, '" t pour le féminin et -:- npour le pluriel commun. On aD}, "'}, ;c: o} pw, tw, ,nw .. ;:,;:, ++pn, tn, nn; ~~,::...~,::.~ PIJ, tfJ,n!J écrits avec le déterminatif :E;;3:; enfin );,{ ~,,,,, ~, ll.pJ, tJ, nJ. On les écrit au singulier, après les nomsauxquels ils se rapportent, excepté pour pJ, tl, quis'écrivent devant; les pluriels en n précèdent. En nouvelégyptien, depuis le Nouvel Empire, pJ, tJ, nJ ont prisla valeur d'articles définis et on en a fait des adjectifspossessifs par l'adjonction de ~ ~ et du suffixe );,{ ~ ~ ~

1ft pJY.i mon, );,{ ~ ~ ~=' pJy.k ton, etc. Avec ~ wrqui veut dire un, on a fait un article indéfini ~ -- ~'~

)j} 1ft wr n iJw, «).10 de vieillard «, pour II ,un vieillard ll.

Hymne au soleil d'Amarna.

Avant d'abandonner les textes de prières, on aimerasans doute à trouver ici ne fût-ce que quelques phrasesextraites de l'hymne fameux qu'Aménophis IV avaitcomposé pour son dieu Aten et dont l'écho se retrouvedans le psaume CIV. '

e nn"""'" t ~ = IQ] -- 0 Q "Y." nA il h ry.k njr m Jh.t---Jll~ ~ ~ ~'c=:> en 0. ~ V?itt 'i 0 T w '"

nt p.t pJ Un rnb-, tu apparais beau à l'horizon du ciel, (le)disqUe vivant.

~}='} J -; ~ ~ ~ "'~ t: iw.k wbn.ti m JI;.t iJbU,tu es te levant dans l'horizon oriental;

~ 10 :: ;::'=" ~t :1 =' shij.n.k tl nb m nfr(w).ktu illumines toute terre de tes beautés;~ '=" = ~ ~: J;,tp.k m lb-.t imnt.t, tu te reposes dans

l'horizon occidental;-.- = ='== n~ ,.;.,....=~ tl m kk m shr n m(w)t.I~ . 'C7' * Il ~ a -~ ""

la terre (est) dans l'obscurité à la: manière de la mort

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(remarquez qu'on a remplacé le ~ dans le mot mort pouréviter le signe de la déesse vautour Mout).

~ } 11> = r} J~ ~ = ~ = ~ ~ iw ~I m swJ;,. t md(w)m inr, le, poussin dans l'œuf, parle dans la pierre (de sacoquille) ;

~::.'?! =:ê g- c=:> rf- -; rdj.k n.f ~/(W) m !J,nw.s r s- rnb-, tu lui donnes les souffles à son intérieur (del'œuf qui est féminin swJ;,. t) pour le faire vivre.~ Cf.b"~ ='"~ ~ q hiS.w.t hJrw ks tJ n km.t,olll!. 1 1 c::::::J 1 _O"'df "'" '"

les pays étrangers (dét. ~ terres étrangères), Syrie etNubie (Koush), 'la terre d'Égypte (kmt veut dire la noire,c'est un des noms les plus fréquents pour l'Égypte) ;

~ il 'C7 c=:> ~ ~ - rdf.k s nb r s.t.j, tu mets chaq~ehomme à sa place; •

f' 'C7~ .: t Pi~~ 'i1 wr nb !J,ri wnm.f MbrJ;,0, chacun ayant (l'Égyptien dit sous) sa nourritureet le compte de ses jours (de sa durée de vie).

Un grand capitaine de Thoutmès III.

Mais après ces élans du cœur vers la divinité, qu'elle semanifeste sous, l'aspect du soleil Râ, ou celui d'Amon-Râ,ou encore, pour le réformateur Akhenaten, sous le nom,à peine exprimé de Râ, par. le disque de l'astre, nouspouvons nous tourner vers d'autres secteurs de la vieancienne et penser, tout d'abord, aux exploits des brillantscapitaines de Thoutmès III au cours des nombreuses expé­ditions en Asie de celui qu'on appelle parfois le Napoléonde l'Égypte. Le général Amenernheb ~:: ~ l 'ÇJl7 J imn­m-J;,b, Amon en fête, nous a laissé dans sa tombe à Thèbesle récit des prouesses qui lui valurent, d'abord des décora­tions, et ensuite le privilège d'une sépulture somptueusedans la montagne de Cheikh abd el Qourna. Écoutons-le :~}O-'C7~4c=:>~,-~~~±~ iw sms.n.(f)

nb.j r nmt.f J;,r b-JS.t mJ;,t.t rs.t, j'ai suivi mon maître dans

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ses marches (expéditions) vers le pays étranger du Nord(et) du Sud;

~::: ~.} ft ~r~:> !::J 1 ~ mr.f iw·i m irird(wi).f, il voulait que je sois comme compagnon deses pieds (iri~ appartenant à) ;

l. )~.}!illl~~~~j, in('i) rlmw s 3 m s1J(r)rn!J, j'amenai Asiatiques 3 hommes comme prisonniers(frappés vivants) ;

.'" - n AYil ~ - hl"- <=> ~ 1 '1':.[ "- <=> ~ ~ w t spr J:tm.f r nhrn,lorsque arriva Sa Majesté au Nhrn (le nord de Syrie) ;

&ft :-~ ~ ~ 1 ~~ ~ ~ ~ ~ -; j, rdi ~st m blJ:tJ:tm.1 m #r- rn!J, je plaçai cela (les trois Asiatiques)•devant Sa Majesté comme prisonniers.

~ .}±ft~.}III~~ (0 E5~)&st iw mll.n.fn!Jt.wnswt biti mn-!Jpr-rr di rn!J, j'ai vu les victoires du roide la Haute et de la Basse-Égypte Menkheperre (Thout­mès III) (puisse..t-il être) doué de vie;

r~ l i ~ 7)~ J:tr !JIS.t snq,lr, sur le pays étrangerde Sendjar (Qalaâ.t el-Sandjar sur l'Oronte).

~! ~ '" ~ ~ 7 ~ ~ ~ I~ ir.n.f !Jlyt f"J.t im sn, il afait un grand carnage parmi eux (les ennemis) ;

<=> - - ~ 0 1iX 11 ·d· 1 ' b h .4-lJ _ j •.. - X"'.1t r l.n. n.~ n n. S'f2J.t, Il me

donna l'or des louanges (des décorations) ;

,:::~ ~ li -1 ~.}) rJ:tr.n rdi.n Pl wr n 1Jdsw,le pI-ince de Kadesh (sur l'Oronte) fit (construction avecl'auxiliaire rJ:tr)~ ~ :!=~1:9 prwr.tssm.t,sortirunejument;

Q'}-r~~~~~~tt!îw.s J:tr r1Jm !Jnw Plmsr, elle pénétra au milieu de l'armée (construction iw­J:tr et l'infinitif).

~}ftr~e~1~~~r=lliw.i J:tr s!Js!J m SI.S J:trrd.wi, je me précipitai derrière elle à pied (sur mesdeux pieds),

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~.~ ~ ~:j ~ ~} {7 !Jr prj mrSw, avec (sous) monpoignard (lire msw).

~ } ft r~ :;:7 - iw·i J:tr wn !J.t.s, j'ouvris soncorps,~~~- it ~ ~ - srd.n.j- M.s, je coupai sa queue,

~ j+ ,} ~ ~ +'" ~ rdi.n.i sw m blJ:t nswt, jeplaçai cela (la queue) devant le roi.

On doit se représenter comme suit le dernier exploit :L'armée avec son corps de chars attelés d'étalons fougueuxest en ordre de bataille devant la forteresse de Kadesh.Le prince pour jeter le trouble dans ce bel ordre lanceune jument qui pénètre parmi les chars. Amenemheb seprécipite à la poursuite de l'importune cavale, lui ouvrele flanc, lui tranche la queue et vient triomphalementapporter celle-ci au roi. Du coup la bataille sera gagnéeet le prince de Ka-desh vaincu.

Pillage de la nécropole thébaine.. .

Mais .nous allons quitter les régions de Syrie, où lesarmées de Thoutmès III prouvaient que Thèbes, la capitale,était bien le centre du Inonde, pour constater qu'à laXXe et à la XXle dynastie, Thèbes était en pleine déca­dence, ainsi que nous l'apprend le dossier d'une instructioncriminelle dont les documents sont dispersés dans lesmusées. Dès bandes de brigands pillaient la nécropoleet lorsqu'on arrêtait un des principaux coupables, celui-ciréussissait à s'évader en corrornpant le gardien de laprison. C'est ce qu'on trouve raconté dans le PapyrusLéopold II qui vient heureusement compléter le PapyrusAmherst connu depuis longtemps. Nous y lisons le protocoleofficiel du tribunal chargé de juger le chef de la bandeet plUSIeurs de ses complices.

.Amenpenefer ~ == ~ ~ it ::: ft imn-pl-nfr, (Amonle beau), fils de Anhournakht ] ~ ~ Ii:j inJ:tr-n!Jt

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- 88,-

(Anhour le puissant) vient de raconter comment il a dirigéune expédition contre une tombe royale, comment sescompagnons et lui ont détruit les cercueils, brisé le mobilieret arraché ror qui fut équitablement partagé en huitportions. Il continue :

~<:'~!l>.~~~~<:>"'@1 iW.n çfly.n.n r n.t, nousretournâmes en ville.

!.4<:> ru~ ~ <:' ~ !j } ~ ~ ~ !~ o@ 1 lfr ir hrwiwni w rrtw n n. t, or après, des jours les fonctionnairesde la ville;

ttJ ~ \\ ~~ <:' ~ 'L ~ ,<:' Û ~ 1l-. ~ '" \\ ~ sdm-~~..",l~ 111.!:::l>.molll~"'.mrlilil _ z

r çfd wnw.n ~/Wt m tl imnt.t, entendirent, c'est-à-dire quenous avions été voler dans la montagne occidentale.

~ ,<:' !~ ~ ~ ~ ~ iw.'li! Sdi im.j, ils s'emparèrent demoi;

~<:' !:JXt3~~ n~~ 0 ~~~ AA ~~'! o@1 iw.wçfd1;tJ m tl S. t Pl 1;J.ti- r n n. t) (et) je fus enfermé dansla résidence du prince de la ville.

~ <:' ~ li> l>.::: AA l>. n-:::=~- A iW.i ~/(i)PI 20 nd~n n wb, (Or) j'avais prisles20 deben d'or; ,

, ~ 1h ru ~ ~ ~ ~ i~ ~ ~ ~ '" C I~I i hlyi r.i m diyt (lirednyt) , qui étaient verius à moi comme part,

~ (~, ~ ~ ! - ~ :;,~ ~ ~ ~ ~ n ~ - 0 ~= ~ <:' ') ~n oo 1 iW.i dj ~tw n S5 SPd lfr-m~iptntl mniw n. t, je lesdonnai au scribe du district Khaemapet ,du quai de la ville,

~ ~ --1 ~ -:r.:~ iw.f lflr.(w)i (et) il me libéra.

Justice sommaire.

Mais voici bien une autre histoire qui parle de troublesgraves où sont compromis des gens de la police, dontl'autorité juge nécessaire de se débarrasser sans laisser detraces. Le général Piankhi, fils du pharaon Herihor, legrand prêtre qui a' détrôné le dernier. des Ramsès de laXXe dynastie, écrità ce sujet à trois personnes des lettr~s

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qui ont été retrouvées et appartiennent au musée deBerlin. Après l'adresse: Le Général de Pharaon au fonc­tionnaire Paï-shou-ouben, on lit :

l ::,~ ttJ ~ <:' ~ ~ ~'~ ~ ~ ~ ru ~ J p,' ='~ r <:' !1;nr-çfd sçfmw.j md.t nb i hlb.k 1;r1;rw, à savoir (expres­sion stéréotypée 1;n r-çfd) j'ai entendu toutes les parolesau sujet desquelles tu as écrit (tu as envoyé);

j;,{~ <:' ~ ~ ~ ::: =' i \\ ~' ~ ~ ~~ \\ ~A~ ~ ~ ~ 1 1

PIW çfd i irww.k tlï md.t Plï mçflyt 2, le dire quetu as fait, la parole des deux gendarmesmçJ:lY (ce sont desNubiens que l'on recrutait pour le service de la police, dansle pays de Madja) ;

<:>::;:"::;:" <:' !~ ~ ~ i ~ ~ ~ r çfd çfd.w nlj md.t, c'est­à-dire : ils ont dit cette parole.

~~~~~~~,~<:'~~~fijk)7~~~~g:~iirw w r iYYlmw (lire irm) nçfm. t sS ~JYlY (lire ~ry) mmi.t(i).t, réunis-toi (fais un) avec Nedjerriet (et) ,le scribeThary également (les destinataires des deux autres lettres) ;

~~ru~J<:':~~~ l~AA ~\\~!~~j;;11~ ~? ~ mtw.k hlbwt mtw.k rdj.t in.tw pli mçflyt 2 i(pour r)' pr.i,envoie-(toi) fais-(toi) amener les deux gen­darmes dans ma maison;

~~ l ~ <:' <:' 'Ii~ ~ ~ <:' !~ ~ ~ ~ ~ ~I mtw.k in P1;wwnlYw md.t mss sp 2 fais (toi) amener un témoin (P1;ww)des paroles, vraiment, vraiment (SS sp 2);

~ ~:: J <:' ~ mtw.k !J,dbw, fais tuer (les gendarmes) ;

~ ~ 1~ -:r.: <:' !~ ~ \\ :: ~ ~ l <:' r=r ~ mtw.klfJf".w (in) PJï mw 'm gr1;w, fais les jeter (à) l'eau pen­dant la nuit;

~ <:' ~ ~ 0 :> <:' ~ ~ :: ~ C7 ~ ~ \\ ;; iiR; m di.trmlww rm~ nb pli tl, ne le laisse savoir (ancien rm) d'au­cun honuhe du pays.

On a saisi la situation: Deux gendarmes ont tenu despropos dangereux pour la sécurité publiqùe; il faut qu'ils'

Page 47: Je Lis Les Hieroglyphes

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disparaissent. Les autorités vont se réunir à la maison dugénéral. C'est d'abord le scribe de la nécropole Tharydans le domaine duquel s'est vraisemblablement commisle délit; puis la princesse Nedjemet qui est, en même tempsque l'épouse de Herihor, la grande favorite d'Amon àThèbes, la représentante de la divinité, et enfin un fonc­tionnaire du général Piankhi. Ce sont du reste ces troispersonnalités qui ont saisi le général de l'affaire. On feravenir les deux accusés, on les confrontera avec un témoinqui confirmera leurs paroles. Alors seulement on les tuera,on jettera leurs corps au Nil pendant la nuit et on aurabien soin que personne n'en sache rien. Ce sont là procédésplutôt de police secrète, mais avec, néanmoins, des ga­ranties...

Néo-égyptien.1

J'ai transcrit ce texte, écrit en cursive rapide sur papyrus,avec toute sa physionomie de la langue de l'époquè de ladécadence. thébaine. C'est du néo-égyptien, dont Ermana fait la grammaire spéciale, citée plus haut. On constÇ.teracombien ce texte présente de complications, dans lestournures de phrases, dans l'emploi de particules, avecune multiplication de w et de tw, des signes du pluriel,par rapport aux exemples de la langue classique. La vieillestructure rigide de l'ancien et du moyen égyptien esten train de s'effriter.

Écriture énigmatique.

Le lecteur a pu déjà se familiarisèr sUffisamment avecl'aspect de textes hiéroglyphiques pour se trouver complète­ment perd.u devant une inscription du genre de celle-ci:

o~ :=.@. W0 '-D.~~~ .@.~~ ou tfJ ~ = i '\= ~ C\.. ~ ŒI~ Co = ~ JJJ 0~ ~ *0; on s'aperçoit que Cedoit être quelque chose de différent, bien qu'il s'agisse designes en majorité connus. Ce sont en effet deux phrases

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prises dans un texte écrit en. caractères énigmatiques,.véritables jeux de scribes, dont on trouvera beaucoupd'exempleS dans les inscriptions de l'époque ptolémaïque.Le procédé a commencé de bonne heure, et déjà nous enavonS rencontré un exemple avec '1. ns langue, mis àla place de ~~ imy-rJ, dans la bouche, pour écrire mrchef.

On pourrait citer encore le cas si pittoresque du motnsw, roi, écrit insw ] t ou par un petit homme marchantqui porte devant Iuile signe sw, ce qui fait rébus pourinsw, nsw. Et mieux encore, dans une inscription deRamsès II à Louqsor, un singe debout," marchant etportant précieusement dans ses mains l'œil sacré ~wq,J.t

C'est une allusion subtile à un épisode du mythe du granddieu du ciel. Lorsque l'ennemi, perpétuellement au combat,eut blessé et mutilé l'œil lunaire, le dieu Thot, régulateurdu temps, restaura l'œil et l'apporta au dieu Horus.Le singe étant l'animal de Thot, lorsqu'il apporte l'œil,un scribe subtil a imaginé de lui faire signifier: il l'apporte,in-sw 1

Sur deux statues de l'architecte Senmout on a relevédeux symboles énigmatiques dont l'inscription qui lesaccompagne affirme : 1~ ::~ c:: 'il ~ ~ -=- ~ llM. Co -'­

~~ WJI ~7~! tit ir.n m k(Jjt ib.i m irm S/,;t nngm m S8 tp-r{w j, signes que j'ai faits selon l'idée demon .çœur et par mon propre travail, sans les avoir trouvésdans un écrit des Andens(DRIOTON, A.S.A.,t.XXXVIII).G. Rôder a préféré traduire « comme amusement ) au lieude « par mon propre travail ).

Reprenons les deux phrases citées précédemment etvoyons les valeurs établies. par le professeur Sethe : .0 a lavaleur de mi; 4-Jl:= se lit mrr;' ~ est le verbe mJJ"le signe divin déSigne Ptah ; 0 = mi; 4-Jl~.~ = mrr,'~ = irt,o ~ = f,o rt = k,o.= = n,o 1 = nU; '\ .; i,o~ = !id; JJJ = !J,o * = wnw. t. Cette dernière valeur

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nous donne une indication sur le processus : 1fi5>. pour muva tout seul; comme aussi)} pour nU; ~ irt pour l'œild'Horus; 11"'- est pris du mot ver ~ ~ lJ1,\... rJ,dft. Pour~, qui se 'lit d'habitude mr, il faut se reporter au mot""--. 0 ~ ~ = nwy eau, pour ~, avec la valeur k, aumot ::::~ .::> ~ knmt qui signifie peau, et pour jJl = !J aumot !Jrd enfant. On voit apparaître ici le principe acro­phonique, où la première lettre d'un mot est retenue seulecomme valeur dans l'écriture.

Faut-il traduire les deux phrases mystérieuses? Voicile sens que leur a donné le professeur Sethe, en s'appuyantsur des versions en écriture normale : De même que 1'aimeà voir Ptah, de même qu'Horus aime à voir son œil... écoutemon appel vers toi, interviens pour ce que tu as dit, chassel'heure mauvaise...

Si tous les hiéroglyphes se présentaiènt de la sorte,comme de véritables tours de force d'ingéniosité pourdéguiser la pensée qui se cache sous ces rébus, on com­prendrait que le mot hiéroglyphe soit synonyme de choseincompd~hensible. Mais le but réel de telles fantaisiesétait moins de cacher la pensée que de faire preuve desubtilité; car le plus souvent une version en hiéroglyphesordinaires se lit à proximité du texte fantastique. ÉtienneDrioton qui a, le plus récemment, et avec le plus de succès,dévoilé les habiletés des vieux scribes, nous dit que lacryptographie « procède par énigmes constamment renou­velées, impossibles à codifier [on l'a bien vu par les valeursdifférentes attribuées à 11"'-]. Bien plus, au lieu de se cacher,elle s'affichait sur les monuments à des places de choix;les textes enfin qu'elle dissimulait n'avaient rien de mysté­rieux, louanges des dieux, protocoles royaux, panégyriquesde fonctionnaires, ou même prières usuelles pour les défunts.Il faut conclure de tout cela que la vieille cryptographieégyptienne, telle que nous la connaissons,. n'était qu'unecryptographie d'agrément visant à procurer aux lettrés

les pures JOIes de l'esprit, et que, si elle a trouvé placedans certains monuments, ce fut pour en rehausser l'intérêtpar les énigmes qu'elle proposait à leurs visiteurs. » (LeRayon, 15 avril 1935. Le Caire). Et le même auteur conclutune autre étude sur le même sujet par ces mots: « On nese fera une idée juste de cette cryptographie qu'en yreconnaissant une manifestation de l'esprit légendairedans lequel Nectanébo envoyait des énigmes à résoudre àLycérus, ou Apopis au roi de Thèbes. » (Revue lorrained'anthropologie, 1934.)

Les petits Égyptiens à l'école.

Ce n'étaient pas de tels hiéroglyphes qu'on apprenaitaux petits Égyptiens lorsqu'ils allaient à l'école. En réalitéon commençait par l'hiératique, c'est-à-dire par l'écriturecursive, l'hiéroglyphe ayant avant tout une valeur monu­mentale. On envoyait de bonne heure les enfants à l'écoledès qu'ils n'avaient plus besoin des soins de leur mèr~et c'était, dans la société égyptienne, l'espoir d'une montéevers les plus hautes fonctions qui inspirait aux parents depréparer leurs fils à cette fonction de scribe qui dépassaittoutes les autres.

Le sage Ani, au Nouvel Empire, dans un livre de Sagesseadressé à son fils, s'exprime comme suit : « Double lesrations de pain que tu donnes à ta mère, sois son soutienautant qu'elle t'a porté. C'était pour elle un lourd fardeauet jamais elle ne s'en est remise à moi. Révolus les moisde la gestation, et lorsque tu vins au monde, elle te portasuspendu à son cou, et pendant trois années son sein futà tes lèvres. Jamais elle ne fut dégoûtée de ta saleté et nedit jamais « Qu'ai-je à faire? ». Elle t'a mis à l'école pourqu'on t'y apprenne à écrire et elle était là, chaque jour,avec le pain et la bière de sa maison ll. L'enfant est enpension chez le maître, et un texte nous montre la viequ'il y mène: «( Lève-toi, à ta place, déjà tes camarades

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ont leur livre devant eux. Tiens tes mains à ton pagne,. les yeux baissés !Quandon te donnera ta tâche journalière,garde-toi de toute paresse... lis diligemment. Et si tu as àfaire un calcul, qu'on n'entende pas un mot. Écris de tamain, lis à haute voix; demande conseil au plus habile.

1

Ne traîne pas, ne passe pas ta journée à muser, car sanscela, gare aux coups. Tâche de pénétrer la méthode de tonprofesseur et écoute ses instructions )l. Les pédagoguesdisaient que « l'enfant a des oreilles sur le dos et qu'ilécoute celui qui le frappe ». Un élève reconnaissant écrivaità son maître: « J'ai été avec toi dès mon jeune âge, tu asfrappé mon dos et tes enseignements sont entrés dansmes oreilles n.

Les dictionnaires.

L'enfant qui entre à cette rude école, parle sa langue,telle qu'il l'a recueillie des lèvres de sa famille; il lui fautl'enrichir, au point de vue du vocabulaire et au point devue du beau langage. On lui apprend ces choses, oralementd'abord, et il ne peut en être autrement, par écrit ensuite.Les mots qu'il récite en séries analogiques sont enregistrésdans des papyrus qu'on pourrait en un certain sens appelerdes dictionnaires. Voici le préambule du papyrus Hood­Wilbour: « L'enseignement qui instruit le cœur et donne àl'ignorant la connaissance de tout ce qui existe, ce que Ptah(dieu créateur) a créé et ce que Thot (dieu de la science)a enregistré, le ciel avec les astres,. la terre et ce qu'ellerenferme, ce qu'expriment les montagnes et ce qui jaillitde l'océan, les choses qu'éclaire le soleil et tout ce qui poussesur la terre. » (B. VAN DE WALLE, Revue des Questionsscientifiques, 1933.) On trouve ensuite des énumérationsde mots, plus. ou moins groupés analogiquement : Ciel.Disque solaire. Lune. Étoile. Orion. La Cuisse (la GrandeOurse). Le Singe géant. L'Hippopotame femelle. Ouragan.Tonnerre. Aube. Ténèbres. Lumière. Ombre. Flamme,

l,

'1

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Rayon de soleil. Fleuve. Ruisseau. Source. Torrent .L'immensité des eaux. La crue. Bras du Nil. Mer. Flots.Lac. Pièce d'eau. Puits. Citerne. Réservoir. L'eau étale.Étang. Les hauts cantons. Les bas cantons. Les bas-fonds.Les marigots. Rigoles. Caniveaux. Mares. Flaques. Terresen bordure. Berges. Chaussées. Digues (?). Iles. Plaines.Terrains hauts. Tertres. Les argiles. Ce qui vient en saison.Bois. Les sables. La boue. Les terrains incultes. Les terrainscultivés. Cela continuait ainsi en listes diverses qui rap­pellent les groupements sémantiques des dictionnairesanalogiques.

Les classiques.

Bientôt, les mots, connus par cœur, étaient écrits par lemaître et copiés par l'élève et, mis en rapport, constituaientde petites phrases qui parfois sont organisées en para­digmes. L'étape suivante consistait dans la dictée ou la

. copie de phrases empruntées à des écrits considérés commedes classiques. Nous en connaissons plusieurs qui ont servi

, à l'éducation des jeunes scribes pendant plus de mille ans,comme les Mémoires de Sinouhit. On attachait grandevaleur pédagogique aux œuvres du vieux scribe Kheti(d'autres transcrivent Akhtoès) auquel on attribue: unécrit religieux, l'hymne au Nil; un écrit philosophique, lesInstructions du roi Amenemhat à son fils Sésostris et unécrit satirique destiné à vanter la carrière littéraire, laSatire des Métiers. On en possède des exemplaires surpapyrus, et des extraits fort nombreux sur ces éclats depoterie et de calcaire qu'on appelle des ostraca et qui,à côté des tablettes de bois couvertes de stuc ou des tablettesde calcaire, comparables à nos ardoises, servaient auxdevoirs des écoliers.

Le papyrus était cher et constituait, peut-être dès lestemps pharaoniques, un monopole royal; les écoles,dépendant des temples le plus souvent, n'en permettaient

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qu'un usage parcimonieux. Lorsque le jeune élève avaitsuffisamment prouvé son habileté, lorsqu'il avait enregistrédans sa mémoire assez de textes littéraires, il pouvaitfaire son « chef-d'œuvre» sur papyrus. Nous possédonsbon nombre de ces travaux d'examen, qui portent parfoisen marge des corrections du maître. Le jeune scribepouvait alors entrer en apprentissage dans un service del'État, d'un temple, d'un grand domaine, etc.

Modèles de lettres.

La littérature pédagogique de l'Égypte possède bonnombre d'écrits rédigés par des scribes lettrés et quidevaient servir d'exemples. Ce sont des modèles de lettres,traitant de sujets divers, lettres adressées par le professeurà l'un ou l'autre de ses disciples, lettres de l'élève recon­naissant qui fait l'éloge de son maître, etc. Veut-on unspécimen savoureux des remontrances envoyées au jeunehomme qui se dissipe?~ ~ ~ 'i l ~ ~ d ~ ~ I~r .nU tjd.tw.n·i !p('.k Ss.w

A savoir: on me dit que tu abandonnes les lettres,

~ ~~ ~ ri ~t J <:' f ~! slm.k m ilb.w, que tute dissipes en plaisirs; .~ ~ 7f'~ ~ ~ l ~ ~ 1~ 1~ ~ 1 LJ tW.k /:tr sm.t m

kir n kIr, tu vas de ruelle en ruelle;~ ~ ~ \J~~ ~ (5 ! <:::> :. ?Î "'f, ~ !~ ru ./.l ~ sti /:t~.t r tnw twk.tw

où sent la bière vers la perdition (tnw twh. tw senspeu assuré).

l ~ (5 <:::> ~ ~ ./.l ~ 0 ~:: lit ~ J:t~.t rwî.st m rmt la bière,elle écarte des hommes,~+<:' ~ ~ ~ ~ =- 5f. lit r; ; ~ dw SW ply.k bl J:tr

thth cela met ton âme en désordre;~ ~ g~ 1 ~"; '-'- ID ~ f\ ~ tS ~ ~ ~~ 1 tw.k mi

wsrw gws (écriture syllabique gIWJ5/) m Wil, tu es com­me le gouvernail inutilisable (endommagé) dans un bateau,

De l'aide-mémoire à l'écriture.

'Quandon essaie,d'une manière, hélas très théorique, dese .représent~r . les origines de l'écriture hiéroglyphiq:i.Ie,on ne peut s'empêcher de croire qu'elle adû servir long­temps d'aide-mémoire pour la récitation de textes apprispar cœur et qui/ .par leur caractère rituel, devaient êtrereproduits littéralement et sans omissions. L'écriture.soutenait alors la mémoire, et l'on comprend même .de lasOrte. que le texte ne nous donne pas tous les élémentsgrammaticaux que nous nous étonnons souvent 'de n'y pastrouver. Il dut y avoir un moment où un congrès de savants,

7

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pour parler comme Loret, se réunit pour adopter lesperfectionnements au système, perfectionnements quiallaient, pour la première fois, lui permettre d'exprimertoutes les idées, et, ce qui était beaucoup plus important,les transmettre au loin, sous forme de lettres ou de décrets.Lorsqu'un roi fait graver sur le mur extérieur d'un templeun décret d'immunité pour tout le personnel qui en dépend,ce n'est plus un texte de récitation, mais un texte d'infor­mation et d'avertissement. Lorsqu'un explorateur faitgraver sur la façade de sa tombe la lettre de félicitationsqu'il a reçue du roi Pepi II enfant, auquel il a rapportédes régions du Haut-Nil, un nain danseur, c'est l'expres­sion d'une fierté compréhensible de la part du princed'Éléphantine Hirkhouf et, de la part du roi, l'expressionde la hâte à recevoir un nouveau joujou. Depuis longtempsdéjà, l'écriture née dans les temples, pour les besoins duculte, s'est sécularisée; mais sans avoir pu se débarrasserdes imperfections dues à son origine comme aide-mémoire.

Une inscription funéraire ordinaire.

Il est temps que je donne un exemple caractéristiquedes inscriptions funéraires fréquentes, contenant cesexpressions et ces formules qui se retrouvent sur d'innom­brables objets sortis des fouilles, dans toutes les régions del':Égypte et à toutes les époques. Il s'agit d'une stèleappartenant aux Musées Royaux d'Art et d'Histoiredon de Charles Waucquez en 1905) et qui provient de latombe d'un scribe 1~.~ wsr Ouser, de la XVIIIedynastie.

t ~ ~ nswt di /Jtp. Il faut lire /Jtp di nswt et tr'aduireoffrande que donne le roi,n~}.@1H3 wSir nb rJdw n~r ri Mp rJ.t (à)Osiris maître de Busiris, dieu grand, roi de l'éternité;

q;;. ~ ~ 1m inpw lJnti s/J n~r, (à) Anubis chef del'édicule divin ;

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~ : ~ /J.t-Ifr /Jrf-rJlrJl s(m).t, Hathor la supérieure(/Jrf-rJlrJl veut dire littéralement : qui est sur la tête) dudésert,

1111: qq~ qf ~}. i l n~r.w n~ry.w(.t) im(i).wbr-ntr, les die~~' (et) les déesses qui sont dans la nécropole,

~~I~l~,I~!I~IlliI~1~~:!~~l1rdi.sn hl m tl hl m hk.t hl m kl hl. mn hl m mnh.t hlm sn~r !JI m m;/J.t, po~r qu'ils ac~ordent~mille en~pains,mille en bières, mille en bœufs, mille en oies, mille enétoffes, mille en encens, mille en huile,

l~~ l ~ ~ :l ~ ? ~ Cl :.t; ll~1 ":: lJ1 m /Jtp.t lJ1m rJjl.W IJ1 m bt nb.t njr wrb /Jnk.t rnp.t nb.t, milleen aliments, mille en provisions de bouche, mille en toutechose bonne et pure, tous cadeaux et verdures fraîches,

~~9 Î 'Ç?~ 1:: ]=l 0:~ ~ ~ ~ l Qddj.t p.t/JmJ.t tJ inn /Jrpï m tP/J.t.j, que donne le ciel, que créela terre, qu'apporte le dieu Hapi (le Nil) de sa caverne;

r~ q::: ~ ::: r j J qq=q.: }. =~ sw(r)i mw/Jr bbyt itrw, boire l'eau à la babaït (tourbillons?) du fleuve,

rrc.eJ:Y !~ ~ =; l ~ Qc. :y s.snt ~IW nrJm 11, m/Jy.t, res­pirer le souffle agréable du vent du nord,

. .I::J ~ ~ Ô~ f- '; rIJ pr. t m bl rnb, entrer (et) sortir,comme âme vivante,

-:u:~~ 1\ l j 'lE?~ 5f }.! r ssp ddi.t tP-tl m /:tb nbnw rnb.w, pour se saisir de ce qui est donné sur terre àtoutes fêtes des vivants (euphémisme pour les morts),

u ~ i r ::: ~ ~! 11, kl 11, S S wsr mJ( brw, au double(à l'âme) du -scribe Ouser juste de voix (expression dulangage juridique pour dire qu'on est sorti vainqueurdu jugement).

q}.~~q~ ~ ~~~ l0l~~~ iw·fiyi.kwjrn.tn/J/Jr n. t nt rJ. t (Car) je suis venu à la ville d'éternité,vers la cité éternelle (n/J/J et rJ. t sont deux expressions

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querrous n'arrivons pas à distinguer et qui \iésig~ent

toutes deux l'éternité).

Vient maintenant le bref panégyrique suivant :

-"- i i ~ 0 } ~ ~ ~ ~ ~ ~ =- ~ ~ n sr!J. t ngm.tw wn n g,d.j grg (il faudrait ~~) r ky, je n'ai pasdénoncé, je n'ai pas été trouvé en faute, je n'ai pas menticontre autrui.

Au sommet de la stèle est un tableau coinposé de cinqpersonnes. A gauche le scribe Ouser est assis à côté de safemme qui le tient tendrement embrassé; debout à côtéd'eux est un jeune enfant· 0

0 7 "<t:.. <=> _ .JI 0 '\lI 0 ~'- . __ <=>_ JJn_ ~

~ ~ ftm.t.f mrj.t.f mrr.f n S.t ib.f tl-nfr .t, sa femme,son aimée, sa chérie de la place de son cœur, Ta nefert.De l'autre côté, à droite d'une table d'offrandes abondam­ment chargée de tous les aliments cités par milliers dansla prière aux dieux, se présentent deux hommes dont lepremier verse de l'eau d'un vase à libations, le secondporte sous le bras une palette de scribe. Ce sont : ~ r1~ sl.f wrb m(j)l:ttw, son fils le prêtre Mahou et ~~fli!J mi sl.f mrj·f S8 irft-ms, le scribe son fils chériAhmès.

Chose curieuse, mais qui n'est pas très rare, l'inscription,dont les signes commencent de gauche à droite en serapportant aux deux fils, va, après trois lignes vertica­les, continuer de droite à gauche, comme se rapportantau couple défunt: ..:0:-. 1 fi ~ = =- "Ç7 t !'i Q.....JI ['\. "Ç7 ~

o 1= lM CI 0 _ eo 0 !'~ 0111 èJ III CI

(changement de direction) ~~~ ~ ~ ~ !:L ~ 1 ~ :: ~ir.t IJtp di nsw n.k (i)!Jt nb.t nfr.t wrb.tlJnk.t rnp.tnb.t IJtp.t g,fl.w!Jt nb njr.t ng,m.t n kl n 58 wSr, faireune offrande que donne le roi pour toi, en choses toutesbonnes et pures, cadeaux et provisions toutes, offrandeset provisions, toutes choses bonnes et agréables pour ledouble du scribe Ouser.

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La formule de l'offrande.

Cette expression +&~ est écrite aussi +;;o~, et elle/a fait couler déjà beaucoup d'encre pour en définir lasignification première. Elle se rapporte à l'organisationfort complexe du culte des morts et au mouvement d'of.,.frandes en nature qui, après avoir été consacrées auxtemples des dieux, étaient distribuées, par virementdirait-on, sur les tables d'offrandes de tous les défuntsqui en avaient obtenu le privilège, par faveur' royaleou par le fait de fondations à perpétuité. On avait com­mencé par indiquer d'où la chapelle de la tombe recevaitsa dîme des revenus du roi et des temples des dieux funé­raires. Ensuite on prend l'habitude de dire que l'offrandese fait à tel ou tel dieu, ou, comme ici, à tous les dieux dela nécropole, pour qu'ils accordent au défunt le sacrificealimentaire fourni par les prêtres du double. Ceux-ci enétaient finalement les bénéficiaires « après que le morts'en était satisfait ll. .

Caractères généraux des hiéroglyphes.

. On a pu se rendre compte, j'espère, du caractère spécialde cette écriture hiéroglyphique, paraissant s'être arrêtéeen route entre la pictographie, représentant les idées par.des images, et les écritures phonétiques reproduisant parun petit nombre de signes conventionnels les sens d'unlangage. Les Égyptiens ont gardé, et c'est bienheureuxpour nous, encore une partie des signes d'images, environun dixième, disait déjà Champollion. Ils ont un grandnombre de signes qui, par le moyen du rébus et dans lacryptographie, par l'acrophonie, servent à noter les articu­hüions consonantiques. sur lesquelles le lecteur devaitadapter la musique précisée de. sa parole, avec toutes sesnuances grammaticales et syntaxiques. Il y a, enfin,quelques signes qui se sont usés au point de ne plus repré-

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senter, au moins à nos yeux, que la. valeur d'une articulationsimple et nous les appelons des signes alphabétiques.

Au premier stade, la pictographie, je l'ai marqué au début,ne se rattache en fait à aucune langue; au stade du rébus,au contraire, l'union est indissoluble, à un point tel que leshiéroglyphes égyptiens n'ont jamàispu s'adapter à lalangue d'aucun autre peuple, en contraste avec les cunéi­formes des Babyloniens qui ont pu se propager dans toutle Moyen Orient ancien, en s'adaptant à des langues diver­ses, dont toutes n'ont pas encore été déchiffrées.

Hiéro~lyphes du monde moderne.

Chose étrange, à notre époque moderne de large circu­lation internationale, on a de nouveau recours, et de plusen plus, aux procédés de pictographie des hiéroglyphesprimitifs. Dans les hôtels des grandes capitales ou desvillégiatures fameuses, on trouve, à côté des boutons desonnette, de petites images d'un maître d'hôtel, d'unefemme de chambre ou d'un garçon de peine, et chacun litdans sa langue combien de fois il faudra sonner pourobtenir le service désiré. Hiéroglyphes, dira-t-on. Sur lesroutes, les signalisations sont faites au moyen de signesconventionnels dont la base est cependant figurative,afin de marquer à l'avance pour l'automobiliste les diffi..:cuItés qu'il rencontrera, les dangers qu'il doit éviter:Sur les colonnes électriques, des signes hiéroglyphiquesavertissent l'imprudent de la mort qui guette. Nos caissesde marchandises affirment, en toutes langues, par ledessin d'un verre, que le contenu est fragile, etc. La Babelde notre terre, où les gens venus des régions les pluslointaines se coudoient, nous oblige à reprendre des pro~

cédés que nous étions tentés d'abord de considérer commeprimitifs ou enfantins. Nous pratiquons de plus en plusl'actophonie, par les compositions barbares de la C.G.T.et nous parlons de Cégétéistes; du Shaef pour le Supreme

'".r

103 -

Headquarter Allied Expeditionary Forces; de l'URSSalors que les initiales U.R.S.S. ne répondent pas, en russe,à notre traduction : Union des Républiques SocialistesSoviétiques, etc. .

Les lois générales de l'humanité.

Les vieux Égyptiens ont travaillé suivant des lois quise retrouvent constantes dans l'humanité, ils ont eu recoursà celles-ci, avec une remarquable ingéniosité, pour répondreaux besoins de plus en plus complexes de leur grandecivilisation. Tant qu'on ne s'est pas donné la peine del'étudier avec suffisamment de sympathie et de persévé­rance, elle a pu sembler en dehors des normes de noscivilisations occidentales. Maintenant qu'on la connaîtmieux, bien qu'il reste encore tant à faire, elle seremet au plan de la vie, elle nous rend bien des étapes,les plus anciennes, de ce vaste mouvement par lequelnous sommes nous-mêmes entraînés. N'est-ce pas une choseémouvante que de pouvoir ainsi remonter à des millénairesen arrière, retrouver les idées, les passions, les crainteset les espoirs de ces êtres qui vivaient sur les bords du Nilau moins cinq mille ans avant nous et d'avoir ce quej'appellerais volontiers la surprise « rassurante » de lestrouver si semblables à nous-mêmes?

Si, par ce petit livre écrit presque au courant de la plume,après un contact familier de plus de cinquante années avecles hiéroglyphes, je puis aider quelques curieux et quelquesesprits réfléchis à se retrouver en communauté de penséeavec les vieux habitants de Memphis et de Thèbes, jen'aurai pas perdu mon temps. Puissent mes lecteurstrouver que je ne leur ai pas fait perdre le leur!

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TABLE DF:S MATIÈRF:S

Hiéroglyphes, notation de la langue égyptienne .Écriture sans voyelles .Radicaux consonantiques .Consonnes et voyelles . . . . . . . . . .Alphabet .De l'image au son .Signes alphabétiques .Alphabet égyptien .Sons particuliers .Un premier exemple de lecture .Exercices sur les signes alphabétiques .Signes de mots _ .Compléments phonétiques .Sens mlùtiples d'un signe de mot .« Bureau » en français .Le signe NEFER et ses sens divers .Déterminatifs .Signes de mots à sens très général .La palette du scribe. . . . . . . .Rubriques ' ' .Extension de sens du signe de la palette .Signes improprement appelés « syllabiques» .Une phrase d'un texte historique .Faible proportion des signes figuratifs .Échec des premières tentatives de déchiffrement .L'hiéroglyphe de l'œil .La grammaire égyptienne .La place des mots dans la phrase .Souplesse de la phrase narrative .Dix-huit manières de dire: « Le roi sort» .Pronoms-suffixes, absolus et indépendants .Amon et son cycle .

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imprimé en Belgique.

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MI'~lIlres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68111:4Jlosition des signes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69NI.\.ions de calligraphie 6gMutilations et suppression de signes 70Modifications des radicaux . . . . . . . . . 71Sl-puration des mots, fin de phrases ou de chapitres . . . . . . . . . 72Textes encadrant les figures des reliefs 72'l'<'xtes au milieu des figures 73~'hansons populaires . . .. . . . . . . . . . . . . . . . 751\ vcrtissement au visiteur de la tombe 75l,l' ùéfunt réclame des prières et des offrandes . . . . . . . . . . . . . . 76Biographies laudatives 78Un prince d'El Kab 79Une bonne réputation 80Prière au soleil levant et au soleil couchant . . 80J,ouanges d'Amon . . . . . . . . . . 82Démonstratifs et articles. . . . . . . . . . . . . . . . .. 83Hymne au soleil d'Amarna ' 84UII grand capitaine de Touthmès III 85Pillage de la nécropole thébaine . . . . .. 87Justice sommaire '. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88Néo-égyptien : . . . . . . . . . . . . . 90Écriture énigmatique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . goLes petits Égyptiens à l'école 93Les dictionnaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94Les classiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95Modèles de lettres 96Éducation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97De l'aide-mémoire à l'écriture. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97Une inscription funéraire ordinaire 98La formule de l'offrande lOI

Caractères généraux des hiéroglyphes ' 101Hiéroglyphes du monde moderne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 102Les lois générales de l'humanité .. ' 103

Pages

Dieux de Memphis 37Imhotep devenu fils de Ptah. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38L'EXPLICIT égyptien. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38Osiris " " , . .. 39Isis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39Horus................................................ 40Seth et Nephthys 40Autres dieux et déesses 41R.â et. sa fille Maat 42Problème chIonologique '. . . . . . . . . . . . . 42Up. honorable chien de garde du roi. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43Instruction pédagogique 45L~ problème des formes verbales , , '" 47Q~elques notabilités de l'Ancien Empire 48Notables du Moyen Empire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49Notables dù Nouvel Empire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50Noms propres égyptiens; leur origine 51Noms composés de « serviteur» et « frère» . . . . . . . . . . . . . . . . . 52Isidore et Suzanne 52Noms multiples 53La titi.Ùature des rois : . . 54Nom d'Horus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54Nom des deux déesses 54Nom d'Horus d'or (?) 55Nom de rois de Haute et Basse Égypte 56Cartouche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . 56Now de fils du soleil. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57Un prince sportif. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58Exploits guerriers. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60Rois d'Ancien Empire 61Rois du Moyen Empire 62Rois du Nouvel Empire " .. " . . . . .. . . 62Rois de la Basse Epoque. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62·Alexandre, les Ftolémées, les Empereurs romains , . . . . . . 63Le nom d'Aménophis IV-Akhenaten ~ . .. . . . 63Transcription moderne de noms royaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65Les. Thoutmès 65L'année égyptienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66J our et heures. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66Dates égyptiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67Chiffres. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . '.' 68

TABLE DES MATIÈRES ., 105

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